Affaire C-503/09

Lucy Stewart

contre

Secretary of State for Work and Pensions

(demande de décision préjudicielle, introduite par

l'Upper Tribunal (Administrative Appeals Chamber))

«Sécurité sociale — Règlement (CEE) nº 1408/71 — Articles 4, 10 et 10 bis — Prestation d’incapacité de courte durée pour jeunes handicapés — Prestation de maladie ou prestation d’invalidité — Conditions de résidence, de présence au moment du dépôt de la demande et de présence antérieure — Citoyenneté de l’Union — Proportionnalité»

Sommaire de l'arrêt

1.        Sécurité sociale des travailleurs migrants — Réglementation de l'Union — Champ d'application matériel — Prestation d'incapacité de courte durée pour jeunes handicapés — Inclusion en tant que prestation d'invalidité et non en tant que prestation de maladie

(Règlement du Conseil nº 1408/71, art. 4, § 1, b))

2.        Sécurité sociale des travailleurs migrants — Prestations — Clauses de résidence — Levée — Condition de résidence pour l'octroi d'une prestation d'incapacité de courte durée pour jeunes handicapés

(Règlement du Conseil nº 1408/71, art. 10, § 1, al. 1)

3.        Citoyenneté de l'Union européenne — Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres — Avantages sociaux — Prestation d'incapacité de courte durée pour jeunes handicapés

(Art. 21, § 1, TFUE)

1.        Une prestation d’incapacité de courte durée pour jeunes handicapés constitue une prestation d’invalidité au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 1408/71, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement nº 118/97, tel que modifié par le règlement nº 647/2005, s'il est constant que, à la date de l'introduction de la demande, le demandeur est atteint d'un handicap permanent ou durable. Dans une telle situation, cette prestation se rapporte directement au risque d'invalidité visé à ladite disposition.

(cf. points 53-54, disp.1)

2.        L’article 10, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement nº 1408/71, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement nº 118/97, tel que modifié par le règlement nº 647/2005, s’oppose à ce qu’un État membre soumette l’octroi d’une prestation d’incapacité de courte durée pour jeunes handicapés, considérée comme une prestation d'invalidité, à une condition de résidence habituelle du demandeur sur son territoire.

(cf. point 70, disp. 2)

3.        L’article 21, paragraphe 1, TFUE s’oppose à ce qu’un État membre soumette l’octroi d’une prestation d'incapacité de courte durée pour jeunes handicapés :

- à une condition de présence antérieure du demandeur sur son territoire à l’exclusion de tout autre élément permettant d’établir l’existence d’un lien réel entre le demandeur et cet État membre, et

- à une condition de présence du demandeur sur son territoire au moment du dépôt de la demande.

(cf. points 104, 109-110, disp. 2)







ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

21 juillet 2011 (*)

«Sécurité sociale – Règlement (CEE) n° 1408/71 – Articles 4, 10 et 10 bis – Prestation d’incapacité de courte durée pour jeunes handicapés – Prestation de maladie ou prestation d’invalidité –– Conditions de résidence, de présence au moment du dépôt de la demande et de présence antérieure – Citoyenneté de l’Union – Proportionnalité»

Dans l’affaire C‑503/09,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Upper Tribunal (Administrative Appeals Chamber) (Royaume-Uni), par décision du 16 novembre 2009, parvenue à la Cour le 4 décembre 2009, dans la procédure

 Lucy Stewart

contre

 Secretary of State for Work and Pensions,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. J. N. Cunha Rodrigues, président de chambre, MM. A. Arabadjiev (rapporteur), A. Rosas, A. Ó Caoimh et Mme P. Lindh, juges,

avocat général: M. P. Cruz Villalón,

greffier: Mme C. Strömholm, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 24 novembre 2010,

considérant les observations présentées:

–        pour Mme Stewart, par Mme P. Stewart, représentante légale, assistée de M. R. Drabble, QC,

–        pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme H. Walker, en qualité d’agent, assistée de M. T. de la Mare, barrister,

–        pour la Commission européenne, par M. V. Kreuschitz et Mme N. Yerrell, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 17 mars 2011,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 4, paragraphe 1, sous a) et b), 10, paragraphe 1, 19 et 28 du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996 (JO 1997, L 28, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) n° 647/2005 du Parlement européen et du Conseil, du 13 avril 2005 (JO L 117, p. 1, ci-après le «règlement n° 1408/71»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme Stewart, ressortissante britannique résidant en Espagne, au Secretary of State for Work and Pensions, au sujet du refus de ce dernier de lui accorder le bénéfice d’une prestation d’incapacité de courte durée pour jeunes handicapés.

 Le cadre juridique

 La réglementation de l’Union

3        L’article 2 du règlement n° 1408/71, intitulé «Personnes couvertes», dispose à son paragraphe 1:

«Le présent règlement s’applique aux travailleurs salariés ou non salariés et aux étudiants qui sont ou ont été soumis à la législation d’un ou de plusieurs États membres et qui sont des ressortissants de l’un des États membres ou bien des apatrides ou des réfugiés résidant sur le territoire d’un des États membres ainsi qu’aux membres de leur famille et à leurs survivants.»

4        L’article 4 de ce règlement, intitulé «Champ d’application matériel», énonce:

«1.      Le présent règlement s’applique à toutes les législations relatives aux branches de sécurité sociale qui concernent:

a)      les prestations de maladie et de maternité;

b)      les prestations d’invalidité, y compris celles qui sont destinées à maintenir ou à améliorer la capacité de gain;

[...]

2.      Le présent règlement s’applique aux régimes de sécurité sociale généraux et spéciaux, contributifs et non contributifs [...]

[...]»

5        L’article 10 dudit règlement, intitulé «Levée des clauses de résidence – Incidence de l’assurance obligatoire sur le remboursement des cotisations», prévoit à son paragraphe 1, premier alinéa:

«À moins que le présent règlement n’en dispose autrement, les prestations en espèces d’invalidité, de vieillesse ou de survivants, les rentes d’accident du travail ou de maladie professionnelle et les allocations de décès acquises au titre de la législation d’un ou de plusieurs États membres ne peuvent subir aucune réduction, ni modification, ni suspension, ni suppression, ni confiscation du fait que le bénéficiaire réside sur le territoire d’un État membre autre que celui où se trouve l’institution débitrice.»

6        Conformément à l’article 10 bis du règlement n° 1408/71, intitulé «Prestations spéciales à caractère non contributif», les dispositions de l’article 10 et du titre III de ce règlement ne sont pas applicables aux prestations spéciales en espèces à caractère non contributif visées à l’article 4, paragraphe 2 bis, dudit règlement. Les personnes auxquelles le règlement n° 1408/71 est applicable bénéficient de ces prestations exclusivement sur le territoire de l’État membre dans lequel elles résident et au titre de la législation de cet État, pour autant que ces prestations soient mentionnées à l’annexe II bis de ce règlement.

7        La prestation d’incapacité de courte durée pour jeunes handicapés en cause au principal ne figure pas à ladite annexe II bis.

8        Contenu dans la section 2, intitulée «Travailleurs salariés ou non salariés et membres de leur famille», du chapitre 1, intitulé «Maladie et maternité», du titre III du règlement n° 1408/71, l’article 19 de ce règlement, intitulé «Résidence dans un État membre autre que l’État compétent – Règles générales», est libellé comme suit:

«1.      Le travailleur salarié ou non salarié qui réside sur le territoire d’un État membre autre que l’État compétent et qui satisfait aux conditions requises par la législation de l’État compétent pour avoir droit aux prestations, compte tenu, le cas échéant, des dispositions de l’article 18, bénéficie dans l’État de sa résidence:

[...]

b)      des prestations en espèces servies par l’institution compétente selon les dispositions de la législation qu’elle applique. [...]

2.      Les dispositions du paragraphe 1 sont applicables par analogie aux membres de la famille qui résident sur le territoire d’un État membre autre que l’État compétent, pour autant qu’ils n’aient pas droit à ces prestations en vertu de la législation de l’État sur le territoire duquel ils résident.

[...]»

9        Contenu dans la section 5, intitulée «Titulaires de pensions et de rentes et membres de leurs famille», du chapitre 1 du titre III du règlement n° 1408/71, l’article 28 de ce règlement, intitulé «Pensions ou rentes dues en vertu de la législation d’un seul ou de plusieurs États, un droit aux prestations n’existant pas dans le pays de résidence», dispose à son paragraphe 1:

«Le titulaire d’une pension ou d’une rente due au titre de la législation d’un État membre ou de pensions ou de rentes dues au titre des législations de deux ou plusieurs États membres qui n’a pas droit aux prestations au titre de la législation de l’État membre sur le territoire duquel il réside bénéficie néanmoins de ces prestations pour lui-même et les membres de sa famille, dans la mesure où il y aurait droit en vertu de la législation de l’État membre ou de l’un au moins des États membres compétents en matière de pension, compte tenu, le cas échéant, des dispositions de l’article 18 et de l’annexe VI, s’il résidait sur le territoire de l’État concerné [...]

[...]»

 La réglementation nationale

10      Aux termes de l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la loi de 1992 régissant les cotisations et les prestations de sécurité sociale (Social Security Contributions and Benefits Act 1992, ci-après la «SSCBA»), la prestation d’incapacité est une prestation à caractère contributif.

11      Les prestations à caractère contributif sont versées, conformément à l’article 163, paragraphe 1, sous a), de la loi de 1992 régissant l’administration de la sécurité sociale (Social Security Administration Act 1992), par le Fonds d’assurance national. Le budget nécessaire audit Fonds pour procéder aux versements en cause est fourni, en application de l’article 1er, paragraphe 1, de la SSCBA, au moyen des cotisations dues notamment par les bénéficiaires de revenus et les employeurs.

12      L’article 30A, paragraphes 4 et 5, de la SSCBA dispose:

«4.      Pour chaque période d’incapacité de travail, le bénéficiaire peut percevoir la prestation d’incapacité de courte durée pendant une période maximale de 364 jours.

5.      Lorsque, en application du paragraphe 4 ci-dessus, le droit du bénéficiaire à une prestation d’incapacité de courte durée expire, celui-ci acquiert un droit à une prestation d’incapacité de longue durée pour chaque journée ultérieure comprise dans la même période d’incapacité et pendant laquelle il n’a pas atteint l’âge légal de la retraite.»

13      La prestation d’incapacité de courte durée est versée, en application de l’article 30B, paragraphe 2, et de l’annexe 4, partie I, de la SSCBA, selon deux taux forfaitaires. Durant les 196 premiers jours, elle est versée à un taux plus bas que le taux auquel elle est versée pour le reste de la période de 364 jours. Le taux de base de la prestation d’incapacité de longue durée est plus élevé que le taux supérieur de la prestation d’incapacité de courte durée.

14      L’annexe 12, paragraphe 1, de la SSCBA exclut du bénéfice de la prestation d’incapacité les personnes ayant droit à une indemnité légale de maladie de la part de leur employeur.

15      Le droit à une prestation d’incapacité dépend essentiellement de la satisfaction de certaines conditions de cotisations de la part du demandeur. Toutefois, les personnes incapables de travailler dans leur jeunesse ont, aux termes de l’article 30A, paragraphe 2A, de la SSCBA, droit à une prestation d’incapacité sans avoir cotisé, à condition que la personne intéressée:

«a)      soit âgée de seize ans ou plus à la date concernée;

b)      ait moins de 20 ans ou, dans les cas prévus, 25 ans à une date qui fait partie de la période d’incapacité de travailler;

c)      ait été incapable de travailler au cours d’une période de 196 jours consécutifs précédant immédiatement la date concernée ou une date antérieure au cours de la période d’incapacité de travailler à laquelle elle était âgée de 16 ans ou plus;

d)      réponde à la date concernée aux conditions définies en matière de résidence en Grande-Bretagne, ou de présence dans ce pays, et

e)      ne soit pas, à cette date, une personne qui bénéficie d’un enseignement à plein temps.»

16      L’article 16, paragraphe 1, du règlement de sécurité sociale (prestation d’incapacité) de 1994 [Social Security (Incapacity Benefit) Regulations 1994, ci-après le «SSIBR»], est libellé comme suit:

«Les conditions imposées aux fins de l’article 30A, paragraphe 2A, sous d), de la [SSCBA] quant à la résidence ou à la présence en Grande-Bretagne sont, pour toute personne, à la date concernée, les suivantes:

a)      elle réside de manière habituelle en Grande-Bretagne;

b)      elle n’est pas une personne soumise au contrôle de l’immigration au sens de l’article 115, paragraphe 9, de la loi de 1999 relative à l’immigration et à l’asile (Immigration and Asylum Act 1999) ou est une personne relevant du paragraphe 5;

c)      elle est présente en Grande-Bretagne, et

d)      elle a été présente en Grande-Bretagne pour une période ou des périodes représentant une durée totale d’au moins 26 semaines au cours des 52 semaines précédant immédiatement cette date.»

17      Aux termes du paragraphe 6 dudit article 16, ces conditions doivent être satisfaites au moment de la demande.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

18      Mme Stewart, ressortissante britannique née au mois de novembre 1989, souffre du syndrome de Down. Au mois d’août 2000, elle s’est installée avec ses parents en Espagne où ils vivent depuis lors. Elle s’est vu rétroactivement attribuer une allocation de subsistance pour handicapés («Disability Living Allowance») à partir de la création de cette allocation au mois d’avril 1992. Celle-ci lui est versée en Espagne au titre des dispositions transitoires contenues à l’article 95 ter du règlement n° 1408/71.

19      Le père de Mme Stewart ayant travaillé, en dernier lieu, en Grande-Bretagne au cours de l’année fiscale 2000/2001, touche, depuis le mois d’octobre 2009, une pension de retraite après avoir bénéficié d’une pension professionnelle. La mère de la requérante au principal reçoit une pension de retraite depuis le 25 juillet 2005 et recevait antérieurement une prestation d’incapacité.

20      La requérante au principal n’a jamais travaillé et, selon toute vraisemblance, ne pourra jamais exercer d’activité professionnelle.

21      La mère de Mme Stewart, en sa qualité de représentante légale de sa fille, a présenté une demande tendant à ce qu’une prestation d’incapacité de courte durée pour jeunes handicapés soit accordée à cette dernière à partir du seizième anniversaire de sa fille, cette date étant la première à laquelle elle pouvait y prétendre. Le 24 novembre 2005, cette demande a été rejetée par le Secretary of State for Work and Pensions au motif que Mme Stewart ne satisfaisait pas à la condition de présence en Grande-Bretagne. En même temps, la requérante au principal a été informée qu’elle serait créditée de cotisations d’assurance nationale aussi longtemps qu’elle resterait incapable de travailler.

22      La mère de la requérante au principal a formé un recours, au nom de sa fille, contre la décision du Secretary of State for Work and Pensions. Ce recours n’ayant pas abouti, elle a interjeté appel devant la juridiction de renvoi en faisant valoir que le refus des autorités britanniques d’accorder à sa fille ladite prestation d’incapacité est incompatible avec le droit de l’Union.

23      La juridiction de renvoi précise que la prestation d’incapacité en cause est souvent présentée, en raison de l’ensemble des conditions dans lesquelles elle s’applique, comme une «prestation d’incapacité pour jeunes handicapés».

24      Il ressort, en outre, de la décision de renvoi que la requérante au principal remplit toutes les conditions requises pour l’octroi de la prestation de courte durée pour jeunes handicapés, à l’exception de celles liées à l’exigence de résidence habituelle, de présence antérieure et de présence au moment du dépôt de la demande en Grande-Bretagne, prévues à l’article 16, paragraphe 1, du SSIBR. La juridiction de renvoi relève que, si le Secretary of State for Work and Pensions a rejeté la demande de la requérante au principal au motif qu’elle n’était pas présente en Grande-Bretagne lors de l’introduction de sa demande, cette demande aurait pu aussi bien être rejetée au motif qu’elle ne remplissait pas les deux autres conditions susmentionnées.

25      La juridiction de renvoi se demande, en premier lieu, si la prestation d’incapacité de courte durée pour jeunes handicapés constitue une prestation de maladie au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1408/71 ou bien une prestation d’invalidité au sens de cet article 4, paragraphe 1, sous b). Ladite juridiction estime que la prestation en cause ne saurait être considérée comme une prestation de maladie puisqu’elle ne remplace aucun revenu et n’intervient pas lors d’une interruption de ressources, étant donné que la requérante au principal, à l’instar de la majorité des demandeurs se trouvant dans sa situation, n’a jamais travaillé. En outre, toujours selon la juridiction de renvoi, l’incapacité dont la requérante au principal est atteinte n’est pas temporaire.

26      Cette juridiction éprouve également des doutes quant à la qualification de la prestation de courte durée pour jeunes handicapés en tant que prestation d’invalidité au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1408/71 en raison du fait que cette prestation est versée pendant une durée maximale de 364 jours. Cependant, après cette période, la requérante au principal devrait percevoir, selon ladite juridiction, une prestation d’incapacité de longue durée comme beaucoup d’autres se trouvant dans sa situation. La prestation d’incapacité de courte et de longue durée serait donc une prestation unique, en dépit de sa structure interne.

27      En second lieu, la juridiction de renvoi se demande si les trois conditions, mentionnées au point 24 du présent arrêt, sont compatibles avec le droit de l’Union.

28      C’est dans ces conditions que l’Upper Tribunal (Administrative Appeals Chamber) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Une prestation présentant les caractéristiques d’une prestation d’incapacité de courte durée pour jeunes handicapés constitue-t‑elle une prestation de maladie ou une prestation d’invalidité aux fins du [règlement n° 1408/71]?

2)      Si la réponse à la première question est qu’une telle prestation doit être considérée comme une prestation de maladie:

a)      Une personne, telle que la mère de la requérante, qui a définitivement cessé toute activité salariée ou indépendante du fait de son départ en retraite est-elle néanmoins un ‘travailleur salarié’ aux fins de l’article 19 [de ce règlement] en raison de son activité salariée ou indépendante antérieure, ou les articles 27 à 34 [dudit règlement] (titulaires de pensions ou de rente) contiennent-ils les règles applicables?

b)      Une personne, telle que le père de la requérante, qui n’a pas effectué d’activité salariée ou indépendante depuis 2001, est-elle néanmoins un ‘travailleur salarié’ aux fins de l’article 19 [du même règlement] du fait de son activité salariée ou indépendante antérieure?

c)      Un demandeur doit-il être considéré comme un ‘titulaire’ aux fins de l’article 28 [du règlement n° 1408/71] du fait de l’attribution d’une prestation acquise conformément à l’article 95 ter [de ce règlement], nonobstant le fait que: i) le demandeur en cause n’ait jamais été travailleur salarié au sens de l’article 1er, sous a), du règlement n° 1408/71; ii) qu’il n’ait pas atteint l’âge légal de la retraite; et iii) qu’il ne relève du champ d’application personnel du règlement n° 1408/71 qu’en qualité de membre de la famille?

d)      Lorsqu’un titulaire relève de l’article 28 du règlement n° 1408/71, un membre de sa famille ayant toujours résidé avec lui et dans le même État que lui peut-il demander, conformément à l’article 28, paragraphe 1, [de ce règlement], lu en combinaison avec l’article 29 [dudit règlement], une prestation de maladie en espèces auprès de l’institution compétente déterminée par l’article 28, paragraphe 2, [du même règlement] lorsque cette prestation est (éventuellement) due au membre de la famille (et n’est pas due au titulaire)?

e)      Le cas échéant [en fonction des réponses aux points a) à d) ci-dessus], l’application d’une condition prévue par la législation nationale en matière de sécurité sociale limitant l’acquisition initiale du droit à une prestation de maladie aux personnes ayant antérieurement accompli une période imposée de présence antérieure dans l’État membre compétent au cours d’une période antérieure définie est-elle compatible avec les dispositions des articles 19 et/ou 28 du règlement n° 1408/71?

3)      Si la réponse à la première question est qu’une telle prestation doit être considérée comme une prestation d’invalidité, le libellé de l’article 10 du règlement n° 1408/71, qui vise les prestations ‘acquises au titre de la législation d’un ou plusieurs États membres’, signifie-t-il que les États membres demeurent habilités au titre du règlement n° 1408/71 à fixer des conditions d’acquisition initiale d’une telle prestation d’invalidité qui sont fondées sur la résidence dans l’État membre ou sur la preuve de périodes de présence antérieure imposées dans l’État membre, de manière à ce qu’un demandeur ne puisse pas prétendre en premier lieu avoir droit à une telle prestation de la part d’un autre État membre?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

29      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si une prestation d’incapacité de courte durée pour jeunes handicapés, telle que celle en cause au principal, constitue une prestation de maladie ou une prestation d’invalidité au sens du règlement n° 1408/71.

30      Il convient de relever, à titre liminaire, que cette question ne concerne donc pas le régime général des prestations d’incapacité accordées au titre de la législation du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, mais se rapporte spécifiquement à la prestation d’incapacité pour jeunes handicapés, dont le caractère et les conditions d’octroi sont distincts, ainsi qu’il découle des points 10 à 17 du présent arrêt.

31      Conformément à l’article 4, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement n° 1408/71, ce règlement s’applique aux législations relatives aux branches de la sécurité sociale qui concernent, respectivement, les prestations de maladie et les prestations d’invalidité, y compris celles qui sont destinées à maintenir ou à améliorer la capacité de gain.

32      Selon une jurisprudence constante, une prestation peut être considérée comme une prestation de sécurité sociale dans la mesure où elle est octroyée aux bénéficiaires en dehors de toute appréciation individuelle et discrétionnaire des besoins personnels, sur la base d’une situation légalement définie, et où elle se rapporte à l’un des risques expressément énumérés à l’article 4, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71 (voir, notamment, arrêts du 21 février 2006, Hosse, C-286/03, Rec. p. I-1771, point 37; du 18 décembre 2007, Habelt e.a., C-396/05, C-419/05 et C-450/05, Rec. p. I-11895, point 63, ainsi que du 11 septembre 2008, Petersen, C-228/07, Rec. p. I-6989, point 19).

33      En l’occurrence, il n’est pas contesté que tel est le cas de la prestation en cause au principal, dès lors que son octroi dépend de critères objectifs légalement définis à l’article 30A, paragraphe 2A, de la SSCBA, les autorités compétentes ne disposant pas d’un pouvoir d’appréciation individuelle des besoins du demandeur, et que cette prestation est destinée à couvrir, selon le cas, le risque de maladie ou celui d’invalidité, lesquels figurent à l’article 4, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement n° 1408/71.

34      En outre, il n’est pas contesté que la requérante au principal relève du champ d’application personnel du règlement n° 1408/71, tel que défini à l’article 2, paragraphe 1, de celui-ci.

35      S’agissant de la détermination précise de la nature de la prestation en cause au principal, il résulte de la jurisprudence de la Cour que l’exigence d’une application uniforme du droit de l’Union implique que les notions auxquelles se réfère ce droit ne varient pas en fonction des particularités de chaque droit national, mais reposent sur des critères objectifs, définis dans un cadre propre au droit de l’Union. Conformément à ce principe, les notions de prestations de maladie et d’invalidité, au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement n° 1408/71, doivent être déterminées, aux fins de l’application de ce règlement, en fonction non pas du type de législation nationale où figurent les dispositions internes prévoyant ces prestations, mais sur la base des règles propres au droit de l’Union qui définissent les éléments constitutifs desdites prestations (voir, en ce sens, arrêt du 10 janvier 1980, Jordens-Vosters, 69/79, Rec. p. 75, point 6).

36      À cet égard, pour distinguer entre les différentes catégories de prestations de sécurité sociale, il convient de prendre en considération le risque couvert par chaque prestation (arrêt du 18 juillet 2006, De Cuyper, C-406/04, Rec. p. I-6947, point 27).

37      Ainsi que le font valoir à juste titre le gouvernement du Royaume-Uni et la Commission européenne, une prestation de maladie, au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1408/71, couvre le risque lié à un état morbide entraînant une suspension temporaire des activités de l’intéressé.

38      En revanche, une prestation d’invalidité, au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous b), dudit règlement, est destinée, en règle générale, à couvrir le risque d’une inaptitude d’un degré prescrit, lorsqu’il est probable que cette inaptitude sera permanente ou durable (voir, par analogie, arrêt du 11 juillet 2006, Chacón Navas, C-13/05, Rec. p. I‑6467, point 45).

39      Les doutes que nourrit la juridiction de renvoi quant à la classification de la prestation d’incapacité de courte durée pour jeunes handicapés en tant que prestation de maladie ou d’invalidité, au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement n° 1408/71, découlent du fait que cette prestation relève d’une réglementation nationale qui prévoit un versement en deux étapes, la première, sous la dénomination de prestation d’incapacité de courte durée, pour une durée maximale de 364 jours, et la seconde, sous la dénomination de prestation d’incapacité de longue durée, pour une durée illimitée jusqu’au moment où le demandeur atteint l’âge légal de la retraite.

40      Il y a lieu de relever à cet égard, ainsi que le constate la juridiction de renvoi, que la requérante au principal, à l’instar de la plupart des personnes qui demandent à bénéficier de la prestation d’incapacité de courte durée pour jeunes handicapés, est incapable de travailler et n’a jamais exercé d’activité professionnelle. Il s’agirait là, selon cette juridiction, d’une caractéristique ordinaire des demandeurs ayant droit à cette prestation.

41      La juridiction de renvoi souligne encore que, à l’échéance de la durée de versement de la prestation d’incapacité de courte durée pour jeunes handicapés, la requérante au principal, ainsi que la plupart des personnes ayant droit à cette prestation, bénéficiera inévitablement, en raison du caractère permanent de son handicap, de la prestation d’incapacité de longue durée.

42      En effet, il ressort du dossier soumis à la Cour que, si la prestation d’incapacité de courte durée pour jeunes handicapés est accordée, celle-ci se transforme, à l’échéance de la durée de son versement, en prestation d’incapacité de longue durée, à l’unique condition que le handicap dont le demandeur est atteint perdure. Cependant, le demandeur ne peut prétendre au bénéfice de la prestation d’incapacité de longue durée dès le départ, même s’il est constant qu’il y est éligible, eu égard au caractère permanent ou durable de son handicap. Ainsi, pour le demandeur atteint d’un tel handicap, la prestation d’incapacité de courte durée pour jeunes handicapés ne constitue qu’une étape préalable afin qu’il puisse prétendre, à l’échéance de la période de versement de celle-ci, au bénéfice de la prestation d’incapacité de longue durée.

43      Dès lors, dans un cas tel que celui en cause au principal, où le demandeur est atteint d’un handicap permanent ou durable, les prestations d’incapacité de courte et de longue durée pour jeunes handicapés s’inscrivent nécessairement dans un contexte de continuité.

44      En effet, la juridiction de renvoi souligne que les prestations d’incapacité de courte et de longue durée constituent une prestation unique, en dépit de leurs modalités d’application.

45      Par conséquent, dans une hypothèse, telle que celle en cause au principal, où il est constant, dès l’introduction de la demande, que le demandeur est atteint d’un handicap permanent ou durable, la prestation d’incapacité de courte durée pour jeunes handicapés présente, compte tenu du lien de continuité entre celle-ci et la prestation d’incapacité de longue durée, les caractéristiques d’une prestation d’invalidité au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1408/71.

46      Cette conclusion est corroborée tant par l’objet et la finalité de la prestation d’incapacité de courte durée pour jeunes handicapés que par la base de calcul et les conditions d’octroi de celle-ci (voir, par analogie, arrêts du 5 juillet 1983, Valentini, 171/82, Rec. p. 2157, point 13; De Cuyper, précité, point 25, et Petersen, précité, point 21).

47      En ce qui concerne, d’abord, l’objet et la finalité de la prestation d’incapacité de courte durée pour jeunes handicapés, il convient de relever que celle-ci a remplacé l’allocation pour handicap grave. Les bénéficiaires de cette prestation sont les personnes âgées de 16 à 25 ans qui sont incapables de travailler en raison d’une maladie ou d’un handicap.

48      Cependant, les personnes ayant droit à une indemnité légale de maladie sont exclues, en vertu de l’annexe 12, paragraphe 1, de la SSCBA, du bénéfice de ladite prestation. Ainsi, les personnes incapables de travailler en raison d’une aggravation temporaire de leur santé et qui remplissent simultanément les conditions d’octroi tant de l’indemnité légale de maladie que de la prestation d’incapacité de courte durée pour jeunes handicapés perçoivent, en règle générale, la première et non pas la seconde.

49      En outre, il appert du dossier soumis à la Cour que ladite prestation vise à procurer au demandeur des moyens financiers lui permettant de subvenir à ses besoins. La juridiction de renvoi précise à cet égard que, à la différence d’une prestation de maladie, la prestation d’incapacité de courte durée pour jeunes handicapés n’a pas pour objet de remplacer un revenu pendant une interruption de ressources, étant donné que la plupart des bénéficiaires de cette prestation, tout comme la requérante au principal, n’ont jamais travaillé. Il n’y a, par conséquent, selon ladite juridiction, ni revenu à remplacer ni interruption de ressources.

50      En ce qui concerne, ensuite, les conditions d’octroi de ladite prestation, celles-ci se rapportent essentiellement, selon l’article 30A, paragraphe 2A, de la SSCBA, à l’âge du demandeur, à son incapacité de travailler, au fait qu’il ne bénéficie pas d’un enseignement à plein temps ainsi qu’à des exigences en matière de résidence et de présence en Grande-Bretagne. Il convient de relever, à cet égard, que ces conditions ne varient pas selon qu’il s’agit de la prestation d’incapacité de courte ou de longue durée pour jeunes handicapés. En effet, la prestation d’incapacité de longue durée constitue la continuité de la prestation d’incapacité de courte durée sans qu’il y ait besoin de démontrer à nouveau que lesdites conditions sont remplies, pour autant que l’incapacité de travail perdure.

51      S’agissant, enfin, de la base de calcul de la prestation d’incapacité pour jeunes handicapés tant de courte que de longue durée, il y a lieu d’observer que celle-ci est une prestation hebdomadaire dont le montant ne dépend ni des ressources du bénéficiaire ni de l’état de ses cotisations. Ce montant est fixé selon trois taux différents applicables au cours respectivement de la première moitié de la durée de versement de la prestation d’incapacité de courte durée pour jeunes handicapés, de la seconde moitié de celle-ci et de la durée de versement de la prestation d’incapacité de longue durée.

52      Le fait que des taux différents sont applicables aux prestations d’incapacité pour jeunes handicapés de courte et de longue durée ne suffit pas pour conclure que la nature de la prestation change en fonction du taux applicable dans la mesure où, en l’espèce, il existe deux taux différents au sein même de la prestation d’incapacité de courte durée pour jeunes handicapés, ainsi qu’il ressort du point précédent. En tout état de cause, il convient de souligner, ainsi qu’il ressort du point 44 du présent arrêt, que les prestations d’incapacité de courte et de longue durée constituent, en dépit de leur structure interne, une prestation unique.

53      Il convient donc de constater qu’il résulte tant de l’objet et de la finalité de la prestation d’incapacité de courte ou de longue durée que de ses conditions d’octroi que, dans une situation telle que celle au principal, où il est constant, dès l’introduction de la demande, que le demandeur est atteint d’un handicap permanent ou durable, et nonobstant le fait que ladite prestation soit versée en deux étapes successives, celle-ci se rapporte directement au risque d’invalidité visé à l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1408/71.

54      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre à la première question qu’une prestation d’incapacité de courte durée pour jeunes handicapés, telle que celle en cause au principal, constitue une prestation d’invalidité au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1408/71 s’il est constant que, à la date de l’introduction de la demande, le demandeur est atteint d’un handicap permanent ou durable.

 Sur la deuxième question

55      Compte tenu de la réponse donnée à la première question, il n’y a pas lieu de répondre à la deuxième question.

 Sur la troisième question

56      Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, dans l’hypothèse où une prestation d’incapacité de courte durée pour jeunes handicapés, telle que celle en cause au principal, devrait être considérée comme une prestation d’invalidité, l’article 10, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 1408/71 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un État membre soumette l’octroi de ladite prestation à des conditions de résidence habituelle et de présence antérieure du demandeur sur son territoire.

57      Il ressort de la décision de renvoi que l’octroi de la prestation d’incapacité de courte durée pour jeunes handicapés est soumis, notamment, à trois conditions cumulatives, à savoir:

–        que le demandeur réside de manière habituelle en Grande-Bretagne;

–        qu’il ait été présent en Grande-Bretagne pendant une période ou des périodes représentant une durée totale d’au moins 26 semaines au cours des 52 semaines précédant immédiatement la date de l’introduction de la demande tendant au bénéfice de la prestation en cause, et

–        qu’il soit présent en Grande-Bretagne à cette date.

58      Il convient de préciser que ces conditions concernent l’acquisition de la prestation en cause et non pas le maintien de celle-ci.

 Sur la condition de résidence habituelle

59      Ainsi qu’il ressort de la réponse donnée à la première question, la prestation d’incapacité de courte durée pour jeunes handicapés doit être considérée, dans des circonstances telles que celles au principal, comme une prestation d’invalidité aux fins de l’application du règlement n° 1408/71. En tant que telle, elle relève du champ d’application de l’article 10 de ce règlement. Selon le paragraphe 1, premier alinéa, de cette disposition, «à moins que le présent règlement n’en dispose autrement, les prestations en espèces d’invalidité [...], acquises au titre de la législation d’un ou de plusieurs États membres, ne peuvent subir aucune réduction, ni modification, ni suspension, ni suppression, ni confiscation du fait que le bénéficiaire réside sur le territoire d’un État membre autre que celui où se trouve l’institution débitrice».

60      À cet égard, le gouvernement du Royaume-Uni fait valoir que le règlement n° 1408/71 instaure un système de coordination, selon lequel les États membres restent compétents pour définir les conditions d’octroi des prestations de sécurité sociale, pourvu que ces conditions n’entraînent aucune discrimination entre les travailleurs de l’Union. Ainsi, ce règlement permettrait d’établir une distinction entre l’acquisition d’une prestation, d’une part, et le maintien d’une prestation déjà acquise, d’autre part. Le libellé de l’article 10, paragraphe 1, premier alinéa, dudit règlement confirmerait que cette disposition n’a aucune incidence sur les conditions d’acquisition du droit à une prestation d’invalidité.

61      Cet argument ne saurait prospérer. En effet, comme la Cour l’a déjà relevé, l’objet de la disposition de l’article 10 du règlement n° 1408/71 est de protéger les intéressés contre les préjudices qui pourraient résulter du transfert de leur résidence d’un État membre à un autre. Il ressort de ce principe non seulement que l’intéressé conserve le droit de bénéficier des prestations visées à cette disposition acquises au titre de la législation d’un ou de plusieurs États membres, même après avoir fixé sa résidence dans un autre État membre, mais également que l’acquisition d’un tel droit ne peut lui être refusée pour la seule raison qu’il ne réside pas sur le territoire de l’État où se trouve l’institution débitrice (voir, en ce sens, arrêts du 7 novembre 1973, Smieja, 51/73, Rec. p. 1213, points 20 à 22; du 10 juin 1982, Camera, 92/81, Rec. p. 2213, point 14, ainsi que du 24 février 1987, Giletti e.a., 379/85 à 381/85 et 93/86, Rec. p. 955, point 15).

62      La Cour a également eu l’occasion de juger que, contrairement à ce que prétendait le gouvernement du Royaume-Uni, ledit article 10 s’oppose à ce que tant la naissance que le maintien du droit aux prestations visées à cette disposition soient refusés pour la seule raison que l’intéressé ne réside pas sur le territoire de l’État membre où se trouve l’institution débitrice (arrêt du 20 juin 1991, Newton, C-356/89, Rec. p. I-3017, point 23).

63      De surcroît, faire dépendre l’application du principe de levée des clauses de résidence consacré à l’article 10, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 1408/71 de la question de savoir si de telles clauses sont imposées dans la réglementation nationale en tant que condition d’acquisition des prestations énumérées à cette disposition ou en tant que condition de maintien de celles-ci reviendrait à permettre aux États membres de déjouer l’effet utile de ce principe en choisissant de qualifier les clauses de résidence qu’ils imposent de condition d’octroi de ces prestations plutôt que de condition de maintien de celles-ci afin de soustraire une prestation donnée du champ d’application dudit principe.

64      Le fait que la prestation d’incapacité de courte durée pour jeunes handicapés est une prestation à caractère non contributif puisqu’elle est accordée indépendamment de l’état de cotisations des demandeurs ne remet pas en cause l’analyse qui précède.

65      En effet, il ressort de l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1408/71 que ce règlement s’applique en principe aux régimes de sécurité sociale tant contributifs que non contributifs.

66      En outre, l’article 10, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 1408/71 interdit aux institutions compétentes, en termes généraux, de réduire, de modifier, de suspendre, de supprimer ou de confisquer des prestations d’invalidité au motif que le bénéficiaire réside sur le territoire d’un État membre autre que celui où se trouve l’institution débitrice. Les seules exceptions que souffre cette interdiction sont celles expressément prévues par la réglementation de l’Union (voir, en ce sens, arrêt Giletti e.a., précité, point 16).

67      Une telle exception est prévue à l’article 10 bis du règlement n° 1408/71. Cette disposition prévoit que les personnes relevant du champ d’application de ce règlement peuvent bénéficier des prestations spéciales à caractère non contributif visées à l’article 4, paragraphe 2 bis, dudit règlement, exclusivement sur le territoire de l’État membre dans lequel elles résident et au titre de la législation de cet État, pour autant que ces prestations soient mentionnées à l’annexe II bis du même règlement. Or, la prestation d’incapacité de courte durée pour jeunes handicapés n’est pas mentionnée à cette annexe. Par conséquent, le principe énoncé à l’article 10 bis du règlement n° 1408/71 selon lequel les prestations spéciales à caractère non contributif ne sont pas exportables ne s’applique pas à la prestation en cause au principal.

68      Aucune autre disposition dudit règlement ne permettant aux États membres de déroger, dans une situation telle que celle de Mme Stewart, au principe de levée des clauses de résidence consacré à l’article 10, paragraphe 1, premier alinéa, du même règlement, il s’ensuit que les prestations d’invalidité demeurent, en principe, exportables dans un État membre autre que celui où se trouve l’institution débitrice (voir, en ce sens, arrêt du 4 novembre 1997, Snares, C-20/96, Rec. p. I-6057, point 40, et Petersen, précité, point 38).

69      La prestation d’incapacité de courte durée pour jeunes handicapés n’échappe donc pas au principe de levée des clauses de résidence énoncé audit article 10, paragraphe 1, premier alinéa, qui s’oppose, ainsi qu’il ressort des points 61 et 62 du présent arrêt, à ce que tant la naissance que le maintien du droit aux prestations visées à cette disposition soient refusés pour la seule raison que le demandeur réside dans un État membre autre que l’État membre compétent.

70      Par conséquent, l’article 10, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 1408/71 s’oppose à ce que l’acquisition du droit à la prestation d’incapacité de courte durée pour jeunes handicapés soit soumise à une condition de résidence habituelle sur le territoire de l’État membre compétent.

 Sur la condition de présence antérieure

71      La requérante au principal et la Commission estiment que l’article 10, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 1408/71 s’oppose non seulement à une condition de résidence habituelle sur le territoire de l’État membre compétent, mais également à une condition de présence antérieure sur ce territoire. Selon elles, il n’y a pas lieu de distinguer entre ces deux conditions, la condition de présence antérieure devant être considérée comme une condition de résidence temporaire dans la mesure où elle exige du demandeur d’avoir été présent en Grande-Bretagne pendant une certaine période.

72      Il convient de relever à cet égard que l’article 10, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 1408/71 vise les clauses de résidence, ainsi qu’il ressort notamment de son intitulé. Or, aux fins de l’application dudit règlement, le terme «résidence» signifie, conformément à son article 1er, sous h), le «séjour habituel».

73      Il est vrai que, dans certains cas, une condition de présence antérieure pourrait équivaloir, en pratique, à une clause de résidence habituelle, lorsque, notamment, une telle condition exige de longues périodes de présence sur le territoire de l’État membre concerné et/ou lorsque ladite condition doit être remplie tout au long du versement de la prestation en cause. Or, dans de tels cas, l’article 10, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 1408/71 s’oppose également à une condition de présence antérieure dans la mesure où celle-ci peut être assimilée à une clause de résidence au sens de cette disposition.

74      En l’espèce, il s’agit, ainsi qu’il ressort des points 17 et 57 du présent arrêt, d’une condition de présence en Grande-Bretagne pendant une période ou des périodes représentant une durée totale d’au moins 26 semaines au cours des 52 semaines précédant immédiatement la date de la demande tendant au bénéfice de la prestation en cause, cette condition ne devant être remplie qu’au moment de cette demande. La condition de présence antérieure n’étant donc pas nécessairement une «clause de résidence» au sens de l’article 10, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 1408/71, il convient d’examiner sa conformité avec les autres dispositions pertinentes du droit de l’Union.

75      Il y a lieu de rappeler à cet égard que le règlement n° 1408/71 n’organise pas un régime commun de sécurité sociale, mais laisse subsister des régimes nationaux distincts et a pour unique objet d’assurer une coordination entre ces derniers (arrêts du 5 juillet 1988, Borowitz, 21/87, Rec. p. 3715, point 23; du 3 avril 2008, Chuck, C‑331/06, Rec. p. I-1957, point 27, et Petersen, précité, point 41). Ainsi, selon une jurisprudence constante, les États membres conservent leur compétence pour aménager leurs systèmes de sécurité sociale (voir, en ce sens, arrêts du 7 février 1984, Duphar e.a., 238/82, Rec. p. 523, point 16; du 17 juin 1997, Sodemare e.a., C-70/95, Rec. p. I-3395, point 27, ainsi que du 1er avril 2008, Gouvernement de la Communauté française et gouvernement wallon, C-212/06, Rec. p. I-1683, point 43).

76      Dès lors, en l’absence d’une harmonisation au niveau de l’Union, il appartient à la législation de chaque État membre de déterminer, d’une part, les conditions du droit ou de l’obligation de s’affilier à un régime de sécurité sociale et, d’autre part, les conditions qui donnent droit à des prestations (arrêt du 28 avril 1998, Kohll, C-158/96, Rec. p. I-1931, point 18 et jurisprudence citée).

77      Dans l’exercice de cette compétence, les États membres doivent néanmoins respecter le droit de l’Union et, en particulier, les dispositions du traité FUE relatives à la liberté reconnue à tout citoyen de l’Union de circuler et de séjourner sur le territoire des États membres (voir, par analogie, arrêts du 29 avril 2004, Pusa, C-224/02, Rec. p. I‑5763, point 19, ainsi que du 26 octobre 2006, Tas-Hagen et Tas, C‑192/05, Rec. p. I-10451, point 22).

78      Il convient de rappeler à cet égard que l’article 20 TFUE confère à toute personne ayant la nationalité d’un État membre le statut de citoyen de l’Union (voir, notamment, arrêts du 11 juillet 2002, D’Hoop, C-224/98, Rec. p. I-6191, point 27, et du 8 mars 2011, Ruiz Zambrano, C-34/09, non encore publié au Recueil, point 40). La requérante au principal, qui possède la nationalité d’un État membre, bénéficie de ce statut.

79      Il y a lieu d’indiquer que, même si la juridiction de renvoi a limité sa question à l’interprétation du règlement n° 1408/71, une telle circonstance ne fait pas obstacle à ce que la Cour fournisse à la juridiction nationale tous les éléments d’interprétation du droit de l’Union pouvant être utiles au jugement de l’affaire dont elle est saisie, que cette juridiction y ait fait ou non référence dans l’énoncé de sa question (voir, en ce sens, arrêts du 12 décembre 1990, SARPP, C‑241/89, Rec. p. I-4695, point 8; du 21 février 2006, Ritter-Coulais, C‑152/03, Rec. p. I-1711, point 29, et du 26 avril 2007, Alevizos, C‑392/05, Rec. p. I-3505, point 64).

80      Le statut de citoyen de l’Union a vocation à être le statut fondamental des ressortissants des États membres, permettant à ceux parmi ces derniers qui se trouvent dans la même situation d’obtenir dans le domaine d’application ratione materiae du traité, indépendamment de leur nationalité et sans préjudice des exceptions prévues à cet égard, le même traitement juridique (voir, en ce sens, arrêts du 20 septembre 2001, Grzelczyk, C-184/99, Rec. p. I-6193, point 31, D’Hoop, précité, point 28, et du 23 avril 2009, Rüffler, C-544/07, Rec. p. I-3389, point 62).

81      Parmi les situations relevant du domaine d’application ratione materiae du droit de l’Union figurent celles relatives à l’exercice des libertés fondamentales garanties par les traités, notamment celles relevant de la liberté de circuler et de séjourner sur le territoire des États membres telle que conférée par l’article 21 TFUE (voir, en ce sens, arrêts précités Grzelczyk, point 33; D’Hoop, point 29, ainsi que Rüffler, point 63 et jurisprudence citée).

82      Dans l’affaire au principal, il est constant que Mme Stewart a, en sa qualité de citoyen de l’Union, exercé sa liberté de circuler et de séjourner dans un État membre autre que son État membre d’origine.

83      Dans la mesure où un citoyen de l’Union doit se voir reconnaître, dans tous les États membres, le même traitement juridique que celui qui est accordé aux ressortissants de ces États membres se trouvant dans la même situation, il serait incompatible avec le droit de libre circulation qu’il puisse se voir appliquer, dans l’État membre dont il est ressortissant, un traitement moins favorable que celui dont il bénéficierait s’il n’avait pas fait usage des facilités ouvertes par le traité en matière de circulation (arrêts précités D’Hoop, point 30, et Pusa, point 18).

84      Ces facilités ne pourraient produire leurs pleins effets si un ressortissant d’un État membre pouvait être dissuadé d’en faire usage par les obstacles mis à sa liberté de circuler et de séjourner dans un autre État membre en raison d’une réglementation nationale pénalisant le fait qu’il les a exercées (voir, en ce sens, arrêts précités D’Hoop, point 31; Pusa, point 19; Tas-Hagen et Tas, point 30; du 4 décembre 2008, Zablocka-Weyhermüller, C-221/07, Rec. p. I-9029, point 34, ainsi que Rüffler, précité, point 65).

85      Une réglementation, telle que celle en cause au principal, qui soumet l’acquisition du droit à la prestation d’incapacité de courte durée pour jeunes handicapés à la condition de présence antérieure est susceptible, par sa nature même, de dissuader les demandeurs, tels que la requérante au principal, d’exercer leur liberté de circulation et de séjour en quittant l’État membre dont ils sont ressortissants pour venir s’installer dans un autre État membre. En effet, si les demandeurs qui n’ont pas fait usage des facilités ouvertes par le traité en matière de circulation et de séjour peuvent facilement remplir la condition susmentionnée, tel n’est pas le cas des demandeurs qui en ont fait usage. Il y a effectivement de fortes probabilités que ces derniers, du fait de s’être installés dans un autre État membre, ne satisfassent pas à ladite condition.

86      Pareille réglementation nationale, qui désavantage certains ressortissants d’un État membre du seul fait qu’ils ont exercé leur liberté de circuler et de séjourner dans un autre État membre, constitue une restriction aux libertés reconnues par l’article 21, paragraphe 1, TFUE à tout citoyen de l’Union (voir arrêts précités D’Hoop, point 35; Pusa, point 20; De Cuyper, point 39, et Rüffler, point 73).

87      Une telle restriction ne peut être justifiée, au regard du droit de l’Union, que si elle se fonde sur des considérations objectives indépendantes de la nationalité des personnes concernées et est proportionnée à l’objectif légitimement poursuivi par le droit national (voir arrêts précités De Cuyper, point 40; Tas-Hagen et Tas, point 33; Zablocka-Weyhermüller, point 37, ainsi que Rüffler, point 74).

88      Le gouvernement du Royaume-Uni estime à cet égard qu’il existe des justifications objectives permettant de soumettre l’acquisition du droit à la prestation d’incapacité de courte durée pour jeunes handicapés à la condition de présence antérieure sur le territoire de l’État membre compétent. En effet, la réglementation nationale aurait pour objectif de garantir, d’une part, l’existence d’un lien continu effectif entre cet État membre et le bénéficiaire de la prestation et, d’autre part, l’équilibre financier du système national de sécurité sociale.

89      La Cour a déjà jugé qu’il est légitime pour le législateur national de vouloir s’assurer de l’existence d’un lien réel entre le demandeur d’une prestation et l’État membre compétent (voir, en ce sens, arrêts D’Hoop, précité, point 38, et du 23 mars 2004, Collins, C-138/02, Rec. p. I-2703, point 67), ainsi que de garantir l’équilibre financier du système national de sécurité sociale (voir, en ce sens, arrêts précités Kohll, point 41, et Petersen, point 57).

90      Il s’ensuit que les objectifs poursuivis par une réglementation nationale telle que celle en cause au principal, visant à établir un lien réel entre le demandeur de la prestation d’incapacité de courte durée pour jeunes handicapés et l’État membre compétent ainsi qu’à préserver l’équilibre financier du système national de sécurité sociale, constituent, en principe, des objectifs légitimes susceptibles de justifier des restrictions aux droits de libre circulation et de séjour prévus à l’article 21 TFUE.

91      Le gouvernement du Royaume-Uni fait valoir, en outre, que la condition de présence antérieure sur le territoire de l’État membre compétent est proportionnée au regard de l’objectif poursuivi dans la mesure où elle n’exige qu’une courte période de présence de 26 semaines au total. De surcroît, le demandeur ne devrait remplir cette condition qu’au moment du dépôt de la demande. Par ailleurs, selon ledit gouvernement, il n’existe pas d’autre moyen permettant à la fois d’établir l’existence d’un lien suffisant avec le Royaume-Uni et de protéger l’intégrité du système de sécurité sociale.

92      Dans des circonstances telles que celles au principal, où l’acquisition du droit à une prestation ayant le caractère d’une prestation non contributive n’est pas soumise à des conditions de cotisations, il peut être considéré comme légitime qu’un État membre n’octroie une telle prestation qu’après que l’existence d’un lien réel du demandeur avec l’État compétent a pu être établie.

93      Or, l’existence d’un tel lien pourrait effectivement être vérifiée, notamment, par la constatation que la personne en cause a été, pendant une période d’une durée raisonnable, réellement présente sur le territoire de cet État membre.

94      En l’occurrence, la condition de présence antérieure sur le territoire de l’État membre compétent signifie, selon la réglementation nationale, que, pour être éligible au bénéfice de la prestation d’incapacité de courte durée pour jeunes handicapés, le demandeur doit avoir été présent en Grande-Bretagne pendant une période ou des périodes représentant une durée totale d’au moins 26 semaines au cours des 52 semaines précédant immédiatement la date de la demande. En outre, conformément à l’article 16, paragraphe 6, du SSIBR, et ainsi que le fait valoir le gouvernement du Royaume-Uni, il suffit que cette condition de présence antérieure soit remplie au moment du dépôt de la demande.

95      S’il est vrai que les modalités d’application de ladite condition n’apparaissent pas en soi déraisonnables, il convient néanmoins de relever que celle-ci présente un caractère trop exclusif. En effet, en imposant des périodes spécifiques de présence antérieure sur le territoire de l’État membre compétent, la condition de présence antérieure privilégie indûment un élément qui n’est pas nécessairement représentatif du degré réel et effectif de rattachement entre le demandeur d’une prestation d’incapacité de courte durée pour jeunes handicapés et ledit État membre, à l’exclusion de tout autre élément représentatif. Elle va ainsi au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi (voir, par analogie, arrêt D’Hoop, précité, point 39).

96      En effet, il ne saurait être exclu que l’existence d’un tel lien de rattachement puisse être établie à partir d’autres éléments représentatifs.

97      De tels éléments doivent être recherchés, en premier lieu, dans les rapports existant entre le demandeur et le système de sécurité sociale de l’État membre compétent. À cet égard, il ressort de la décision de renvoi que la requérante au principal bénéficie déjà, au titre de la législation du Royaume-Uni, d’une allocation de subsistance pour handicapés.

98      En outre, il ressort de ladite décision que la requérante au principal est créditée de cotisations d’assurance nationale britannique qui sont ajoutées chaque semaine à son compte d’assurance nationale.

99      Il s’ensuit que Mme Stewart est déjà rattachée d’une certaine façon au système national de sécurité sociale en cause.

100    D’autres éléments susceptibles de démontrer l’existence d’un lien réel entre le demandeur et l’État membre compétent peuvent, en second lieu, ressortir du contexte familial dans lequel se trouve le demandeur. Dans l’affaire au principal, il est constant que Mme Stewart, incapable d’agir par elle-même en raison de son handicap, reste dépendante de ses parents qui la soignent et qui la représentent dans ses rapports avec l’extérieur. Or, tant la mère que le père de Mme Stewart perçoivent une pension de retraite au titre de la législation du Royaume-Uni. En outre, le père de Mme Stewart exerçait une activité professionnelle dans cet État membre avant de partir à la retraite, alors que sa mère recevait antérieurement, toujours au titre de la législation du même État membre, une prestation d’incapacité.

101    Enfin, il est constant que la requérante au principal, ressortissante britannique, a passé une partie significative de sa vie au Royaume-Uni.

102    Les éléments mentionnés aux points 97 à 101 du présent arrêt paraissent donc susceptibles de démontrer l’existence d’un lien de rattachement réel et suffisant entre la requérante au principal et l’État membre compétent.

103    Les considérations précédentes peuvent également être reprises au regard de l’objectif visant à garantir l’équilibre financier du système national de sécurité sociale. En effet, la nécessité d’établir un lien de rattachement réel et suffisant entre le demandeur et l’État membre compétent permet audit État de s’assurer que la charge économique associée au versement de la prestation en cause au principal ne devienne pas déraisonnable.

104    Par conséquent, une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui soumet l’acquisition du droit à une prestation d’incapacité de courte durée pour jeunes handicapés à une condition de présence antérieure sur le territoire de l’État membre compétent à l’exclusion de tout autre élément permettant d’établir l’existence d’un lien réel entre le demandeur et cet État membre, va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi et constitue donc une restriction non justifiée aux libertés garanties par l’article 21, paragraphe 1, TFUE à tout citoyen de l’Union.

 Sur la condition de présence au moment du dépôt de la demande

105    Il ressort de la décision de renvoi que la demande de la requérante au principal tendant à obtenir le bénéfice de la prestation d’incapacité de courte durée pour jeunes handicapés a été rejetée parce qu’elle n’était pas présente sur le territoire national au moment du dépôt de sa demande. Dans ces circonstances, même si l’énoncé de la troisième question ne mentionne pas expressément cette condition de présence, dans le cadre de la procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour instituée par l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci d’examiner ladite condition afin de donner au juge de renvoi une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi (voir, notamment, arrêts du 17 juillet 1997, Krüger, C-334/95, Rec. p. I‑4517, point 22; du 28 novembre 2000, Roquette Frères, C-88/99, Rec. p. I-10465, point 18, ainsi que du 11 juillet 2002, Marks & Spencer, C-62/00, Rec. p. I-6325, point 32).

106    Il convient de relever à cet égard que la condition de présence sur le territoire de l’État membre compétent au moment du dépôt de la demande constitue, pour les raisons exposées aux points 80 à 87 du présent arrêt, une restriction aux libertés reconnues par l’article 21, paragraphe 1, TFUE à tout citoyen de l’Union.

107    Une telle restriction ne peut être justifiée, au regard du droit de l’Union, que si elle est, notamment, apte à atteindre l’objectif légitimement poursuivi par le droit national.

108    Or, ladite condition ne saurait être qualifiée de moyen apte à atteindre les objectifs visés au point 89 du présent arrêt. En effet, le fait que le demandeur soit présent sur le territoire de l’État membre compétent lors de l’introduction de sa demande tendant à l’octroi de la prestation d’incapacité de courte durée pour jeunes handicapés ne permet ni d’établir un lien réel entre ce demandeur et l’État membre compétent ni de préserver l’équilibre financier du système national de sécurité sociale.

109    Il s’ensuit que la condition de présence sur le territoire de l’État membre compétent au moment du dépôt de la demande, à laquelle est soumise l’acquisition de la prestation d’incapacité de courte durée pour jeunes handicapés, constitue une restriction non justifiée aux libertés reconnues par l’article 21, paragraphe 1, TFUE à tout citoyen de l’Union.

110    Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la troisième question de la manière suivante:

–        l’article 10, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 1408/71 s’oppose à ce qu’un État membre soumette l’octroi d’une prestation d’incapacité de courte durée pour jeunes handicapés, telle que celle en cause au principal, à une condition de résidence habituelle du demandeur sur son territoire;

–        l’article 21, paragraphe 1, TFUE s’oppose à ce qu’un État membre soumette l’octroi d’une telle prestation:

–        à une condition de présence antérieure du demandeur sur son territoire à l’exclusion de tout autre élément permettant d’établir l’existence d’un lien réel entre le demandeur et cet État membre, et

–        à une condition de présence du demandeur sur son territoire au moment du dépôt de la demande.

 Sur les dépens

111    La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

1)      Une prestation d’incapacité de courte durée pour jeunes handicapés, telle que celle en cause au principal, constitue une prestation d’invalidité au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) n° 647/2005 du Parlement européen et du Conseil, du 13 avril 2005, s’il est constant que, à la date de l’introduction de la demande, le demandeur est atteint d’un handicap permanent ou durable.

2)      L’article 10, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 1408/71, dans ladite version, tel que modifié par le règlement n° 647/2005, s’oppose à ce qu’un État membre soumette l’octroi d’une prestation d’incapacité de courte durée pour jeunes handicapés, telle que celle en cause au principal, à une condition de résidence habituelle du demandeur sur son territoire.

L’article 21, paragraphe 1, TFUE s’oppose à ce qu’un État membre soumette l’octroi d’une telle prestation:

–        à une condition de présence antérieure du demandeur sur son territoire à l’exclusion de tout autre élément permettant d’établir l’existence d’un lien réel entre le demandeur et cet État membre, et

–        à une condition de présence du demandeur sur son territoire au moment du dépôt de la demande.

Signatures


* Langue de procédure: l’anglais.