CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 16 juillet 2009 ( 1 )

Affaire C-540/07

Commission des Communautés européennes

contre

République italienne

«Manquement d’État — Libre circulation des capitaux — Article 56 CE — Articles 31 et 40 de l’accord sur l’EEE — Fiscalité directe — Retenue à la source opérée sur les dividendes sortants — Imputation au siège du bénéficiaire du dividende, en vertu d’une convention préventive de la double imposition»

I — Introduction

1.

Dans le présent recours, la Commission des Communautés européennes s’en prend à la réglementation italienne concernant la retenue à la source sur les dividendes. Les dividendes distribués par les entreprises italiennes à des sociétés établies dans un autre État membre ou dans un État de l’Espace économique européen (EEE) (ci-après les «dividendes sortants») seraient imposés plus lourdement que ceux versés à des bénéficiaires établis sur le territoire national. La République italienne enfreindrait de la sorte la libre circulation des capitaux ainsi que, dans ses relations avec les États de l’EEE, la liberté d’établissement.

2.

La République italienne objecte notamment que toutes les conventions préventives de la double imposition conclues par elle contiendraient des clauses prévoyant une imputation de l’impôt retenu à la source sur l’impôt dû au siège du bénéficiaire du dividende.

3.

La Cour a déjà constaté dans une série de décisions qu’un État membre appliquant une retenue à la source plus élevée sur les dividendes sortants ne saurait se disculper en invoquant la possibilité d’imputation concédée de manière unilatérale par l’État membre destinataire ( 2 ). Elle n’a cependant pas encore dit si toute violation des libertés fondamentales est exclue lorsque la possibilité d’imputation de la retenue à la source est prévue par une convention préventive de la double imposition ( 3 ).

II — Cadre juridique

A — Droit communautaire

4.

Les articles 56 CE et 58 CE forment le cadre juridique du recours, pour autant qu’il se rapporte aux relations entre la République italienne et les autres États membres.

5.

Il faut également mentionner en l’espèce la directive 90/435/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents ( 4 ).

6.

D’après son article 3, paragraphe 1, cette directive exigeait, au cours de la période en cause, une participation d’au moins 20 % pour se voir reconnaître la qualité de société mère ou de filiale ( 5 ). L’article 4 de ladite directive prévoit que, lorsqu’une société mère perçoit des bénéfices d’une filiale établie dans un autre État membre, l’État de la société mère soit s’abstient d’imposer ces bénéfices, soit les impose, mais en autorisant la déduction de l’impôt payé par la filiale au lieu de son siège. Enfin, l’article 5 de cette directive exige que les bénéfices distribués par une filiale à sa société mère soient exonérés de retenue à la source.

7.

Concernant les relations entre la République italienne et les États de l’EEE, la Commission fait encore valoir la violation des articles 31 et 40 de l’accord sur l’Espace économique européen du 2 mai 1992 ( 6 ) (ci-après l’«accord sur l’EEE»), qui disposent:

«Article 31

1.   Dans le cadre du présent accord, les restrictions à la liberté d’établissement des ressortissants d’un État membre de la CE ou d’un État de l’AELE sur le territoire d’un autre de ces États sont interdites. La présente disposition s’étend également à la création d’agences, de succursales ou de filiales par les ressortissants d’un État membre de la CE ou d’un État de l’AELE, établis sur le territoire de l’un de ces États.

La liberté d’établissement comporte l’accès aux activités non salariées et leur exercice ainsi que la constitution et la gestion d’entreprises, notamment de sociétés au sens de l’article 34 deuxième alinéa, dans les conditions définies par la législation du pays d’établissement pour ses propres ressortissants, sous réserve des dispositions du chapitre 4.

2.   Les dispositions particulières applicables au droit d’établissement figurent aux annexes VIII à XI.

[…]

Article 40

Dans le cadre du présent accord, les restrictions entre les parties contractantes aux mouvements des capitaux appartenant à des personnes résidant dans les États membres de la CE ou dans les États de l’AELE, ainsi que les discriminations de traitement fondées sur la nationalité ou la résidence des parties ou sur la localisation du placement, sont interdites. Les dispositions nécessaires à l’application du présent article figurent à l’annexe XII.»

B — Dispositions italiennes

1. Imposition des dividendes distribués aux résidents

8.

Les dividendes versés à des sociétés et établissements commerciaux (ainsi que, temporairement et pour partie, à des établissements non commerciaux) sont soumis en Italie à un impôt sur le revenu des personnes morales (imposta sul reddito delle società — IRES), conformément au décret législatif du 12 décembre 2003, no 344, portant réforme de l’impôt sur le revenu des personnes morales, en vertu de l’article 4 de la loi du , no 80 (Riforma dell’imposizione sul reddito delle società, a norma dell’articolo 4 della legge 7 aprile 2003, n. 80) ( 7 ).

9.

Depuis cette réforme, l’imposition des dividendes est régie par l’article 89, deuxième alinéa, du Texte consolidé relatif aux impôts sur les revenus (Testo unico delle imposte sui redditi — TUIR), adopté par décret du président de la République du 22 décembre 1986, no 917 ( 8 ) et qui se lit comme suit:

«Les bénéfices distribués, sous quelque forme et sous quelque dénomination que ce soit, même dans les cas visés à l’article 47, paragraphe 7, par les sociétés et établissements visés à l’article 73, paragraphe 1, points a) et b), ne constituent pas un élément du revenu de l’exercice dans lequel ils sont perçus, car ils sont exclus à 95 % de leur montant du revenu de la société ou de l’établissement bénéficiaire.»

10.

Pour sa part, l’article 73, premier alinéa, sous a) et b), du TUIR définit comme suit les redevables de l’impôt sur le revenu des personnes morales:

«a)

les sociétés par actions et les sociétés en commandite par actions, les sociétés à responsabilité limitée, les sociétés coopératives et les sociétés d’assurance mutuelle, établies sur le territoire de l’État;

b)

les organismes publics et privés autres que les sociétés, établies sur le territoire de l’État, qui ont l’exercice d’activités commerciales pour objet exclusif ou principal».

2. L’imposition des dividendes sortants

11.

Conformément à l’article 27, troisième alinéa, du décret du président de la République italienne du 29 septembre 1973, no 600, portant dispositions communes en matière d’établissement de l’impôt sur le revenu [Disposizioni comuni in materia di accertamento delle imposte sui redditi (ci-après le «DPR no 600/73»)] ( 9 ), les dividendes distribués dans d’autres États membres ou dans des États de l’EEE donnent lieu à une retenue à la source. Cette disposition se lit comme suit:

«La retenue est opérée à titre d’impôt et au taux de 27 % sur les bénéfices distribués à des personnes ne résidant pas sur le territoire national. Le taux de la retenue est réduit à 12,50 % pour les bénéfices payés aux détenteurs d’actions d’épargne. Les non-résidents autres que les détenteurs d’actions d’épargne ont droit au remboursement, jusqu’à concurrence de quatre neuvièmes de la retenue, de l’impôt dont il est établi qu’il a été payé à l’étranger à titre définitif sur les mêmes bénéfices par un certificat délivré par l’autorité fiscale compétente de l’État étranger.»

12.

L’article 27 bis du DPR no 600/73 prévoit le remboursement ou, à certaines conditions, l’exemption de la retenue pour des sociétés établies dans d’autres États membres et remplissant les conditions de seuil et de durée de participation figurant dans la directive 90/435.

13.

D’après des renseignements fournis par le gouvernement italien et par la Commission en réponse à une question posée par la Cour, la République italienne aurait conclu des conventions préventives de la double imposition avec tous les États membres, à l’exception de la Slovénie, ainsi qu’avec la Norvège et l’Islande, qui sont membres de l’EEE.

14.

Ces conventions sont calquées sur le modèle de convention de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Elles attribuent en règle générale le pouvoir d’imposer les dividendes au pays dans lequel est établi le bénéficiaire de ceux-ci; elles autorisent cependant l’État d’origine à pratiquer un prélèvement à la source plafonné à 15 % (10 % dans le cadre des accords avec la Bulgarie, la Pologne, la Roumanie et la Hongrie). Certaines conventions ramènent le taux de retenue à la source à 0 %, 5 % ou 10 % lorsque la participation dépasse un certain seuil (par exemple 10 %, 25 % ou 50 % des parts) ( 10 ). Pour éviter la double imposition, toutes les conventions exigent que l’État du bénéficiaire du dividende accepte que l’impôt retenu à la source en Italie soit déduit de celui dû dans l’État du bénéficiaire, dans la limite du montant de ce dernier (imputation ordinaire).

III — Procédure préalable et recours

15.

Sur plainte déposée par une entreprise norvégienne au sujet du traitement fiscal des dividendes distribués par des sociétés italiennes à des bénéficiaires norvégiens, la Commission a ouvert une instruction sur le fondement de l’article 109, paragraphe 4, de l’accord sur l’EEE. Par la suite, elle a étendu la procédure au régime fiscal applicable aux dividendes distribués à des personnes résidant dans des États de la Communauté européenne; le 18 octobre 2005, elle a adressé à la République italienne une lettre de mise en demeure au titre de l’article 226 CE. La République italienne a répondu par courrier du .

16.

N’étant pas satisfaite de la réponse, la Commission a envoyé le 4 juillet 2006 un avis motivé, dans lequel elle fixait à la République italienne un délai de deux mois pour mettre fin à l’infraction. La République italienne n’a réagi que par courrier du . Finalement, par lettre du , elle a communiqué un projet de modification du DPR no 600/73 qui est entré en vigueur le .

17.

Le 30 novembre 2007, la Commission a introduit le présent recours, dans lequel elle conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

1)

constater que, en maintenant en vigueur, pour les dividendes distribués à des sociétés établies dans les autres États membres et dans les États parties à l’accord sur l’EEE, un régime fiscal moins favorable que le régime appliqué aux dividendes distribués aux actionnaires résidents, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 56 CE et 40 de l’accord sur l’Espace économique européen en ce qui concerne la libre circulation des capitaux entre États membres et entre les États parties à l’accord en question, ainsi qu’aux obligations visées à l’article 31 de cet accord quant à la liberté d’établissement dans les États parties à cet accord;

2)

condamner la République italienne aux dépens.

18.

La République italienne conclut au rejet du recours et à la condamnation de la Commission aux dépens.

19.

La Commission fait valoir en substance que les dividendes distribués par des entreprises italiennes à des sociétés résidentes seraient moins lourdement imposés que ceux qu’elles versent à des non-résidents établis dans un autre État membre ou dans un État de l’EEE.

20.

Pour les résidents redevables de l’impôt sur le revenu des sociétés, les dividendes seraient exemptés à 95%, en vertu de l’article 89, paragraphe 2, du TUIR. Seuls 5 % des dividendes seraient soumis au taux normal de l’impôt sur le revenu des sociétés, qui est de 33 %, de sorte qu’un dividende de 100 euros ne serait imposé qu’à 1,65 euro.

21.

Pour les non-résidents, l’article 27 du DPR no 600/73 prévoirait une retenue à la source de 27%, dont 4/9 pourraient être remboursés sur demande. Pour 100 de dividende, l’impôt serait donc de 15 (5/9 de 27 % de 100). Les conventions préventives de la double imposition permettraient quelquefois de ramener ce taux à 5 % et 10 %, mais il resterait malgré tout supérieur à celui grevant les résidents; la Commission a illustré cela en se fondant sur l’exemple des conventions passées par l’Italie avec la France, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Norvège.

22.

Les entreprises d’autres États membres ne sont cependant touchées par le taux plus élevé de la retenue à la source que si le seuil de participation prévu par la directive 90/435 n’est pas atteint. Si le seuil est atteint, l’article 27 bis du DPR no 600/73 prévoit le remboursement de la retenue, voire l’exemption d’impôt dans certains cas. C’est la raison pour laquelle la Commission ne fait valoir, pour les dividendes payés à des actionnaires d’autres États membres, qu’une violation de la libre circulation des capitaux.

23.

Pour les dividendes sortants payés à des résidents d’États de l’EEE, l’Italie perçoit la retenue à la source non pas seulement pour les participations de portefeuille, mais également pour les participations de contrôle. Dans ce contexte, la Commission considère donc qu’il y a violation à la fois de la libre circulation des capitaux et de la liberté d’établissement garanties par l’accord sur l’EEE.

A — Recevabilité

24.

Selon la République italienne, le recours serait irrecevable, faute d’être suffisamment précis quant à son objet. La Commission aurait évoqué les règles unilatérales de retenue à la source appliquées aux dividendes sortants et un certain nombre de conventions préventives de double imposition conclues avec divers États membres et avec un État de l’EEE. Elle en aurait déduit que le régime fiscal des dividendes sortants serait en totalité incompatible avec le droit communautaire, sans avoir analysé le détail des dispositions pertinentes.

25.

L’article 38, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure prévoit que toute requête introductive d’instance doit contenir, notamment, l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Par conséquent, il incombe à la Commission, dans toute requête déposée au titre de l’article 226 CE, d’indiquer de manière suffisamment précise et cohérente les griefs invoqués, afin de permettre à l’État membre de préparer sa défense et à la Cour de vérifier l’existence du manquement allégué ( 11 ).

26.

En l’espèce, la requête indique clairement les dispositions de droit communautaire que la République italienne aurait enfreintes. Elle expose également les faits constitutifs de l’infraction, à savoir la différence de régime fiscal entre les dividendes payés dans d’autres États membres et dans des États de l’EEE et ceux distribués à des résidents. Enfin, la Commission a décrit les règles nationales en matière d’imposition des dividendes. La République italienne a ainsi pu sans difficulté se défendre contre le reproche qui lui était fait.

27.

Certes, dans la requête, la Commission n’a pas cité les dispositions pertinentes de toutes les conventions de double imposition conclues par la République italienne avec les États membres et avec les États de l’EEE; elle s’est limitée à certains exemples typiques de la pratique italienne en la matière ( 12 ). Cependant, la question de savoir si la Commission a ainsi réussi à prouver le manquement pour tous les États concernés ressortit non à la recevabilité du recours, mais à son bien-fondé.

28.

Partant, le grief d’irrecevabilité doit être rejeté.

B — Bien-fondé

1. Violation de l’article 56 CE en ce qui concerne les dividendes payés dans d’autres États membres

a) Présence d’une restriction (illicite)

29.

Une mesure qui complique le transfert transfrontalier de capitaux ou le rend moins attrayant, et qui est donc de nature à dissuader l’investisseur de l’effectuer, constitue une restriction aux mouvements de capitaux ( 13 ). Dans l’arrêt Amurta, la Cour a déjà constaté en particulier que le fait d’appliquer aux dividendes sortants un traitement fiscal moins favorable qu’aux dividendes distribués à des résidents constitue une restriction à la libre circulation des capitaux prohibée, en principe, par l’article 56 CE ( 14 ).

30.

Ainsi que la Commission l’a exposé, sans être contredite par le gouvernement italien, les dividendes versés à des résidents d’autres États membres sont soumis à une imposition variant entre 5 % et 15 %, lorsque la directive 90/435 n’est pas applicable. En revanche, le taux d’imposition des dividendes distribués à des résidents ne s’élève en fait qu’à 1,65 %.

31.

Le gouvernement italien objecte cependant à cela que les exigences du droit communautaire relatives au traitement fiscal des dividendes sortants étaient encore incertaines le 4 septembre 2006, date d’expiration du délai fixé dans l’avis motivé. Les arrêts pertinents, à savoir Denkavit Internationaal et Denkavit France ainsi que Amurta, n’auraient été rendus qu’après cette date ( 15 ). Dans ces conditions, un État membre ne saurait se voir opposer l’incompatibilité de ses dispositions nationales avec les libertés fondamentales comme étant constitutive d’un manquement au traité CE, au sens de l’article 226 CE.

32.

Je ne puis me rallier à ce point de vue.

33.

Pour constater un manquement au titre de l’article 226 CE, il ne faut nullement que la violation des libertés fondamentales par les dispositions nationales soit patente. Il n’est pas non plus nécessaire que la Cour ait déjà fait une interprétation appropriée des libertés fondamentales au regard de réglementations analogues. L’article 226 CE serait dans une large mesure privé d’effet utile s’il était interdit à la Commission d’ouvrir une procédure en manquement avant que la Cour n’ait adopté de décision pertinente, par exemple au titre de l’article 234 CE. Cela enlèverait en effet à la Commission l’initiative de la poursuite des manquements au traité, laquelle échoirait alors aux juridictions de renvoi.

34.

Le gouvernement italien fait également valoir que, en dehors du champ d’application de la directive 90/435, il n’est pas toujours interdit aux États membres de pratiquer une retenue à la source sur les dividendes sortants. Une telle retenue à la source ne constituerait en réalité une discrimination illicite que si les bénéficiaires résidents et non-résidents sont traités différemment alors qu’ils se trouvent dans une situation comparable. L’imputation de la retenue à la source prévue dans les conventions de double imposition permettrait d’éviter que les actionnaires non-résidents soient désavantagés.

35.

Il y a lieu de constater à cet égard que, pour des participations ne relevant pas de la directive 90/435, il appartient aux États membres de déterminer si et dans quelle mesure la double imposition économique des bénéfices distribués doit être évitée et d’introduire, à cet effet, de façon unilatérale ou au moyen de conventions conclues avec d’autres États membres, des mécanismes visant à prévenir ou à atténuer cette double imposition économique. Toutefois, ce seul fait ne leur permet pas d’appliquer des mesures contraires aux libertés de circulation garanties par le traité ( 16 ).

36.

La différence de traitement exposée ci-dessus entre dividendes payés à des résidents et dividendes sortants constitue en principe une restriction à la libre circulation des capitaux, interdite en tant que telle par l’article 56, paragraphe 1, CE. Il faut cependant examiner si cette restriction est justifiée.

b) Justification de la restriction

i) Conditions générales de la justification

37.

Conformément à l’article 58, paragraphe 1, sous a), CE, «[l]’article 56 ne porte pas atteinte au droit qu’ont les États membres […] d’appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence […]».

38.

La dérogation prévue à l’article 58, paragraphe 1, sous a), CE est elle-même limitée par l’article 58, paragraphe 3, CE, qui prévoit que les dispositions nationales visées au paragraphe 1 de cet article «ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l’article 56» ( 17 ).

39.

Il y a lieu, dès lors, de distinguer les traitements inégaux permis au titre de l’article 58, paragraphe 1, sous a), CE des discriminations interdites par le paragraphe 3 de ce même article. Or, il ressort de la jurisprudence que, pour qu’une réglementation fiscale nationale telle que celle en cause au principal puisse être considérée comme compatible avec les dispositions du traité relatives à la libre circulation des capitaux, il faut que la différence de traitement concerne des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou soit justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général ( 18 ).

40.

Il y a lieu dès lors de vérifier si, au regard de l’objectif de la législation nationale en cause au principal, les bénéficiaires de dividendes redevables de l’impôt sur le revenu des sociétés qui sont établis en Italie et les bénéficiaires de dividendes établis dans un autre État membre se trouvent dans des situations comparables.

41.

L’objectif des réglementations relatives à l’imposition de dividendes versés aux redevables de l’impôt sur le revenu des sociétés ayant leur siège en Italie est d’éviter que les mêmes revenus ne fassent l’objet d’une double imposition ou d’une imposition en chaîne.

42.

La Cour a déjà jugé que, à l’égard des mesures prévues par un État membre afin de prévenir ou d’atténuer l’imposition en chaîne ou la double imposition économique de bénéfices distribués par une société résidente, les actionnaires bénéficiaires résidents ne se trouvent pas nécessairement dans une situation comparable à celle d’actionnaires bénéficiaires résidents d’un autre État membre ( 19 ).

43.

Toutefois, à partir du moment où un État membre, de manière unilatérale ou par voie conventionnelle, assujettit à l’impôt sur le revenu non seulement les actionnaires résidents, mais également les actionnaires non-résidents, pour les dividendes qu’ils perçoivent d’une société résidente, la situation desdits actionnaires non-résidents se rapproche de celle des actionnaires résidents ( 20 ).

44.

Le risque de double imposition juridique ou d’imposition économique en chaîne existe pour les dividendes sortants au même titre que pour ceux distribués à l’intérieur du pays.

45.

Il y a double imposition juridique des mêmes revenus lorsque des dividendes ayant déjà fait l’objet d’une retenue à la source sont intégrés dans l’assiette de l’impôt sur le revenu des personnes morales dû par le destinataire et sont donc imposés à nouveau sans déduction préalable de l’intégralité de l’impôt retenu à la source. Il y a imposition économique en chaîne lorsque des dividendes sont versés à des sociétés qui paient elles-mêmes des dividendes. À moins de mécanismes spécifiques pour éviter une imposition en chaîne, les mêmes revenus sont, dans ce cas de figure, successivement imposés à plusieurs stades.

46.

Le législateur italien évite la double imposition juridique des dividendes versés à des bénéficiaires résidents en renonçant à la retenue à la source et en ne soumettant les dividendes en principe qu’à l’impôt sur le revenu des personnes morales. Pour atténuer aussi dans une large mesure l’imposition économique en chaîne, les dividendes ne sont intégrés qu’à concurrence de 5 % de leur montant dans l’assiette de l’impôt sur les personnes morales dû par le bénéficiaire.

47.

Dès lors que la République italienne étend son pouvoir d’imposition aux dividendes sortants et que les bénéficiaires non-résidents se trouvent par conséquent dans une situation comparable à celle des résidents en ce qui concerne le risque de double imposition et d’imposition économique en chaîne, la jurisprudence impose à cet État de veiller à ce que les actionnaires non-résidents soient soumis à un traitement équivalent à celui dont bénéficient les actionnaires résidents ( 21 ).

ii) Neutralisation de l’impôt retenu à la source par imputation dans l’État du siège

48.

Pour justifier l’inégalité de traitement des dividendes sortants, la République italienne fait valoir que les conventions de double imposition permettent toutes d’imputer l’impôt retenu à la source sur celui payé dans l’État du siège de l’actionnaire.

49.

À ce propos, il faut constater à titre liminaire que, d’après les indications qu’elle a elle-même données au cours de la procédure, la République italienne n’a pas conclu de convention de double imposition avec la Slovénie. Partant, pour cet État membre, la justification précitée doit d’emblée être exclue. Il reste à déterminer si le traitement fiscal moins favorable peut être justifié pour les dividendes versés à des actionnaires résidant dans d’autres États membres.

50.

Conformément à une jurisprudence constante, un traitement fiscal défavorable contraire à une liberté fondamentale ne saurait être justifié par l’existence d’autres avantages fiscaux ( 22 ). C’est particulièrement vrai lorsque l’avantage en question est concédé de manière unilatérale par un autre État membre ( 23 ). Admettre le contraire équivaudrait, en substance, à permettre à un État membre d’échapper aux obligations auxquelles il est tenu en vertu du droit communautaire, en faisant dépendre le respect de ces obligations des éventuels effets d’une autre législation nationale, modifiable à tout moment et unilatéralement par l’État qui en est l’auteur ( 24 ).

51.

La Cour n’a certes pas exclu qu’un État membre parvienne à garantir le respect de ses obligations résultant du traité en concluant une convention de double imposition avec un autre État membre ( 25 ). En effet, les conventions préventives de la double imposition sont un élément de l’ordre juridique national et font partie du cadre juridique du traitement fiscal des dividendes sortants ( 26 ). Au demeurant, ces conventions lient également l’État cocontractant et ne peuvent qu’être dénoncées, mais non unilatéralement modifiées.

52.

Pour lever la restriction de la libre circulation des capitaux, il faudrait que les conventions préventives de la double imposition invoquées par le gouvernement italien neutralisent complètement l’inégalité de traitement dont souffrent les dividendes sortants.

— Première hypothèse: imputation intégrale de l’impôt retenu à la source dans l’État du siège

53.

Pour éliminer les conséquences de la retenue à la source, l’État du siège d’une société percevant des dividendes en provenance d’Italie devrait soumettre ces dividendes à l’impôt sur le revenu des personnes morales et déduire de ce dernier l’intégralité de l’impôt versé à la source, conformément aux stipulations d’une convention préventive de la double imposition.

54.

Certes, les dividendes sortants seraient ainsi finalement grevés plus lourdement que ceux versés à des sociétés italiennes. Cette charge fiscale plus élevée ne pourrait cependant être imputée à la République italienne ( 27 ). Elle résulterait d’une décision autonome de l’État du siège de la société actionnaire. La République italienne ne serait ni obligée ni en mesure de corriger cette décision ( 28 ).

55.

Même si la République italienne renonçait à percevoir la retenue à la source, le niveau d’imposition des dividendes dans l’État du siège de l’actionnaire resterait le même, à cette différence près que les recettes n’iraient qu’à l’État du siège, sans être diminuées par l’imputation de l’impôt retenu à la source. En fait, la retenue à la source prévue par la convention de double imposition permet simplement à la République italienne de détourner en sa faveur une partie des recettes fiscales collectées par l’État du siège en vertu de sa décision d’imposer les dividendes versés aux sociétés.

56.

Le traitement fiscal moins favorable des sociétés non-résidentes par rapport aux actionnaires italiens résulte dans cette situation des différences entre régimes fiscaux en ce qui concerne la prévention de l’imposition économique en chaîne des dividendes. Ces différences ne sont pas intrinsèquement contraires au droit communautaire. Le traité ne garantit en effet pas que des revenus comparables soient soumis dans tous les États membres à des impôts comparables ( 29 ). Les États membres sont également libres de déterminer si et de quelle façon ils entendent éliminer l’imposition économique en chaîne des dividendes versés à des sociétés.

— Seconde hypothèse: la retenue à la source ne peut être totalement imputée dans l’État du siège

57.

En revanche, la neutralisation de l’impôt retenu à la source est impossible lorsque l’État du siège d’une société percevant des dividendes en provenance d’Italie n’impose pas ou pas suffisamment ces revenus pour permettre l’imputation intégrale de l’impôt retenu à la source.

58.

Les conventions n’exigent en effet que l’imputation ordinaire (ordinary credit) et non une imputation intégrale (full credit). Dans le cadre de l’imputation ordinaire, l’impôt étranger retenu à la source ne peut être imputé dans l’État du siège de la société actionnaire que jusqu’à concurrence du montant de l’impôt dû dans cet État sur les revenus correspondants. Partant, lorsque lesdits revenus ne sont pas ou pas suffisamment imposés dans l’État du siège, une fraction de la somme retenue à la source en Italie ne pourra pas être imputée. Dans cette hypothèse, l’impôt retenu à la source sur les dividendes sortants sera la cause d’une charge fiscale imputable à la République italienne exclusivement et supérieure à l’impôt que les sociétés ayant leur siège en Italie doivent payer pour des dividendes d’un même montant ( 30 ).

59.

En résumé, l’imputation de l’impôt retenu à la source, telle qu’elle est abstraitement prévue dans les conventions de double imposition, ne suffit pas à garantir la compensation de l’inégalité de traitement entre dividendes sortants et dividendes distribués à l’intérieur du pays résultant de cette retenue à la source. En fait, la neutralisation de l’effet de l’impôt retenu à la source dépend également dans une mesure déterminante des modalités d’imposition dans l’État du siège de l’actionnaire. Or, ces modalités échappent à l’influence de la République italienne et peuvent au demeurant être modifiées unilatéralement et à tout moment par l’autre État membre, sans qu’aucune convention de double imposition ne s’y oppose.

60.

Comme nous l’avons vu, un État membre qui applique aux situations transfrontalières un traitement fiscal moins favorable qu’aux situations strictement internes ne saurait attendre de l’autre État membre qu’il compense unilatéralement cette inégalité de traitement. Tel est pourtant le cas en l’espèce, nonobstant la possibilité d’imputation prévue dans les conventions de double imposition. Partant, la restriction de la libre circulation des capitaux due à l’imposition des dividendes sortants n’est pas justifiée par la possibilité d’imputation prévue dans les conventions de double imposition.

iii) Justification sur le fondement d’une évaluation d’ensemble du système fiscal, de la cohérence fiscale et de la répartition du pouvoir d’imposition

61.

Comme justification supplémentaire, le gouvernement italien fait valoir que, au vu d’un examen d’ensemble du régime fiscal italien, les dividendes distribués dans le pays ne seraient finalement pas mieux traités que les dividendes sortants. Dans ce contexte, il compare la charge fiscale globale, incluant l’impôt perçu sur la personnes physique destinataire finale du dividende, avec l’impôt retenu à la source sur les dividendes versés à des sociétés non-résidentes.

62.

Cependant, comme la Commission le souligne à juste titre, le gouvernement italien compare ici deux situations différentes. L’impôt prélevé à la source pèse sur les dividendes distribués à une société établie dans un autre État membre. L’imposition de ces dividendes ne saurait être comparée avec l’imposition globale due par une société établie en Italie sur les dividendes qu’elle perçoit ainsi que par les actionnaires de cette société. Enfin, une société non-résidente est également directement ou indirectement composée d’actionnaires personnes physiques, qui doivent normalement payer, dans l’État de leur résidence, des impôts sur les dividendes distribués par la société intermédiaire. Toutefois, le gouvernement italien ne tient pas compte de cette imposition étrangère dans sa comparaison.

63.

Pour autant que le gouvernement italien se fonde encore sur la cohérence fiscale et sur le maintien d’une répartition équilibrée du pouvoir d’imposition ( 31 ), il ne précise pas en quoi l’inégalité de traitement des dividendes sortants garantit le respect de ces principes.

iv) Justification par la lutte contre la fraude fiscale

64.

Enfin, la défenderesse soutient encore que la réglementation permettrait de lutter contre la fraude fiscale. Les redevables résidents pourraient en effet s’abriter derrière une société non-résidente pour échapper à l’imposition des dividendes.

65.

Selon une jurisprudence constante, une mesure restreignant les libertés fondamentales ne peut être justifiée par la lutte contre la fraude fiscale que si elle vise des montages purement artificiels dont le but est de contourner la loi fiscale nationale. Partant, une présomption générale d’évasion ou de fraude fiscale ne saurait suffire à justifier une mesure fiscale portant atteinte aux objectifs du traité ( 32 ).

66.

L’impôt doit cependant être en principe retenu à la source pour tous les dividendes distribués à des sociétés non-résidentes, même si rien n’indique que la société en question ne serait qu’un intermédiaire artificiel créé par les redevables résidents pour ne pas payer l’impôt national sur le revenu pour les dividendes en question.

67.

Au demeurant, dans les rapports entre les États membres, la directive 77/799/CEE du Conseil, du 19 décembre 1977, concernant l’assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs, de certains droits d’accises et des taxes sur les primes d’assurance ( 33 ), permet de se renseigner sur l’identité des actionnaires auprès des autorités de l’État du siège de la société percevant les dividendes.

68.

Partant, la République italienne ne peut pas non plus justifier le traitement moins favorable appliqué aux dividendes sortants destinés à des résidents d’autres États membres en soutenant que les dispositions correspondantes seraient nécessaires pour lutter contre la fraude fiscale.

v) Conclusion intermédiaire

69.

À ce stade, il y a donc lieu de constater que la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 56, paragraphe 1, CE en maintenant en vigueur une réglementation fiscale grevant plus lourdement les dividendes versés à des sociétés ayant leur siège dans un autre État membre que ceux versés à des sociétés résidentes.

2. Violation de dispositions de l’accord sur l’EEE

a) Libre circulation des capitaux au sens de l’article 40 de l’accord sur l’EEE

70.

Récemment encore, la Cour a confirmé que l’article 40 de l’accord sur l’EEE revêt la même portée juridique que les dispositions, identiques en substance, de l’article 56 CE ( 34 ). Partant, les restrictions à la libre circulation des capitaux entre ressortissants des États parties à l’accord sur l’EEE doivent être appréciées suivant les mêmes critères que des mesures équivalentes prises dans le contexte intracommunautaire.

71.

Les constatations faites dans le cadre de l’examen de l’article 56, paragraphe 1, CE s’appliquent donc également par analogie au grief tiré de la violation de l’article 40 de l’accord sur l’EEE. En tant qu’elles imposent les dividendes versés à des sociétés ayant leur siège dans un État de l’EEE plus lourdement que ceux versés à des sociétés résidentes, les dispositions italiennes, y compris celles de conventions de double imposition, restreignent donc la libre circulation des capitaux au sens de l’article 40 de l’accord sur l’EEE ( 35 ).

72.

La justification tirée de la possibilité d’imputation sur la base des conventions de double imposition ne s’applique pas non plus dans le contexte des États de l’EEE. Il n’y a pas de convention en ce sens entre l’Italie et le Liechtenstein. Quant aux relations avec l’Islande et la Norvège, la possibilité d’imputation ne suffit pas plus que dans le cas des États membres à garantir la neutralité de l’impôt prélevé à la source. Cette neutralité dépend ici encore des modalités d’imposition des dividendes prévues par le droit interne de chaque État de l’EEE.

73.

Le gouvernement italien fait encore valoir que les dispositions moins favorables appliquées aux dividendes sortants seraient justifiées par la lutte contre la fraude fiscale. Il observe à cet égard que la directive 77/799 n’est pas applicable dans les États de l’EEE. Pour le Liechtenstein, il s’ajouterait que, faute de convention de double imposition, il n’y a pas non plus de clause conventionnelle d’échange de renseignements qui soit applicable. En conséquence, le fisc italien ne serait pas en mesure de recueillir les renseignements nécessaires pour lutter contre la fraude fiscale.

74.

Il faut donc examiner si la perception d’une retenue à la source sur des dividendes destinés à des sociétés des États de l’EEE, avec la restriction corrélative de la libre circulation des capitaux, peut être justifiée par la lutte contre la fraude fiscale, même si elle ne vise pas spécifiquement des montages purement artificiels ( 36 ).

75.

À ce propos, la Cour a constaté dans son arrêt A que le cadre juridique de l’exercice de la liberté de circulation des capitaux n’est pas le même dans les rapports avec les États tiers que dans les rapports intracommunautaires. Elle a en particulier souligné l’importance du fait que, dans les rapports avec les États tiers, il n’y a pas d’instrument comparable à la directive 77/799 pour obtenir des renseignements ( 37 ).

76.

Même l’éventualité que le redevable détaille les conditions requises pour l’octroi d’un avantage fiscal ne justifierait pas nécessairement d’étendre à des situations impliquant des États tiers le traitement fiscal plus favorable réservé aux situations internes. En effet, en l’absence d’obligation conventionnelle du pays tiers de fournir des informations, il pourrait se révéler impossible d’obtenir de ce pays les renseignements nécessaires pour vérifier les déclarations faites par le redevable, par exemple au sujet de la structure de la société établie dans le pays tiers ( 38 ).

77.

En Italie, les sociétés résidentes sont exemptées de retenue à la source pour les dividendes et très largement exonérées de l’impôt sur le revenu des personnes morales afin que l’impôt ne grève les revenus correspondants qu’une seule fois, au dernier maillon de la chaîne de distribution que sont les personnes physiques. Pour exclure la fraude fiscale dans ce contexte, les autorités fiscales doivent pouvoir constater qu’une personne physique a bénéficié de la distribution en cause et il peut ainsi notamment être nécessaire de déterminer la composition de l’actionnariat d’une société distributrice de dividendes.

78.

Dans le cas de sociétés ayant leur siège au Liechtenstein, cela est impossible, faute de base juridique permettant d’adresser des demandes de renseignement à cet État de l’EEE.

79.

Dans les rapports avec l’Islande et la Norvège, les conventions de double imposition pourraient prévoir une obligation de fournir des renseignements. La perception d’une retenue à la source sur les dividendes destinés à ces États pourrait alors être aussi disproportionnée que pour les dividendes dont les bénéficiaires sont établis dans un autre État membre.

80.

Le point de savoir si ces conventions contiennent vraiment des clauses d’échange de renseignements, semblables à celle de l’article 26 de la convention modèle de l’OCDE, et la question de la portée de ces clauses ne font pas l’objet de la présente procédure. En tant que le gouvernement italien a soutenu qu’il n’était pas en mesure de recueillir des informations suffisantes, il appartenait à la Commission de réfuter cette allégation, par exemple en s’appuyant sur des clauses conventionnelles d’échange de renseignements.

81.

La Commission s’est cependant bornée à affirmer qu’elle ne voyait pas quelles informations pouvaient être nécessaires pour l’application du système d’imposition. Comme nous l’avons vu, il peut en particulier être nécessaire de déterminer les actionnaires d’une société qui ont perçu des dividendes en provenance d’Italie. La Commission n’a donc pas réussi à réfuter les arguments en défense de la République italienne.

82.

La Commission n’a dès lors pas établi que le traitement moins favorable appliqué aux dividendes destinés à être payés en Norvège et en Islande soit contraire à la libre circulation des capitaux garantie par l’article 40 de l’accord sur l’EEE.

b) Liberté d’établissement au sens de l’article 31 de l’accord sur l’EEE

83.

La Commission fait encore valoir une violation de la liberté d’établissement garantie par l’article 31 de l’accord sur l’EEE. Cependant, elle n’a pas établi cette violation, pour les mêmes raisons pour lesquelles elle n’a pas établi la violation de l’article 40 dudit accord.

84.

Partant, le recours doit être rejeté en tant qu’il allègue une violation des articles 31 et 45 de l’accord sur l’EEE.

IV — Dépens

85.

Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Certes, le recours doit être rejeté en ce qui concerne le traitement fiscal des dividendes versés à des sociétés ayant leur siège dans des États de l’EEE. La République italienne a cependant succombé sur l’essentiel de ses moyens et doit par conséquent être condamnée aux dépens.

V — Conclusion

86.

En conclusion, je propose à la Cour de constater que:

1)

La République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 56, paragraphe 1, CE en maintenant en vigueur une réglementation fiscale grevant plus lourdement les dividendes versés à des sociétés ayant leur siège dans un autre État membre que ceux versés à des sociétés résidentes.

2)

Le recours est rejeté pour les surplus.

3)

La République italienne est condamnée aux dépens.


( 1 ) Langue originale: l’allemand.

( 2 ) Arrêt du 8 novembre 2007, Amurta (C-379/05, Rec. p. I-9569, point 78). Voir dans le même sens arrêts du , Arens-Sikken (C-43/07, Rec. p. I-6887, point 66), et Eckelkamp e.a. (C-11/07, Rec. p. I-6845, point 69).

( 3 ) Arrêt du 12 décembre 2006, Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation (C-374/04, Rec. p. I-11673, point 71), et Amurta (précité à la note 2, point 79).

( 4 ) JO L 225, p. 6, dans la version modifiée par la directive 2003/123/CE du Conseil, du 22 décembre 2003 (JO 2004, L 7, p. 41).

( 5 ) La participation minimale a été ramenée à 15 % au 1er janvier 2007 et à 10 % à compter du .

( 6 ) JO 1994, L 1, p. 3.

( 7 ) GURI no 291, du 16 décembre 2003.

( 8 ) GURI no 302, du 31 décembre 1986.

( 9 ) GURI no 268, du 16 octobre 1973, dans la version résultant du DL no 344/2003.

( 10 ) Pour ce qui est des États membres, les allègements appliqués aux dividendes intragroupe devraient avoir beaucoup perdu de leur importance, puisque, depuis le 1er janvier 2009, la directive 90/435 exclut toute retenue à la source à partir de 10 % de participation.

( 11 ) Arrêt du 18 juillet 2007, Commission/Allemagne (C-490/04, Rec. p. I-6095, point 30, avec des références complémentaires).

( 12 ) Le recours cite des extraits des conventions de double imposition passées par la République italienne avec la République française, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, le Royaume des Pays-Bas et le Royaume de Norvège.

( 13 ) En ce sens, voir arrêts du 16 mars 1999, Trummer et Mayer (C-222/97, Rec. p. I-1661, point 26), et du , A (C-101/05, Rec. p. I-11531, point 40).

( 14 ) Arrêt Amurta (précité à la note 2, point 28). Concernant la restriction de la liberté d’établissement par de telles mesures, voir arrêt du 14 décembre 2006, Denkavit Internationaal et Denkavit France (C-170/05, Rec. p. I-11949, point 29).

( 15 ) Je relève cependant que l’avocat général Geelhoed a prononcé ses conclusions dans l’affaire Denkavit Internationaal et Denkavit France (précitée à la note 14) dès le 27 avril 2006. Il n’y laisse aucun doute quant au fait qu’une retenue à la source sur des dividendes sortants est incompatible avec les libertés fondamentales lorsque les dividendes versés aux résidents sont exemptés d’impôt.

( 16 ) Voir arrêts Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation (précité à la note 3, point 54), Amurta (précité à la note 2, point 24), et du 18 juin 2009, Aberdeen Property Fininvest Alpha (C-303/07, Rec. p. I-5145, point 28).

( 17 ) Arrêt Amurta (précité à la note 2, point 31).

( 18 ) Voir arrêts du 6 juin 2000, Verkooijen (C-35/98, Rec. p. I-4071, point 43); du , Manninen (C-319/02, Rec. p. I-7477, point 29), et Amurta (précité à la note 2, point 32).

( 19 ) Arrêts Denkavit Internationaal et Denkavit France (précité à la note 14, point 34), et Amurta (précité à la note 2, point 37).

( 20 ) Voir arrêts Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation (précité à la note 3, point 68); Denkavit Internationaal et Denkavit France (précité à la note 14, point 35), et Amurta (précité à la note 2, point 38).

( 21 ) Voir arrêts Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation (précité à la note 3, point 70), et Amurta (précité à la note 2, point 39).

( 22 ) Arrêts Verkooijen (précité à la note 18, point 61); Amurta (précité à la note 2, point 75); Arens-Sikken (précité à la note 2, point 66), et Eckelkamp e.a. (précité à la note 2, point 69).

( 23 ) Voir arrêt Amurta (précité à la note 2, point 78).

( 24 ) Conclusions de l’avocat général Mengozzi, du 7 juin 2007 (Amurta, précité à la note 2, point 78).

( 25 ) Arrêt Amurta (précité à la note 2, point 79), avec référence à l’arrêt Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation (précité à la note 3, point 71). En ce sens, voir également arrêt Arens-Sikken (précité à la note 2, point 64).

( 26 ) Voir arrêts Manninen (précité à la note 18, point 21); du 19 janvier 2006, Bouanich (C-265/04, Rec. p. I-923, point 51), et les points 44 et suiv. de mes conclusions dans cette affaire, ainsi que l’arrêt Denkavit Internationaal et Denkavit France (précité à la note 14, point 45).

( 27 ) Tout au plus pourrait-on se demander si l’application de diverses méthodes pour éviter la double imposition — exemption dans le pays et imputation pour les dividendes distribués à des actionnaires résidant au-delà des frontières — n’est pas constitutive d’une discrimination des dividendes sortants qui serait imputable à la République italienne. Pourtant, dans son arrêt du 12 décembre 2006, Test Claimants in the FII Group Litigation (C-446/04, Rec. p. I-11753, point 53), la Cour a jugé que les deux méthodes de lutte contre la double imposition étaient toutes deux également valables. Cependant, la question fait l’objet d’une procédure préjudicielle qui est encore en cours (affaires jointes C-436/08 et C-437/08, Haribo e.a., JO 2009, C 19, p. 11).

( 28 ) Voir en ce sens arrêt 23 octobre 2008, Krankenheim Ruhesitz am Wannsee-Seniorenheimstatt (C-157/07, Rec. p. I-8061, point 50).

( 29 ) Voir en ce sens arrêt du 12 mai 1998, Gilly (C-336/96, Rec. p. I-2793, point 47). C’est d’ailleurs pour quoi il n’est pas nécessaire par exemple que le transfert de la résidence soit fiscalement neutre [arrêts du , Weigel (C-387/01, Rec. p. I-4981, point 55); du , Lindfors (C-365/02, Rec. p. I-7183, point 34), et du , Block (C-67/08, Rec. p. I-883, point 35)].

( 30 ) Sur cette problématique, voir conclusions Amurta (arrêt précité à la note 2, points 87 et suiv.).

( 31 ) Il renvoie à cet égard à l’arrêt du 18 juillet 2007, Oy AA (C-231/05, Rec. p. I-6373, point 51).

( 32 ) Voir en ce sens, notamment, arrêts du 12 septembre 2006, Cadbury Schweppes et Cadbury Schweppes Overseas (C-196/04, Rec. p. I-7995, point 50), et du , ELISA (C-451/05, Rec. p. I-8251, point 91).

( 33 ) JO L 336, p. 15, modifiée en dernier lieu par la directive 2006/98/CE du Conseil, du 20 novembre 2006 (JO L 363, p. 129).

( 34 ) Arrêt du 11 juin 2009, Commission/Pays-Bas (C-521/07, Rec. p. I-4873, point 33), avec renvoi à l’arrêt du , Ospelt et Schlössle Weissenberg (C-452/01, Rec. p. I-9743, point 32).

( 35 ) Voir arrêt Commission/Pays-Bas (précité à la note 33, points 38 et 39).

( 36 ) Voir point 65 supra.

( 37 ) Arrêt A (précité à la note 13, point 61).

( 38 ) Voir en ce sens arrêt A (précité à la note 13, points 62 à 64).