Affaire C-275/09

Brussels Hoofdstedelijk Gewest e.a.

contre

Vlaams Gewest

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Raad van State (Belgique))

«Directive 85/337/CEE — Évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement — Aéroports dont la piste de décollage a une longueur d’au moins 2 100 mètres — Notion de ‘construction’ — Renouvellement de l’autorisation d’exploitation»

Sommaire de l'arrêt

Environnement — Évaluation des incidences de certains projets sur l'environnement — Directive 85/337 — Obligation des États membres de soumettre à évaluation les projets susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement — Notion de «projet» ou de «construction»

(Directive du Conseil 85/337, telle que modifiée par la directive 97/11, art. 1er, § 2, 1er tiret, et annexes I, point 7, et II, point 13, 1er tiret)

L’article 1er, paragraphe 2, second tiret, et le point 7 de l’annexe I de la directive 85/337, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, telle que modifiée par la directive 97/11, doivent être interprétés en ce sens que le renouvellement d’une autorisation existante d’exploiter un aéroport ne peut, en l’absence de travaux ou d’interventions modifiant la réalité physique du site, être qualifié respectivement de «projet» ou de «construction» au sens desdites dispositions.

Toutefois, il appartient à la juridiction nationale de déterminer, sur la base de la réglementation nationale applicable et en tenant compte, le cas échéant, de l’effet cumulatif de plusieurs travaux ou interventions réalisés depuis l’entrée en vigueur de la directive 85/337, si cette autorisation s’insère dans une procédure d’autorisation en plusieurs étapes ayant pour objet, à son terme, la réalisation d’activités constitutives d’un projet au sens du point 13, premier tiret, de l’annexe II, lu en combinaison avec le point 7 de l’annexe I de celle-ci. En l’absence d’évaluation des incidences sur l'environnement de tels travaux ou interventions à l’étape antérieure du processus d’autorisation, il incomberait à la juridiction nationale d’assurer l’effet utile de la directive en veillant à ce qu’une telle évaluation soit réalisée à tout le moins au stade de la délivrance de l’autorisation d’exploitation.

(cf. points 24, 30, 32, 34, 36, 38 et disp.)







ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

17 mars 2011 (*)

«Directive 85/337/CEE – Évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement – Aéroports dont la piste de décollage a une longueur d’au moins 2 100 mètres – Notion de ‘construction’ – Renouvellement de l’autorisation d’exploitation»

Dans l’affaire C‑275/09,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Raad van State (Belgique), par décision du 14 juillet 2009, parvenue à la Cour le 21 juillet 2009, dans la procédure

Brussels Hoofdstedelijk Gewest,

Pieter De Donder,

Fernande De Becker,

Katrien Colenbie,

Philippe Hutsenbaut,

Bea Kockaert,

VZW Boreas,

Frédéric Petit,

Stéphane de Burbure de Wezembeek,

Lodewijk Van Dessel,

contre

Vlaams Gewest,

en présence de:

The Brussels Airport Company NV,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. J.-J. Kasel, A. Borg Barthet, M. Ilešič et Mme M. Berger (rapporteur), juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: Mme C. Strömholm, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 6 octobre 2010,

considérant les observations présentées:

–        pour Brussels Hoofdstedelijk Gewest, par Mes F. Tulkens et J. Mosselmans, advocaten,

–        pour Mmes De Becker, Colenbie, M. Hutsenbaut, Mme Kockaert ainsi que VZW Boreas, par Mes I. Larmuseau et H. Schoukens, advocaten,

–        pour M. Petit, par Mes J. Verstraeten et S. Vanthienen, advocaten,

–        pour M. de Burbure de Wezembeek, par Me M. Denys, advocaat,

–        pour M. Van Dessel, par Mes P. Flamey et P.‑J. Vervoort, advocaten,

–        pour Vlaams Gewest, par Mes J. Vanpraet et S. Ronse, avocats,

–        pour The Brussels Airport Company NV, par Mes D. Ryckbost et A. Lippens, advocaten,

–        pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. G. Fiengo, avvocato dello Stato,

–        pour le gouvernement autrichien, par M. E. Riedl, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par MM. P. Oliver, J.‑B. Laignelot et B. Burggraaf, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 17 novembre 2010,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du point 7, sous a), de l’annexe I de la directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO L 175, p. 40), telle que modifiée par la directive 97/11/CE du Conseil, du 3 mars 1997 (JO L 73, p. 5, ci-après la «directive 85/337»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Brussels Hoofdstedelijk Gewest (Région de Bruxelles-Capitale) et plusieurs autres requérants au Vlaams Gewest (Région flamande) au sujet d’une décision relative à l’exploitation de l’aéroport de Bruxelles-National.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        L’article 1er, paragraphe 2, de la directive 85/337 prévoit:

«Au sens de la présente directive, on entend par:

projet:

–        la réalisation de travaux de construction ou d’autres installations ou ouvrages,

–        d’autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage, y compris celles destinées à l’exploitation des ressources du sol;

[…]

autorisation:

la décision de l’autorité ou des autorités compétentes qui ouvre le droit du maître d’ouvrage de réaliser le projet.»

4        Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 85/337, «[l]es États membres prennent les dispositions nécessaires pour que, avant l’octroi de l’autorisation, les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, soient soumis à une procédure de demande d’autorisation et à une évaluation en ce qui concerne leurs incidences».

5        Les projets concernés sont définis à l’article 4 de la directive 85/337. Cette disposition établit une distinction entre les projets énumérés à l’annexe I, qui doivent être soumis à une évaluation des incidences sur l’environnement, et les projets énumérés à l’annexe II, pour lesquels les États membres doivent déterminer, sur la base d’un examen cas par cas ou sur la base des seuils ou critères fixés par l’État membre, s’ils doivent ou non faire l’objet d’une telle évaluation.

6        Le point 7, sous a), de l’annexe I de la directive 85/337 vise la «[c]onstruction […] d’aéroports dont la piste de décollage et d’atterrissage a une longueur d’au moins 2 100 mètres».

7        Le point 13, premier tiret, de l’annexe II de ladite directive mentionne «[t]oute modification ou extension des projets figurant à l’annexe I ou à l’annexe II, déjà autorisés, réalisés ou en cours de réalisation, qui peut avoir des incidences négatives importantes sur l’environnement».

 Le droit national

8        La réglementation applicable en Région flamande établit une distinction entre l’«autorisation urbanistique», qui autorise la réalisation de certains travaux, et l’«autorisation environnementale», qui autorise l’exploitation d’un établissement classé comme incommode.

9        L’octroi d’une autorisation environnementale, dont la validité est toujours limitée dans le temps, est régi par le décret du Parlement flamand du 28 juin 1985 relatif à l’autorisation environnementale, complété par un arrêté d’exécution du gouvernement flamand du 6 février 1991.

10      Depuis l’entrée en vigueur, le 1er mai 1999, d’une nouvelle liste de classification, telle que modifiée par un arrêté du gouvernement flamand du 12 janvier 1999, les «terrains pour des aérodromes disposant d’une piste de décollage et d’atterrissage […] d’au moins 1 900 mètres» sont classés dans la catégorie des établissements incommodes nécessitant l’octroi d’une autorisation environnementale.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

11      L’aéroport de Bruxelles-National, situé en Région flamande, dispose de trois pistes de décollage et d’atterrissage de plus de 2 100 mètres. Il existe depuis plusieurs décennies, mais son exploitation n’est soumise à l’octroi d’une autorisation environnementale que depuis l’année 1999.

12      La première autorisation environnementale a été accordée le 1er février 2000 pour une durée de cinq ans. Cette autorisation, qui fixait notamment des normes de bruit, a été modifiée à trois reprises, dans le sens d’une réduction plus importante de la charge totale de bruit. La juridiction de renvoi indique qu’il ne ressort pas du dossier que cette autorisation, pas plus que ses modifications successives, aient fait l’objet d’une évaluation des incidences sur l’environnement.

13      Le 5 janvier 2004, The Brussels Airport Company NV a introduit une demande d’autorisation environnementale en vue de la poursuite de l’exploitation de l’aéroport et de la modification de celui-ci, portant sur l’ajout de parcelles.

14      Le 8 juillet 2004, la députation permanente du conseil provincial du Brabant flamand a accordé l’autorisation demandée en ce qui concerne la poursuite de l’exploitation de l’aéroport, tout en rejetant la demande d’extension de celui-ci. En ce qui concerne la réalisation d’une évaluation des incidences sur l’environnement, ladite députation permanente a estimé qu’elle n’était pas nécessaire.

15      Un recours administratif a été introduit à l’encontre de cette décision. Les requérants faisaient notamment valoir qu’une évaluation des incidences sur l’environnement aurait dû être annexée à la demande d’autorisation environnementale.

16      Le 30 décembre 2004, le ministre flamand des Travaux publics, de l’Énergie, de l’Environnement et de la Nature a confirmé ladite décision de la députation permanente du conseil provincial du Brabant flamand. Il a estimé que la réalisation d’une évaluation des incidences sur l’environnement n’était pas nécessaire au regard tant de la réglementation flamande que de la directive 85/337.

17      Le Brussels Hoofdstedelijk Gewest et plusieurs autres requérants ont saisi le Raad van State d’un recours à l’encontre de cette décision confirmative. Ils font valoir qu’elle est entachée d’irrégularité parce que l’octroi de l’autorisation environnementale était soumis à la réalisation d’une évaluation des incidences sur l’environnement et que cette obligation n’a pas été respectée.

18      C’est dans ces conditions que le Raad van State a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Lorsque des autorisations différentes sont exigées, d’une part, pour les travaux d’infrastructure d’un aéroport dont la piste de décollage et d’atterrissage a une longueur d’au moins 2 100 mètres et, d’autre part, pour l’exploitation de cet aéroport et que cette dernière autorisation – l’autorisation environnementale – n’est accordée que pour une durée déterminée, le terme ‘construction’ figurant au point 7, sous a), de l’annexe I de la [directive 85/337] doit-il être compris en ce sens qu’une évaluation des incidences sur l’environnement ne doit pas seulement être effectuée pour la réalisation de travaux d’infrastructure, mais également pour l’exploitation de l’aéroport?

2)      Cette évaluation obligatoire des incidences sur l’environnement s’impose-t-elle également pour le renouvellement de l’autorisation environnementale de l’aéroport, et cela dans le cas où ce renouvellement ne va pas de pair avec une quelconque modification ou extension de l’exploitation aussi bien que dans le cas où est envisagée une telle modification ou extension?

3)      La situation est-elle différente, en ce qui concerne l’obligation d’effectuer une évaluation des incidences sur l’environnement dans le cadre du renouvellement d’une autorisation environnementale pour un aéroport, selon que, à l’occasion d’une précédente autorisation d’exploitation, une évaluation des incidences sur l’environnement a ou non déjà été effectuée et que l’aéroport était ou non déjà en exploitation au moment où l’évaluation des incidences sur l’environnement a été introduite par le législateur communautaire ou le législateur interne?»

 Sur les questions préjudicielles

19      En vue de répondre à ces questions, qu’il y a lieu d’examiner ensemble, il convient de rechercher si l’exploitation d’un aéroport peut constituer un «projet», au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 85/337, et, en cas de réponse affirmative, si un tel projet relève de ceux qui sont énumérés aux annexes I et II de cette directive.

20      Ainsi que la Cour l’a rappelé au point 23 de son arrêt du 28 février 2008, Abraham e.a. (C‑2/07, Rec. p. I‑1197), il ressort des termes mêmes de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 85/337 que le terme «projet» vise des travaux ou des interventions physiques.

21      Or, il est expressément indiqué, dans la décision de renvoi, que la mesure qui constitue l’objet du litige au principal se limite au renouvellement de l’autorisation existante d’exploiter l’aéroport de Bruxelles-National, en l’absence de travaux ou d’interventions modifiant la réalité physique du site.

22      Certains des requérants au principal ont toutefois fait valoir que la notion d’intervention physique doit être entendue largement, au sens de toute intervention dans le milieu naturel. Ils s’appuient à cet égard sur les points 24 et 25 de l’arrêt du 7 septembre 2004, Waddenvereniging et Vogelbeschermingsvereniging (C‑127/02, Rec. p. I‑7405), dans lesquels la Cour a jugé qu’une activité telle que la pêche mécanique à la coque est comprise dans la notion de «projet» telle que définie à l’article 1er, paragraphe 2, second tiret, de la directive 85/337.

23      Cette argumentation ne saurait être retenue. En effet, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 22 de ses conclusions, l’activité en cause dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt pouvait être considérée comme comparable à l’exploitation des ressources du sol, activité spécifiquement visée à l’article 1er, paragraphe 2, second tiret, de la directive 85/337, et impliquait de véritables modifications physiques des fonds marins.

24      Il s’ensuit que le renouvellement d’une autorisation existante d’exploiter un aéroport ne peut, en l’absence de travaux ou d’interventions modifiant la réalité physique du site, être qualifié de «projet», au sens de l’article 1er, paragraphe 2, second tiret, de la directive 85/337.

25      Il convient d’ajouter que, en tout état de cause, l’article 2, paragraphe 1, de la directive 85/337 exige non pas que tout projet qui est susceptible d’avoir une incidence notable sur l’environnement soit soumis à la procédure d’évaluation que cette directive prévoit, mais que seuls doivent l’être ceux qui sont mentionnés aux annexes I et II de ladite directive (ordonnance du 10 juillet 2008, Aiello e.a., C‑156/07, Rec. p. I‑5215, point 34).

26      À cet égard, il y a lieu de relever, à l’instar de M. l’avocat général au point 26 de ses conclusions, que le terme «construction» utilisé au point 7, sous a), de l’annexe I de la directive 85/337 ne présente aucune ambiguïté et qu’il doit être compris dans son sens usuel, c’est-à-dire comme faisant référence à la réalisation d’ouvrages auparavant inexistants ou à la modification, au sens physique, d’ouvrages préexistants.

27      Il est vrai que la Cour a, dans sa jurisprudence, donné une interprétation large de la notion de «construction», en admettant que des travaux portant sur la transformation d’une voie existante puissent être équivalents, par leur ampleur et leurs modalités, à la construction d’une nouvelle voie (arrêt du 25 juillet 2008, Ecologistas en Acción-CODA, C‑142/07, Rec. p. I‑6097, point 36). De même a-t-elle interprété les dispositions du point 13 de l’annexe II de la directive 85/337, lues en combinaison avec celles du point 7 de l’annexe I de celle-ci, en ce sens qu’elles visent également les travaux de modification apportés à l’infrastructure d’un aéroport existant sans allongement de la piste de décollage et d’atterrissage, dès lors qu’ils peuvent être regardés, notamment par leur nature, leur importance et leurs caractéristiques, comme une modification de l’aéroport lui-même (arrêt Abraham e.a., précité, point 40).

28      Toutefois, il ressort de la lecture de ces arrêts que, dans chacune des affaires ayant donné lieu à ceux-ci, des travaux physiques étaient en cause, élément qui, selon les indications fournies par la juridiction de renvoi, fait défaut dans l’affaire au principal.

29      Or, ainsi que l’a rappelé M. l’avocat général au point 28 de ses conclusions, s’il est de jurisprudence constante que le champ d’application de la directive 85/337 est étendu et son objectif très large (voir, notamment, arrêts précités Abraham e.a., point 32, ainsi que Ecologistas en Acción-CODA, point 28), une interprétation téléologique de cette directive ne saurait cependant s’écarter de la volonté clairement exprimée par le législateur de l’Union.

30      Il s’ensuit que, en tout état de cause, le renouvellement d’une autorisation existante d’exploiter un aéroport ne peut, en l’absence de travaux ou d’interventions modifiant la réalité physique du site, être qualifié de «construction», au sens du point 7, sous a), de l’annexe I de la directive 85/337.

31      Il convient néanmoins de relever que, dans le cadre de la procédure devant la Cour et, notamment, lors de l’audience, certains des requérants au principal ont fait valoir que, depuis l’expiration du délai de transposition de la directive 85/337, des travaux de modification ont été apportés à l’infrastructure de l’aéroport de Bruxelles-National sans qu’une évaluation des incidences sur l’environnement ait été effectuée.

32      Dans ce contexte, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence établie de la Cour, une autorisation qui, telle que celle en cause au principal, ne porte pas formellement sur une activité soumise à une évaluation des incidences sur l’environnement au sens des annexes I et II de la directive 85/337 peut néanmoins nécessiter la réalisation d’une telle évaluation, lorsque cette mesure constitue une étape d’une procédure visant, à son terme, à autoriser la réalisation d’une activité constitutive d’un projet au sens de l’article 2, paragraphe 1, de ladite directive (voir, en ce sens, arrêt Abraham e.a., précité, point 25).

33      Selon cette même jurisprudence, lorsque le droit national prévoit que la procédure d’autorisation se déroule en plusieurs étapes, l’évaluation des incidences sur l’environnement d’un projet doit, en principe, être effectuée aussitôt qu’il est possible d’identifier et d’évaluer tous les effets que ce projet est susceptible d’avoir sur l’environnement (voir arrêts du 7 janvier 2004, Wells, C‑201/02, Rec. p. I‑723, point 53, ainsi que Abraham e.a., précité, point 26). À cet égard, il a également été jugé qu’une disposition nationale prévoyant qu’une évaluation des incidences sur l’environnement peut être effectuée uniquement lors de l’étape initiale de la procédure d’autorisation et non lors d’une étape ultérieure de celle-ci ne serait pas compatible avec la directive 85/337 (voir, en ce sens, arrêt du 4 mai 2006, Commission/Royaume-Uni, C‑508/03, Rec. p. I‑3969, points 105 et 106).

34      Dans la présente affaire, il y a donc lieu d’indiquer à la juridiction de renvoi qu’il lui appartient, à la lumière de la jurisprudence rappelée aux points 27, 32 et 33 du présent arrêt, de déterminer, sur la base de la réglementation nationale applicable, si une décision telle que celle en cause dans le litige au principal peut être considérée comme une étape d’une procédure d’autorisation en plusieurs étapes ayant pour objet, à son terme, la réalisation d’activités constitutives d’un projet au sens des dispositions pertinentes de la directive 85/337.

35      Aux fins de l’examen des faits, il y a lieu de rappeler à la juridiction de renvoi que la Cour a déjà jugé que des travaux de modification apportés à l’infrastructure d’un aéroport existant sans allongement de la piste de décollage et d’atterrissage relèvent des dispositions du point 13 de l’annexe II de la directive 85/337, lues en combinaison avec celles du point 7 de l’annexe I de celle-ci, dès lors qu’ils peuvent être regardés, notamment par leur nature, leur importance et leurs caractéristiques, comme une modification de l’aéroport lui-même (arrêt Abraham e.a., précité, point 40).

36      La Cour a également souligné que l’objectif de la réglementation de l’Union ne saurait être détourné par un fractionnement des projets et que l’absence de prise en considération de leur effet cumulatif ne doit pas avoir pour résultat pratique de les soustraire dans leur totalité à l’obligation d’évaluation alors que, pris ensemble, ils sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement au sens de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 85/337 (arrêt Abraham e.a., précité, point 27).

37      Dans l’hypothèse où il s’avérerait que, depuis l’entrée en vigueur de la directive 85/337, des travaux ou des interventions physiques devant être considérés comme un projet au sens de cette directive ont été réalisés sur le site de l’aéroport sans que leurs incidences sur l’environnement aient fait l’objet d’une évaluation à une étape antérieure du processus d’autorisation, il incomberait à la juridiction de renvoi d’en tenir compte à l’étape de la délivrance de l’autorisation d’exploitation et d’assurer l’effet utile de ladite directive en veillant à ce qu’une telle évaluation soit réalisée à tout le moins à ce stade de la procédure.

38      En conséquence, il convient de répondre aux questions posées que l’article 1er, paragraphe 2, second tiret, de la directive 85/337 et le point 7 de l’annexe I de celle-ci doivent être interprétés en ce sens que:

–        le renouvellement d’une autorisation existante d’exploiter un aéroport ne peut, en l’absence de travaux ou d’interventions modifiant la réalité physique du site, être qualifié respectivement de «projet» ou de «construction» au sens desdites dispositions;

–        toutefois, il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer, sur la base de la réglementation nationale applicable et en tenant compte, le cas échéant, de l’effet cumulatif de plusieurs travaux ou interventions réalisés depuis l’entrée en vigueur de ladite directive, si cette autorisation s’insère dans une procédure d’autorisation en plusieurs étapes ayant pour objet, à son terme, la réalisation d’activités constitutives d’un projet au sens du point 13, premier tiret, de l’annexe II, lu en combinaison avec le point 7 de l’annexe I de celle-ci. En l’absence d’évaluation des incidences sur l’environnement de tels travaux ou interventions à l’étape antérieure du processus d’autorisation, il incomberait à la juridiction de renvoi d’assurer l’effet utile de la directive en veillant à ce qu’une telle évaluation soit réalisée à tout le moins au stade de la délivrance de l’autorisation d’exploitation.

 Sur les dépens

39      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

L’article 1er, paragraphe 2, second tiret, et le point 7 de l’annexe I de la directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, telle que modifiée par la directive 97/11/CE du Conseil, du 3 mars 1997, doivent être interprétés en ce sens que:

–        le renouvellement d’une autorisation existante d’exploiter un aéroport ne peut, en l’absence de travaux ou d’interventions modifiant la réalité physique du site, être qualifié respectivement de «projet» ou de «construction» au sens desdites dispositions;

–        toutefois, il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer, sur la base de la réglementation nationale applicable et en tenant compte, le cas échéant, de l’effet cumulatif de plusieurs travaux ou interventions réalisés depuis l’entrée en vigueur de ladite directive, si cette autorisation s’insère dans une procédure d’autorisation en plusieurs étapes ayant pour objet, à son terme, la réalisation d’activités constitutives d’un projet au sens du point 13, premier tiret, de l’annexe II, lu en combinaison avec le point 7 de l’annexe I de celle-ci. En l’absence d’évaluation des incidences sur l’environnement de tels travaux ou interventions à l’étape antérieure du processus d’autorisation, il incomberait à la juridiction de renvoi d’assurer l’effet utile de la directive en veillant à ce qu’une telle évaluation soit réalisée à tout le moins au stade de la délivrance de l’autorisation d’exploitation.

Signatures


* Langue de procédure: le néerlandais.