Affaire C-393/08

Emanuela Sbarigia

contre

Azienda USL RM/A e.a.

(demande de décision préjudicielle, introduite par

le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio)

«Législation nationale régissant les heures d’ouverture et les jours de fermeture des pharmacies — Dispense — Pouvoir de décision des autorités compétentes»

Sommaire de l'arrêt

1.        Questions préjudicielles — Recevabilité — Limites

(Art. 234 CE)

2.        Questions préjudicielles — Compétence de la Cour

(Art. 234 CE)

3.        Concurrence — Règles communautaires — Obligations des États membres

(Art. 10 CE, 81 CE et 82 CE)

1.        Il appartient aux seules juridictions nationales, qui sont saisies du litige et qui doivent assumer la responsabilité de la décision judiciaire à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de chaque affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre leur jugement que la pertinence des questions qu’elles posent à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer. Il s’ensuit que les questions portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence. Le rejet par la Cour d’une demande formée par une juridiction nationale n’est ainsi possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées.

(cf. points 19-20)

2.        Lorsque, dans le cadre d'une question préjudicielle, tous les éléments du litige dont est saisie la juridiction de renvoi sont circonscrits à l'intérieur d'un seul État membre, une réponse peut néanmoins être utile à la juridiction de renvoi, notamment dans l'hypothèse où le droit national imposerait de faire bénéficier un ressortissant dudit État membre des mêmes droits que ceux qu'un ressortissant d'un autre État membre tirerait du droit de l'Union dans la même situation.

L’hypothèse évoquée au point précédent vise les droits qu’un ressortissant d’un autre État membre pourrait tirer du droit de l’Union s’il se trouvait dans la même situation que la requérante au principal, exploitant une pharmacie dans une zone municipale spécifique et confronté à une décision de l’administration nationale compétente faisant application d'une réglementation nationale à l’égard d’une demande qui ne met nullement en cause le système général de réglementation des horaires d’ouverture et des congés des pharmacies instauré par cette réglementation, mais vise uniquement à obtenir, à titre d’exception à ce système général, l’autorisation de renoncer à toute période de fermeture.

Ainsi, au regard des circonstances spécifiques de l'affaire au principal, il apparaît manifestement que l’interprétation de l’article 49 CE, demandée par la juridiction de renvoi dans sa décision, n’est pas pertinente pour la solution du litige au principal.

(cf. points 23-25)

3.        Les dispositions du droit communautaire en matière de concurrence, notamment les articles 81 CE à 86 CE, s’avèrent manifestement inapplicables dans le cas d'une réglementation nationale relative à l’octroi éventuel d’une dérogation en ce qui concerne les périodes d’ouverture d’une pharmacie située dans une zone municipale spécifique. Une telle réglementation ne saurait, en elle-même ou par son application, affecter le commerce entre les États membres au sens des articles 81 CE et 82 CE.

(cf. points 29, 32)









ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

1er juillet 2010 (*)

«Législation nationale régissant les heures d’ouverture et les jours de fermeture des pharmacies – Dispense – Pouvoir de décision des autorités compétentes»

Dans l’affaire C‑393/08,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (Italie), par décision du 21 mai 2008, parvenue à la Cour le 10 septembre 2008, dans la procédure

Emanuela Sbarigia

contre

Azienda USL RM/A,

Comune di Roma,

Assiprofar – Associazione Sindacale Proprietari Farmacia,

Ordine dei Farmacisti della Provincia di Roma,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. E. Levits (rapporteur), A. Borg Barthet, J.-J. Kasel et Mme M. Berger, juges,

avocat général: M. N. Jääskinen,

greffier: Mme R. Şereş, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 17 décembre 2009,

considérant les observations présentées:

–        pour Mme Sbarigia, par Mes V. Cerulli Irelli et M. Di Giandomenico, avvocati,

–        pour le Comune di Roma, par Me R. Murra, avvocato,

–        pour Assiprofar – Associazione Sindacale Proprietari Farmacia, par Mes M. Luciani et I. Perego, avvocati,

–        pour l’Ordine dei Farmacisti della Provincia di Roma, par Me S. Cicciotti, avvocato,

–        pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de Mme M. Russo, avvocato dello Stato ,

–        pour le gouvernement hellénique, par M. S. Spyropoulos, Mmes Z. Chatzipavlou et V. Karra, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mme C. M. Wissels et M. D. J. M. de Grave, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement autrichien, par Mme C. Pesendorfer et M. T. Kröll, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par M. E. Traversa et Mme C. Cattabriga, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 11 mars 2010,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 49 CE, 81 CE à 86 CE, 152 CE et 153 CE.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme Sbarigia, propriétaire d’une pharmacie, à l’Azienda Unità Sanitaria Locale «Roma A» (ci-après l’«ASL RM/A»), autorité compétente de la commune de Rome, à propos de la décision de l’ASL RM/A rejetant les demandes introduites par Mme Sbarigia en vue d’obtenir l’autorisation de renoncer aux horaires et aux périodes de fermeture, notamment celle de fermeture annuelle d’été 2006.

 Le cadre juridique

3        La législation applicable dans l’affaire au principal est la loi régionale du Latium n° 26, du 30 juillet 2002, régissant les horaires, les tours de garde et les congés des pharmacies ouvertes au public (Legge Regionale Lazio n. 26 del 30 juglio 2002, Disciplina dell’orario, dei turni e delle ferie delle farmacie aperte al pubblico, Bollettino Ufficiale della Regione Lazio n° 23, supplément ordinaire n° 5, du 20 août 2002, et GURI n° 24, série spéciale n° 3, du 14 juin 2003, ci-après la «L.R. 26/02»).

4        Les articles 2 à 8 de la L.R. 26/02 fixent les horaires d’ouverture, le service volontaire de garde, la fermeture hebdomadaire et les congés annuels des pharmacies. Sont notamment imposés des horaires maximaux d’ouverture, l’obligation de fermeture le dimanche et une demi-journée par semaine ainsi que durant les jours fériés et une période minimale de congés annuels.

5        L’article 10 de la L.R. 26/02 est libellé comme suit:

«1.      Pour la commune de Rome, chaque [unité sanitaire locale (ci-après «USL»)] adopte les mesures prévues par la présente loi et relevant de sa compétence, moyennant l’accord des autres USL concernées.

2.      Pour les officines situées dans des zones municipales spécifiques, l’horaire hebdomadaire d’ouverture au public, les congés des pharmacies urbaines et la demi-journée de repos hebdomadaire […] peuvent être modifiés par décision de l’USL territorialement compétente, en accord avec le maire de la commune concernée, l’ordre provincial des pharmaciens et les organisations professionnelles provinciales les plus représentatives des pharmacies publiques et privées.»

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

6        Mme Sbarigia est propriétaire d’une pharmacie sise dans une zone du centre historique de Rome, appelée «Tridente». Ce quartier, entièrement piéton, se trouve au cœur de la zone touristique de cette ville.

7        En raison de cette implantation et de l’augmentation importante du nombre de clients pendant les mois de juillet et d’août, la requérante au principal a, le 31 mai 2006, introduit une demande fondée sur l’article 10, paragraphe 2, de la L.R. 26/02 auprès de l’ASL RM/A, territorialement compétente, visant à obtenir l’autorisation de renoncer à la période de fermeture pour les congés d’été 2006. Cette demande a été rejetée par décision du 22 juin 2006, contre laquelle Mme Sbarigia a introduit un recours devant la juridiction de renvoi.

8        Dans l’attente de l’issue de ce recours, par une seconde demande, du 18 octobre 2006, Mme Sbarigia a sollicité plus largement une dispense de fermeture pour congés annuels ainsi que les jours fériés et l’extension des horaires d’ouverture hebdomadaire tout au long de l’année. À cet égard, Mme Sbarigia a fait valoir qu’une autorisation similaire avait été accordée le 8 septembre 2006 pour une autre pharmacie, sise aux alentours de la gare ferroviaire «Termini», disposant de la même clientèle spécifique que sa propre pharmacie.

9        Cette seconde demande a également été rejetée par l’ASL RM/A par décision n° 119945/P, du 22 mars 2007, à l’encontre de laquelle Mme Sbarigia a avancé des moyens de recours complémentaires et sollicité des mesures suspensives.

10      Par ordonnance du 22 juin 2007, la juridiction de renvoi a accueilli la demande de sursis à exécution de la décision du 22 mars 2007, aux fins de son réexamen par l’ASL RM/A,.

11      Par suite, l’ASL RM/A a adopté la décision n° 40249, du 1er août 2007, par laquelle elle a rejeté de nouveau la demande de la requérante au principal, en application de l’article 10, paragraphe 2, de la L.R. 26/02, sur avis défavorable du Comune di Roma, de l’Ordine dei Farmacisti della Provincia di Roma (ordre des pharmaciens de la province de Rome) ainsi que des associations professionnelles Assiprofar – Associazione Sindacale Proprietari Farmacia (ci-après «Assiprofar») et Confservizi.

12      Mme Sbarigia a introduit un recours contre cette dernière décision en invoquant de nouveaux moyens de recours dans le cadre de la procédure pendante devant la juridiction de renvoi.

13      Selon le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional du Latium), considérer le service pharmaceutique comme un service public garantissant la protection de la santé des utilisateurs ne suffit pas à justifier les dispositions contraignantes relatives aux modalités d’ouverture des pharmacies. Une libéralisation des horaires et de l’ouverture de l’ensemble des officines – d’ailleurs prônée dans un rapport rendu le 1er février 2007 par l’Autorità garante della concorrenza e del mercato (autorité nationale garante de la concurrence et du marché) – permettrait d’augmenter l’offre en général (les plans de répartition garantissant la répartition géographique équilibrée des pharmacies) au bénéfice des clients.

14      Les dispositions de la L.R. 26/02 sembleraient en outre excessives et injustifiées. En effet, l’intérêt public et les exigences liés au service pharmaceutique seraient sans doute mieux protégés par des mesures de libéralisation des modalités d’ouverture des pharmacies, favorables au développement de la concurrence.

15      Ainsi, la juridiction de renvoi doute de la compatibilité des restrictions en cause au principal avec les principes du droit communautaire en matière de libre concurrence des entreprises, d’une part, ainsi qu’avec l’action de l’Union européenne visant à l’amélioration et à la protection de la santé, d’autre part. En particulier, elle estime que, contrairement à cet objectif, le cadre législatif concernant l’organisation du service pharmaceutique actuellement en vigueur dans la région du Latium empêche une contribution efficace à la protection de la santé publique.

16      Dans ces conditions, le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les deux questions préjudicielles suivantes:

«1)      Les dispositions de la [L.R. 26/02] interdisant aux [pharmaciens] de renoncer à leurs congés annuels, posant des limites à l’ouverture au public [des pharmacies] et subordonnant l’octroi d’une dérogation à ces restrictions (article 10, paragraphe 2), pour les pharmacies de la commune de Rome, à la condition que l’administration, exerçant un pouvoir discrétionnaire (en accord avec les entités et organismes mentionnés dans ce même article), estime qu’il est satisfait au critère de zone municipale spécifique, sont-elles compatibles avec les principes communautaires de libre concurrence et de libre prestation des services, visés notamment aux articles 49 [CE et] 81 [CE à] 86 [CE]?

2)      Des restrictions posées à l’exercice du service public pharmaceutique dans le but de protéger la santé publique telles que celles prévues par la L.R. 26/02 en ce qui concerne les modalités d’ouverture quotidienne, hebdomadaire et annuelle des pharmacies sont-elles compatibles avec les articles 152 [CE] et 153 [CE]?»

 Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

17      Dans leurs observations écrites, les gouvernements italien et hellénique contestent la recevabilité de la présente demande de décision préjudicielle. Lors de l’audience, Assiprofar et, de manière implicite, l’Ordine dei Farmacisti della Provincia di Roma ont émis le même avis.

18      En particulier, le gouvernement italien avance que la juridiction de renvoi ne fournit aucune précision sur la situation de fait et de droit qui l’a conduite à s’interroger sur la compatibilité de la disposition nationale pertinente avec les dispositions du traité CE qu’elle mentionne. Le gouvernement hellénique, Assiprofar et l’Ordine dei Farmacisti della Provincia di Roma affirment, pour leur part, que, en l’absence d’élément transfrontalier, les questions préjudicielles ne présentent aucun lien avec le droit de l’Union.

19      À cet égard, il convient de rappeler qu’il appartient aux seules juridictions nationales, qui sont saisies du litige et qui doivent assumer la responsabilité de la décision judiciaire à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de chaque affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre leur jugement que la pertinence des questions qu’elles posent à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (voir arrêt du 10 mars 2009, Hartlauer, C-169/07, Rec. p. I‑1721, point 24 et jurisprudence citée).

20      Il s’ensuit que les questions portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence. Le rejet par la Cour d’une demande formée par une juridiction nationale n’est ainsi possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (voir, en ce sens, arrêts du 5 décembre 2006, Cipolla e.a., C-94/04 et C-202/04, Rec. p. I-11421, point 25, ainsi que du 7 juin 2007, van der Weerd e.a., C-222/05 à C‑225/05, Rec. p. I-4233, point 22).

21      Or, s’agissant de l’exception d’irrecevabilité soulevée par le gouvernement italien, force est de constater que la décision de renvoi contient une description suffisante du cadre juridique et factuel du litige au principal, et que les indications fournies par la juridiction de renvoi permettent de déterminer la portée des questions posées. Ladite décision a ainsi donné aux intéressés une possibilité effective de présenter des observations conformément à l’article 23 du statut de la Cour de justice, comme en atteste d’ailleurs le contenu des observations soumises à la Cour.

22      Il s’ensuit que cette exception ne saurait être retenue.

23      S’agissant ensuite des arguments soulevés par Assiprofar, l’Ordine dei Farmacisti della Provincia di Roma et le gouvernement hellénique, selon lesquels tous les éléments du litige au principal sont circonscrits à l’intérieur d’un seul État membre, il y a lieu de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence de la Cour que la réponse de celle-ci peut être utile à la juridiction de renvoi même dans de telles circonstances, notamment dans l’hypothèse où le droit national lui imposerait de faire bénéficier un ressortissant national des mêmes droits que ceux qu’un ressortissant d’un autre État membre tirerait du droit de l’Union dans la même situation (voir, notamment, arrêts du 30 mars 2006, Servizi Ausiliari Dottori Commercialisti, C-451/03, Rec. p. I-2941, point 29; Cipolla e.a., précité, point 30, ainsi que du 1er juin 2010, Blanco Pérez et Chao Gómez, C-570/07 et C-571/07, non encore publié au Recueil, point 36).

24      En l’occurrence, l’hypothèse évoquée dans la jurisprudence citée au point précédent du présent arrêt vise, dans le contexte de l’affaire au principal, les droits qu’un ressortissant d’un autre État membre pourrait tirer du droit de l’Union s’il se trouvait dans la même situation que Mme Sbarigia, exploitant une pharmacie dans une zone municipale spécifique de la commune de Rome et confronté à une décision de l’administration nationale compétente faisant application de l’article 10, paragraphe 2, de la L.R. 26/02 à l’égard d’une demande qui ne met nullement en cause le système général de réglementation des horaires d’ouverture et des congés des pharmacies instauré par cette loi, mais vise uniquement à obtenir, à titre d’exception à ce système général, l’autorisation de renoncer à toute période de fermeture. .

25      Ainsi, au regard des circonstances spécifiques de l’affaire au principal, il apparaît manifestement que l’interprétation de l’article 49 CE, demandée par la juridiction de renvoi dans sa décision n’est pas pertinente pour la solution du litige au principal.

26      En effet, comme M. l’avocat général l’a fait observer aux points 72 et 73 de ses conclusions, il résulte d’une jurisprudence constante qu’un ressortissant d’un État membre qui, de façon stable et continue, exerce une activité professionnelle dans un autre État membre relève du chapitre du traité CE relatif au droit d’établissement, et non de celui relatif aux services (voir, notamment, arrêts du 21 juin 1974, Reyners, 2/74, Rec. p. 631, point 21, et du 30 novembre 1995, Gebhard, C‑55/94, Rec. p. I-4165, point 28).

27      Au demeurant, s’agissant précisément de la liberté d’établissement, bien que le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio n’ait pas expressément demandé à la Cour d’interpréter l’article 43 CE, il apparaît de manière manifeste que l’interprétation de cet article n’est pas non plus pertinente dans le cadre du litige pendant devant la juridiction de renvoi.

28      En effet, en l’occurrence, comme il a été déjà souligné au point 23 du présent arrêt, la pharmacie concernée est un établissement stable dans la zone piétonne du centre ville de Rome, dont le propriétaire, par hypothèse ressortissant d’un autre État membre, exercerait déjà une activité professionnelle continue. Partant, l’exercice du droit d’établissement consacré par l’article 43 CE n’est manifestement pas en cause dans l’affaire au principal.

29      Cela étant précisé, il y a lieu de constater que les autres dispositions du droit communautaire en matière de concurrence dont la juridiction de renvoi demande l’interprétation, notamment les articles 81 CE à 86 CE, s’avèrent, elles aussi, manifestement inapplicables dans un contexte tel que celui de l’affaire au principal.

30      En effet, il importe de relever, premièrement, que les articles 83 CE à 85 CE ne revêtent aucune pertinence dans le cadre du litige dont la juridiction de renvoi a été saisie, car il s’agit soit de dispositions à caractère purement procédural (articles 83 CE et 85 CE), soit de dispositions transitoires (article 84 CE).

31       S’agissant, deuxièmement, des articles 81 CE et 82 CE, s’il est vrai que ceux-ci concernent uniquement le comportement des entreprises et ne visent pas des mesures législatives ou réglementaires émanant des États membres, il n’en reste pas moins que ces articles, lus en combinaison avec l’article 10 CE, qui instaure un devoir de coopération, imposent aux États membres de ne pas prendre ou maintenir en vigueur des mesures, même de nature législative ou réglementaire, susceptibles d’éliminer l’effet utile des règles de concurrence applicables aux entreprises (voir arrêt Cipolla e.a., précité, point 46 et jurisprudence citée).

32      À cet égard, toutefois, il apparaît de manière manifeste que la réglementation nationale en cause au principal, relative à l’octroi éventuel d’une dérogation en ce qui concerne les périodes d’ouverture d’une pharmacie située dans une zone municipale spécifique de la commune de Rome, ne saurait, en elle-même ou par son application, affecter le commerce entre les États membres au sens des articles 81 CE et 82 CE (voir, a contrario, arrêts du 17 octobre 1972, Vereniging van Cementhandelaren/Commission, 8/72, Rec. p. 977, point 29; du 10 décembre 1991, Merci convenzionali porto di Genova, C-179/90, Rec. p. I-5889, points 14 et 15, ainsi que du 19 février 2002, Arduino, C‑35/99, Rec. p. I-1529, point 33).

33      Par conséquent, il y a lieu de considérer que, en ce qu’elle a trait aux dispositions des articles 81 CE et 82 CE, la première question posée par la juridiction de renvoi est irrecevable.

34      Troisièmement, il découle du fait que lesdites dispositions du droit de l’Union en matière de concurrence ne sont pas applicables dans l’affaire au principal que l’article 86 CE n’a pas non plus vocation à s’y appliquer.

35      S’agissant de l’article 28 CE, évoqué par certains intéressés ayant présenté des observations devant la Cour, force est de constater, dans un souci d’exhaustivité, que, pour les raisons évoquées au point 32 du présent arrêt, une affectation du commerce entre les États membres et, partant, une possibilité d’entrave à la libre circulation des marchandises doivent être également écartées d’emblée.

36      Il s’ensuit que l’interprétation de l’article 28 CE n’est pas pertinente aux fins de la solution du litige dont la juridiction de renvoi est saisie.

37      En ce qui concerne, finalement, les articles 152 CE et 153 CE, évoqués par la juridiction de renvoi dans sa seconde question, il suffit de relever que, comme l’a fait valoir M. l’avocat général aux points 48 à 51 de ses conclusions, et ainsi que presque tous les intéressés ayant soumis des observations dans la présente procédure l’ont souligné, lesdits articles s’adressent aux institutions de l’Union et aux États membres, et ne sauraient manifestement pas être invoqués pour faire examiner la conformité de mesures nationales avec le droit de l’Union.

38      Il découle de tout ce qui précède que la présente demande de décision préjudicielle doit être considérée comme irrecevable.

 Sur les dépens

39      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

La demande de décision préjudicielle présentée par le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio, par décision du 21 mai 2008, est irrecevable.

Signatures


* Langue de procédure: l’italien.