ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

9 juillet 2009 ( *1 )

«Pourvoi — Mesures de réduction fiscale concernant les marins travaillant à bord des navires inscrits sur le registre international danois — Décision de la Commission de ne pas soulever d’objections — Recours en annulation — Notion d’‘intéressé’ — Syndicat de travailleurs — Recevabilité du recours»

Dans l’affaire C-319/07 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduit le 9 juillet 2007,

3F, anciennement Specialarbejderforbundet i Danmark (SID), établi à Copenhague (Danemark), représenté par M. A. Bentley, QC, et Me A. Worsøe, advokat,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant:

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. N. Khan et H. van Vliet, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

Royaume de Danemark,

Royaume de Norvège,

parties intervenantes en première instance,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. A. Rosas, président de chambre, MM. A. Ó Caoimh (rapporteur), J. N. Cunha Rodrigues, U. Lõhmus et A. Arabadjiev, juges,

avocat général: Mme E. Sharpston,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 9 juillet 2008,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 5 mars 2009,

rend le présent

Arrêt

1

Par son pourvoi, 3F (ci-après le «requérant»), anciennement Specialarbejderforbundet i Danmark (SID), le syndicat général des travailleurs du Danemark, demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de première instance des Communauteìs européennes du 23 avril 2007, SID/Commission (T-30/03, ci-après l’«ordonnance attaquée»), par laquelle celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la Commission C(2002) 4370 final, du 13 novembre 2002, de ne pas soulever d’objections à l’égard des mesures fiscales danoises applicables aux marins employés à bord des navires inscrits sur le registre international danois (ci-après la «décision litigieuse»).

Le cadre juridique

2

L’article 4, paragraphes 3 et 4, du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88] du traité CE (JO L 83, p. 1), est libellé comme suit:

«3.   Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée, pour autant qu’elle entre dans le champ de l’article [87], paragraphe 1, du traité [CE], ne suscite pas de doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle décide que cette mesure est compatible avec le marché commun (ci-après dénommée ‘décision de ne pas soulever d’objections’). Cette décision précise quelle dérogation prévue par le traité a été appliquée.

4.   Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée suscite des doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle décide d’ouvrir la procédure prévue à l’article [88], paragraphe 2, du traité (ci-après dénommée ‘décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen’).»

3

Les orientations communautaires sur les aides d’État au transport maritime (JO 1997, C 205, p. 5, ci-après les «orientations communautaires») visent, conformément à leur point 2.2, intitulé «Objectifs généraux des orientations révisées en matière d’aides d’État», à améliorer la transparence et à déterminer quels programmes d’aides d’État peuvent être mis en place pour soutenir les intérêts maritimes communautaires. Aux termes de ce même point:

«[…] Les résultats escomptés sont les suivants:

sauvegarder l’emploi communautaire […],

préserver le savoir-faire maritime de la Communauté et développer les aptitudes maritimes,

améliorer la sécurité.

[…]»

4

Le point 3.2 des orientations communautaires, intitulé «Coûts salariaux», est libellé comme suit:

«[…]

Les mesures de soutien du secteur maritime doivent […] avoir d’abord pour objectif de réduire les coûts et charges fiscaux et autres supportés par les armateurs et les marins communautaires (c’est-à-dire soumis à la fiscalité et/ou aux contributions de sécurité sociale d’un État membre) à des niveaux comparables à ceux du reste du monde. Ces mesures doivent promouvoir directement le développement du secteur et de l’emploi plutôt que fournir une assistance financière générale.

Cela étant, les actions suivantes en ce qui concerne les coûts salariaux devraient être autorisées pour les transports maritimes communautaires:

[…]

réduction de l’impôt sur le revenu pour les marins de la Communauté naviguant sur des navires immatriculés dans un État membre.

[…]»

Les faits à l’origine du litige

5

Le 1er juillet 1988, le Royaume de Danemark a adopté la loi no 408, entrée en vigueur le 23 août 1988, instaurant un registre international danois des navires (ci-après le «registre DIS»). Ce registre est venu s’ajouter au registre ordinaire danois des navires (ci-après le «registre DAS»). Le registre DIS a pour objectif de lutter contre l’évasion des pavillons maritimes communautaires vers les pavillons de complaisance. Le principal avantage du registre DIS réside dans le fait que les armateurs dont les navires sont inscrits sur ce registre ont le droit d’employer sur ces navires des marins d’États tiers en leur versant une rémunération conforme au droit national de ces derniers.

6

Le même jour, le Royaume de Danemark a adopté les lois nos 361, 362, 363 et 364, entrées en vigueur le 1er janvier 1989, instaurant plusieurs mesures fiscales relatives aux marins employés sur les navires inscrits sur le registre DIS (ci-après les «mesures fiscales en cause»). En particulier, ces marins ont été exonérés de l’impôt sur le revenu alors que les marins occupés sur les navires relevant du registre DAS étaient soumis à une telle imposition.

7

Le 28 août 1998, le requérant a déposé une plainte devant la Commission à l’encontre du Royaume de Danemark concernant les mesures fiscales en cause en arguant du fait qu’elles étaient contraires aux orientations communautaires et, partant, à l’article 87 CE.

8

Dans sa plainte, le requérant faisait valoir que les mesures fiscales en cause constituaient des aides d’État qui ne sont pas conformes aux orientations communautaires en raison du fait que, d’une part, l’exonération fiscale est accordée à tous les marins et non pas seulement aux marins communautaires et que, d’autre part, ces mesures n’ont pas été notifiées à la Commission.

9

Le 13 novembre 2002, la Commission a adopté la décision litigieuse, aux termes de laquelle elle a décidé de ne pas soulever d’objections «envers les mesures fiscales appliquées depuis le 1er janvier 1989 aux marins employés sur les navires inscrits au Danemark, tant sur le registre DAS que sur le registre DIS, en considérant qu’elles constituaient des aides d’État mais qu’elles avaient été ou étaient encore compatibles avec le marché commun, en vertu de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE» (point 46, second tiret, de ladite décision).

La procédure devant le Tribunal

10

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 janvier 2003, le requérant a demandé l’annulation de la décision litigieuse et la condamnation de la Commission aux dépens.

11

Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 17 mars 2003, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal, par laquelle elle a demandé à ce dernier de rejeter le recours dont il était saisi comme manifestement irrecevable et de condamner le requérant aux dépens.

12

Dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, présentées le 16 mai 2003, le requérant a conclu au rejet de celle-ci et à la condamnation de la Commission aux dépens relatifs à cette exception.

13

Par ordonnance du 18 juin 2003, le président de la deuxième chambre élargie du Tribunal, les parties entendues, a admis les interventions du Royaume de Danemark et du Royaume de Norvège au soutien de la Commission. Les intervenants ont renoncé à déposer un mémoire limité à la recevabilité du recours.

L’ordonnance attaquée

14

Au soutien de son recours en annulation de la décision litigieuse, le requérant a soulevé trois moyens tirés, premièrement, de la violation de l’article 88, paragraphe 2, CE et du principe de bonne administration en raison du fait que la Commission n’avait pas ouvert la procédure d’examen prévue par cette disposition, deuxièmement, de la violation de l’article 87, paragraphe 3, CE, interprété à la lumière des orientations communautaires et du principe de protection de la confiance légitime et, troisièmement, d’une erreur manifeste d’appréciation.

15

Au point 24 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a rappelé que, lorsque, sans ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE, la Commission constate, par une décision prise sur le fondement du paragraphe 3 du même article, qu’une aide est compatible avec le marché commun, le juge communautaire déclare recevable un recours visant à l’annulation d’une telle décision, introduit par un intéressé au sens dudit paragraphe 2, si l’auteur de ce recours tend, par l’introduction de celui-ci, à faire sauvegarder les droits procéduraux qu’il tire de cette dernière disposition.

16

Au point 25 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a précisé que les intéressés au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE, qui peuvent ainsi, conformément à l’article 230, quatrième alinéa, CE, introduire des recours en annulation, sont les personnes, entreprises ou associations éventuellement affectées dans leurs intérêts par l’octroi d’une aide, c’est à dire en particulier les entreprises concurrentes des bénéficiaires de cette aide et les organisations professionnelles (arrêts du 14 novembre 1984, Intermills/Commission, 323/82, Rec. p. 3809, point 16, et du 13 décembre 2005, Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, C-78/03 P, Rec. p. I-10737, point 36).

17

Au point 26 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a relevé que si, en revanche, le requérant met en cause le bien-fondé de la décision d’appréciation de l’aide en tant que telle, il doit alors démontrer qu’il a un statut particulier au sens de la jurisprudence issue de l’arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission (25/62, Rec. p. 197). Il en serait notamment ainsi au cas où la position sur le marché du requérant serait substantiellement affectée par l’aide faisant l’objet de la décision en cause.

18

Au point 28 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a jugé ce qui suit:

«Lorsque le requérant tend, comme en l’espèce par son premier moyen, à faire sauvegarder les droits procéduraux qu’il tire de l’article 88, paragraphe 2, CE en vue d’obtenir l’annulation d’une décision de ne pas soulever d’objections, le juge communautaire déclare recevable son recours pour autant que ce requérant soit un intéressé au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE (arrêt Commission/[Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum], [précité], points 35 et 36).»

19

Aux points 30 à 33 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal s’est prononcé dans les termes suivants:

«30

[…] il a été jugé qu’un recours en annulation introduit sur le fondement de l’article 230 CE à l’encontre d’une décision en matière d’aide d’État adoptée sans ouvrir la procédure formelle d’examen est irrecevable si la position concurrentielle du requérant sur le marché n’est pas affectée par l’octroi de l’aide (arrêt du Tribunal du 16 septembre 1998, Waterleiding Maatschappij/Commission, T-188/95, Rec. p. II-3713, point 62, et voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 21 mars 2001, Hamburger Hafen- und Lagerhaus e.a./Commission, T-69/96, Rec. p. II-1037, point 41). De même, il a été jugé qu’un requérant, qui n’est pas une entreprise dont la position concurrentielle aurait été affectée par des mesures étatiques dénoncées comme étant des aides, ne justifie pas d’un intérêt personnel à invoquer, dans le cadre d’un recours contre l’abstention de la Commission d’ouvrir la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE, les prétendus effets anticoncurrentiels de ces mesures (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 18 décembre 1997, ATM/Commission, T-178/94, Rec. p. II-2529, point 63, et ordonnance [du Tribunal du 25 juin 2003,] Pérez Escolar/Commission, [T-41/01, Rec. p. II-2157,] point 46).

31

Or, ni le requérant, en tant que syndicat de marins, ni ses membres ne sont concurrents des bénéficiaires de l’aide en cause, tels que ces derniers sont identifiés dans la décision litigieuse, à savoir les armateurs inscrits au registre DIS.

32

Ainsi, s’agissant du requérant lui-même, il ne saurait se prévaloir du fait que sa propre position concurrentielle [est] affectée par l’aide en cause. D’une part, il a été jugé qu’une association des travailleurs de l’entreprise prétendument bénéficiaire d’une aide étatique n’était aucunement une concurrente de cette entreprise (arrêt ATM/Commission, [précité], point 63). D’autre part, pour autant qu’il invoque sa propre position concurrentielle par rapport aux autres syndicats de marins lors de la négociation des conventions collectives dans le domaine considéré, il suffit de rappeler que les accords conclus dans le cadre de négociations collectives ne relèvent pas du domaine de la concurrence [voir, s’agissant de la non-application de l’article 3, sous g), CE et de l’article 81 CE aux conventions collectives, arrêt de la Cour du 21 septembre 1999, Albany, C-67/96, Rec. p. I-5751, points 52 à 60].

33

De même, s’agissant des membres du requérant, rien n’indique dans le dossier que ces marins échapperaient au champ d’application de la notion de travailleur au sens de l’article 39 CE, à savoir les personnes qui accomplissent, pendant un certain temps, en faveur d’une autre et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles elles touchent une rémunération. En tant que travailleurs, ils ne constituent dès lors pas eux-mêmes des entreprises (arrêt de la Cour du 16 septembre 1999, Becu e.a., C-22/98, Rec. p. I-5665, point 26).»

20

En outre, au point 35 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a rappelé qu’il n’était pas exclu que des organismes représentant les travailleurs de l’entreprise bénéficiaire d’une aide puissent, en tant qu’intéressés au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE, présenter à la Commission leurs observations sur des considérations d’ordre social susceptibles, le cas échéant, d’être prises en compte par celle-ci, en se référant, à cet égard, à l’ordonnance du Tribunal du 18 février 1998, Comité d’entreprise de la Société française de production e.a./Commission (T-189/97, Rec. p. II-335, point 41). Toutefois, au point 36 de la même ordonnance, il a relevé que les aspects sociaux découlant du registre DIS résultent principalement de l’instauration de ce registre par la loi no 408 et non des mesures fiscales d’accompagnement et que la Commission a considéré que l’instauration dudit registre ne constituait pas une aide d’État, limitant ainsi son examen de la compatibilité avec le marché commun des mesures étatiques aux seules mesures fiscales en cause. Le Tribunal a conclu, au même point 36, que les aspects sociaux relatifs au registre DIS ne présentent qu’un lien indirect avec l’objet de la décision litigieuse et que, en conséquence, le requérant ne saurait se prévaloir de ces aspects sociaux pour justifier de sa qualité de personne individuellement concernée.

21

Le Tribunal a également rejeté, au point 37 de l’ordonnance attaquée, l’argument du requérant selon lequel il pourrait être considéré comme individuellement concerné du seul fait que l’aide en cause est transférée à ses bénéficiaires en raison de la réduction des prétentions salariales des marins bénéficiant de l’exemption de l’impôt sur le revenu instaurée par les mesures fiscales en cause. Selon le Tribunal, la décision litigieuse est fondée sur les avantages reçus par les bénéficiaires de l’aide et non sur le mode de transmission de cette dernière.

22

Enfin, le Tribunal a jugé que le requérant n’a pas établi que ses intérêts propres en tant que négociateur étaient susceptibles d’être directement affectés par l’aide découlant des mesures fiscales en cause. En se référant aux arrêts du 2 février 1988, Kwekerij van der Kooy e.a./Commission (67/85, 68/85 et 70/85, Rec. p. 219), et du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission (C-313/90, Rec. p. I-1125), il a considéré, aux points 39 et 40 de l’ordonnance attaquée, que le seul fait que le requérant a porté plainte devant la Commission à l’encontre de l’aide en cause ne permet pas de l’individualiser. Même s’il est possible que ce dernier ait été l’un des négociateurs des conventions collectives en faveur des marins travaillant sur les navires inscrits sur l’un des registres danois et, à ce titre, ait participé au mécanisme de répercussion de l’aide aux armateurs, le Tribunal a constaté que le requérant n’avait aucunement démontré avoir négocié l’élaboration des orientations communautaires, invoquées en l’espèce, avec la Commission ou l’octroi des mesures fiscales en cause avec la Commission ou le gouvernement danois.

23

Le Tribunal en a conclu, aux points 41 et 42 de l’ordonnance attaquée, que ni le requérant ni ses membres ne sont individuellement concernés par la décision litigieuse et que, partant, le recours introduit par ce dernier était irrecevable pour défaut de qualité à agir au sens de l’article 230 CE.

Le pourvoi

24

Par son pourvoi, le requérant demande à la Cour:

d’annuler l’ordonnance attaquée dans sa totalité;

de déclarer recevable la requête présentée devant le Tribunal, et

de condamner la Commission aux dépens du pourvoi.

25

La Commission conclut au rejet du pourvoi et à la condamnation du requérant aux dépens.

26

À l’appui de son pourvoi, le requérant soulève quatre moyens. Le premier est tiré de ce que le Tribunal aurait fait une application trop large de l’arrêt Albany, précité, pour conclure que la position concurrentielle du requérant n’était pas affectée par l’aide découlant des mesures fiscales en cause. Le deuxième moyen consiste à soutenir que le Tribunal a commis une erreur de droit en ce qu’il a estimé que le requérant ne saurait se prévaloir des aspects sociaux découlant des orientations communautaires pour établir qu’il était individuellement concerné par la décision litigieuse. Le troisième moyen est tiré de l’application erronée des arrêts précités Plaumann/Commission et Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum dans la mesure où le Tribunal a considéré que le requérant ne pouvait pas être considéré comme individuellement concerné du simple fait que l’aide découlant des mesures fiscales en cause est transférée à ses bénéficiaires en raison de la réduction des prétentions salariales des marins bénéficiant de l’exemption de l’impôt sur le revenu. Par son quatrième moyen, le requérant soutient que le Tribunal a appliqué de manière incorrecte la jurisprudence issue des arrêts précités Kwekerij van der Kooy e.a./Commission ainsi que CIRFS e.a./Commission en concluant que les intérêts propres du requérant en tant que négociateur n’étaient pas affectés par les mesures fiscales en cause.

Observations liminaires

27

Avant d’examiner les moyens invoqués au soutien du pourvoi, il convient de rappeler les règles pertinentes relatives à la qualité pour agir contre une décision de la Commission en matière d’aides d’État d’une personne autre que l’État membre destinataire de cette décision.

28

Conformément à l’article 230, quatrième alinéa, CE, une personne physique ou morale ne peut former un recours contre une décision adressée à une autre personne que si cette décision la concerne directement et individuellement.

29

Selon une jurisprudence constante, les sujets autres que les destinataires d’une décision ne sauraient prétendre être individuellement concernés que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire d’une telle décision le serait (voir, notamment, arrêts Plaumann/Commission, précité, p. 223; du 19 mai 1993, Cook/Commission, C-198/91, Rec. p. I-2487, point 20; du 15 juin 1993, Matra/Commission, C-225/91, Rec. p. I-3203, point 14; Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, précité, point 33, ainsi que du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C-487/06 P, Rec. p. I-10505, point 26).

30

Le recours en première instance concernant une décision de la Commission en matière d’aides d’État, il y a lieu de relever que, dans le cadre de la procédure de contrôle des aides d’État prévue à l’article 88 CE, doivent être distinguées, d’une part, la phase préliminaire d’examen des aides instituée au paragraphe 3 de cet article, qui a seulement pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion sur la compatibilité partielle ou totale de l’aide en cause, et, d’autre part, la phase d’examen visée au paragraphe 2 du même article. Ce n’est que dans le cadre de celle-ci, qui est destinée à permettre à la Commission d’avoir une information complète sur l’ensemble des données de l’affaire, que le traité prévoit l’obligation, pour la Commission, de mettre en demeure les intéressés de présenter leurs observations (voir arrêts Cook/Commission, précité, point 22; Matra/Commission, précité, point 16; du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C-367/95 P, Rec. p. I-1719, point 38; Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, précité, point 34, ainsi que British Aggregates/Commission, précité, point 27).

31

Il en résulte que, lorsque, sans ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE, la Commission constate, par une décision prise sur le fondement du paragraphe 3 du même article, qu’une aide est compatible avec le marché commun, les bénéficiaires de ces garanties de procédure ne peuvent en obtenir le respect que s’ils ont la possibilité de contester devant le juge communautaire cette décision. Pour ces motifs, celui-ci déclare recevable un recours visant à l’annulation d’une telle décision, introduit par un intéressé au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE, lorsque l’auteur de ce recours tend, par l’introduction de celui-ci, à faire sauvegarder les droits procéduraux qu’il tire de cette dernière disposition (arrêts précités Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, point 35 et jurisprudence citée, ainsi que British Aggregates/Commission, point 28).

32

La Cour a eu l’occasion de préciser que de tels intéressés sont les personnes, les entreprises ou les associations éventuellement affectées dans leurs intérêts par l’octroi d’une aide, c’est-à-dire en particulier les entreprises concurrentes des bénéficiaires de cette aide et les organisations professionnelles (arrêts précités Commission/Sytraval et Brink’s France, point 41; Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, point 36, ainsi que British Aggregates/Commission, point 29).

33

À cet égard, il n’est pas exclu qu’un syndicat de travailleurs soit considéré comme «intéressé» au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE, lorsqu’il démontre que lui-même ou ses affiliés seront éventuellement affectés dans leurs intérêts par l’octroi d’une aide. Il importe cependant que ce syndicat démontre, à suffisance de droit, que l’aide risque d’avoir une incidence concrète sur sa situation ou celle des marins qu’il représente.

34

La Cour a également précisé que, si, en revanche, le requérant met en cause le bien-fondé de la décision d’appréciation de l’aide en tant que telle, le simple fait qu’il puisse être considéré comme «intéressé» au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE ne saurait suffire pour que soit admise la recevabilité du recours. Il doit alors démontrer qu’il bénéficie d’un statut particulier au sens de l’arrêt Plaumann/Commission, précité. Il en serait notamment ainsi dans le cas où la position du requérant sur le marché serait substantiellement affectée par l’aide faisant l’objet de la décision en cause (arrêts du 28 janvier 1986, Cofaz e.a./Commission, 169/84, Rec. p. 391, points 22 à 25; Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, précité, point 37; du 11 septembre 2008, Allemagne e.a./Kronofrance, C-75/05 P et C-80/05 P, Rec. p. I-6619, point 40, ainsi que British Aggregates/Commission, précité, point 35).

35

Certes, ainsi qu’il ressort de l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 659/1999, une décision de la Commission de ne pas soulever d’objections est prise par celle-ci lorsqu’elle constate que la mesure notifiée ne suscite pas de doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun. Lorsqu’un requérant demande l’annulation d’une telle décision, il met en cause essentiellement le fait que la décision relative à l’aide a été adoptée sans que la Commission ouvre la procédure formelle d’examen, violant ce faisant ses droits procéduraux. Afin de réussir dans son action, le requérant peut chercher à démontrer que la compatibilité de la mesure en cause aurait dû susciter des doutes. L’utilisation de tels arguments ne saurait pour autant avoir pour conséquence de transformer l’objet du recours ni d’en modifier les conditions de recevabilité.

36

Force est de constater que, en l’espèce, ainsi qu’il ressort clairement tant de l’ordonnance attaquée que du dossier de première instance, le premier moyen du recours introduit par le requérant visait à sauvegarder les droits procéduraux que celui-ci tire de l’article 88, paragraphe 2, CE, en mettant en cause l’absence, dans les circonstances de l’espèce, de l’ouverture de la procédure formelle d’examen prévue par cette disposition, ce que le Tribunal a reconnu explicitement au point 28 de ladite ordonnance.

37

Il ressort également du point 8 de l’ordonnance attaquée que le président de la deuxième chambre élargie du Tribunal, les parties entendues, avait, par ordonnance du 16 février 2005, suspendu la procédure dans le recours dont était saisi le Tribunal dans l’attente de la décision de la Cour dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, précité, en constatant que ledit recours était dirigé contre une décision de la Commission prise sans ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE.

38

En outre, à la suite de l’arrêt Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, précité, le Tribunal a, par lettre du 24 janvier 2006, invité les parties à soumettre leurs observations sur cet arrêt et, notamment, sur l’application au recours du requérant de la jurisprudence Cook/Commission, précitée, à laquelle la Cour avait fait référence aux points 35 et 36 du même arrêt, en ce qui concerne la recevabilité de ce recours ainsi que sur le statut du requérant en tant que personne intéressée au sens dudit point 36.

39

Il s’ensuit que, en ce qui concerne le premier moyen invoqué par le requérant devant le Tribunal, relatif à l’absence d’ouverture de la procédure formelle d’examen, ce dernier a cherché à déterminer, ainsi qu’il ressort explicitement du point 28 de l’ordonnance attaquée, si le requérant pouvait être considéré comme étant un intéressé au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE.

40

C’est donc à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les quatre moyens invoqués par le requérant au soutien de son pourvoi.

Sur le premier moyen

Argumentation des parties

41

Le requérant estime que, en se référant à l’arrêt Albany, précité, pour conclure qu’il ne saurait se prévaloir de sa propre position concurrentielle par rapport aux autres syndicats de marins lors de la négociation des conventions collectives, le Tribunal a donné une interprétation trop large de cet arrêt. La Cour n’aurait rien indiqué à cet égard dans celui-ci, qui concernait l’article 85 du traité CE (devenu article 81 CE) tel qu’il s’applique aux entreprises publiques en vertu de l’article 90 du traité CE (devenu article 86 CE), quant à une quelconque relation qui pourrait exister entre les conventions collectives et l’application des règles en matière d’aide d’État contenues dans les articles 92 du traité CE (devenu, après modification, article 87 CE) et 93 du traité CE (devenu article 88 CE).

42

La Commission estime que le premier moyen doit être rejeté comme inopérant ou, à titre subsidiaire, comme non fondé. Elle fait valoir que la jurisprudence citée par le Tribunal dans la première partie du point 32 de l’ordonnance attaquée, à savoir l’arrêt ATM/Commission, précité, suffisait pour fonder sa conclusion relative à l’irrecevabilité de cette partie du recours du requérant en ce qui concerne sa position concurrentielle. Dans ces circonstances, elle soutient que l’argument de ce dernier relatif à l’absence de pertinence de l’arrêt Albany, précité, est inopérant et qu’il est inutile que la Cour examine au fond ce moyen de pourvoi.

43

En tout état de cause, en ce qui concerne la seconde partie du point 32 de l’ordonnance attaquée, la Commission fait valoir que l’arrêt Albany, précité, et l’ensemble des arrêts qui l’ont confirmé montreraient que la négociation de conventions collectives ne relève pas des règles de concurrence prévues par le traité, y compris les règles en matière d’aides d’État. Les conventions collectives de travail ne seraient pas des «produits» au sens de l’article 81 CE et elles ne sauraient être qualifiées de «productions» au sens de l’article 87 CE. Lorsqu’ils négocient ces conventions, les syndicats ne seraient donc pas non plus des «entreprises» actives dans la production de «produits» au sens de ces dispositions.

Appréciation de la Cour

44

Afin de déterminer si le requérant devait être considéré comme un intéressé au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE et si son recours devait donc être déclaré recevable, le Tribunal a, en premier lieu, examiné la question de savoir si la position concurrentielle du requérant sur le marché est affectée par l’octroi de l’aide.

45

L’argument de la Commission selon lequel l’arrêt ATM/Commission, précité, suffisait à lui seul pour rejeter les arguments du requérant relatifs à sa position concurrentielle ne saurait être accueilli. En effet, la première partie du point 32 de l’ordonnance attaquée concerne la prétendue position concurrentielle du requérant à l’égard des employeurs de ses membres, à savoir les armateurs bénéficiaires de l’aide découlant des mesures fiscales en cause, et non sa prétendue position concurrentielle vis-à-vis d’autres syndicats lors de la négociation de conventions collectives, laquelle constitue un argument distinct visé par la seconde partie de ce même point 32.

46

Même si le requérant avait fait valoir qu’il était dans une position concurrentielle à l’égard des armateurs — ce qu’il a contesté lors de l’audience — il lui était toujours possible, nonobstant l’arrêt ATM/Commission, précité, d’essayer de démontrer sa qualité pour agir résultant de l’affectation éventuelle de ses intérêts par l’octroi de l’aide en raison de l’incidence desdites mesures sur sa position concurrentielle vis-à-vis d’autres syndicats dont les membres sont employés sur les navires inscrits sur le registre DIS.

47

Quant à l’interprétation de l’arrêt Albany, précité, faite par le Tribunal au point 32 de l’ordonnance attaquée, il convient de rappeler que, dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, était en cause un accord conclu sous la forme d’une convention collective mettant en place un régime de pension complémentaire géré par un fonds de pension du secteur de l’industrie textile auquel l’affiliation pouvait être rendue obligatoire par les pouvoirs publics. Albany International BV, une entreprise du secteur textile, avait refusé de verser audit fonds les cotisations correspondant à une certaine période au motif que l’affiliation obligatoire à celui-ci en vertu de laquelle lesdites cotisations lui étaient réclamées était contraire, notamment, à l’article 85, paragraphe 1, du traité.

48

Avant de conclure à l’inapplicabilité, dans lesdites circonstances, de l’article 85, paragraphe 1, du traité, la Cour a, au point 54 de l’arrêt Albany, précité, d’une part, rappelé que, aux termes de l’article 3, paragraphe 1, sous g) et i), du traité CE [devenu, après modification, article 3, paragraphe 1, sous g) et j), CE], l’action de la Communauté comporte non seulement un «régime assurant que la concurrence n’est pas faussée dans le marché intérieur», mais également «une politique dans le domaine social». L’article 2 du traité CE (devenu, après modification, article 2 CE) énonce en effet que la Communauté a pour mission, notamment, «de promouvoir un développement harmonieux et équilibré des activités économiques» et «un niveau d’emploi et de protection sociale élevé».

49

En outre, il ressort de l’article 136, premier alinéa, CE que la Communauté et les États membres ont pour objectif, notamment, la promotion de l’emploi, l’amélioration des conditions de vie et de travail, permettant leur égalisation dans le progrès, une protection sociale adéquate et le dialogue social. En vertu de l’article 138, paragraphe 1, CE, la Commission a pour tâche de promouvoir la consultation des partenaires sociaux au niveau communautaire, ce dialogue pouvant déboucher, si ces derniers l’estiment souhaitable, sur des relations conventionnelles. La Commission prend également toute mesure utile pour faciliter leur dialogue en veillant à un soutien équilibré des parties [voir, en ce sens, arrêt Albany, précité, points 55 à 58, en ce qui concerne les dispositions du traité CEE et de l’accord sur la politique sociale conclu entre les États membres de la Communauté européenne à l’exception du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (JO 1992, C 191, p. 91) avant l’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam].

50

Dans l’arrêt Albany, précité, la Cour a admis que certains effets restrictifs de la concurrence sont inhérents aux accords collectifs conclus entre les organisations représentatives des employeurs et des travailleurs. Toutefois, selon la Cour, les objectifs de politique sociale poursuivis par de tels accords seraient sérieusement compromis si les partenaires sociaux étaient soumis à l’article 85, paragraphe 1, du traité dans la recherche en commun de mesures destinées à améliorer les conditions d’emploi et de travail. Dans ces circonstances, elle a relevé que les accords conclus dans le cadre de négociations collectives entre partenaires sociaux en vue de tels objectifs doivent être considérés, en raison de leur nature et de leur objet, comme ne relevant pas de ladite disposition. La Cour a, d’autre part, examiné si la nature et l’objet de l’accord en cause dans l’affaire ayant donné lieu audit arrêt Albany justifiaient qu’il soit soustrait au champ d’application de cette disposition du traité et a conclu que, dans le cas d’espèce, l’exclusion de l’accord du champ d’application dudit article 85, paragraphe 1, était justifiée (voir arrêt Albany, précité, points 59 à 64).

51

Il découle donc de cet arrêt Albany, précité, ainsi que des arrêts qui l’ont confirmé par la suite, qu’il incombe aux autorités et aux juridictions compétentes d’examiner, dans chaque cas d’espèce, si la nature et l’objet de l’accord en cause ainsi que les objectifs de politique sociale poursuivis par celui-ci justifient qu’il soit soustrait au champ d’application de l’article 81, paragraphe 1, CE (voir en ce sens, notamment, arrêt du 21 septembre 2000, van der Woude, C-222/98, Rec. p. I-7111, point 23).

52

En l’espèce, ainsi qu’il ressort du point 34 de l’ordonnance attaquée, le requérant, en tant qu’organisme représentatif des travailleurs, est constitué, par nature, pour promouvoir les intérêts collectifs de ses membres. Selon les observations qu’il a soumises au Tribunal, reproduites aux points 17 et 20 de l’ordonnance attaquée, celui-ci est un opérateur économique qui négocie les termes et les conditions dans lesquels la main-d’œuvre est fournie aux entreprises. Selon lui, l’aide découlant des mesures fiscales en cause affecterait la capacité de ses membres à concurrencer les marins non communautaires dans la recherche d’un emploi auprès des compagnies maritimes, à savoir les bénéficiaires de cette aide, et, partant, la position du requérant en tant que telle sur le marché serait affectée quant à sa capacité concurrentielle sur le marché de la fourniture de main-d’œuvre auxdites compagnies et, par conséquent, quant à sa capacité à recruter ses membres.

53

Il convient également de rappeler que le requérant s’est opposé à la réglementation danoise applicable au registre DIS, et notamment aux mesures fiscales en cause, au motif que, d’une part, ce registre permettait aux armateurs dont les navires y étaient inscrits d’employer des marins ressortissants d’États tiers en leur versant une rémunération conforme au droit national de ces derniers et que, d’autre part, lesdites mesures fiscales, qui ont fait l’objet de la décision litigieuse, ont permis d’exonérer de l’impôt sur le revenu tous les marins employés sur les navires inscrits sur le registre DIS, sans faire une distinction entre les marins ressortissants des États membres et ceux provenant des États tiers.

54

Il en ressort que, à la différence de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Albany, précité, est en cause en l’espèce non pas le caractère restrictif de la concurrence des accords collectifs conclus entre le requérant ou d’autres syndicats et les armateurs bénéficiaires de l’aide découlant des mesures fiscales en cause, mais la question de savoir si la position concurrentielle du requérant vis-à-vis de ces autres syndicats a été affectée par l’octroi de ladite aide, de sorte que celui-ci devrait être considéré comme une personne intéressée au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE, son recours en annulation contre la décision litigieuse étant, dans ces circonstances, recevable.

55

Or, il ne saurait être déduit de la circonstance qu’un accord pourrait être soustrait, en raison de sa nature, de son objet et des objectifs de politique sociale qu’il poursuit, au champ d’application des dispositions de l’article 81, paragraphe 1, CE que les négociations collectives ou les parties impliquées dans celles-ci sont également, entièrement et automatiquement, soustraites aux règles du traité en matière d’aides d’État ou qu’un recours en annulation que ces parties pourraient éventuellement introduire serait presque automatiquement considéré comme irrecevable en vertu de leur implication dans ces négociations.

56

En effet, il est difficile de discerner de quelle manière les objectifs de politique sociale poursuivis par des accords collectifs pourraient être sérieusement compromis — un tel risque étant la ratio de l’exclusion desdits accords du champ d’application de l’article 85, paragraphe 1, du traité dans l’arrêt Albany, précité — par le fait d’admettre que, lorsqu’il négocie les termes et conditions de travail de ses membres, un syndicat tel que le requérant pourrait être dans une position concurrentielle vis-à-vis d’autres syndicats dont les membres bénéficient de conditions salariales différentes en raison de la création d’un registre tel que le registre DIS.

57

Bien au contraire, exclure a priori la possibilité, dans une affaire telle que celle ayant donné lieu au présent litige, qu’un syndicat puisse démontrer qu’il est une personne intéressée au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE, en se prévalant de son rôle lors de négociations collectives et des effets sur ce rôle de mesures fiscales nationales considérées par la Commission comme étant des aides compatibles avec le marché commun, serait de nature à compromettre les mêmes objectifs de politique sociale qui ont conduit la Cour à exclure de l’application de l’article 85, paragraphe 1, du traité l’accord collectif en cause dans l’arrêt Albany, précité.

58

Cette conclusion est confortée par le fait que, la Communauté ayant non seulement une finalité économique, mais également une finalité sociale, les droits résultant des dispositions du traité relatives aux aides d’État et à la concurrence doivent, le cas échéant, être mis en balance avec les objectifs poursuivis par la politique sociale, parmi lesquels figurent, notamment, ainsi qu’il ressort de l’article 136, premier alinéa, CE, l’amélioration des conditions de vie et de travail, permettant leur égalisation dans le progrès, une protection sociale adéquate et le dialogue social (voir, en ce sens, en ce qui concerne les dispositions du traité relatives à la liberté d’établissement, arrêt du 11 décembre 2007, International Transport Workers’ Federation et Finnish Seamen’s Union, C-438/05, Rec. p. I-10779, point 79).

59

Certes, ainsi qu’il ressort du point 33 du présent arrêt, le requérant doit toujours démontrer, à suffisance de droit, l’affectation éventuelle de ses intérêts par l’octroi de l’aide, ce qu’il lui est possible de faire en établissant qu’il est, en fait, dans une position concurrentielle vis-à-vis d’autres syndicats opérant sur le même marché. Toutefois, une telle possibilité ne saurait être exclue a priori en faisant référence à la jurisprudence issue de l’arrêt Albany, précité, ou à une interprétation excessivement restrictive de la notion de «marché» dans le cadre de l’examen du statut d’intéressé au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE d’une organisation, telle qu’une organisation syndicale, cherchant à faire valoir la recevabilité de son recours en annulation.

60

Le Tribunal ayant interprété l’arrêt Albany, précité, de manière erronée, et n’ayant pas, en conséquence, répondu à l’argument du requérant relatif à la position concurrentielle de ce dernier à l’égard d’autres syndicats lors de la négociation de conventions collectives applicables aux marins, il convient en conséquence d’annuler l’ordonnance attaquée sur ce point.

Sur le deuxième moyen

Argumentation des parties

61

Le requérant soutient, en ce qui concerne les points 35 et 36 de l’ordonnance attaquée, que c’est à tort que le Tribunal, après avoir rappelé l’ordonnance du Tribunal Comité d’entreprise de la Société française de production e.a./Commission, précitée, n’a pas examiné les aspects sociaux qui découlent implicitement des conditions légales d’autorisation des réductions fiscales pour les marins de la Communauté, à savoir les orientations communautaires, et a conclu qu’il ne pouvait se prévaloir du principe développé dans ladite ordonnance.

62

Selon le requérant, les orientations communautaires font une distinction implicite entre les «marins de la Communauté» et les autres marins. Cette distinction constituerait une forme de reconnaissance de l’existence d’un «quid pro quo» social à satisfaire en contrepartie de l’autorisation de l’aide d’État aux sociétés de transport maritime. L’exonération fiscale dont bénéficie la rémunération des marins serait justifiée par la nécessité de compenser le coût plus élevé que représente l’engagement de marins de la Communauté par comparaison avec celui des marins des États tiers. Ce serait de cette façon que pourrait être atteint l’objectif de préservation d’emplois communautaires, qui était l’un des objectifs des orientations communautaires. Les aspects sociaux desdites orientations toucheraient aux conditions mêmes auxquelles l’aide peut ou non être approuvée. En tant que représentant des marins danois, le requérant aurait été susceptible de présenter des observations sur les aspects sociaux de l’aide découlant des mesures fiscales en cause au cas où la Commission aurait ouvert la procédure conformément à l’article 88, paragraphe 2, CE.

63

La Commission estime que, même si le deuxième moyen ne doit pas être rejeté comme inopérant, à l’instar du premier moyen, en tout état de cause il n’est pas fondé. Le Tribunal aurait eu tout à fait raison de considérer que les aspects sociaux n’avaient qu’un lien indirect avec l’objet de la décision litigieuse. D’une part, la Commission fait valoir que, comme le Tribunal l’a relevé à bon droit, le registre DIS n’octroie pas une aide d’État. D’autre part, le requérant, dont le pourvoi est dirigé contre une ordonnance d’irrecevabilité, chercherait par ce moyen à engager le débat au fond au moyen d’allégations relatives à la portée des orientations communautaires. L’objet de celles-ci serait tout simplement dénué de pertinence pour déterminer la recevabilité d’un tel recours.

Appréciation de la Cour

64

Il convient, à titre liminaire, de relever que, lors de l’appréciation de la compatibilité d’une aide d’État dans le secteur du transport maritime telle que celle en cause en l’espèce, les aspects sociaux des orientations communautaires sont susceptibles d’être pris en compte par la Commission dans le cadre d’une appréciation globale qui intègre un grand nombre de considérations de nature diverse, liées notamment à la protection de la concurrence, à la politique maritime de la Communauté, à la promotion des transports maritimes communautaires ou encore à la promotion de l’emploi (voir, en ce sens, arrêt du 23 mai 2000, Comité d’entreprise de la Société française de production e.a./Commission, C-106/98 P, Rec. p. I-3659, point 52).

65

En outre, ainsi qu’il ressort du point 33 du présent arrêt, il n’est pas exclu qu’un syndicat de travailleurs soit considéré comme étant une personne «intéressée» au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE lorsqu’il démontre que lui-même ou ses affiliés seront éventuellement affectés dans leurs intérêts pour l’octroi d’une aide.

66

Au point 36 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a jugé que les aspects sociaux relatifs au registre DIS ne présentent qu’un lien indirect avec l’objet de la décision litigieuse et avec le recours en annulation introduit devant lui par le requérant. Il en a conclu, en conséquence, que ce dernier ne saurait se prévaloir de ces aspects sociaux pour justifier de sa qualité de personne individuellement concernée.

67

Il n’est pas contesté que le registre DIS ne constitue pas lui-même une aide d’État. En effet, ainsi qu’il ressort de l’arrêt du 17 mars 1993, Sloman Neptun (C-72/91 et C-73/91, Rec. p. I-887), un régime tel que celui institué par le registre DIS, qui permet de soumettre les contrats de travail conclus avec des marins ressortissants d’États tiers n’ayant pas de domicile ou de résidence fixe dans l’État membre concerné à des conditions de travail et de rémunération qui ne relèvent pas du droit de cet État membre et sont sensiblement moins favorables que celles des marins ressortissants de ce dernier, ne constitue pas une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE.

68

C’est pour cette raison que le recours en annulation introduit par le requérant était dirigé non pas contre le registre DIS, mais contre les mesures fiscales en cause, lesquelles sont applicables aux marins employés sur les navires inscrits sur ce registre.

69

Au lieu d’examiner, ainsi qu’il l’a fait au point 36 de l’ordonnance attaquée, si les aspects sociaux du registre DIS présentaient un lien suffisamment direct avec l’objet de la décision litigieuse, le Tribunal aurait dû examiner les aspects sociaux découlant des mesures fiscales en cause eu égard aux orientations communautaires — celles-ci comportant les conditions légales pour l’appréciation de la compatibilité du régime fiscal danois ainsi que le requérant l’a fait valoir — afin d’apprécier si les arguments tirés par le requérant desdites orientations étaient suffisants pour établir sa qualité de personne intéressée au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE.

70

Dès lors qu’il ne peut pas être exclu que des organismes représentant les travailleurs des entreprises bénéficiaires d’une aide puissent, en tant qu’intéressés au sens de ladite disposition du traité, présenter à la Commission leurs observations sur des considérations d’ordre social susceptibles, le cas échéant, d’être prises en compte par celle-ci, le fait que le Tribunal n’a effectivement pas répondu à l’argument du requérant relatif aux aspects sociaux découlant des mesures fiscales en cause eu égard aux orientations communautaires doit conduire à l’annulation de l’ordonnance attaquée sur ce point.

Sur le troisième moyen

Argumentation des parties

71

Par son troisième moyen, le requérant soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit, au point 37 de l’ordonnance attaquée, en rejetant comme non pertinent le mode de transmission de l’aide découlant des mesures fiscales en cause, à savoir le fait que celle-ci est transférée aux armateurs par l’intermédiaire des membres du requérant.

72

À cet égard, ce dernier fait valoir que, dans l’arrêt Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, précité, la Cour a jugé qu’une association constituée pour promouvoir les intérêts collectifs d’une catégorie de justiciables ne peut être regardée comme étant individuellement concernée au sens de l’arrêt Plaumann/Commission, précité, que pour autant que la position sur le marché des membres de cette association est substantiellement affectée par le régime d’aides qui fait l’objet de la décision en cause. La Cour aurait analysé l’expression «position sur le marché» du point de vue des «opérateurs économiques». Selon le requérant, il n’y a aucune raison de principe pour que les travailleurs ne puissent être considérés comme des opérateurs économiques dès lors que la législation nationale ou les orientations communautaires leur accordent une attention particulière en déterminant les conditions dans lesquelles il peut être considéré que l’aide est compatible avec le marché commun au sens de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE.

73

La Commission fait valoir tout d’abord que l’arrêt Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, précité, qui a été rendu dans une affaire concernant une aide directe octroyée aux agriculteurs, n’a aucun rapport avec la constatation faite par le Tribunal au point 37 de l’ordonnance attaquée, selon laquelle la décision litigieuse est fondée sur les avantages reçus par les bénéficiaires de l’aide, à savoir les armateurs, et non sur le mode de transmission de cette dernière. Ensuite, ledit arrêt ne serait pas pertinent en l’espèce, dès lors qu’il concernait l’adoption d’une décision en matière d’aides d’État par la Commission après que cette dernière eut ouvert la procédure de l’article 88, paragraphe 2, CE. Enfin, même si ledit arrêt était pertinent en l’espèce, la Commission rappelle que celui-ci ne signifie pas que les travailleurs sont individuellement concernés par une décision de la Commission autorisant une aide. Le point 72 du même arrêt se fonderait explicitement sur l’affirmation selon laquelle «certains des membres d’[Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum sont] des opérateurs économiques pouvant être considérés comme des concurrents directs des bénéficiaires des aides». En revanche, les membres du requérant sont des marins qui ne peuvent être considérés comme des concurrents directs des armateurs et ne sont pas des «opérateurs économiques» au sens dudit arrêt.

74

Dans ces circonstances, la Commission estime que le troisième moyen du pourvoi doit être considéré comme non fondé.

Appréciation de la Cour

75

Il convient de rappeler que, au point 37 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a constaté que le requérant ne saurait être considéré comme individuellement concerné du seul fait que l’aide en cause est transférée à ses bénéficiaires en raison de la réduction des prétentions salariales des marins bénéficiant de l’exemption de l’impôt sur le revenu instaurée par les mesures fiscales en cause. En effet, selon lui, la décision litigieuse est fondée sur les avantages reçus par les bénéficiaires de l’aide et non sur le mode de transmission de cette dernière.

76

À la différence du recours en annulation introduit devant le Tribunal par le requérant, faisant grief à la Commission de ne pas avoir ouvert la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE et visant, en dernière analyse, à faire sauvegarder les droits procéduraux conférés par cette disposition, le recours en annulation dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, précité, concernait la décision de la Commission clôturant une telle procédure.

77

Il s’ensuit que, dans ladite affaire, la Cour cherchait à déterminer si la position sur le marché des membres d’Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, une association constituée pour promouvoir les intérêts collectifs d’une catégorie de justiciables, était substantiellement affectée par le régime d’aides qui faisait l’objet de la décision en cause.

78

En l’espèce, ainsi qu’il ressort du point 28 de l’ordonnance attaquée, le requérant devait établir devant le Tribunal sa qualité de personne intéressée au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE, l’application de la jurisprudence issue de l’arrêt Plaumann/Commission, précité, comme dans l’arrêt Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, précité, n’étant pas pertinente de prime abord.

79

À supposer même que le Tribunal aurait dû considérer le mode de transmission de l’aide découlant de mesures fiscales en cause et le rôle à cet égard des employés des armateurs, membres du requérant, il convient de rappeler que, aux points 31 à 33 de l’ordonnance attaquée, cette juridiction avait déjà jugé en l’espèce que ni ce dernier, en tant que syndicat de marins, ni ses membres, en tant que travailleurs employés par les bénéficiaires de l’aide, ne sont des concurrents de ceux-ci. En ce qui concerne notamment les membres de ce syndicat, le Tribunal a constaté que, dès lors qu’ils semblaient être des personnes correspondant à la définition des travailleurs au sens de l’article 39 CE, ils ne constituent pas eux-mêmes des entreprises.

80

À l’exception de l’application erronée en l’espèce de l’arrêt Albany, précité, dans la seconde partie du point 32 de l’ordonnance attaquée — qui fait l’objet du premier moyen du pourvoi — le requérant n’a pas contesté les conclusions auxquelles le Tribunal a abouti auxdits points 31 à 33 de celle-ci. Dans ces circonstances, il ne saurait faire valoir la qualité d’opérateurs économiques de ses membres dont la position sur le marché est affectée pour contester la conclusion à laquelle est parvenu le Tribunal au point 37 de l’ordonnance attaquée, selon laquelle le recours n’est pas recevable du seul fait que l’aide est transférée aux armateurs en raison de la réduction des prétentions salariales de ces membres du fait qu’ils bénéficient de l’exonération de l’impôt sur le revenu instaurée par les mesures fiscales en cause.

81

Dans ces circonstances, il convient de rejeter le troisième moyen invoqué au soutien du pourvoi comme étant non fondé.

Sur le quatrième moyen

Argumentation des parties

82

Le requérant soutient que, en concluant qu’il n’a pas établi que ses intérêts propres en tant que négociateur étaient susceptibles d’être directement affectés par l’aide découlant des mesures fiscales en cause et en distinguant sa situation en l’espèce de celle du Landbouwschap, un organisme de droit public agissant en tant que représentant des intérêts du secteur de l’horticulture sous serre aux Pays-Bas, dans l’arrêt Kwekerij van der Kooy e.a./Commission, précité, et de celle du Comité international de la rayonne et des fibres synthétiques (CIRFS) dans l’arrêt CIRFS e.a./Commission, précité, le Tribunal a effectué une interprétation trop étroite de ces arrêts.

83

Le requérant fait valoir qu’il a un rôle de négociateur avec les sociétés de transport maritime et que, en tant que tel, il négocie les conditions d’engagement de ses membres et, dès lors, les conditions dans lesquelles l’aide accordée est transférée de l’État danois à ses bénéficiaires. En ce sens, il estime qu’il remplit une fonction analogue à celle du Landbouwschap qui négociait les conditions dans lesquelles l’aide devait être transférée de l’État néerlandais aux horticulteurs, ainsi que le Tribunal l’admet au point 40 de l’ordonnance attaquée en indiquant que le requérant a participé «au mécanisme de répercussion de l’aide aux armateurs». De même, bien que ce dernier n’ait pas négocié les conditions prévues par les orientations communautaires, il n’en représenterait pas moins un groupe clairement identifié de marins de la Communauté qui occupe une position particulière au titre de ces orientations.

84

La Commission estime que le quatrième moyen doit être rejeté comme non fondé. Elle fait valoir, notamment, que c’est à bon droit que le Tribunal a considéré que la situation en cause en l’espèce n’est pas comparable à celles des affaires ayant donné lieu aux arrêts précités Kwekerij van der Kooy e.a./Commission ainsi que CIRFS e.a./Commission. En effet, dans ces affaires, le requérant occupait une position de négociateur clairement circonscrite et intimement liée à l’objet même de la décision en cause, le mettant dans une situation de fait qui le caractérisait par rapport à toute autre personne. Contrairement à ce que prétend le requérant, celui-ci n’aurait nullement négocié les conditions dans lesquelles l’aide découlant des mesures fiscales en cause est transférée de l’État danois aux bénéficiaires de celle-ci et il n’a pas non plus négocié les conditions prévues par les orientations communautaires.

Appréciation de la Cour

85

Il convient, à titre liminaire, de rappeler que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Kwekerij van der Kooy e.a./Commission, précité, le Landbouwschap avait négocié avec le fournisseur de gaz le tarif préférentiel contesté par la Commission et figurait, en outre, parmi les signataires de l’accord ayant établi ce tarif. De même, à ce titre, cet organisme avait été obligé d’entamer de nouvelles négociations tarifaires avec le fournisseur et de conclure un nouvel accord pour mettre à exécution la décision de la Commission.

86

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt CIRFS e.a./Commission, précité, le CIRFS avait été l’interlocuteur de la Commission au sujet de l’instauration d’une «discipline» en matière d’aides dans le secteur des fibres synthétiques ainsi que de la prorogation et de l’adaptation de celle-ci et il avait poursuivi activement des négociations avec la Commission pendant la procédure ayant précédé le litige, notamment en lui soumettant des observations écrites et en se maintenant en contact étroit avec les services compétents de cette institution.

87

Selon la jurisprudence de la Cour, les affaires ayant abouti aux arrêts précités Kwekerij van der Kooy e.a./Commission et CIRFS e.a./Commission concernaient ainsi des situations particulières dans lesquelles le requérant occupait une position de négociateur clairement circonscrite et intimement liée à l’objet même de la décision, le mettant dans une situation de fait qui le caractérisait par rapport à toute autre personne (arrêt Comité d’entreprise de la Société française de production e.a./Commission, précité, point 45).

88

Il convient de préciser que la Cour a été amenée à envisager l’application de cette jurisprudence dans des recours visant l’annulation d’une décision de la Commission clôturant la procédure ouverte au titre de l’article 88, paragraphe 2, CE. Elle a jugé que certaines associations d’opérateurs économiques ayant participé activement à la procédure en vertu de cette disposition doivent être reconnues comme individuellement concernées par une telle décision, dans la mesure où elles sont affectées en leur qualité de négociatrices (voir, en ce sens, arrêt Comité d’entreprise de la Société française de production e.a./Commission, précité, points 40 à 42).

89

Elle a également constaté, en examinant la recevabilité du recours en annulation introduit par le CIRFS, que ce recours devait être interprété comme visant l’annulation du refus de la Commission d’ouvrir la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE.

90

Il en ressort que cette jurisprudence pourrait trouver à s’appliquer, dans les limites précisées par la Cour, aux recours visant l’annulation tant d’une décision de la Commission clôturant la procédure ouverte au titre de l’article 88, paragraphe 2, CE que d’une décision de ne pas soulever d’objections et, partant, de ne pas ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à cette disposition.

91

Quant à la question de savoir si, en appliquant cette jurisprudence à la situation du requérant en l’espèce, le Tribunal a commis une erreur de droit, il convient de rappeler que la décision litigieuse concerne des mesures fiscales adoptées par le législateur danois relatives aux marins employés sur les navires inscrits sur le registre DIS, que cette inscription permet, ainsi qu’il ressort du point 5 du présent arrêt, le versement auxdits marins d’une rémunération conforme au droit national de ces derniers et que la plainte déposée par le requérant devant la Commission concernait la compatibilité desdites mesures fiscales avec les orientations communautaires, adoptées par la Commission sans aucune participation particulière de ce dernier.

92

Eu égard à ces circonstances, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en considérant que la situation du requérant n’est pas comparable à celles du Landbouwschap ou du CIRFS, situations qu’il a, à bon droit, qualifiées de tout à fait spécifiques, voire d’exceptionnelles. En effet, le requérant, qui ne constitue que l’un des nombreux syndicats de l’Union européenne représentant, notamment, les marins, ainsi que l’un des nombreux syndicats opérant au Danemark et qui n’est pas le seul représentant des marins, n’a pas occupé une position de négociateur clairement circonscrite et étroitement liée à l’objet même de la décision litigieuse. Il n’a pas été directement impliqué dans l’adoption par le législateur danois des mesures fiscales en cause au sujet desquelles la Commission a décidé de ne pas soulever d’objections, son opposition à celles-ci ne suffisant pas pour le qualifier de négociateur au sens des arrêts précités Kwekerij van der Kooy e.a/Commission ainsi que CIRFS e.a./Commission.

93

Ledit syndicat n’a pas non plus été étroitement associé au processus d’adoption par la Commission des orientations communautaires, l’incompatibilité des mesures fiscales en cause avec le marché commun ressortant, selon lui, des termes de celles-ci.

94

Certes, le requérant a porté plainte devant la Commission à l’encontre desdites mesures fiscales, mais ce seul fait ne lui permet pas, ainsi qu’il l’admet lui-même dans le cadre de son pourvoi, d’établir une position de négociateur au sens des arrêts précités Kwekerij van der Kooy e.a./Commission ainsi que CIRFS e.a./Commission.

95

Même si un recours tendant à l’annulation d’une décision de la Commission de ne pas soulever d’objections et donc de ne pas ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE est jugé recevable, lorsque le requérant démontre être un intéressé au sens de cette disposition — les critères plus stricts dégagés par la jurisprudence issue de l’arrêt Plaumann/Commission, précité, n’étant pas applicables dans ce cas —, interpréter la jurisprudence citée au point précédent du présent arrêt comme visant toute personne ayant porté plainte devant la Commission aboutirait à vider de sa substance la jurisprudence examinée dans le cadre du premier moyen et citée au point 30 de l’ordonnance attaquée relative à l’incidence sur la position concurrentielle du requérant.

96

Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen du pourvoi comme étant non fondé.

Sur la recevabilité du recours de première instance

97

Conformément aux termes de l’article 61, premier alinéa, seconde phrase, du statut de la Cour de justice, cette dernière peut, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, statuer définitivement sur le litige lorsque celui-ci est en état d’être jugé.

98

Si la Cour n’est pas en mesure, à ce stade de la procédure, de statuer sur le fond du recours introduit devant le Tribunal, elle dispose en revanche des éléments nécessaires pour statuer définitivement sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission au cours de la procédure de première instance.

99

Au regard des circonstances particulières de l’espèce, il y a lieu de rejeter ladite exception.

100

En ce qui concerne la suffisance des éléments apportés par le requérant de nature à établir, dans les circonstances de l’espèce, que la décision litigieuse risquait d’avoir une incidence concrète sur sa situation ou celle des marins qu’il représente, il convient de rappeler que le requérant est un organisme représentant des travailleurs qui négocie les termes et les conditions dans lesquels la main-d’œuvre est fournie aux entreprises, y compris aux armateurs dont les navires sont inscrits sur le registre DIS.

101

Selon le requérant, l’exonération fiscale dont bénéficie la rémunération des marins serait justifiée par la nécessité de compenser le coût plus élevé que représente l’engagement de marins de la Communauté par comparaison avec celui des marins provenant d’États tiers. Ce serait de cette manière que pourrait être atteint l’objectif de préservation d’emplois communautaires, qui était l’un des objectifs des orientations communautaires. Les aspects sociaux desdites orientations toucheraient aux conditions mêmes auxquelles l’aide peut ou non être approuvée.

102

Ainsi qu’il ressort du point 70 du présent arrêt, il ne peut pas être exclu que, en tant que représentant notamment des marins danois, le requérant puisse présenter à la Commission ses observations sur des considérations d’ordre social susceptibles, le cas échéant, d’être prises en compte par celle-ci au cas où elle aurait ouvert la procédure formelle d’examen prévue par l’article 88, paragraphe 2, CE.

103

Les orientations communautaires reconnaissent elles-mêmes, dans le contexte spécifique de la réduction des coûts salariaux dans le secteur maritime, le rôle particulier joué par des représentants syndicaux lors de négociations salariales. Il ressort du point 3.2, sixième alinéa, desdites orientations que «[l]’allégement des charges fiscales ne dispenserait pas les armateurs de négocier des accords salariaux avec des membres d’équipage potentiels et leurs représentants syndicaux. Les marins des États membres à bas salaires présenteraient donc toujours un avantage concurrentiel par rapport aux marins des États membres où les salaires sont plus élevés. De toute manière, les marins communautaires demeureront plus chers que les marins les moins chers sur le marché mondial».

104

Le requérant ayant expliqué de quelle manière les mesures fiscales en cause pourraient affecter sa position et celle de ses membres lors de négociations collectives avec les armateurs dont les navires sont inscrits sur le registre DIS et les orientations communautaires ayant reconnu le rôle des syndicats, tels que le requérant, lors de ces négociations, il convient de relever que celui-ci a établi, à suffisance de droit, l’affectation éventuelle de ses intérêts et ceux desdits membres par la décision litigieuse.

105

Il convient en outre de rappeler que le requérant avait, en l’espèce, déposé une plainte devant la Commission à l’encontre du Royaume de Danemark à l’égard des mesures fiscales en cause en arguant qu’elles sont contraires aux orientations communautaires et, partant, à l’article 87 CE. Si le fait de déposer une telle plainte devant la Commission ne suffit pas, à lui seul, à établir la qualité de personne intéressée au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE, il n’en demeure pas moins que lesdites mesures n’ont pas été notifiées à la Commission par ledit État membre et que c’est l’introduction de la plainte du requérant qui a permis à cette institution d’examiner la compatibilité de celles-ci avec le marché commun. En outre, la Commission a pris presque quatre ans pour conclure à la compatibilité desdites mesures et pendant tout ce temps le requérant a été en contact étroit avec cette dernière.

106

Il convient également de signaler que la présente affaire se distingue de celle ayant donné lieu à l’arrêt Comité d’entreprise de la Société française de production e.a./Commission, précité. Dans cette dernière affaire, les requérants ont introduit un recours à l’encontre d’une décision de la Commission qui, après avoir ouvert la procédure prévue à l’article 93, paragraphe 2, du traité, a déclaré que l’aide était incompatible avec le marché commun. En revanche, le présent recours vise une décision de la Commission par laquelle celle-ci, sans avoir ouvert la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE, constate qu’une aide est compatible avec le marché commun. De même, dans l’affaire ayant donné lieu audit arrêt Comité d’entreprise de la Société française de production e.a./Commission, les requérants n’ont pas participé à la procédure ouverte au titre de l’article 93, paragraphe 2, du traité, alors que, dans la présente affaire, la Commission a omis d’ouvrir la procédure formelle d’examen, malgré la plainte déposée par le requérant et les contacts maintenus entre ce dernier et la Commission jusqu’à la date à laquelle celle-ci a conclu à la compatibilité desdites mesures.

107

La situation décrite concernant la présente affaire indique que les intérêts tant du requérant lui-même que de ses affiliés apparaissent susceptibles d’être éventuellement affectés par l’octroi de l’aide.

108

Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission à l’encontre du recours introduit devant le Tribunal par le requérant. Celui-ci peut être considéré, dans les circonstances particulières de l’espèce, comme étant une personne intéressée au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE et, en conséquence, son recours doit être déclaré recevable.

109

Dans ces circonstances, il convient de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue sur les conclusions du requérant tendant à l’annulation de la décision litigieuse.

 

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

 

1)

L’ordonnance du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 23 avril 2007, SID/Commission (affaire T-30/03), est annulée en tant qu’il n’a pas répondu aux arguments de 3F relatifs, d’une part, à la position concurrentielle de ce dernier à l’égard d’autres syndicats lors de la négociation de conventions collectives applicables aux marins et, d’autre part, aux aspects sociaux découlant des mesures fiscales relatives aux marins employés sur les navires inscrits sur le registre international danois des navires.

 

2)

L’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission des Communautés européennes devant le Tribunal de première instance des Communautés européennes est rejetée.

 

3)

L’affaire est renvoyée devant le Tribunal de première instance des Communautés européennes pour qu’il statue sur les conclusions de 3F tendant à l’annulation de la décision de la Commission C(2002) 4370 final, du 13 novembre 2002, de ne pas soulever d’objections à l’égard des mesures fiscales danoises applicables aux marins employés à bord des navires inscrits sur le registre international danois.

 

4)

Les dépens sont réservés.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: l’anglais.