CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO MENGOZZI

présentées le 10 février 2009 ( 1 )

Affaire C-487/07

L’Oréal SA e.a.

contre

Bellure NV e.a.

«Directive 89/104/CEE — Marques — Article 5, paragraphes 1 et 2 — Usage dans une publicité comparative — Droit de faire interdire cet usage — Profit indûment tiré de la renommée — Atteinte aux fonctions de la marque — Directive 84/450/CEE — Publicité comparative — Article 3 bis, paragraphe 1, sous g) et h) — Conditions de licéité de la publicité comparative — Profit indûment tiré de la notoriété attachée à une marque — Présentation d’un bien comme une imitation ou une reproduction»

1. 

Par la présente demande de décision préjudicielle, la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) (Royaume-Uni) soumet à la Cour des questions portant sur l’interprétation de l’article 5 de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988 , rapprochant les législations des États membres sur les marques  ( 2 ) , ainsi que de l’article 3 bis, paragraphe 1, de la directive 84/450/CEE du Conseil, du , en matière de publicité trompeuse et de publicité comparative  ( 3 ) , telle que modifiée par la directive 97/55/CE du Parlement européen et du Conseil, du  ( 4 ) .

I — Cadre normatif

2.

L’article 5 de la directive 89/104  ( 5 ) , intitulé « Droits conférés par la marque » , dispose comme suit:

« 1.    La marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage, dans la vie des affaires:

a)

d’un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée;

b)

d’un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque et le signe, il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque d’association entre le signe et la marque.

2.    Tout État membre peut également prescrire que le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe identique ou similaire à la marque pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d’une renommée dans l’État membre et que l’usage du signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou leur porte préjudice.

3.   Si les conditions énoncées aux paragraphes 1 et 2 sont remplies, il peut notamment être interdit:

a)

d’apposer le signe sur les produits ou sur leur conditionnement;

b)

d’offrir les produits, de les mettre dans le commerce ou de les détenir à ces fins, ou d’offrir ou de fournir des services sous le signe;

c)

d’importer ou d’exporter les produits sous le signe;

d)

d’utiliser le signe dans les papiers d’affaires et la publicité.

[…] »

3.

L’article 6, paragraphe 1, de la directive 89/104, intitulé « Limitation des effets de la marque » , prévoit que « [l]e droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d’interdire à un tiers l’usage, dans la vie des affaires:

a)

de son nom et de son adresse;

b)

d’indications relatives à l’espèce, à la qualité, à la quantité, à la destination, à la valeur, à la provenance géographique, à l’époque de la production du produit ou de la prestation du service ou à d’autres caractéristiques de ceux-ci;

c)

de la marque lorsqu’elle est nécessaire pour indiquer la destination d’un produit ou d’un service, notamment en tant qu’accessoires ou pièces détachées,

pour autant que cet usage soit fait conformément aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale. »

4.

La directive 97/55 a introduit dans la directive 84/450, qui ne concernait, à l’origine, que la publicité trompeuse, une série de dispositions en matière de publicité comparative.

5.

L’article 2, point 2 bis, de la directive 84/450, telle que modifiée par la directive 97/55  ( 6 ) , définit la « publicité comparative » , aux fins de cette directive, comme « toute publicité qui, explicitement ou implicitement, identifie un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent » .

6.

L’article 3 bis, paragraphe 1, de la directive 84/450 dispose comme suit:

« Pour autant que la comparaison est concernée, la publicité comparative est licite dès lors que les conditions suivantes sont satisfaites:

[…]

d)

elle n’engendre pas de confusion sur le marché entre l’annonceur et un concurrent ou entre les marques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens ou services de l’annonceur et ceux d’un concurrent;

e)

elle n’entraîne pas le discrédit ou le dénigrement des marques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens, services, activités ou situation d’un concurrent;

[…]

g)

elle ne tire pas indûment profit de la notoriété attachée à une marque, à un nom commercial ou à d’autres signes distinctifs d’un concurrent ou de l’appellation d’origine de produits concurrents;

h)

elle ne présente pas un bien ou un service comme une imitation ou une reproduction d’un bien ou d’un service portant une marque ou un nom commercial protégés. »

II — Affaire au principal et questions préjudicielles

7.

L’Oréal SA, Lancôme Parfums et Beauté & Cie et Laboratoires Garnier & Cie (ci-après, collectivement, « L’Oréal » ) sont des sociétés du groupe L’Oréal, dont l’activité s’étend, notamment, à la production et à la commercialisation de parfums de luxe.

8.

L’Oréal est titulaire, notamment, des marques nationales (britanniques), internationales ou communautaires, enregistrées pour des parfums et d’autres produits parfumés, comme suit:

les marques « Trésor » :

la marque verbale nationale Tresor (sans accent, ci-après la « marque verbale Trésor » ),

la marque verbale et figurative nationale constituée d’une représentation d’un flacon de parfum, vu de face et de côté, flacon sur lequel figure notamment le mot Trésor (ci-après la « marque flacon de Trésor » ),

la marque verbale et figurative nationale constituée d’une représentation de l’emballage dans lequel ce flacon est commercialisé, vu de face (ci-après la « marque emballage de Trésor » );

les marques « Miracle » :

la marque verbale communautaire Miracle (ci-après la « marque verbale Miracle » ),

la marque verbale et figurative communautaire constituée d’une représentation d’un flacon de parfum, vu de face, flacon sur lequel figure notamment le mot Miracle (ci-après la « marque flacon de Miracle » ),

la marque verbale et figurative internationale constituée d’une représentation en couleurs d’un emballage de parfum sur lequel figure notamment le mot Miracle (ci-après la « marque emballage de Miracle » );

la marque verbale nationale Anaïs-Anaïs;

les marques « Noa » :

la marque verbale nationale Noa Noa;

les marques verbales et figuratives nationale et communautaire constituées toutes deux du mot Noa écrit de façon stylisée.

9.

La société Bellure NV (ci-après « Bellure » ), société de droit belge, a entrepris, respectivement en 1996 et en 2001, la commercialisation sur les marchés européens de parfums des gammes Creation Lamis et Dorall, fabriquées pour son compte et suivant un design voulu par elle, dans un pays tiers. La société Starion International Ltd (ci-après « Starion » ) a acquis ces parfums auprès de la société Bellure, pour les distribuer à des grossistes ou au réseau hard discount au Royaume-Uni. La société Starion distribuait dans cet État membre également des parfums de la gamme Stitch. La société Malaika Investments Ltd, agissant sous la dénomination commerciale Honeypot Cosmetics & Perfumery Sales (ci-après « Malaika » ), vendait en gros au Royaume-Uni les parfums de la gamme Creation Lamis, qui lui étaient fournis par Starion. Les parfums des trois gammes précitées imitaient l’odeur de parfums à succès et étaient vendus au détail à un prix extrêmement bas (moins de 4 GBP).

10.

Dans le cadre de la commercialisation au Royaume-Uni de ces parfums, Starion et Malaika utilisaient, en les transmettant à leurs revendeurs, des listes comparatives établissant une correspondance, par similitude d’odeur, entre chacun de ces parfums et un parfum de luxe identifié par référence à la marque verbale du parfum (ci-après: les « listes comparatives » ). Sur ces listes figuraient les marques verbales Trésor, Miracle, Anaïs-Anaïs et Noa Noa de L’Oréal.

11.

En outre, quatre parfums de la gamme Creation Lamis et un parfum de la gamme Dorall étaient vendus en flacons et en emballages présentant une ressemblance générale avec les flacons et les emballages des parfums Trésor, Miracle, Anaïs-Anaïs ou Noa, même s’il est constant que ladite ressemblance n’était pas de nature à tromper les revendeurs ou les consommateurs quant à l’origine du produit.

12.

L’Oréal a introduit devant la High Court of Justice (England & Wales) (Civil Division) (Royaume-Uni) une action en contrefaçon de marques à l’encontre, notamment, de Bellure, de Starion et de Malaika. D’une part, elle a fait valoir que l’utilisation des listes comparatives, par Starion et Malaika, constituait une violation des droits qu’elle tire de ses marques verbales Trésor, Miracle, Anaïs-Anaïs et Noa Noa, ainsi que des marques verbale et figurative Noa, contraire à l’article 10, paragraphe 1, de la loi anglaise sur les marques (Trade Mark Act 1994, ci-après le « TMA » ), qui constitue la transposition en droit interne de l’article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive 89/104. D’autre part, elle a soutenu que l’imitation des noms, des flacons et des emballages de ses parfums Trésor, Miracle, Anaïs-Anaïs et Noa, et la vente de parfums dans ces flacons et emballages ainsi imités constituaient une violation des droits qu’elle tire, notamment, de ses marques verbales Trésor, Miracle, Anaïs-Anaïs et Noa Noa, ainsi que de ses marques figuratives flacon et emballage de Trésor et de Miracle, prohibée par l’article 10, paragraphe 3, du TMA, qui constitue la transposition en droit anglais de l’article 5, paragraphe 2, de la directive 89/104.

13.

La High Court a fait droit à l’action dirigée contre l’utilisation des listes comparatives et fondée sur l’article 10, paragraphe 1, du TMA, mais n’a fait que partiellement droit à l’action en tant que fondée sur l’article 10, paragraphe 3, du TMA, seule étant retenue la contrefaçon de la marque emballage de Trésor et de la marque flacon de Miracle.

14.

Starion et Malaika (ci-après les « sociétés appelantes » ) ont fait appel de la décision de la High Court devant la Court of Appeal. L’Oréal, à son tour, a formé un appel incident, visant à faire constater une infraction aux marques verbales Trésor et Miracle, à la marque flacon de Trésor et à la marque emballage de Miracle.

15.

La Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) a rejeté l’appel incident formé par L’Oréal et a estimé nécessaire, pour le surplus, de soumettre à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

« 1)

Lorsqu’un commerçant, dans une publicité pour ses propres produits ou services, fait usage d’une marque enregistrée détenue par un concurrent afin de comparer les caractéristiques (et en particulier l’odeur) de produits ou de services qu’il commercialise avec les caractéristiques (et en particulier l’odeur) des produits ou des services commercialisés sous cette marque par ledit concurrent, et de manière telle que l’usage concerné ne provoque pas de confusion ou ne porte pas atteinte à la fonction essentielle de la marque consistant à indiquer la provenance, l’usage concerné relève-t-il soit de l’article 5, paragraphe 1, sous a), soit de l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive 89/104/CEE?

2)

Lorsqu’un commerçant, dans la vie des affaires (en particulier dans une liste comparative), fait usage d’une marque enregistrée notoirement connue afin de désigner une caractéristique de son propre produit (en particulier son odeur) de telle manière que:

a)

cela ne crée aucun risque de confusion d’aucune sorte;

b)

cela n’affecte pas la vente des produits sous la marque enregistrée notoirement connue;

c)

cela ne porte ni préjudice à la fonction essentielle de la marque enregistrée consistant à indiquer la provenance, ni atteinte à la réputation de cette marque, que ce soit en ternissant son image, par brouillage ou d’une quelconque autre manière;

d)

cela joue un rôle significatif dans la promotion du produit du commerçant,

l’usage concerné relève-t-il de l’article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive 89/104/CEE?

3)

Aux fins de l’article 3 bis, sous g), de la directive sur la publicité trompeuse (84/450), telle qu’amendée par la directive sur la publicité comparative (97/55), quel est le sens de l’expression ‘ tire […] indûment profit de ’ et, en particulier, lorsqu’un commerçant, dans une liste comparative, compare son produit avec un produit commercialisé sous une marque notoirement connue, tire-t-il en cela indûment profit de la notoriété attachée à cette marque?

4)

Aux fins de l’article 3 bis, sous h), de ladite directive, quel est le sens de l’expression ‘ présente […] un bien ou un service comme une imitation ou une reproduction ’ et, en particulier, cette expression concerne-t-elle le cas dans lequel, sans provoquer de confusion ni de tromperie, une partie fait simplement savoir de manière honnête que son produit contient une caractéristique essentielle (l’odeur) analogue à celle d’un produit notoirement connu protégé par une marque?

5)

Lorsqu’un commerçant fait usage d’un signe analogue à une marque enregistrée qui jouit d’une renommée et que ce signe ne ressemble pas à la marque au point de provoquer une confusion, de telle manière que:

a)

la fonction essentielle de la marque enregistrée consistant à indiquer la provenance n’est ni altérée ni menacée;

b)

il n’y a pas de ternissement ni de confusion concernant la marque enregistrée ou sa renommée, ni de risque que cela se produise;

c)

cela n’affecte pas les ventes du titulaire de la marque;

d)

le titulaire de la marque n’est privé d’aucun des bénéfices liés à la promotion, à la préservation ou au développement de sa marque;

e)

le commerçant tire toutefois un avantage commercial de l’usage de son signe en raison de sa similitude avec la marque enregistrée,

l’usage concerné revient-il à tirer ‘ indûment profit ’ de la notoriété attachée à la marque enregistrée au sens de l’article 5, paragraphe 2, de la directive sur les marques communautaires? »

16.

Estimant que les listes comparatives en question constituent une publicité comparative en vertu de la directive 84/450, la juridiction de renvoi précise que les quatre premières questions préjudicielles visent à faire apprécier le caractère licite ou non de l’utilisation, dans les listes comparatives des sociétés appelantes.

17.

À l’opposé, la cinquième question préjudicielle importe aux fins de l’appréciation de la licéité de l’utilisation, par ces dernières, de flacons et d’emballages semblables à ceux protégés par la marque emballage de Trésor et la marque flacon de Miracle.

III — Analyse juridique

A — Sur les quatre premières questions préjudicielles

1. Considérations liminaires

18.

Les quatre premières questions préjudicielles portent toutes sur l’usage, par un annonceur, d’une marque d’autrui dans une publicité comparative constituée, notamment, par des listes comparatives telles que celles présentement en cause. Dans ce contexte, la marque d’autrui est utilisée aux fins de distinguer des produits, même si ce ne sont pas ceux de l’annonceur, mais ceux du titulaire de la marque elle-même.

19.

La juridiction de renvoi estime que la diffusion de telles listes comparatives auprès des revendeurs constitue une publicité au sens de l’article 2, point 1, de la directive 84/450. Il s’agit, en effet, d’une communication faite dans le cadre d’une activité commerciale dans le but de promouvoir la fourniture de biens.

20.

Ladite juridiction, ainsi que nous l’avons observé ci-dessus, estime en outre qu’une telle publicité constitue une publicité comparative au sens de l’article 2, point 2 bis, de la même directive, notion qui implique, entre autres, l’existence d’un rapport de concurrence entre l’annonceur et l’entreprise identifiée (ou dont les produits ou les services sont identifiés) dans le message publicitaire. La première question préjudicielle, qui ne porte pas sur les dispositions de la directive 84/450, se réfère à l’usage d’une marque appartenant à un « concurrent » .

21.

Il ressort en effet des constatations de fait opérées par la juridiction elle-même que « les produits des parties ne sont donc pas en concurrence. Ils relèvent de secteurs de prix et de marchés différents » ( 7 ) . Cette constatation n’empêche pas, à notre avis, de discerner en l’espèce l’existence d’une publicité comparative au sens de l’article 2, point 2 bis, de la directive 84/450, si l’on tient compte de l’ample portée qu’il convient de reconnaître au rapport de concurrence requis par cette disposition. À cet égard, nous nous bornerons à renvoyer aux considérations exposées aux points 63 à 90 des conclusions que nous avons présentées dans l’affaire De Landtsheer Emanuel  ( 8 ) et aux points 32 à 42 de l’arrêt ayant clôturé ladite affaire  ( 9 ) , d’où il ressort, notamment, qu’il convient de prendre en compte, dans ce contexte, également des situations de concurrence potentielle et les possibilités d’évolution de l’état actuel des marchés et des habitudes de consommation. Ainsi que l’a opportunément souligné L’Oréal, il convient également de prendre en compte un rapport de concurrence n’existant qu’à un niveau intermédiaire de la chaîne de distribution (par exemple, la vente en gros). Il appartiendra à la juridiction de renvoi, éventuellement, d’examiner de manière plus approfondie la question de l’existence concrète du rapport de concurrence exigé par la disposition précitée, à la lumière des critères d’interprétation fournis par cet arrêt.

22.

Aux fins de la présente instance, à défaut d’éléments militant manifestement en sens contraire, il conviendra de partir de l’hypothèse retenue au départ par la juridiction de renvoi, à savoir que les listes comparatives en question constituent une publicité comparative au sens de l’article 2, point 2 bis, de la directive 84/450, sans que l’on puisse pour autant remettre en cause la recevabilité des troisième et quatrième questions préjudicielles sous l’angle de leur pertinence par rapport à l’objet du litige pendant devant la juridiction nationale.

23.

Afin de répondre aux quatre questions préjudicielles présentement examinées, en particulier aux deux premières, il importe au préalable de déterminer de quelle manière s’articulent, dans le conflit de la double exigence de protéger la marque et de favoriser le recours à la publicité comparative, les dispositions relatives à la protection de la marque contenues, d’une part, dans la directive 89/104, notamment aux articles 5 et 6, et, de l’autre, dans la directive 84/450, notamment à l’article 3 bis, point 1.

24.

Dans le récent arrêt O2 Holdings et O2 (UK)  ( 10 ) , la Cour a déjà fourni quelques clarifications importantes à cet égard. En particulier, elle a souligné que:

« l’utilisation par un annonceur, dans une publicité comparative, d’un signe iden tique ou similaire à la marque d’un concurrent aux fins d’identifier les produits ou les services offerts par ce dernier, s’analyse comme un usage pour les produits ou les services mêmes de l’annonceur, au sens de l’article 5, paragraphes 1 et 2, de la directive 89/104 » et qu’ « un tel usage est donc susceptible d’être interdit, le cas échéant, en vertu desdites dispositions » ( 11 ) ;

le titulaire d’une marque enregistrée n’est toutefois pas habilité à interdire l’usage, par un tiers, dans une publicité comparative qui satisfait à toutes les conditions de licéité énoncées à l’article 3 bis, paragraphe 1, d’un signe identique ou similaire à sa marque  ( 12 ) .

25.

Le respect de ces dernières conditions constitue donc pour l’annonceur précité un motif valable de défense contre une action fondée sur les dispositions nationales de transposition de l’article 5, paragraphes 1 ou 2, de la directive 89/104. À cet égard, nous n’estimons ni correcte ni nécessaire l’interprétation avancée dans la décision de renvoi et partagée par L’Oréal, suivant laquelle la constatation du respect de ces conditions permet, en tant que telle, simplement de considérer que l’usage de la marque enregistrée (ci-après, par souci de concision, la « marque » ) d’autrui dans la publicité comparative est autorisé sur la base de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 89/104. On peut soutenir qu’un tel usage respectant les conditions visées à l’article 3 bis de la directive 84/450 est « conforme aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale » ; il n’en reste pas moins que la limitation des effets de la marque dont il est question à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 89/104 suppose également que soit satisfaite l’une des conditions prévues aux points a) à c) de cette disposition. Or, il nous semble que, dans le cas d’espèce, aucune de ces conditions ne peut entrer en considération et ne se prête à « héberger » dans la directive 89/104 le moyen de défense fondé sur le respect des conditions de licéité visées à l’article 3 bis, paragraphe 1, de la directive 84/450. Nous sommes d’accord, en particulier, avec la position exprimée à l’audience par l’agent de la Commission, suivant laquelle l’article 6, paragraphe 1, sous b), ne concerne que l’utilisation des éléments d’une marque qui soient descriptifs de l’une des caractéristiques du produit ou du service mentionnées par cette disposition ( « indications » descriptives). L’arrêt adidas et adidas Benelux nous semble le confirmer, lorsqu’il indique que « l’article 6, paragraphe 1, sous b), de la directive vise à sauvegarder la possibilité pour tous les opérateurs économiques d’utiliser des indications descriptives » et « constitue donc […] une expression de l’impératif de disponibilité » ( 13 ) . Le respect des conditions de licéité visées à l’article 3 bis, paragraphe 1, de la directive 84/450 constitue, à notre sens, un moyen de défense autonome qui s’ajoute à ceux des articles 6 et 7, paragraphe 1, de la directive 89/104 et qui est propre à paralyser une action contre une publicité comparative fondée sur les dispositions nationales de transposition de l’article 5, paragraphes 1 ou 2, de cette seconde directive.

2. Sur les deux premières questions préjudicielles, relatives à l’interprétation de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 89/104

26.

Étant donné, par conséquent, que l’usage d’un signe identique ou similaire à la marque d’un concurrent n’est pas soustrait à l’application de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 89/104 du seul fait qu’il survient dans le cadre d’une publicité comparative, mais qu’il peut, sous certaines conditions, être interdit sur la base de la disposition précitée, il importe de répondre aux deux premières questions préjudicielles en examinant précisément ces conditions à la lumière des éléments fournis dans les questions elles-mêmes.

27.

Ainsi que l’a souligné la juridiction de renvoi elle-même, la première question préjudicielle a déjà été en substance posée à la Cour par cette même juridiction dans le cadre du renvoi préjudiciel ayant donné lieu à l’arrêt O2 Holdings et O2 (UK), précité. Dans le cas à l’origine de ce renvoi, la caractéristique faisant l’objet d’une comparaison entre les services (de téléphonie mobile) de l’annonceur et ceux du titulaire de la marque utilisée par cet annonceur dans une publicité comparative était identifiée par la juridiction de renvoi comme étant le prix, alors que, dans l’affaire qui nous occupe, la caractéristique faisant l’objet de la comparaison tient à l’odeur des parfums.

28.

Une autre différence entre les deux cas d’espèce réside dans le fait que, dans l’affaire O2 Holdings et O2 (UK), l’objet de la contestation devant la juridiction nationale tenait à l’utilisation, par un annonceur, d’un signe non pas identique, mais similaire à la marque d’un concurrent, alors que les services de l’un et de l’autre présentés dans la publicité étaient les mêmes. Et c’est pour cette raison que la Cour a, dans l’arrêt O2 Holdings et O2 (UK), répondu à la première question préjudicielle, formulée en substance dans les mêmes termes que la première question préjudicielle de la présente affaire, en fournissant une interprétation du seul point b) de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 89/104, en estimant qu’il n’était pas nécessaire d’interpréter le point a) de ce même article 5, paragraphe 1. Dans le présent cas d’espèce, au contraire, ce qui est contesté devant la juridiction nationale, dans le cadre de l’action directe à l’encontre des listes comparatives utilisées par les sociétés appelantes, c’est l’utilisation, par un annonceur, d’un signe identique à la marque d’autrui pour des produits identiques  ( 14 ) à ceux désignés par cette marque.

29.

En conséquence, il convient d’entendre la première question posée dans la présente affaire et faisant globalement référence à l’article 5, paragraphe 1, de la directive 89/104, dans le sens que la juridiction de renvoi demande si le point a) de cette disposition doit être interprété en ce sens que le titulaire d’une marque peut faire interdire l’utilisation, par un tiers, dans une publicité comparative, d’un signe identique à cette marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée, même lorsque cet usage n’engendre aucun risque de confusion pour le public quant à l’origine des produits ou des services en question.

30.

D’autre part, par sa deuxième question préjudicielle, le juge de renvoi sollicite expressément une interprétation du seul point a) de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 89/104 en vue de savoir si, sur la base de celle-ci, le titulaire d’une marque notoire peut faire interdire l’usage, par un tiers, dans la vie des affaires, en particulier dans une publicité comparative, d’un signe identique à cette marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels ladite marque a été enregistrée, même lorsque cet usage, tout en jouant un rôle significatif dans la promotion des produits du tiers, n’engendre pas un risque de confusion pour le public quant à l’origine des produits ou des services en question, n’affecte pas les ventes des produits ou des services désignés par ladite marque et ne porte atteinte en aucune manière à la notoriété de celle-ci.

31.

Selon la jurisprudence de la Cour, l’existence d’un risque de confusion pour le public quant à l’origine des produits ou des services, à savoir le risque que le public puisse croire que les produits ou les services concernés proviennent de la même entreprise ou, éventuellement, d’entreprises économiquement liées entre elles, est nécessaire pour que l’utilisation d’un signe identique ou similaire à la marque d’autrui puisse être considérée comme interdite sur la base de l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive 89/104. En d’autres termes, l’interdiction édictée par cette disposition ne vaut que lorsque la fonction essentielle de la marque, qui consiste précisément à garantir aux consommateurs l’origine des produits ou des services risque d’être altérée  ( 15 ) .

32.

Doit-on conclure de la même manière, également, en ce qui concerne l’interdiction édictée à l’article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive précitée?

33.

À cette demande — à laquelle, à la suite de l’arrêt O2 Holdings et O2 (UK), il convient de répondre, ainsi que l’ont observé les sociétés appelantes, en faisant abstraction des possibilités d’opposer à cette interdiction des arguments en défense fondés sur l’article 6 de la directive 89/104 ou sur l’article 3 bis, paragraphe 1, de la directive 84/450 —, la Commission suggère de donner une réponse affirmative. À son avis, l’article 5, paragraphe 1, de la directive 89/104, considéré dans son ensemble, vise exclusivement à protéger la fonction essentielle de la marque, qui est, précisément, de garantir au public l’identité d’origine des produits revêtus de cette marque. Au soutien de cette position, elle renvoie, notamment, aux arrêts Arsenal Football Club, Anheuser-Busch et Adam Opel  ( 16 ) . La première question préjudicielle devrait donc recevoir une réponse négative. Les sociétés appelantes sont du même avis.

34.

À l’opposé, L’Oréal et le gouvernement français préconisent une réponse affirmative à la première question préjudicielle, en soulignant que l’article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive 89/104 ne vise pas uniquement à protéger la fonction de la marque consistant à garantir au public l’identité d’origine des produits marqués, mais qu’elle fournit également une protection par rapport aux autres fonctions de la marque. Ils invoquent, à cet égard, le dixième considérant de la directive susvisée ainsi que les arrêts Arsenal Football Club, Anheuser-Busch et Adam Opel, précités. L’Oréal soutient que la disposition susvisée protège, en particulier, les « fonctions de communication » de la marque, ainsi qu’il ressortirait des arrêts Parfums Christian Dior  ( 17 ) et Boehringer Ingelheim e.a.  ( 18 ) , ainsi que de l’arrêt du Tribunal « VIPS » ( 19 ) . De même, le gouvernement français, qui évoque la fonction de la marque « qui consiste à permettre à son titulaire de contrôler et protéger l’image de sa marque auprès des consommateurs » , se réfère à l’arrêt Parfums Christian Dior, qui aurait reconnu une telle fonction précisément par rapport aux marques notoirement connues, qui distinguent les parfums de luxe.

35.

Rappelons que, aux termes du neuvième considérant de la directive 89/104, « il est fondamental, pour faciliter la libre circulation des produits et la libre prestation des services, de faire en sorte que les marques enregistrées jouissent désormais de la même protection dans la législation de tous les États membres » et « que cela, cependant, n’enlève pas aux États membres la faculté d’accorder une protection plus large aux marques ayant acquis une renommée » .

36.

Quant au premier aspect, il y a lieu d’observer que la portée de la protection harmonisée des marques prescrite par la directive 89/104 ressort essentiellement de l’article 5, paragraphes 1 et 3, et des limitations prévues aux articles 6 et 7 de cette même directive.

37.

Quant au second aspect, l’article 5, paragraphe 2, de la directive autorise les États membres à accorder aux marques notoirement connues une protection renforcée par rapport à celle prévue à l’article 5, paragraphe 1. Contrairement à cette dernière disposition, en effet, l’article 5, paragraphe 2, n’impose pas aux États membres d’introduire dans leur droit national la protection prévue par cette disposition, mais se borne à leur concéder la faculté d’introduire une telle protection. Partant, lorsqu’un État membre s’est prévalu de cette faculté, les marques jouissant d’une renommée bénéficient sur son territoire tant de la protection conférée par l’article 5, paragraphe 1, que de celle prévue à l’article 5, paragraphe 2, de la directive  ( 20 ) .

38.

En ce qui concerne la protection devant obligatoirement être concédée à la marque en vertu de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 89/104, la position de la Commission suivant laquelle ladite disposition vise à protéger la seule fonction d’indication d’origine de la marque n’a certes rien d’étrange. Le dixième considérant de la directive 89/104, traitant en termes généraux de la « protection conférée par la marque enregistrée » indique, sans en apparence se référer à la seule hypothèse de similitude entre la marque et le signe et entre produits ou services, « que le risque de confusion […] constitue la condition spécifique de la protection » . Le fait que, aux termes de ce considérant, la protection soit « absolue en cas d’identité entre la marque et le signe et entre les produits ou services » pourrait simplement signifier que, dans ce cas, le titulaire de la marque n’est pas appelé à faire la preuve du risque de confusion  ( 21 ) , étant donné que celui-ci est présumé  ( 22 ) , et non nécessairement que l’usage de la marque peut être interdit également en l’absence de ce risque. Dans l’arrêt adidas AG et adidas Benelux  ( 23 ) , on peut lire que « [l]e risque de confusion constitue la condition spécifique de la protection conférée par la marque enregistrée , notamment contre l’usage par des tiers de signes non identiques » .

39.

Toutefois, il découle effectivement du dixième considérant que la protection en question a pour « but […] notamment de garantir la fonction d’origine de la marque » ( 24 ) .

40.

C’est également en mettant en exergue cet élément interprétatif que la Cour a, dans son arrêt Arsenal Football Club  ( 25 ) , pour la première fois affirmé que « le droit exclusif prévu à l’article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive 89/104 a été octroyé afin de permettre au titulaire de la marque de protéger ses intérêts spécifiques en tant que titulaire de la marque, c’est-à-dire d’assurer que la marque puisse remplir ses fonctions propres et que « [l’]exercice de ce droit doit dès lors être réservé aux cas dans lesquels l’usage du signe par un tiers porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque et notamment à sa fonction essentielle qui est de garantir aux consommateurs la provenance du produit » .

41.

Si ces affirmations ont été réitérées par la Cour, ultérieurement, dans ses arrêts Anheuser-Busch  ( 26 ) et Adam Opel  ( 27 ) , on peut observer quant à leur portée une certaine évolution.

42.

Dans l’affaire Arsenal Football Club, la Cour était notamment appelée à « déterminer si l’article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive habilite le titulaire de la marque à interdire tout usage dans la vie des affaires par un tiers d’un signe identique à la marque pour des produits identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée ou si ce droit d’opposition présuppose la présence d’un intérêt spécifique du titulaire en tant que titulaire de la marque, en ce que l’usage du signe en question par un tiers devrait affecter ou être susceptible d’affecter une des fonctions de la marque » ( 28 ) .

43.

C’est dans ce contexte que la Cour a développé les considérations reproduites au point 40 ci-dessus, pour ensuite conclure que « le titulaire ne pourrait pas interdire l’usage d’un signe identique à la marque pour des produits identiques à ceux pour lesquels la marque a été enregistrée si cet usage ne peut porter préjudice à ses intérêts propres en tant que titulaire de la marque eu égard aux fonctions de celle-ci » ( 29 ) .

44.

Ce que l’on peut, semble-t-il, déduire de l’arrêt Arsenal Football Club, c’est, en résumé, que l’usage d’un signe identique à la marque pour des produits identiques à ceux pour lesquels la marque a été enregistrée ne porte pas nécessairement atteinte ou risque de porter atteinte aux fonctions de la marque et que ce n ’ est qu’ en présence d’un préjudice ou d’un risque de préjudice pour l’une des fonctions de la marque que l’usage d’un signe identique à ce dernier par un tiers peut être interdit en vertu de l’article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive 89/104 (l’exercice du droit exclusif est ainsi « réservé » à ces cas). Et c’est pour ce motif que la Cour a estimé que des usages à des fins purement descriptives sont exclus du champ d’application de l’article 5, paragraphe 1, de la directive: ils ne lèsent aucun des intérêts protégés par cette disposition et ne rentrent donc pas dans la notion d’usage au sens de cette même disposition  ( 30 ) .

45.

L’arrêt Arsenal Football Club a qualifié le préjudice (ou son risque) comme condition de l’une des fonctions de la marque en tant que condition d’exercice du droit exclusif au titre de l’article 5, paragraphe 1, sous a), ainsi qu’il a été souligné au point 16 de l’arrêt Céline  ( 31 ) . Tout bien considéré, cela n’équivaut pas encore à reconnaître que l’usage de la marque par un tiers peut être interdit sur la base de la disposition précitée lorsqu’il y a un préjudice ou un risque de préjudice pour l’ une quelconque des fonctions de la marque ou, en d’autres termes, que toutes les fonctions susceptibles d’être remplies par la marque soient juridiquement protégées par la disposition elle-même. Dans l’arrêt Arsenal Football Club, les différentes fonctions de la marque ne sont pas définies, et l’arrêt n’indique pas non plus, d’une manière qui soit dépourvue d’équivoque, qu’elles sont toutes juridiquement protégées par l’article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive 89/104. Par ailleurs, la Cour a discerné dans les faits qui sous-tendent l’affaire au principal un préjudice (ou un risque de préjudice) à la fonction essentielle de la marque en tant que « garantie de provenance » du produit  ( 32 ) . On pourrait donc considérer que, dans l’arrêt Arsenal Football Club, la Cour a seulement entendu ne pas exclure — sans pour autant reconnaître — la protection, sur la base de la disposition précitée, des fonctions de la marque autres que la fonction essentielle, en laissant, en définitive, encore ouverte cette question.

46.

Il nous semble cependant qu’avec l’arrêt Adam Opel la Cour a franchi un pas supplémentaire en direction de la reconnaissance de la protection, sur la base de cette disposition, de fonctions de la marque autres que la fonction essentielle.

47.

S’il est vrai que, dans cet arrêt, la Cour a, en développant les considérations reproduites au point 40 ci-dessus, dans un premier temps souligné que « l’apposition par un tiers d’un signe identique à une marque enregistrée pour des jouets sur des modèles réduits de véhicules ne peut être interdite, conformément à l’article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive, que s’il porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de cette marque » ( 33 ) , elle a ensuite, en conclusion, repris ce concept en omettant toutefois le terme « ne […] que » et déclarait que, « lorsqu’une marque est enregistrée à la fois pour des véhicules automobiles — pour lesquels elle est renommée — et pour des jouets, l’apposition par un tiers sans autorisation du titulaire de la marque, d’un signe identique à cette marque sur des modèles réduits de véhicules de ladite marque, afin de reproduire fidèlement ces véhicules, et la commercialisation desdits modèles réduits […] constituent, au sens de l’article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive, un usage que le titulaire de la marque est habilité à interdire si cet usage porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque, en tant que marque enregistrée pour des jouets  ( 34 ) . Il n’apparaît pas arbitraire de considérer que cette prise de position n’équivaut pas simplement à l’affirmation suivant laquelle, en l’absence d’un préjudice (ou de son risque) à une fonction de la marque, la protection prévue à l’article 5, paragraphe 1, sous a), ne peut pas être activée (aucune protection s’il n’est même pas porté atteinte à une fonction de la marque ou si un tel risque n’existe pas), mais se traduit par l’affirmation suivant laquelle la mise en jeu de cette protection suppose qu’un préjudice ait été porté (ou risquait d’être porté) à l’une quelconque des fonctions de la marque (protection s’il est porté atteinte à une quelconque fonction de la marque ou si un tel risque existe).

48.

Observons par ailleurs que dans cet arrêt-là non plus la Cour n’a pas indiqué en substance les fonctions de la marque autres que la fonction essentielle, et qu’il n’avait d’ailleurs pas été allégué dans l’instance au principal que l’usage de la marque en question portait atteinte à « d’autres fonctions de cette marque que sa fonction essentielle » ( 35 ) .

49.

Toutefois, cette explicitation progressive, dans la jurisprudence, de l’idée d’une protection, fondée sur l’article 5, paragraphe 1, sous a), également des fonctions de la marque différentes de celle de garantie de l’origine soulève plusieurs questions importantes telles que celle, précisément, de définir ce que sont ces fonctions et celle, en outre, de vérifier de quelle manière ladite protection se concilie et se coordonne avec la protection prévue pour la marque notoirement connue, visée à l’article 5, paragraphe 2, de la directive en question, étant donné que cette dernière disposition, pour autant qu’elle se réfère à l’atteinte portée au caractère distinctif ou à la renommée d’une telle marque, semble elle aussi avoir pour but de défendre des fonctions de la marque.

50.

Quant au premier aspect, il y a lieu d’observer que ni la directive 89/104 ni, à ce qu’il nous semble, la jurisprudence de la Cour n’offrent une liste et une description des fonctions de la marque autres que celle de la garantie d’origine.

51.

Une contribution utile a été offerte, à cet égard, par l’avocat général Jacobs dans ses conclusions relatives à l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Parfums Christian Dior, précité  ( 36 ) . Après avoir observé que, « [b]ien que la Cour ait toujours souligné que les marques ont pour rôle d’indiquer l’origine des produits […], elle n’a pas voulu dire que les droits de marque ne peuvent être invoqués que pour préserver cette seule fonction » , il s’est référé à d’autres fonctions possibles de la marque, estimant d’ailleurs qu’elles faisaient partie intégrante ou en tout cas dérivaient de cette fonction essentielle: la « fonction de qualité » attachée à la marque, en tant que celle-ci « symbolise les qualités que les consommateurs associent à certains produits et services » et garantit « que les produits ou les services soient à la mesure des attentes » , et des « fonctions de ‘ communication ’ , d’investissement ou de publicité » , lesquelles « découlent du fait que les investissements faits pour promouvoir un produit sont organisés autour de la marque » et ont donc « une valeur digne de protection en tant que telle, même en l’absence d’abus consistant à dénaturer l’origine ou la qualité » .

52.

À son tour, l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer a, dans ses conclusions dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Arsenal Football Club, précité  ( 37 ) , estimé « simpliste et réducteur de limiter la fonction de la marque à une simple indication d’origine » , en soulignant que l’ « expérience démontre que les consommateurs ignorent généralement l’identité du fabricant des biens qu’ils consomment » , alors que la marque « acquiert une vie propre […], exprime une qualité, une réputation et même, dans certains cas, une conception de la vie » . Compte tenu du « fonctionnement actuel du marché et [du] comportement du consommateur moyen » , il « ne découvr[ait] aucune raison qui empêcherait de protéger ces autres fonctions de la marque pour protéger uniquement la fonction d’indication de l’origine des biens ou des services » ( 38 ) .

53.

En ce qui concerne la garantie de la qualité ou, de façon peut-être plus appropriée, de la constance (ou homogénéité) qualitative des produits revêtus de la marque, on a dit qu’il s’agissait tout au plus d’un aspect de la fonction de garantie d’origine  ( 39 ) . Le droit exclusif conféré par la marque protège les intérêts du titulaire de la marque et ne peut être invoqué par les consommateurs pour prétendre à une certaine qualité des produits. Bien qu’elle réponde généralement à l’intérêt du producteur titulaire de la marque, la constance qualitative n’est pas à l’évidence assurée, per se, par l’identité d’origine du produit et du contrôle unitaire y afférent, portant sur la qualité dudit produit, que la marque garantit. Comme l’a récemment observé l’avocat général Kokott, « le droit conféré par la marque doit ainsi garantir la possibilité de contrôler la qualité des produits et non l’exercice effectif d’un tel contrôle » ( 40 ) . La marque permet donc à son titulaire non seulement d’éviter qu’apparaissent comme étant de sa provenance des marchandises qui au contraire ne le sont pas (fonction de garantie de l’origine), mais également d’éviter que les marchandises provenant effectivement de son titulaire puissent subir, dans les phases de commercialisation suivant la première mise dans le commerce, par le titulaire ou avec son consentement, des altérations de leur qualité non autorisées par le titulaire (voir article 7, paragraphe 2, de la directive 89/104).

54.

Quant aux fonctions de communication remplies par la marque, et auxquelles se réfère L’Oréal, il apparaît certain que la marque peut véhiculer auprès des consommateurs des informations de nature variée concernant le produit qui en est revêtu. Il peut s’agir d’informations directement transmises par le signe qui compose la marque (par exemple, des informations relatives à des caractéristiques matérielles du produit transmises par les éléments descriptifs éventuellement contenus dans une marque complexe) ou, plus fréquemment, d’informations « accumulées » ( 41 ) sur la marque par le biais des actions promotionnelles et publicitaires menées par le titulaire — par exemple, des messages relatifs à des caractéristiques immatérielles donnant une image du produit ou de l’entreprise en termes généraux (par exemple, la qualité, la fiabilité, le sérieux, etc.) ou particuliers (par exemple, un certain style, le luxe, la force). Cette aptitude de la marque en termes d’information mérite protection, y compris lorsque l’usage de la marque par un tiers n’est pas de nature à provoquer de confusion quant à la provenance des produits ou des services  ( 42 ) .

55.

Comme l’a rappelé L’Oréal, la jurisprudence de la Cour a déjà reconnu comme digne de protection et objet de celle-ci, à travers le droit exclusif conféré à l’article 5 de la directive 89/104, la « renommée » de la marque. La Cour a considéré que « l’atteinte portée à la renommée de la marque peut, en principe, être un motif légitime au sens de l’article 7, paragraphe 2, de la directive justifiant que le titulaire s’oppose à la commercialisation ultérieure des produits qu’il a mis dans le commerce dans la Communauté ou qui l’ont été avec son consentement » ( 43 ) .

56.

Constitue en particulier un motif légitime, au sens de ladite disposition, le fait que la présentation des produits reconditionnés est susceptible de nuire à la réputation de la marque apposée sur ce produit  ( 44 ) . Ainsi, « un produit pharmaceutique reconditionné pourrait se présenter de manière inadéquate et, partant, nuire à la renommée de la marque, notamment au cas où l’emballage ou l’étiquette, bien que n’étant ni défectueux ni de mauvaise qualité ou de caractère brouillon, seraient de nature à affecter la valeur de la marque en portant préjudice à l’image de sérieux et de qualité qui s’attache à un tel produit ainsi qu’à la confiance qu’il est susceptible d’inspirer au public concerné » ( 45 ) . En outre, au cas où il utilise une marque pour promouvoir la commercialisation ultérieure de produits de luxe et de prestige revêtus de la même marque, un revendeur doit s’efforcer « d’éviter que sa publicité n’affecte la valeur de la marque en portant préjudice à l’allure et à l’image de prestige des produits en cause ainsi qu’à la sensation de luxe qui émane de ceux-ci » ( 46 ) .

57.

Cette jurisprudence — si elle confirme que la protection conférée à la marque à travers le droit exclusif conféré à l’article 5 de la directive 89/104 s’étend au-delà de la nécessité de protéger la fonction de garantie d’origine du produit et de l’existence donc d’un risque de confusion quant à l’origine des produits ou des services — laisse toutefois ouverte cette autre question, qui est de savoir dans quelle mesure la protection des fonctions de communication de la marque, et notamment de l’élément de réputation de celle-ci, contre l’usage d’un signe identique à la marque pour des produits identiques, relève de l’article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive 89/104 (en portant ainsi sur toutes les marques et pas seulement sur celles jouissant d’une renommée) et dans quelle mesure cette protection relève de l’article 5, paragraphe 2, de cette même directive, disposition qui, selon une jurisprudence constante, prévoit elle aussi — mais en se référant aux seules marques notoirement connues — une protection indépendamment de l’existence d’un risque de confusion pour le public  ( 47 ) . Question épineuse, surtout si l’on considère que:

le régime établi par ces deux dispositions est différent, étant donné que la protection visée à l’article 5, paragraphe 1, est obligatoire pour les États membres, alors que celle visée à l’article 5, paragraphe 2, est facultative;

la Cour a précisé, à partir de l’arrêt Davidoff, que l’article 5, paragraphe 2, s’applique également en liaison avec les produits et les services identiques ou similaires — et pas seulement, comme expressément indiqué par cette disposition, en liaison avec les produits ou les services non similaires — à ceux pour lesquels la marque a été enregistrée  ( 48 ) .

58.

Le fait d’avoir prévu une protection facultative en vertu de l’article 5, paragraphe 2, contre l’atteinte portée à la renommée d’une marque du fait de l’utilisation d’un signe identique pour des produits identiques semblerait s’opposer à l’idée suivant laquelle l’article 5, paragraphe 1, sous a), viserait à défendre toutes les fonctions de la marque contre un tel usage. Il pourrait sembler préférable, en ce sens, s’agissant d’interpréter la portée de cette dernière disposition, de s’en tenir à l’approche suivie dans l’arrêt Arsenal Football Club (aucune protection si pas même une fonction de la marque n’est altérée ou risque de l’être), plutôt qu’à celle qui semble découler de l’arrêt Adam Opel (protection si une quelconque fonction de la marque est altérée ou risque de l’être). Toutefois, on ne saurait exclure que l’interprétation ample de l’article 5, paragraphe 2, suivie par la jurisprudence inaugurée par l’arrêt Davidoff — à laquelle nous avons fait référence au second tiret du point précédent — couvre, outre naturellement les hypothèses expressément prévues par cette disposition, les hypothèses d’usage d’un signe identique à la marque notoirement connue pour un produit ou service similaire, d’usage d’un signe similaire à la marque notoirement connue pour un produit ou service identique et d’usage d’un signe similaire à la marque notoirement connue pour un produit ou service similaire, à l’exclusion de l’usage d’un signe identique à la marque notoirement connue pour un produit ou service identique, hypothèse qui continuerait de relever de l’article 5, paragraphe 1, sous a).

59.

À la lumière des circonstances du cas d’espèce, toutefois, il n’est pas nécessaire, pour répondre aux questions soumises par la Court of Appeal, de s’attarder davantage sur l’examen des problèmes d’interprétation esquissés dans les deux points précédents, ni de parvenir à une description exhaustive des fonctions de la marque pouvant bénéficier de la protection visée à l’article 5, paragraphe 1, sous a).

60.

À cet égard, observons que les deux premières questions préjudicielles partent de la constatation, opérée par la juridiction nationale, de l’inexistence en l’espèce tant d’un risque de confusion pour le public sur l’origine des produits, et donc d’une atteinte à la fonction essentielle des marques dont la protection est recherchée, que d’un préjudice à la renommée de ces marques, et donc aux fonctions (de communication) exercées par ces dernières, grâce à leur renommée. L’Oréal n’invoque apparemment pas, pour ses diffé rentes marques, d’atteinte portée à des fonctions autres que celles qui viennent d’être évoquées. D’ailleurs, dans ses observations écrites, après avoir invoqué les fonctions de communication des marques pour lesquelles elle sollicite une protection, L’Oréal n’avance même pas une atteinte (ou un risque d’atteinte) à la renommée de celles-ci, mais soutient que l’utilisation incriminée qui en est faite permet aux sociétés appelantes de tirer un avantage indu de cette renommée  ( 49 ) . Or, le fait de tirer un tel avantage n’implique pas, contrairement aux hypothèses de ternissement ou d’avilissement de la marque renommée, que ledit usage compromette ou risque de compromettre les fonctions de communication inhérentes aux marques en question, du fait de leur renommée.

61.

Nous estimons donc que la Cour pourra répondre aux première et deuxième questions préjudicielles en déclarant que l’article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive 89/104 doit être interprété en ce sens que le titulaire d’une marque n’est pas habilité à interdire l’usage par un tiers, dans une publicité comparative, d’un signe identique à cette marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque a été enregistrée, lorsque cet usage ne porte pas atteinte ni ne risque de porter atteinte à la fonction essentielle de la marque en tant que garantie d’origine, ni à aucune autre fonction de cette même marque, même si ledit usage joue un rôle significatif dans la promotion du produit de l’annonceur, en permettant notamment à ce dernier de tirer indûment profit de la renommée de cette marque.

62.

Précisons tout de suite, cependant, qu’un tel usage de la marque, à défaut de pouvoir être interdit sur la base de l’article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive 89/104, pourra naturellement — si les conditions en sont réunies — être poursuivi en vertu (des dispositions nationales de transposition) des articles 5, paragraphe 2, de cette même directive et/ou 3 bis, paragraphe 1, de la directive 84/450.

63.

C’est précisément sur cette dernière disposition que se concentrent les troisième et quatrième questions préjudicielles, que nous examinerons dans l’ordre, non sans relever, toutefois, à titre liminaire, que l’action intentée par L’Oréal contre les listes comparatives en question ne se fonde, selon la décision de renvoi, que sur la disposition nationale transposant l’article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive 89/104 (l’article 10, paragraphe 1, du TMA) mais non, au surplus, sur celle transposant l’article 5, paragraphe 2, de cette même directive ou, directement, sur les dispositions relatives à la publicité comparative.

64.

Il incombera à la juridiction de renvoi d’apprécier — au cas où elle considérerait, à la lumière de la réponse que la Cour donnera aux deux premières questions préjudicielles, que les conditions d’application de l’article 10, paragraphe 1, du TMA ne sont en l’espèce pas réunies — si, à la lumière de son droit interne, y compris procédural, les troisième et quatrième questions préjudicielles conservent malgré tout une pertinence aux fins de la résolution du litige qui lui a été soumis, concernant la licéité de l’usage des listes comparatives.

3. Sur la troisième question préjudicielle

65.

À travers sa troisième question préjudicielle, la juridiction de renvoi invite la Cour à interpréter l’expression « tire indûment profit » , employée à l’article 3 bis, paragraphe 1, sous g), de la directive 84/450. Partant de la prémisse que les sociétés appelantes elles-mêmes ne contestent pas que l’usage des listes comparatives permet à ces dernières de tirer profit de la renommée des parfums de luxe de L’Oréal, et soulignant que tout type de comparaison publicitaire avec un produit bien connu sur le marché comporte virtuellement un élément significatif de « free riding » ( « monte gratuite » ), la juridiction de renvoi demande notamment, dans la seconde partie de la question préjudicielle, si la comparaison avec un produit de marque de grande notoriété, effectuée dans le cadre d’une liste comparative, permet per se à l’annonceur de tirer indûment profit de la renommée de cette marque.

66.

Ainsi que nous l’avons observé dans de précédentes conclusions  ( 50 ) , la publicité comparative a le plus souvent pour objet la comparaison avec un concurrent plus important et comporte donc, en soi, un « rattachement » , dans une certaine mesure, à la réputation de celui-ci ou de ses signes distinctifs. Si le législateur a employé, à l’article 3 bis, paragraphe 1, sous g), de la directive 84/450, l’adjectif « indu » , c’est évidemment parce qu’il a estimé que l’existence d’un avantage pour l’annonceur, tiré de la renommée des signes distinctifs du concurrent n’est pas suffisante en soi pour justifier une interdiction de la publicité comparative  ( 51 ) . À cette fin, il est nécessaire que cet avantage puisse être qualifié d’ « indu » . On ne saurait en effet ignorer que la directive 97/55 exprime clairement une faveur du législateur communautaire à l’égard de la publicité comparative, laquelle peut constituer un moyen légitime d’information des consommateurs et de stimulation de la concurrence entre les fournisseurs de biens et de services dans l’intérêt des consommateurs (voir deuxième et cinquième considérants)  ( 52 ) , d’autant que, selon une jurisprudence constante, « les conditions exigées de la publicité comparative doivent être interprétées dans le sens le plus favorable à celle-ci » ( 53 ) .

67.

La seconde partie de la question préjudicielle présentement examinée appelle donc, à notre sens, une réponse négative.

68.

Ladite question vise cependant également, de manière plus générale, à connaître les critères permettant de qualifier d’indu l’avantage tiré de la renommée d’une marque au moyen d’une publicité comparative.

69.

L’Oréal renvoie à la définition contenue dans les conclusions présentées par l’avocat général Jacobs dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt adidas-Salomon et adidas Benelux  ( 54 ) , suivant laquelle « les notions de profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque doivent être entendues comme englobant ‘ les cas où il y a exploitation et parasitisme manifestes dans le sillage d’une marque célèbre ou une tentative de tirer profit de sa réputation ’» ( 55 ) . L’Oréal soutient, en substance, qu’est indu l’avantage obtenu à travers des augmentations des ventes et des prix du produit en cause, obtenues simplement en tirant profit des efforts de promotion et de commercialisation du titulaire de la marque notoirement connue, sans avoir consenti les mêmes efforts. Il y aurait exploitation indue de la renommée quand la comparaison n’est pas nécessaire pour distinguer les contenus et les avantages du produit annoncé par rapport à ceux revêtus de la marque notoirement connue. L’Oréal fait observer que, dans le cas d’espèce, l’usage de ses marques notoirement connues n’était pas indispensable pour décrire l’odeur des parfums vendus par les sociétés appelantes, odeur qui aurait bien pu être décrite par référence à des odeurs connues (par exemple, florales, épicées, d’agrumes).

70.

Les sociétés appelantes se réfèrent à l’arrêt Siemens  ( 56 ) , en rappelant notamment que, aux points 24 et 18 de cet arrêt, la Cour a indiqué, d’une part, que « l’avantage que constitue pour les consommateurs la publicité comparative doit nécessairement être pris en compte dans l’appréciation du caractère indu du profit que l’annonceur tire de la notoriété attachée à une marque […] d’un concurrent » et, d’autre part, qu’il convenait de vérifier si en l’espèce l’adoption, par l’auteur de la publicité, de l’élément central du système de numéros de commande du concurrent pouvait « avoir pour effet de créer, dans l’esprit du public visé par la publicité […], une association entre le fabricant des automates en cause au principal […] et le fournisseur concurrent, dès lors que ledit public [aurait pu] opérer un transfert de la réputation des produits de ce fabricant à ceux que commercialise ledit fournisseur » .

71.

En premier lieu, nous sommes d’accord avec la Commission et le gouvernement du Royaume-Uni pour considérer que l’expression employée par le législateur communautaire ( « tire indûment profit » ) ne se prête pas à une définition en termes généraux. Elle apparaît précisément conçue pour être appliquée de manière flexible, sur la base d’une approche au cas par cas, à la lumière des circonstances factuelles du cas d’espèce  ( 57 ) .

72.

Quant au passage des conclusions de l’avocat général Jacobs reproduit au point 69 ci-dessus, qui se situe d’ailleurs dans le contexte de l’interprétation de l’article 5, paragraphe 2, de la directive 89/104 et non dans celui de l’interprétation de l’article 3 bis, paragraphe 1, sous g), de la directive 84/450 — c’est à juste titre que l’avocat général Sharpston a récemment observé qu’il ne doit pas être interprété comme définissant la portée de la protection conférée par le droit communautaire aux marques jouissant d’une notoriété, mais plutôt comme la présentation, aux fins d’une meilleure compréhension des raisons de cette protection, du contexte historique et théorique dans lequel cette protection a été conférée  ( 58 ) . D’autre part, les expressions « exploitation et parasitisme manifestes » dans le sillage d’une marque notoirement connue ou « tentative de tirer profit de sa réputation » restent à leur tour plutôt indéfinies et apparaissent, par-dessus tout, peu utiles dans le contexte de la publicité comparative, laquelle, comme nous l’avons indiqué ci-dessus, entraîne, presque par définition, des comportements de ce genre de la part de son auteur.

73.

Le critère auquel se sont référées les sociétés appelantes, consistant à vérifier si, dans l’esprit du public destinataire de la publicité, une association s’établit entre le titulaire de la marque notoirement connue et l’annonceur, en sorte que, pour ce public, la réputation des produits du premier pourrait s’étendre à ceux vendus par le second (ci-après, par souci de brièveté, l’ « association avec extension de réputation » ), a effectivement été mentionné par la Cour dans les arrêts Toshiba Europe  ( 59 ) et Siemens  ( 60 ) comme étant pertinent dans le cadre de l’analyse visant à vérifier si l’usage de la marque d’autrui dans une publicité comparative peut se traduire, pour l’annonceur, par un profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque. Le rôle que devrait jouer ce critère dans le cadre de cette analyse n’apparaît cependant pas très clairement de ces arrêts. La réflexion suscitée en nous par les observations présentées dans la présente affaire et l’interprétation de l’article 5, paragraphe 2, de la directive 89/104, développée en parallèle afin de répondre à la cinquième question préjudicielle, nous font pencher en faveur de la thèse que la constatation de l’association avec extension de réputation permet certes d’affirmer l’existence d’un avantage tiré de la renommée de la marque d’autrui, mais pas pour autant le caractère indu de cet avantage. Dans le cas contraire, on ne comprendrait pas la raison pour laquelle, dans ce même arrêt Siemens, la Cour a reconnu la pertinence des « avantages que la publicité comparative présente pour les consommateurs » aux fins de l’appréciation de la nature, indue ou non, de l’avantage que l’auteur de la publicité tire de la renommée attachée à un signe distinctif d’un concurrent  ( 61 ) , et cela — il convient de le souligner — en dehors de l’analyse relative à la survenance d’une association avec extension de réputation.

74.

Dès lors, s’agissant de vérifier si la publicité comparative permet à l’annonceur de tirer indûment profit de la renommée de la marque du concurrent, il importera tout d’abord d’établir si elle peut avoir pour effet de créer dans l’esprit du public destinataire l’association avec extension de réputation. La Cour a indiqué que, aux fins de cette constatation, « il importe de prendre en considération la présentation globale de la publicité contestée ainsi que la nature du public auquel cette publicité est destinée » ( 62 ) , en suggérant également qu’un public composé de commerçants spécialisés peut être beaucoup moins enclin que des consommateurs finals à établir une association avec extension de réputation  ( 63 ) .

75.

Ledit effet étant constaté, et, par là même, l’existence d’un profit tiré de la renommée de la marque d’autrui, on ne pourra pas automatiquement en conclure que la publicité en question est contraire à l’article 3 bis, paragraphe 1, sous g), de la directive 84/450. Il importera encore d’évaluer le caractère indu ou non dudit profit. Cela devra se faire, à notre sens, en fonction des circonstances propres au cas d’espèce.

76.

Ce qui importe au besoin, in primis, ce sont les bénéfices que la publicité comparative en question présente pour les consommateurs  ( 64 ) , que ceux-ci soient intermédiaires ou finals. L’existence de ces bénéfices est inhérente au respect, par cette publicité, des conditions de licéité, visées à l’article 3 bis, paragraphe 1, points a) à d). Ces bénéfices doivent cependant être pondérés par d’autres éléments pertinents, tels que le degré de notoriété de la marque du concurrent par rapport à celui, éventuel, de la marque de l’auteur de la publicité, l’image particulière qui accompagne dans l’esprit des consommateurs le produit revêtu de la marque notoirement connue et les motivations qui poussent quelqu’un à acheter ce produit ou le produit objet de la publicité, la nécessité ou l’utilité de l’usage de la marque notoire ou des modalités y relatives par rapport aux objectifs d’information spécifiques de la publicité en question, la manière dont la publicité comparative s’insère dans la politique commerciale de son auteur (s’agit-il en particulier d’une initiative sporadique ou en tout cas incluse dans le champ d’une activité promotionnelle plus élaborée ou ladite politique commerciale est-elle systématiquement centrée sur la comparaison avec le produit revêtu de la marque notoirement connue). L’étendue de l’avantage retiré par l’auteur de la publicité et celle de la perte éventuellement subie par le titulaire de la marque notoire en termes de détournement de clientèle peuvent être prises en considération, mais devront avoir un poids inférieur par rapport aux autres éléments d’appréciation du caractère indu de l’avantage, étant donné que leur existence peut être considérée inhérente à la nature même du phénomène de la publicité comparative  ( 65 ) .

77.

C’est ainsi qu’il ne peut être exclu que même une publicité présentant un contenu informatif réel puisse être considérée comme de nature à engendrer, dans le chef de son auteur, un profit indu, dans l’hypothèse d’une association avec extension de réputation, lorsque ledit contenu est objectivement de valeur limitée, que la marque du concurrent jouit d’un degré élevé de notoriété et que les investissements destinés à promouvoir le produit de l’auteur de la publicité se résument à la comparaison publicitaire avec le produit de grande marque.

78.

Contrairement à ce que suggèrent L’Oréal et le gouvernement français, on ne devrait pas reconnaître une valeur déterminante au fait que la publicité comparative ne vise pas à distinguer des caractéristiques et des avantages du produit faisant l’objet de la publicité par rapport à ceux du produit de grande marque, ni au fait qu’il est possible de décrire les caractéristiques du premier produit sans faire référence au produit de grande marque. En effet, pour ce qui est du premier aspect, la Cour a estimé déjà à deux reprises que même « l’affirmation de l’existence d’une équivalence quant aux caractéristiques techniques des deux produits » constitue une « comparaison portant sur les caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives des produits au sens de l’article 3 bis, paragraphe 1, sous c), de la directive 84/450 » ( 66 ) ; pour ce qui est du second aspect, le but de la publicité comparative, que le législateur communautaire a entendu favoriser en adoptant la directive 97/55, est précisément celui de décrire le produit (ou les caractéristiques) de l’objet faisant l’objet de la publicité en termes relatifs, autrement dit par rapport au produit d’un ou de plusieurs concurrents (ou par rapport aux caractéristiques de celui-ci), au-delà de l’évidente possibilité d’en faire une description en termes absolus. Toutefois, il est vrai que, lorsque « le but visé par cette publicité est uniquement de distinguer les produits de l’annonceur de ceux de son concurrent et de mettre ainsi les différences objectivement en relief » , le profit qu’en retire cet annonceur ne pourra pas être considéré indu  ( 67 ) .

79.

Relevons, enfin, que l’appréciation à opérer est de nature factuelle et rentre dans la compétence de la juridiction de renvoi. Dans son arrêt Adam Opel  ( 68 ) , la Cour, bien que dans le contexte de l’interprétation de l’article 5, paragraphe 2, de la directive 89/104, a, à notre sens, souligné à juste titre qu’il appartient à ladite juridiction, le cas échéant, d’établir, notamment, si l’usage de la marque notoire en question dans l’affaire au principal permet de tirer indûment profit de la notoriété de ladite marque. Il doit également en être ainsi, selon nous, pour ce qui est de l’article 3 bis, paragraphe 1, sous g), de la directive 84/450.

80.

Nous considérons donc que la Cour pourra répondre à la troisième question préjudicielle en déclarant que cette dernière disposition doit être interprétée en ce sens que le simple fait d’opérer, au moyen de listes comparatives, une comparaison publicitaire avec un produit commercialisé sous une marque notoirement connue ne permet pas de conclure que l’annonceur tire indûment profit de la notoriété attachée à cette marque et que, si l’existence d’un tel profit présuppose que se produit dans l’esprit du public destinataire de la publicité une association entre le titulaire de la marque notoirement connue et l’annonceur telle que, ce faisant, ledit public pourrait étendre la réputation des produits du premier à ceux du second, le caractère indu de ce profit doit être constaté par la juridiction nationale en fonction des circonstances pertinentes propres au cas d’espèce.

4. Sur la quatrième question préjudicielle

81.

La quatrième question préjudicielle, portant sur l’interprétation de l’article 3 bis, paragraphe 1, sous h), de la directive 84/450, soulève, à notre avis, moins de difficultés que la précédente. Nous nous bornerons donc à y répondre plus brièvement.

82.

La disposition citée interdit sans ambiguïté la présentation d’un produit ou d’un service comme imitation ou reproduction  ( 69 ) d’un produit ou service protégé par une marque ou une dénomination commerciale déposées. Les concepts d’imitation et de reproduction font allusion, à notre avis, au fait que le fabricant, en concevant son produit, n’a pas employé sa propre créativité, mais a cherché, tout en n’y réussissant que partiellement, à lui conférer les mêmes caractéristiques qu’un produit protégé par une marque appartenant à autrui ou a cherché, en y réussissant, à lui conférer des caractéristiques très semblables (hypothèses pouvant l’une et l’autre se ramener à une imitation), voire même réussi à reproduire intégralement les caractéristiques du second produit (reproduction).

83.

L’objet de l’interdiction est donc une certaine présentation du produit ou du service. La disposition en cause, contrairement à ce qu’ont soutenu les sociétés appelantes, ne s’intéresse pas aux produits contrefaits en tant que tels, pour interdire la publicité comparative destinée à les promouvoir (il y a lieu de rappeler, au reste, que, selon les constatations de la juridiction de renvoi, les parfums commercialisés par ces dernières ne sont pas des produits contrefaits, en ce sens qu’il est parfaitement légal au Royaume-Uni de fabriquer et de vendre un parfum ayant une odeur identique ou similaire à un parfum de luxe connu). Cette disposition n’est pas non plus formulée de manière à interdire la publicité comparative de produits ou de services dont on peut dire, avec raison, qu’ils constituent une imitation ou une reproduction de produits ou de services protégés par une marque appartenant à autrui, contrairement à ce que soutient L’Oréal.

84.

Cette disposition ne semble pas non plus interdire les affirmations d’équivalence entre le produit de l’annonceur (ou l’une de ses caractéristiques) et le produit protégé par une marque appartenant à autrui (ou l’une de ses caractéristiques). C’est pourquoi, lorsque l’annonceur affirme seulement que son produit est équivalent (ou a une caractéristique équivalant) au produit protégé par la marque d’autrui (ou à une de ses caractéristiques), sans toutefois faire allusion au fait que cette équivalence est le fruit d’une copie de ce second produit (ou de l’une de ses caractéristiques), il ne nous semble pas que cet opérateur recoure à une présentation d’un produit comme imitation ou reproduction de l’autre. L’infraction sera au contraire consommée, par exemple — outre le cas d’admission explicite de l’imitation ou de la reproduction du produit d’autrui protégé par une marque — en cas d’utilisation, à propos du produit de l’annonceur, de formules telles que « type » ou « style » , suivies de cette marque. Il se peut en outre que le message publicitaire, tout en ne contenant pas de telles formules ou de formules renvoyant, de manière différente, mais explicite, à l’idée d’imitation ou de reproduction, se révèle néanmoins, à la lumière de sa présentation globale et du contexte économique dans lequel il s’insère, apte à transmettre cette idée au public destinataire, même si ce n’est que de manière implicite.

85.

Nous estimons dès lors qu’un annonceur qui affirme que son produit a une caractéristique essentielle identique à celle d’un produit protégé par une marque, notoirement connue ou pas, ne viole pas de ce seul fait la condition visée à l’article 3 bis, paragraphe 1, sous h), de la directive 84/450. Ajoutons que le caractère véridique de cette affirmation, souligné dans la question préjudicielle présentement examinée, est dépourvu de pertinence aux fins de l’application de cette disposition, mais qu’il importe en revanche aux fins de l’application de l’article 3 bis, paragraphe 1, sous a), de ladite directive.

86.

Les sociétés appelantes ont soutenu que l’article 3 bis, paragraphe 1, sous h), de la directive 84/450 n’interdit pas de présenter une caractéristique spécifique d’un produit comme étant équivalente à celle du produit de marque auquel il est comparé. Dans le cas d’espèce, l’affirmation de l’équivalence contenue dans la publicité comparative, telle que reprise dans la question préjudicielle présentement examinée, ne concernerait précisément que l’une des caractéristiques (l’odeur) du produit (le parfum) et non le produit dans son ensemble. Le représentant de la Commission, en reprenant à l’audience l’argument des sociétés appelantes, a suggéré que, en admettant qu’il y ait d’autres caractéristiques du produit qui soient pertinentes aux fins du choix exercé par le consommateur et qu’elles ne soient pas concernées par la comparaison, les conditions préalables à l’interdiction, sur la base des dispositions en cause, d’une publicité affirmant une équivalence uniquement au regard de certaines caractéristiques du produit, feraient défaut en l’espèce.

87.

Étant donné qu’à notre avis le point qui importe aux fins de cette disposition n’est pas l’affirmation d’une identité ou équivalence, totale ou partielle, entre les produits, mais l’externalisation du fait que le produit objet de la publicité a été fabriqué selon un procédé d’imitation ou de reproduction à partir du modèle constitué par le produit protégé par la marque, la question que nous sommes amené à nous poser à la suite des arguments précités est de savoir si la condition de licéité en cause n’est enfreinte que lorsque la publicité représente le produit de l’annonceur dans son ensemble comme une imitation ou une reproduction de celui protégé par la marque ou si elle l’est également lorsqu’elle représente, en tant qu’objet d’imitation ou de reproduction, une ou quelques-unes seulement des caractéristiques du produit.

88.

À cet égard, dès lors que c’est précisément l’ « aveu » manifeste au niveau publicitaire, de l’existence d’une imitation ou d’une reproduction d’un produit protégé par une marque que la disposition précitée vise à empêcher en vue de protéger ce dernier, nous sommes d’avis que la condition de licéité en cause n’est pas respectée lorsqu’un message signale, de manière implicite ou explicite, qu’une caractéristique du produit objet de la publicité imite ou reproduit celle correspondante du produit protégé par une marque appartenant à autrui, à condition qu’il s’agisse d’une caractéristique essentielle aux yeux du public destinataire dudit message.

89.

Nous suggérons donc à la Cour de répondre à la quatrième question préjudicielle en déclarant que l’article 3 bis, paragraphe 1, sous h), de la directive 84/450 doit être interprété en ce sens que:

il interdit un message publicitaire faisant, compte tenu également du contexte économique dans lequel il s’insère, explicitement ou implicitement allusion au fait que le produit de l’annonceur a été fabriqué de manière à imiter ou à reproduire, même si cette imitation ou reproduction se limite à l’une ou à plusieurs des caractéristiques essentielles, un produit protégé par une marque appartenant à autrui;

partant, il n’interdit pas un message publicitaire du seul fait qu’il est affirmé dans celui-ci que le produit de l’auteur de ce message a une caractéristique essentielle identique à celle d’un produit protégé par une marque, éventuellement notoirement connue.

B — Sur la cinquième question préjudicielle

90.

La cinquième question préjudicielle, qui porte sur l’interprétation de l’article 5, paragraphe 2, de la directive 89/104, est soulevée dans le cadre des débats de l’instance au principal intéressant non les listes comparatives, mais le conditionnement (emballage et flacon) de certains des parfums commercialisés par les sociétés appelantes.

91.

La juridiction de renvoi interroge la Cour uniquement sur le concept rattaché à l’expression « tirer indûment profit  […] de la renommée de la marque » , reprise à l’article 5, paragraphe 2, de la directive 89/104, en demandant notamment si l’usage d’un signe similaire à une marque notoirement connue — dès lors qu’il ne porte pas atteinte ni ne risque de porter atteinte à la fonction de garantie d’origine de ladite marque, qu’il ne se traduit ni par un ternissement ( « tarnishment » ) ni par un brouillage ( « blurring » ) de la marque notoirement connue, qu’il n’affecte pas les ventes du titulaire de la marque ni ne prive celui-ci des retours sur investissement pour les investissements effectués sur la marque elle-même, mais n’en procure pas moins à l’opérateur qui en fait usage un avantage commercial en raison de la similitude entre le signe et la marque — permet à cet opérateur de « tirer indûment profit » de la renommée de la marque, au sens de la disposition précitée.

92.

En posant cette question, la juridiction de renvoi souligne notamment que, au cas où il serait établi — à la suite de la similitude entre le conditionnement des produits des sociétés appelantes et les marques enregistrées de L’Oréal — qu’un lien d’association se crée dans l’esprit du public entre ces produits et ceux de la marque renommée, un tel lien se traduirait par un avantage pour les sociétés appelantes, étant donné qu’il leur permettrait de pratiquer un prix plus élevé que celui qu’elles pourraient pratiquer, à défaut. Il semble cependant à la juridiction de renvoi qu’affirmer, dans les circonstances évoquées dans la question préjudicielle présentement examinée, l’existence d’un profit indu signifierait priver de toute fonction le terme « indûment » qui n’en figure pas moins à l’article 5, paragraphe 2, de la directive 89/104.

93.

Nous avons déjà rappelé, au point 57 ci-dessus, que la protection prévue par cette disposition, selon la jurisprudence, couvre également l’hypothèse de l’usage d’un signe similaire à la marque notoirement connue pour des produits identiques ou similaires et n’a pas été instituée uniquement pour prévenir le risque de confusion dans l’esprit du public.

94.

Cette protection présuppose que le degré de similitude entre la marque notoirement connue et le signe utilisé par le tiers ait pour effet que le public intéressé établisse un lien entre le signe et la marque, sans pour autant nécessairement les confondre  ( 70 ) .

95.

Une autre condition spécifique de la protection est constituée par un usage sans juste motif du signe contesté qui permet de tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou leur porte préjudice  ( 71 ) . Il s’agit d’hypothèses distinctes, chacune d’entre elles pouvant survenir dans un cas d’espèce donné en l’absence des autres, et justifier en soi la protection en cause  ( 72 ) .

96.

Pour paraphraser les observations de l’avocat général Sharpston concernant l’article 4, paragraphe 4, sous a), de la directive 89/104  ( 73 ) , nous observerons en outre que le concept de « profit indu » est clairement centré sur le bénéfice pour le signe utilisé par le tiers plutôt que sur le préjudice pour la marque notoirement connue.

97.

Il résulte des considérations qui précèdent que les circonstances auxquelles la juridiction de renvoi se réfère aux points a) à d) de la question préjudicielle présentement examinée — à savoir l’absence de préjudice (ou risque de préjudice) porté à la fonction essentielle de la marque en tant que garantie d’origine, l’absence de préjudice (ou risque de préjudice) porté au caractère distinctif ou à la notoriété de la marque, et le défaut d’incidence sur les ventes des produits revêtus d’une marque notoirement connue et sur le retour sur investissement pour les investissements effectués sur cette marque — ne sont pas de nature à exclure que le profit qu’un annonceur tire de l’usage pour ses produits d’un signe similaire à une marque notoirement connue puisse être qualifié d’ « indu » au sens de l’article 5, paragraphe 2, de la directive 89/104.

98.

Cela ne signifie toutefois pas que, pour opérer cette qualification, il soit suffisant de constater que se produit dans l’esprit du public le lien susmentionné entre le signe et la marque par suite de la similitude entre les deux  ( 74 ) .

99.

Dans plusieurs arrêts où il a interprété l’article 8, paragraphe 5, du règlement (CE) n o  40/94, du Conseil, du 20 décembre 1993 , sur la marque communautaire ( JO 1993, L 11, p. 1 ), le Tribunal a affirmé que « la notion de profit que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure […] [renvoie au] risque que l’image de la marque renommée ou les caractéristiques projetées par cette dernière soient transférées aux produits désignés par la marque demandée, de sorte que leur commercialisation serait facilitée par cette association avec la marque antérieure renommée » ( 75 ) .

100.

Toutefois, dans ces mêmes arrêts, le Tribunal a également affirmé que le risque en cause subsiste « lorsque le consommateur, sans nécessairement confondre l’origine commerciale du produit ou du service en cause, est attiré par la marque demandée elle-même et achètera le produit ou le service visé par elle au motif qu’il porte cette marque , identique à une marque antérieure renommée ou similaire » ( 76 ) .

101.

Or, observons que c’est une chose de dire, comme dans le passage reproduit au point 99 ci-dessus, que le miroitement de l’image de la marque notoirement connue sur des produits désignés par la marque demandée facilite la commercialisation de ces derniers; c’en est une autre, à l’opposé, de dire — comme on pourrait, semble-t-il, le déduire du passage reproduit au point précédent — que c’est uniquement en vertu de cet effet de miroir que le consommateur serait amené à acheter ces produits, plutôt que d’autres. Cette seconde perspective est très restrictive, puisqu’elle subordonne la protection conférée à la marque notoirement connue contre les comportements parasitaires à la démonstration que, à défaut du miroitement de l’image de la marque notoire sur le produit désigné par la marque demandée, ce dernier ne serait pas acheté par le consommateur.

102.

En paraphrasant, là encore, les observations de l’avocat général Sharpston, pour les étendre du contexte de l’opposition à l’enregistrement d’une marque par le titulaire d’une marque renommée antérieure à celui de la protection d’une marque renommée contre l’usage d’un signe identique ou similaire à celui-ci: « [i]l s’agit d’établir l’existence d’une espèce de coup de pouce dont profiterait [le signe du tiers] du fait de son lien avec la marque [renommée] » ( 77 ) .

103.

Pour faire la démonstration d’un profit tiré de la notoriété d’une marque, au sens de l’article 5, paragraphe 2, de la directive 89/104, il devrait, à notre sens, suffire de démontrer une attraction particulière du consommateur pour le signe utilisé par le tiers, en raison de l’association de ce signe avec les qualités positives de la marque renommée  ( 78 ) , et de nature à inciter le consommateur à acquérir les produits revêtus de cette marque.

104.

Or, une fois fournie cette démonstration, devrait-on pour autant conclure qu’un tel profit est en soi indu?

105.

À cet égard, il nous paraît utile, tout d’abord, de souligner que l’article 5, paragraphe 2, de la directive 89/104, à la différence de l’article 3 bis, paragraphe 1, sous g), de la directive 84/450, contient, outre l’élément « indûment » , également une référence à l’usage « sans juste motif » (dans la version italienne: « immotivato » ) du signe  ( 79 ) . Pour ce qui est des hypothèses de parasitisme visées par la première de ces dispositions, on est donc confronté à la difficulté de déterminer le rôle respectif de ces deux éléments, dont la reprise, côte à côte, pourrait à première vue sembler inutilement redondante. Il convient en effet de se demander comment on pourrait tirer de la renommée d’une marque un profit qui ne soit pas indu lorsqu’on fait usage d’un signe identique ou similaire à cette marque sans juste motif .

106.

Pour résoudre cette difficulté, il nous semble que l’on doit considérer que l’adverbe « indûment » n’entre en jeu que lorsqu’un juste motif est invoqué et démontré aux fins de l’usage de ce signe.

107.

Cela signifie que, lorsque le « coup de pouce » donné au signe du tiers, du fait de son lien avec la marque renommée, dans les limites que nous avons indiquées au point 103 ci-dessus, découle d’un usage de ce signe se fondant sur un juste motif, il importera encore de vérifier, en vue d’établir si le titulaire de cette marque peut interdire cet usage, si le profit tiré par le tiers a un caractère indu ou non.

108.

Lorsque, au contraire, aucun juste motif n’aura été avancé ni démontré pour l’usage de ce signe (et le simple fait de tirer un profit de la renommée de la marque ne peut évidemment pas en constituer un), ledit usage pourra être interdit par le titulaire de la marque, dès lors qu’un tel usage permet au tiers de tirer profit de la renommée de cette marque. À défaut donc d’un juste motif, ce profit doit être réputé indûment tiré. Partant, ainsi que le suggère en substance le gouvernement français, s’il apparaît que l’usage, par un annonceur, d’un signe semblable à la marque renommée d’autrui pour marquer ses produits n’a pas d’autre but que d’exploiter la réputation ou l’image spécifique de cette marque, en vue de promouvoir la vente de ces produits, on devrait ipso facto qualifier d’indu le profit qui en découle pour cet opérateur.

109.

Dans l’hypothèse où un juste motif serait au contraire effectivement invoqué et démontré par celui-ci, on ne pourra plus présumer le caractère indu du profit tiré de la renommée de la marque, et il conviendra au contraire d’en apprécier le caractère indu ou non à la lumière de toutes les circonstances pertinentes du cas d’espèce  ( 80 ) et en liaison avec la nature du juste motif constaté.

110.

Il appartiendra à la juridiction nationale de vérifier, notamment, si les sociétés appelantes ont avancé un juste motif pour l’utilisation de flacons et d’emballages similaires aux marques de L’Oréal et, dans l’affirmative, si le profit que lesdites sociétés tirent de la renommée de ces dernières a, compte tenu de ce motif et de toute circonstance pertinente du cas d’espèce, un caractère indu ou non  ( 81 ) .

111.

Nous suggérons donc à la Cour de répondre à la cinquième question préjudicielle en déclarant que l’article 5, paragraphe 2, de la directive 89/104 doit être interprété en ce sens que:

lorsqu’un annonceur utilise un signe similaire à une marque renommée appartenant à autrui en en retirant un profit trouvant son origine dans cette similitude et dans l’association qui s’opère entre ledit signe et des qualités positives de ladite marque, cette utilisation pourra faire l’objet d’une interdiction lorsqu’elle n’est pas fondée sur un juste motif, lequel ne pourra résider dans le profit lui-même ou, lorsqu’il est fondé sur un juste motif, s’il s’avère — compte tenu de ce motif et de toutes les circonstances pertinentes du cas d’espèce — que ledit profit a un caractère indu;

ne font pas obstacle à cette interdiction l’absence de préjudice (ou risque de préjudice) porté à la fonction essentielle de la marque en tant que garantie d’origine, l’absence de préjudice (ou risque de préjudice) porté au caractère distinctif ou à la renommée de la marque, ni l’absence d’incidence de cette utilisation sur les ventes des produits revêtus de la marque ou sur le retour correspondant aux investissements effectués sur celle-ci.

IV — Conclusions

112.

À la lumière des considérations exposées ci-dessus, nous suggérons à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) de la façon suivante:

« 1)

L’article 5, paragraphe 1, sous a), de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988 , rapprochant les législations des États membres sur les marques, doit être interprété en ce sens que le titulaire d’une marque n’est pas habilité à interdire l’usage par un tiers, dans une publicité comparative, d’un signe identique à cette marque pour des produits ou services identiques à ceux pour lesquels la marque a été enregistrée, lorsque cet usage ne porte pas atteinte ni ne risque de porter atteinte à la fonction essentielle de la marque en tant que garantie d’origine, ni à aucune autre fonction de cette même marque, même si ledit usage joue un rôle significatif dans la promotion du produit de l’annonceur, en permettant notamment à ce dernier de tirer indûment profit de la renommée de cette marque.

2)

L’article 3 bis, paragraphe 1, sous g), de la directive 84/450/CEE du Conseil, du 10 décembre 1984 , en matière de publicité trompeuse et de publicité comparative, telle que modifiée par la directive 97/55/CE du Parlement européen et du Conseil, du , doit être interprété en ce sens que le simple fait d’opérer, au moyen de listes comparatives, une comparaison publicitaire avec un produit commercialisé sous une marque notoirement connue ne permet pas de conclure que l’annonceur tire indûment profit de la notoriété attachée à cette marque et que, si l’existence d’un tel profit présuppose que se produit dans l’esprit du public destinataire de la publicité une association entre le titulaire de la marque notoirement connue et l’annonceur telle que, ce faisant, ledit public pourrait étendre la réputation des produits du premier à ceux du second, le caractère indu de ce profit doit être constaté par la juridiction nationale en fonction des circonstances pertinentes propres au cas d’espèce.

3)

L’article 3 bis, paragraphe 1, sous h), de la directive 84/450, telle que modifiée par la directive 97/55, doit être interprété en ce sens que:

il interdit un message publicitaire faisant, compte tenu également du contexte économique dans lequel il s’insère, explicitement ou implicitement allusion au fait que le produit de l’annonceur a été fabriqué de manière à imiter ou à reproduire, même si cette imitation ou reproduction se limite à l’une ou plusieurs des caractéristiques essentielles, un produit protégé par une marque appartenant à autrui;

partant, il n’interdit pas un message publicitaire du seul fait qu’il est affirmé dans celui-ci que le produit de l’auteur de ce message a une caractéristique essentielle identique à celle d’un produit protégé par une marque, éventuellement notoirement connue.

4)

L’article 5, paragraphe 2, de la directive 89/104 doit être interprété en ce sens que:

lorsqu’un annonceur utilise un signe similaire à une marque renommée appartenant à autrui en en retirant un profit trouvant son origine dans cette similitude et dans l’association qui s’opère entre ledit signe et des qualités positives de ladite marque, cette utilisation pourra faire l’objet d’une interdiction lorsqu’elle n’est pas fondée sur un juste motif, lequel ne pourra résider dans le profit lui-même ou, lorsqu’il est fondé sur un juste motif, s’il s’avère — compte tenu de ce motif et de toutes les circonstances pertinentes du cas d’espèce — que ledit profit a un caractère indu;

ne font pas obstacle à cette interdiction l’absence de préjudice (ou risque de préjudice) porté à la fonction essentielle de la marque en tant que garantie d’origine, l’absence de préjudice (ou risque de préjudice) porté au caractère distinctif ou à la renommée de la marque, ni l’absence d’incidence de cette utilisation sur les ventes des produits revêtus de la marque ou sur le retour correspondant aux investissements effectués sur celle-ci. »


( 1 ) Langue originale: l’italien.

( 2 ) JO 1989, L 40, p. 1 .

( 3 ) JO L 250, p. 17 .

( 4 ) JO L 290, p. 18 .

( 5 ) La directive 89/104 a été récemment abrogée et remplacée par la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008 , rapprochant les législations des États membres sur les marques ( JO L 299, p. 25 ), entrée en vigueur le , laquelle, aux termes de son premier considérant, a veillé à « codifier » , « dans un souci de clarté et de rationalité » , la directive 89/104. Les articles 5 et 6 de la directive 2008/95 reproduisent, sans modifications substantielles, les dispositions déjà contenues aux articles 5 et 6 de la directive 89/104.

( 6 ) La directive 84/450 a été ultérieurement modifiée par la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005 , relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur ( « directive sur les pratiques commerciales déloyales » ) ( JO L 149, p. 22 ), puis abrogée et remplacée, à compter du , par la directive 2006/114/CE du Parlement européen et du Conseil, du , en matière de publicité trompeuse et de publicité comparative ( JO L 376, p. 21 ), laquelle ne constitue, cependant, qu’une version codifiée, par souci de clarté et de rationalité, des dispositions de la directive 84/450 en vigueur auparavant.

( 7 ) Décision de renvoi, point 7.

( 8 ) Conclusions du 30 novembre 2006 , dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du ( C-381/05, Rec. p. I-3115 ).

( 9 ) Précitée.

( 10 ) Arrêt du 12 juin 2008 ( C-533/06, Rec. p. I-4231 ).

( 11 ) Ibidem, points 36 et 37.

( 12 ) Ibidem, points 45 et 51.

( 13 ) Arrêt du 10 avril 2008 ( C-102/07, Rec. p. I-2439 , point 46). Voir également conclusions de l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer rendues le dans la même affaire (points 75 et 78, auxquels renvoie le point susmentionné de l’arrêt précité).

( 14 ) Nous nous référons, bien entendu, au fait que ces produits sont, génériquement, d’un point de vue commercial, des parfums, et non à l’identité des produits sous l’angle de leurs caractéristiques ou qualités.

( 15 ) Arrêts du 9 janvier 2003 , Davidoff ( C-292/00, Rec. p. I-389 , point 28), et O2 Holdings et O2 (UK), précité (points 47 et 57 à 59, ainsi que jurisprudence citée).

( 16 ) Arrêts du 12 novembre 2002 ( C-206/01, Rec. p. I-10273 , point 51); du ( C-245/02, Rec. p. I-10989 , point 59), et du ( C-48/05, Rec. p. I-1017 , point 21).

( 17 ) Arrêt du 4 novembre 1997 ( C-337/95, Rec. p. I-6013 ).

( 18 ) Arrêt du 26 avril 2007 ( C-348/04, Rec. p. I-3391 ).

( 19 ) Arrêt du 22 mars 2007 , SIGLA/OHMI — Elleni Holding (VIPS) ( T-215/03, Rec. p. II-711 ).

( 20 ) Arrêt Davidoff, précité (points 18 et 19).

( 21 ) C’est dans ce sens que l’avocat général Jacobs, dans ses conclusions du 17 janvier 2002 dans l’affaire LTJ Diffusion (arrêt du , C-291/00, Rec. p. I-2799 ), points 33 à 39, a entendu le caractère absolu de la protection de la marque souligné dans le dixième considérant de la directive 89/104, pour en conclure que « la protection que les dispositions pertinentes accorde aux titulaires de marques est principalement fondée sur l’existence d’un risque de confusion qu’il est superflu de prouver lorsque les deux marques (ou la marque et le signe) et les produits couverts ne sont pas simplement similaires, mais identiques » , et que « [l]es articles 4, paragraphe 1, sous a), et 5, paragraphe 1, sous a), de la directive ne sont appelés à s’appliquer que dans pareils cas, puisque l’existence d’un risque de confusion peut être présumée sans examen plus approfondi » . C’est dans le même sens que l’on pourrait entendre, en outre, l’affirmation contenue au point 49 de l’arrêt précité, suivant laquelle « l’article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive n’exige pas la preuve d’un tel risque pour accorder une protection absolue en cas d’identité du signe et de la marque ainsi que des produits ou des services » .

( 22 ) Rappelons que, aux termes de l’article 16, paragraphe 1, de l’accord ADPIC (accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce) — annexé à l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC), signé à Marrakech le 15 avril 1994 et approuvé au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, par la décision 94/800/CE du Conseil, du ( JO L 336, p. 1 ) —, « [e]n cas d’usage d’un signe identique pour des produits ou des services identiques, un risque de confusion sera présumé exister » . Voir également, à cet égard, conclusions de l’avocat général Tizzano du dans l’affaire Anheuser Busch, précitée (en particulier, points 71 à 77).

( 23 ) Précité (point 28), c’est nous qui mettons en italique.

( 24 ) Passage mis en italique par nous.

( 25 ) Précité (point 51), passages mis en italique par nous.

( 26 ) Précité (point 59).

( 27 ) Précité (point 21).

( 28 ) Arrêt précité (point 42).

( 29 ) Ibidem (point 54).

( 30 ) Arrêts du 14 mai 2002 , Hölterhoff ( C-2/00, Rec. p. I-4187 , point 16), et Arsenal Football Club, précité (point 54).

( 31 ) Arrêt du 11 septembre 2007 ( C-17/06, Rec. p. I-7041 ).

( 32 ) Arrêt précité (point 61).

( 33 ) Arrêt Adam Opel, précité (point 22), passage mis en italique par nous.

( 34 ) Ibidem (point 37). Voir, dans le même sens, également points 26 et 36 de l’arrêt Céline, précité, à titre de comparaison: selon le premier point, « l’usage, par un tiers qui n’y a pas été autorisé, d’un signe identique à une marque enregistrée pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels cette marque est enregistrée ne peut être interdit, conformément à l’article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive, que s’il porte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de ladite marque, et notamment à sa fonction essentielle qui est de garantir aux consommateurs la provenance des produits ou des services » (passages mis en italique par nous); alors qu’aux termes du second, dans lequel n’apparaissent plus les termes « ne […] que » , « l’usage, par un tiers qui n’y a pas été autorisé, d’une dénomination sociale, d’un nom commercial ou d’une enseigne identique à une marque antérieure, dans le cadre d’une activité de commercialisation de produits identiques à ceux pour lesquels cette marque a été enregistrée, constitue un usage que le titulaire de ladite marque est habilité à interdire conformément à l’article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive, s’il s’agit d’un usage pour des produits qui porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque » .

( 35 ) Ibidem (point 25).

( 36 ) Conclusions du 29 avril 1997 (points 39, 41 et 42).

( 37 ) Conclusions du 13 juin 2002 (points 46 et 47).

( 38 ) Voir également, sur les fonctions de la marque, conclusions de l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer du 19 janvier 2006 dans l’affaire Emanuel (arrêt du , C-259/04, Rec. p. I-3089 ), points 41 à 45.

( 39 ) En ce sens, voir, entre autres, la communication de Lord Mackenzie Stuart intitulée « Les travaux de la Cour de justice des Communautés européennes » , dans Marque et Droit économique — Les fonctions de la marque (actes du symposium des 6 et 7 novembre 1975 ), Union des fabricants pour la protection internationale de la propriété industrielle et artistique, Paris, 1976, p. 257, notamment p. 261 et 262.

( 40 ) Conclusions du 3 décembre 2008 dans l’affaire Copad (C-59/08, encore pendante devant la Cour), point 50.

( 41 ) L’image efficace de la marque « accumulant des informations communiquées autrement » est de De Sena, G., Il diritto dei marchi — Marchio nazionale e marchio comunitario , Giuffré, Milan, 2007, p. 52.

( 42 ) Voir, à cet égard, conclusions de l’avocat général Sharpston dans l’affaire Intel Corporation (arrêt du 27 novembre 2008 , C-252/07, Rec. p. I-8823 ), points 8 à 13, ainsi qu’arrêt du Tribunal VIPS, précité (point 35).

( 43 ) Arrêt Parfums Christian Dior, précité (point 43).

( 44 ) Arrêts du 11 juillet 1996 , Bristol-Myers Squibb e.a. ( C-427/93, C-429/93 et C-436/93, Rec. p. I-3457 , point 75); Parfums Christian Dior, précité (point 43), et Boehringer Ingelheim e.a., précité (points 20 et 21).

( 45 ) Arrêt Boehringer Ingelheim e.a., précité (point 43).

( 46 ) Arrêt Parfums Christian Dior, précité (points 44 et 45).

( 47 ) Voir, en ce sens, arrêts du 11 novembre 1997 , SABEL ( C-251/95, Rec. p. I-6191 , point 20); du , adidas-Salomon et adidas Benelux ( C-408/01, Rec. p. I-12537 , points 27 à 30), et adidas et adidas Benelux (points 40 et 41).

( 48 ) Arrêts précités Davidoff (point 30), adidas-Salomon et adidas Benelux (points 19 et 20), ainsi que adidas et adidas Benelux (point 37).

( 49 ) Voir, notamment, les points 89 et 90 ainsi que 110 à 113 des observations écrites de L’Oréal.

( 50 ) Conclusions du 31 janvier 2008 dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt O2 Holdings et O2 (UK), précité (point 56).

( 51 ) L’avocat général Léger, dans ses conclusions du 8 février 2001 dans l’affaire Toshiba Europe (arrêt du , C-112/99, Rec. p. I-7945 ), point 76, observait que la disposition en cause, à travers l’emploi du terme « indûment » , ne pouvait mieux « exprimer l’idée qu’une part du bénéfice [de la] notoriété [de la marque du concurrent] est inévitablement détournée en faveur de l’annonceur » .

( 52 ) Voir arrêts précités De Landtsheer Emmanuel (points 34 et 62) et O2 Holdings et O2 (UK) (points 38 et 39).

( 53 ) Arrêt De Landtsheer Emmanuel, précité (point 35 et jurisprudence citée).

( 54 ) Conclusions du 10 juillet 2003 (point 39); l’arrêt est cité ci-dessus.

( 55 ) Cette définition est d’ailleurs reprise, au moyen d’une citation explicite, de Mostert, F. W., Famous and Well-Known Marks , Butterworths, Londres, 1997, p. 62.

( 56 ) Arrêt du 23 février 2006 ( C-59/05, Rec. p. I-2147 ).

( 57 ) Voir recommandation commune concernant des dispositions relatives à la protection des marques notoires, adoptée par l’Assemblée de l’Union de Paris pour la protection de la propriété industrielle et par l’Assemblée générale de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) (1999); la note sur l’article 4, paragraphe 1, sous b), iii), de cette recommandation, qui évoque l’hypothèse dans laquelle l’usage d’une marque qui constitue une reproduction, une imitation, une traduction ou une translittération d’une marque notoire « bénéficierait indûment du caractère distinctif » de cette dernière, précise que cette référence au ‘ bénéfice indu ’ est censée donner de la flexibilité aux États membres dans l’application de ce critère » .

( 58 ) Conclusions présentées dans l’affaire Intel Corporation, précitée, point 35.

( 59 ) Précité (points 57 et 60).

( 60 ) Précité (point 18).

( 61 ) Ibidem (point 24).

( 62 ) Arrêt Toshiba Europe, précité (point 60).

( 63 ) Ibidem (point 52).

( 64 ) Arrêt Siemens, précité (point 24).

( 65 ) Voir en ce sens, sous l’angle de l’avantage retiré par l’auteur de la publicité, arrêt Siemens, précité (point 25).

( 66 ) Arrêts Toshiba Europe (point 56) et Siemens (point 17), précités.

( 67 ) Arrêt De Landtsheer Emmanuel, précité (point 69 et jurisprudence citée), passage mis en italique par nous.

( 68 ) Précité (point 36).

( 69 ) Nous utilisons le terme « riproduzione » en lieu et place du terme « contraffazione » figurant dans le texte italien de la disposition citée, étant donné que le second terme, qui fait nécessairement allusion à la violation d’un droit exclusif, apparaît être une traduction inappropriée des termes correspondants, plus neutres, figurant dans les versions anglaise ( « replicas » ) et française ( « reproduction » ) de cette même disposition.

( 70 ) Arrêts adidas-Salomon et adidas Benelux (points 29 et 31), ainsi que adidas et adidas Benelux (point 41), précités.

( 71 ) Arrêts adidas-Salomon et adidas Benelux (point 27), ainsi que adidas et adidas Benelux (point 40), précités.

( 72 ) Voir conclusions de l’avocat général Jacobs dans l’affaire adidas-Salomon et adidas Benelux, précitée (points 36 à 39), ainsi que — même si c’est par référence à l’article 4, paragraphe 4, sous a), de la directive 89/104 — conclusions précitées de l’avocat général Sharpston dans l’affaire Intel Corporation (point 43) et arrêt Intel Corporation, précité (point 28).

( 73 ) Conclusions relatives à l’affaire Intel Corporation, précitées (point 62).

( 74 ) Voir, en ce sens, arrêt Intel Corporation, précité (point 32).

( 75 ) Arrêts VIPS, précité (point 40); du 30 janvier 2008 , Japan Tobacco/OHMI — Torrefacção Camelo (CAMELO) (T-128/06, point 46), et du , Mülhens/OHMI — Spa Monopole (MINERAL SPA) (T-93/06, point 40); passage mis en italique par nous.

( 76 ) Arrêts précités VIPS (point 42), Japan Tobacco/OHMI — Torrefacção Camelo (CAMELO) (point 65) et Mülhens/OHMI — Spa Monopole (MINERAL SPA) (point 38); passage mis en italique par nous.

( 77 ) Conclusions dans l’affaire Intel Corporation, précitées (point 62).

( 78 ) Il ressort d’ailleurs des arrêts VIPS (points 71 et 72) et Japan Tobacco OHMI — Torrefacção Camelo (CAMELO) (point 65), précités, d’une part, que le risque d’un profit indûment tiré du caractère distinctif de la renommée de la marque d’autrui « ne pourrait se produire que si le public pertinent, sans confondre l’origine des services visés par les marques en conflit, éprouvait une attraction particulière » pour le produit du demandeur, «du seul fait qu’il est désigné » par un signe identique ou similaire à la marque renommée et, d’autre part, qu’il importe au besoin d’administrer la preuve d’une association de la marque demandée avec des qualités positives de la marque renommée antérieure.

( 79 ) Dans le cas de la publicité comparative, le juste motif pour l’usage de la marque du concurrent nous paraît inhérent au respect, par le message publicitaire, des conditions de licéité visées à l’article 3 bis, paragraphe 1, points b) et c), de la directive 84/450. C’est pour cette raison, croyons-nous, que le législateur n’a pas jugé nécessaire de reprendre, à l’article 3 bis, paragraphe 1, sous g), de cette directive, la condition relative à l’usage sans juste motif du signe, qui figure en revanche à l’article 5, paragraphe 2, de la directive 89/104.

( 80 ) Voir, par analogie, arrêt Intel Corporation, précité (point 68). Ainsi que l’a souligné également l’avocat général Sharpston dans ses conclusions, relatives à l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt précité (point 65), plus la renommée de la marque est grande et plus proches les segments auxquels appartiennent les produits respectivement assortis du signe et de la marque renommée, plus le risque que l’opérateur tire indûment profit de la marque renommée sera élevé.

( 81 ) Voir arrêt Adam Opel, précité (point 36).