ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

10 septembre 2009    ( *1 )

«Assurance-protection juridique — Directive 87/344/CEE — Article 4, paragraphe 1 — Libre choix d’un avocat par le preneur d’assurance — Limitation contractuelle — Pluralité d’assurés sinistrés par le même événement — Choix du représentant légal par l’assureur»

Dans l’affaire C-199/08,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par l’Oberster Gerichtshof (Autriche), par décision du 23 avril 2008 , parvenue à la Cour le 15 mai 2008 , dans la procédure

Erhard Eschig

contre

UNIQA Sachversicherung AG,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. C. W. A. Timmermans, président de chambre, MM. J.-C. Bonichot, J. Makarczyk, P. Kūris et M me  C. Toader (rapporteur), juges,

avocat général: M me  V. Trstenjak,

greffier: M. K. Malacek, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 mars 2009 ,

considérant les observations présentées:

pour M. Eschig, par M e  E. Salpius, Rechtsanwalt,

pour UNIQA Sachversicherung AG, par M e  M. Paar, Rechtsanwalt,

pour le gouvernement autrichien, par M me  C. Pesendorfer et M. J. Bauer, en qualité d’agents,

pour le gouvernement tchèque, par M. M. Smolek, en qualité d’agent,

pour la Commission des Communautés européennes, par M me  N. Yerrell et M. G. Braun, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 14 mai 2009 ,

rend le présent

Arrêt

1

La présente demande de décision préjudicielle concerne l’interprétation de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 87/344/CEE du Conseil, du 22 juin 1987 , portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l’assurance-protection juridique ( JO L 185, p. 77 ).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Eschig à la compagnie d’assurances UNIQA Sachversicherung AG (ci-après « UNIQA » ), au sujet de la couverture de certains frais d’avocat et de la validité d’une clause contenue dans les conditions générales d’assurance-protection juridique habilitant l’assureur, lorsque les intérêts de plusieurs preneurs d’assurance sont dirigés contre les mêmes opposants et sont fondés sur une cause identique ou similaire, de limiter sa prestation à la conduite de procès « pilote » ou, le cas échéant, à des recours collectifs ou autres formes collectives de défense par des représentants légaux choisis par lui.

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

3

Les onzième et douzième considérants de la directive 87/344 sont libellés comme suit:

« considérant que l’intérêt de l’assuré en protection juridique implique que ce dernier puisse choisir lui-même son avocat ou toute autre personne ayant les qualifications admises par la loi nationale dans le cadre de toute procédure judiciaire ou administrative et chaque fois que surgit un conflit d’intérêt;

considérant qu’il convient de donner aux États membres la faculté d’exempter les entreprises de l’obligation d’accorder à l’assuré cette liberté de choix de l’avocat lorsque l’assurance-protection juridique est limitée à des affaires résultant de l’utilisation de véhicules routiers sur leur territoire et que d’autres conditions limitatives sont remplies » .

4

L’article 3 de la directive 87/344 dispose:

« 1.     La garantie ‘ protection juridique ’ doit faire l’objet d’un contrat distinct de celui établi pour les autres branches ou d’un chapitre distinct d’une police unique avec indication du contenu de la garantie ‘ protection juridique ’ et, si l’État membre le requiert, de la prime correspondante.

2.   Tout État membre prend les mesures nécessaires pour assurer que les entreprises établies sur son territoire adoptent, suivant l’option imposée par l’État membre ou à leur choix si l’État membre y consent, au moins l’une des solutions suivantes, qui sont alternatives:

a)

l’entreprise doit assurer qu’aucun membre du personnel qui s’occupe de la gestion des sinistres de la branche ‘ protection juridique ’ ou des conseils juridiques relatifs à cette gestion n’exerce en même temps une activité semblable:

si l’entreprise est multibranche, pour une autre branche pratiquée par celle-ci,

que l’entreprise soit multibranche ou spécialisée, dans une autre entreprise ayant avec la première des liens financiers, commerciaux ou administratifs et exerçant une ou plusieurs autres branches de la directive 73/239/CEE;

b)

l’entreprise doit confier la gestion des sinistres de la branche ‘ protection juridique ’ à une entreprise juridiquement distincte. Il est fait mention de cette entreprise dans le contrat distinct ou le chapitre distinct visé au paragraphe 1. Si cette entreprise juridiquement distincte est liée à une autre entreprise qui pratique l’assurance d’une ou de plusieurs autres branches mentionnées au point A de l’annexe de la directive 73/239/CEE, les membres du personnel de cette entreprise qui s’occupent de la gestion des sinistres ou des conseils juridiques relatifs à cette gestion ne peuvent pas exercer en même temps la même activité ou une activité semblable pour l’autre entreprise. En outre, les États membres peuvent imposer les mêmes exigences pour les membres de l’organe de direction;

c)

l’entreprise doit prévoir dans le contrat le droit pour l’assuré de confier la défense de ses intérêts, dès qu’il est en droit de réclamer l’intervention de l’assureur au titre de la police, à un avocat de son choix ou, dans la mesure où la loi nationale le permet, à toute autre personne ayant les qualifications nécessaires.

3.    Quelle que soit l’option retenue, l’intérêt des assurés couverts en protection juridique est considéré comme garanti de manière équivalente en vertu de la présente directive. »

5

L’article 4 de la directive 87/344 est ainsi libellé:

« 1.    Tout contrat de protection juridique reconnaît explicitement que:

a)

lorsqu’il est fait appel à un avocat ou à toute autre personne ayant les qualifications admises par la loi nationale, pour défendre, représenter ou servir les intérêts de l’assuré, dans toute procédure judiciaire ou administrative, l’assuré a la liberté de le choisir;

b)

l’assuré a la liberté de choisir un avocat ou, s’il le préfère et dans la mesure où la loi nationale le permet, toute autre personne ayant les qualifications nécessaires, pour servir ses intérêts chaque fois que surgit un conflit d’intérêts.

2.    Par avocat on entend toute personne habilitée à exercer ses activités professionnelles sous une des dénominations prévues par la directive 77/249/CEE du Conseil, du 22 mars 1977 , tendant à faciliter l’exercice effectif de la libre prestation de services par les avocats. »

6

L’article 5 de la directive 87/344 prévoit:

« 1.    Chaque État membre peut exempter de l’application de l’article 4, paragraphe 1, l’assurance-protection juridique si toutes les conditions suivantes sont remplies:

a)

l’assurance est limitée à des affaires résultant de l’utilisation de véhicules routiers sur le territoire de l’État membre en question;

b)

l’assurance est liée à un contrat d’assistance à fournir en cas d’accident ou de panne impliquant un véhicule routier;

c)

ni l’assureur de la protection juridique ni l’assureur de l’assistance ne couvrent de branche de responsabilité;

d)

des dispositions sont prises afin que les conseils juridiques et la représentation de chacune des parties d’un litige soient assurés par des avocats tout à fait indépendants, lorsque ces parties sont assurées en protection juridique auprès du même assureur.

2.    L’exemption accordée par un État membre à une entreprise en application du paragraphe 1 n’affecte pas l’application de l’article 3, paragraphe 2. »

7

L’article 6 de la directive 87/344 dispose:

« Les États membres prennent toutes dispositions utiles pour que, sans préjudice de tout droit de recours à une instance juridictionnelle qui serait éventuellement prévu par le droit national, soit prévue une procédure arbitrale ou une autre procédure présentant des garanties comparables d’objectivité qui permette de décider, en cas de divergence d’opinions entre l’assureur de la protection juridique et son assuré, quant à l’attitude à adopter pour régler le différend.

Le contrat d’assurance doit mentionner le droit de l’assuré d’avoir recours à une telle procédure. »

8

L’article 7 de la directive 87/344 est ainsi libellé:

« Chaque fois qu’un conflit d’intérêts surgit ou qu’il existe un désaccord quant au règlement du litige, l’assureur de la protection juridique ou, le cas échéant, le bureau de règlement des sinistres doit informer l’assuré:

du droit visé à l’article 4,

de la possibilité de recourir à la procédure visée à l’article 6. »

La réglementation nationale

9

La règle du libre choix d’un représentant par l’assuré en protection juridique est prévue à l’article 158k de la loi autrichienne du 2 décembre 1958 , telle que modifiée par la loi du 11 février 1993 relative aux contrats d’assurance (Versicherungsvertragsgesetz, ci-après le « VersVG » ), adopté en vue de la transposition de l’article 4 de la directive 87/344.

10

L’article 158k du VersVG dispose:

« 1.    Le preneur d’assurance est en droit de choisir librement une personne professionnellement qualifiée pour représenter des parties afin de le représenter dans toute procédure judiciaire ou administrative. En outre, il peut librement choisir un avocat pour défendre ses intérêts légaux en cas de conflit d’intérêts avec l’assureur.

2.   Il peut être prévu dans le contrat d’assurance que le preneur d’assurance ne puisse choisir pour le représenter dans une procédure juridictionnelle ou administrative que les personnes habilitées professionnellement à la représentation des parties qui ont leur cabinet au lieu de la juridiction ou de l’administration qui est compétente en première instance pour la procédure envisagée. Dans l’hypothèse où il n’existe pas en ce lieu au moins quatre personnes de ce type y ayant leur cabinet, le droit de choisir doit s’étendre aux personnes de l’arrondissement de cette juridiction de première instance dans laquelle se situe l’autorité concernée.

3.    Le droit au libre choix reconnu au preneur d’assurance au titre de la première phrase du premier paragraphe s’applique lorsque celui-ci exige l’assistance d’un conseil dans le cadre d’une procédure administrative ou judiciaire; il y a lieu de revenir au droit reconnu de la deuxième phrase de ce même paragraphe en cas de survenance d’un conflit d’intérêt. Si l’entreprise d’assurance a confié à une autre entreprise la gestion du préjudice, les obligations d’information s’appliquent également à cette entreprise. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

11

M. Eschig, ressortissant autrichien, avait souscrit auprès d’UNIQA un contrat d’assurance-protection juridique, dans lequel l’application des conditions générales d’assurance-protection juridique ( « Allgemeine Bedingungen für die Rechtsschutz Versicherung » , ci-après les « ARB 1995 » ) avait été convenue.

12

Aux termes de l’article 6.7.3 des ARB 1995:

« Si plusieurs preneurs d’assurance jouissent, pour défendre leurs intérêts légaux, d’une couverture d’assurance sur la base d’un ou de plusieurs contrats d’assurance et que, en raison d’une cause identique ou similaire, leurs intérêts sont dirigés contre le(s) même(s) opposant(s), l’assureur est habilité à limiter initialement sa prestation à la défense extrajudiciaire des intérêts légaux des preneurs d’assurance et à la conduite des nécessaires affaires ‘ pilote ’ par des représentants légaux choisis par lui.

Si ou dès que ces mesures ne protègent pas suffisamment les preneurs d’assurance contre la perte de leurs droits, notamment en cas de prescription imminente, l’assureur supporte en outre les coûts des actions collectives ou autres formes collectives de défense judiciaire et extrajudiciaire des intérêts par des représentants légaux choisis par lui. »

13

M. Eschig, ainsi que plusieurs milliers d’autres investisseurs, dont une partie était assurée en protection juridique auprès d’UNIQA, avait investi de l’argent auprès des entreprises d’investissement AMIS Financial Consulting AG et AMIS Asset Management Investment Services AS, devenues insolvables par la suite.

14

M. Eschig a donc chargé la société d’avocats Salpius Rechtsanwalts GmbH de sa représentation dans plusieurs procédures dont la faillite desdites sociétés, la poursuite pénale contre les organes de celles-ci ainsi qu’une procédure introduite contre la République d’Autriche, à qui il reproche des défaillances dans la surveillance des marchés financiers.

15

M. Eschig a demandé à UNIQA de confirmer que les interventions, passées et à venir, des avocats choisis par lui étaient couvertes au titre de l’assurance-protection juridique.

16

UNIQA a rejeté la demande en se fondant sur les dispositions de l’article 6.7.3 des ARB 1995.

17

M. Eschig a saisi le Landesgericht Salzburg d’un recours en vue de faire constater, en premier lieu, que UNIQA était tenue de prendre en charge les frais liés aux interventions de ses avocats dans les procédures passées et à venir et, en second lieu, que l’article 6.7.3 des ARB 1995 n’était pas valide et, dès lors, ne faisait pas partie du contrat d’assurance-protection juridique.

18

Cette juridiction a rejeté le recours, relevant que l’article 6.7.3 des ARB 1995 n’enfreint pas l’article 158k du VersVG, interprété à la lumière de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 87/344, mais, au contraire, le complète et apporte une solution aux cas de sinistres collectifs.

19

M. Eschig a interjeté appel contre cette décision, lequel a été rejeté par l’Oberlandesgericht Linz. La juridiction d’appel a constaté, notamment, que la restriction apportée par l’article 6.7.3 des ARB 1995 était conforme à la directive 87/344.

20

Saisi d’un pourvoi en « Revision » contre cette dernière décision, l’Oberster Gerichsthof s’interroge sur l’interprétation de l’article 4 de la directive 87/344.

21

D’une part, la juridiction de renvoi constate que l’interprétation littérale de l’article 4 de cette directive et le fait que l’article 5 de celle-ci prévoit une seule dérogation au principe du libre choix d’un représentant plaident en faveur de M. Eschig.

22

D’autre part, selon ladite juridiction, une interprétation téléologique de l’article 4 révèle plusieurs raisons pour que l’assureur soit habilité à choisir un représentant légal au nom des assurés lorsqu’un grand nombre d’entre eux sont lésés par le même événement.

23

Ainsi, le coût d’un recours collectif étant considérablement moins élevé que celui d’une pluralité de recours individuels, les entreprises d’assurance risqueraient de n’accepter de couvrir les sinistres collectifs qu’à la seule condition qu’elles puissent désigner elles-mêmes le représentant légal de tous les assurés.

24

En outre, l’article 6.7.3 des ARB 1995 serait complémentaire au principe du libre choix d’un représentant consacré par la directive 87/344.

25

La juridiction de renvoi s’interroge également sur les critères appropriés pour définir la notion de sinistre collectif. Selon elle, une clause qui habilite l’assureur à choisir le représentant légal dès que « plusieurs assurés » sont impliqués semblerait contraire aux objectifs et aux exigences de la directive 87/344.

26

Dans ces conditions, l’Oberster Gerichtshof a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

« 1)

L’article 4, paragraphe 1, de la directive 87/344 […] doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une clause, figurant dans les conditions générales d’assurance d’un assureur de la protection juridique, en vertu de laquelle l’assureur est habilité, en cas de sinistres dans lesquels un grand nombre de preneurs d’assurance sont lésés par le même événement (par exemple l’insolvabilité d’une entreprise offrant des services d’investissement), à choisir un représentant légal, et qui limite donc le droit du preneur d’assurance individuel de choisir librement un avocat (clause dite ‘ sinistre collectif ’ )?

2)

En cas de réponse négative à la première question: dans quelles conditions y a-t-il ‘ sinistre collectif ’ permettant, conformément à (ou plutôt en complément de) la directive précitée, d’accorder à l’assureur et non au preneur d’assurance le droit de choisir le représentant légal? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

27

Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive 87/344 doit être interprété en ce sens que l’assureur de la protection juridique peut se réserver le droit, lorsqu’un grand nombre de preneurs d’assurance sont lésés par le même événement, de choisir lui-même le représentant légal de tous les assurés concernés.

Observations soumises à la Cour

28

M. Eschig ainsi que les gouvernements autrichien et tchèque estiment que l’article 4, paragraphe 1, sous a), de cette directive doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une interprétation de la réglementation nationale selon laquelle l’assureur peut se réserver le droit de choisir le représentant lorsque plusieurs assurés sont lésés par un même événement.

29

L’article 4, paragraphe 1, sous a), de ladite directive aurait une portée générale et prévoirait une garantie spéciale en faveur des assurés en protection juridique, sans rapport avec la prévention ou la suppression des conflits d’intérêts. Dès lors, une limitation d’ordre téléologique ou fondée sur les intérêts financiers des assureurs, telle que celle en cause dans l’affaire au principal, serait inadmissible.

30

UNIQA et la Commission des Communautés européennes sont d’avis contraire.

31

Celles-ci estiment, en substance, que l’article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive 87/344 ne confère pas à l’assuré couvert en protection juridique un droit autonome de choisir librement son représentant. Dès lors, ce droit serait susceptible de connaître des limitations notamment lorsqu’un grand nombre d’assurés sont lésés par le même événement. Elles fondent leur argumentation sur l’objectif et le contexte de la directive 87/344 ainsi que sur la lecture combinée des articles 4, paragraphe 1, sous a), 3, paragraphe 2, et 5 de cette directive, à la lumière des considérants de celle-ci.

32

Ainsi, UNIQA et la Commission font valoir que la directive 87/344 a pour objectif essentiel d’éviter ou de supprimer les conflits d’intérêts entre les assurés en protection juridique et les assureurs et, à cette fin, elle offrirait aux États membres le choix entre trois possibilités. Ceux-ci pourraient opter pour un système de spécialisation obligatoire, mentionné au huitième considérant de la directive 87/344, aménager les contrats conformément à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 87/344 ou appliquer une des solutions prévues à l’article 3, paragraphe 2, de cette directive.

33

Le principe du libre choix d’un représentant prévu à l’article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive 87/344 s’appliquerait uniquement au cas prévu à l’article 3, paragraphe 2, sous c), de cette directive.

34

Selon la Commission, si l’article 4, paragraphe 1, sous a), de ladite directive s’appliquait à l’ensemble des solutions prévues à l’article 3, paragraphe 2, de celle-ci, les deux premières seraient dépourvues de pertinence et réduites à de simples dispositions supplémentaires, car la solution énoncée à l’article 3, paragraphe 2, sous c), de cette directive serait toujours réalisée.

35

UNIQA fonde également son argumentation sur le libellé du onzième considérant de la directive 87/344, lequel reconnaîtrait le droit de choisir librement son représentant chaque fois que surgit un conflit d’intérêts. Il conviendrait, par conséquent, de conclure que, en l’absence de conflit d’intérêts, le droit de choisir librement son représentant n’existe pas.

36

UNIQA avance, par ailleurs, que, au cours de l’année 1987, année de l’adoption de la directive 87/344, la réflexion s’était portée sur les seuls sinistres individuels et sur la protection de ceux qui en étaient victimes, de sorte que les sinistres collectifs ne seraient pas couverts par cette directive.

37

En outre, la dérogation prévue à l’article 5 de la directive 87/344 fournirait la preuve que les dérogations au libre choix d’un représentant sont possibles et licites. Selon UNIQA, ledit article constitue non pas une exception absolue, mais un simple exemple. Elle estime dès lors que l’absence de prise en compte des sinistres collectifs requiert de procéder, dans l’intérêt des assurés en protection juridique, à une interprétation par analogie de l’article 5 de cette directive.

Réponse de la Cour

38

Il convient de rappeler, à titre liminaire, la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle il y a lieu, pour l’interprétation d’une disposition de droit communautaire, de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (voir arrêts du 17 novembre 1983 , Merck, 292/82, Rec. p. 3781 , point 12; du 21 février 1984 , St. Nikolaus Brennerei und Likörfabrik, 337/82, Rec. p. 1051 , point 10; du 14 octobre 1999 , Adidas, C-223/98, Rec. p. I-7081 , point 23; du 14 juin 2001 , Kvaerner, C-191/99, Rec. p. I-4447 , point 30, ainsi que du 7 juin 2005 , VEMW e.a., C-17/03, Rec. p. I-4983 , point 41).

39

À cet égard, il convient de relever qu’il ressort du préambule de la directive 87/344 que celle-ci tend, d’une part, à faciliter la liberté d’établissement des entreprises d’assurance par la suppression des barrières qui résultent des réglementations nationales interdisant le cumul de l’assurance-protection juridique avec d’autres branches d’assurance et, d’autre part, à protéger les intérêts des preneurs d’assurance notamment en écartant le plus possible les conflits d’intérêts éventuels et en rendant possible la solution des différends entre assureurs et assurés.

40

À cette fin, ladite directive a mis en place, d’une part, des mesures organisationnelles et contractuelles et, d’autre part, un certain nombre de garanties spécifiques en faveur des assurés.

41

Pour ce qui est des mesures organisationnelles et contractuelles, l’article 3, paragraphe 2, de la directive 87/344 donne aux assureurs la possibilité de gérer les sinistres par du personnel distinct au sein de la même entreprise ou de sous-traiter la gestion des sinistres à une entreprise juridiquement distincte. De plus, l’article 3, paragraphe 2, sous c), de cette directive permet d’écarter les conflits d’intérêts en accordant à l’assuré la liberté de choisir son représentant dès qu’un sinistre couvert se déclare.

42

Conformément à l’article 3, paragraphe 3, de la directive 87/344, chacune de ces solutions est considérée comme garantissant l’intérêt des assurés couverts en protection juridique de manière équivalente. Il incombe à tout État membre d’assurer que les entreprises d’assurances établies sur son territoire adoptent au moins l’une de ces solutions alternatives. Celui-ci peut toutefois imposer l’une de ces solutions ou laisser les entreprises libres de choisir parmi plusieurs solutions alternatives.

43

De plus, l’article 3, paragraphe 1, de la directive 87/344 prévoit que l’assurance-protection juridique doit faire l’objet d’un contrat distinct de celui établi pour les autres branches ou d’un chapitre distinct d’une police unique avec indication du contenu de l’assurance. Les États membres peuvent obliger les assureurs à mentionner également la prime correspondante à l’assurance-protection juridique.

44

En ce qui concerne les garanties spécifiques, cette directive reconnaît le droit aux assurés de choisir librement un représentant dans les procédures visées à son article 4, sous a), ou, conformément à cet article, sous b), lorsque surgit un conflit d’intérêts.

45

Ainsi qu’il ressort de l’ensemble des articles 4, 6 et 7 de la directive 87/344, les droits reconnus aux assurés par lesdits articles visent à protéger d’une manière large les intérêts de l’assuré sans se limiter aux situations dans lesquelles surgit un conflit d’intérêts.

46

Il y a lieu de constater également qu’il découle du libellé des articles 3 à 5 de la directive 87/344 ainsi que du contexte de cette même directive que le droit de choisir librement son représentant est reconnu à chaque preneur d’assurance d’une manière générale et autonome, dans les limites fixées par chacun de ces articles.

47

Ainsi, il convient de rappeler, en premier lieu, que l’article 4, paragraphe 1, de la directive 87/344 reconnaît à l’assuré le droit de choisir son représentant, mais, à l’exception des situations dans lesquelles surgit un conflit d’intérêts, limite ce droit aux procédures judiciaires ou administratives. L’emploi de l’adjectif « tout » ainsi que le temps du verbe « reconnaître » marquent la portée générale et la valeur obligatoire de cette règle.

48

Il convient de souligner, en deuxième lieu, que cette disposition fixe le niveau minimum de liberté qui doit être accordé à l’assuré quelle que soit l’option prévue à l’article 3, paragraphe 2, de cette directive à laquelle l’entreprise d’assurance se conforme.

49

À cet égard, il y a lieu de constater que les mesures prévues à l’article 3, paragraphe 2, sous a) et b), de la directive 87/344 conservent leur champ d’application même dans le cas où il est déduit de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de cette directive un droit autonome de l’assuré en protection juridique à choisir librement son représentant.

50

En effet, la solution prévue à l’article 3, paragraphe 2, sous c), de la directive 87/344 donne des droits plus étendus aux assurés que l’article 4, paragraphe 1, sous a), de cette directive. Ainsi, cette dernière disposition ne prévoit le droit de choisir librement son représentant que pour le cas où une procédure judiciaire ou administrative serait engagée. En revanche, selon la solution prévue à l’article 3, paragraphe 2, sous c), de ladite directive, l’assuré a le droit de confier la défense de ses intérêts à un représentant dès qu’il est en droit de réclamer l’intervention de l’assureur au titre du contrat d’assurance, donc également avant toute procédure judiciaire ou administrative.

51

De plus, l’interprétation proposée par UNIQA et par la Commission aurait pour effet de réduire à néant le champ d’application de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive 87/344. En effet, dans le cas où l’option prévue à l’article 3, paragraphe 2, sous c), de cette directive serait exercée, le droit de choisir librement son représentant existerait même avant toute procédure administrative ou judiciaire. Si l’article 4, paragraphe 1, sous a), de ladite directive ne trouvait à s’appliquer que dans l’hypothèse où cette première proposition était effectivement retenue, l’article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive 87/344 serait vidé de tout contenu normatif.

52

Par ailleurs, le onzième considérant de la directive 87/344 confirme que le droit de choisir librement son représentant dans le cadre d’une procédure judiciaire ou administrative n’est pas lié à l’apparition d’un conflit d’intérêts.

53

À cet égard, certes les mots « und zwar immer » figurant dans la version en langue allemande dudit considérant de la directive 87/344 pourraient être interprétés comme liant le droit de choisir librement un représentant à l’apparition d’un conflit d’intérêts. Toutefois, une telle interprétation ne saurait être invoquée à l’appui d’une lecture restrictive de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de cette directive.

54

Premièrement, selon une jurisprudence constante, la nécessité d’une interprétation uniforme des directives communautaires exclut que, en cas de doute, le texte d’une disposition soit considéré isolément, et exige au contraire qu’il soit interprété et appliqué à la lumière des versions établies dans les autres langues officielles (voir, en ce sens, arrêts du 2 avril 1998 , EMU Tabac e.a., C-296/95, Rec. p. I-1605 , point 36; du 17 juin 1998 , Mecklenburg, C-321/96, Rec. p. I-3809 , point 29, ainsi que du 26 mai 2005 , Kingscrest Associates et Montecello, C-498/03, Rec. p. I-4427 , point 26).

55

Or, ainsi que le souligne M me  l’avocat général au point 71 de ses conclusions, il résulte de la comparaison de ces différentes versions linguistiques que le droit de choisir librement son représentant dans le cadre de toute procédure judiciaire ou administrative est reconnu indépendamment de l’apparition d’un conflit d’intérêts.

56

Deuxièmement, ainsi que la Commission l’a relevé, si les mots « und zwar immer » étaient interprétés dans le sens proposé par UNIQA, les dispositions de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive 87/344 perdraient de leur substance, leur contenu normatif étant déjà repris à l’article 4, paragraphe 1, sous b), de celle-ci.

57

Troisièmement, ainsi que M me  l’avocat général l’a souligné au point 73 de ses conclusions, ni la proposition de directive initiale de la Commission ni les autres actes préparatoires ne fournissent d’indices de ce que, par l’article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive 87/344, le législateur communautaire entendait uniquement créer un instrument supplémentaire de suppression des conflits d’intérêts et non un droit autonome à choisir son représentant.

58

Au contraire, la genèse de cette directive permet de conclure que l’objectif initial de garantir dans tous les contrats d’assurance-protection juridique le libre choix du représentant, qui n’est pas conditionné par la survenance d’un conflit d’intérêts, a été maintenu, bien que limité aux procédures judiciaires et administratives.

59

Il y a lieu de constater, quatrièmement, que, certes, l’article 5 de la directive 87/344 autorise les États membres à exempter de l’application de l’article 4, paragraphe 1, de cette directive certaines affaires résultant de l’utilisation des véhicules routiers. Toutefois, cette exception au droit de choisir librement son représentant doit être interprétée de manière restrictive et ne saurait dès lors servir de fondement à un raisonnement par analogie.

60

Il est en outre constant que le législateur communautaire n’a pas prévu de dérogation relative au cas où un grand nombre de preneurs d’assurance seraient lésés par un même événement.

61

UNIQA et la Commission font valoir, à cet égard, que, à l’époque de l’adoption de la directive 87/344, le phénomène des sinistres collectifs n’était pas encore connu. De ce fait, le droit de choisir librement son représentant en vertu de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de cette directive ne peut être appliqué en cas de sinistre collectif.

62

Une telle argumentation ne saurait être accueillie.

63

En effet, d’une part, le phénomène des événements affectant de la même manière un nombre important de personnes n’est pas nouveau. Ainsi que M. Eschig l’a relevé, plusieurs cas avaient été recensés avant que la directive 87/344 n’ait été adoptée.

64

D’autre part, à supposer même que des circonstances nouvelles entraîneraient, au niveau des États membres, une multiplication des recours visant à protéger d’une manière collective les intérêts des membres d’un groupe de personnes, de telles circonstances ne sauraient, en l’état actuel du droit communautaire, limiter la liberté des assurés en protection juridique de participer ou de ne pas participer à un tel recours et de choisir, le cas échéant, un représentant légal.

65

Il est utile de préciser, en dernier lieu, que la directive 87/344 ne vise pas une harmonisation complète des contrats d’assurance-protection juridique des États membres et que, en l’état actuel du droit communautaire, ces derniers restent libres de déterminer le régime applicable auxdits contrats.

66

Toutefois, les États membres doivent exercer leurs compétences en ce domaine dans le respect du droit communautaire et, en particulier, de l’article 4 de la directive 87/344.

67

Par ailleurs, il convient de rappeler qu’il incombe à la juridiction nationale d’interpréter les dispositions du VersVG dans la mesure du possible à la lumière du texte et de la finalité de la directive 87/344, en tenant compte de l’interprétation donnée ci-dessus à l’article 4, paragraphe 1, de cette dernière, pour atteindre le résultat visé par cette directive et, partant, se conformer à l’article 249, troisième alinéa, CE (voir, en ce sens, notamment, arrêt du 5 octobre 2004 , Pfeiffer e.a., C-397/01 à C-403/01, Rec. p. I-8835 , point 113).

68

Par conséquent, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive 87/344 doit être interprété en ce sens que l’assureur de la protection juridique ne peut pas se réserver le droit, lorsqu’un grand nombre de preneurs d’assurance sont lésés par un même événement, de choisir lui-même le représentant légal de tous les assurés concernés.

Sur la deuxième question

69

Compte tenu de la réponse apportée à la première question, il n’y a pas lieu de répondre à la seconde question.

Sur les dépens

70

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

 

L’article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive 87/344/CEE du Conseil, du 22 juin 1987 , portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l’assurance-protection juridique, doit être interprété en ce sens que l’assureur de la protection juridique ne peut pas se réserver le droit, lorsqu’un grand nombre de preneurs d’assurance sont lésés par un même événement, de choisir lui-même le représentant légal de tous les assurés concernés.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: l’allemand.