ORDONNANCE DE LA COUR (septième chambre)

24 avril 2009 (*)

«Article 104, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure –Politique sociale – Directive 1999/70/CE – Clauses 5 et 8 de l’accord‑cadre sur le travail à durée déterminée – Contrats de travail à durée déterminée dans le secteur public – Contrats successifs –Régression du niveau général de protection des travailleurs – Mesures visant à prévenir les abus – Sanctions – Interdiction absolue de transformation des contrats de travail à durée déterminée en contrats à durée indéterminée dans le secteur public – Conséquences d’une transposition incorrecte d’une directive – Interprétation conforme»

Dans l’affaire C‑519/08,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Monomeles Protodikeio Athinon (Grèce), par décision du 1er septembre 2008, parvenue à la Cour le 27 novembre 2008, dans la procédure

Archontia Koukou

contre

Elliniko Dimosio,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. A. Ó Caoimh (rapporteur), président de chambre, MM. J. Klučka et U. Lõhmus, juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: M. R. Grass,

la Cour se proposant de statuer par voie d’ordonnance motivée conformément à l’article 104, paragraphe 3, premier alinéa, de son règlement de procédure,

l’avocat général entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des clauses 5, points 1 et 2, ainsi que 8, point 3, de l’accord‑cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999 (ci‑après l’«accord‑cadre»), qui figure en annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord‑cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (JO L 175, p. 43).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme Koukou à son employeur, l’Elliniko Dimosio (État hellénique), au sujet de la qualification des contrats de travail qui la liaient à ce dernier et du non‑renouvellement de son dernier contrat de travail.

 Le cadre juridique

 La réglementation communautaire

3        La directive 1999/70 est fondée sur l’article 139, paragraphe 2, CE et vise, aux termes de son article 1er, «à mettre en œuvre l’accord‑cadre […], figurant en annexe, conclu […] entre les organisations interprofessionnelles à vocation générale (CES, UNICE, CEEP)».

4        Il ressort des troisième, sixième, septième, treizième à quinzième et dix‑septième considérants de ladite directive ainsi que des premier à troisième alinéas du préambule de l’accord‑cadre et des points 3, 5 à 8 et 10 des considérations générales de ce dernier que:

–        la réalisation du marché intérieur doit conduire à une amélioration des conditions de vie et de travail des travailleurs dans la Communauté européenne au moyen d’un rapprochement dans le progrès de ces conditions, notamment pour les formes de travail autres que le travail à durée indéterminée, afin d’atteindre un meilleur équilibre entre la flexibilité du temps de travail et la sécurité des travailleurs;

–        ces objectifs ne peuvent être réalisés de manière suffisante par les États membres, de sorte qu’il a été jugé approprié de recourir à une mesure communautaire juridiquement contraignante, élaborée en étroite collaboration avec les partenaires sociaux représentatifs;

–        les parties à l’accord‑cadre reconnaissent que, d’une part, les contrats à durée indéterminée sont et resteront la forme générale des relations d’emploi, dès lors qu’ils contribuent à la qualité de vie des travailleurs concernés et à l’amélioration de leurs performances, mais que, d’autre part, les contrats de travail à durée déterminée répondent, dans certaines circonstances, aux besoins tant des employeurs que des travailleurs;

–        l’accord‑cadre énonce les principes généraux et les prescriptions minimales relatifs au travail à durée déterminée, en établissant, notamment, un cadre général destiné à assurer l’égalité de traitement pour les travailleurs à durée déterminée en les protégeant contre la discrimination ainsi qu’à prévenir les abus découlant de l’utilisation de relations de travail à durée déterminée successives, tout en renvoyant aux États membres et aux partenaires sociaux pour la définition des modalités détaillées d’application desdits principes et prescriptions, aux fins de prendre en compte les réalités des situations spécifiques nationales, sectorielles et saisonnières;

–        c’est ainsi que le Conseil de l’Union européenne a considéré que l’acte approprié pour la mise en œuvre de cet accord‑cadre est une directive, dès lors qu’elle lie les États membres en ce qui concerne le résultat à atteindre, mais laisse à ceux‑ci le choix de la forme et des moyens;

–        s’agissant plus particulièrement des termes employés dans l’accord‑cadre, mais qui n’y sont pas définis de manière spécifique, la directive 1999/70 laisse aux États membres le soin de les préciser en conformité avec le droit et/ou les pratiques nationales, à condition qu’ils respectent l’accord‑cadre, et que

–        selon les parties signataires de l’accord‑cadre, l’utilisation des contrats de travail à durée déterminée fondée sur des raisons objectives constitue un moyen de prévenir les abus au détriment des travailleurs.

5        Aux termes de la clause 1 de l’accord‑cadre, celui‑ci:

«[…] a pour objet:

a)      d’améliorer la qualité du travail à durée déterminée en assurant le respect du principe de non‑discrimination;

b)      d’établir un cadre pour prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs.»

6        La clause 2 de l’accord‑cadre prévoit:

«1.      Le présent accord s’applique aux travailleurs à durée déterminée ayant un contrat ou une relation de travail défini par la législation, les conventions collectives ou les pratiques en vigueur dans chaque État membre.

2.      Les États membres, après consultation de partenaires sociaux, et/ou les partenaires sociaux peuvent prévoir que le présent accord ne s’applique pas:

a)      aux relations de formation professionnelle initiale et d’apprentissage;

b)      aux contrats ou relations de travail conclus dans le cadre d’un programme de formation, insertion et reconversion professionnelles public spécifique ou soutenu par les pouvoirs publics.»

7        La clause 3 du même accord‑cadre est ainsi libellée:

«Aux termes du présent accord, on entend par:

1.      ‘travailleur à durée déterminée’, une personne ayant un contrat ou une relation de travail à durée déterminée conclu directement entre l’employeur et le travailleur où la fin du contrat ou de la relation de travail est déterminée par des conditions objectives telles que l’atteinte d’une date précise, l’achèvement d’une tâche déterminée ou la survenance d’un événement déterminé;

2.      ‘travailleur à durée indéterminée comparable’, un travailleur ayant un contrat ou une relation de travail à durée indéterminée dans le même établissement, et ayant un travail/emploi identique ou similaire, en tenant compte des qualifications/compétences. Lorsqu’il n’existe aucun travailleur à durée indéterminée comparable dans le même établissement, la comparaison s’effectue par référence à la convention collective applicable ou, en l’absence de convention collective applicable, conformément à la législation, aux conventions collectives ou aux pratiques nationales.»

8        La clause 4 de l’accord‑cadre dispose:

«1.      Pour ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à durée déterminée ne sont pas traités d’une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu’ils travaillent à durée déterminée, à moins qu’un traitement différent soit justifié par des raisons objectives.

2.      Lorsque c’est approprié, le principe du ‘pro rata temporis’ s’applique.

[…]»

9        La clause 5 de l’accord‑cadre énonce:

«1.      Afin de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, les États membres, après consultation des partenaires sociaux, conformément à la législation, aux conventions collectives et pratiques nationales, et/ou les partenaires sociaux, quand il n’existe pas des mesures légales équivalentes visant à prévenir les abus, introduisent d’une manière qui tienne compte des besoins de secteurs spécifiques et/ou de catégories de travailleurs, l’une ou plusieurs des mesures suivantes:

a)      des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou relations de travail;

b)      la durée maximale totale de contrats ou relations de travail à durée déterminée successifs;

c)      le nombre de renouvellements de tels contrats ou relations de travail.

2.      Les États membres, après consultation des partenaires sociaux et/ou les partenaires sociaux, lorsque c’est approprié, déterminent sous quelles conditions les contrats ou relations de travail à durée déterminée:

a)      sont considérés comme ‘successifs’;

b)      sont réputés conclus pour une durée indéterminée.»

10      La clause 8 de l’accord‑cadre dispose:

«1.      Les États membres et/ou les partenaires sociaux peuvent maintenir ou introduire des dispositions plus favorables pour les travailleurs que celles prévues dans le présent accord.

[…]

3.      La mise en œuvre du présent accord ne constitue pas une justification valable pour la régression du niveau général de protection des travailleurs dans le domaine couvert par le présent accord.

[…]

5.      La prévention et le règlement des litiges et plaintes résultant de l’application du présent accord sont traités conformément à la législation, aux conventions collectives et aux pratiques nationales.

[…]»

11      Aux termes de l’article 2, premier et deuxième alinéas, de la directive 1999/70:

«Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 10 juillet 2001 ou s’assurent, au plus tard à cette date, que les partenaires sociaux ont mis en place les dispositions nécessaires par voie d’accord, les États membres devant prendre toute disposition nécessaire leur permettant d’être à tout moment en mesure de garantir les résultats imposés par la présente directive. Ils en informent immédiatement la Commission.

Les États membres peuvent, si nécessaire, et après consultation des partenaires sociaux, pour tenir compte de difficultés particulières ou d’une mise en œuvre par convention collective, disposer au maximum d’une année supplémentaire. Ils informent immédiatement la Commission de ces circonstances.»

12      L’article 3 de la même directive énonce:

«La présente directive entre en vigueur le jour de sa publication au Journal officiel des Communautés européennes

 La réglementation nationale

 La réglementation destinée à transposer la directive 1999/70

13      Le gouvernement hellénique a informé la Commission qu’il entendait faire usage de la faculté, prévue à l’article 2, deuxième alinéa, de la directive 1999/70, aux fins de disposer d’un délai supplémentaire pour les besoins de l’adoption des mesures de mise en œuvre de cette directive, ce délai n’expirant, en raison de cette prorogation, que le 10 juillet 2002.

14      La première mesure de transposition de la directive 1999/70 dans l’ordre juridique hellénique, à savoir le décret présidentiel 81/2003 portant dispositions concernant les travailleurs recrutés sur la base de contrats de travail à durée déterminée (FEK A’ 77/2.4.2003), est entrée en vigueur le 2 avril 2003.

15      En vertu de son article 2, paragraphe 1, le décret présidentiel 81/2003 s’appliquait aux travailleurs employés sur la base d’un contrat ou d’une relation de travail salarié à durée déterminée.

16      L’article 5 du décret présidentiel 81/2003 disposait:

«1.      Le renouvellement illimité des contrats à durée déterminée est licite lorsqu’il est justifié par une raison objective.

a)      Il existe notamment une raison objective:

[…] Lorsque la conclusion ou la reconduction d’un contrat à durée déterminée est imposée par une disposition législative ou par un acte réglementaire.

[…]»

17      Ce décret a ensuite été modifié par le décret présidentiel 180/2004 (FEK A’ 160/23.8.2004), qui est entré en vigueur le 23 août 2004. L’article 2, paragraphe 1, du décret présidentiel 81/2003 a été remplacé par le texte suivant:

«[Le décret] s’applique aux travailleurs salariés employés dans le secteur privé sur la base d’un contrat ou d’une relation de travail à durée déterminée.»

18      La seconde mesure de transposition de la directive 1999/70 dans l’ordre juridique hellénique est entrée en vigueur le 19 juillet 2004. Le décret présidentiel 164/2004 portant dispositions concernant les travailleurs recrutés sur la base de contrats à durée déterminée dans le secteur public (FEK A’ 134/19.7.2004) a en effet transposé la directive 1999/70 dans la législation hellénique applicable au personnel de l’État et du secteur public au sens large.

19      Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, dudit décret présidentiel:

«Les dispositions du présent décret sont applicables au personnel du secteur public […] ainsi qu’au personnel des entreprises communales et municipales employé sur la base d’un contrat ou d’une relation de travail salarié à durée déterminée ou sur la base d’un contrat d’entreprise ou de toute autre forme de contrat ou relation de travail qui dissimule un lien de subordination.»

20      L’article 5 du décret présidentiel 164/2004 est libellé comme suit:

«Contrats successifs

1.      Sont interdits les contrats successifs conclus et exécutés entre le même employeur et le même travailleur, dans une spécialité professionnelle identique ou analogue et à des conditions de travail identiques ou analogues, à des intervalles inférieurs à trois mois.

2.      À titre d’exception, la conclusion de ces contrats est licite lorsqu’elle est justifiée par une raison objective. Il y a raison objective lorsque les contrats suivant le contrat initial sont conclus pour répondre à des besoins particuliers du même type directement ou indirectement liés à la forme, à la nature ou à l’activité de l’entreprise.

[…]

4.      Il ne doit en aucun cas y avoir plus de trois contrats successifs, sous réserve des dispositions du paragraphe 2 de l’article suivant.»

21      L’article 6 dudit décret dispose:

«Durée maximale

1.      Les contrats successifs conclus et exécutés entre le même employeur et le même travailleur, dans une spécialité professionnelle identique ou analogue et à des conditions de travail identiques ou analogues ne peuvent excéder une durée totale d’emploi de 24 mois, qu’ils soient conclus en vertu de l’article précédent ou d’autres dispositions en vigueur.

2.      Une durée totale d’emploi excédant les 24 mois n’est autorisée que dans le cas de catégories de travailleurs spéciales quant à la nature de leur travail et visées par les dispositions en vigueur, telles celles des cadres de direction, des travailleurs recrutés dans le cadre de programmes spécifiques de recherche ou de programmes subventionnés ou financés, ainsi que des travailleurs recrutés pour l’accomplissement d’une tâche relative à l’exécution d’obligations découlant de conventions avec des organisations internationales.»

22      L’article 7 du décret présidentiel 164/2004 énonce:

«Sanction des infractions

1.      Tout contrat conclu en violation des articles 5 et 6 du présent décret est nul de plein droit.

2.      Lorsque le contrat nul a été exécuté, en partie ou dans sa totalité, le travailleur se voit verser les sommes dues; des sommes éventuellement payées ne peuvent être réclamées. Le travailleur peut prétendre, à titre d’indemnité, au montant que devrait percevoir un travailleur équivalent employé pour une durée indéterminée, en cas de résiliation de son contrat. Lorsqu’il existe plus d’un contrat nul, la période prise en compte pour le calcul de l’indemnité est la durée totale de l’emploi fondé sur les contrats nuls. Les sommes versées par l’employeur au travailleur sont imputées au fautif.

3.      Est puni d’emprisonnement […] quiconque contrevient aux dispositions des articles 5 et 6 du présent décret. Lorsque le délit a été commis par négligence, le responsable est puni d’un emprisonnement limité à un an. Cette infraction constitue par ailleurs une faute disciplinaire grave.»

23      L’article 11 du décret présidentiel 164/2004 contient les dispositions transitoires suivantes:

«1.      À condition d’avoir été conclus avant l’entrée en vigueur du présent décret et d’être encore applicables au moment de cette entrée en vigueur, les contrats successifs au sens de l’article 5, paragraphe 1, sont à partir de maintenant transformés en contrats de travail à durée indéterminée si les conditions cumulatives ci‑après sont remplies:

a)      la durée totale des contrats successifs est égale à 24 mois au moins avant l’entrée en vigueur du présent décret, indépendamment du nombre de renouvellements, ou il existe [trois] renouvellements au moins après le contrat initial au sens de l’article 5, paragraphe 1, [du présent décret] avec une durée totale d’emploi de 18 mois au moins dans une période de 24 mois à compter du contrat initial;

b)      la durée totale d’emploi visée sous a) doit avoir été accomplie auprès de la même institution, en la même qualité ou en une qualité analogue, et aux mêmes conditions que dans le contrat de travail initial, ou à des conditions analogues à celles inscrites dans le contrat initial; […]

c)      le contrat doit avoir pour objet des activités se rapportant directement et immédiatement à des besoins permanents et durables de l’institution en cause, tels que ces besoins sont définis par l’intérêt public dont cette institution a la charge;

d)      la durée totale d’emploi au sens ci‑dessus doit avoir été accomplie en régime de temps complet ou de temps partiel et les tâches effectuées doivent avoir été identiques ou analogues à celles indiquées dans le contrat initial. […]

2.      Afin de faire constater que sont remplies les conditions énoncées au paragraphe précédent, le travailleur adresse à l’organisme compétent, dans un délai impératif de deux mois à compter de l’entrée en vigueur du présent décret, une demande énumérant les éléments attestant des conditions précitées. L’avis motivé, appréciant, dans chaque cas, si les conditions énoncées au paragraphe précédent sont remplies, appartient au conseil des promotions ou à l’organe équivalent et, à défaut, au conseil d’administration ou à l’organe de direction – ou à l’organe équivalent en vertu des dispositions en vigueur – de la personne morale concernée. S’agissant d’entreprises municipales ou communales, l’organe compétent est nécessairement le conseil municipal ou communal de la collectivité territoriale concernée, lequel statue sur proposition du conseil d’administration ou de l’organe de direction de l’entreprise. L’organe compétent susmentionné apprécie par ailleurs si les contrats d’ouvrage ou autres contrats et rapports dissimulent en fait un rapport de subordination. L’avis dudit organe compétent doit être rendu au plus tard cinq mois à compter de l’entrée en vigueur du présent décret.

3.      Les avis, positifs ou négatifs, rendus conformément au paragraphe 2 par les organes compétents sont immédiatement transmis à l’Anotato Symvoulio Epilogis Prosopikou [Conseil supérieur de sélection du personnel (ci‑après l’’ASEP’)], lequel statue dans les trois mois à compter de leur réception.

4.      Sont soumis aux dispositions du présent article les travailleurs du secteur public […] ainsi que les travailleurs des entreprises municipales […]

5.      Sont également soumis aux dispositions du paragraphe 1 du présent article les contrats ayant expiré au cours des trois mois ayant précédé l’entrée en vigueur du présent décret; ces contrats sont réputés être des contrats successifs restés applicables jusqu’à l’entrée en vigueur du présent décret. La condition visée au paragraphe 1, sous a), du présent article doit être remplie à la date d’expiration du contrat.

[…]»

 Les autres réglementations pertinentes concernant les contrats de travail à durée déterminée

–       Les dispositions constitutionnelles

24      L’article 103 de la Constitution de la République hellénique (ci-après la «Constitution») est libellé comme suit:

«[…]

2.      Nul ne peut être nommé dans un emploi statutaire qui n’est pas prévu par la loi. Une loi spéciale peut prévoir le recrutement par exception de personnel à contrat de droit privé d’une durée déterminée, en vue de satisfaire des besoins imprévus et urgents.

[…]

8.      La loi définit les conditions et la durée des relations de travail de droit privé avec l’État et le secteur public au sens large, tel que celui‑ci est défini dans chaque cas, afin de couvrir […] des besoins soit temporaires, soit imprévus et urgents au sens du paragraphe 2, deuxième alinéa. La loi définit également les fonctions que le personnel visé à l’alinéa précédent peut exercer. Il est interdit de titulariser par voie législative du personnel relevant du premier alinéa ou de transformer les contrats en contrats à durée indéterminée. Les interdictions visées au présent paragraphe s’appliquent également aux personnes employées dans le cadre d’un contrat d’ouvrage.»

25      L’article 103, paragraphe 8, de la Constitution est entré en vigueur le 7 avril 2001, à savoir après l’entrée en vigueur de la directive 1999/70, mais avant l’expiration tant du délai normal de transposition de cette directive, à savoir le 10 juillet 2001, que du délai supplémentaire prévu à l’article 2, deuxième alinéa, de ladite directive, à savoir le 10 juillet 2002.

–       Les dispositions législatives

26      L’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920 relative à la résiliation obligatoire du contrat de travail des employés du secteur privé (FEK B’ 11/18.3.1920) dispose:

«Les dispositions de la présente loi sont aussi applicables aux contrats de travail à durée déterminée, si cette durée n’est pas justifiée par la nature du contrat, mais a été intentionnellement fixée dans le but de contourner les dispositions de la présente loi qui sont relatives à la résiliation obligatoire du contrat de travail.»

27      Selon la décision de renvoi, il ressort de l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920, tel qu’interprété par la jurisprudence des juridictions helléniques, qu’un contrat de travail à durée déterminée est considéré comme étant à durée indéterminée lorsque aucune raison objective ne justifie la limitation de sa durée, ce qui est le cas lorsqu’un tel contrat vise à satisfaire des besoins permanents et durables de l’employeur. Cette disposition s’appliquerait non seulement lorsque plusieurs contrats de travail à durée déterminée successifs ont été conclus, mais également lorsque est en cause un premier ou unique contrat de travail à durée déterminée.

28      Par ailleurs, il ressort de la même décision de renvoi que, par l’arrêt 18/2006, l’Areios Pagos (Cour de cassation) a jugé que l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920 constitue une «mesure légale équivalente» au sens de la clause 5, point 1, de l’accord‑cadre en tant qu’il permet la requalification avec effet rétroactif de contrats de travail à durée déterminée, tant dans le secteur privé que dans le secteur public, en contrats à durée indéterminée, et cela nonobstant l’interdiction, prévue à l’article 103 de la Constitution, de transformer par voie législative un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, cette interdiction n’empêchant pas que soit reconnue la nature réelle d’un contrat. En revanche, par ses arrêts 19/2007 et 20/2007, rendus le 11 juin 2007, l’Areios Pagos aurait jugé que les contrats de travail à durée déterminée ne peuvent, compte tenu dudit article 103, être convertis en contrats à durée indéterminée, même s’ils couvrent des besoins permanents et durables.

29      L’article 81, paragraphe 2, de la loi 1958/1991 dispose:

«Au cas où un travail archéologique non inclus dans le programme annuel approuvé du Kentriko Archaiologiko Symvoulio [conseil archéologique central] doit être effectué d’urgence et de manière imprévue, pour écarter un risque qui a surgi, le chef du service régional central ou régional spécial du ministère de la Culture compétent en vertu des dispositions en vigueur peut procéder immédiatement à l’exécution des travaux nécessaires, en se concertant avec le ministère au sujet des frais qui y sont liés et en sollicitant l’approbation de la direction compétente […]»

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

30      La requérante au principal a conclu avec l’Elliniko Dimosio, en vue d’assurer, en sa qualité d’archéologue, la surveillance de travaux archéologiques et l’enregistrement des découvertes effectuées lors des fouilles au sein de la Diefthynsi Proïstorikon kai Klassikon Archaiotiton (direction des antiquités préhistoriques et classiques du ministère de la Culture), huit contrats de travail à durée déterminée en vertu de l’article 81, paragraphe 2, de la loi 1958/1991. Ces contrats ont couru, respectivement, du 13 mars au 13 juin 2002, du 8 août au 31 décembre 2002, du 3 janvier au 27 septembre 2003, du 1er octobre au 31 décembre 2003, du 2 août au 31 décembre 2004, du 15 mars au 31 décembre 2005, du 27 mars au 16 juin 2006 et du 26 juin au 31 décembre 2006.

31      Estimant que l’activité exercée dans le cadre de ces contrats satisfaisait en fait des besoins permanents et durables de son employeur, la requérante au principal a, le 28 mars 2006, saisi le Monomoles Protodikeio Athinon (tribunal de grande instance à juge unique d’Athènes) en vue de faire requalifier ces contrats en un contrat de travail à durée indéterminée, d’obtenir la nullité de son licenciement et d’obliger l’Elliniko Dimosio à l’employer en vertu d’un tel contrat.

32      Dans sa décision, la juridiction de renvoi exprime tout d’abord ses doutes sur la conformité du décret présidentiel 164/2004 avec la directive 1999/70 et l’accord-cadre. Cette juridiction se demande, en particulier, si les dispositions permanentes prévues aux articles 5 à 7 de ce décret ainsi que les dispositions transitoires prévues à l’article 11 dudit décret constituent des mesures efficaces pour prévenir et sanctionner le recours abusif à des contrats de travail à durée déterminée au sens de la clause 5, point 1, de l’accord-cadre et si ces dispositions ne constituent pas une régression du niveau général de protection des travailleurs au sens de la clause 8, point 3, de cet accord. Elle s’interroge aussi sur la portée de la notion de «raison objective» figurant à la clause 5, point 1, de l’accord-cadre.

33      Ensuite, ladite juridiction se demande si, dans le cas où le décret présidentiel 164/2004 ne comporterait pas de mesures efficaces pour prévenir les abus au sens de la clause 5 de l’accord‑cadre, le juge national serait tenu d’appliquer, dans le cadre de l’obligation de procéder à une interprétation du droit national qui soit conforme au droit communautaire, le droit hellénique préexistant au décret présidentiel 164/2004, tel qu’il résulte, notamment, de l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920. Cette disposition permettrait en effet la requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrats à durée indéterminée, y compris dans le secteur public, lorsqu’ils ne sont pas justifiés par une raison objective, à savoir lorsqu’ils couvrent, en réalité, des besoins permanents et durables de l’employeur. À cet égard, cette juridiction se demande, en particulier, dans quelle mesure l’article 103, paragraphe 8, de la Constitution, tel que modifié à compter du 7 avril 2001, pourrait être interprété en ce sens qu’il interdirait de manière absolue, dans le secteur public, la transformation de contrats de travail à durée déterminée en contrats à durée indéterminée.

34      Enfin, la juridiction de renvoi se demande s’il est conforme au droit communautaire de soumettre, après l’entrée en vigueur du décret présidentiel 164/2004, les litiges concernant le recours abusif aux contrats de travail à durée déterminée à la compétence exclusive des juridictions administratives lorsqu’il en résulte un accès à la justice considérablement plus difficile.

35      Dans ces conditions, le Monomeles Protodikeio Athinon a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      La clause 5 de l’[accord‑cadre] figurant à l’annexe de la [directive 1999/70] signifie‑t‑elle que peut être considérée comme une raison objective justifiant la conclusion de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs la circonstance que ces contrats ont été conclus en référence à une disposition législative qui prévoit la conclusion de contrats ou de relations de travail à durée déterminée, sans tenir compte du point de savoir si, dans la réalité, ils servent à couvrir des besoins permanents et durables de l’employeur?

2)      L’adjonction, dans le cadre des mesures prises pour la mise en œuvre de la clause 5 de l’[accord‑cadre], de critères permettant de constater l’existence d’un abus (par exemple durée maximale des contrats et nombre de renouvellements dans le cadre desquels l’emploi est permis et sans qu’il existe une raison objective justifiant la conclusion ou le renouvellement de contrats ou de relations de travail à durée déterminée) constitue‑t‑elle une régression inadmissible, au sens de la clause 8, point 3, de l’accord‑cadre, du niveau général de protection préexistant à la [directive 1999/70], étant donné que l’unique critère permettant de constater un abus que prévoyait le régime légal antérieur à la [directive 1999/70] était l’emploi au titre d’un contrat ou d’une relation de travail conclus sans raison objective pour une durée déterminée?

3)      Une disposition contenant des listes imprécises et non limitatives d’exceptions, telles que celles figurant dans les dispositions permanentes du décret présidentiel 164/2004, aux limites maximales prévues en principe quant à la conclusion de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs constitue‑t‑elle une mesure effective permettant de prévenir les abus qui résultent de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, au sens de la clause 5 de l’[accord‑cadre]?

4)      Peut‑on considérer comme des mesures effectives permettant de prévenir les abus et d’assurer une protection contre ceux‑ci, au sens de la clause 5 de l’accord‑cadre, des mesures telles que celles en cause dans la procédure au principal, qui sont contenues dans l’article 7 du décret présidentiel 164/2004, lorsque:

a)      elles prévoient, comme moyen permettant de prévenir les abus et de protéger les travailleurs à durée déterminée contre ceux‑ci, l’obligation pour l’employeur de payer un salaire et une ‘indemnité’ de licenciement en cas d’emploi abusif au titre de contrats de travail à durée déterminée successifs, étant donné que i) l’obligation de payer un salaire et une ‘indemnité’ de licenciement est prévue par le droit national dans tous les cas de relation de travail et ne vise pas spécifiquement à prévenir les abus, au sens de l’accord‑cadre, et que ii) notamment, l’obligation de payer une ‘indemnité’ lors de la résiliation des contrats ou des relations de travail à durée déterminée constitue une conséquence de l’application de la clause 4 de l’accord‑cadre, concernant l’absence de discrimination entre les travailleurs à durée déterminée et les travailleurs à durée indéterminée correspondants, et

b)      elles prévoient, comme moyen permettant de prévenir les abus, l’application de sanctions aux organes compétents de l’employeur, dans la mesure où il a été constaté que des sanctions semblables ou analogues qui avaient été prévues dans le passé en ce qui concerne le secteur public étaient inefficaces pour lutter contre les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs?

5)      Est‑ce que, même si elles sont efficaces, constituent une transposition correcte de la [directive 1999/70] dans l’ordre juridique hellénique, des mesures telles que celles contenues dans l’article 11 du décret présidentiel 164/2004, qui sont entrées en vigueur le 19 juillet 2004, c’est‑à‑dire après l’expiration du délai imparti par la directive [1999/70], et auxquelles n’a été conférée qu’une rétroactivité de trois mois, si bien qu’elles ne visent que les contrats ou les relations de travail à durée déterminée successifs qui étaient en cours après le 19 avril 2004 et ne s’appliquent pas aux contrats ou aux relations de travail à durée déterminée qui ont continué à être conclus successivement même après l’expiration du délai imparti pour la transposition de la [directive 1999/70] et avant le 19 avril 2004?

6)      Au cas où l’on considérerait que les mesures contenues dans le décret présidentiel 164/2004 visant à la mise en œuvre de la clause 5 de l’accord‑cadre ne sont pas efficaces, le juge est‑il tenu, dans le cadre de son obligation de procéder à une interprétation conforme au droit communautaire, d’appliquer conformément à la [directive 1999/70] le droit hellénique préexistant au décret présidentiel (comme l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920), sur la base duquel il est possible d’assurer la protection de la demanderesse contre les abus, d’une manière qui conduise à éliminer les conséquences de la violation du droit communautaire?

7)      Au cas où l’on considérerait que les mesures contenues dans le décret présidentiel 164/2004 ne sont pas efficaces et qu’il y a lieu d’appliquer le régime législatif préexistant à ce décret (article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920), dans le cadre de l’obligation de procéder à une interprétation du droit national qui soit conforme au droit communautaire, est‑il compatible avec le droit communautaire d’interpréter des règles de rang supérieur de l’ordre juridique national (article 103, paragraphe 8, de la Constitution) en ce sens qu’elles interdisent absolument la transformation de contrats à durée déterminée en contrats à durée indéterminée, même lorsqu’il s’avère que, en réalité, ces contrats ont été conclus abusivement avec comme base juridique des dispositions visant à couvrir, d’une manière générale, des besoins exceptionnels et provisoires, parce que ces contrats ont couvert des besoins permanents et durables de l’employeur, qui appartient au secteur public (en ce sens, arrêts 19/2007 et 20/2007 de la formation plénière de l’Areios Pagos), lorsque est aussi possible une interprétation selon laquelle l’interdiction en question doit être limitée aux seuls contrats de travail à durée déterminée qui ont effectivement été conclus pour couvrir des besoins temporaires, imprévus, urgents ou exceptionnels et non dans le cas où, en réalité, ils ont été conclus pour couvrir des besoins permanents et durables (en ce sens, arrêt 18/2006 de l’Areios Pagos statuant en formation plénière)?

8)      Est‑il conforme au droit communautaire de soumettre, après l’entrée en vigueur du décret présidentiel 164/2004, les litiges concernant le travail à durée déterminée et la clause 5 de l’accord‑cadre à la compétence exclusive des juridictions administratives, lorsque cela rend plus difficile l’accès à la justice du travailleur à durée déterminée requérant étant donné que, avant l’adoption du décret présidentiel 164/2004, tous les litiges concernant le travail à durée déterminée relevaient de la compétence des juridictions civiles, dans le cadre de la procédure spéciale prévue pour les litiges en matière de droit du travail, procédure plus commode quant au respect des formes, plus simple, moins coûteuse pour le requérant et, d’une manière générale, plus rapide?»

 Sur les questions préjudicielles

36      Conformément à l’article 104, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel est identique à une question sur laquelle la Cour a déjà statué ou lorsque la réponse à une telle question peut être clairement déduite de la jurisprudence, la Cour peut, après avoir entendu l’avocat général, à tout moment, statuer par voie d’ordonnance motivée.

37      Il y a lieu de faire application de ladite disposition procédurale dans la présente affaire.

38      À cet égard, il convient de relever que, par ses première, troisième à cinquième, septième et huitième questions, la juridiction de renvoi demande à la Cour, tout d’abord, d’interpréter la clause 5, point 1, de l’accord-cadre en vue d’apprécier si cette dernière s’oppose aux dispositions prévues par la réglementation nationale en cause au principal, à savoir le décret présidentiel 164/2004, destinée à prévenir et à sanctionner l’utilisation abusive de contrats de travail à durée déterminée dans le secteur public. Ensuite, par sa deuxième question, cette juridiction demande que soit interprétée la clause 8, point 3, de l’accord‑cadre afin de déterminer si celle-ci s’oppose à ladite réglementation en tant qu’elle constituerait une régression du niveau général de protection des travailleurs à durée déterminée au sens de cette clause. Enfin, par sa sixième question, ladite juridiction vise à préciser les conséquences qui découleraient, pour les juridictions nationales, d’une incompatibilité du décret présidentiel 164/2004 par rapport aux dispositions de l’accord-cadre.

39      Il convient de répondre aux questions posées par la juridiction de renvoi dans l’ordre ainsi défini, tout en précisant que, pour autant que cette juridiction demande à la Cour de se prononcer sur la compatibilité du décret présidentiel 164/2004 avec l’accord-cadre, il n’appartient pas à celle-ci, dans le cadre de la procédure prévue à l’article 234 CE, de se prononcer sur la compatibilité de dispositions nationales avec le droit communautaire, la Cour étant toutefois compétente pour fournir à la juridiction nationale tous les éléments d’interprétation relevant de ce droit qui peuvent lui permettre d’apprécier cette compatibilité pour le jugement des affaires dont elle est saisie (arrêt du 23 avril 2009, Angelidaki e.a., C-378/07 à C-380/07, non encore publié au Recueil, point 66).

 Sur l’interprétation de la clause 5, point 1, de l’accord-cadre

 Sur la première question

40      Par cette question, la juridiction de renvoi demande si la seule circonstance que la conclusion d’un contrat à durée déterminée soit imposée par une disposition législative ou réglementaire d’un État membre est susceptible de constituer une «raison objective» au sens de la clause 5, point 1, sous a), de l’accord‑cadre, de nature à justifier le renouvellement de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs.

41      À cet égard, il y a lieu de relever d’emblée qu’il ressort de la décision de renvoi que le décret présidentiel 164/2004 ne contient pas, à la différence du décret présidentiel 81/2003, dans sa version initiale, de disposition qualifiant le fait que la conclusion soit imposée par la loi de raison objective justifiant la reconduction de contrats à durée déterminée successifs. En revanche, il apparaît que le décret présidentiel 164/2004 fixe les circonstances précises et concrètes dans lesquelles des contrats de travail à durée déterminée successifs peuvent être conclus dans le secteur public. Le recours à de tels contrats est en effet permis à l’article 5, paragraphe 2, dudit décret pour répondre à des «besoins particuliers» qui sont «liés à la forme, à la nature ou à l’activité de l’entreprise». De même, il ressort de l’article 81, paragraphe 2, de la loi 1958/1991 que le recours à des contrats de travail à durée déterminée fondés sur cette loi est uniquement justifié lorsqu’un travail archéologique doit être «effectué d’urgence et de manière imprévue».

42      Toutefois, la juridiction de renvoi relève que l’Areios Pagos, dans un arrêt 1665/2007, a jugé que le fait qu’un contrat de travail à durée déterminée ait été conclu en référence à une disposition législative constitue, selon la réglementation nationale, une raison objective pour la conclusion ou le renouvellement d’un tel contrat, indépendamment du point de savoir si ce dernier couvre des besoins permanents et durables de l’employeur.

43      À cet égard, il convient de rappeler qu’il n’appartient pas à la Cour de se prononcer, dans le cadre d’un renvoi préjudiciel, sur l’interprétation du droit interne, cette mission incombant exclusivement à la juridiction de renvoi. En effet, il incombe à la Cour de prendre en compte, dans le cadre de la répartition des compétences entre les juridictions communautaires et nationales, le contexte factuel et réglementaire dans lequel s’insèrent les questions préjudicielles, tel que défini par la décision de renvoi (arrêt Angelidaki e.a., précité, point 48 et jurisprudence citée).

44      Dès lors, pour autant que l’ordre juridique hellénique contient une règle telle que celle qui fait l’objet de la première question, il convient de rappeler qu’une réponse à une question identique a déjà été fournie par la Cour aux points 60 à 75 de l’arrêt du 4 juillet 2006, Adeneler e.a. (C‑212/04, Rec. p. I‑6057); 91 à 100 de l’arrêt Angelidaki e.a., précité, ainsi que 79 à 94 de l’ordonnance du 12 juin 2008, Vassilakis e.a. (C‑364/07). Des éléments utiles permettant de répondre à cette question ressortent également de l’arrêt du 13 septembre 2007, Del Cerro Alonso (C‑307/05, Rec. p. I‑7109, point 53).

45      Selon cette jurisprudence, la notion de «raisons objectives», au sens de la clause 5, point 1, sous a), de l’accord‑cadre, doit être entendue comme visant des circonstances précises et concrètes caractérisant une activité déterminée et, partant, de nature à justifier dans ce contexte particulier l’utilisation de contrats de travail à durée déterminée successifs. Ces circonstances peuvent résulter, notamment, de la nature particulière des tâches pour l’accomplissement desquelles de tels contrats ont été conclus et des caractéristiques inhérentes à celles‑ci ou, le cas échéant, de la poursuite d’un objectif légitime de politique sociale d’un État membre (arrêts précités Adeneler e.a., points 69 et 70; Del Cerro Alonso, point 53, et Angelidaki e.a., point 96, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, points 88 et 89).

46      En revanche, une disposition nationale qui se bornerait à autoriser, de manière générale et abstraite par une norme législative ou réglementaire, le recours à des contrats de travail à durée déterminée successifs ne serait pas conforme aux exigences telles que précisées au point précédent de la présente ordonnance (arrêts précités Adeneler e.a., point 71; Del Cerro Alonso, point 54, et Angelidaki e.a., point 97, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 90).

47      Plus particulièrement, le recours à des contrats de travail à durée déterminée sur le seul fondement d’une disposition légale ou réglementaire générale, sans rapport avec le contenu concret de l’activité considérée, ne permet pas de dégager des critères objectifs et transparents aux fins de vérifier si le renouvellement de tels contrats répond effectivement à un besoin véritable et est apte à atteindre l’objectif poursuivi et nécessaire à cet effet (arrêts précités Adeneler e.a., point 74; Del Cerro Alonso, point 55, et Angelidaki e.a., point 100, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 93).

48      En conséquence, il y a lieu de répondre à la première question que la clause 5, point 1, sous a), de l’accord‑cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à l’utilisation de contrats de travail à durée déterminée successifs qui serait justifiée par la seule circonstance qu’elle est prévue par une disposition législative ou réglementaire générale d’un État membre. Au contraire, la notion de «raisons objectives», au sens de ladite clause, requiert que le recours à ce type particulier de relations de travail, tel que prévu par la réglementation nationale, soit justifié par l’existence d’éléments concrets tenant notamment à l’activité en cause et aux conditions de son exercice.

 Sur la troisième question

49      Par cette question, la juridiction de renvoi demande si la clause 5, point 1, de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale qui, tout en imposant, au titre de mesures préventives du recours abusif à des contrats de travail à durée déterminée successifs, le respect d’une durée maximale totale de tels contrats, prévoit des exceptions à cette dernière limitation en ce qui concerne certaines catégories de travailleurs.

50      Il ressort de la décision de renvoi que cette question vise la possibilité prévue à l’article 6, paragraphe 2, du décret présidentiel 164/2004, par exception au principe énoncé au paragraphe 1 de cet article, de conclure des contrats de travail à durée déterminée successifs pour une durée maximale totale excédant 24 mois «dans le cas de catégories de travailleurs spéciales quant à la nature de leur travail et visées par les dispositions en vigueur, telles celles des cadres de direction, des travailleurs recrutés dans le cadre de programmes spécifiques de recherche ou de programmes subventionnés ou financés, ainsi que des travailleurs recrutés pour l’accomplissement d’une tâche relative à l’exécution d’obligations découlant de conventions avec des organisations internationales».

51      Selon la juridiction de renvoi, une telle liste imprécise et non limitative d’exceptions pourrait affecter le caractère effectif de la prévention des abus résultant de l’utilisation de contrats de travail à durée déterminée successifs, telle que visée à la clause 5 de l’accord‑cadre.

52      Il y a lieu de constater que la réponse à la question posée peut être clairement déduite de la jurisprudence de la Cour.

53      Il ressort, en effet, de cette jurisprudence que la clause 5, point 1, de l’accord-cadre impose aux États membres, en vue de prévenir l’utilisation abusive de contrats de travail à durée déterminée successifs, l’adoption effective et contraignante de l’une au moins des mesures énumérées à cette disposition, dès lors que le droit national ne comporte pas déjà des mesures équivalentes (voir arrêts Adeneler e.a., précité, point 101; du 7 septembre 2006, Marrosu et Sardino, C‑53/04, Rec. p. I‑7213, point 50; Vassalo, C‑180/04, Rec. p. I‑7251, point 35; du 15 avril 2008, Impact, C‑268/06, non encore publié au Recueil, point 70, et Angelidaki e.a., précité, point 151, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 124).

54      Les mesures ainsi énumérées à ladite clause 5, point 1, sous a) à c), au nombre de trois, ont trait, respectivement, à des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats, à la durée maximale totale de ces contrats successifs et au nombre de renouvellements de ceux-ci. Cette clause assigne ainsi aux États membres un objectif général, consistant en la prévention de tels abus, tout en leur laissant le choix des moyens pour y parvenir (arrêt Impact, précité, points 69 et 70).

55      Dans ce contexte, la Cour a déjà jugé, au point 94 de l’arrêt Angelidaki e.a., précité, que, aux fins de la mise en œuvre de la clause 5, point 1, de l’accord‑cadre, un État membre peut légitimement choisir de ne pas adopter la mesure visée au point 1, sous a), de cette clause, consistant à exiger que le renouvellement de tels contrats à durée déterminée successifs soit justifié par des raisons objectives. Il peut, au contraire, préférer adopter l’une des mesures ou les deux mesures visées au point 1, sous b) et c), de ladite clause, qui ont trait, respectivement, à la durée maximale totale de ces contrats de travail successifs et au nombre de renouvellements de ceux-ci, voire encore choisir de maintenir une mesure légale existante équivalente, et cela pour autant que, quelle que soit alors la mesure choisie, la prévention effective de l’utilisation abusive de contrats de travail à durée déterminée est assurée.

56      Or, en l’occurrence, ainsi que la Cour l’a déjà constaté au point 152 de l’arrêt Angelidaki e.a., précité, les articles 5 et 6 du décret présidentiel 164/2004 mettent en œuvre, en ce qui concerne le secteur public, l’ensemble des mesures destinées à prévenir l’utilisation abusive des contrats de travail à durée déterminée successifs énumérées à la clause 5, point 1, sous a) à c), de l’accord-cadre.

57      Certes, ainsi que le relève la juridiction de renvoi, il ressort de l’article 6, paragraphe 2, du décret présidentiel 164/2004 que l’une des mesures adoptées au titre de la prévention du recours abusif à des contrats de travail à durée déterminée successifs, à savoir celle énoncée à la clause 5, point 1, sous b), de l’accord-cadre concernant la durée maximale totale des contrats, peut, le cas échéant, ne pas s’appliquer en ce qui concerne certaines catégories de travailleurs. Par ailleurs, il semble aussi ressortir de l’article 5, paragraphe 4, du décret présidentiel 164/2004, lu en combinaison avec ledit article 6, paragraphe 2, ce qu’il appartient cependant à la juridiction de renvoi de vérifier, que ces mêmes catégories de travailleurs pourraient ne pas bénéficier non plus de la mesure préventive prévue au point 1, sous c), de ladite clause, relative au nombre de renouvellements des contrats.

58      Toutefois, il n’en demeure pas moins que, conformément à la jurisprudence citée au point 53 de la présente ordonnance, la réglementation nationale en cause au principal prévoit, en tout état de cause, en ce qui concerne de tels travailleurs, l’application d’au moins une mesure préventive de l’utilisation abusive de contrats de travail à durée déterminée successifs, à savoir celle énoncée à la clause 5, point 1, sous a), de l’accord-cadre concernant la nécessité d’une raison objective justifiant le renouvellement.

59      Il convient dès lors de répondre à la troisième question que la clause 5, point 1, de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à une réglementation nationale telle que celle en cause au principal qui, tout en imposant, au titre de mesures préventives du recours abusif à des contrats de travail à durée déterminée successifs, le respect d’une durée maximale totale de tels contrats, prévoit des exceptions à cette dernière limitation en ce qui concerne certaines catégories de travailleurs, dès lors que ceux-ci bénéficient d’au moins l’une des mesures préventives de l’utilisation abusive de contrats de travail à durée déterminée successifs énoncées à ladite clause.

 Sur la quatrième question

60      Par cette question, la juridiction de renvoi demande en substance si la clause 5, point 1, de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale telle que celle en cause au principal qui prévoit, au titre de mesures réprimant le recours abusif à des contrats de travail à durée déterminée successifs, le versement du salaire et le paiement d’une indemnité ainsi que des sanctions pénales et disciplinaires.

61      Selon la juridiction de renvoi, de telles sanctions, qui sont édictées à l’article 7 du décret présidentiel 164/2004, n’apparaissent pas, à la différence de la sanction prévue par le droit interne antérieur, notamment l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920, consistant à requalifier les contrats de travail à durée déterminée en contrats à durée indéterminée, constituer des mesures effectives permettant de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats de travail à durée déterminée successifs.

62      Cette juridiction estime, en effet, que le versement du salaire et le paiement d’une indemnité, prévus à l’article 7, paragraphe 2, dudit décret, n’ont nullement vocation à prévenir de tels abus, constituant les sanctions prévues par le droit commun du travail. Le paiement d’une indemnité découlerait d’ailleurs déjà de la clause 4 de l’accord‑cadre qui impose le respect du principe de non-discrimination entre les travailleurs à durée déterminée et les travailleurs à durée indéterminée. En outre, l’indemnité prévue couvrirait uniquement la période d’emploi accomplie au titre de contrats conclus en violation des articles 5 et 6 du décret présidentiel 164/2004, à l’exclusion du premier contrat, conduisant ainsi à une réduction de l’indemnité dont le travailleur aurait pu solliciter le paiement avant l’entrée en vigueur de ce décret pour la période où, sans raison objective, il aurait été employé au titre de contrats de travail à durée déterminée. Quant aux sanctions pénales et disciplinaires prévues à l’article 7, paragraphe 3, dudit décret, la juridiction de renvoi relève qu’elles étaient déjà prévues par le régime applicable antérieurement et qu’elles sont totalement inefficaces.

63      Il y a lieu de constater que la réponse à la question posée peut être clairement déduite de la jurisprudence, en particulier des points 158 à 167 de l’arrêt Angelidaki e.a., précité, dans lequel la Cour a abordé une question similaire.

64      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, lorsque, comme dans l’affaire au principal, le droit communautaire ne prévoit pas de sanctions spécifiques dans l’hypothèse où des abus auraient néanmoins été constatés, il incombe aux autorités nationales d’adopter des mesures appropriées pour faire face à une telle situation, mesures qui doivent revêtir un caractère non seulement proportionné, mais également suffisamment effectif et dissuasif pour garantir la pleine efficacité des normes prises en application de l’accord‑cadre (arrêts précités Adeneler e.a., point 94; Marrosu et Sardino, point 51; Vassallo, point 36, et Angelidaki e.a., point 158, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 125).

65      Si, en l’absence de réglementation communautaire en la matière, les modalités de mise en œuvre de telles normes relèvent de l’ordre juridique interne des États membres en vertu du principe de l’autonomie procédurale de ces derniers, elles ne doivent cependant pas être moins favorables que celles régissant des situations similaires de nature interne (principe d’équivalence) ni rendre impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique communautaire (principe d’effectivité) (voir, notamment, arrêts précités Adeneler e.a., point 95; Marrosu et Sardino, point 52; Vassallo, point 37, et Angelidaki e.a., point 159, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 126).

66      Il s’ensuit que, lorsqu’un recours abusif à des contrats de travail à durée déterminée successifs a eu lieu, une mesure présentant des garanties effectives et équivalentes de protection des travailleurs doit pouvoir être appliquée pour sanctionner dûment cet abus et effacer les conséquences de la violation du droit communautaire. En effet, selon les termes mêmes de l’article 2, premier alinéa, de la directive 1999/70, les États membres doivent «prendre toute disposition nécessaire leur permettant d’être à tout moment en mesure de garantir les résultats imposés par [ladite] directive» (arrêts précités Adeneler e.a., point 102; Marrosu et Sardino, point 53; Vassallo, point 38, et Angelidaki e.a., point 160, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 127).

67      Il en résulte que, si un État membre, tel que celui en cause au principal, est en droit de ne pas prévoir, à titre de sanction du non-respect des mesures préventives édictées par la réglementation nationale transposant la clause 5, point 1, de l’accord-cadre, la requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrats à durée indéterminée, il doit néanmoins s’assurer que les autres sanctions retenues par cette même réglementation ont un caractère suffisamment effectif et dissuasif pour garantir la pleine efficacité de ces mesures préventives (voir, en ce sens, arrêts précités Adeneler e.a., point 105; Marrosu et Sardino, point 49; Vassallo, point 34, et Angelidaki e.a., point 161, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 123).

68      S’agissant des sanctions prévues, en l’occurrence, à l’article 7 du décret présidentiel 164/2004, il convient de rappeler qu’il n’appartient pas à la Cour de se prononcer sur l’interprétation du droit national, cette mission incombant exclusivement à la juridiction de renvoi ou, le cas échéant, aux juridictions nationales compétentes, lesquelles doivent déterminer si les exigences rappelées aux points 64 à 66 de la présente ordonnance sont satisfaites par les dispositions de la réglementation nationale applicable (voir, notamment, arrêts précités Vassallo, point 39, et Angelidaki e.a., point 163, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 134).

69      Il incombe donc à la juridiction de renvoi d’apprécier dans quelle mesure les conditions d’application ainsi que la mise en œuvre effective de l’article 7 du décret présidentiel 164/2004 font de cette disposition une mesure adéquate pour sanctionner l’utilisation abusive par l’administration publique de contrats de travail à durée déterminée successifs (voir arrêts précités Marrosu et Sardino, point 56; Vassallo, point 41, et Angelidaki e.a., point 164, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 135).

70      À cet égard, il appartient à la juridiction de renvoi, notamment, de s’assurer que les travailleurs ayant subi un abus résultant de l’utilisation de contrats de travail à durée déterminée successifs ne sont pas dissuadés, dans l’espoir de continuer à être employés dans le secteur public, de faire valoir devant les autorités nationales, y compris juridictionnelles, les droits qui leur sont reconnus par la réglementation nationale et qui découlent de la mise en œuvre par celle-ci de toutes les mesures préventives prévues à la clause 5, point 1, de l’accord-cadre (arrêt Angelidaki e.a., précité, point 165).

71      En outre, la juridiction de renvoi doit s’assurer que tous les travailleurs qui sont employés «à durée déterminée» au sens de la clause 3, point 1, de l’accord-cadre sont susceptibles de voir appliquer, à l’égard de leur employeur, les sanctions prévues par le décret présidentiel 164/2004 lorsqu’ils ont subi un abus résultant de l’utilisation de contrats successifs, et ce quelle que soit la qualification de leur contrat en droit interne (arrêt Angelidaki e.a., précité, point 166).

72      Il convient dès lors de répondre à la quatrième question que la clause 5, point 1, de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à une réglementation nationale telle que celle en cause au principal qui prévoit, au titre de mesures réprimant le recours abusif à des contrats de travail à durée déterminée successifs, le versement du salaire et le paiement d’une indemnité ainsi que des sanctions pénales et disciplinaires, pour autant que, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, les conditions d’application ainsi que la mise en œuvre effective des dispositions pertinentes du droit interne en font une mesure adéquate pour sanctionner l’utilisation abusive par l’administration publique de contrats de travail à durée déterminée successifs.

 Sur la cinquième question

73      Par cette question, la juridiction de renvoi demande si la clause 5, point 1, de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, dont les dispositions visant à mettre en œuvre des mesures préventives ainsi que répressives de l’utilisation abusive de contrats de travail à durée déterminée successifs ne s’appliquent pas ratione temporis aux contrats de travail à durée déterminée successifs qui ont été conclus ou renouvelés après l’expiration de la période prévue par la directive 1999/70 pour sa transposition lorsqu’ils n’étaient plus en cours à la date de l’entrée en vigueur de cette réglementation ou à un moment quelconque pendant la période de trois mois ayant précédé cette date.

74      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 11 du décret présidentiel 164/2004 prévoit, à titre de disposition transitoire, la possibilité, sous certaines conditions, de transformer en contrats de travail à durée indéterminée les contrats à durée déterminée qui étaient en cours à la date de l’entrée en vigueur dudit décret, à savoir le 19 juillet 2004, ou qui ont expiré au cours d’une période de trois mois ayant précédé cette date, à savoir le 19 avril 2004. Or, ainsi qu’il ressort du point 13 de la présente ordonnance, les dispositions de la directive 1999/70, y compris celles de l’accord-cadre, lequel fait partie intégrante de cette dernière, devaient être transposées dans l’ordre juridique hellénique au plus tard le 10 juillet 2002.

75      Dans ce contexte, la juridiction de renvoi demande si les dispositions transitoires prévues à l’article 11 du décret présidentiel 164/2004, eu égard à leur effet rétroactif limité à trois mois, assurent la prévention effective du recours abusif à des contrats de travail à durée déterminée pour la période comprise entre le 10 juillet 2002 et le 19 avril 2004. À cet égard, la juridiction de renvoi fait observer, en effet, que les quatre contrats successifs conclus entre Mme Koukou et l’Elliniko Dimosio avant l’entrée en vigueur du décret présidentiel 164/2004, soit entre le mois de mars 2002 et le mois de décembre 2003, ne relèvent pas de ces dispositions transitoires, bien qu’ils présentent un caractère abusif en raison de leur durée maximale totale. Elle relève également que les quatre autres contrats de travail à durée déterminée successifs conclus après l’entrée en vigueur du décret présidentiel 164/2004, soit entre le mois d’août 2004 et le mois de décembre 2006, bien qu’ils présentent aussi un tel caractère compte tenu du nombre de leurs renouvellements, échappent également à toute protection.

76      Il y a lieu de constater que la réponse à cette question peut être clairement déduite de la jurisprudence de la Cour.

77      À cet égard, il convient de rappeler qu’il n’appartient pas à la Cour de se prononcer sur l’interprétation du droit national, cette mission incombant exclusivement à la juridiction de renvoi ou, le cas échéant, aux juridictions nationales compétentes, lesquelles doivent déterminer si les exigences rappelées aux points 64 à 66 de la présente ordonnance sont satisfaites par les dispositions de la réglementation nationale applicable. Il incombe donc à la juridiction de renvoi d’apprécier dans quelle mesure les conditions d’application ainsi que la mise en œuvre effective du droit interne font de celui-ci une mesure adéquate pour sanctionner l’utilisation abusive par l’administration publique de contrats de travail à durée déterminée successifs.

78      Ainsi, s’agissant tout d’abord des contrats de travail à durée déterminée successifs qui ont été conclus ou renouvelés dans le secteur public après la date d’entrée en vigueur du décret présidentiel 164/2004, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si ces contrats sont susceptibles de relever des sanctions prévues à l’article 7 dudit décret, dès lors que, comme ladite juridiction le constate elle-même dans la décision de renvoi, ces contrats ne respectent pas la condition prévue par ledit décret concernant le nombre de renouvellements de contrats successifs et que, partant, ils doivent, pour ce seul motif, être considérés comme abusifs au sens de la clause 5, point 1, de l’accord-cadre.

79      S’agissant ensuite des contrats de travail à durée déterminée conclus ou renouvelés dans le secteur public avant l’entrée en vigueur du décret présidentiel 164/2004 mais postérieurement à la date à laquelle la directive 1999/70 devait être transposée dans le droit national, il y a lieu de souligner que, si, en raison de l’effet rétroactif limité conféré par le législateur hellénique à l’article 11 du décret présidentiel 164/2004, certains de ces contrats échappent à toutes sanctions, la juridiction de renvoi devrait s’assurer qu’une mesure présentant des garanties effectives et équivalentes de protection des travailleurs s’applique pour sanctionner dûment ces abus et effacer les conséquences de la violation du droit communautaire. Dans la mesure où l’ordre juridique interne hellénique ne comporterait pas, pour cette période, d’autres mesures effectives à cet effet, la requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrats à durée indéterminée en vertu de l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920 pourrait, pour autant que cette disposition est encore applicable dans cet ordre juridique interne, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, constituer une telle mesure (voir, en ce sens, arrêt Angelidaki e.a., précité, point 170 et jurisprudence citée).

80      Ainsi que la Cour l’a déjà jugé au point 171 de l’arrêt Angelidaki e.a., précité, c’est toutefois aux autorités et aux juridictions nationales, chargées de la mise en œuvre des mesures de transposition de la directive 1999/70 et de l’accord-cadre, et ainsi appelées à se prononcer sur la qualification de contrats à durée déterminée successifs, qu’il incombe, dans chaque cas, d’examiner, en fonction de toutes les circonstances de la cause, si les mesures édictées à l’article 11 du décret présidentiel 164/2004 sont aptes à sanctionner dûment les éventuelles utilisations abusives de contrats de travail à durée déterminée commises avant la date d’entrée en vigueur de ce décret et postérieurement à la date à laquelle la directive 1999/70 devait être transposée en droit national, et à effacer, ainsi, les conséquences de la violation du droit communautaire.

81      Il convient dès lors de répondre à la cinquième question que la clause 5, point 1, de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens que, pour autant que l’ordre juridique interne de l’État membre concerné ne comporte pas, dans le secteur public, d’autres mesures effectives pour éviter et, le cas échéant, sanctionner l’utilisation abusive de contrats de travail à durée déterminée successifs, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, elle s’oppose à une réglementation nationale telle que celle en cause au principal, dès lors que celle-ci ne s’applique pas ratione temporis aux contrats de travail à durée déterminée successifs qui ont été conclus ou renouvelés après l’expiration de la période prévue par la directive 1999/70 pour sa transposition lorsqu’ils n’étaient plus en cours à la date de l’entrée en vigueur de cette réglementation ou à un moment quelconque au cours de la période de trois mois ayant précédé cette date.

 Sur la septième question

82      Par cette question, la juridiction de renvoi demande en substance si la clause 5, point 1, de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle fait obstacle à l’application d’une réglementation nationale qui interdit, dans le secteur public, de transformer en contrats à durée indéterminée des contrats de travail à durée déterminée qui ont, en réalité, eu pour objet de couvrir des besoins permanents et durables de l’employeur.

83      Il ressort de la décision de renvoi que, selon la juridiction saisie du litige au principal, cette interdiction absolue de toute conversion serait prévue à l’article 103, paragraphe 8, de la Constitution, telle que modifiée le 7 avril 2001, à tout le moins selon l’interprétation qui en a été retenue par l’Areios Pagos dans ses arrêts 19/2007 et 20/2007. Or, il serait également possible, ainsi que le démontrerait l’arrêt 18/2006 rendu antérieurement par cette dernière juridiction, d’interpréter ladite disposition constitutionnelle en ce sens que l’interdiction en question devrait être limitée aux contrats de travail à durée déterminée successifs qui ont effectivement été conclus pour couvrir des besoins temporaires, imprévus, urgents ou exceptionnels.

84      Il y a lieu de constater que la Cour a déjà fourni une réponse à une question identique dans l’arrêt Angelidaki e.a., précité (points 182 à 190), ainsi que dans l’ordonnance Vassilakis e.a., précitée (points 120 à 137). Par ailleurs, d’autres éléments utiles permettant de répondre à cette question ressortent des arrêts précités Adeneler e.a. (points 91 à 105); Marrosu et Sardino (points 44 à 57), ainsi que Vassallo (points 33 à 42), dans lesquels une question similaire était posée.

85      Il ressort de cette jurisprudence que, dès lors que la clause 5 de l’accord‑cadre n’édicte pas une obligation générale des États membres de prévoir la transformation en contrats à durée indéterminée des contrats de travail à durée déterminée, pas plus qu’elle ne prescrit les conditions précises auxquelles il peut être fait usage de ces derniers, elle laisse un certain pouvoir d’appréciation en la matière aux États membres (arrêts précités Adeneler e.a., point 91; Marrosu et Sardino, précité, point 47, et Angelidaki e.a., point 183, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 121).

86      Toutefois, afin qu’une réglementation nationale qui interdit d’une façon absolue, dans le secteur public, de transformer en un contrat de travail à durée indéterminée une succession de contrats de travail à durée déterminée qui, en fait, ont eu pour objet de couvrir des besoins permanents et durables de l’employeur puisse être considérée comme conforme à l’accord‑cadre, l’ordre juridique interne de l’État membre concerné doit comporter, dans ledit secteur, une autre mesure effective pour éviter et, le cas échéant, sanctionner l’utilisation abusive de contrats de travail à durée déterminée successifs (voir, en ce sens, arrêts précités Adeneler e.a., point 105; Marrosu et Sardino, point 49; Vassallo, point 34, et Angelidaki e.a., point 184, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 123).

87      Il convient de rappeler que la clause 5, point 1, de l’accord‑cadre impose aux États membres l’adoption effective et contraignante de l’une au moins des mesures énumérées à cette disposition et visant à prévenir l’utilisation abusive de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, dès lors que le droit national ne comporte pas déjà des mesures équivalentes (voir jurisprudence citée au point 53 de la présente ordonnance).

88      En outre, lorsque, comme dans l’affaire au principal, le droit communautaire ne prévoit pas de sanctions spécifiques dans l’hypothèse où des abus auraient néanmoins été constatés, il incombe aux autorités nationales d’adopter des mesures qui doivent revêtir un caractère non seulement proportionné, mais également suffisamment effectif et dissuasif pour garantir la pleine efficacité des normes prises en application de l’accord‑cadre, conformément aux exigences relevées aux points 64 à 66 de la présente ordonnance.

89      À cet égard, ainsi que la Cour l’a déjà constaté au point 187 de l’arrêt Angelidaki e.a., précité, la réglementation nationale en cause au principal prévoit des règles impératives relatives à la durée et au renouvellement des contrats de travail à durée déterminée destinées à assurer la mise en œuvre des trois mesures préventives énumérées à la clause 5, point 1, sous a) à c), de l’accord-cadre. Elle prévoit également que, lorsqu’un recours abusif à des contrats de travail à durée déterminée successifs a été constaté, le travailleur lésé a le droit au versement du salaire dû ainsi qu’au paiement d’une indemnité de licenciement, tandis que l’auteur de l’infraction peut faire l’objet de sanctions pénales et disciplinaires. Par ailleurs, cette réglementation prévoit également que certains contrats de travail à durée déterminée applicables à la date d’entrée en vigueur de celle-ci ou ayant expiré peu avant cette date peuvent, sous réserve qu’ils respectent certaines conditions, être transformés en contrats à durée indéterminée.

90      Si une telle réglementation pourrait satisfaire aux exigences relevées aux points 64 à 66 de la présente ordonnance, il appartient toutefois à la juridiction de renvoi d’apprécier dans quelle mesure les conditions d’application ainsi que la mise en œuvre effective des dispositions pertinentes du droit interne en font une mesure adéquate pour prévenir et, le cas échéant, sanctionner l’utilisation abusive par l’administration publique de contrats de travail à durée déterminée successifs (voir arrêts précités Marrosu et Sardino, points 55 et 56; Vassallo, points 40 et 41, et Angelidaki e.a., point 188, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, points 128 et 135).

91      Il convient dès lors de répondre à la septième question que, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, la clause 5, point 1, de l’accord‑cadre doit être interprétée en ce sens que, lorsque l’ordre juridique interne de l’État membre concerné comporte, dans le secteur considéré, d’autres mesures effectives pour éviter et, le cas échéant, sanctionner l’utilisation abusive de contrats de travail à durée déterminée successifs au sens de ce même point 1, elle ne fait pas obstacle à l’application d’une règle du droit national interdisant d’une façon absolue, dans le seul secteur public, de transformer en un contrat de travail à durée indéterminée une succession de contrats de travail à durée déterminée qui, ayant eu pour objet de couvrir des besoins permanents et durables de l’employeur, doivent être considérés comme abusifs. Il incombe toutefois à la juridiction de renvoi d’apprécier dans quelle mesure les conditions d’application ainsi que la mise en œuvre effective des dispositions pertinentes du droit interne en font une mesure adéquate pour prévenir et, le cas échéant, sanctionner l’utilisation abusive par l’administration publique de contrats de travail à durée déterminée successifs.

 Sur la huitième question

92      Par cette question, la juridiction de renvoi demande en substance si la clause 5, point 1, de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à ce que les litiges concernant l’utilisation abusive de contrats de travail à durée déterminée dans le secteur public relèvent de la compétence exclusive des juridictions administratives.

93      Il ressort, à cet égard, de la décision de renvoi que cette question est posée par la juridiction saisie du litige au principal en raison de l’exception d’incompétence soulevée dans la procédure au principal par l’Elliniko Dimosio au motif que les litiges en matière de droit du travail nés après l’entrée en vigueur du décret présidentiel 164/2004 échappent à la compétence des juridictions civiles. Cette exception se fonderait sur le fait que l’article 11 dudit décret institue, en vue de la transformation, dans le secteur public, de contrats de travail à durée déterminée en contrats à durée indéterminée, une procédure administrative sous le contrôle de l’ASEP dont les décisions constituent des actes administratifs. L’Elegktiko Synedrio (Cour des comptes) aurait même jugé que l’incompétence des juridictions civiles serait également la règle lorsque les travailleurs invoquent l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920. Or, avant que la directive 1999/70 ne soit transposée par le décret présidentiel 164/2004, tous les litiges concernant les contrats de travail à durée déterminée relevaient de la compétence des juridictions civiles et, plus précisément, de la procédure spéciale prévue pour les litiges en matière de droit du travail, procédure plus commode quant au respect des formes, plus simple, moins coûteuse et, d’une manière générale, plus rapide. Il en résulterait que l’accès à la justice serait désormais rendu plus difficile pour les travailleurs à durée déterminée.

94      Il y a lieu de constater que la réponse à la question posée peut être clairement déduite de la jurisprudence de la Cour, en particulier des arrêts précités Impact (points 39 à 55) et Angelidaki e.a. (points 172 à 176) ainsi que de l’ordonnance Vassilakis e.a., précitée (points 138 à 150).

95      Il ressort de cette jurisprudence que, en vertu de la clause 8, point 5, de l’accord‑cadre, la prévention ainsi que la réglementation des litiges et des plaintes, résultant de l’application dudit accord, sont traitées conformément à la législation, aux conventions collectives et aux pratiques nationales (arrêts précités Impact, point 39, et Angelidaki e.a., point 172, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 140).

96      Conformément à une jurisprudence constante, en l’absence de réglementation communautaire en la matière, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit communautaire (arrêts précités Impact, point 44, et Angelidaki e.a., point 173, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 141).

97      Ainsi qu’il ressort des points 64 et 65 de la présente ordonnance, il incombe aux autorités nationales d’adopter des mesures appropriées pour garantir la pleine efficacité des normes prises en application de l’accord‑cadre. Les modalités de mise en œuvre de ces normes, qui relèvent de l’ordre juridique interne des États membres en vertu du principe de l’autonomie procédurale nationale, doivent être conformes aux principes d’équivalence et d’effectivité (arrêt Angelidaki e.a., précité, point 174, ainsi que ordonnance Vassilakis, e.a., précitée, point 142).

98      Ainsi que la Cour l’a déjà jugé, ces exigences d’équivalence et d’effectivité, qui expriment l’obligation générale pour les États membres d’assurer la protection juridictionnelle des droits que les justiciables tirent du droit communautaire, valent également en ce qui concerne la désignation des juridictions compétentes pour connaître des actions fondées sur ce droit. En effet, un non-respect desdites exigences sur ce plan est, tout autant qu’un manquement à celles-ci sur le plan de la définition des modalités procédurales, de nature à porter atteinte au principe de protection juridictionnelle effective (arrêt Impact, précité, points 47 et 48).

99      Or, la Cour a déjà jugé qu’une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, prévoyant qu’une autorité administrative indépendante, telle que l’ASEP, est compétente pour requalifier éventuellement des contrats de travail à durée déterminée en contrats à durée indéterminée semble, à première vue, satisfaire à ces exigences (arrêt Angelidaki e.a., précité, point 175, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 144).

100    Cette conclusion n’est pas susceptible d’être affectée par la circonstance que, en raison de l’intervention de cette autorité administrative ou pour tout autre motif, les litiges relatifs à l’utilisation abusive des contrats de travail à durée déterminée successifs relèveraient désormais de la compétence des juridictions administratives de l’ordre juridique hellénique.

101    Toutefois, il incombe à la juridiction de renvoi, et non pas à la Cour, de vérifier que l’État membre en cause a pris toutes les dispositions nécessaires lui permettant, d’une part, d’être à tout moment en mesure de garantir les résultats imposés par la directive 1999/70 et, d’autre part, de prévoir que les modalités de mise en œuvre des normes prises en application de l’accord‑cadre ainsi que la désignation des juridictions compétentes pour connaître des actions fondées sur ces normes, qui relèvent de son ordre juridique interne en vertu du principe de l’autonomie procédurale des États membres, garantissent le droit à une protection juridictionnelle effective dans le respect des principes d’effectivité et d’équivalence (voir en ce sens, notamment, arrêts précités Impact, points 43 à 55, et Angelidaki e.a., point 176, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 149).

102    Il convient dès lors de répondre à la huitième question que la clause 5, point 1, de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas, en principe, à ce que les litiges concernant l’utilisation abusive de contrats de travail à durée déterminée dans le secteur public relèvent de la compétence exclusive des juridictions administratives. Il appartient, toutefois, à la juridiction de renvoi de veiller à ce que soit garanti le droit à une protection juridictionnelle effective dans le respect des principes d’effectivité et d’équivalence.

 Sur l’interprétation de la clause 8, point 3, de l’accord-cadre

103    Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande en substance si la clause 8, point 3, de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale telle que celle en cause au principal qui prévoit, aux fins de la constatation de l’existence d’un recours abusif à des contrats de travail à durée déterminée, des conditions supplémentaires par rapport à celles qui étaient prévues par le droit interne antérieur, tel que, notamment, l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920.

104    Selon ladite juridiction, le décret présidentiel 164/2004 constituerait une «régression» au sens de la clause 8, point 3, de l’accord-cadre au motif que ce décret, d’une part, s’applique uniquement aux travailleurs liés par des contrats successifs, à l’exclusion de ceux ayant conclu un premier ou unique contrat, et, d’autre part, prévoit, pour qu’un abus puisse être constaté, des conditions supplémentaires relatives à la durée maximale totale des contrats ainsi qu’au nombre de renouvellements de ces derniers. En revanche, le droit interne applicable avant la date d’entrée en vigueur dudit décret aurait permis de constater un abus dès lors que le travailleur concerné était employé sans raison objective au titre de contrats de travail à durée déterminée, et cela indépendamment de la durée totale des contrats ou du nombre de leurs renouvellements.

105    À cet égard, il y a lieu d’emblée de rappeler que, ainsi qu’il a déjà été indiqué au point 56 de la présente ordonnance, et comme la Cour l’a déjà constaté au point 152 de l’arrêt Angelidaki e.a., précité, les articles 5 et 6 du décret présidentiel 164/2004 mettent en œuvre, dans le secteur public, l’ensemble des mesures destinées à prévenir l’utilisation abusive des contrats de travail à durée déterminée successifs énumérées à ladite clause 5, point 1, sous a) à c), à savoir des mesures relatives à des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats de travail, à la durée maximale totale de ces contrats de travail successifs et au nombre de renouvellements de ceux-ci.

106    Il s’ensuit que le fait que le décret présidentiel 164/2004, tout en prévoyant que le renouvellement de contrats de travail à durée déterminée successifs doit être justifié par une raison objective, limite en outre, conformément à la clause 5, point 1, de l’accord-cadre, le nombre maximal de renouvellements de ces contrats et impose le respect d’une durée maximale totale pour ceux-ci, loin de réduire la protection dont jouissaient les travailleurs à durée déterminée, apparaît au contraire de nature à l’accroître. En effet, le renouvellement de contrats de travail à durée déterminée successifs étant interdit comme abusif dès lors que l’une desdites conditions n’est pas respectée, un tel renouvellement devrait, même s’il est justifié par une raison objective, être considéré comme abusif dès lors qu’il excède la durée maximale totale ou le nombre maximal de renouvellements autorisés.

107    Il semble toutefois que la juridiction de renvoi considère que les conditions prévues par le droit national s’appliquent de manière cumulative en ce sens que le renouvellement de contrats de travail à durée déterminée successifs ne serait interdit, comme abusif, que si un tel renouvellement non seulement n’est pas justifié par une raison objective, mais en outre ne respecte pas chacune des deux dernières conditions susmentionnées. Cette juridiction estime en effet que le décret présidentiel 164/2004 subordonne désormais la constatation d’un abus à l’accomplissement d’une «période d’emploi minimale» et à la «conclusion d’un nombre minimal» de contrats successifs. Il s’ensuivrait que la protection applicable aux travailleurs à durée déterminée serait ainsi amoindrie en ce sens que le renouvellement de contrats de travail à durée déterminée successifs, même s’il n’est pas justifié par une raison objective, ne serait pas considéré comme abusif dès lors qu’il respecte, par ailleurs, la durée maximale totale ou le nombre maximal de renouvellements autorisés.

108    Même si une telle interprétation ne ressort pas du libellé des dispositions du décret présidentiel 164/2004, l’article 5, paragraphe 2, de celui-ci prévoyant explicitement que la conclusion de contrats successifs n’est permise, par exception au paragraphe 1 de cet article, que si elle est justifiée par une raison objective, il y a lieu de rappeler qu’il appartient exclusivement aux juridictions nationales, conformément à la jurisprudence citée au point 43 de la présente ordonnance, d’interpréter le droit national.

109    En conséquence, c’est à ces dernières qu’il incombe de déterminer dans quelle mesure les modifications susmentionnées, apportées par le décret présidentiel 164/2004 au droit national préexistant, tel qu’il résultait de l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920, ont entraîné une réduction de la protection des travailleurs ayant conclu un contrat de travail à durée déterminée, en comparant, à cet effet, le degré de protection accordé respectivement par chacune de ces dispositions nationales (arrêt Angelidaki e.a., précité, point 129).

110    Il appartient toutefois, à cet égard, à la juridiction de renvoi, selon une jurisprudence constante, de faire tout ce qui relève de sa compétence, en prenant en considération l’ensemble du droit interne et en faisant application des méthodes d’interprétation reconnues par celui‑ci, aux fins de garantir la pleine effectivité de la directive en cause et d’aboutir à une solution conforme à la finalité poursuivie par celle‑ci (voir arrêts précités Adeneler e.a., point 111, et Angelidaki e.a., point 200, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 59).

111    La Cour, statuant sur renvoi préjudiciel, peut cependant fournir des indications à la juridiction de renvoi en vue de guider celle-ci dans son appréciation quant au point de savoir si, à supposer qu’elle existe, une éventuelle réduction de la protection des travailleurs ayant conclu un contrat de travail à durée déterminée constitue une «régression» au sens de la clause 8, point 3, de l’accord-cadre. Pour ce faire, il y a lieu d’examiner dans quelle mesure les modifications apportées par la réglementation nationale destinée à transposer la directive 1999/70 et l’accord-cadre sont susceptibles, d’une part, d’être considérées comme étant liées à la «mise en œuvre» de cet accord et, d’autre part, de porter sur le «niveau général de protection» des travailleurs au sens de la clause 8, point 3, de celui-ci (arrêt Angelidaki e.a., précité, point 130).

112    Il convient de constater que la réponse à cette question peut être clairement déduite de la jurisprudence de la Cour, en particulier de l’arrêt Angelidaki e.a., précité (points 122 à 146).

113    Ainsi que la Cour l’a rappelé au point 125 de cet arrêt, et comme elle l’avait également déjà jugé au point 50 de l’arrêt du 22 novembre 2005, Mangold (C‑144/04, Rec. p. I‑9981), il ressort des termes mêmes de la clause 8, point 3, de l’accord‑cadre que la mise en œuvre de cet accord ne saurait constituer, pour les États membres, un motif valable pour opérer une régression du niveau général de la protection des travailleurs précédemment garantie dans l’ordre juridique interne dans le domaine couvert par ledit accord.

114    Il en résulte qu’une régression de la protection garantie aux travailleurs dans le domaine des contrats de travail à durée déterminée n’est pas comme telle interdite par l’accord-cadre, mais que, pour relever de l’interdiction édictée par la clause 8, point 3, de celui-ci, cette régression doit, d’une part, être liée à la «mise en œuvre» de l’accord-cadre et, d’autre part, porter sur le «niveau général de protection» des travailleurs à durée déterminée (arrêt Angelidaki e.a., précité, point 126; voir également, en ce sens, arrêt Mangold, précité, point 52).

115    En ce qui concerne, en premier lieu, la condition relative au lien avec la «mise en œuvre» de l’accord-cadre, la Cour a déjà jugé que cette dernière expression, utilisée sans autre précision à la clause 8, point 3, de l’accord-cadre, ne saurait viser la seule transposition initiale de la directive 1999/70 et, notamment, de son annexe contenant l’accord‑cadre, mais doit couvrir toute mesure nationale visant à garantir que l’objectif poursuivi par celle-ci puisse être atteint, y compris les mesures qui, postérieurement à la transposition proprement dite, complètent ou modifient les règles nationales déjà adoptées (arrêts précités Mangold, point 51, ainsi que Angelidaki e.a., point 131).

116    Il s’ensuit qu’une réglementation nationale, telle que le décret présidentiel 164/2004, qui constitue la seconde mesure de transposition adoptée par l’État membre concerné en vue de transposer la directive 1999/70 et l’accord-cadre, est susceptible d’être visée par la clause 8, point 3, de cet accord (arrêt Angelidaki e.a., précité, point 132).

117    Cependant, une telle réglementation ne peut être considérée comme contraire à ladite clause si la régression qu’elle comporte n’est aucunement liée à la mise en œuvre de l’accord-cadre. Tel serait le cas si cette régression était justifiée non pas par la nécessité de mettre en œuvre l’accord-cadre, mais par celle de promouvoir un autre objectif, distinct de cette mise en œuvre (arrêt Angelidaki e.a., précité, point 133; voir également, en ce sens, arrêt Mangold, précité, points 52 et 53).

118    En l’occurrence, il ne saurait être exclu que les modifications apportées par le décret présidentiel 164/2004 au droit interne antérieur soient liées à la mise en œuvre de l’accord-cadre dès lors que, selon la décision de renvoi, les travailleurs à durée déterminée bénéficiaient toujours, au moment de l’adoption de la directive 1999/70 et de cet accord, des mesures de protection prévues, notamment, à l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920. En outre, il ne ressort pas de la décision de renvoi que, en apportant les modifications en cause, le législateur national aurait visé à promouvoir un objectif distinct de celui de la mise en œuvre de l’accord-cadre, ce qu’il appartient cependant à la juridiction de renvoi de vérifier (voir, en ce sens, arrêt Angelidaki e.a., précité, point 139).

119    En ce qui concerne, en second lieu, la condition selon laquelle la régression doit porter sur le «niveau général de protection» des travailleurs à durée déterminée, elle implique que seule une réduction d’une ampleur de nature à affecter globalement la réglementation nationale relative aux contrats de travail à durée déterminée est susceptible de relever de la clause 8, point 3, de l’accord-cadre (arrêt Angelidaki e.a., précité, point 140).

120    Or, en l’occurrence, il apparaît que les modifications apportées par le décret présidentiel 164/2004 au droit national antérieur affectent non pas tous les travailleurs ayant conclu un contrat de travail à durée déterminée, mais uniquement ceux qui relèvent du secteur public et qui ont conclu des contrats de travail à durée déterminée successifs (voir, en ce sens, arrêt Angelidaki e.a., précité, point 141).

121    Pour autant que ces derniers travailleurs ne représentent pas une partie significative des travailleurs employés à durée déterminée dans l’État membre concerné, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, la réduction de la protection dont bénéficie une telle catégorie restreinte de travailleurs n’est pas, en tant que telle, susceptible d’affecter globalement le niveau de protection applicable dans l’ordre juridique interne aux travailleurs liés par un contrat de travail à durée déterminée (arrêt Angelidaki e.a., précité, point 142).

122    En outre, et en tout état de cause, le décret présidentiel 164/2004 mettant en œuvre dans le secteur public l’ensemble des mesures destinées à prévenir l’utilisation abusive des contrats de travail à durée déterminée successifs énumérées à la clause 5, point 1, sous a) à c), de l’accord-cadre, lesdites mesures apparaissent, à première vue, de nature à compenser toute réduction éventuelle de protection des travailleurs à durée déterminée qui serait identifiée par la juridiction de renvoi (voir, en ce sens, arrêt Angelidaki e.a., précité, point 143).

123    Dans ces conditions, la Cour a déjà constaté que les modifications apportées par une réglementation nationale qui, comme celle en cause au principal, vise à transposer la directive 1999/70 et l’accord-cadre n’apparaissent pas constituer une «régression» du niveau général de protection des travailleurs à durée déterminée au sens de la clause 8, point 3, de l’accord-cadre, dès lors que, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, elles portent sur une catégorie limitée de travailleurs ayant conclu un contrat de travail à durée déterminée ou qu’elles sont susceptibles d’être compensées par l’adoption de mesures préventives de l’utilisation abusive de contrats de travail à durée déterminée successifs (arrêt Angelidaki e.a., précité, point 146).

124    Il convient dès lors de répondre à la deuxième question que la clause 8, point 3, de l’accord‑cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à une réglementation nationale telle que celle en cause au principal qui prévoit, aux fins de la constatation de l’existence d’un recours abusif à des contrats de travail à durée déterminée, des conditions supplémentaires par rapport à celles qui étaient prévues par le droit interne antérieur, tel que, notamment, l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920, dès lors que de telles conditions, ce qu’il appartient à ladite juridiction de vérifier, affectent une catégorie limitée de travailleurs ayant conclu un contrat de travail à durée déterminée ou sont compensées par l’adoption de mesures préventives de l’utilisation abusive de contrats de travail à durée déterminée au sens de la clause 5, point 1, dudit accord-cadre.

 Sur les conséquences à tirer, par les juridictions nationales, d’une violation des clauses 5, point 1, et 8, point 3, de l’accord-cadre

125    Par sa sixième question, la juridiction de renvoi demande en substance si elle est tenue, en vertu du droit communautaire, d’écarter l’application d’une réglementation nationale, telle que le décret présidentiel 164/2004 en cause au principal, si celle-ci est contraire aux dispositions de l’accord-cadre, et d’appliquer à sa place le droit interne antérieur, à savoir l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920.

126    Il y a lieu de constater que la Cour a fourni une réponse à une question identique aux points 191 à 213 de l’arrêt Angelidaki e.a., précité, et que d’autres éléments utiles permettant de répondre à cette question ressortent des arrêts précités Adeneler e.a. (points 108 à 124) et Impact (points 69 à 80), ainsi que de l’ordonnance Vassilakis e.a., précitée (points 56 à 72).

127    À cet égard, il y a lieu, tout d’abord, de rappeler que la Cour a jugé au point 196 de l’arrêt Angelidaki e.a., précité, que la clause 5, point 1, de l’accord-cadre n’apparaît pas, du point de vue de son contenu, inconditionnelle et suffisamment précise pour pouvoir être invoquée par un particulier devant un juge national. En effet, en vertu de cette disposition, il relève du pouvoir d’appréciation des États membres de recourir, afin de prévenir l’utilisation abusive de contrats de travail à durée déterminée, à une ou à plusieurs des mesures énoncées dans cette clause, ou encore à des mesures légales existantes équivalentes, et ce tout en tenant compte des besoins de secteurs spécifiques et/ou de catégories de travailleurs. En outre, il n’est pas possible de déterminer de façon suffisante la protection minimale qui devrait, en tout état de cause, être mise en œuvre au titre de la clause 5, point 1, de l’accord-cadre (arrêt Impact, précité, points 71, 78 et 79).

128    Par ailleurs, la Cour a jugé, aux points 209 à 211 de l’arrêt Angelidaki e.a., précité, que la clause 8, point 3, de l’accord-cadre ne remplit pas non plus les conditions requises pour produire un effet direct. En effet, d’une part, cette clause porte sur la seule «mise en œuvre» de cet accord par les États membres et/ou les partenaires sociaux, auxquels il incombe de transposer celui-ci dans l’ordre juridique interne, en interdisant à ces derniers de justifier, lors de cette transposition, une régression du niveau général de protection des travailleurs par la nécessité de la mise en œuvre dudit accord-cadre. D’autre part, ladite clause, en se bornant à interdire, selon ses propres termes, la «régression du niveau général de protection des travailleurs dans le domaine couvert par [cet accord]», implique que seule une réduction d’une certaine ampleur de nature à affecter globalement la réglementation nationale relative aux contrats de travail à durée déterminée est susceptible de relever de son champ d’application. Or, les particuliers ne pourraient déduire d’une telle interdiction aucun droit dont le contenu serait suffisamment clair, précis et inconditionnel.

129    Toutefois, selon une jurisprudence constante, les juridictions nationales sont tenues de faire tout ce qui relève de leur compétence, en prenant en considération l’ensemble du droit interne et en faisant application des méthodes d’interprétation reconnues par celui‑ci, aux fins de garantir la pleine effectivité de la directive en cause et d’aboutir à une solution conforme à la finalité poursuivie par celle‑ci (voir jurisprudence citée au point 110 de la présente ordonnance).

130    Ainsi que la Cour l’a précisé au point 115 de l’arrêt Adeneler e.a., précité, en cas de transposition tardive d’une directive, l’obligation générale, qui incombe aux juridictions nationales, d’interpréter le droit interne d’une manière conforme à la directive n’existe qu’à partir de l’expiration du délai de transposition de celle-ci (voir, également, arrêt Angelidaki e.a., précité, point 201, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 63).

131    Par ailleurs, pour le cas où le résultat prescrit par une directive ne pourrait être atteint par voie d’interprétation, il convient de rappeler que le droit communautaire impose aux États membres de réparer les dommages qu’ils ont causés aux particuliers en raison de l’absence de transposition de cette directive pour autant que trois conditions sont remplies. Tout d’abord, la directive en cause doit avoir pour objectif l’attribution de droits à des particuliers. Le contenu de ces droits doit, ensuite, pouvoir être identifié sur la base des dispositions de ladite directive. Enfin, il doit y avoir un lien de causalité entre la violation de l’obligation qui incombe à l’État membre et le dommage subi (voir arrêt Angelidaki e.a., précité, point 202, ainsi que ordonnance Vassilakis e.a., précitée, point 60).

132    Dans l’affaire au principal, il appartient dès lors à la juridiction de renvoi de donner aux dispositions pertinentes du droit interne, dans toute la mesure du possible et lorsqu’une utilisation abusive de contrats de travail à durée déterminée successifs a eu lieu, ou, le cas échéant, lorsque la mise en œuvre de l’accord-cadre a justifié une régression du niveau général de protection des travailleurs à durée déterminée, une interprétation et une application à même de sanctionner dûment cet abus et d’effacer les conséquences de la violation du droit communautaire. Dans ce cadre, il incombe à ladite juridiction d’apprécier si les dispositions de l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920 peuvent, le cas échéant, s’appliquer aux fins de cette interprétation conforme (voir, en ce sens, arrêt Angelidaki e.a., précité, point 203).

133    Il convient dès lors de répondre à la sixième question qu’il appartient à la juridiction de renvoi de donner aux dispositions pertinentes du droit interne, dans toute la mesure du possible, une interprétation conforme aux clauses 5, point 1, et 8, point 3, de l’accord-cadre, ainsi que de déterminer, dans ce cadre, si une disposition du droit interne telle que l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920 doit être appliquée au litige au principal en lieu et place de certaines autres dispositions de ce droit.

 Sur les dépens

134    La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit:

1)      La clause 5, point 1, sous a), de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999, qui figure en annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord‑cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée, doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à l’utilisation de contrats de travail à durée déterminée successifs qui serait justifiée par la seule circonstance qu’elle est prévue par une disposition législative ou réglementaire générale d’un État membre. Au contraire, la notion de «raisons objectives», au sens de ladite clause, requiert que le recours à ce type particulier de relations de travail, tel que prévu par la réglementation nationale, soit justifié par l’existence d’éléments concrets tenant notamment à l’activité en cause et aux conditions de son exercice.

2)      La clause 5, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à une réglementation nationale telle que celle en cause au principal qui, tout en imposant, au titre de mesures préventives du recours abusif à des contrats de travail à durée déterminée successifs, le respect d’une durée maximale totale de tels contrats, prévoit des exceptions à cette dernière limitation en ce qui concerne certaines catégories de travailleurs, dès lors que ceux-ci bénéficient d’au moins l’une des mesures préventives de l’utilisation abusive de contrats de travail à durée déterminée successifs énoncées à ladite clause.

3)      La clause 5, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à une réglementation nationale telle que celle en cause au principal qui prévoit, au titre de mesures réprimant le recours abusif à des contrats de travail à durée déterminée successifs, le versement du salaire et le paiement d’une indemnité ainsi que des sanctions pénales et disciplinaires, pour autant que, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, les conditions d’application ainsi que la mise en œuvre effective des dispositions pertinentes du droit interne en font une mesure adéquate pour sanctionner l’utilisation abusive par l’administration publique de contrats de travail à durée déterminée successifs.

4)      La clause 5, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée doit être interprétée en ce sens que, pour autant que l’ordre juridique interne de l’État membre concerné ne comporte pas, dans le secteur public, d’autres mesures effectives pour éviter et, le cas échéant, sanctionner l’utilisation abusive de contrats de travail à durée déterminée successifs, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, elle s’oppose à une réglementation nationale telle que celle en cause au principal, dès lors que celle-ci ne s’applique pas ratione temporis aux contrats de travail à durée déterminée successifs qui ont été conclus ou renouvelés après l’expiration de la période prévue par la directive 1999/70, pour sa transposition lorsqu’ils n’étaient plus en cours à la date de l’entrée en vigueur de cette réglementation ou à un moment quelconque au cours de la période de trois mois ayant précédé cette date.

5)      Dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, la clause 5, point 1, de l’accord‑cadre sur le travail à durée déterminée doit être interprétée en ce sens que, lorsque l’ordre juridique interne de l’État membre concerné comporte, dans le secteur considéré, d’autres mesures effectives pour éviter et, le cas échéant, sanctionner l’utilisation abusive de contrats de travail à durée déterminée successifs au sens de ce même point 1, elle ne fait pas obstacle à l’application d’une règle du droit national interdisant d’une façon absolue, dans le seul secteur public, de transformer en un contrat de travail à durée indéterminée une succession de contrats de travail à durée déterminée qui, ayant eu pour objet de couvrir des besoins permanents et durables de l’employeur, doivent être considérés comme abusifs. Il incombe toutefois à la juridiction de renvoi d’apprécier dans quelle mesure les conditions d’application ainsi que la mise en œuvre effective des dispositions pertinentes du droit interne en font une mesure adéquate pour prévenir et, le cas échéant, sanctionner l’utilisation abusive par l’administration publique de contrats de travail à durée déterminée successifs.

6)      La clause 5, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas, en principe, à ce que les litiges concernant l’utilisation abusive de contrats de travail à durée déterminée dans le secteur public relèvent de la compétence exclusive des juridictions administratives. Il appartient, toutefois, à la juridiction de renvoi de veiller à ce que soit garanti le droit à une protection juridictionnelle effective dans le respect des principes d’effectivité et d’équivalence.

7)      La clause 8, point 3, de l’accord‑cadre sur le travail à durée déterminée doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à une réglementation nationale telle que celle en cause au principal qui prévoit, aux fins de la constatation de l’existence d’un recours abusif à des contrats de travail à durée déterminée, des conditions supplémentaires par rapport à celles qui étaient prévues par le droit interne antérieur, tel que, notamment, l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920 relative à la résiliation obligatoire du contrat de travail des employés du secteur privé, dès lors que de telles conditions, ce qu’il appartient à ladite juridiction de vérifier, affectent une catégorie limitée de travailleurs ayant conclu un contrat de travail à durée déterminée ou sont compensées par l’adoption de mesures préventives de l’utilisation abusive de contrats de travail à durée déterminée au sens de la clause 5, point 1, dudit accord-cadre.

8)      Il appartient à la juridiction de renvoi de donner aux dispositions pertinentes du droit interne, dans toute la mesure du possible, une interprétation conforme aux clauses 5, point 1, et 8, point 3, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, ainsi que de déterminer, dans ce cadre, si une disposition du droit interne telle que l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920 doit être appliquée au litige au principal en lieu et place de certaines autres dispositions de ce droit.

Signatures


* Langue de procédure: le grec.