22.5.2010   

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Journal officiel de l'Union européenne

C 134/10


Ordonnance de la Cour (huitième chambre) du 9 mars 2010 (demandes de décision préjudicielle du Tribunale Amministrativo Regionale della Sicilia — Italie) — Buzzi Unicem SpA, e.a.

(Affaires jointes C-478/08 et C-479/08) (1)

(Article 104, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure - Principe du pollueur-payeur - Directive 2004/35/CE - Responsabilité environnementale - Applicabilité ratione temporis - Pollution antérieure à la date prévue pour la transposition de cette directive et continuant après cette date - Réglementation nationale imputant les coûts de réparation des dommages liés à cette pollution à une pluralité d’entreprises - Exigence d’une faute ou d’une négligence - Exigence d’un lien de causalité - Mesures de réparation - Obligation de consultation des entreprises concernées - Annexe II de ladite directive)

2010/C 134/16

Langue de procédure: l'italien

Juridiction de renvoi

Tribunale Amministrativo Regionale della Sicilia

Parties dans la procédure au principal

Parties requérantes: Buzzi Unicem SpA, ISAB Energy srl, Raffinerie Mediterranee SpA (ERG) (C-478/08), Dow Italia Divisione Commerciale Srl (C-479/08)

Parties défenderesses: Ministero dello Sviluppo Economico, Ministero della Salute, Ministero Ambiente e Tutela del Territorio e del Mare, Ministero delle Infrastrutture, Ministero dei Trasporti, Presidenza del Consiglio dei Ministri, Ministero dell'Interno, Regione Siciliana, Assessorato Regionale Territorio ed Ambiente (Sicilia), Assessorato Regionale Industria (Sicilia), Prefettura di Siracusa, Istituto Superiore di Sanità, Commissario Delegato per Emergenza Rifiuti e Tutela Acque (Sicilia), Vice Commissario Delegato per Emergenza Rifiuti e Tutela Acque (Sicilia), Agenzia Protezione Ambiente e Servizi Tecnici (APAT), Agenzia Regionale Protezione Ambiente (ARPA Sicilia), Istituto Centrale Ricerca Scientifica e Tecnologica Applicata al Mare, Subcommissario per la Bonifica dei Siti Contaminati, Provincia Regionale di Siracusa, Consorzio ASI Sicilia Orientale Zona Sud, Comune di Siracusa, Comune d'Augusta, Comune di Melilli, Comune di Priolo Gargallo, Azienda Unità Sanitaria Locale N8, Sviluppo Italia Aree Produttive SPA, Sviluppo Italia SpA (C-478/08), Ministero Ambiente e Tutela del Territorio e del Mare, Ministero dello Sviluppo economico, Ministero della Salute, Regione siciliana, Commissario Delegato per Emergenza Rifiuti e Tutela Acque (Sicilia) (C-479/08)

en présence de: ENI Divisione Exploration and Production SpA, ENI SpA, Edison SpA

Objet

Demande de décision préjudicielle — Tribunale Amministrativo Regionale della Sicilia — Interprétation de l'art. 174 CE et de la directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux (JO L 143, p. 56) et du principe du «pollueur-payeur» — Réglementation nationale qui confère à l'administration le pouvoir d'ordonner à des entrepreneurs privés de mettre en œuvre des mesures de réparation, indépendamment de la conduite d'une enquête propre à déterminer le responsable de la pollution en cause

Dispositif

1)

Dans une situation de pollution environnementale telle que celle en cause dans les affaires au principal:

lorsque les conditions d’application ratione temporis et/ou ratione materiæ de la directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux, ne sont pas remplies, une telle situation relèvera alors du droit national, dans le respect des règles du traité et sans préjudice d’autres actes de droit dérivé;

la directive 2004/35 ne s’oppose pas à une réglementation nationale permettant à l’autorité compétente, agissant dans le cadre de cette directive, de présumer l’existence d’un lien de causalité, y compris dans le cas de pollutions à caractère diffus, entre des exploitants et une pollution constatée, et ce en raison de la proximité de leurs installations avec la zone de pollution. Cependant, conformément au principe du pollueur-payeur, aux fins de présumer de la sorte un tel lien de causalité, cette autorité doit disposer d’indices plausibles susceptibles de fonder sa présomption, tels que la proximité de l’installation de l’exploitant avec la pollution constatée et la correspondance entre les substances polluantes retrouvées et les composants utilisés par ledit exploitant dans le cadre de ses activités;

les articles 3, paragraphe 1, 4, paragraphe 5, et 11, paragraphe 2, de la directive 2004/35 doivent être interprétés en ce sens que, lorsqu’elle décide d’imposer des mesures de réparation de dommages environnementaux à des exploitants dont les activités relèvent de l’annexe III de cette directive, l’autorité compétente n’est tenue d’établir ni une faute ni une négligence non plus qu’une intention dolosive dans le chef des exploitants dont les activités sont tenues pour responsables des dommages causés à l’environnement. En revanche, il incombe à cette autorité, d’une part, de rechercher préalablement l’origine de la pollution constatée, ladite autorité disposant à cet égard d’une marge d’appréciation quant aux procédures, aux moyens devant être déployés et à la durée d’une telle recherche. D’autre part, cette autorité est tenue d’établir, selon les règles nationales régissant la preuve, un lien de causalité entre les activités des exploitants visés par les mesures de réparation et cette pollution;

dans la mesure où l’obligation de réparation n’incombe aux exploitants qu’en raison de leur contribution à la pollution ou au risque de pollution, l’autorité compétente doit, en principe, établir le niveau de contribution de chacun de ces exploitants à la pollution à laquelle elle tente de remédier et tenir compte de leur contribution respective dans le calcul des coûts des actions de réparation que cette autorité met à la charge desdits exploitants, sans préjudice de l’article 9 de la directive 2004/35.

2)

Les articles 7 et 11, paragraphe 4, de la directive 2004/35, lus en combinaison avec l’annexe II de celle-ci, doivent être interprétés en ce sens que:

l’autorité compétente est habilitée à modifier substantiellement des mesures de réparation de dommages environnementaux qui ont été décidées à l’issue d’une procédure contradictoire conduite en collaboration avec les exploitants concernés et qui ont déjà été exécutées ou ont fait l’objet d’un commencement d’exécution. Toutefois, en vue d’adopter une telle décision:

cette autorité est tenue d’entendre les exploitants auxquels sont imposées de telles mesures, sauf lorsque l’urgence de la situation environnementale commande une action immédiate de l’autorité compétente;

ladite autorité est également tenue d’inviter, notamment, les personnes sur le terrain desquelles ces mesures doivent être appliquées à présenter leurs observations, dont elle tiendra compte;

cette autorité doit tenir compte des critères visés au point 1.3.1 de l’annexe II de la directive 2004/35 et indiquer dans sa décision les raisons qui motivent son choix ainsi que, le cas échéant, celles qui sont de nature à justifier qu’un examen circonstancié au regard desdits critères n’avait pas lieu d’être ou n’a pas pu être effectué, en raison, par exemple, de l’urgence de la situation environnementale;

dans des circonstances telles que celles au principal, la directive 2004/35 ne s’oppose pas à une réglementation nationale permettant à l’autorité compétente de subordonner l’exercice du droit des exploitants visés par des mesures de réparation environnementale d’utiliser leurs terrains à la condition qu’ils réalisent les travaux exigés par celles-ci, et ce alors même que lesdits terrains ne seraient pas concernés par ces mesures en raison du fait qu’ils ont déjà fait l’objet de mesures antérieures de bonification ou qu’ils n’ont jamais été pollués. Toutefois, une telle mesure doit se justifier par l’objectif d’empêcher l’aggravation de la situation environnementale là où lesdites mesures sont mises en œuvre, ou, en application du principe de précaution, par l’objectif de prévenir l’apparition ou la résurgence d’autres dommages environnementaux dans lesdits terrains des exploitants, adjacents à l’ensemble du bord de mer qui fait l’objet desdites mesures de réparation.


(1)  JO C 19 du 24.01.2009