ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

5 mars 2009 ( *1 )

«Directive 2000/78 — Égalité de traitement en matière d’emploi et de travail — Discrimination liée à l’âge — Licenciement pour motif de mise à la retraite — Justification»

Dans l’affaire C-388/07,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par la High Court of Justice (England and Wales), Queen’s Bench Division (Administrative Court) (Royaume-Uni), par décision du 24 juillet 2007, parvenue à la Cour le 9 août 2007, dans la procédure

The Queen, à la demande de:

The Incorporated Trustees of the National Council on Ageing (Age Concern England)

contre

Secretary of State for Business, Enterprise and Regulatory Reform,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. A. Rosas, président de chambre, MM. A. Ó Caoimh, J. Klučka, U. Lõhmus et Mme P. Lindh (rapporteur), juges,

avocat général: M. J. Mazák,

greffier: M. H. von Holstein, greffier-adjoint,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 2 juillet 2008,

considérant les observations présentées:

pour The Incorporated Trustees of the National Council on Ageing (Age Concern England), par M. R. Allen, QC, M. A. Lockley, solicitor, et M. D. O’Dempsey, barrister,

pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme E. Jenkinson, en qualité d’agent, assistée de Mme D. Rose, QC,

pour le gouvernement italien, par M. I. M. Braguglia, en qualité d’agent, assisté de Mme W. Ferrante, avvocato dello Stato,

pour la Commission des Communautés européennes, par M. J. Enegren et Mme N. Yerrell, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 23 septembre 2008,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle a pour objet l’interprétation de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JO L 303, p. 16).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un recours contestant la légalité de la transposition de la directive 2000/78 au Royaume-Uni et qui oppose The Incorporated Trustees of the National Council on Ageing (Age Concern England) au Secretary of State for Business, Enterprise and Regulatory Reform (secrétaire d’État aux Affaires économiques, aux Entreprises et à la Réforme de la réglementation).

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

3

Le quatorzième considérant de la directive 2000/78 énonce:

«La présente directive ne porte pas atteinte aux dispositions nationales fixant les âges de la retraite.»

4

Le vingt-cinquième considérant de la directive 2000/78 énonce:

«L’interdiction des discriminations liées à l’âge constitue un élément essentiel pour atteindre les objectifs établis par les lignes directrices sur l’emploi et encourager la diversité dans l’emploi. Néanmoins, des différences de traitement liées à l’âge peuvent être justifiées dans certaines circonstances et appellent donc des dispositions spécifiques qui peuvent varier selon la situation des États membres. Il est donc essentiel de distinguer entre les différences de traitement qui sont justifiées, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et les discriminations qui doivent être interdites.»

5

Aux termes de son article 1er, la directive 2000/78 «a pour objet d’établir un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, le handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle, en ce qui concerne l’emploi et le travail, en vue de mettre en œuvre, dans les États membres, le principe de l’égalité de traitement».

6

L’article 2 de la directive 2000/78, intitulé «Concept de discrimination», prévoit:

«1.   Aux fins de la présente directive, on entend par ‘principe de l’égalité de traitement’ l’absence de toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur un des motifs visés à l’article 1er.

2.   Aux fins du paragraphe 1:

a)

une discrimination directe se produit lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable, sur la base de l’un des motifs visés à l’article 1er;

b)

une discrimination indirecte se produit lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’une religion ou de convictions, d’un handicap, d’un âge ou d’une orientation sexuelle donnés, par rapport à d’autres personnes, à moins que:

i)

cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires, ou que

ii)

dans le cas des personnes d’un handicap donné, l’employeur ou toute personne ou organisation auquel s’applique la présente directive ne soit obligé, en vertu de la législation nationale, de prendre des mesures appropriées conformément aux principes prévus à l’article 5 afin d’éliminer les désavantages qu’entraîne cette disposition, ce critère ou cette pratique.

[…]»

7

L’article 3, paragraphe 1, de la directive 2000/78, intitulé «Champ d’application», prévoit:

«Dans les limites des compétences conférées à la Communauté, la présente directive s’applique à toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour le secteur privé, y compris les organismes publics, en ce qui concerne:

[…]

c)

les conditions d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération;

[…]»

8

Aux termes de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78, intitulé «Justification des différences de traitement fondées sur l’âge»:

«Nonobstant l’article 2, paragraphe 2, les États membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires.

Ces différences de traitement peuvent notamment comprendre:

a)

la mise en place de conditions spéciales d’accès à l’emploi et à la formation professionnelle, d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération, pour les jeunes, les travailleurs âgés et ceux ayant des personnes à charge, en vue de favoriser leur insertion professionnelle ou d’assurer leur protection;

b)

la fixation de conditions minimales d’âge, d’expérience professionnelle ou d’ancienneté dans l’emploi, pour l’accès à l’emploi ou à certains avantages liés à l’emploi;

c)

la fixation d’un âge maximum pour le recrutement, fondée sur la formation requise pour le poste concerné ou la nécessité d’une période d’emploi raisonnable avant la retraite.»

La réglementation nationale

9

La juridiction de renvoi expose que, avant le 3 avril 2006, il n’existait au Royaume-Uni aucune disposition législative interdisant les discriminations fondées sur l’âge en matière d’emploi et de travail. Les employeurs pouvaient licencier les salariés ayant atteint l’âge normal de la retraite en vigueur dans leur entreprise ou, à défaut, l’âge de 65 ans. Les articles 109 et 156 de la loi de 1996 sur les droits du travail (Employment Rights Act 1996, ci-après la «loi de 1996») prévoyaient que les employés ne pouvaient prétendre à aucune indemnité de licenciement dans de telles circonstances.

10

Le 3 avril 2006, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a transposé la directive 2000/78 en adoptant le règlement de 2006 relatif à l’égalité en matière d’emploi (âge) [Employment Equality (Age) Regulations 2006], SI 1031/2006 (ci-après le «règlement»), entré en vigueur le 1er octobre 2006.

11

L’article 3 du règlement, figurant dans la partie 1 de celui-ci, définit comme suit les conditions dans lesquelles une pratique discriminatoire peut être considérée comme illégale:

«(1)   Aux fins du présent règlement, une personne (‘A’) exerce une discrimination à l’encontre d’une autre personne (‘B’) si

(a)

en raison de l’âge de B, A applique à B un traitement moins favorable que celui qu’il réserve ou réserverait à d’autres personnes, ou

(b)

si A applique à B une disposition, un critère ou une pratique qu’il applique ou appliquerait également à des personnes qui ne font pas partie du même groupe d’âge que B, mais

(i)

qui place ou placerait des personnes appartenant au même groupe d’âge que B dans une situation désavantageuse particulière par comparaison avec d’autres personnes et

(ii)

qui place B dans cette situation désavantageuse,

et si A ne peut pas démontrer que le traitement ou, le cas échéant, la disposition, le critère ou la pratique sont un moyen proportionné d’atteindre un but légitime.»

12

Les parties 2 et 3 du règlement définissent les circonstances dans lesquelles une discrimination est illégale en vertu du règlement.

13

À titre d’exception, l’article 30 du règlement prévoit:

«(1)   Le présent article s’applique aux employés au sens de l’article 230 (1) de la loi de 1996, aux personnes au service de la Couronne, aux membres concernés du personnel de la Chambre des Communes ainsi qu’aux membres concernés du personnel de la Chambre des Lords.

(2)   Aucune disposition des parties 2 et 3 ne permet de déclarer illégal le licenciement à l’âge de 65 ans ou plus d’une personne à laquelle le présent article s’applique lorsque le motif du licenciement est le départ à la retraite.

(3)   Aux fins du présent article, la question de savoir si le motif d’un licenciement est ou non le départ à la retraite sera tranchée conformément aux articles 98 ZA à 98 ZF de la loi de 1996.»

14

La question de savoir si le motif du licenciement est le départ à la retraite dépend de l’application des critères énoncés à l’annexe 8 du règlement. Ces critères sont l’âge, selon que l’employé atteint ou dépasse 65 ans ou, le cas échéant, un âge dit «normal de départ à la retraite» fixé par l’employeur, ainsi que le respect d’une procédure préalable prévue à l’annexe 6 du règlement. Sur la base de ces critères, l’annexe 8 de celui-ci détermine, pour quatorze types de situations, si le départ à la retraite constitue le motif de licenciement.

15

L’annexe 6 du règlement dispose qu’un employeur qui entend se fonder sur l’article 30 de celui-ci en invoquant que le motif du licenciement est le départ à la retraite doit accorder à son employé un préavis d’une durée comprise entre six mois et un an avant la date de licenciement envisagée. Au cours de cette période, l’employé peut demander à ne pas être licencié pour départ à la retraite, requête que l’employeur doit examiner, sans toutefois être tenu de l’accepter.

16

Selon la décision de renvoi, ni le règlement ni aucun autre texte ne prévoit un recours spécifique permettant de faire contrôler judiciairement la compatibilité de la décision de l’employeur au sujet d’une telle requête avec le principe de l’égalité de traitement qui est énoncé dans la directive 2000/78.

17

La juridiction de renvoi précise également que l’article 7, paragraphe 4, du règlement complète l’article 30 de celui-ci en permettant aux employeurs d’exercer, en matière de recrutement, une discrimination fondée sur l’âge à l’encontre des personnes qui ont atteint ou dépassé l’âge de 65 ans. Ledit article 7 prévoit:

«(1)   Un employeur agit de manière illégale lorsque, pour un emploi qu’il offre dans un établissement situé en Grande-Bretagne, il exerce une discrimination à l’égard d’une personne

(a)

dans les dispositions qu’il prend afin de déterminer à qui il devrait offrir un emploi;

[…]

(c)

en refusant de lui offrir ou en ne lui offrant délibérément pas un emploi.

[…]

(4)   Sans préjudice de l’application du paragraphe 5, le paragraphe 1, (a) et (c), ne s’applique pas à une personne

(a)

dont l’âge dépasse l’âge normal de départ à la retraite fixé par l’employeur ou, lorsque l’employeur n’applique pas un âge normal de départ à la retraite, dont l’âge est supérieur à 65 ans, ou

(b)

qui, dans une période de 6 mois à partir de la date de la demande qu’il adresse à l’employeur, atteindra l’âge normal de départ à la retraite fixé par l’employeur ou, si l’employeur n’applique pas un tel âge normal de départ à la retraite, atteindra l’âge de 65 ans.

(5)   Le paragraphe 4 s’applique uniquement aux personnes auxquelles l’article 30 (exception à la mise à la retraite) pourrait s’appliquer si elles étaient recrutées par l’employeur.

[…]

(8)   L’‘âge normal de départ à la retraite’ visé au paragraphe 4 est un âge de 65 ans ou plus qui répond aux conditions énoncées à l’article 98 ZH de la loi de 1996.»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

18

The National Council on Ageing (Age Concern England) (ci-après «Age Concern England») est une association caritative ayant pour objet la promotion du bien-être des personnes âgées. Par son recours devant la juridiction de renvoi, Age Concern England conteste la légalité des articles 3, paragraphe 1, et 7, paragraphe 4, ainsi que de l’article 30 du règlement, au motif qu’ils ne constituent pas une transposition correcte de la directive 2000/78. Elle fait essentiellement valoir que, en prévoyant, à son article 30, une exception au principe de non-discrimination lorsque le motif de licenciement d’un salarié âgé de 65 ans ou plus est le départ à la retraite, le règlement méconnaît l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78 ainsi que le principe de proportionnalité.

19

Devant ladite juridiction, les autorités du Royaume-Uni ont soutenu, pour leur part, que, conformément au quatorzième considérant de la directive 2000/78, aux termes duquel cette dernière «ne porte pas atteinte aux dispositions nationales fixant les âges de la retraite», les dispositions du règlement en cause au principal n’entrent pas dans le champ d’application de celle-ci. À titre subsidiaire, elles ont fait valoir que ces dispositions sont conformes à l’article 6 de ladite directive.

20

C’est dans ces conditions que la High Court of Justice (England and Wales), Queen’s Bench Division (Administrative Court), a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«En ce qui concerne la directive 2000/78 […]:

[S’agissant des] âges nationaux de départ à la retraite et [du] champ d’application de la directive[:]

1)

Le champ d’application de la directive s’étend-il aux règles nationales qui permettent aux employeurs de licencier des employés âgés de 65 ans ou plus pour motif de mise à la retraite?

2)

Le champ d’application de la directive s’étend-il aux règles nationales qui permettent aux employeurs de licencier des employés âgés de 65 ans ou plus pour motif de mise à la retraite lorsque ces règles ont été introduites après l’adoption de la directive?

3)

À la lumière des réponses qui seront données aux questions [qui précèdent,]

l’article 109 et l’article 156 de la loi de 1996 étaient-ils, et

les articles 30 et 7 [du règlement], lus en combinaison avec les annexes 8 et 6 du règlement, sont-ils

des dispositions nationales fixant les âges de la retraite au sens du quatorzième considérant de la directive?

[S’agissant de] la définition de la discrimination directe fondée sur l’âge[, en particulier du] motif de justification[:]

4)

L’article 6, paragraphe 1, de la directive permet-il aux États membres d’adopter des dispositions légales prévoyant qu’une différence de traitement fondée sur l’âge n’est pas une discrimination s’il est établi qu’elle constitue un moyen proportionné d’atteindre un but légitime, ou bien [ledit] article 6, paragraphe 1, impose-t-il aux États membres de définir les types de différences de traitement qui sont susceptibles d’être justifiées de cette manière au moyen d’une liste ou de toute autre mesure qui soit semblable par sa forme et son contenu [audit] article 6, paragraphe 1?

[S’agissant des] critères de justification des discriminations directes et indirectes[:]

5)

Existe-t-il une quelconque différence pratique significative, et, le cas échéant, laquelle, entre les critères de justification énoncés à l’article 2, paragraphe 2, de la directive à propos des discriminations indirectes et les critères de justification énoncés à l’article 6, paragraphe 1, de la directive à propos des discriminations directes fondées sur l’âge?»

Sur les questions préjudicielles

Sur les trois premières questions

21

Par ses trois premières questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi cherche, en substance, à savoir si une réglementation telle que celle faisant l’objet du litige au principal relève du champ d’application de la directive 2000/78.

22

À la suite de l’arrêt du 16 octobre 2007, Palacios de la Villa (C-411/05, Rec. p. I-8531), tous les intéressés ayant soumis des observations à la Cour s’accordent à reconnaître que le règlement relève du champ d’application de la directive 2000/78.

23

À cet égard, il importe de rappeler que la directive 2000/78 tend à établir un cadre général pour assurer à toute personne l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, en lui offrant une protection efficace contre les discriminations fondées sur l’un des motifs visés à son article 1er, au nombre desquels figure l’âge (voir arrêt Palacios de la Villa, précité, point 42).

24

Plus particulièrement, il découle de l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 2000/78 que celle-ci s’applique, dans le cadre des compétences dévolues à la Communauté, «à toutes les personnes […] en ce qui concerne […] les conditions d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération».

25

Certes, d’après son quatorzième considérant, la directive 2000/78 ne porte pas atteinte aux dispositions nationales fixant les âges de la retraite. Cependant, ce considérant se borne à préciser que cette directive n’affecte pas la compétence des États membres pour déterminer les âges d’admission à la retraite et il ne s’oppose aucunement à l’application de ladite directive aux mesures nationales régissant les conditions de cessation d’un contrat de travail lorsque l’âge de la retraite, ainsi fixé, est atteint (arrêt Palacios de la Villa, précité, point 44).

26

Il ressort de la décision de renvoi que l’article 30 du règlement a pour effet d’autoriser le licenciement d’un travailleur âgé de 65 ans ou plus pour cause de départ à la retraite. En outre, l’article 7, paragraphe 4, dudit règlement prévoit qu’un employeur peut exercer une discrimination à l’embauche fondée sur l’âge à l’égard de personnes qui, si elles étaient employées, seraient susceptibles de relever de l’article 30 dudit règlement. Enfin, pour les travailleurs de moins de 65 ans, il résulte de la combinaison des articles 3 et 30 du règlement que tout licenciement pour cause de départ à la retraite doit être considéré comme discriminatoire, à moins que l’employeur ne démontre qu’il s’agit d’un «moyen proportionné d’atteindre un but légitime».

27

Il s’ensuit qu’un règlement tel que celui en cause au principal n’instaure pas un régime impératif de mise à la retraite d’office. Il prévoit les conditions dans lesquelles un employeur peut déroger au principe de l’interdiction des discriminations fondées sur l’âge et licencier un travailleur au motif que celui-ci a atteint l’âge de la retraite. Par conséquent, un tel règlement peut directement affecter la durée du rapport de travail liant les parties ainsi que, plus généralement, l’exercice par le travailleur concerné de son activité professionnelle. En outre, une disposition telle que l’article 7, paragraphe 5, du règlement prive les travailleurs qui ont atteint ou sont en passe d’atteindre 65 ans et relèvent de son article 30 de toute protection contre les discriminations à l’embauche fondées sur l’âge, limitant ainsi la participation future de cette catégorie de travailleurs à la vie active.

28

Une réglementation nationale de cette nature doit être considérée comme établissant des règles relatives aux «conditions d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération», au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 2000/78 et, dès lors, relève du champ d’application de cette directive.

29

Cette conclusion n’est pas susceptible d’être remise en cause par le fait qu’une telle réglementation nationale ait été introduite après l’adoption de la directive, circonstance soulignée par la deuxième question de la juridiction de renvoi.

30

Dans ces conditions, il convient de répondre aux trois premières questions posées qu’une réglementation nationale telle que celle édictée aux articles 3, 7, paragraphes 4 et 5, ainsi que 30 du règlement en cause au principal relève du champ d’application de la directive 2000/78.

Sur la quatrième question

31

Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78 doit être interprété comme exigeant des États membres qu’ils énoncent de manière spécifique les types de différences de traitement fondées sur l’âge pouvant échapper au principe de non-discrimination. Il ressort du dossier que cette question vise à déterminer si ledit article 6, paragraphe 1, s’oppose à une disposition telle que l’article 3 du règlement, en vertu duquel une différence de traitement fondée sur l’âge ne constitue pas une discrimination s’il est établi qu’il s’agit d’un «moyen proportionné d’atteindre un but légitime». La juridiction de renvoi ayant limité sa question à l’interprétation de l’article 6, paragraphe 1, de ladite directive, il n’est pas nécessaire que la Cour se prononce sur l’interprétation d’autres dispositions, notamment l’article 4 de celle-ci.

32

Il importe de rappeler d’emblée que, conformément à son article 1er, la directive 2000/78 a pour objet de lutter, en matière d’emploi et de travail, contre certains types de discriminations, au nombre desquels figurent les discriminations fondées sur l’âge, en vue de mettre en œuvre, dans les États membres, le principe de l’égalité de traitement.

33

Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2000/78, aux fins de cette dernière, il y a lieu d’entendre par «principe de l’égalité de traitement» l’absence de toute discrimination directe ou indirecte fondée sur l’un des motifs énoncés à l’article 1er de cette directive. L’article 2 de celle-ci précise, à son paragraphe 2, sous a), que, pour les besoins de l’application de son paragraphe 1, une discrimination directe se produit lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre se trouvant dans une situation comparable, sur la base de l’un des motifs visés à l’article 1er de la directive 2000/78.

34

Or, l’article 3 du règlement permet à un employeur de licencier des travailleurs de moins de 65 ans — lesquels ne relèvent pas du champ d’application de l’article 30 du règlement — lorsque ceux-ci atteignent l’âge fixé dans l’entreprise pour le départ à la retraite si une telle mesure constitue «un moyen proportionné d’atteindre un but légitime». Une telle réglementation doit être considérée comme imposant un traitement moins favorable aux travailleurs ayant atteint cet âge de départ à la retraite par rapport à l’ensemble des autres personnes en activité. Une telle réglementation est donc susceptible de donner lieu à une différence de traitement directement fondée sur l’âge, telle que visée à l’article 2, paragraphes 1 et 2, sous a), de la directive 2000/78.

35

Il ressort toutefois de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2000/78 que de telles différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination interdite en vertu de l’article 2 de celle-ci «lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires». Le second alinéa du même paragraphe énumère plusieurs exemples de différences de traitement revêtant des caractéristiques telles que celles mentionnées audit premier alinéa.

36

Age Concern England soutient que, en ayant ainsi recours, à l’article 6, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 2000/78, à une liste de justifications objectives et raisonnables, le législateur communautaire a entendu imposer aux États membres l’obligation de dresser, dans leurs instruments de transposition, une liste spécifique des différences de traitement susceptibles d’être justifiées par rapport à un objectif légitime. L’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78 s’opposerait dès lors à une réglementation nationale prévoyant qu’une différence de traitement fondée sur l’âge, quelle qu’elle soit, n’est pas illégale lorsqu’il peut être établi qu’elle constitue un moyen proportionné d’atteindre un objectif légitime.

37

Selon Age Concern England, le règlement ne spécifie aucune des circonstances pouvant justifier une différence de traitement susceptible de constituer une discrimination directe fondée sur l’âge et ne contient aucune disposition spécifique du type de celles envisagées au vingt-cinquième considérant de la directive 2000/78.

38

Le gouvernement du Royaume-Uni conteste cette interprétation et soutient que les États membres ne sont pas tenus d’énumérer sous forme de liste les différences de traitement susceptibles de bénéficier de l’exemption prévue à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78.

39

Le gouvernement italien défend, en substance, la même thèse en invoquant la marge de manœuvre dont les États membres disposent pour transposer les directives.

40

La Commission des Communautés européennes fait valoir que le principe de non-discrimination en fonction de l’âge est un principe fondamental du droit communautaire, se référant à cet égard à l’arrêt du 22 novembre 2005, Mangold (C-144/04, Rec. p. I-9981, point 75), ainsi qu’à l’article 21, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, proclamée à Nice le 7 décembre 2000 (JO C 364, p. 1), et que toute exception à ce principe doit être justifiée par un objectif public de politique sociale. Elle interprète l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78 tel qu’éclairé par le vingt-cinquième considérant de son préambule comme prévoyant une forme limitée de dérogation à ce principe fondamental justifiée par des considérations particulières de politique sociale propres à un État membre donné. Les dispositions dudit article 6, paragraphe 1, supposent donc, de l’avis de la Commission, l’adoption d’une mesure nationale spécifique reflétant un ensemble de circonstances et d’objectifs particuliers.

41

À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 249 CE, une directive lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens. Les États membres sont obligés, lors de la transposition d’une directive, d’assurer le plein effet de celle-ci, tout en disposant d’une ample marge d’appréciation quant au choix des moyens (voir, notamment, arrêt du 9 novembre 2006, Commission/Irlande, C-216/05, Rec. p. I-10787, point 26).

42

La transposition en droit interne d’une directive n’exige d’ailleurs pas toujours une reprise formelle des prescriptions de cette dernière dans une disposition légale expresse et spécifique. Ainsi, la Cour a jugé que la mise en œuvre d’une directive peut, en fonction du contenu de celle-ci, intervenir dans un État membre par l’intermédiaire de principes généraux ou d’un contexte juridique général, dès lors que ceux-ci sont aptes à garantir effectivement la pleine application de cette directive et que, au cas où une disposition de ladite directive vise à créer des droits pour les particuliers, la situation juridique découlant de ces principes généraux ou de ce contexte juridique général soit suffisamment précise et claire, et que les bénéficiaires soient mis en mesure de connaître la plénitude de leurs droits et, le cas échéant, de s’en prévaloir devant les juridictions nationales (voir en ce sens, respectivement, arrêts du 23 mai 1985, Commission/Allemagne, 29/84, Rec. p. 1661, point 23, et du 9 avril 1987, Commission/Italie, 363/85, Rec. p. 1733, point 7). Une directive peut également être mise en œuvre au moyen d’une mesure générale pour autant que celle-ci satisfasse aux mêmes conditions.

43

Conformément à ces principes, l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78 ne saurait être interprété comme imposant aux États membres d’établir, dans leurs mesures de transposition, une liste spécifique des différences de traitement pouvant être justifiées par un objectif légitime. Au demeurant, il ressort des termes de cette disposition que les objectifs légitimes et les différences de traitement qui y sont visés n’ont qu’une valeur indicative, ainsi qu’en atteste le recours, par le législateur communautaire, à l’adverbe «notamment».

44

Par conséquent, il ne saurait être inféré de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78 qu’un manque de précision de la réglementation nationale en ce qui concerne les objectifs pouvant être considérés comme légitimes au regard de cette disposition aurait pour effet d’exclure automatiquement que cette réglementation puisse être justifiée au titre de ladite disposition (voir, en ce sens, arrêt Palacios de la Villa, précité, point 56).

45

À défaut d’une telle précision, il importe néanmoins que d’autres éléments, tirés du contexte général de la mesure concernée, permettent l’identification de l’objectif sous-tendant cette dernière aux fins de l’exercice d’un contrôle juridictionnel quant à sa légitimité ainsi qu’au caractère approprié et nécessaire des moyens mis en œuvre pour réaliser cet objectif (arrêt Palacios de la Villa, précité, point 57).

46

Il ressort de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78 que les objectifs pouvant être considérés comme «légitimes» au sens de cette disposition, et, par voie de conséquence, aptes à justifier qu’il soit dérogé au principe d’interdiction des discriminations fondées sur l’âge, sont des objectifs relevant de la politique sociale, tels que ceux liés à la politique de l’emploi, du marché du travail ou de la formation professionnelle. Par leur caractère d’intérêt général, ces objectifs légitimes se distinguent de motifs purement individuels qui sont propres à la situation de l’employeur, tels que la réduction des coûts ou l’amélioration de la compétitivité, sans qu’il soit pour autant possible d’exclure qu’une règle nationale reconnaisse, dans la poursuite desdits objectifs légitimes, un certain degré de flexibilité aux employeurs.

47

Il appartient en dernier ressort au juge national, qui est seul compétent pour apprécier les faits du litige dont il est saisi et pour interpréter la législation nationale applicable, de déterminer si et dans quelle mesure une disposition qui permet aux employeurs de licencier les travailleurs ayant atteint l’âge de la retraite est justifiée par des objectifs «légitimes» au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78.

48

Toutefois, la Cour statuant sur renvoi préjudiciel peut, le cas échéant, apporter des précisions visant à guider la juridiction nationale dans son interprétation (voir, notamment, arrêt du 23 novembre 2006, Asnef-Equifax et Administración del Estado, C-238/05, Rec. p. I-11125, point 40 et jurisprudence citée).

49

Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si les buts envisagés par l’article 3 du règlement sont légitimes au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78, en ce qu’ils relèvent d’un objectif de politique sociale, tel que ceux liés à la politique de l’emploi, du marché du travail ou de la formation professionnelle.

50

Il lui appartient également de vérifier, au vu de tous les éléments pertinents et en tenant compte de la possibilité d’atteindre par d’autres moyens l’objectif légitime de politique sociale qui serait identifié, si l’article 3 du règlement, en tant que moyen destiné à atteindre cet objectif, est, selon les termes mêmes de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78, «approprié et nécessaire».

51

À cet égard, il convient de relever que, en choisissant les moyens susceptibles de réaliser les objectifs de leur politique sociale, les États membres disposent d’une large marge d’appréciation (voir, en ce sens, arrêt Mangold, précité, point 63). Toutefois, cette marge d’appréciation ne saurait avoir pour effet de vider de sa substance la mise en œuvre du principe de non-discrimination en fonction de l’âge. De simples affirmations générales concernant l’aptitude d’une mesure déterminée à participer à la politique de l’emploi, du marché du travail ou de la formation professionnelle ne suffisent pas pour faire apparaître que l’objectif de cette mesure est de nature à justifier qu’il soit dérogé audit principe ni ne constituent des éléments permettant raisonnablement d’estimer que les moyens choisis sont aptes à la réalisation de cet objectif (voir, par analogie, arrêt du 9 février 1999, Seymour-Smith et Perez, C-167/97, Rec. p. I-623, points 75 et 76).

52

Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la quatrième question posée que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une mesure nationale qui, à l’instar de l’article 3 du règlement, ne contient pas une énumération précise des objectifs justifiant qu’il puisse être dérogé au principe de l’interdiction des discriminations fondées sur l’âge. Toutefois, ledit article 6, paragraphe 1, n’ouvre la possibilité de déroger à ce principe que pour les seules mesures justifiées par des objectifs légitimes de politique sociale tels que ceux liés à la politique de l’emploi, du marché du travail ou de la formation professionnelle. Il appartient au juge national de vérifier si la réglementation en cause au principal répond à un tel objectif légitime et si l’autorité législative ou réglementaire nationale pouvait légitimement estimer, compte tenu de la marge d’appréciation dont disposent les États membres en matière de politique sociale, que les moyens choisis étaient appropriés et nécessaires à la réalisation de cet objectif.

Sur la cinquième question

53

La cinquième question préjudicielle vise à déterminer si les conditions auxquelles l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78 soumet une éventuelle dérogation au principe de l’interdiction des discriminations fondées sur l’âge diffèrent significativement de celles énoncées à l’article 2, paragraphe 2, sous b), de cette directive en ce qui concerne les discriminations indirectes.

54

Age Concern England soutient que les critères de justification énoncés à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78 sont plus stricts que ceux prévus à son article 2, paragraphe 2. Ledit article 6, paragraphe 1, limiterait en effet les dérogations admises aux seules mesures justifiées au regard de leur caractère objectif et raisonnable. Cette double condition, unique en droit communautaire dérivé, serait directement inspirée de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme Gaygusuz c. Autriche du 16 septembre 1996 (Recueil des arrêts et décisions 1996-IV, p. 1141, § 42), s’agissant de discrimination fondée sur le sexe ou la race. Le principe de non-discrimination en fonction de l’âge étant un principe général du droit communautaire, ainsi qu’il ressort du point 75 de l’arrêt Mangold, précité, Age Concern England soutient que toute justification d’une différence de traitement fondée sur l’âge susceptible de constituer une discrimination directe doit être soumise à un très haut niveau de contrôle, équivalent à celui appliqué par la Cour européenne des droits de l’homme en matière de discrimination fondée sur le sexe ou la race.

55

Le gouvernement du Royaume-Uni considère que l’emploi conjoint, à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78, des termes «raisonnablement» et «objectivement» n’est pas significatif. En effet, il serait inconcevable qu’une différence de traitement puisse être justifiée par un objectif légitime, atteint par des moyens appropriés et nécessaires, mais que cette justification ne soit pas raisonnable. Par ailleurs, cette disposition viserait des hypothèses de discrimination non seulement directe, mais également indirecte, ainsi qu’en attesterait l’exemple de conditions minimales d’ancienneté ou d’expérience professionnelle requises pour l’accès à l’emploi énoncé au second alinéa, sous b), dudit article 6, paragraphe 1. Généralement, des justifications objectives et proportionnées pourraient être invoquées pour écarter l’existence d’une discrimination, que ce soit au regard du droit communautaire ou de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950. Instaurer en matière de discrimination directe en fonction de l’âge un critère différent de celui applicable en matière de discrimination indirecte constituerait un facteur d’insécurité juridique, alors même que l’interdiction des discriminations fondées sur l’âge connaît de nombreuses atténuations et exceptions qui n’ont pas d’équivalents s’agissant de discrimination raciale ou sexuelle.

56

Le gouvernement italien fait valoir que les articles 2, paragraphe 2, et 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78 n’ont pas le même champ d’application. Cette dernière disposition, en se référant aux «objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle», impliquerait que le champ des dérogations au principe de non-discrimination en fonction de l’âge est plus vaste que celui des dérogations relevant de l’article 2, paragraphe 2, sous b), de la directive 2000/78.

57

La Commission estime qu’il n’y a pas lieu d’attacher d’importance particulière au fait que l’article 2, paragraphe 2, de la directive 2000/78 ne se réfère pas au caractère raisonnable de la justification d’une mesure susceptible de constituer une discrimination. La différence substantielle entre cette disposition et l’article 6, paragraphe 1, de cette directive concernerait le point de savoir qui doit fournir une justification, quelle est la nature de celle-ci et comment elle doit être prouvée. S’agissant de cette dernière disposition, il résulterait du point 57 de l’arrêt Palacios de la Villa, précité, que l’objectif légitime poursuivi par l’État membre concerné doit pouvoir se déduire directement du libellé de la mesure en cause ou de son contexte général, notamment en ayant recours à des documents officiels. En revanche, s’agissant de l’article 2, paragraphe 2, de ladite directive, l’accent serait mis sur la capacité de l’employeur à justifier ses pratiques en matière d’emploi.

58

Force est de constater que les champs d’application respectifs des articles 2, paragraphe 2, sous b), et 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78 ne se recouvrent pas parfaitement.

59

En effet, l’article 2 définit le concept de discrimination fondée sur la religion ou les convictions, le handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle en ce qui concerne l’emploi et le travail. Il opère une distinction, en son paragraphe 2, entre, d’une part, les discriminations directement fondées sur ces motifs et, d’autre part, celles dites «indirectes», qui, bien que reposant sur une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre, sont susceptibles d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes en raison de leur religion, de leurs convictions, de leur handicap, de leur âge ou de leur orientation sexuelle par rapport à d’autres personnes. Seules les dispositions, critères ou pratiques susceptibles de constituer des discriminations indirectes peuvent, en vertu de l’article 2, paragraphe 2, sous b), de la directive 2000/78, échapper à la qualification de discrimination, tel étant le cas, aux termes du point i), s’il s’agit d’«une disposition, [d’]un critère ou [d’]une pratique […] objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif [sont] appropriés et nécessaires». Pour les différences de traitement constituant des discriminations directes, l’article 2, paragraphe 1, de cette directive ne prévoit en effet aucune dérogation.

60

Pour sa part, l’article 6 de la directive 2000/78 instaure un régime dérogatoire propre aux différences de traitement fondées sur l’âge, en raison de la particularité reconnue à l’âge parmi les motifs de discrimination prohibés par celle-ci. Le vingt-cinquième considérant de cette directive souligne en effet qu’il est «essentiel de distinguer entre les différences de traitement qui sont justifiées, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et les discriminations qui doivent être interdites».

61

Ainsi qu’il a été rappelé au point 35 du présent arrêt, l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78 autorise les États membres à prévoir, nonobstant l’article 2, paragraphe 2, de celle-ci, que certaines différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont «objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires». Le second alinéa dudit article 6, paragraphe 1, énumère plusieurs exemples de différences de traitement revêtant des caractéristiques telles que celles mentionnées au premier alinéa de la même disposition, qui, en principe, peuvent être considérées comme «objectivement et raisonnablement justifiées» par un objectif légitime.

62

Or, l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78 permet aux États membres d’instaurer dans leur droit national des dispositions prévoyant des différences de traitement fondées sur l’âge relevant notamment de la catégorie des discriminations directes, telle que définie à l’article 2, paragraphe 2, sous a), de cette directive. C’est d’ailleurs dans cette mesure, en particulier, que ledit article 6, paragraphe 1, doit être interprété comme s’appliquant, aux termes de son premier alinéa, «[n]onobstant l’article 2, paragraphe 2» de ladite directive. Cette faculté, en tant qu’elle constitue une exception au principe de l’interdiction des discriminations, est toutefois strictement encadrée par les conditions prévues à ce même article 6, paragraphe 1.

63

Il ressort de la décision de renvoi que le litige au principal porte sur la légalité de dispositions nationales régissant les conditions de licenciement pour cause d’âge de la retraite. Dans la mesure où elles instaurent des conditions de licenciement moins favorables à l’égard des travailleurs ayant atteint l’âge de la retraite, ces dispositions prévoient une forme de discrimination directe au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2000/78.

64

En revanche, l’interprétation de l’article 2, paragraphe 2, sous b), de la directive 2000/78, lequel concerne exclusivement les discriminations indirectes, n’apparaît pas nécessaire pour la solution du litige au principal.

65

Toutefois, la juridiction de renvoi s’interrogeant sur l’existence d’une différence dans l’application des critères énoncés à l’article 2, paragraphe 2, sous b), de la directive 2000/78, par rapport à celle des critères figurant à son article 6, paragraphe 1, il convient de souligner que cette dernière disposition donne aux États membres la possibilité de prévoir, dans le cadre du droit national, que certaines formes de différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas des discriminations au sens de cette directive lorsqu’elles sont «objectivement et raisonnablement» justifiées. Tout en constatant que le terme «raisonnablement» ne figure pas à l’article 2, paragraphe 2, sous b), de ladite directive, il convient de relever qu’il ne saurait être envisagé qu’une différence de traitement puisse être justifiée par un objectif légitime, atteint par des moyens appropriés et nécessaires, mais que cette justification ne soit pas raisonnable. Dès lors, il n’y a pas lieu d’attacher une signification particulière à la circonstance que ledit terme n’a été employé qu’à l’article 6, paragraphe 1, de cette même directive. Il importe cependant de souligner que cette dernière disposition s’adresse aux États membres et leur impose, nonobstant la large marge d’appréciation dont ils disposent en matière de politique sociale, la charge d’établir la légitimité de l’objectif poursuivi à concurrence d’un seuil probatoire élevé.

66

Sans qu’il soit besoin, en l’occurrence, de se prononcer sur la question de savoir si ce seuil probatoire est plus élevé que celui applicable dans le cadre de l’article 2, paragraphe 2, sous b), de la directive 2000/78, force est de relever que, si une disposition, un critère ou une pratique ne constitue pas, en raison d’une justification objective au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous b), de cette directive, une discrimination au sens de celle-ci, il n’est, par suite, pas nécessaire d’avoir recours à l’article 6, paragraphe 1, de ladite directive, lequel, ainsi qu’il ressort du point 62 du présent arrêt, a notamment pour vocation de permettre la justification de certaines différences de traitement qui, sans cette dernière disposition, constitueraient de telles discriminations.

67

Au vu de ce qui précède, il convient de répondre à la cinquième question posée que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78 donne la possibilité aux États membres de prévoir, dans le cadre du droit national, certaines formes de différence de traitement fondée sur l’âge lorsqu’elles sont «objectivement et raisonnablement» justifiées par un objectif légitime, tel que la politique de l’emploi, du marché du travail ou de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires. Il impose aux États membres la charge d’établir le caractère légitime de l’objectif invoqué à titre de justification à concurrence d’un seuil probatoire élevé. Il n’y a pas lieu d’attacher une signification particulière à la circonstance que le terme «raisonnablement», employé à l’article 6, paragraphe 1, de ladite directive, ne figure pas à l’article 2, paragraphe 2, sous b), de celle-ci.

Sur les dépens

68

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

 

1)

Une réglementation nationale telle que celle édictée aux articles 3, 7, paragraphes 4 et 5, ainsi que 30 du règlement de 2006 relatif à l’égalité en matière d’emploi (âge) [Employment Equality (Age) Regulations 2006], relève du champ d’application de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail.

 

2)

L’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une mesure nationale qui, à l’instar de l’article 3 du règlement en cause au principal ne contient pas une énumération précise des objectifs justifiant qu’il puisse être dérogé au principe de l’interdiction des discriminations fondées sur l’âge. Toutefois, ledit article 6, paragraphe 1, n’ouvre la possibilité de déroger à ce principe que pour les seules mesures justifiées par des objectifs légitimes de politique sociale tels que ceux liés à la politique de l’emploi, du marché du travail ou de la formation professionnelle. Il appartient au juge national de vérifier si la réglementation en cause au principal répond à un tel objectif légitime et si l’autorité législative ou réglementaire nationale pouvait légitimement estimer, compte tenu de la marge d’appréciation dont disposent les États membres en matière de politique sociale, que les moyens choisis étaient appropriés et nécessaires à la réalisation de cet objectif.

 

3)

L’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78 donne la possibilité aux États membres de prévoir, dans le cadre du droit national, certaines formes de différence de traitement fondée sur l’âge lorsqu’elles sont «objectivement et raisonnablement» justifiées par un objectif légitime, tel que la politique de l’emploi, du marché du travail ou de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires. Il impose aux États membres la charge d’établir le caractère légitime de l’objectif invoqué à titre de justification à concurrence d’un seuil probatoire élevé. Il n’y a pas lieu d’attacher une signification particulière à la circonstance que le terme «raisonnablement», employé à l’article 6, paragraphe 1, de ladite directive, ne figure pas à l’article 2, paragraphe 2, sous b), de celle-ci.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: l’anglais.