ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

2 avril 2009 (*)

«Manquement d’État – Directive 96/82/CE – Dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses – Article 11, paragraphe 1, sous c) – Élaboration des plans d’urgence externes pour les mesures à prendre à l’extérieur des établissements – Non-transposition dans le délai prescrit»

Dans l’affaire C‑401/08,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 17 septembre 2008,

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. B. Schima et A. Sipos, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République d’Autriche, représentée par M. E. Riedl, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. A. Ó Caoimh, président de chambre, MM. J. N. Cunha Rodrigues (rapporteur) et A. Arabadjiev, juges,

avocat général: Mme V. Trstenjak,

greffier: M. R. Grass,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en n’ayant pas assuré l’élaboration d’un plan d’urgence externe pour tous les établissements soumis aux dispositions de l’article 9 de la directive 96/82/CE du Conseil, du 9 décembre 1996, concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses (JO 1997, L 10, p. 13), telle que modifiée par la directive 2003/105/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2003 (JO L 345, p. 97, ci-après la «directive»), la République d’Autriche a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 11, paragraphe 1, sous c), de la directive.

 Le cadre juridique

2        L’article 2, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive dispose:

«La présente directive s’applique aux établissements où des substances dangereuses sont présentes dans des quantités égales ou supérieures aux quantités indiquées à l’annexe I parties 1 et 2 colonne 2 à l’exception des articles 9, 11 et 13, qui s’appliquent à tout établissement où des substances dangereuses sont présentes dans des quantités égales ou supérieures aux quantités indiquées à l’annexe I parties 1 et 2 colonne 3.»

3        Aux termes de l’article 11, paragraphe 1, de la directive:

«Les États membres veillent à ce que, pour tous les établissements soumis aux dispositions de l’article 9:

a)      l’exploitant élabore un plan d’urgence interne pour ce qui est des mesures à prendre à l’intérieur de l’établissement:

–        pour les nouveaux établissements, avant leur mise en exploitation,

–        pour les établissements existants, non encore soumis aux dispositions de la directive 82/501/CEE, dans un délai de trois ans à compter de la date prévue à l’article 24 paragraphe 1,

–        pour les autres établissements, dans un délai de deux ans à compter de la date prévue à l’article 24 paragraphe 1,

–        pour les établissements qui relèveraient ultérieurement de la présente directive, sans délai et, en tout état de cause, dans l’année suivant la date à laquelle la présente directive s’applique à l’établissement concerné, comme prévu à l’article 2 paragraphe 1 premier alinéa;

b)      l’exploitant fournisse aux autorités compétentes, pour leur permettre d’établir le plan d’urgence externe, les informations nécessaires dans les délais suivants:

–        pour les nouveaux établissements, avant leur mise en exploitation,

–        pour les établissements existants, non encore soumis aux dispositions de la directive 82/501/CEE, dans un délai de trois ans à compter de la date prévue à l’article 24 paragraphe 1,

–        pour les autres établissements, dans un délai de deux ans à compter de la date prévue à l’article 24 paragraphe 1,

–        pour les établissements qui relèveraient ultérieurement de la présente directive, sans délai et, en tout état de cause, dans l’année suivant la date à laquelle la présente directive s’applique à l’établissement concerné, comme prévu à l’article 2 paragraphe 1 premier alinéa;

c)      les autorités désignées à cet effet par l’État membre élaborent un plan d’urgence externe pour les mesures à prendre à l’extérieur de l’établissement.»

4        L’article 2, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2003/105 énonce:

«Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive avant le 1er juillet 2005. Ils en informent immédiatement la Commission.»

 La procédure précontentieuse

5        N’ayant pas été informée par la République d’Autriche que tous les établissements autrichiens soumis aux dispositions de l’article 9 de la directive (ci-après les «établissements») disposaient de plans d’urgence externes au sens de l’article 11, paragraphe 1, sous c), de celle-ci, la Commission a, par lettre du 27 mars 2006, invité les autorités compétentes de cet État membre à présenter leurs observations à cet égard dans un délai de deux mois.

6        Le 14 novembre 2006, la République d’Autriche a répondu que, sur un total de 79 établissements, 45 d’entre eux disposaient d’un plan d’urgence externe.

7        La Commission étant parvenue à la conclusion que la République d’Autriche avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 11 de la directive a, conformément à l’article 226 CE, soulevé ce grief dans une lettre du 23 mars 2007, en accordant à la République d’Autriche un délai de réponse de deux mois à compter de la notification de ladite lettre.

8        Le 23 mai 2007, la République d’Autriche a répondu qu’il n’existait pas d’établissements dans le Land du Burgenland, que les 5 établissements du Land de Carinthie disposaient tous d’un plan d’urgence externe, alors que 3 établissements sur 29 étaient dotés d’un tel plan dans le Land de Basse‑Autriche. Dans le Land de Haute‑Autriche, 14 établissements sur 18 disposeraient d’un plan d’urgence externe, mais aucun des 9 établissements du Land de Salzbourg ne posséderait un tel plan. Dans le Land de Styrie, les 6 établissements disposeraient tous d’un plan d’urgence externe, contrairement aux 2 établissements recensés dans le Land du Tyrol. Quant aux 3 établissements du Land du Vorarlberg, ils posséderaient un plan d’urgence externe. La République d’Autriche a également évoqué la situation des 10 établissements situés dans le Land de Vienne.

9        Par lettre du 23 octobre 2007, la Commission a émis un avis motivé dans lequel elle a conclu que la République d’Autriche avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 11, paragraphe 1, sous c), de la directive et a invité cet État membre à prendre les mesures requises pour se conformer à l’avis motivé dans un délai de deux mois à compter de sa réception.

10      La République d’Autriche a répondu à l’avis motivé par une lettre du 21 décembre 2007, dans laquelle elle a relevé en substance que les plans d’urgence externes n’étaient pas encore tous disponibles dans les Länder de Basse‑Autriche, de Haute‑Autriche, de Salzbourg, du Tyrol et de Vienne. En ce qui concerne le Land de Salzbourg, elle a fait valoir que seul un établissement devait disposer d’un plan d’urgence externe. La République d’Autriche n’a pas indiqué si les dix établissements du Land de Vienne possédaient un plan d’urgence externe.

11      La Commission a dès lors décidé d’introduire le présent recours.

 Sur le recours

 Argumentation des parties

12      La Commission indique que, conformément à l’article 249, troisième alinéa, CE, les États membres sont tenus de prendre les mesures nécessaires pour transposer les directives dans l’ordre juridique national avant l’expiration du délai qu’elles prescrivent et de communiquer immédiatement ces mesures à la Commission.

13      L’article 11, paragraphe 1, sous c), de la directive impose aux États membres de veiller à ce que, pour tous les établissements, à savoir les établissements soumis aux dispositions concernant les seuils supérieurs visés à l’annexe I de ladite directive, les autorités désignées à cet effet élaborent un plan d’urgence externe pour les mesures à prendre à l’extérieur de l’établissement.

14      La Commission observe qu’il ressort de la réponse de la République d’Autriche à l’avis motivé ainsi que des mémoires en défense et en duplique que, à l’expiration du délai fixé dans cet avis, de nombreux établissements situés dans plusieurs Länder ne disposaient pas encore d’un plan d’urgence externe. La Commission en conclut que la République d’Autriche a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 11, paragraphe 1, sous c), de cette directive.

15      Tout en soulignant les progrès réalisés entre-temps par la République d’Autriche dans la transposition de la directive, la Commission relève dans son mémoire en réplique qu’elle maintient son recours, dans la mesure où il est constant que les autorités autrichiennes n’ont pas encore établi de plan d’urgence externe pour tous les établissements.

16      La République d’Autriche observe dans ses mémoires en défense et en duplique que des plans d’urgence externes ont été établis dans l’intervalle pour de nombreux établissements visés dans la requête. L’élaboration de plans d’urgence externes pour les autres établissements serait en cours et devrait être achevée dans un proche avenir. La République d’Autriche ajoute qu’elle tiendra la Commission informée de l’évolution des mesures de transposition en cours d’adoption et qu’elle sollicitera le retrait du présent recours après l’adoption desdites mesures.

 Appréciation de la Cour

17      Selon une jurisprudence constante, l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé. Les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour (voir, notamment, arrêt du 4 novembre 2008, Commission/Luxembourg, C‑95/08, point 24).

18      En l’espèce, il ressort tant du mémoire en défense que du mémoire en duplique que la République d’Autriche reconnaît ne pas avoir pris, avant l’expiration du délai de deux mois fixé dans l’avis motivé, les mesures nécessaires à la transposition complète de la directive en droit interne. Conformément à la jurisprudence citée au point 17 du présent arrêt, les différentes mesures que la République d’Autriche déclare avoir adoptées après l’expiration de ce délai ne sauraient être prises en compte dans le cadre du présent recours.

19      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer le recours introduit par la Commission comme fondé.

20      Par conséquent, il convient de constater que, en n’ayant pas assuré l’élaboration d’un plan d’urgence externe pour tous les établissements, la République d’Autriche a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 11, paragraphe 1, sous c), de cette directive.

 Sur les dépens

21      Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République d’Autriche et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) déclare et arrête:

1)      En n’ayant pas assuré l’élaboration d’un plan d’urgence externe pour tous les établissements soumis aux dispositions de l’article 9 de la directive 96/82/CE du Conseil, du 9 décembre 1996, concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses, telle que modifiée par la directive 2003/105/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2003, la République d’Autriche a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 11, paragraphe 1, sous c), de ladite directive.

2)      La République d’Autriche est condamnée aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.