CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME VERICA TRSTENJAK

présentées le 17 juillet 2008 ( 1 )

Affaire C-205/07

Procédure pénale

contre

Lodewijk Gysbrechts et Santurel Inter BVBA

«Articles 28 CE à 30 CE — Directive 97/7/CE — Protection des consommateurs en matière de contrats à distance — Délai de rétractation — Interdiction d’exiger du consommateur un acompte ou un paiement avant la fin du délai de rétractation»

I — Introduction

1.

Dans la présente affaire, la juridiction de renvoi souhaite savoir si les articles 28 CE à 30 CE s’opposent à une disposition de la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur l’information et la protection du consommateur (ci-après la «loi belge sur la protection du consommateur»), en vertu de laquelle, en cas de contrat à distance, le vendeur ne peut exiger du consommateur aucun acompte ou paiement quelconque avant l’expiration du délai de renonciation de sept jours ouvrables. Dans le cadre de la présente analyse, il convient également d’apprécier si lesdits articles du traité CE s’opposent à l’interprétation spécifique que les autorités belges font de ladite disposition de la loi belge sur la protection du consommateur, en vertu de laquelle, lors de la conclusion d’un contrat à distance, le vendeur ne peut pas exiger du consommateur le numéro de sa carte de crédit, bien que le vendeur s’engage à ne pas l’utiliser pour encaisser le paiement, avant l’expiration du délai de renonciation. Ce faisant, la présente affaire soulève les importantes questions de la vente par Internet et des paiements y afférents par cartes de crédit grâce auxquelles la vente par Internet est facilitée et également encouragée.

2.

Dans un contexte plus large, la présente affaire illustre bien que les modalités et les conditions de paiement du prix d’achat doivent, elles aussi, s’adapter à l’évolution du contrat de vente. En droit romain, le contrat de vente, par exemple, était exécuté de telle sorte que le vendeur remettait la chose à l’acheteur tout en recevant de ce dernier le prix de vente ( 2 ). Les deux obligations étaient donc exécutées simultanément. Avec l’évolution du contrat de vente, les modalités et les conditions de paiement ont considérablement changé, et ces changements ont été encore plus sensibles avec le développement de nouvelles technologies. Les modalités de paiement qui doivent contribuer à la sécurité des paiements, à la simplicité et, si possible, à la protection de toutes les parties concernées doivent donc, elles aussi, s’adapter au développement des technologies qui permettent la gestion et le commerce électroniques. En appréciant la présente affaire, nous devons donc avoir également à l’esprit le fait que la gestion et le commerce électroniques ainsi que les paiements y afférents par cartes de crédit seront, à l’avenir, encore plus répandus qu’aujourd’hui.

3.

Dans le cadre de l’appréciation sur la base de l’article 29 CE, est traitée, dans la présente affaire, l’importante question de la définition des mesures d’effet équivalant à des restrictions quantitatives à l’exportation qui, dans une jurisprudence constante, sont limitées aux seules mesures des États membres qui limitent spécifiquement l’exportation et qui traitent différemment, en droit ou en fait, le commerce intérieur et les courants commerciaux à l’exportation et qui, ce faisant, garantissent des avantages au marché national.

II — Le cadre juridique

A — Le droit communautaire

4.

La directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 mai 1997, concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance (JO L 144, p. 19), dispose à son quatorzième considérant:

«[…] le consommateur n’a pas la possibilité in concreto de voir le produit ou de prendre connaissance des caractéristiques du service avant la conclusion du contrat; […] il convient de prévoir un droit de rétractation, sauf disposition contraire dans la présente directive […]»

5.

Aux termes de l’article 6 de la directive 97/7:

«1.

Pour tout contrat à distance, le consommateur dispose d’un délai d’au moins sept jours ouvrables pour se rétracter sans pénalités et sans indication du motif. Les seuls frais qui peuvent être imputés au consommateur en raison de l’exercice de son droit de rétractation sont les frais directs de renvoi des marchandises.

Pour l’exercice de ce droit, le délai court:

pour les biens, à compter du jour de leur réception par le consommateur lorsque les obligations visées à l’article 5 ont été remplies,

[…]

2.

Lorsque le droit de rétractation est exercé par le consommateur conformément au présent article, le fournisseur est tenu au remboursement des sommes versées par le consommateur, sans frais. Les seuls frais qui peuvent être imputés au consommateur en raison de l’exercice de son droit de rétractation sont les frais directs de renvoi des marchandises. Ce remboursement doit être effectué dans les meilleurs délais et, en tout cas, dans les trente jours.

3.

Sauf si les parties en ont convenu autrement, le consommateur ne peut exercer le droit de rétractation prévu au paragraphe 1 pour les contrats:

[…]

de fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés ou qui, du fait de leur nature, ne peuvent être réexpédiés ou sont susceptibles de se détériorer ou de se périmer rapidement,

[…]»

6.

Aux termes de l’article 8 de la directive 97/7:

«Les États membres veillent à ce que des mesures appropriées existent pour que le consommateur:

puisse demander l’annulation d’un paiement en cas d’utilisation frauduleuse de sa carte de paiement dans le cadre de contrats à distance couverts par la présente directive,

en cas d’utilisation frauduleuse, soit recrédité des sommes versées en paiement ou se les voie restituées.»

7.

Aux termes de l’article 14 de la directive 97/7:

«Les États membres peuvent adopter ou maintenir, dans le domaine régi par la présente directive, des dispositions plus strictes compatibles avec le traité, pour assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur. Ces dispositions comprennent, le cas échéant, l’interdiction, pour des raisons d’intérêt général, de la commercialisation sur leur territoire par voie de contrats à distance de certains biens ou services, notamment des médicaments, dans le respect du traité.»

B — La convention de Rome

8.

La convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980 (ci-après la «convention de Rome»), dispose à son article 5, intitulé «Contrats conclus par les consommateurs»:

«1.

Le présent article s’applique aux contrats ayant pour objet la fourniture d’objets mobiliers corporels ou de services à une personne, le consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, ainsi qu’aux contrats destinés au financement d’une telle fourniture.

2.

Nonobstant les dispositions de l’article 3, le choix par les parties de la loi applicable ne peut avoir pour résultat de priver le consommateur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi du pays dans lequel il a sa résidence habituelle:

si la conclusion du contrat a été précédée dans ce pays d’une proposition spécialement faite ou d’une publicité, et si le consommateur a accompli dans ce pays les actes nécessaires à la conclusion du contrat, ou

si le cocontractant du consommateur ou son représentant a reçu la commande du consommateur dans ce pays, ou

si le contrat est une vente de marchandises et que le consommateur se soit rendu de ce pays dans un pays étranger et y ait passé la commande, à la condition que le voyage ait été organisé par le vendeur dans le but d’inciter le consommateur à conclure une vente.

3.

Nonobstant les dispositions de l’article 4 et à défaut de choix exercé conformément à l’article 3, ces contrats sont régis par la loi du pays dans lequel le consommateur a sa résidence habituelle, s’ils sont intervenus dans les circonstances décrites au paragraphe 2 du présent article.»

C — Le droit belge

9.

En Belgique, c’est l’article 80 de la loi belge sur la protection du consommateur qui régit le droit pour ce dernier de se rétracter en cas de contrats à distance.

10.

Aux termes de l’article 80, paragraphe 3, de la loi belge sur la protection du consommateur:

«Sans préjudice de l’application de l’article 45, paragraphe 1er, de la loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation, aucun acompte ou paiement quelconque ne peut être exigé du consommateur avant la fin du délai de renonciation de sept jours ouvrables visé au paragraphe 1er.

En cas d’exercice du droit de renonciation prévu aux paragraphes 1er et 2, le vendeur est tenu au remboursement des sommes versées par le consommateur, sans frais. Ce remboursement doit être effectué au plus tard dans les trente jours suivant la renonciation.

[…]»

III — La situation de fait, la procédure au principal et la question préjudicielle

11.

Santurel Inter BVBA (ci-après «Santurel»), dont le gérant est M. Gysbrechts, est une société spécialisée dans la vente en gros et au détail de suppléments alimentaires. La majeure partie des ventes est réalisée au moyen de son site Internet et les articles commandés sont expédiés par voie postale.

12.

À la suite d’une plainte déposée par un client français, l’administration de l’inspection économique belge a mené une enquête sur la base de laquelle Santurel et M. Gysbrechts ont tous deux été inculpés de violation des dispositions de la loi belge sur la protection du consommateur, relatives à la vente à distance. Ces violations ont notamment consisté dans le non-respect de l’interdiction, prévue à l’article 80, paragraphe 3, de la loi belge sur la protection du consommateur, d’exiger du consommateur un acompte ou un paiement avant l’expiration du délai de renonciation de sept jours ouvrables. Plus précisément, il s’agissait du non-respect de l’interprétation que les autorités belges attribuent à cette disposition, en vertu de laquelle il est interdit d’exiger du consommateur le numéro de sa carte de crédit avant l’expiration du délai de renonciation de sept jours ouvrables.

13.

Dans la procédure pénale, le rechtbank van eerste aanleg te Dendermonde a condamné chaque prévenu à une amende de 1250 euros. Les parties ont interjeté appel du jugement devant le hof van beroep te Gent qui a déféré à la Cour une question préjudicielle sur la conformité avec le droit communautaire de la disposition belge susmentionnée.

14.

Selon la juridiction de renvoi, l’interdiction que prévoit l’article 80, paragraphe 3, de la loi belge sur la protection du consommateur présente pour le vendeur belge le risque qu’il obtienne difficilement le paiement pour les livraisons à des parties établies dans d’autres États membres, ce qui est encore plus vraisemblable dans le cas des montants peu élevés des prix de vente pour les suppléments alimentaires. La juridiction de renvoi partage l’opinion des prévenus selon laquelle cette interdiction constitue une entrave injustifiée à la libre circulation des marchandises au sein de la Communauté européenne.

15.

Dans ces circonstances, le hof van beroep te Gent a, par décision du 20 mars 2007, décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«La loi belge […] [sur la protection du consommateur] constitue-t-elle une mesure d’effet équivalent, interdite au titre des articles 28 [CE] à 30 CE, dans la mesure où cette loi nationale contient, à son article 80, paragraphe 3, une interdiction d’exiger un acompte ou un paiement quelconque du consommateur pendant le délai de renonciation obligatoire, et que, par conséquent, cette loi n’exerce pas la même influence de fait sur les échanges nationaux de marchandises que sur les transactions intervenant avec des ressortissants d’un autre État membre, si bien que cette situation entraîne une entrave de fait à la libre circulation des marchandises, principe consacré par l’article 23 CE?»

IV — La procédure devant la Cour

16.

La décision de renvoi est parvenue à la Cour le 19 avril 2007. Ont présenté des observations, lors de la procédure écrite, Santurel, le gouvernement belge et la Commission des Communautés européennes. Lors de l’audience du 20 mai 2008, le gouvernement belge ainsi que la Commission ont présenté des observations orales et répondu aux questions de la Cour.

V — Argumentation des parties

17.

Selon Santurel, il convient d’interpréter l’article 80, paragraphe 3, de la loi belge sur la protection du consommateur en ce sens que, lors d’une vente à distance, le vendeur peut exiger le numéro de carte de crédit de l’acheteur si, ce faisant, il s’engage à ne pas utiliser ce numéro pour encaisser le paiement avant l’expiration du délai de renonciation. Santurel soutient que l’interprétation selon laquelle il est interdit d’exiger le numéro de carte de crédit lors d’une vente à distance est contraire aux articles 28 CE à 30 CE. À cet égard, elle se réfère, d’une part, à l’affaire Dassonville ( 3 ) et, d’autre part, à l’affaire Keck et Mithouard ( 4 ), et soutient que l’interprétation de ladite loi sur la protection du consommateur, selon laquelle le vendeur ne peut pas exiger du consommateur le numéro de sa carte de crédit, n’affecte pas de la même manière, en fait, l’exportation et la vente au sein de la Belgique. Elle estime que cette interprétation de ladite loi constitue un obstacle de fait à la libre circulation des marchandises et, partant, une mesure d’effet équivalant à une restriction quantitative, interdite par le traité.

18.

Dans ses observations écrites, le gouvernement belge soutient que l’article 80, paragraphe 3, de la loi belge sur la protection du consommateur est conforme au traité, car il s’agit d’une mesure de protection supplémentaire des consommateurs, fondée sur l’article 14 de la directive 97/7. Le gouvernement belge admet certes que cette disposition représente pour le vendeur belge un certain niveau de risque qu’il ne reçoive pas le paiement pour la marchandise expédiée à l’étranger. Cependant, elle n’est, selon lui, pas contraire au droit communautaire. Si la Cour constatait néanmoins que la disposition belge litigieuse constitue une mesure d’effet équivalent au sens de l’article 28 CE, cette mesure est justifiée en raison de la protection des consommateurs. Elle vise à garantir au consommateur la possibilité d’exercer efficacement son droit de renonciation. Selon le gouvernement belge, cette disposition est proportionnée pour atteindre l’objectif de protection des consommateurs.

19.

Lors de l’audience, le gouvernement belge a encore expliqué qu’était en cours d’adoption en Belgique un arrêté royal qui réglementerait un système de paiement en cas de vente à distance, lequel serait sans risque pour le consommateur tout en protégeant également le vendeur. Dans le cadre de ce système de paiement, le consommateur verserait le prix d’achat sur le compte d’une tierce partie indépendante, mais, à l’expiration du délai de renonciation, la somme serait transférée au vendeur. Le gouvernement belge a encore expliqué que, lors d’une vente à distance, le vendeur ne pouvait pas limiter le consommateur dans les possibilités de choisir parmi plusieurs modes de paiement.

20.

S’agissant de l’influence que l’article 80, paragraphe 3, de la loi belge sur la protection du consommateur exerce sur l’importation, la Commission allègue que cette disposition peut également avoir une influence sur les contrats de vente conclus par les vendeurs d’autres États membres avec des acheteurs établis en Belgique, car l’article 5, paragraphe 2, de la convention de Rome permet aux consommateurs d’invoquer le niveau de protection prévalant en Belgique, supérieur à celui existant dans l’État membre de ceux-ci. Dans son analyse, la Commission part de la définition des mesures d’effet équivalent, posée dans l’arrêt Dassonville ( 5 ), et entame ensuite l’analyse sur la base de l’arrêt Keck et Mithouard ( 6 ). En ce qui concerne cette dernière affaire, elle estime que la disposition belge concerne tous les opérateurs et qu’elle affecte de la même manière, en droit, produits nationaux ainsi que produits importés. En ce qui concerne l’affectation, en fait, de la disposition belge litigieuse, la Commission estime qu’il appartient à la juridiction nationale d’effectuer cette appréciation. S’il apparaît que la charge en fait sur les produits importés est supérieure, et que la disposition belge constitue par conséquent une mesure d’effet équivalant à une restriction quantitative, la Commission estime qu’il est possible de justifier cette mesure sur le fondement de la protection des consommateurs et qu’elle est proportionnée.

21.

S’agissant de l’influence exercée sur les exportations, la Commission estime que l’article 80, paragraphe 3, de la loi belge sur la protection du consommateur ne constitue pas une mesure d’effet équivalent au sens de l’article 29 CE. En dépit du fait que la disposition litigieuse peut davantage affecter le commerce avec d’autres États membres que le commerce intérieur belge, dans le présent cas, il ne s’agit pas d’une mesure ayant pour objet ou pour effet de restreindre spécifiquement les courants d’exportation au sens de l’affaire Groenveld ( 7 ) et de la jurisprudence postérieure à cette affaire. Lors de l’audience, la Commission a proposé à la Cour de modifier la définition des mesures d’effet équivalant à des restrictions quantitatives à l’exportation, et de les définir comme des mesures «qui ont pour effet de restreindre les exportations et qui établissent une différence de traitement entre le commerce à l’intérieur d’un État membre et l’exportation». Or, sur la base de cette nouvelle définition, la Commission constate que la disposition belge litigieuse constitue une mesure d’effet équivalent au sens de l’article 29 CE. Il est certes possible de justifier cette mesure par la protection des consommateurs, mais elle n’est, selon la Commission, pas conforme au principe de proportionnalité.

VI — L’appréciation de l’avocat général

A — Introduction

22.

Dans la présente affaire, la juridiction de renvoi demande si les articles 28 CE à 30 CE s’opposent à une disposition de la loi belge sur la protection du consommateur qui, en cas de contrats à distance, interdit d’exiger du consommateur un acompte ou un paiement quelconque avant l’expiration du délai de rétractation de sept jours ouvrables, prévu dans la directive 97/7. Bien que la juridiction nationale ait formulé sa question comme visant à savoir si l’article 29 CE s’opposait à la lettre même de la disposition belge, il ressort de la décision de renvoi que la juridiction nationale souhaite savoir si lesdits articles du traité s’opposent à l’interprétation faite, en pratique, de la disposition de la loi belge sur la protection du consommateur, c’est-à-dire que le vendeur ne peut pas exiger du consommateur le numéro de sa carte de crédit bien qu’il s’engage à ne pas l’utiliser pour encaisser le paiement avant l’expiration du délai de rétractation de sept jours ouvrables. À cet égard, il y a lieu de relever que, selon une jurisprudence constante, il incombe à la Cour de fournir à la juridiction de renvoi tous les éléments d’interprétation relevant du droit communautaire qui peuvent être utiles au jugement de l’affaire dont elle est saisie, qu’elle y ait fait ou non référence dans l’énoncé de ses questions ( 8 ). En conséquence, lorsque la Cour apprécie si le droit communautaire s’oppose à une disposition de droit national, elle doit tenir compte du contenu de cette disposition sur la base de l’interprétation qu’en donnent les autorités belges ( 9 ).

23.

Il y a lieu de relever en premier lieu que, en adoptant la disposition litigieuse, le Royaume de Belgique a exercé la possibilité dont il bénéficie en vertu de l’article 14 de la directive 97/7, lequel permet aux États membres d’adopter ou de maintenir, dans le domaine régi par cette directive, des dispositions plus strictes. Cependant, ces dispositions plus strictes doivent être compatibles avec le traité ( 10 ), ainsi qu’il est expressément prévu audit article. En conséquence, la question se pose dans la présente affaire de savoir si les dispositions du traité relatives à la libre circulation des marchandises s’opposent à la disposition belge litigieuse.

24.

Dans les présentes conclusions, j’analyserai d’abord la question préjudicielle sous l’angle de l’article 28 CE, puis sous l’angle de l’article 29 CE. Dans le cadre de l’analyse fondée sur l’article 29 CE, j’apprécierai d’abord la question sur le fondement de la jurisprudence actuellement valable, puis je traiterai et j’apprécierai les éventuels motifs justifiant la modification de cette jurisprudence, et, enfin, je proposerai, sur le fondement de l’article 29 CE, une réponse à la question préjudicielle sur la base des nouveaux critères d’appréciation modifiés.

B — L’appréciation de la question préjudicielle sur la base de l’article 28 CE

25.

Par sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi souhaite d’abord savoir si l’article 28 CE s’oppose à la disposition litigieuse de la loi belge sur la protection du consommateur. À cet égard, la Commission soutient que, lorsque l’acheteur belge acquiert une marchandise auprès d’un vendeur établi dans un autre État membre, l’article 80, paragraphe 3, de ladite loi peut avoir une incidence sur l’importation de la marchandise en Belgique. Dans ce cas, le consommateur belge peut en effet se prévaloir de l’article 5, paragraphe 2, de la convention de Rome par lequel il obtient l’application au contrat de la loi du pays dans lequel il a sa résidence habituelle. Je partage l’analyse de la Commission selon laquelle un tel problème peut, en pratique, se présenter également lorsque l’on fait valoir le règlement (CE) no 593/2008 ( 11 ), mais les affirmations de la Commission sont sans rapport avec la situation de fait dans l’affaire au principal.

26.

En effet, la situation de fait dans la procédure au principal ne concerne pas l’importation d’une marchandise en Belgique mais, au contraire, l’exportation de cette marchandise depuis la Belgique. En conséquence, l’article 28 CE n’est pas pertinent pour les faits de la procédure au principal. Lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation du droit communautaire sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal ou lorsque le problème est de nature hypothétique, il est possible de refuser de statuer à titre préjudiciel sur une question posée par une juridiction nationale ( 12 ).

27.

J’estime par conséquent que la Cour n’a pas besoin de répondre à la question préjudicielle sous l’angle de l’article 28 CE.

C — L’appréciation de la question préjudicielle sur la base de l’article 29 CE

1. Appréciation sur le fondement de la jurisprudence existante

28.

Dans la présente affaire, il convient de déterminer si l’article 80, paragraphe 3, de la loi belge sur la protection du consommateur constitue une mesure d’effet équivalant à des restrictions quantitatives à l’exportation. Ainsi que je l’ai déjà mentionné, j’examine dans la présente analyse aussi bien l’interdiction d’exiger un acompte ou le paiement en cas de contrat à distance, laquelle ressort déjà du libellé même de cette disposition, que l’interprétation spécifique concernant les cartes de crédit, que les autorités nationales attribuent à cette disposition, c’est-à-dire que le vendeur ne peut en aucun cas exiger du consommateur le numéro de sa carte de crédit avant l’expiration du délai de renonciation de sept jours ouvrables.

29.

À la différence des restrictions quantitatives mêmes, que la Cour a pareillement définies dans le cadre des articles 28 CE et 29 CE ( 13 ), les mesures d’effet équivalant à des restrictions quantitatives à l’exportation sont, dans la jurisprudence, définies de manière beaucoup plus restrictive que les mesures d’effet équivalant à des restrictions quantitatives à l’importation.

30.

Dans sa jurisprudence antérieure, la Cour a interprété les mesures d’effets équivalant à des restrictions quantitatives à l’exportation de la même façon que celles à l’importation. Dans l’affaire Bouhelier e.a. ( 14 ), dans laquelle la Cour a statué en 1977, celle-ci a défini les mesures d’effets équivalant à des restrictions quantitatives à l’exportation comme des mesures qui «entrav[ai]ent directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce intracommunautaire» ( 15 ). En élaborant cette définition, la Cour s’est donc inspirée de la définition des mesures d’effet équivalent dans le cadre de l’article 28 CE, posée dans l’arrêt Dassonville ( 16 ) dans lequel elle avait dit pour droit que constituait des mesures d’effet équivalant à une restriction quantitative à l’importation «toute réglementation commerciale des États membres susceptible d’entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce intracommunautaire» ( 17 ).

31.

Deux ans après la décision rendue dans l’affaire Bouhelier e.a., donc en 1979, la Cour a, dans le cadre de l’article 29 CE, radicalement restreint cette définition par son arrêt Groenveld ( 18 ) dans lequel elle a dit pour droit que l’article 34 du traité CE (devenu, après modification, article 29 CE) incluait les «mesures qui [avaie]nt pour objet ou pour effet de restreindre spécifiquement les courants d’exportation et d’établir ainsi une différence de traitement entre le commerce intérieur d’un État membre et son commerce d’exportation, de manière à assurer un avantage particulier à la production nationale ou au marché intérieur de l’État intéressé, au détriment de la production ou du commerce d’autres États membres» ( 19 ).

32.

Dans la jurisprudence postérieure à l’affaire Groenveld, la Cour a maintes fois confirmé cette définition (dite «test Groenveld») ( 20 ). Elle ne s’est partiellement écartée de la formulation énoncée dans l’arrêt Groenveld que dans quelques affaires où elle a omis la moitié de la troisième partie dudit test («au détriment de la production ou du commerce d’autres États membres»). Il convient de mentionner, à titre d’exemples, les affaires Delhaize et Le Lion ( 21 ), Commission/Belgique ( 22 ) ainsi que Sydhavnens Sten & Grus ( 23 ). Cependant, les éléments essentiels du test Groenveld sont restés en vigueur jusqu’à aujourd’hui.

33.

Le test Groenveld comporte donc trois conditions interdépendantes. Premièrement, l’objet ou l’effet de la mesure est de restreindre spécifiquement les courants d’exportation. Deuxièmement, la mesureétablit une différence de traitement entre le commerce intérieur d’un État membre et son commerce d’exportation. Troisièmement, de par cette mesure, un avantage particulier est assuré à la production nationale ou au marché intérieur de l’État intéressé, au détriment de la production ou du commerce d’autres États membres.

34.

D’après moi, les conditions susmentionnées ne sont pas remplies dans la présente affaire.

35.

La disposition belge litigieuse et l’interprétation qui en est faite n’ont pas pour objet ou pour effet de restreindre spécifiquement les courants d’exportation, car cette disposition ainsi que l’interprétation de celle-ci concernent non pas spécifiquement l’exportation, mais l’interdiction en général d’exiger un paiement, et l’impossibilité d’exiger le numéro de carte de crédit avant l’expiration du délai de renonciation.

36.

De même, cette disposition et l’interprétation de celle-ci n’établissent de différences de traitement ni en droit ni en fait entre le commerce intérieur de l’État membre et son commerce d’exportation. En droit, elles concernent en effet dans la même mesure et de la même façon tous les vendeurs, indépendamment du point de savoir si ceux-ci vendent la marchandise en Belgique ou hors de Belgique. De même, l’influence de fait exercée par cette disposition et son interprétation est identique sur la vente en Belgique et à l’étranger. En effet, nous ne pouvons, selon moi, pas accueillir l’argument cité par la juridiction de renvoi, selon lequel cette mesure n’exerce pas la même influence de fait sur les échanges nationaux de marchandises que sur les transactions intervenant avec des ressortissants d’autres États membres.

37.

La juridiction de renvoi expose qu’il est plus difficile et plus onéreux de récupérer des sommes auprès de consommateurs établis dans d’autres États membres lorsque ces consommateurs ne paient pas la marchandise commandée. J’estime que cet argument n’est pas fondé. En effet, sans de quelconques données concrètes, nous ne pouvons pas déduire de cette conviction que la récupération de ces sommes est plus difficile et plus onéreuse seulement parce que le consommateur a sa résidence habituelle dans un autre État membre. Le fait que le consommateur a sa résidence habituelle dans un autre État membre ne signifie pas non plus nécessairement que le vendeur devra toujours assigner le consommateur en justice dans le pays où ce dernier a sa résidence habituelle ( 24 ).

38.

À cet égard, il convient de faire observer que la Communauté a déjà adopté nombre de mesures relevant du domaine de la coopération judiciaire dans les matières civiles ayant une incidence transfrontière, qui contribuent au bon fonctionnement efficace du marché intérieur ( 25 ). Selon l’article 65 CE, ces mesures incluent l’amélioration et la simplification de la signification et de la notification des actes judiciaires et extrajudiciaires, la coopération en matière d’obtention des preuves ainsi que la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale tout en favorisant, cependant, par ces mesures la compatibilité des règles de conflit et en éliminant les obstacles au bon déroulement des procédures civiles. À la lumière de toutes les mesures communautaires citées, nous ne pouvons considérer comme fondée l’allégation selon laquelle il sera plus difficile pour un vendeur établi dans un État membre déterminé d’assigner en justice un consommateur établi dans un autre État membre. En outre, il convient de prendre en considération que le règlement instituant une procédure européenne pour les demandes de faible importance s’appliquera, à l’avenir, dans les litiges transfrontaliers aux cas comme celui ici traité dans lequel il s’agit d’un montant de faible importance ( 26 ).

39.

Enfin, puisque la disposition belge n’a pas pour objet ou pour effet de restreindre spécifiquement les courants d’exportation et que la mesure n’établit pas une différence de traitement entre le commerce intérieur d’un État membre et son commerce d’exportation, cette disposition n’assure pas non plus un avantage particulier à la production nationale ou au marché intérieur de l’État intéressé, au détriment de la production ou du commerce d’autres États membres. Partant, la troisième condition du test Groenveld n’est pas non plus remplie.

40.

En conséquence, nous pouvons constater que, sur la base de la jurisprudence existante, une disposition, telle que l’article 80, paragraphe 3, de la loi belge sur la protection du consommateur, et l’interprétation de celle-ci, selon laquelle le vendeur ne peut, au cours du délai de renonciation de sept jours ouvrables, exiger du consommateur le numéro de sa carte de crédit, ne constituent pas des mesures d’effet équivalant à une restriction quantitative au sens de l’article 29 CE.

41.

Toutefois, il convient d’apprécier si, en ce qui concerne le développement général de la jurisprudence relative aux libertés fondamentales et eu égard aux nombreuses critiques dont a fait l’objet dans la doctrine ( 27 ) la jurisprudence actuelle relative aux mesures d’effet équivalant à des restrictions quantitatives à l’exportation, il est encore opportun de maintenir en vigueur le test Groenveld traité ci-dessus.

2. Argumentation en faveur d’une modification de la jurisprudence

42.

Plusieurs arguments militent en faveur d’une modification de la jurisprudence existante quant à la définition des mesures d’effet équivalant à des restrictions quantitatives à l’exportation.

43.

Le premier argument dont nous devons tenir compte lors de cette appréciation est le suivant. En raison des restrictions de la définition actuellement en vigueur, nombre de mesures d’États membres ne peuvent jamais être considérées comme des mesures d’effet équivalant à des restrictions quantitatives à l’exportation, car le test de la discrimination exige nécessairement d’effectuer une comparaison entre l’incidence de la mesure sur la marchandise vendue dans l’État membre d’origine et celle sur la marchandise exportée. Supposons qu’une marchandise déterminée soit produite dans un État membre, mais qu’elle ne soit destinée qu’à l’exportation et qu’elle ne soit pas vendue sur le marché intérieur. Dans cet exemple, nous ne pouvons jamais déterminer s’il existe des différences de traitement entre le commerce intérieur et le commerce d’exportation, car il n’est pas fait commerce de cette marchandise sur le marché intérieur. Par conséquent, nous ne pouvons, non plus, jamais déterminer si une certaine mesure confère un avantage à la production nationale ou au marché intérieur de l’État membre intéressé ( 28 ). Or, l’exportation d’une telle marchandise peut être considérablement restreinte, mais les mesures qui la restreignent ne peuvent jamais être considérées comme des mesures d’effet équivalant à des restrictions quantitatives à l’exportation.

44.

Le deuxième argument, pertinent pour modifier la jurisprudence existante, est le fait que les articles 28 CE et 29 CE ont le même objet ( 29 ) et qu’ils reposent sur le même principe, à savoir l’élimination des entraves aux courants d’échanges intracommunautaires. Les affaires Schmidberger ( 30 ) et Commission/Autriche ( 31 ) constituent une bonne illustration du caractère identique de ce principe et, de manière concomitante, une indication implicite qu’il convient d’harmoniser la définition des mesures d’effet équivalent à l’importation et à l’exportation. Au point 67 de cet arrêt Commission/Autriche, la Cour a affirmé que «les articles 28 CE et 29 CE, placés dans leur contexte, [devaient] être compris comme tendant à l’élimination de toutes entraves, directes ou indirectes, actuelles ou potentielles, aux courants d’échanges dans le commerce intracommunautaire». À cet égard, la Cour s’est référée au point 56 de l’arrêt Schmidberger ( 32 ), dans lequel elle avait, de manière analogue, mis au même niveau la définition des mesures d’effet équivalent à l’importation et celle des mesures d’effet équivalent à l’exportation. Nous ne saurions évidemment comprendre ces deux paragraphes comme un abandon de la jurisprudence consacrée jusqu’ici, relative à l’article 29 CE, car, au cours de cette même période, la Cour a également rendu l’arrêt Jersey Produce Marketing Organisations ( 33 ) dans lequel elle a confirmé le test Groenveld et, partant, la définition étroite des mesures d’effet équivalant à des restrictions quantitatives à l’exportation. Cependant, les deux premières affaires précitées montrent que, dans le cadre de la libre circulation des marchandises — donc tant à l’importation qu’à l’exportation —, il est nécessaire de partir du principe de l’élimination des entraves aux courants d’échanges dans le commerce intracommunautaire ( 34 ). À la lumière de ce principe, je ne vois pas de raison de distinguer aussi vigoureusement la définition des mesures d’effet équivalent à l’exportation de celle des mesures d’effet équivalent à l’importation.

45.

Le troisième argument que nous devons prendre en considération est l’importance d’une interprétation cohérente de l’ensemble des quatre libertés fondamentales, à savoir la libre circulation des marchandises, des services, des personnes et des capitaux. La définition des mesures d’effet équivalant à des restrictions quantitatives à l’exportation est encore l’unique cas parmi les libertés fondamentales dans lequel la Cour persiste à exiger l’existence d’un traitement différent pour constater une restriction à cette liberté ( 35 ).

46.

S’agissant de la libre circulation des marchandises, j’ai déjà affirmé plus haut que les articles 28 CE et 29 CE étaient tous deux fondés sur le même principe, et que les différences que présentait la définition des mesures d’effet équivalant à des restrictions quantitatives à l’importation et à l’exportation étaient donc injustifiées. À cet égard, nous pouvons souscrire à l’opinion de l’avocat général Capotorti qui, dans l’affaire Oebel, avait déjà relevé la crainte qu’un concept hétérogène de mesures d’effet équivalent en matière de libre circulation des marchandises engendrât une confusion ( 36 ).

47.

S’agissant de la libre circulation des services, il y a lieu de relever que, dans ce domaine également, la Cour est partie, à une certaine époque, de l’exigence d’un traitement différent pour qu’il y eût violation de ces dispositions ( 37 ), mais elle a ultérieurement changé d’orientation ( 38 ). En matière de libre circulation des personnes, la Cour s’est, dans une jurisprudence plus ancienne, également limitée à l’interdiction des mesures discriminatoires des États membres, mais a ultérieurement dit pour droit qu’une entrave à la libre circulation des personnes pouvait également être une mesure non discriminatoire ( 39 ). La garantie de libre circulation des capitaux englobe, elle aussi, davantage que la seule interdiction des mesures discriminatoires. Il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’elle ne se limite pas aux mesures discriminatoires, mais qu’elle part au contraire de la notion de restriction de la libre circulation des capitaux ( 40 ).

48.

Aucune des libertés fondamentales — à l’exception des mesures d’effet équivalant à des restrictions quantitatives dans le cadre de l’article 29 CE — ne se limite donc à l’interdiction des seules mesures discriminatoires des États membres. Elles partent au contraire de l’interdiction des restrictions à ces libertés. À cet égard, la définition extrêmement restrictive des mesures d’effet équivalant à des restrictions quantitatives à l’exportation s’écarte sensiblement de l’interprétation des libertés fondamentales restantes.

3. Proposition de modification de la jurisprudence

49.

À la lumière des arguments développés ci-dessus, j’estime qu’il serait fondé que la Cour modifie le test Groenveld et, partant, la définition restrictive des mesures d’effet équivalant à des restrictions quantitatives à l’exportation.

50.

Pour modifier cette définition, la Cour dispose en principe de deux possibilités. Première possibilité: elle transpose également à l’article 29 CE les définitions qu’elle a développées dans le cadre de l’article 28 CE. Cela signifie que, pour définir les mesures d’effet équivalant à des restrictions quantitatives à l’exportation, elle applique une formulation dûment adaptée, tirée de l’arrêt Dassonville ( 41 ), qu’elle admet expressément la justification de ces mesures sur le fondement des exigences impératives consacrées dans l’arrêt Rewe-Zentral, dit «Cassis de Dijon» ( 42 ) et que les modalités de vente échappent à la définition de ces mesures, selon les conditions qu’elle a définies dans l’arrêt Keck et Mithouard ( 43 ). Seconde possibilité: la Cour formule la définition même des mesures d’effet équivalent de façon plus étroite que dans l’arrêt Dassonville, ce qui peut, peut-être, également justifier de ne pas appliquer aux restrictions à l’exportation les critères énoncés dans l’arrêt Keck et Mithouard. Même dans le cadre de la seconde possibilité, une mesure nationale peut être justifiée par des exigences impératives dégagées dans l’arrêt Cassis de Dijon.

51.

Les deux possibilités présentent des avantages et des inconvénients. L’avantage de la seconde possibilité est d’éviter une définition large des mesures d’effet équivalant à des restrictions quantitatives, qui inclurait un nombre infini de mesures d’États membres. Néanmoins, en élaborant cette définition plus étroite, nous rencontrons à nouveau la question des principes appropriés sur la base desquels l’on élaborerait une telle définition. Un inconvénient supplémentaire que présente la seconde possibilité est également que l’élaboration d’une nouvelle définition particulière des mesures d’effet équivalant à des restrictions quantitatives à l’exportation aboutirait à nouveau à des incohérences dans la jurisprudence relative à la libre circulation des marchandises et aux libertés fondamentales en général.

52.

En conséquence, il est selon moi plus indiqué que les définitions, les restrictions et les critères posés dans les arrêts précités Dassonville, Cassis de Dijon ainsi que Keck et Mithouard s’appliquent également à l’interprétation de l’article 29 CE. Toutefois, il convient d’adapter cette jurisprudence à l’article 29 CE. Je présenterai donc, ci-après, les critères qu’il conviendrait pour la Cour d’appliquer lorsqu’elle appréciera s’il s’agit d’une mesure d’effet équivalant à une restriction quantitative à l’exportation.

53.

En premier lieu, je propose à la Cour que les mesures d’effet équivalant à des restrictions quantitatives à l’exportation soient définies comme toute mesure d’États membres susceptible d’entraver, directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce intracommunautaire.

54.

À cet égard, nous devons avoir conscience de ce qu’un très grand nombre de mesures relèvera d’une définition aussi large des mesures d’effet équivalant à des restrictions quantitatives à l’exportation ( 44 ). En pratique, cela signifie que toutes les conditions de production et leurs restrictions, toutes les mesures qui, d’une quelconque façon, augmentent les coûts de production ( 45 ), ou les mesures qui concernent les conditions de travail pourraient, par exemple, elles aussi constituer des mesures d’effet équivalent. Cela pourrait aboutir à ce que l’on puisse également contester des mesures d’États membres qui ne sont pas suffisamment liées à l’exportation.

55.

En cas d’importation d’une marchandise dans un État membre déterminé, la possibilité que les facteurs susmentionnés exercent une influence n’existe pas, car la marchandise importée est produite dans un autre État membre. Les facteurs cités ne peuvent donc influencer que les restrictions à l’exportation depuis l’État membre. Néanmoins, je dois relever que ces facteurs influencent trop indirectement la restriction à l’exportation, par conséquent, nous devons exclure la possibilité qu’ils soient qualifiés de mesures d’effet équivalant à des restrictions quantitatives.

56.

En conséquence, je propose à la Cour de restreindre la définition des mesures d’effet équivalant à des restrictions quantitatives à l’exportation de manière à ce que soient exclues de cette définition les mesures qui exercent une influence trop aléatoire et trop indirecte sur l’exportation. Rappelons que, dans la jurisprudence relative à l’article 29 CE rendue jusqu’ici, la Cour a déjà exclu de la portée dudit article — nonobstant la définition restrictive des mesures d’effet équivalant à des restrictions quantitatives à l’exportation — certaines des mesures susmentionnées. Dans l’affaire Oebel ( 46 ), la Cour a, par exemple, dit pour droit que l’interdiction du travail de nuit des boulangers — donc une mesure qui vise les conditions de travail — n’était pas une mesure d’effet équivalant à une restriction quantitative à l’exportation. Dans l’affaire ED ( 47 ), la Cour a relevé que la possibilité que la disposition du code de procédure civile italien, selon laquelle il n’était pas possible de remettre à un débiteur dans un autre État membre une injonction de payer, exerçât une influence sur les vendeurs dans l’État membre concerné de sorte que ces derniers hésiteraient à vendre la marchandise à l’étranger, était trop aléatoire et indirecte («too uncertain and indirect», «zu ungewiß und zu mittelbar») pour qu’elle puisse entraver le commerce entre les États membres ( 48 ). La Cour a, par exemple, également appliqué ce critère dans certaines affaires relatives à des mesures d’effet équivalant à des restrictions quantitatives à l’importation ( 49 ), relatives à la libre circulation des personnes ( 50 ) et à la liberté d’établissement ( 51 ). À cet égard, relevons que le critère susmentionné constitue un lien de cause à effet de la mesure et de la restriction à l’exportation, et qu’il ne s’agit pas d’une question d’intensité de la restriction à l’exportation.

57.

Ensuite, nous devons également traiter la question de savoir comment on peut également appliquer, dans le cadre de l’interprétation de l’article 29 CE, les critères définis dans l’arrêt Keck et Mithouard ( 52 ) sur le fondement desquels les modalités de vente non discriminatoires échappent au domaine d’application de l’article 28 CE. Selon moi, il est vrai que nous pouvons transposer dans le cadre de l’analyse fondée sur l’article 29 CE le test que la Cour a développé dans l’arrêt Keck et Mithouard, mais nous devons l’adapter aux caractéristiques de l’exportation.

58.

S’agissant de cette question, je propose donc à la Cour en premier lieu d’adapter, pour les mesures relatives à l’exportation, la formulation tirée du point 16 dudit arrêt Keck et Mithouard pour qu’elle s’énonce comme suit: n’entrave pas directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce entre les États membres l’application à des produits qui sont exportés dans un autre État membre de dispositions nationales qui limitent ou interdisent certaines modalités de vente, pourvu que ces dispositions s’appliquent à tous les opérateurs concernés exerçant leur activité sur le territoire national, et qu’elles affectent de la même manière, en droit comme en fait, la commercialisation des produits nationaux et de ceux qui sont exportés dans un autre État membre.

59.

J’estime cependant que nous devrons prendre en considération le fait que certaines modalités de vente empêchent ou restreignent la sortie du marché bien qu’elles n’opèrent de discrimination ni en droit ni en fait. Les raisons militant en faveur d’une telle adaptation du test consacré dans l’arrêt Keck et Mithouard, précité, sont multiples.

60.

Première raison: pareille interprétation de l’article 29 CE répond le mieux à l’objectif et au but de la libre circulation des marchandises. Déjà dans le cadre d’affaires fondées sur l’article 28 CE, il est apparu que, en faisant une application stricte du test élaboré dans l’affaire Keck et Mithouard, précité, nous pouvions exclure sans justification certaines modalités de vente ayant un effet très restrictif sur l’importation. C’est pourquoi il a déjà été relevé à plusieurs reprises dans quelques conclusions d’avocats généraux ( 53 ) et dans la doctrine ( 54 ) qu’il conviendrait de considérer les modalités de vente qui empêchent ou qui restreignent l’accès au marché comme des mesures d’effet équivalant à des restrictions quantitatives à l’importation. Cette position est étayée par l’argument selon lequel l’application des critères consacrés dans ledit arrêt Keck et Mithouard ne serait en principe pertinente qu’une fois la marchandise importée sur le marché de l’État membre concerné ( 55 ). De même que, à l’importation, certaines modalités de vente peuvent restreindre l’accès au marché, certaines modalités de vente peuvent, en cas d’exportation, restreindre la sortie du marché.

61.

Il est vrai que la grande majorité des réglementations nationales relatives aux modalités de vente n’a pas une incidence suffisamment directe sur les restrictions à la libre circulation des marchandises pour pouvoir être considérées comme des restrictions à la sortie du marché. En font partie, par exemple, certaines réglementations sur les horaires d’ouverture des commerces ( 56 ), sur la vente de certains articles dans certains magasins seulement ( 57 ) ou par certains vendeurs uniquement ( 58 ). Nous devons, en tout état de cause, soumettre ces modalités de vente ( 59 ) à l’analyse fondée sur le test tiré de l’arrêt Keck et Mithouard, précité, car nous retournerions sinon dans la période antérieure à cette dernière affaire, où les opérateurs économiques contestaient la validité de toutes les réglementations «qui [avaie]nt pour effet de limiter leur liberté commerciale» ( 60 ). Or, certaines modalités de vente peuvent restreindre l’exportation d’une manière plus directe, car elles sont davantage liées au franchissement même de la frontière par la marchandise ( 61 ). Telles sont, par exemple, les réglementations qui interdisent la vente de certains produits sur Internet ( 62 ). Toutefois, sur la base des caractéristiques de ces modalités de vente, nous créons difficilement deux catégories prédéfinies et clairement délimitées de modalités de vente, par conséquent je ne cite, à ce stade, que des exemples illustratifs. Il est plus indiqué de distinguer les modalités de vente eu égard à leur effet, donc de déterminer si elles peuvent avoir un effet sur l’accès au marché ou sur la sortie du marché.

62.

La deuxième raison d’exclure du test de cet arrêt Keck et Mithouard ces modalités de vente qui restreignent la sortie du marché tient au fait que, lors de la mise en œuvre pratique des principes consacrés dans ledit arrêt, nous devons tenir compte des caractéristiques de l’exportation. Les critères d’origine énoncés dans ce même arrêt Keck et Mithouard, qui ont été élaborés en ce qui concerne les restrictions à l’importation, reposent sur le principe selon lequel les modalités de vente ne restreignent pas l’importation si la marchandise nationale et celle importée sur le marché sur lequel elle est vendue bénéficient, pour leur vente, de conditions de droit et de fait identiques. Nous pouvons, par analogie, transposer ce principe à l’exportation, à savoir qu’il doit exister pour la marchandise vendue sur le marché dans un État membre déterminé, et pour la marchandise destinée à sortir de ce marché, des conditions de fait et de droit identiques de sorte que la mesure nationale n’a pas davantage d’incidence sur la marchandise exportée que sur la vente dans l’État membre d’origine.

63.

Toutefois, la traduction pratique de ce principe peut avoir des conséquences différentes pour l’exportation comme pour l’importation. En cas d’importation, lorsque nous effectuons le test tiré dudit arrêt Keck et Mithouard, nous constatons l’absence de discrimination sur le marché national entre le produit national et le produit étranger alors que, en cas d’exportation, nous constatons l’absence de discrimination sur le marché national entre deux produits nationaux — dont l’un sera exporté. Si la mesure nationale n’opère pas de discrimination en droit entre le produit exporté et celui vendu dans l’État membre d’origine, nous pourrons donc, la plupart du temps, constater une éventuelle discrimination de fait à l’exportation en raison uniquement de circonstances qui prennent naissance non pas sur le marché sur lequel le produit est vendu, mais au contraire hors de ce marché. Cependant, il sera souvent difficile de constater avec certitude les répercussions factuelles de facteurs extérieurs de ce genre. Or, il est vrai que nous ne pouvons pas exclure au seul niveau abstrait qu’une mesure nationale ait une influence de fait différente sur le produit exporté et sur le produit vendu dans l’État membre d’origine en raison également de facteurs qui prennent naissance sur le marché sur lequel le produit est vendu.

64.

La troisième raison est, elle aussi, spécifiquement liée à l’exportation, car c’est à juste titre que les modalités de vente constitueront très souvent une entrave à l’exportation et non une exigence relative aux produits. Cette circonstance sera donc différente de celle en cas d’importation où ce sont surtout les exigences qu’un État membre déterminé prescrit pour les produits qui ont un effet restrictif. L’effet sur la marchandise exportée des exigences relatives aux produits est en effet différent de celui sur la marchandise importée. La marchandise importée d’un État membre vers un autre doit satisfaire à des exigences doubles relatives aux produits — d’abord aux exigences qu’impose l’État membre de production, puis encore aux exigences de l’État membre d’importation. Le sens de la définition des exigences relatives aux produits en tant que mesures d’effet équivalent à l’importation est d’éviter que l’entrée d’une marchandise dans l’État membre d’importation puisse être empêchée ou entravée parce que les exigences relatives aux produits, posées par l’État membre d’importation, diffèrent de celles de l’État membre de production. Dans le cas d’une marchandise qui est exportée depuis un État membre déterminé, lorsque nous déterminons s’il existe une entrave à l’exportation, nous prenons en considération les seules exigences relatives aux produits, adoptées par cet État membre, mais pas celles que la marchandise doit remplir dans l’État membre vers lequel elle est exportée. Puisque les modalités de vente constitueront donc très souvent une entrave à l’exportation, il est justifié d’exclure du test de l’arrêt Keck et Mithouard, précité, les modalités de vente qui empêchent ou qui entravent directement la sortie du marché.

65.

Pour les motifs exposés ci-dessus, je propose à la Cour de considérer comme mesures d’effet équivalant à des restrictions quantitatives à l’exportation les réglementations des États membres sur les modalités de vente qui empêchent ou qui entravent directement la sortie du marché.

66.

J’analyserai ci-après la présente affaire sous l’angle de l’interprétation modifiée de l’article 29 CE.

4. Appréciation sur le fondement de l’interprétation modifiée de l’article 29 CE

67.

Il ressort donc de l’argumentation exposée ci-dessus que, au stade actuel du développement du droit communautaire, il est opportun de modifier l’interprétation de l’article 29 CE. J’apprécierai donc ci-après la présente affaire sous l’angle de cette interprétation modifiée.

68.

Dans le cadre de l’appréciation de l’article 80, paragraphe 3, de la loi belge sur la protection du consommateur, nous devons distinguer deux aspects. D’une part, nous devons apprécier si l’article 29 CE s’oppose à la disposition même, donc à l’interdiction d’exiger du consommateur un acompte ou le paiement durant le délai de renonciation de sept jours ouvrables. D’autre part, nous devons également analyser sous l’angle de l’article 29 CE l’interprétation spécifique de la disposition belge qui s’applique en pratique, de sorte que le vendeur ne peut pas exiger du consommateur le numéro de sa carte de crédit bien qu’il s’engage à ne pas l’utiliser pour encaisser le paiement durant le délai de renonciation de sept jours ouvrables.

69.

L’appréciation sur la base de la proposition de modification de l’interprétation de l’article 29 CE se fera en plusieurs phases.

70.

Au départ, nous devons constater que la disposition belge litigieuse et l’interprétation de celle-ci relèvent des modalités de vente. Dans l’analyse, nous appliquerons donc en premier lieu les critères tirés de l’arrêt Keck et Mithouard, précité. Bien que la disposition belge régisse les conditions de paiement et que l’interprétation de cette disposition porte sur une modalité de paiement spécifique, il s’agit d’éléments essentiels d’un contrat de vente et, concrètement, de vente par Internet. Par conséquent, il convient de les ranger parmi les modalités de vente. Dans sa jurisprudence relative à l’article 28 CE, la Cour a déjà constaté que la vente par Internet relevait des modalités de vente ( 63 ).

71.

Dans le cadre de cette appréciation, nous devons d’abord répondre à la question de savoir si cette disposition et l’interprétation de celle-ci, premièrement, s’appliquent à tous les opérateurs concernés qui exercent leur activité sur le territoire national et, deuxièmement, si elles affectent de la même manière, en droit comme en fait, la commercialisation des produits nationaux et de ceux exportés vers un autre État membre.

72.

Le premier critère, tiré dudit arrêt Keck et Mithouard, est rempli, car tant la disposition que l’interprétation de celle-ci s’appliquent à tous les opérateurs qui vendent la marchandise en Belgique dans le cadre de la vente à distance.

73.

Dans le cadre du second critère, il convient d’abord de constater que tant la disposition que l’interprétation de celle-ci affectent de la même manière, en droit, la commercialisation des produits nationaux et des produits exportés, car elles n’incluent aucune règle particulière relative à la vente de la marchandise nationale ou à la marchandise exportée. S’agissant de l’influence de fait exercée sur l’exportation, j’ai déjà affirmé dans le cadre de l’appréciation fondée sur la jurisprudence existante que tant la disposition belge litigieuse que l’interprétation de celle-ci avaient une influence de fait identique sur la vente intérieure et sur l’exportation. Cependant, il convient, conformément à la proposition de modification de l’interprétation de l’article 29 CE, d’apprécier si soit ladite disposition belge soit l’interprétation de celle-ci constituent un obstacle à la sortie du marché — en dépit du fait qu’elles n’opèrent de discrimination ni en droit ni en fait.

74.

Se voyant interdire d’exiger le paiement dans les sept jours ouvrables prévus pour la renonciation, le vendeur expédie la marchandise au consommateur, en ignorant totalement s’il recevra jamais le paiement qui lui est destiné. L’incertitude dans laquelle se trouve le vendeur en ce qui concerne le paiement peut le dissuader de vendre la marchandise à distance. À cet égard, peu importe de savoir si le risque lié à la réception du paiement diffère pour une vente à l’étranger d’une vente en Belgique. L’interprétation de la disposition belge, en vertu de laquelle le vendeur ne doit pas exiger du consommateur le numéro de sa carte de crédit, implique, elle aussi, pour le vendeur une incertitude semblable, car il n’a aucune assurance de recevoir le paiement. Cette incertitude peut amener le vendeur craignant de ne pas recevoir le paiement à interrompre l’exportation de la marchandise au moyen d’Internet ou à réduire le volume de cette exportation. C’est précisément en raison de cette crainte que Santurel a exigé de ses clients établis à l’étranger le numéro de leur carte de crédit.

75.

En conséquence, nous pouvons constater que, sur la base de la proposition de modification de l’interprétation de l’article 29 CE, une disposition telle que l’article 80, paragraphe 3, de la loi belge sur la protection du consommateur et l’interprétation de celle-ci, selon laquelle le vendeur ne peut pas exiger du consommateur le numéro de sa carte de crédit, constituent une entrave à la sortie du marché et, partant, des mesures d’effet équivalant à une restriction quantitative à l’exportation.

76.

Bien que ladite mesure constitue une mesure d’effet équivalant à une restriction quantitative à l’exportation, il ressort de la jurisprudence constante de la Cour relative à l’article 28 CE — que nous pouvons transposer à l’article 29 CE pour les motifs exposés ci-dessus — qu’une réglementation nationale, qui implique une mesure d’effet équivalent comme en ont les restrictions quantitatives, peut être justifiée par l’une des raisons énoncées à l’article 30 CE ou par des exigences impératives ( 64 ). En tout état de cause, la disposition nationale doit être propre à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi et ne pas aller au-delà de ce qui est strictement nécessaire pour qu’il soit atteint ( 65 ).

77.

La question suivante à laquelle nous devons répondre est donc de savoir s’il est possible de justifier la mesure belge soit sur le fondement de l’une des raisons énumérées à l’article 30 CE, soit sur le fondement de l’une des exigences impératives que la Cour a développées dans l’arrêt Cassis de Dijon ( 66 ) et dans sa jurisprudence ultérieure. Dans la présente affaire, aucune des raisons énumérées à l’article 30 CE n’est pertinente, mais il est possible de se prévaloir de la protection des consommateurs qui est une des exigences impératives.

78.

Il ne fait aucun doute que l’interdiction d’exiger le paiement ou un acompte durant le délai de rétractation de sept jours ouvrables et l’interprétation y afférente, selon laquelle le vendeur ne peut, avant l’expiration dudit délai, exiger du consommateur le numéro de sa carte de crédit, visent à protéger les consommateurs. En interdisant d’exiger le paiement ou un acompte durant le délai de rétractation, le Royaume de Belgique a souhaité consolider le droit du consommateur de se rétracter lors d’une vente à distance ( 67 ), droit garanti par l’article 6 de la directive 97/7, et créer en faveur du consommateur des conditions de rétractation dans lesquelles il pourrait exercer son droit sans le moindre risque. Il est aisé de comprendre que, dans le cas d’une vente à distance, le consommateur soit davantage protégé que lors d’une vente ordinaire. Le sens du droit de rétractation conféré au consommateur réside dans le fait que, en cas de vente à distance, il ne voit concrètement le produit qu’après l’avoir commandé ( 68 ). À cet égard, le quatorzième considérant de la directive 97/7 dispose qu’il convient de prévoir un droit de rétractation parce que «le consommateur n’a pas la possibilité […] de voir le produit ou de prendre connaissance des caractéristiques du service avant la conclusion du contrat».

79.

En adoptant l’article 80, paragraphe 3, de la loi belge sur la protection du consommateur, le Royaume de Belgique s’est donc décidé à assurer au consommateur un niveau de protection plus élevé que celui offert par la directive 97/7. Ce faisant, cet État membre a empêché que le consommateur doive, en cas de rétractation, attendre le remboursement des sommes versées. Selon l’article 6, paragraphe 2, de la directive 97/7, ce remboursement doit être effectué dans les meilleurs délais et, en tout état de cause, dans les trente jours. En même temps, le Royaume de Belgique a souhaité préserver le consommateur du risque que le vendeur ne lui rembourse pas les sommes déjà versées. Nous pouvons constater à partir des motifs énoncés qu’il est possible de justifier la disposition belge litigieuse et l’interprétation de celle-ci sur le fondement de la protection des consommateurs.

80.

Enfin, nous devons encore examiner si la disposition belge litigieuse et l’interprétation de celle-ci sont proportionnées. Dans le cadre du test de proportionnalité, il convient de vérifier si cette disposition et l’interprétation de celle-ci sont appropriées et nécessaires pour atteindre l’objectif de protection des consommateurs, plus précisément s’il existe une mesure par laquelle il est possible d’atteindre cet objectif avec la même efficacité, mais de manière moins restrictive pour la libre circulation des marchandises ( 69 ). En premier lieu, j’analyserai sous l’angle du principe de proportionnalité l’interdiction en général d’exiger un acompte ou le paiement avant l’expiration du délai de rétractation, puis de nouveau l’interprétation selon laquelle le vendeur ne doit pas exiger du consommateur le numéro de sa carte de crédit avant l’expiration dudit délai.

81.

L’interdiction générale d’exiger un acompte ou le paiement avant l’expiration du délai de rétractation est, selon moi, une mesure proportionnée à l’objectif de protection des consommateurs. Le Royaume de Belgique a opté pour un niveau de protection des consommateurs par lequel le consommateur ne court aucun risque en cas de rétractation d’un contrat à distance. Étant donné que la directive 97/7 prévoit un délai de rétractation de sept jours ouvrables, il est acceptable de ne pas exiger non plus du consommateur, durant ce délai, qu’il paie la marchandise qu’il reçoit.

82.

En conséquence, il convient de constater que l’article 29 CE ne s’oppose pas à une disposition nationale qui, lors d’une vente à distance, interdit qu’il soit exigé un acompte ou un paiement quelconque du consommateur pendant le délai de renonciation.

83.

Enfin, il convient de vérifier si est proportionnée l’interprétation de la disposition belge, selon laquelle le vendeur ne doit pas exiger du consommateur le numéro de sa carte de crédit avant l’expiration du délai de renonciation. À cet égard, il y a lieu de relever que, en vérifiant si une disposition de droit communautaire s’oppose à une disposition de droit national, il convient de tenir compte non seulement du libellé de cette disposition, mais aussi de l’interprétation qu’en donnent les autorités nationales ( 70 ). Le droit communautaire peut en effet s’opposer tant à la lettre de dispositions nationales qu’à l’interprétation de celles-ci, car cette interprétation à l’échelle nationale est contraignante pour tous les destinataires. En conséquence, les autorités nationales ont l’obligation d’interpréter le droit national conformément au droit communautaire ( 71 ).

84.

S’agissant de l’interprétation selon laquelle le vendeur ne doit pas exiger du consommateur le numéro de sa carte de crédit avant l’expiration du délai de rétractation, il convient, selon moi, de constater que cette interprétation va au-delà de ce qui est strictement nécessaire pour atteindre l’objectif de protection élevée des consommateurs. À l’appui de cette affirmation, nous pouvons citer plusieurs arguments.

85.

Premièrement, le vendeur, dans ce cas, exige le numéro de carte de crédit non pas pour encaisser le paiement de la marchandise, mais uniquement pour se prémunir, avant le paiement de la marchandise par le consommateur. S’il expédie la marchandise sans avoir exigé le numéro de carte de crédit, il risque de ne jamais recevoir le paiement de la marchandise. Si le vendeur ne prélève pas le montant du paiement avec la carte de crédit, le niveau de protection du consommateur ne diminue en rien. Nous pouvons évidemment comprendre la crainte des autorités belges que le vendeur fasse une utilisation frauduleuse de la carte de crédit pour encaisser le paiement avant l’expiration du délai de rétractation ou qu’il prélève même le montant à l’aide de la carte de crédit et qu’il n’expédie pas du tout la marchandise. Or, l’interprétation de la disposition belge litigieuse, par laquelle les autorités belges veulent prévenir les abus de ce genre, est disproportionnée. La communication du numéro de carte de crédit permet de créer un équilibre approprié entre le niveau élevé de protection du consommateur et le fait de ne pas exposer le vendeur au risque que le consommateur ne paie pas. En effet, si le consommateur ne se rétracte pas et qu’il ne paie pas, le vendeur peut prélever le prix de vente avec la carte de crédit.

86.

Deuxièmement, la responsabilité pénale du vendeur est prévue en Belgique pour cause de violation de l’obligation qui lui incombe de ne pas prélever la somme avec la carte de crédit pendant le délai de renonciation. Il est vrai que, en autorisant la communication du numéro de carte de crédit, nous acceptons également la possibilité que des abus soient commis dans certains cas, mais cette possibilité diminue si l’on assure l’efficacité de la sanction frappant l’infraction. Cette norme juridique ne sera peut-être pas vraiment entièrement efficace, mais, en assurant une sanction appropriée, elle sera suffisamment efficace pour garantir un niveau de protection élevé des consommateurs que le Royaume de Belgique s’efforce d’atteindre. En outre, nous devons tenir compte du fait que, selon l’article 8 de la directive 97/7, les États membres doivent veiller à ce que le consommateur puisse demander l’annulation d’un paiement en cas d’utilisation frauduleuse de sa carte de paiement dans le cadre de contrats à distance et que, en cas d’utilisation frauduleuse, il soit recrédité des sommes versées en paiement ou se les voie restituées. Outre la sanction pénale visant le vendeur en cas d’utilisation frauduleuse d’une carte de crédit, une protection spécifique du consommateur est donc, elle aussi, prévue.

87.

Troisièmement, nous devons également prendre en considération la réalité économique des paiements effectués par cartes de crédit, qui relèvent de ce qu’il convient d’appeler les «nouvelles modalités de paiement», et des avantages qu’offre cette modalité de paiement. Dans d’autres conditions classiques de paiement qui sont à la disposition du vendeur lors d’une vente à distance (par exemple le virement bancaire), lorsque le vendeur ne doit pas exiger le paiement avant l’expiration du délai de rétractation, le niveau de protection élevé est garanti au seul consommateur. À cet égard, le paiement par carte de crédit présente nombre d’avantages, car il permet une protection simultanée des deux intéressés, consommateur et vendeur, sans que le niveau de protection du consommateur ne se réduise en principe sensiblement. Le niveau de protection de ce dernier ne diminue que potentiellement et dans certains cas seulement. S’il est opportun de sanctionner cette norme juridique, les cas d’utilisation frauduleuse de cartes de crédit sont rares. La situation dans laquelle l’on assurerait une protection absolue au consommateur, mais aucune au vendeur, bien qu’il existe la possibilité de l’assurer aux deux en même temps, pourrait être qualifiée de summum ius summa iniuria (justice excessive devient injustice). L’impossibilité, dans le cas d’autres modalités de paiement, de protéger simultanément le consommateur et le vendeur ne saurait nous convaincre que nous ne pouvons pas offrir de protection aux deux intéressés si une forme de paiement déterminée le permet.

88.

Pour les motifs exposés ci-dessus, j’estime qu’est disproportionnée l’interprétation de la disposition belge selon laquelle, lors d’une vente à distance, le vendeur ne doit pas exiger du consommateur le numéro de sa carte de crédit pendant le délai obligatoire de renonciation, bien qu’il s’engage à ne pas l’utiliser pour encaisser le paiement avant l’expiration dudit délai.

89.

À la lumière de ce qui précède, il convient de constater que l’article 29 CE s’oppose à l’interprétation d’une disposition nationale selon laquelle, lors d’une vente à distance, le vendeur ne doit pas exiger du consommateur le numéro de sa carte de crédit pendant le délai obligatoire de renonciation, bien qu’il s’engage à ne pas l’utiliser pour encaisser le paiement avant l’expiration dudit délai.

5. Conclusion

90.

Il résulte donc de l’analyse qui précède que, si l’article 29 CE ne s’oppose pas à la signification que revêt la disposition belge litigieuse sur le fondement d’une interprétation littérale stricte, il s’oppose par contre à l’interprétation que lui attribuent les autorités nationales. Ainsi qu’il a déjà été relevé, ces dernières ont l’obligation d’interpréter le droit national conformément au droit communautaire. En conséquence, nous pouvons constater que l’article 29 CE ne s’oppose pas à une disposition nationale qui, lors d’une vente à distance, interdit d’exiger un acompte ou un paiement quelconque du consommateur pendant le délai obligatoire de renonciation si cette disposition n’est pas interprétée en ce sens que, pendant le délai obligatoire de renonciation, le vendeur ne doit pas exiger du consommateur le numéro de sa carte de crédit bien qu’il s’engage à ne pas l’utiliser, pendant ledit délai, pour encaisser le paiement.

VII — Conclusion

91.

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre à la question préjudicielle posée par le hof van beroep te Gent comme suit:

«L’article 29 CE ne s’oppose pas à une disposition nationale qui, lors d’une vente à distance, interdit d’exiger un acompte ou un paiement quelconque du consommateur pendant le délai obligatoire de renonciation si cette disposition n’est pas interprétée en ce sens que, pendant le délai obligatoire de renonciation, le vendeur ne doit pas exiger du consommateur le numéro de sa carte de crédit bien qu’il s’engage à ne pas l’utiliser, pendant ledit délai, pour encaisser le paiement.»


( 1 ) Langue originale: le slovène.

( 2 ) Watson, A., Roman Law & Comparative Law, The University of Georgia Press, Athènes et Londres, 1991, p. 45; Korošec, V., Rimsko pravo, I. del, Uradni list, Ljubljana, 2005, p. 277.

( 3 ) Arrêt du 11 juillet 1974 (8/74, Rec. p. 837).

( 4 ) Arrêt du 24 novembre 1993 (C-267/91 et C-268/91, Rec. p. I-6097).

( 5 ) Précité.

( 6 ) Précité.

( 7 ) Arrêt du 8 novembre 1979 (15/79, Rec. p. 3409).

( 8 ) Voir, par exemple, arrêts du 12 décembre 1990, SARPP (C-241/89, Rec. p. I-4695, point 8); du 29 avril 2004, Weigel (C-387/01, Rec. p. I-4981, point 44), et du 11 septembre 2007, Céline (C-17/06, Rec. p. I-7041, point 29).

( 9 ) La Cour a ainsi tranché, par exemple, dans l’affaire Siemens/Nold (arrêt du 19 novembre 1996, C-42/95, Rec. p. I-6017) sur le point de savoir si le droit communautaire s’opposait à une jurisprudence que le Bundesgerichtshof allemand avait développée. Dans la doctrine, voir en ce qui concerne la prise en considération de l’interprétation que les autorités belges attribuent à une disposition nationale, Bieber, R., e.a., Die Europäische Union, 6e éd., Nomos, Baden-Baden, 2005, p. 280, point 128; s’agissant de la prise en considération de l’interprétation du droit national dans le cadre d’une procédure en constatation de manquement d’État, voir Lenaerts, K., e.a., Procedural Law of the European Union, 2e éd., Sweet & Maxwell, Londres, 2006, p. 162, point 5-056.

( 10 ) La Cour l’a, elle aussi, confirmé dans son arrêt du 11 décembre 2003, Deutscher Apothekerverband (C-322/01, Rec. p. I-14887, point 64).

( 11 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 2008, sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) (JO L 177, p. 6). Ce règlement sera applicable, selon son article 29, à partir du 17 décembre 2009, à l’exception de l’article 26 qui s’appliquera dès le 17 juin 2009. Ledit règlement dispose à son article 6, paragraphe 1, que les contrats de consommation sont «régis par la loi du pays où le consommateur a sa résidence habituelle, à condition que le professionnel: a) exerce son activité professionnelle dans le pays dans lequel le consommateur a sa résidence habituelle, ou b) par tout moyen, dirige cette activité vers ce pays ou vers plusieurs pays, dont celui-ci, et que le contrat rentre dans le cadre de cette activité». Selon le paragraphe 2 de cet article, les parties contractantes peuvent choisir la loi applicable à un contrat. Ce choix «ne peut cependant avoir pour résultat de priver le consommateur de la protection que lui assurent les dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord en vertu de la loi qui aurait été applicable, en l’absence de choix, sur la base du paragraphe 1».

( 12 ) Voir, entre autres, arrêts du 16 décembre 1981, Foglia (244/80, Rec. p. 3045, point 18); du 15 juin 1995, Zabala Erasun e.a. (C-422/93 à C-424/93, Rec. p. I-1567, point 29); du 12 mars 1998, Djabali (C-314/96, Rec. p. I-1149, point 19), et du 17 avril 2008, Quelle (C-404/06, Rec. p. I-2685, point 20).

( 13 ) Dans son arrêt du 12 juillet 1973, Riseria Geddo (2/73, Rec. p. 865, point 7), la Cour a dit pour droit: «l’interdiction de restrictions quantitatives vise des mesures ayant le caractère de prohibition totale ou partielle, d’importation, d’exportation ou de transit […]».

( 14 ) Arrêt du 3 février 1977 (53/76, Rec. p. 197).

( 15 ) Ibidem (point 16).

( 16 ) Arrêt précité (point 5).

( 17 ) Par la suite, la Cour a encore maintes fois confirmé cette définition dans le cadre de l’article 28 CE. Voir, par exemple, arrêts du 9 décembre 1981, Commission/Italie (193/80, Rec. p. 3019, point 18); du 22 juin 1982, Robertson e.a. (220/81, Rec. p. 2349, point 9); du 18 mai 1993, Yves Rocher (C-126/91, Rec. p. I-2361, point 9); du 16 novembre 2000, Commission/Belgique (C-217/99, Rec. p. I-10251, point 16); du 19 juin 2003, Commission/Italie (C-420/01, Rec. p. I-6445, point 25); du 2 décembre 2004, Commission/Pays-Bas (C-41/02, Rec. p. I-11375, point 39); du 26 mai 2005, Burmanjer e.a. (C-20/03, Rec. p. I-4133, point 23); du 10 janvier 2006, De Groot en Slot Allium et Bejo Zaden (C-147/04, Rec. p. I-245, point 71); du 28 septembre 2006, Ahokainen et Leppik (C-434/04, Rec. p. I-9171, point 18), et du 20 septembre 2007, Commission/Pays-Bas (C-297/05, Rec. p. I-7467, point 53).

( 18 ) Arrêt précité.

( 19 ) Point 7.

( 20 ) Voir, par exemple, arrêts du 14 juillet 1981, Oebel (155/80, Rec. p. 1993, point 15); du 7 février 1984, Jongeneel Kaas e.a. (237/82, Rec. p. 483, point 22); du 27 mars 1990, Espagne/Conseil (C-9/89, Rec. p. I-1383, point 21); du 24 janvier 1991, Alsthom Atlantique (C-339/89, Rec. p. I-107, point 14); du 10 novembre 1992, Exportur (C-3/91, Rec. p. I-5529, point 21); du 22 juin 1999, ED (C-412/97, Rec. p. I-3845, point 10); du 20 mai 2003, Consorzio del Prosciutto di Parma et Salumificio S. Rita (C-108/01, Rec. p. I-5121, point 54); du 20 mai 2003, Ravil (C-469/00, Rec. p. I-5053, point 40); du 2 octobre 2003, Grilli (C-12/02, Rec. p. I-11585, point 41), et du 8 novembre 2005, Jersey Produce Marketing Organisation (C-293/02, Rec. p. I-9543, point 73).

( 21 ) Arrêt du 9 juin 1992 (C-47/90, Rec. p. I-3669, point 12).

( 22 ) Arrêt du 24 mars 1994 (C-80/92, Rec. p. I-1019, point 24).

( 23 ) Arrêt du 23 mai 2000 (C-209/98, Rec. p. I-3743, point 34).

( 24 ) Pareille compétence n’est possible que dans les cas de figure et selon les conditions énumérés aux articles 15 à 17 du règlement (CE) no 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, L 12, p. 1).

( 25 ) À cet égard, je citerai surtout les règlements no 44/2001, (CE) no 805/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, portant création d’un titre exécutoire européen pour les créances incontestées (JO L 143, p. 15), (CE) no 1896/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, instituant une procédure européenne d’injonction de payer (JO L 399, p. 1), ainsi que la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil instituant une procédure européenne pour les demandes de faible importance [COM(2005) 87 final]. Dans la doctrine, voir, s’agissant de quelques-uns des règlements susmentionnés, par exemple, Rijavec, V., «Postopek potrditve Evropskega izvršilnega naslova», Podjetje in delo, no 5/2007, p. 791; Stadler, A., «From the Brussels Convention to Regulation 44/2001: Cornerstones of a European law of civil procedure», Common Market Law Review, no 6/2005, p. 1639, et Sujecki, B., «Das Europäische Mahnverfahren», Neue Juristische Wochenschrift, no 23/2007, p. 1623.

( 26 ) Règlement (CE) no 861/2007 du Parlement Européen et du Conseil, du 11 juillet 2007, instituant une procédure européenne de règlement des petits litiges (JO L 199, p. 1). Il sera applicable, conformément à son article 29, deuxième alinéa, à partir du 1er janvier 2009.

( 27 ) Voir, par exemple, Alexander, W., «Case 15/79, P.B. Groenveld BV v Produktschap voor Vee en Vlees», Common Market Law Review, année 17, 1980, p. 285; Füller, J. T., Grundlagen und inhaltliche Reichweite der Warenverkehrsfreiheiten nach dem EG-Vertrag, Nomos, Baden-Baden, 1998, p. 244; Oliver, P., «Some Further Reflections on the Scope of Articles 28-30 (Ex 30-36) EC», Common Market Law Review, no 4/1999, p. 799 et suiv.; Müller-Graff, P.-C., dans von der Groeben, H., Schwarze, J. (éd.), Kommentar zum Vertrag über die Europäische Union und zur Gründung der Europäischen Gemeinschaft, 6e éd., Nomos, Baden-Baden, 2003, tome I, commentaire de l’article 29 CE, p. 1082 et suiv., points 19 et suiv.; Tizzano, A., Trattati dell'Unione Europea e della Communità Europea, Giuffrè, Milan, 2004, p. 295; Oliver, P., et Roth, W.-H., «The Internal Market and the Four Freedoms», Common Market Law Review, no 2/2004, p. 419; Piska, C., dans Mayer, H. (éd.), Kommentar zu EU- und EG-Vertrag, Manz, Dunaj, 2005, commentaire de l’article 29, point 4; Barnard, C., The Substantive Law of the EU, Oxford University Press, Oxford, 2007, p. 171; Dawes, A., «Importing and exporting poor reasoning: worrying trends in relation to the case law on the free movement of goods», German Law Journal, no 8/2007, p. 761 et suiv.

( 28 ) En ce sens, voir également, Füller, J. T., op. cit., p. 245.

( 29 ) Füller, J. T., op. cit., relève, par exemple, à la p. 246 que les articles ont tous deux le même objet de politique juridique.

( 30 ) Arrêt du 12 juin 2003 (C-112/00, Rec. p. I-5659).

( 31 ) Arrêt du 15 novembre 2005 (C-320/03, Rec. p. I-9871).

( 32 ) Arrêt précité.

( 33 ) Arrêt précité (point 73).

( 34 ) Dans l’arrêt Schmidberger, précité, la Cour a expressément employé une formulation qui concerne l’importation et l’exportation selon laquelle: «l’élimination de toutes entraves […] aux courants d’échanges dans le commerce intracommunautaire» (‘odstraniti vse ovire […] za trgovinske tokove v prometu znotraj Skupnosti’; ‘to eliminate all barriers […] to trade flows in intra-Community trade’; ‘[Beseitigung aller] Beeinträchtigungen der Handelsströme innerhalb der Gemeinschaft’) (point 56). Voir également arrêt Commission/Autriche, précité (point 67).

( 35 ) Barnard relève que, dans le cas de la libre circulation des personnes et de la libre circulation des services, l’analyse de la Cour ne restreint pas la détermination de l’éventuel caractère discriminatoire de la mesure (Barnard, C., op. cit., p. 171 et 172). Behrens affirme que l’interprétation des libertés fondamentales communautaires a évolué d’une interdiction de la discrimination à une interdiction des restrictions (Behrens, P., «Die Konvergenz der wirtschaftlichen Freiheiten im europäischen Gemeinschaftsrecht», Europarecht, no 2/1992, p. 148 et suiv).

( 36 ) Conclusions de l’avocat général Capotorti du 27 mai 1981 (arrêt précité, point 3). De même, l’avocat général Gulmann, dans ses conclusions du 16 janvier 1992 dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Delhaize et Le Lion, précité, a affirmé que celle-ci soulevait la question de savoir si le test que la Cour avait élaboré dans l’affaire Groenveld était trop restrictif.

( 37 ) Voir arrêt du 14 juillet 1994, Peralta (C-379/92, Rec. p. I-3453, point 51). Dans cet arrêt, la Cour a, par exemple, dit pour droit que la mesure italienne qui interdisait le rejet de substances chimiques nocives en mer n’était pas contraire aux dispositions du traité sur la libre prestation des services parce qu’elle visait tous les navires sans distinction, indépendamment du point de savoir s’ils transportaient une cargaison en provenance d’Italie ou d’autres États membres, et qu’elle ne distinguait donc pas entre les services pour les produits exportés et les services pour les produits commercialisés en Italie, de même qu’elle ne conférait pas d’avantages particuliers au marché, aux services de transport ou aux produits italiens.

( 38 ) Voir arrêts du 25 juillet 1991, Säger (C-76/90, Rec. p. I-4221, point 12), et du 10 mai 1995, Alpine Investments (C-384/93, Rec. p. I-1141). Dans l’affaire Alpine Investments qui portait sur l’«exportation» de services, la Cour a dit pour droit que la mesure de l’État membre pouvait constituer une restriction à la libre prestation des services bien qu’elle fût d’application générale et non discriminatoire et qu’elle n’eût pas pour objet ou pour effet de procurer au marché national un avantage par rapport aux prestataires de services d’autres États membres.

( 39 ) En ce qui concerne la libre circulation des travailleurs, voir arrêt du 15 décembre 1995, Bosman (C-415/93, Rec. p. I-4921, point 104), dans lequel la Cour est partie de l’existence d’une entrave à la libre circulation des travailleurs. S’agissant de la liberté d’établissement, voir arrêts du 7 juillet 1988, Wolf e.a. (154/87 et 155/87, Rec. p. 3897, point 9), et du 31 mars 1993, Kraus (C-19/92, Rec. p. I-1663, point 32). Dans la doctrine, voir, s’agissant de la problématique de la discrimination et de la libre circulation des personnes, par exemple, Bernard, N., «Discrimination and Free Movement in EC Law», International and Comparative Law Quarterly, no 1/1996, p. 83 et suiv., et Daniele, L., «Non-Discriminatory Restrictions to the Free Movement of Persons», European Law Review, no 3/1997, p. 191 et suiv.

( 40 ) Voir, par exemple, arrêts du 4 juin 2002, Commission/Portugal (C-367/98, Rec. p. I-4731), ainsi que du 28 septembre 2006, Commission/Pays-Bas (C-282/04 et C-283/04, Rec. p. I-9141). Dans la doctrine, voir, par exemple, Lenaerts, K., et Van Nuffel, P., Constitutional Law of the European Union, 2e éd., Sweet & Maxwell, Londres, 2005, p. 240.

( 41 ) Arrêt précité.

( 42 ) Arrêt du 20 février 1979 (120/78, Rec. p. 649).

( 43 ) Arrêt précité.

( 44 ) La doctrine le fait, elle aussi, remarquer. Voir, par exemple, Füller, J. T., op. cit., p. 45; Oliver, P., «Some Further Reflections on the Scope of Articles 28-30 (Ex 30-36) EC», Common Market Law Review, no 1999, p. 800; Woods, L., Free Movement of Goods and Services within the European Community, Ashgate, Aldershot, 2004, p. 108; Oliver, P., et Enchelmaier, S., «Free movement of goods: Recent developments in the case law», Common Market Law Review, no 3/2007, p. 686; Enchelmaier, S., «The ECJ’s Recent Case Law on the Free Movement of Goods: Movement in All Sorts of Directions», Yearbook of European Law, 2007, p. 144.

( 45 ) Dans von der Groeben, H., et Schwarze, J. (éd.), op. cit., commentaire de l’article 29 CE, p. 1081, point 15, Müller-Graff, P.-C., attire particulièrement l’attention sur le fait qu’une définition aussi large inclurait également des mesures qui majorent les coûts de production.

( 46 ) Arrêt précité.

( 47 ) Arrêt précité.

( 48 ) Ibidem (point 11).

( 49 ) Voir arrêts du 7 mars 1990, Krantz (C-69/88, Rec. p. I-583, point 11); du 13 octobre 1993, CMC Motorradcenter (C-93/92, Rec. p. I-5009, point 12), ainsi que du 26 mai 2005, Burmanjer e.a. (C-20/03, Rec. p. I-4133, point 31).

( 50 ) Voir arrêt du 27 janvier 2000, Graf (C-190/98, Rec. p. I-493, point 25). Voir également conclusions de l’avocat général Sharpston du 28 juin 2007 dans l’affaire Gouvernement de la Communauté française et gouvernement wallon (arrêt du 1er avril 2008, C-212/06, Rec. p. I-1683, points 56 ainsi que 59 et suiv).

( 51 ) Voir conclusions de l’avocat général Tizzano du 25 mars 2004 dans l’affaire CaixaBank France (arrêt du 5 octobre 2004, C-442/02, Rec. p. I-8961, point 75).

( 52 ) Arrêt précité.

( 53 ) Voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Stix-Hackl du 11 mars 2003 dans l’affaire Deutscher Apothekerverband (arrêt précité, point 77), et de l’avocat général Kokott du 14 décembre 2006 dans l’affaire Mickelsson et Roos (C-142/05, pendante devant la Cour, point 66).

( 54 ) Barnard, C., op. cit., p. 159 et suiv., ainsi que Oliver, P., «Some Further Reflections on the Scope of Articles 28-30 (Ex 30-36) EC», Common Market Law Review, no 4/1999, p. 795.

( 55 ) Voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Stix-Hackl dans l’affaire Deutscher Apothekerverband, précitées (point 77). Voir également conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Mickelsson et Roos, précitées (point 53).

( 56 ) Voir, par exemple, arrêt du 20 juin 1996, Semeraro Casa Uno e.a. (C-418/93 à C-421/93, C-460/93 à C-462/93, C-464/93, C-9/94 à C-11/94, C-14/94, C-15/94, C-23/94, C-24/94 et C-332/94, Rec. p. I-2975).

( 57 ) Voir, par exemple, arrêt du 29 juin 1995, Commission/Grèce (C-391/92, Rec. p. I-1621).

( 58 ) Voir, par exemple, arrêt du 14 décembre 1995, Banchero (C-387/93, Rec. p. I-4663).

( 59 ) Il est vrai que les modalités de vente susmentionnées portent sur les questions de savoir quand, où et qui vend un produit déterminé, mais il n’est en principe pas possible de soutenir que ces modalités de vente ne restreindront pas l’accès au marché ou la sortie du marché, par conséquent nous ne saurions comprendre les exemples cités comme la création d’une catégorie abstraite de modalités de vente, prédéterminée et clairement définie et qu’il convient de l’exclure du test consacré dans l’arrêt Keck et Mithouard, précité.

( 60 ) Arrêt Keck et Mithouard, précité (point 14).

( 61 ) Il s’agit surtout de modalités de vente qui portent sur la manière dont le produit est vendu, mais nous parlons toujours difficilement d’une catégorie prédéfinie. Nous devrons apprécier l’effet d’une modalité de vente individuelle dans chaque cas d’espèce concret.

( 62 ) Bien que, au point 74 de son arrêt Deutscher Apothekerverband, précité, la Cour ait déduit de la constatation que l’interdiction allemande de vente de médicaments sur Internet exerçait davantage d’influence sur les pharmacies situées à l’étranger que sur celles situées en Allemagne, et qu’elle ait donc persévéré dans le critère de la discrimination factuelle, elle a malgré tout constaté l’existence d’une discrimination factuelle à l’accès au marché.

( 63 ) Arrêt Deutscher Apothekerverband, précité (points 68 et suiv.).

( 64 ) En ce qui concerne les exigences impératives, voir arrêt Cassis de Dijon, précité (point 8).

( 65 ) Voir, par exemple, arrêts du 20 juin 2002, Radiosistemi (C-388/00 et C-429/00, Rec. p. I-5845, points 40 à 42); du 8 mai 2003, ATRAL (C-14/02, Rec. p. I-4431, point 64); du 8 septembre 2005, Yonemoto (C-40/04, Rec. p. I-7755, point 55), et du 10 novembre 2005, Commission/Portugal (C-432/03, Rec. p. I-9665, point 42).

( 66 ) Voir arrêt Cassis de Dijon, précité.

( 67 ) De manière générale sur le droit de rétractation du consommateur lors d’une vente à distance, voir, par exemple, Reich, N., «Die neue Richtlinie 97/7/EG über den Verbraucherschutz bei Vertragsabschlüssen im Fernabsatz», Europäische Zeitschrift für Wirtschaftsrecht, no 19/1997, p. 584 et suiv.; Micklitz, H.-W., «Die Fernabsatzrichtlinie 97/7/EG», Zeitschrift für europäisches Privatrecht, no 4/1999, p. 884 et suiv.; Bernardeau, L., «La directive communautaire 97/7 en matière de contrats à distance», Cahiers de droit européen, no 1-2/2000, p. 129; Poillot, É., «Le droit comparé au service de la compréhension de l’acquis communautaire en droit privé: l’exemple du droit de rétractation dans la directive 97/7/CE concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance», Revue internationale de droit comparé, no 4/2005, p. 1017; Knez, R., «Direktiva 97/7/ES Evropskega parlamenta in Sveta z dne 20. maja 1997 o varstvu potrošnikov glede sklepanja pogodb pri prodaji na daljavo», dans Trstenjak, V., Evropsko pravo varstva potrošnikov, GV Založba, Ljubljana, 2005, p. 113.

( 68 ) Voir, en ce sens, Heinrichs, H., «Das Widerrufsrecht nach der Richtlinie 97/7/EG über den Verbraucherschutz bei Vertragsabschlüssen im Fernabsatz», dans Beuthien, V., e.a. (éd.), Festschrift für Dieter Medicus zum 70. Geburtstag, Heymanns, Cologne, 1999, p. 190; Pützhoven, A., Europäischer Verbraucherschutz im Fernabsatz — Die Richtlinie 97/7/EG und ihre Einbindung in nationales Verbraucherrecht, Beck, Munich, 2001, p. 76; Reuter, M., Der Fernabsatz und seine rechtliche Ausgestaltung in der Europäischen Union, Peter Lang, Francfort-sur-le-Main, 2002; Lodder, A., Kaspersen, H. W. K. (éd.), eDirectives: Guide to European Union Law on E-Commerce — Commentary on the Directives on Distance Selling, Electronic Signatures, Electronic Commerce, Copyright in the Information Society, and Data Protection, Kluwer, La Haye, 2002.

( 69 ) Voir, par exemple, arrêts du 10 novembre 1994, Ortscheit (C-320/93, Rec. p. I-5243, point 16); du 15 juin 1999, Heinonen (C-394/97, Rec. p. I-3599, point 36), et du 28 septembre 2006, Ahokainen et Leppik (C-434/04, Rec. p. I-9171, point 33)). En doctrine, voir Lenaerts, K., et Van Nuffel, P., op. cit.

( 70 ) Dans la doctrine, voir, par exemple, Bieber, R., e.a., op. cit., p. 280, point 128; Lenaerts, K., e.a., op. cit., p. 162, point 5-056, relèvent qu’il convient d’apprécier la portée des lois, règlements et dispositions administratives nationaux à la lumière de l’interprétation qu’en donnent les juridictions nationales. Ainsi que je l’ai déjà mentionné au point 9 des présentes conclusions, dans son arrêt 19 novembre 1996, Siemens (C-42/95, Rec. p. I-6017), la Cour s’est prononcée sur le point de savoir si le droit communautaire s’opposait à une jurisprudence que le Bundesgerichtshof allemand avait développée.

( 71 ) De manière générale, s’agissant de l’obligation d’interprétation conforme au droit communautaire primaire, voir Leible, S., et Domröse, R., «Die primärrechtskonforme Auslegung», dans Riesenhuber, K. (éd.), Europäische Methodenlehre — Handbuch für Ausbildung und Praxis, De Gruyter Recht, Berlin, 2006, p. 184 et suiv.; s’agissant de l’obligation d’interprétation conforme aux directives communautaires, voir Roth, W.-H., «Die richtlinienkonforme Auslegung», dans Riesenhuber, K. (éd.), Europäische Methodenlehre — Handbuch für Ausbildung und Praxis, De Gruyter Recht, Berlin, 2006, p. 308 et suiv.