CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MMEVERICA TRSTENJAK

présentées le 3 juillet 2008 ( 1 )

Affaire C-113/07 P

SELEX Sistemi Integrati SpA

contre

Commission des Communautés européennes

Table des matières

 

I — Introduction

 

II — Le cadre juridique

 

A — Les textes fondateurs d’Eurocontrol

 

B — Le droit communautaire

 

III — Les faits et la procédure

 

A — Les faits du cas d’espèce

 

B — La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

 

C — La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

 

IV — Examen du pourvoi

 

A — Remarques préliminaires

 

1. Eurocontrol peut-elle être qualifiée d’entreprise au sens de l’article 82 CE?

 

2. La structure du pourvoi: articulation des moyens

 

B — L’exception d’immunité soulevée par Eurocontrol en tant que partie intervenante

 

C — L’examen des moyens

 

1. Sur les moyens à caractère procédural

 

a) Sur la violation de l’article 116, paragraphe 6, du règlement de procédure du Tribunal consistant dans l’admission d’Eurocontrol en tant que partie intervenante

 

b) Sur la violation de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal consistant dans la dénaturation des faits ayant servi de fondement au rejet des nouveaux moyens de la requérante pour irrecevabilité

 

c) Sur la violation de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, pour absence de prise en compte du comportement de la Commission parmi les circonstances sur lesquelles est fondée la décision de déclarer irrecevables les moyens nouveaux introduits par la requérante

 

d) Sur la violation de l’article 66, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, pour défaut d’adoption d’une ordonnance portant sur la demande de mesures d’instruction

 

2. Sur les moyens touchant au fond

 

a) Sur l’activité d’Eurocontrol d’assistance aux administrations nationales

 

i) Sur la demande de la Commission visant à obtenir une substitution de motifs

 

— Le sens de la demande de la Commission

 

— Examen de la suggestion de la Commission

 

ii) Sur la dénaturation du contenu de la décision litigieuse

 

iii) Sur la contrariété de motifs car l’arrêt n’a pas annulé la décision litigieuse, alors qu’il a accueilli le premier moyen

 

iv) Sur la contrariété de motifs, car le Tribunal a remplacé la motivation retenue par la Commission dans la décision attaquée par sa propre motivation

 

v) Sur la violation de la jurisprudence constante des juridictions communautaires relative aux limites du contrôle juridictionnel

 

vi) Sur l’erreur d’appréciation concernant une violation de l’article 82 CE

 

b) Sur l’activité normative d’Eurocontrol

 

i) Sur la demande de substitution de motifs présentée par la Commission

 

— Les prétentions des parties

 

— Appréciation

 

ii) Sur la dénaturation du contenu de la décision attaquée

 

iii) La définition de l’activité économique prise pour base serait contraire à la définition élaborée par la jurisprudence des juridictions communautaires

 

iv) Sur la fausse interprétation et application de la jurisprudence des juridictions communautaires en matière de prestations à caractère social

 

v) Sur la violation de l’obligation de motivation

 

c) Sur l’activité de recherche et de développement d’Eurocontrol

 

i) Sur la dénaturation de la décision litigieuse

 

ii) Sur le recours à une définition de l’activité économique contraire à celle élaborée par la jurisprudence des juridictions communautaires

 

iii) Sur la dénaturation des moyens de preuve produits par la requérante à propos du caractère économique de la gestion des droits de propriété intellectuelle par Eurocontrol

 

V — Conclusion de l’analyse

 

VI — Sur les dépens

 

VII — Conclusion

«Pourvoi — Concurrence — Article 82 CE — Notion d’entreprise — Activité économique — Organisation internationale — Abus de position dominante»

I — Introduction

1.

Dans la présente affaire, la Cour de justice des Communautés européennes doit se prononcer sur un pourvoi formé par la société SELEX Sistemi Integrati SpA (anciennement Alenia Marconi Systems SpA) contre l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 12 décembre 2006, rendu dans l’affaire SELEX Sistemi Integrati/Commission ( 2 ).

2.

La demanderesse au pourvoi et requérante en première instance (ci-après la «requérante») demande l’annulation de cet arrêt, dans lequel le Tribunal a validé la décision de la Commission du 12 février 2004 (ci-après la «décision attaquée») qui a, en substance, refusé de qualifier d’entreprise l’Organisation européenne pour la sécurité de la navigation aérienne (Eurocontrol) et a refusé de qualifier les agissements de celle-ci d’abus de position dominante au sens de l’article 82 CE, les jugeant légaux, et a, par voie de conséquence, rejeté le recours en annulation/réformation de cette décision.

II — Le cadre juridique

A — Les textes fondateurs d’Eurocontrol

3.

Eurocontrol, organisation internationale à vocation régionale dans le domaine du trafic aérien, a été créée par divers États membres ( 3 ) de la Communauté européenne et autres, au moyen de la convention internationale du 13 décembre 1960 de coopération pour la sécurité de la navigation aérienne (ci-après la «convention»), qui a été modifiée à plusieurs reprises et reformulée par le biais du protocole du 27 juin 1997. Cette création visait à renforcer la coopération des États contractants dans le domaine de la sécurité de la navigation aérienne et à développer les activités communes en matière d’harmonisation et d’unification en vue de la mise en place d’un système uniforme de gestion de la navigation aérienne, Air traffic management (ci-après «ATM»). Même si la convention n’est pas encore formellement entrée en vigueur, car elle n’a pas été ratifiée par tous les États contractants, ses dispositions sont appliquées à titre Provisoire depuis 1998, en vertu d’une décision de la Commission Permanente de décembre 1997. La République italienne a adhéré à Eurocontrol le 1er avril 1996. En 2002, la Communauté et ses États membres ont signé un protocole relatif à l’adhésion de la Communauté européenne à Eurocontrol — qui n’est pas encore entré en vigueur. La Communauté a décidé d’approuver ce protocole par la décision 2004/636/CE, du Conseil, du 29 avril 2004, concernant la conclusion par la Communauté européenne du protocole relatif à l’adhésion de la Communauté à l’Organisation européenne pour la sécurité de la navigation aérienne ( 4 ). Depuis 2003, certaines dispositions de ce protocole sont appliquées à titre provisoire en attendant la ratification de toutes les parties contractantes.

B — Le droit communautaire

4.

En vertu de l’article 82 CE, est incompatible avec le marché commun et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d’en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci.

5.

Par la directive 93/65/CEE du Conseil, du 19 juillet 1993, relative à la définition et à l’utilisation de spécifications techniques compatibles pour l’acquisition d’équipements et de systèmes pour la gestion du trafic aérien ( 5 ), modifiée par la directive 97/15/CE de la Commission, du 25 mars 1997 (ci-après la «directive 93/65») ( 6 ), le Conseil de l’Union européenne a prévu d’adopter des spécifications techniques dans le domaine de la gestion du trafic aérien, sur la base des spécifications techniques correspondantes fixées par Eurocontrol.

6.

Les articles 1er à 5 de la directive 93/65 sont ainsi rédigés:

«Article premier

La présente directive s’applique à la définition et à l’utilisation des spécifications techniques compatibles pour l’acquisition d’équipements et de systèmes pour la gestion du trafic aérien, et notamment:

des systèmes de communication,

des systèmes de surveillance,

des systèmes d’assistance automatisée au contrôle du trafic aérien,

des systèmes de navigation.

Article 2

Aux fins de la présente directive, on entend par:

a)

«spécification technique»: toute exigence technique contenue notamment dans les cahiers des charges définissant les caractéristiques requises d’un travail, d’un matériau, d’un produit ou d’une fourniture, et permettant de caractériser objectivement un travail, un matériau, un produit ou une fourniture de manière telle qu’ils répondent à l’usage auquel ils sont destinés par l’entité contractante. Ces prescriptions techniques peuvent porter sur la qualité, la performance, la sécurité ou les dimensions, ainsi que les prescriptions applicables au matériau, au produit ou à la fourniture en ce qui concerne l’assurance de la qualité, la terminologie, les symboles, les essais et méthodes d’essai, l’emballage, le marquage ou l’étiquetage;

b)

«norme»: toute spécification technique approuvée par un organisme de normalisation reconnu, pour application répétée ou continue, dont l’observation n’est, en principe, pas obligatoire;

c)

«norme Eurocontrol»: les éléments obligatoires des spécifications Eurocontrol relatives aux caractéristiques physiques, à la configuration, au matériel, aux performances, au personnel ou aux procédures, dont l’application uniforme est reconnue comme essentielle à la mise en œuvre d’un système intégré de service du trafic aérien (ATS) (les éléments obligatoires sont inclus dans les documents relatifs à la norme Eurocontrol).

Article 3

1.   Conformément à la procédure définie à l’article 6, la Commission identifie et adopte les normes Eurocontrol, ainsi que les modifications Eurocontrol à apporter ultérieurement à ces normes Eurocontrol, notamment dans les domaines visés à l’annexe I, dont le respect est imposé par la législation communautaire. La Commission publie au Journal officiel des Communautés européennes les références de toutes les spécifications techniques dont le respect est ainsi imposé.

2.   Afin que l’annexe I, qui comporte la liste des normes Eurocontrol à établir, soit aussi complète que possible, la Commission, suivant la procédure prévue à l’article 6 et en consultation avec Eurocontrol, peut, le cas échéant, modifier l’annexe I conformément aux modifications effectuées par Eurocontrol.

[…]

Article 4

En vue de compléter, si nécessaire, le travail de mise en œuvre des normes Eurocontrol, la Commission peut confier des mandats de normalisation aux organismes européens de normalisation conformément à la directive 83/189/CEE et en consultation avec Eurocontrol.

Article 5

1.   Sans préjudice des directives 77/62/CEE et 90/531/CEE, les États membres prennent les mesures nécessaires afin que, dans les documents généraux ou dans les cahiers de charge relatifs à chaque marché, les autorités adjudicatrices civiles définies à l’annexe II fassent référence aux spécifications adoptées conformément à la présente directive lors de l’acquisition d’équipements de navigation aérienne.

2.   Afin que l’annexe II soit aussi complète que possible, les États membres notifient à la Commission toute modification intervenue dans leurs listes. La Commission révise l’annexe II selon la procédure prévue à l’article 6.»

III — Les faits et la procédure

A — Les faits du cas d’espèce

7.

La requérante exerce son activité depuis 1961 dans le domaine de la gestion du trafic aérien. Le 28 octobre 1997, elle a déposé une plainte auprès de la Commission conformément à l’article 3, paragraphe 2, du règlement no 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81] et [82] du traité ( 7 ), attirant l’attention de la Commission sur des violations de règles du droit de la concurrence dont Eurocontrol se serait rendue coupable dans l’exercice de ses fonctions de normalisation, en ce qui concerne les équipements et systèmes de gestion du trafic aérien (ci-après la «plainte»).

8.

La requérante y invoquait un abus de position dominante par Eurocontrol. Elle faisait valoir en particulier que la concurrence aurait été faussée du fait de l’exploitation des droits de propriété intellectuelle résultant des contrats de développement et d’acquisition de prototypes conclus par Eurocontrol, et du fait des activités d’assistance proposées par Eurocontrol, sur demande, aux administrations nationales.

9.

Par courrier du 12 février 2004, la Commission a rejeté la plainte au motif que les activités faisant l’objet de cette plainte n’auraient pas une nature économique et que, par voie de conséquence, Eurocontrol ne pourrait pas être qualifiée d’entreprise au sens de l’article 82 CE. Elle a ajouté que, même si elles pouvaient être considérées comme des activités d’entreprise, ces activités n’étaient pas contraires à l’article 82 CE.

B — La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

10.

Par acte parvenu au greffe du Tribunal le 23 avril 2004, la requérante a introduit un recours contre la Commission et a demandé l’annulation ou la réformation de la décision attaquée, ainsi que la condamnation de la Commission aux dépens.

11.

Dans son mémoire en défense du 23 juillet 2004, la Commission a conclu au rejet du recours et à la condamnation de la requérante aux dépens.

12.

Par acte du 1er septembre 2004, parvenu au greffe du Tribunal le 2 septembre 2004, Eurocontrol a demandé à être autorisée à intervenir dans la procédure au soutien de la Commission. Par décision du 25 octobre 2004, le président de la deuxième chambre du Tribunal a admis Eurocontrol en tant que partie intervenante dans la procédure, en vertu de l’article 116, paragraphe 6, du règlement de procédure du Tribunal.

13.

Par acte du 25 février 2005, la requérante a demandé qu’il soit ordonné à la Commission, dans le cadre d’une mesure d’instruction, de verser aux débats devant le Tribunal une lettre du 3 novembre 1998 ainsi que tous les autres documents établis par ses services, les enquêtes techniques, les éventuels échanges de correspondance intervenus entre ses services et Eurocontrol, ainsi que tous les documents fournis par cette dernière, au cours de la procédure administrative. Par lettre du 11 mars 2005, parvenue à destination le 18 mars 2005, la Commission a produit le courrier du 3 novembre 1998. Elle a soutenu qu’elle ne disposait pas d’autres documents pertinents pour le dossier de la présente affaire.

14.

Par acte du 27 avril 2005, la requérante a présenté une demande visant à voir ordonner, dans le cadre de mesures d’instruction relatives à la preuve, l’audition de témoins et la production de documents par la Commission.

15.

Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours et condamné la requérante aux dépens.

C — La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

16.

La requérante a formé le présent pourvoi par acte du 23 février 2007, inscrit au registre du greffe de la Cour le 27 février 2007. Elle conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

annuler l’arrêt attaqué, et renvoyer l’affaire devant le Tribunal de première instance pour qu’il statue sur le fond, à la lumière des indications que la Cour aura fournies;

condamner la Commission aux dépens du pourvoi et de l’affaire T-155/04.

17.

La Commission et Eurocontrol, en qualité de partie intervenante, ont déposé leurs mémoires en réponse les 29 mai et 1er juin 2007. Elles concluent à ce qu’il plaise à la Cour:

rejeter le pourvoi comme totalement infondé et partiellement irrecevable, le cas échéant sur le fondement d’une modification partielle de la motivation de l’arrêt de première instance;

condamner la requérante aux dépens.

Dans sa réplique du 29 juillet 2007, la requérante a précisé ses conclusions:

déclarer que l’exception d’immunité soulevée par Eurocontrol est irrecevable;

rejeter la demande de substitution de motifs dans l’arrêt de première instance formulée par la Commission;

annuler l’arrêt attaqué et renvoyer l’affaire à la connaissance du Tribunal, afin qu’il statue sur le fond à la lumière des indications que la Cour voudra bien lui fournir.

18.

Dans leurs dupliques des 12 et 9 octobre 2007, la Commission et Eurocontrol ont maintenu leurs conclusions.

19.

À l’issue de la procédure écrite, une audience s’est tenue le 8 mai 2008, au cours de laquelle les parties ont été entendues en leurs explications.

IV — Examen du pourvoi

A — Remarques préliminaires

1. Eurocontrol peut-elle être qualifiée d’entreprise au sens de l’article 82 CE?

20.

La Cour est appelée pour la première fois, depuis l’arrêt SAT Fluggesellschaft ( 8 ), à se prononcer sur la question de savoir si Eurocontrol constitue une «entreprise» au sens de l’article 82 CE. En vertu de la jurisprudence constante ( 9 ) de la Cour, la notion d’entreprise comprend, dans le droit communautaire de la concurrence, toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement.

21.

Dans l’arrêt précité, la Cour a d’abord recherché si les différents domaines d’activité d’Eurocontrol étaient détachables de ses prérogatives de puissance publique, parmi lesquelles au premier chef le contrôle du trafic aérien ( 10 ), puis s’est demandée, dans un second temps, si ces activités avaient un caractère économique ( 11 ) La Cour a jugé, à cette occasion, qu’Eurocontrol assurait des missions d’intérêt général pour le compte des États contractants, en contribuant au maintien et à l’amélioration de la sécurité de la navigation aérienne ( 12 ). La Cour est donc parvenue à la conclusion que, prises dans leur ensemble, les activités d’Eurocontrol, par leur nature, par leur objet et par les règles auxquelles elles sont soumises, se rattachent à l’exercice de prérogatives, relatives au contrôle et à la police de l’espace aérien, qui sont typiquement des prérogatives de puissance publique. La Cour en a déduit que ces activités ne présentent pas un caractère économique justifiant l’application des règles de concurrence du traité CE ( 13 ).

22.

La qualification d’«entreprise» au sens de l’article 82 CE suppose cependant au préalable, et en bonne logique, qu’Eurocontrol puisse se voir tout simplement opposer les dispositions du droit communautaire. Eurocontrol le conteste, en sa qualité de partie intervenante au soutien de la Commission dans la présente affaire, puisqu’elle invoque expressément son immunité de droit international public, tirée de son statut d’organisation internationale. Dans ce contexte, on pourrait se demander dans quelle mesure le juge communautaire est tenu de prendre en compte d’office l’immunité d’une partie dans le cadre de l’examen de la recevabilité d’une procédure.

2. La structure du pourvoi: articulation des moyens

23.

Ces questions forment le cadre thématique de la présente affaire. La requérante fonde ses demandes sur une série d’irrégularités juridiques, tant procédurales que matérielles. Elle fait valoir au total seize moyens de recours contre l’arrêt attaqué; ses griefs de droit matériel pouvant se classer en trois catégories correspondant aux différents champs d’activité d’Eurocontrol: l’activité d’Eurocontrol d’assistance aux administrations nationales, son activité normative et, enfin, ses activités dans le domaine de la recherche et du développement.

24.

Pour plus de clarté, je traiterai ces moyens de recours successivement, et dans le cadre de leur contexte thématique respectif.

B — L’exception d’immunité soulevée par Eurocontrol en tant que partie intervenante

25.

Il convient cependant au préalable d’examiner l’irrecevabilité du recours devant les juridictions communautaires, soulevée par Eurocontrol en raison de son immunité. Eurocontrol estime en effet que la question de son immunité face au juge communautaire doit être examinée d’office. Eurocontrol réitère ainsi l’argumentation qu’elle avait présentée en première instance.

26.

Sa position est fondée en substance sur l’idée qu’elle est une organisation internationale qui compte aussi parmi ses membres des États autres que ceux de la Communauté européenne et dont l’ordre juridique se distingue également du droit de la Communauté européenne, de telle sorte que, en application du principe général par in parem non habet imperium, cette dernière ne serait pas compétente pour la soumettre à ses propres règles.

27.

Eurocontrol fait également valoir que la Communauté a signé un protocole d’adhésion à Eurocontrol, si bien que, en vertu du principe de bonne foi consacré à l’article 18 de la convention de Vienne sur le droit des traités, elle devrait s’abstenir de tout acte susceptible de priver ce protocole d’adhésion de son objet et de son but. La même solution découlerait du droit international coutumier qui la protège intégralement, tout au moins en ce qui concerne toutes les activités en cause dans la présente affaire.

28.

Je me dois de rappeler qu’Eurocontrol est intervenue à l’origine dans la présente affaire en qualité de partie intervenante et que son statut actuel dans la procédure devant la Cour est toujours le même. En vertu du principe inscrit à l’article 93, paragraphe 4, du règlement de procédure de la Cour, dans le cadre d’un pourvoi, la partie intervenante doit accepter le litige dans l’état où il se trouve lors de son intervention.

29.

Il est vrai que la partie intervenante se voit reconnaître en tant que telle un statut particulier puisque, une fois admise à intervenir, elle a la possibilité, conformément à l’article 93, paragraphe 5, du règlement de procédure, de présenter un mémoire en intervention contenant ses demandes, ses arguments, ses moyens de défense et, le cas échéant ses demandes en matière de preuve. Il n’en reste pas moins que son droit de présenter des conclusions dans la procédure est limité conformément à sa fonction, puisque ses conclusions doivent toujours tendre, en vertu de l’article 40, quatrième alinéa, du statut de la Cour de justice, à soutenir les conclusions de l’une des parties principales. La partie intervenante ne peut donc pas, dans le cadre de son intervention, présenter des conclusions ayant un contenu propre et indépendant des conclusions de la partie principale ou modifiant l’objet du litige. La partie intervenante n’est pas non plus autorisée à modifier le cadre du litige délimité par l’acte introductif d’instance en présentant de nouveaux moyens ( 14 ). Une partie intervenante n’est tout simplement pas autorisée à soulever une exception d’irrecevabilité que le défendeur n’a pas invoquée dans ses conclusions ( 15 ).

30.

Ainsi que le Tribunal l’a observé avec raison au point 42 de l’arrêt attaqué, l’exception d’immunité soulevée par Eurocontrol modifie sensiblement le cadre du litige. Une telle position ne vise pas à soutenir les conclusions de la Commission qui tendaient, dans la procédure de première instance, au rejet du recours en annulation dirigé contre la décision litigieuse et visent, dans le cadre de la procédure devant la Cour, au rejet du pourvoi. C’est même l’inverse qui se produit. Si, en effet, on considérait que la thèse d’Eurocontrol est admissible dans cette affaire, il faudrait, comme la requérante le fait observer, nécessairement en conclure que la décision de la Commission attaquée par la requérante a été adoptée en violation de la prétendue immunité d’Eurocontrol et qu’elle est par conséquent illégale.

31.

Il faut ensuite noter que la question de l’immunité n’a jamais été invoquée par la Commission en tant que moyen de défense ( 16 ). La Commission et la requérante sont d’accord sur ce point. Il ressort en effet de l’argumentation de la Commission que celle-ci, lorsqu’elle a adopté la décision litigieuse, en se fondant sur l’arrêt SAT Fluggesellschaft, les conclusions de l’avocat général Tesauro dans la même affaire, ainsi que sur l’arrêt Höfner et Elser ( 17 ), a admis qu’en principe, les règles de concurrence du droit communautaire s’appliquent à des organisations internationales, dans la mesure où celles-ci exercent une activité économique ( 18 ). Si la Commission a refusé d’appliquer l’article 82 CE à Eurocontrol, c’est seulement en raison de l’absence d’activité économique exercée par celle-ci, et non à cause de l’immunité invoquée.

32.

L’argument avancé par Eurocontrol, selon lequel l’immunité constituerait une question que le juge communautaire doit examiner d’office, ne change rien à cette appréciation. Comme Eurocontrol l’admet elle-même ( 19 ), rien dans la jurisprudence de la Cour ne permet de conclure en ce sens. En outre, les affirmations d’Eurocontrol sur la portée de son immunité sont étrangères à la présente procédure qui concerne exclusivement la question de l’accueil ou du rejet d’un pourvoi ( 20 ).

33.

Puisqu’Eurocontrol, en sa qualité de partie intervenante au soutien de la Commission, modifie l’objet du litige lorsqu’elle soulève l’incompétence de la Cour pour statuer dans cette affaire en raison de son immunité, et ne soutient ainsi pas les conclusions de la Commission, cet argument doit être considéré comme irrecevable et rejeté.

C — L’examen des moyens

1. Sur les moyens à caractère procédural

34.

La requérante reproche les vices de procédure suivants au Tribunal:

la violation de l’article 116, paragraphe 6, du règlement de procédure du Tribunal, pour avoir autorisé Eurocontrol à recevoir signification des actes de procédure et à déposer un mémoire par écrit;

la violation de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, pour dénaturation des faits sur lesquels est fondée la décision de déclarer irrecevables les moyens nouveaux introduits par la requérante;

la violation de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, pour absence de prise en compte du comportement de la Commission dans les circonstances sur lesquelles est fondée la décision de déclarer irrecevables les moyens nouveaux introduits par la requérante;

la violation de l’article 66, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, pour défaut d’adoption d’une ordonnance portant sur la demande de mesures d’instruction.

a) Sur la violation de l’article 116, paragraphe 6, du règlement de procédure du Tribunal consistant dans l’admission d’Eurocontrol en tant que partie intervenante

La requérante invoque d’abord une violation de l’article 116, paragraphe 6, du règlement de procédure du Tribunal, car Eurocontrol a été autorisée à recevoir signification des actes de procédure et à déposer un mémoire écrit dans cette affaire, alors que sa demande d’intervention n’est parvenue qu’à l’expiration du délai de six semaines prévu par l’article 115, paragraphe 1, du règlement de procédure. La requérante rappelle que les règles procédurales ont un caractère impératif et ajoute que le Tribunal ne peut pas se fonder sur l’article 64 de son règlement de procédure pour contourner les délais de forclusion en droit processuel.

35.

Il convient de répondre à cela que, eu égard aux objectifs des mesures de conduite de la procédure prévues à l’article 64, paragraphe 2, du règlement de procédure, le Tribunal doit nécessairement jouir d’un vaste pouvoir d’appréciation dans l’exercice des compétences que lui confère l’article 64, paragraphe 2. Pour que l’on puisse conclure à une violation des règles de procédure, il aurait fallu que la requérante démontre que le Tribunal a exercé ses pouvoirs exclusivement ou en tout cas principalement à d’autres fins ( 21 ).Or, la requérante n’a rien invoqué de tel.

36.

Indépendamment de cela, la requérante aurait dû démontrer en quoi une éventuelle violation du règlement de procédure du Tribunal, due à une admission tardive d’Eurocontrol en tant que partie intervenante, aurait affecté ses intérêts. En effet, en vertu de l’article 58 du statut de la Cour, un pourvoi ne peut être fondé que sur une erreur de droit qui affecte les intérêts de l’auteur du pourvoi. Or, une telle preuve n’a jamais été apportée par la requérante. On ne voit pas, en particulier, en quoi la participation d’Eurocontrol aurait pu changer quoi que ce soit à l’issue de la procédure, dès lors que le Tribunal n’a pas fait droit à la demande de celle-ci visant à voir reconnaître son immunité et a jugé une telle demande irrecevable.

37.

Il s’ensuit que ce moyen doit être rejeté.

b) Sur la violation de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal consistant dans la dénaturation des faits ayant servi de fondement au rejet des nouveaux moyens de la requérante pour irrecevabilité

38.

La requérante invoque également une violation de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, au motif que celui-ci a jugé irrecevables ses nouveaux moyens fondés sur la lettre du 3 novembre 1998, que la Commission a produite au cours de la procédure. Le Tribunal aurait dénaturé le contenu d’une lettre de la Commission adressée à la requérante.

39.

Il convient de constater que l’argument de la requérante porte manifestement sur un fait déjà examiné par le Tribunal dans le cadre de la procédure de première instance. Au vu des longues explications détaillées de la requérante à propos des échanges de courriers précisément intervenus entre elle et la Commission avant et pendant la procédure écrite de première instance, j’estime nécessaire de rappeler que le pourvoi devant la Cour se limite aux questions de droit, ainsi que l’énonce l’article 225, paragraphe 1, deuxième alinéa, CE. L’article 58 du statut de la Cour de justice précise que le pourvoi peut être fondé sur des moyens tirés de l’incompétence du Tribunal, d’irrégularités de procédure ou sur la violation du droit communautaire.

40.

Pour déterminer si une exception d’irrecevabilité peut être soulevée dans le cadre d’un pourvoi, il faut par conséquent considérer que le but de la procédure de pourvoi est le contrôle de l’application du droit par le Tribunal, et en aucun cas la répétition du procès de première instance. De plus, l’appréciation des faits est en principe réservée au Tribunal ( 22 ) et ne peut être contrôlée par la Cour que dans le cas où l’inexactitude matérielle des constatations de fait résulte des pièces du dossier ( 23 ). Si les preuves ont été correctement obtenues et si les principes généraux et dispositions relatives à la charge de la preuve ainsi que la procédure d’administration de la preuve ont été respectés, il appartient au seul Tribunal d’apprécier les éléments de preuve dont il dispose ( 24 ).

41.

On ne voit cependant pas en quoi consisterait l’erreur de droit dans ce cas précis. Comme le Tribunal l’a observé au point 36 de l’arrêt attaqué, la lettre du directeur d’Eurocontrol du 2 juillet 1999 ne contenait pas plus d’éléments que la lettre de la Commission du 12 novembre 1998. C’est pourquoi la requérante ne pouvait pas invoquer cette lettre du 2 juillet 1999 comme un élément de fait qui ne serait apparu qu’au cours de la procédure. C’est donc à bon droit que le Tribunal a jugé que ce moyen était tardif et l’a rejeté comme irrecevable.

42.

Ce moyen doit donc être lui aussi rejeté.

c) Sur la violation de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, pour absence de prise en compte du comportement de la Commission parmi les circonstances sur lesquelles est fondée la décision de déclarer irrecevables les moyens nouveaux introduits par la requérante

43.

La requérante fait valoir ici que le Tribunal aurait rejeté le moyen nouveau dont il vient d’être question sans tenir compte du comportement de la Commission au cours de la procédure administrative et juridictionnelle. La requérante soutient en effet que la présentation de ce moyen trouve son origine dans le refus de la Commission de produire les documents concernés, et principalement la lettre du 3 novembre 1998. Ces documents n’auraient été disponibles qu’à un stade déjà avancé de la procédure, de sorte que la requérante n’aurait été en mesure qu’à ce moment-là d’en prendre connaissance et de soulever une série de nouveaux moyens.

44.

Il convient de rétorquer à cela que la requérante n’a apparemment jamais, à aucun moment, dans le cadre de la procédure de première instance, invoqué la violation d’une éventuelle obligation de produire ces documents. Il faut donc considérer qu’il s’agit d’un moyen nouveau, qui doit être rejeté comme irrecevable, car l’article 48, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal prévoit que la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite, à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

45.

Cette condition procédurale n’étant pas remplie en l’espèce, ce moyen doit lui aussi être rejeté

d) Sur la violation de l’article 66, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, pour défaut d’adoption d’une ordonnance portant sur la demande de mesures d’instruction

46.

La requérante invoque également une violation de l’article 66, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal qui résulterait, selon elle, de la décision du Tribunal de rejeter la demande de mesures d’instruction, présentée dans sa requête et dans son mémoire du 27 avril 2005, et ce dans le cadre de l’arrêt et non par voie d’ordonnance. Selon la requérante, le rejet de demandes de mesures d’instruction par un arrêt mettant fin à l’instance a pour conséquence de priver les parties de la possibilité de s’appuyer sur des instruments que le droit procédural met à leur disposition, à savoir de la possibilité de conforter leurs demandes fondées sur de nouveaux arguments convaincants.

47.

Comme la Commission le fait observer avec raison, cet argument de la requérante est contradictoire dans la mesure où celle-ci admet expressément au point 56 de son pourvoi, en se référant à la jurisprudence des juridictions communautaires, que le Tribunal jouit d’un vaste pouvoir d’appréciation pour l’application de l’article 66, paragraphe 1, de son règlement de procédure. Il ressort en effet de l’ordonnance de la Cour Entorn/Commission ( 25 ), citée par la requérante elle-même, que ni une décision sous la forme d’une ordonnance ni une audition des parties ne sont nécessaires dans le cas où le Tribunal ne juge pas utile la demande d’administration de la preuve sollicitée par une partie.

48.

Tel était le cas dans la procédure de première instance, comme le montrent les points 132 et 133 de l’arrêt attaqué. Le Tribunal y a indiqué que les demandes de mesures d’instruction présentées étaient rejetées parce que le Tribunal avait pu utilement se prononcer sur la base des conclusions et des argumentations développées au cours de la procédure tant écrite qu’orale et au vu des documents produits. En d’autres termes, le Tribunal n’a pas jugé utile la demande de mesure d’instruction présentée par la requérante.

49.

Par ailleurs, il convient d’observer que la requérante critique non pas l’exactitude matérielle, mais uniquement la forme sous laquelle la décision attaquée a été adoptée. On ne voit donc pas en quoi la requérante aurait pu être lésée dans ses droits.

50.

C’est pourquoi ce moyen doit être lui aussi rejeté.

2. Sur les moyens touchant au fond

a) Sur l’activité d’Eurocontrol d’assistance aux administrations nationales

51.

S’agissant des erreurs de droit afférentes à l’applicabilité de l’article 82 CE à l’activité d’assistance aux administrations nationales exercée par Eurocontrol, la requérante invoque:

la dénaturation du contenu de la décision litigieuse;

le caractère contradictoire de la motivation, la décision litigieuse n’ayant pas été annulée bien que le premier moyen de recours ait été accueilli;

le caractère contradictoire de la motivation, le Tribunal ayant substitué sa propre motivation à celle de la Commission indiquée dans la décision litigieuse;

la violation de la jurisprudence communautaire bien établie en matière de limites au contrôle juridictionnel;

l’erreur manifeste d’appréciation quant à la violation de l’article 82 CE.

52.

La Commission critique, pour sa part, la motivation de l’arrêt attaqué et demande donc que de nouveaux motifs soient substitués à cette motivation.

i) Sur la demande de la Commission visant à obtenir une substitution de motifs

53.

Si la demande de substitution de motifs de la Commission s’avérait fondée, on ne pourrait pas exclure la possibilité que cela ait une influence sur l’appréciation des autres moyens. Pour des raisons de logique, il convient donc d’examiner d’abord la demande de la Commission, avant de se pencher sur les moyens soulevés par la requérante.

— Le sens de la demande de la Commission

54.

Il faut d’abord noter que la demande de substitution de motifs concerne les motifs principaux de l’arrêt. Se pose donc la question de savoir si cette demande doit être considérée d’un point de vue procédural comme un pourvoi incident de la Commission. La qualification d’un argument de moyen incident présuppose, en vertu de l’article 117, paragraphe 2, du règlement de procédure, qu’il s’agit par là d’obtenir l’annulation totale ou partielle de l’arrêt attaqué d’un point de vue qui n’est pas invoqué dans le pourvoi. Pour établir si tel est le cas en l’espèce, il faut examiner le libellé, l’objectif et le contexte du passage en cause du mémoire en réponse de la Commission ( 26 ).

55.

Il faut souligner à cet égard que la Commission n’utilise nulle part dans son mémoire le terme de «pourvoi incident». Selon elle, il est clair que son initiative équivaut seulement à attirer l’attention sur une donnée relative à une question susceptible d’être examinée d’office ( 27 ). Dans ces conditions, il faut donc partir du principe que cette «demande» de la Commission ne doit pas se comprendre comme un pourvoi incident et n’appelle pas de décision distincte de la Cour.

56.

Il s’ensuit, à mon avis, qu’il n’est pas nécessaire de statuer sur la recevabilité d’une telle «demande» de la Commission doit se comprendre elle aussi comme une simple invitation adressée à la Cour à modifier les motifs de l’arrêt dans le sens préconisé. ( 28 )

— Examen de la suggestion de la Commission

Les positions respectives des parties

57.

La Commission estime que c’est à tort que le Tribunal a qualifié Eurocontrol d’entreprise au sens de l’article 82 CE sur le fondement de son activité d’assistance aux administrations nationales. Elle soutient que cette activité d’Eurocontrol ne serait pas dissociable des missions de service public qui sont assignées à celle-ci. De même, cette activité ne pourrait pas être considérée comme économique, si on l’examine attentivement. Le Tribunal se serait fondé sur un point de vue incompatible avec l’arrêt SAT Fluggesellschaft, puisqu’il a considéré, au point 86 de l’arrêt attaqué, qu’il ne s’agit nullement d’une activité «qui serait essentielle ou même indispensable à la garantie de la sécurité de la navigation aérienne». En outre, le Tribunal n’aurait pas tenu compte du fait que cette activité présente un lien direct avec les prérogatives de puissance publique qui sont le propre des administrations et fait partie des objectifs d’Eurocontrol. Qui plus est, la constatation selon laquelle cette activité d’assistance constituerait une offre de services sur le marché des conseils, marché sur lequel pourraient tout aussi bien agir des entreprises privées spécialisées en la matière, méconnaît le lien qui existe entre cette activité et les missions d’intérêt général ainsi que la nature particulière des conseils donnés par Eurocontrol.

58.

Eurocontrol critique elle aussi les affirmations du Tribunal relatives à la nature de cette activité et aboutit à la même conclusion que la Commission. Elle fait valoir que son activité d’assistance aux administrations nationales a exclusivement une nature non économique, même si elle revêt un caractère facultatif.

59.

La requérante conteste l’argumentation de la Commission, faisant valoir, en substance, que le Tribunal a statué conformément au principe de l’arrêt SAT Fluggesellschaft.

Appréciation

60.

Comme la requérante l’a bien indiqué dans son mémoire en réplique, le Tribunal s’est inspiré de l’arrêt SAT Fluggesellschaft pour déterminer si Eurocontrol constitue une entreprise au sens de l’article 82 CE. Il s’est tout d’abord demandé si l’activité en question, l’assistance aux administrations nationales dans le cas d’espèce, en particulier à l’occasion de procédures d’appel d’offres en vue de l’acquisition de prototypes de nouveaux systèmes et sous-systèmes dans le domaine de la gestion du trafic aérien, est ou non détachable des missions de gestion de l’espace aérien et de préservation de la sécurité de la navigation aérienne assignées à Eurocontrol.

61.

On rencontre en effet cette approche au point 28 de l’arrêt précité, dans lequel le Tribunal a jugé que l’activité litigieuse d’Eurocontrol consistant en la perception des redevances de route n’est pas détachable des autres activités de l’organisation. Par ailleurs, il résulte de la jurisprudence des juridictions communautaires que les dispositions du traité en matière de concurrence sont applicables à l’activité d’un organisme de droit public qui sont détachables de celles qu’il exerce en tant qu’autorité publique, si bien que les diverses activités d’un établissement public doivent être examinées séparément ( 29 ). L’approche retenue par le Tribunal n’est donc pas juridiquement critiquable.

62.

À mon avis, on peut néanmoins avoir des doutes quant à l’exactitude des conclusions que le Tribunal a formulées aux points 86 à 92 de l’arrêt attaqué, dans la mesure où les arguments que celui-ci avance plaident plutôt, dans leur ensemble, en défaveur de la reconnaissance de la qualité d’activité économique aux activités d’assistance exercées par Eurocontrol. Il faut approuver Eurocontrol lorsqu’elle affirme que le motif du point 87 de l’arrêt attaqué contient la seule argumentation qui puisse réellement fonder la conclusion du Tribunal. Le Tribunal y énonce, en ce qui concerne les activités d’Eurocontrol liées à l’assistance aux administrations nationales prenant la forme de conseils, qu’il s’agit «d’une offre de services sur le marché des conseils, marché sur lequel pourraient tout aussi bien agir des entreprises privées spécialisées en la matière». On ne voit cependant pas sur quoi le Tribunal se fonde pour affirmer cela, dès lors qu’aucune preuve n’a été apportée en faveur de cette thèse.

63.

Le Tribunal relativise en outre sa conclusion, dans la mesure où il admet lui-même au point 89 de l’arrêt attaqué que «les services en cause ne sont pas actuellement offerts par des entreprises privées». Ainsi qu’Eurocontrol le fait remarquer avec raison, compte tenu de la nature très spécifique et du niveau technique élevé des conseils que cette organisation fournit aux administrations nationales, il ne devrait pas être possible d’apprécier sur la simple base de connaissances générales si des entreprises privées sont en mesure, elles aussi, de fournir de tels services.

64.

En outre, le Tribunal n’a pas suffisamment tenu compte du fait qu’Eurocontrol est une organisation internationale financée par des contributions de ses États membres ( 30 ) et que cette organisation exerce son activité d’assistance dans un but d’intérêt général. Le Tribunal a, d’une part, invoqué l’arrêt Höfner et Elser ( 31 ) pour juger, au vu de l’exemple des services de placement de l’office fédéral pour l’emploi allemand, que le financement au moyen de contributions n’était pas déterminant pour exclure le caractère économique d’une activité. Il a, d’autre part, établi un parallèle avec les organismes gérant les régimes légaux de sécurité sociale ( 32 ) pour montrer qu’il ne s’agit pas non plus d’une activité à caractère social. Néanmoins, le Tribunal a négligé d’apprécier les indices précités sous l’angle global ( 33 ). Le type d’analyse utilisé par le Tribunal correspond donc à une procédure d’exclusion, qui ne permet pas de répondre affirmativement à la question de savoir si l’activité litigieuse doit être considérée comme économique.

65.

L’affirmation du Tribunal qui figure au point 86 de l’arrêt attaqué, selon laquelle l’activité d’assistance aux administrations nationales n’aurait qu’un rapport indirect avec la sécurité de la navigation aérienne, ne peut pas être approuvée. Le Tribunal a motivé cette affirmation en indiquant que l’assistance fournie par Eurocontrol s’étendait uniquement aux spécifications techniques lors de la mise en œuvre de procédures d’appels d’offres pour des équipements ATM et ne se répercutait donc sur la sécurité de la navigation aérienne que par le biais desdites procédures d’appel d’offres.

66.

On peut néanmoins y objecter que, conformément à l’article 1er, paragraphe 1, sous h), de la convention, les parties conviennent «de favoriser l’acquisition commune de systèmes et d’installations de la circulation aérienne». En outre, l’article 2, paragraphe 2, sous a), précise expressément que «l’Organisation peut, à la demande d’une ou de plusieurs parties contractantes, et sur la base d’un ou de plusieurs accords particuliers conclus entre l’Organisation et les parties contractantes intéressées, assister lesdites parties contractantes dans la planification, la spécification et la création de systèmes et de services de la circulation aérienne». Il s’ensuit que, comme la Commission l’a souligné à juste titre, l’assistance qu’Eurocontrol apporte aux administrations nationales dans le cadre des procédures d’appels d’offres fait pleinement partie des missions de cette organisation et représente une contribution importante à la réalisation des objectifs d’intégration, d’harmonisation et de convergence des systèmes nationaux de préservation de la sécurité de la navigation aérienne ( 34 ).

67.

Il me semble que, contrairement à ce qu’a estimé le Tribunal, le fait qu’Eurocontrol n’offre son activité qu’à la demande des administrations nationales n’est pas décisif, dès lors que l’on peut imaginer, d’une part, que certaines administrations sont davantage en mesure que d’autres de préparer des procédures d’appel d’offres correspondant aux spécifications techniques d’Eurocontrol, sans avoir besoin de son aide. D’autre part, le Tribunal oublie que le caractère optionnel d’une activité donnée n’est pas déterminant, puisque Eurocontrol exerce également des prérogatives relevant typiquement de la puissance publique, telles que l’activité de contrôle opérationnel du trafic aérien, sur demande des États membres, ainsi que le Tribunal l’a justement observé dans l’arrêt SAT Fluggesellschaftt ( 35 ).

68.

Au total, il apparaît que les motifs exposés aux points 86 à 93 de l’arrêt attaqué révèlent une violation du droit communautaire. Le fait que l’arrêt attaqué repose sur une motivation erronée en droit ne justifie cependant pas l’annulation de celui-ci, car son dispositif apparaît fondé pour d’autres motifs de droit ( 36 ). Le Tribunal a en effet finalement rejeté le premier moyen de recours, même s’il a qualifié l’activité d’assistance d’Eurocontrol d’activité économique et a reconnu, de ce fait, la qualité d’entreprise à Eurocontrol. À titre de motivation, le Tribunal a indiqué, au point 94 de l’arrêt attaqué, que la reconnaissance de la qualité d’entreprise à Eurocontrol ne pouvait pas entraîner l’annulation de la décision attaquée, car celle-ci repose également sur le constat de la Commission que, même à considérer les activités d’Eurocontrol comme des activités économiques, celles-ci ne seraient pas contraires à l’article 82 CE.

69.

Il faut donc recommander à la Cour de modifier en conséquence la motivation de l’arrêt.

ii) Sur la dénaturation du contenu de la décision litigieuse

70.

La requérante invoque une dénaturation du contenu de la décision litigieuse, intervenue aux points 15 et 48 de l’arrêt attaqué. Le Tribunal y aurait affirmé que la Commission a fondé sa décision sur le double constat qu’Eurocontrol n’est pas une entreprise et que les agissements en cause ne sont pas contraires, en tout état de cause, à l’article 82 CE. Or, la requérante estime que la Commission n’a pas recherché si les activités d’Eurocontrol étaient ou non contraires à l’article 82 CE, mais s’est contentée de déterminer si les activités litigieuses pouvaient être qualifiées d’activités économiques.

71.

Il convient de rétorquer qu’il résulte clairement des points 28 et 29 de la décision attaquée que la Commission a constaté, d’une part, que les activités litigieuses d’Eurocontrol n’avaient pas une nature économique et, d’autre part, que, «en tout état de cause, même à considérer ces activités comme des activités d’entreprise, elles ne sont pas contraires à l’article 82 CE» ( 37 ). On voit donc que la Commission a bien pris position sur la question de savoir si les activités d’Eurocontrol étaient contraires à l’article 82 CE.

72.

Il s’ensuit que le Tribunal n’a pas dénaturé le contenu de la décision litigieuse. Ce moyen doit donc être rejeté.

iii) Sur la contrariété de motifs car l’arrêt n’a pas annulé la décision litigieuse, alors qu’il a accueilli le premier moyen

73.

La requérante fait valoir que l’arrêt frappé de pourvoi s’est manifestement contredit, au vu de la dénaturation du contenu de la décision attaquée, car il n’a pas annulé ladite décision, tout en accueillant le premier moyen.

74.

Ainsi que la requérante l’explique dans son pourvoi, cet argument est la «conséquence logique de la dénaturation des faits» par le Tribunal ( 38 ). Autrement dit, le présent moyen repose sur l’idée que le Tribunal a dénaturé les faits en partant du principe, aux points 15 et 48 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’a pas retenu qu’une activité d’Eurocontrol — y compris celle d’assistance aux administrations nationales — serait contraire à l’article 82 CE.

75.

Or, comme nous l’avons vu ( 39 ), le Tribunal s’est contenté, dans la motivation de l’arrêt, de reproduire le contenu de la décision attaquée, si bien qu’il ne peut pas être question de dénaturation.

76.

C’est pourquoi ce moyen doit lui aussi être rejeté.

iv) Sur la contrariété de motifs, car le Tribunal a remplacé la motivation retenue par la Commission dans la décision attaquée par sa propre motivation

77.

La requérante estime que les motifs de l’arrêt sont également contradictoires parce que le Tribunal a, d’une part, déclaré irrecevable, et rejeté comme telle, sa demande de modification de la décision attaquée parce qu’il n’appartient pas au juge communautaire d’adresser, dans le cadre du contrôle de la légalité qu’il exerce, des injonctions aux institutions ou de se substituer à ces dernières, mais s’est substitué, d’autre part, à la Commission lors de l’examen du deuxième moyen de recours, pour effectuer des appréciations économiques complexes au point 108 de l’arrêt attaqué, au sujet d’une éventuelle conduite abusive d’Eurocontrol, alors que ces appréciations font défaut dans la décision attaquée.

78.

Comme la Commission le fait observer avec justesse, la requérante s’abstient de citer, dans son argumentation, le point 104 de l’arrêt attaqué, d’où il ressort que le Tribunal s’est avant tout fondé, dans son appréciation juridique, sur les énonciations de la Commission qui figurent dans la décision attaquée («[e]n premier lieu, il convient de relever, comme la Commission le fait à juste titre»). Or, la Commission était parvenue, dans ses énonciations, à la conclusion que les activités d’Eurocontrol déployées dans le cadre de l’assistance aux administrations nationales n’étaient pas contraires à l’article 82 CE.

79.

Aux points 106 à 108, le Tribunal a seulement indiqué que la requérante aurait dû fournir des éléments probants quant à l’existence d’une dominance et de son exploitation abusive, dans le contexte des faits évoqués au point 104 qui ont conduit la Commission à conclure qu’il n’y avait pas abus de position dominante. Le Tribunal n’a donc pas exposé sa motivation propre.

80.

En conséquence, même si les appréciations figurant aux points 105 à 108 de l’arrêt attaqué ne se retrouvent pas dans la décision attaquée, cela ne justifierait pas une annulation de l’arrêt attaqué, car le Tribunal a fait figurer ces affirmations à titre surabondant («[e]n second lieu, il convient de rappeler que»), par rapport aux considérations qui se retrouvent incontestablement dans la décision attaquée. Au demeurant, le Tribunal ne fait que reprendre, dans sa remarque finale, au point 109 de l’arrêt, la conclusion de l’appréciation qu’il avait formée au point 104 («[l]a requérante est donc restée en défaut de démontrer une erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission quant à l’existence d’une violation de l’article 82 CE par Eurocontrol»). Cela montre bien que les considérations du point 108, objet des critiques, ne relèvent pas des motifs principaux de l’arrêt. Or, selon sa jurisprudence constante, la Cour écarte purement et simplement les moyens surabondants, dirigés contre des motifs d’un arrêt du Tribunal n’ayant pas un caractère principal, car ces moyens ne peuvent pas entraîner l’annulation de l’arrêt ( 40 ).

81.

Ce moyen doit donc lui aussi être rejeté.

v) Sur la violation de la jurisprudence constante des juridictions communautaires relative aux limites du contrôle juridictionnel

82.

La requérante invoque également une violation de la jurisprudence des juridictions communautaires relative aux limites du contrôle juridictionnel. Elle se réfère essentiellement à l’arrêt Haladjian Frères/Commission ( 41 ) dans lequel le Tribunal a jugé que «le contrôle juridictionnel des actes de la Commission impliquant des appréciations économiques complexes, comme cela est le cas en matière d’allégations d’infractions aux articles 81 CE et 82 CE, se limite à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation ainsi qu’à celle de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir».

83.

Elle justifie ce moyen de recours par l’idée que le Tribunal se serait non pas contenté, au point 109 de l’arrêt attaqué, de vérifier si la Commission a commis une erreur d’appréciation, mais se serait au contraire substitué à celle-ci pour procéder à un examen complexe des agissements d’Eurocontrol.

84.

Il faut observer que la requérante ne fait que reprendre, avec ce moyen, les critiques qu’elle avait fait valoir à l’encontre des déclarations du Tribunal figurant au point 108 de l’arrêt attaqué, et n’avance aucun nouvel argument. Indépendamment du fait que l’on ne voit pas en quoi le Tribunal aurait outrepassé les limites du contrôle juridictionnel, dès lors qu’il s’est borné à constater que la requérante aurait dû fournir des éléments probants quant à l’existence d’une position dominante et d’un abus d’une telle position, afin de démentir l’appréciation de la Commission ( 42 ), il faut rappeler à cet égard que le grief de la requérante n’est pas dirigé contre les motifs principaux de cet arrêt.

85.

Aussi ce moyen doit-il être également rejeté.

vi) Sur l’erreur d’appréciation concernant une violation de l’article 82 CE

86.

Par ce moyen, la requérante reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur d’appréciation en confirmant la validité de la décision et en excluant que les agissements d’Eurocontrol critiqués par la requérante puissent être abusifs.

87.

La requérante fait valoir, en substance, que l’absence de possibilité d’influence d’Eurocontrol sur les décisions des administrations nationales et la nature facultative de l’activité d’assistance — critères sur lesquels le Tribunal s’est fondé au point 104 de l’arrêt attaqué — ne sont pas pertinentes pour conclure à l’absence d’agissements abusifs de la part d’Eurocontrol. D’une part, l’article 82 CE ne supposerait pas systématiquement un comportement abusif et, d’autre part, l’absence de pouvoir de décision serait compensée par l’influence pratique que cette organisation exerce à travers ses prestations de services.

88.

Au vu des explications détaillées de la requérante, il convient à nouveau de rappeler que le but de la procédure de pourvoi est le contrôle de l’application du droit par le Tribunal et en aucun cas la répétition du procès de première instance en deuxième instance. Les affirmations de la requérante ne peuvent donc pas faire l’objet d’une nouvelle appréciation et ne sont donc passibles du contrôle de la Cour que dans la mesure où il s’agit du contrôle de leur qualification juridique et des conséquences que le Tribunal en a tirées ( 43 ).

89.

Dans ce contexte, il convient d’observer que la requérante se fonde en partie sur des prétentions irrecevables, car ses affirmations visent à exposer à nouveau les faits et non pas seulement à obtenir un nouvel examen juridique des motifs retenus par le Tribunal, ce qui ne relève pas de la compétence de la Cour en tant qu’instance de cassation. Cela vaut pour la constatation du Tribunal formulée au point 104 de l’arrêt attaqué selon laquelle la requérante reste en défaut de démontrer, dans un cas concret, qu’Eurocontrol avait réellement influencé la décision d’adjuger un marché à un soumissionnaire, et ce par des considérations autres que celles relevant de la recherche de la meilleure solution technique au prix le plus avantageux.

90.

Comme la Commission l’observe avec raison, on ne voit pas en quoi cette appréciation serait erronée. La requérante est incapable d’avancer des arguments qui étayeraient sa thèse. Il faut approuver au contraire la Commission lorsqu’elle affirme que la seule fourniture d’un conseil peut difficilement être qualifiée d’abus de position dominante car, en définitive, c’est à l’administration nationale qu’il appartient de décider si elle donne suite au conseil. Comme le Tribunal l’a justement indiqué au point 104 de l’arrêt attaqué, l’intervention d’Eurocontrol, en tant que conseil, n’est ni obligatoire ni même systématique. Elle n’est, au contraire, appelée à agir que sur demande expresse, conformément à l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la convention. Un éventuel comportement abusif devra en dernière analyse être imputé à l’administration nationale et non à Eurocontrol.

91.

Contrairement à ce que soutient la requérante ( 44 ), il n’y a pas de contradiction entre les considérations du point 104 et l’affirmation suivante qui figure au point 108 de l’arrêt attaqué:

«En effet, Eurocontrol n’exerçant aucune activité sur le marché des fournitures d’équipements ATM et n’y détenant aucun intérêt de nature financière ou économique, il semble même qu’aucun rapport de concurrence ne puisse exister entre elle et la requérante ou toute autre entreprise active dans le secteur.»

92.

L’affirmation faite au point 108 selon laquelle Eurocontrol a la possibilité d’exercer une influence sur les décisions de choix des soumissionnaires des administrations nationales n’est pas incompatible avec l’idée affirmée au point 104 selon laquelle la requérante n’a pas démontré dans un cas concret, qu’Eurocontrol avait réellement influencé la décision d’adjuger un marché à un soumissionnaire. C’est pourquoi il faut rejeter ce moyen.

93.

Enfin, la requérante invoque une dénaturation des preuves en ce qui concerne le courrier de la Commission du 3 novembre 1998. Elle se réfère aux considérations que le Tribunal a exposées aux points 110 à 112 de l’arrêt attaqué.

94.

Il faut d’abord relever que le Tribunal n’était pas tenu d’examiner les arguments de la requérante fondés sur ce courrier, dès lors qu’ils ont été soulevés dans le cadre de moyens nouveaux, écartés comme irrecevables par le Tribunal ( 45 ).

95.

Par ailleurs, le Tribunal a suffisamment examiné les arguments de la requérante. Il a indiqué à juste titre, au point 112 de l’arrêt attaqué, que le fait que la Commission ait formulé un certain nombre de remarques critiques par rapport à certaines activités d’Eurocontrol ne signifiait en aucun cas que la Commission était elle-même persuadée de l’illégalité du comportement d’Eurocontrol au regard des règles de concurrence. Il ne saurait donc être question dans ces conditions de dénaturation de preuves.

96.

Ce moyen doit donc être rejeté.

b) Sur l’activité normative d’Eurocontrol

97.

En ce qui concerne les erreurs de droit liées à l’applicabilité de l’article 82 CE à l’activité normative d’Eurocontrol, la requérante invoque:

une dénaturation du contenu de la décision attaquée;

l’adoption d’une notion d’activité économique contraire à la notion forgée par la jurisprudence des juridictions communautaires;

une fausse interprétation et application de la jurisprudence des juridictions communautaires en matière de mesures d’aide sociale;

une violation de l’obligation de motivation.

98.

La Commission critique la motivation de l’arrêt attaqué et demande par conséquent une substitution de motifs.

i) Sur la demande de substitution de motifs présentée par la Commission

99.

Conformément à ce qui a déjà été dit ( 46 ), cette «demande» de la Commission doit se comprendre elle aussi comme une simple invitation adressée à la Cour à modifier les motifs de l’arrêt dans le sens préconisé.

— Les prétentions des parties

100.

La Commission demande à la Cour de procéder à une substitution de motifs en ce qui concerne la distinction effectuée par le Tribunal, aux points 59 et 60 de l’arrêt attaqué, entre les activités de préparation ou d’élaboration des normes et des spécifications techniques, tâche accomplie par Eurocontrol en tant qu’organe exécutif, d’une part, et leur adoption par le conseil d’Eurocontrol, d’autre part. La Commission estime que cette distinction est artificielle. Comme pour les activités d’assistance aux administrations nationales, le Tribunal aurait utilisé des critères erronés et non compatibles avec l’arrêt SAT Fluggesellschaft, pour conclure que l’activité précitée pourrait être séparée des autres missions de puissance publique. La Commission reproche également au Tribunal d’avoir mal apprécié la nature de cette activité.

101.

Eurocontrol critique lui aussi la distinction effectuée par le Tribunal dans l’arrêt attaqué.

102.

La requérante est au contraire d’avis que le Tribunal s’en est tenu sur ce point aux principes de l’arrêt SAT Fluggesellschaft.

— Appréciation

103.

Le Tribunal a justifié cette distinction aux points 59 et 60 de l’arrêt attaqué en indiquant que l’activité de normalisation du conseil d’Eurocontrol relève du domaine législatif. En effet, le conseil d’Eurocontrol est composé des directeurs de l’administration de l’aviation civile de chaque État membre de l’organisation, mandatés par leurs États respectifs pour adopter des spécifications techniques qui auront force contraignante dans tous ces États. Cette activité relèverait directement de l’exercice, par ces derniers, de leurs prérogatives de puissance publique. Le rôle d’Eurocontrol s’apparenterait ainsi à celui d’un ministère qui, au niveau national, prépare les mesures législatives ou réglementaires qui seront ensuite adoptées par le gouvernement. Il s’agirait donc d’une activité relevant de la mission publique d’Eurocontrol.

104.

Cela ne vaudrait cependant pas pour la préparation ou l’élaboration des normes techniques par Eurocontrol. Les arguments invoqués par la Commission pour démontrer que l’activité de normalisation d’Eurocontrol se rattache à la mission de service public de cette organisation ( 47 ) ne se référeraient, en fait, qu’à l’adoption de ces normes et non à leur élaboration. La nécessité d’une adoption de normes au plan international n’impliquerait pas nécessairement que l’entité qui élabore ces normes doive aussi être celle qui, ensuite, les adopte. Le Tribunal en déduit que cette activité pourrait être séparée des missions de gestion de l’espace aérien et de développement de la sécurité aérienne.

105.

Cette argumentation révèle, à mon avis, une qualification des faits qui doit être considérée comme juridiquement erronée.

106.

Il résulte en effet clairement de l’article 2, paragraphe 1, sous f), de la convention qu’il entre dans les attributions d’Eurocontrol d’«élaborer, adopter et tenir à l’étude des normes, des spécifications et des pratiques communes pour les systèmes et services de gestion de la circulation aérienne». Force est de constater que la convention, contrairement à ce qu’a estimé le Tribunal, ne distingue pas entre la préparation ou l’élaboration des normes et leur adoption. La limitation retenue par le Tribunal ne trouve donc aucun fondement dans le libellé de cette disposition.

107.

L’interprétation défendue par le Tribunal n’est pas non plus conforme à la finalité de cette disposition, dès lors que la préparation et l’élaboration de normes et de spécifications techniques constituent des instruments d’appui importants d’Eurocontrol pour atteindre le but fixé à l’article 1er, paragraphe 1, de la convention, à savoir «réaliser l’harmonisation et l’intégration nécessaires à la mise en place d’un système européen uniforme de gestion de la circulation aérienne» ( 48 ).

108.

En outre, on ne sait pas sur quelle base factuelle le Tribunal se fonde pour affirmer que la mission que les États membres ont confiée à Eurocontrol en matière de préparation et d’élaboration de normes et de spécifications techniques pourrait aussi être remplie par une autre entité ou entreprise. Le Tribunal aurait dû rechercher de façon positive si tel est effectivement le cas. Au lieu de cela, il s’est borné à relever, au point 60 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’a pas «établi que, en l’occurrence, ces deux activités doivent nécessairement être exercées par une seule et même entité, plutôt que par deux entités différentes».

109.

En outre, le Tribunal relativise ses propres conclusions en déniant, au point 61, tout caractère économique à cette activité, et ce au motif qu’il ne serait pas démontré qu’il existe «un marché pour des services de normalisation technique dans le secteur des équipements ATM». Ce faisant, le Tribunal admet lui-même que la raison de l’inexistence d’un marché de la normalisation technique dans ce secteur est que les seuls demandeurs de ces services ne peuvent être que les États en leur qualité d’autorité de contrôle du trafic aérien. Or, ceux-ci auraient décidé d’élaborer ces normes eux-mêmes, dans le cadre d’une coopération internationale, par l’intermédiaire d’Eurocontrol. Dans le domaine de la normalisation, Eurocontrol ne représenterait qu’un forum de concertation, créé par les États membres pour coordonner les standards techniques de leurs systèmes ATM.

110.

À mon avis, les déclarations partiellement contradictoires du Tribunal montrent clairement que, au moins dans le présent cas, la préparation et l’élaboration des normes et des spécifications techniques doit être considérée comme l’expression de l’exécution d’une «mission de service public» ( 49 ) et ne peuvent pas être détachées de l’activité réglementaire d’Eurocontrol en tant qu’exercice d’une prérogative de puissance publique ( 50 ). Les normes élaborées par l’agence Eurocontrol sont reprises par le conseil d’Eurocontrol et déclarées obligatoires pour les États membres. En tant que sujet sui generis du droit international public, Eurocontrol exerce donc cette compétence sur mandat de ses États membres, sur la base des pouvoirs qui lui ont été délégués ( 51 ). Lorsqu’une activité de puissance publique est déléguée par ses États membre à une organisation internationale, la poursuite de cette activité de puissance publique s’inscrit dans un cadre de droit international public. Ainsi, la comparaison effectuée avec les organisations normatives privées ne tient-elle pas. Si les États membres avaient voulu associer des organisations normatives privées à l’élaboration des normes et des spécifications techniques dans le cadre de la sécurité de la navigation aérienne, il leur aurait fallu prévoir à cet effet une dérogation, dans le cadre de la convention.

111.

Comme le Tribunal le note à bon droit dans sa conclusion, l’activité normative d’Eurocontrol ne peut pas être considérée comme une activité économique.

112.

Il convient donc de conseiller à la Cour de modifier en conséquence la motivation de l’arrêt.

ii) Sur la dénaturation du contenu de la décision attaquée

113.

Par ce moyen, la requérante invoque ( 52 ) à nouveau une dénaturation du contenu de la décision litigieuse, se manifestant aux points 15 et 48 de l’arrêt attaqué. Elle fait valoir que la Commission n’aurait pas examiné l’existence d’un abus de position dominante. Ce serait le Tribunal qui l’aurait fait à la place de la Commission, dénaturant ainsi la décision de celle-ci.

114.

Comme nous l’avons vu ( 53 ), la Commission a bel et bien nié l’existence d’un abus de position dominante. Ce moyen doit donc être rejeté.

iii) La définition de l’activité économique prise pour base serait contraire à la définition élaborée par la jurisprudence des juridictions communautaires

115.

La requérante estime que la conclusion du Tribunal selon laquelle elle n’aurait pas démontré l’existence d’un marché des services de normalisation technique serait inopérante pour apprécier si l’activité en cause est de nature économique, ou à tout le moins inexacte. Contrairement a ce qu’a retenu le Tribunal, Eurocontrol fournirait une prestation qui lui est tout à fait propre, consistant en l’élaboration de normes techniques. Le fait que l’activité en cause ne consiste pas à offrir des biens ou services sur un marché donné serait en tout état de cause dépourvu d’importance au regard de la jurisprudence et de la pratique de la Commission. Ce qui importerait, c’est de savoir si l’activité peut être considérée comme une activité économique.

116.

Comme nous l’avons vu ( 54 ), la notion d’entreprise au sens de l’article 82 CE est une notion autonome du droit communautaire. Il faut entendre par entreprise toute entité exerçant une activité économique, indépendamment de sa forme juridique et de son mode de financement. La caractéristique de l’activité économique est d’avoir pour but l’échange de services et de biens sur le marché ( 55 ).

117.

Comme la Commission l’indique avec raison, une activité économique suppose nécessairement l’existence d’un «marché» au sens d’une offre et d’une demande portant sur les biens ou services en cause ( 56 ). C’est à cela, et non à l’éventuel «marché en cause», comme le pense apparemment la requérante, que le Tribunal s’est référé aux points 61 et 62 de l’arrêt attaqué.

118.

C’est à bon droit que le Tribunal a constaté que l’existence d’un marché des services de normalisation technique dans le secteur des équipements ATM n’avait pas été démontrée. Le Tribunal a vérifié à cette occasion l’existence d’une offre et d’une demande dans ce secteur, et a conclu à leur inexistence, faute d’éléments probants concrets. Le Tribunal a donc pu à bon droit considérer que l’activité normative d’Eurocontrol n’avait pas une nature économique.

119.

Il s’ensuit que ce moyen doit lui aussi être rejeté.

iv) Sur la fausse interprétation et application de la jurisprudence des juridictions communautaires en matière de prestations à caractère social

120.

La requérante reproche au Tribunal d’avoir rejeté à tort son argumentation concernant la possibilité de transposer au présent cas les principes de l’arrêt FENIN/Commission.

121.

Pour commencer, il convient de relever, ainsi que la Commission l’observe avec raison ( 57 ), que ce moyen est dirigé en soi contre les déclarations du Tribunal relatives au caractère non économique de l’acquisition de prototypes par Eurocontrol et non contre l’activité normative de cette organisation, qui est ici en cause. Dans cette mesure, les arguments de la requérante sont dépourvus de portée.

122.

En outre, le moyen est d’emblée irrecevable. La requérante prend pour prétexte les propos du Tribunal dans l’arrêt FENIN/Commission, qui sont intervenus dans un autre contexte, pour soulever des griefs qu’elle n’avait pas soulevés en première instance. Dans la procédure en première instance, la requérante n’avait, en effet, pas prétendu que l’on n’avait pas recherché si la prestation était fournie au titre de la solidarité.

123.

Et, même si la Cour parvenait à la conclusion que le moyen est recevable, il faudrait tenir compte des considérations suivantes, du point de vue de son bien-fondé.

124.

Il ressort du pourvoi que la requérante comprend cette jurisprudence comme signifiant, apparemment, que les principes qui lui sont sous-jacents ne peuvent être transposés qu’à des cas dans lesquels une entité accomplit des missions à caractère exclusivement social ( 58 ).

125.

À cet égard, il convient d’indiquer, dans un but de clarification, que les affirmations du Tribunal figurant aux points 65 à 69 de l’arrêt attaqué auxquels la requérante se réfère, avaient pour objet la question de savoir si l’activité normative d’Eurocontrol doit être qualifiée d’économique ou non.

126.

Comme le Tribunal l’a expliqué au point 61, en se référant à la jurisprudence précitée des juridictions communautaires ( 59 ), il faut entendre par activité économique toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné. Le Tribunal a en outre souligné à bon droit que la notion communautaire d’activité économique est liée à l’offre et non à l’acquisition de biens et de services. Par conséquent, le Tribunal a également évoqué l’arrêt FENIN/Commission ( 60 ) en constatant expressément que le fait qu’une entité achète un produit — y compris en grandes quantités — pour en faire usage dans le cadre d’une autre activité de nature purement social, ne suffit pas à lui conférer la qualité d’entreprise. L’intervention de cette entité en qualité d’acquéreur sur un marché ne peut à elle seule faire qualifier l’activité d’économique, car la caractéristique essentielle de l’offre de biens et de services fait défaut.

127.

La requérante ne critique pas la justesse de cette jurisprudence. Cependant, sa lecture de l’arrêt FENIN/Commission repose sur une interprétation trop étroite et donc erronée. Comme nous l’avons déjà montré, le Tribunal a voulu avant tout préciser dans cet arrêt que seule une activité dirigée vers l’offre de biens et de services peut être considérée comme économique ( 61 ).

128.

Le Tribunal a donc rejeté à bon droit les prétentions de la requérante.

129.

Ce moyen doit dès lors être lui aussi rejeté.

v) Sur la violation de l’obligation de motivation

130.

Le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation ne me paraît pas suffisamment étayé, dès lors que le Tribunal énonce, aux points 59 et suivants — et surtout au point 61 — de l’arrêt attaqué, les motifs pour lesquels il a conclu que l’activité d’élaboration de normes ne pouvait pas, à son avis, être considérée comme une activité économique.

131.

Ce moyen doit donc être rejeté.

c) Sur l’activité de recherche et de développement d’Eurocontrol

132.

La requérante invoque, au soutien de l’erreur de droit concernant l’applicabilité de l’article 82 CE à l’activité de recherche et de développement d’Eurocontrol (en particulier d’acquisition de prototypes et de gestion des droits de propriété intellectuelle), les griefs suivants:

dénaturation de la décision attaquée;

recours à une définition de l’activité économique contraire à la notion élaborée par la jurisprudence;

dénaturation des moyens de preuve produits par la requérante quant au caractère économique de la gestion des droits de propriété intellectuelle par Eurocontrol;

i) Sur la dénaturation de la décision litigieuse

133.

La requérante reproche au Tribunal d’avoir dénaturé des faits du litige, en prêtant à la décision de la Commission une signification qu’elle n’aurait pas.

134.

Il s’agit, concrètement, de la constatation selon laquelle l’activité d’acquisition de prototypes et de gestion des droits de propriété intellectuelle n’aurait pas un caractère économique. La requérante affirme que la Commission n’a pas contesté, dans la décision attaquée, le caractère économique de cette activité, mais s’est bornée à exclure un éventuel abus de position dominante.

135.

Or, ainsi que le Tribunal l’a admis au point 74 de l’arrêt attaqué, il suffit d’une simple lecture de la décision attaquée pour constater que cette affirmation est dépourvue de tout fondement. En effet, la Commission explique sans aucune ambiguïté au point 28 de sa décision que les activités litigieuses n’ont pas à son avis une nature économique, déclaration qu’elle confirme aux points 29 et 30 de la même décision.

136.

Ainsi ce moyen doit-il être rejeté.

ii) Sur le recours à une définition de l’activité économique contraire à celle élaborée par la jurisprudence des juridictions communautaires

137.

Par ce moyen, la requérante critique les conclusions du Tribunal relatives au caractère non économique de l’activité d’Eurocontrol dans le domaine de l’acquisition de prototypes et de gestion des droits de propriété intellectuelle.

138.

Elle met en cause les affirmations du Tribunal figurant au point 76 de l’arrêt attaqué, indiquant qu’il importe peu que le développement des prototypes soit effectué non pas par Eurocontrol elle-même, mais par des entreprises du secteur concerné, car l’activité en question dans le litige est celle d’acquisition de ces prototypes.

139.

La thèse de la requérante repose manifestement sur une mauvaise compréhension de l’arrêt attaqué. Le Tribunal n’a en effet pas exclu le caractère économique de l’acquisition de prototypes au motif que le développement de ceux-ci est le fait de tiers, mais principalement, comme le montre très clairement le point 75 de l’arrêt, parce que l’acquisition de prototypes n’implique pas une offre de biens ou de services sur un marché donné. Ainsi, un élément essentiel fait-il défaut pour la qualification d’activité économique.

140.

Comme Eurocontrol l’indique de façon convaincante, les prototypes ne sont pas utilisés comme input pour fabriquer un autre produit commercial, et les prototypes développés ne sont pas mis par elle sur le marché. Ses efforts dans le cadre de l’acquisition de prototypes visent plutôt à mettre en place un système harmonisé européen de gestion de la navigation aérienne ( 62 ). À mon avis, cela confirme l’appréciation du Tribunal selon laquelle l’activité d’Eurocontrol ne peut pas être considérée comme économique.

141.

La requérante fait en outre valoir que le Tribunal accorde de l’importance au critère de l’absence de but lucratif alors que ce critère n’est pas reconnu comme déterminant dans la jurisprudence des juridictions communautaires. Elle estime non pertinent le fait qu’Eurocontrol ne poursuive pas un tel but et que les licences soient octroyées à titre gratuit dans le cadre du développement, parce que le critère de l’absence de but lucratif serait en tout état de cause inopérant.

142.

Il faut objecter à cela que la jurisprudence des juridictions communautaires accorde une véritable importance au critère de l’absence de but lucratif ( 63 ) mais aussi à l’éventuel but lucratif d’entreprises pour conférer à une activité la qualification d’activité économique. Même si l’absence de but lucratif d’une entité n’est à pas à soi seul déterminante, elle constitue au moins un indice qui peut être confirmé par d’autres éléments ( 64 ). Il convient dans cette mesure de rejeter cet argument de la requérante.

143.

Elle considère en outre que les affirmations suivantes du Tribunal, contenues au point 77 de l’arrêt, sont juridiquement erronées:

«Dans ce contexte, il y a lieu de relever que, dans le cadre de la gestion des droits de propriété intellectuelle mis en place par Eurocontrol, sont gratuitement mis à la disposition des entreprises intéressées les droits de propriété intellectuelle qu’elle détient sur les résultats des activités de recherche et de développement susvisées. Certes, dans le cadre de l’examen du caractère économique d’une activité, le critère de l’absence de rémunération ne constitue qu’un indice parmi d’autres et ne saurait, en soi, exclure son caractère économique. Néanmoins, en l’espèce, le fait que les licences pour les droits de propriété acquis par Eurocontrol dans le cadre du développement des prototypes sont octroyées à titre gratuit s’ajoute au fait qu’il s’agit là d’une activité accessoire à la promotion du développement technique, s’inscrivant dans le cadre de l’objectif d’intérêt général de la mission d’Eurocontrol et n’étant pas poursuivie dans un intérêt propre de l’organisation qui serait dissociable dudit objectif, ce qui exclut le caractère économique d’une activité.»

144.

Au soutien de son grief, la requérante fait valoir que ces considérations reposent sur l’idée qu’une activité exercée dans le domaine du développement technique ne pourrait pas avoir une nature économique. Cela irait cependant à l’encontre de la jurisprudence des juridictions communautaires, qui auraient récemment reconnu le caractère économique des missions de développement technique.

145.

Il faut concéder à la requérante que le développement de nouvelles technologies peut, selon la jurisprudence des juridictions communautaires ( 65 ), dans certaines conditions, constituer effectivement aussi une activité économique. Cependant elle oublie, d’une part, ce à quoi la Commission se réfère à juste titre, à savoir que le Tribunal a parlé non pas d’«activité de développement technique», mais d’«activité accessoire à la promotion du développement technique». D’autre part, il convient de répliquer que cela ne vaut pas en général, mais peut tout au plus constituer un indice parmi d’autres, si bien qu’il faut toujours vérifier, dans chaque cas, si la promotion du développement technique par une entité, compte tenu des autres aspects tels que l’absence de but lucratif ou du caractère d’activité accessoire, peut raisonnablement conduire à conclure qu’il s’agit d’une activité économique. C’est ce que le Tribunal a fait, d’une manière qui ne se prête à aucune critique juridique.

146.

Ce moyen doit donc être rejeté.

iii) Sur la dénaturation des moyens de preuve produits par la requérante à propos du caractère économique de la gestion des droits de propriété intellectuelle par Eurocontrol

147.

Par ce moyen, la requérante invoque une dénaturation des éléments de preuve qu’elle a fournis à l’audience devant le Tribunal, à propos des rétributions qu’Eurocontrol perçoit. La requérante soutient qu’elle a voulu souligner non pas le caractère onéreux, mais la multiplicité des activités d’Eurocontrol ainsi que la contradiction existant entre la gestion des droits de propriété intellectuelle par Eurocontrol, d’un côté, et le contenu du document interne d’Eurocontrol portant le titre «ARTAS Intellectual Property Rights and Industrial Policy», de l’autre.

148.

La Commission conteste que ce document ait été contenu dans la requête ou dans le mémoire en défense. Elle estime que, même si la requérante s’en était prévalue à l’audience devant le Tribunal, cet argument serait en tout état de cause tardif et donc irrecevable.

149.

Il convient de constater à cet égard que l’argument de la requérante vise manifestement à remettre en cause a posteriori les constatations de fait que le Tribunal a opérées au point 79 de l’arrêt attaqué, sans qu’elle ait démontré de façon suffisamment probante en quoi il y aurait eu dénaturation de preuves. Force est au contraire de constater que le Tribunal a bien apprécié les éléments de preuve qui lui ont été soumis. Le Tribunal a examiné la gestion des droits de propriété intellectuelle par Eurocontrol dans le cadre du système ARTAS, et a justement constaté que les redevances pour les licences d’exploitation de ce système se montaient à un écu, ce qui équivaut à une opération à titre gratuit.

150.

Il convient donc de rejeter également ce moyen.

V — Conclusion de l’analyse

151.

Il s’avère au total que le pourvoi n’est pas fondé. Il doit donc être rejeté dans son intégralité.

152.

Je suggère de modifier la motivation de l’arrêt au vu des considérations qui précèdent ( 66 ).

VI — Sur les dépens

153.

Conformément à l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, qui s’applique par analogie à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 du même règlement, la partie qui succombe supporte les dépens, s’il est conclu en ce sens. Puisque la requérante succombe en son pourvoi, elle devra être condamnée aux dépens, selon la demande de la Commission.

154.

Conformément à l’article 69, paragraphe 3, du règlement de procédure, qui s’applique lui aussi par analogie à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 du même règlement, la Cour peut décider qu’une partie intervenante autre que celles qui sont mentionnées aux points 1 et 2, peut conserver ses propres dépens à sa charge. En application de cette disposition, Eurocontrol supportera les dépens qu’elle a exposés en tant que partie intervenante.

VII — Conclusion

155.

Au vu des considérations qui précèdent, je suggère à la Cour de:

rejeter intégralement le pourvoi;

condamner la partie intervenante à conserver la charge de ses propres dépens, et

condamner la requérante aux autres dépens.


( 1 ) Langue originale: l’allemand.

( 2 ) Arrêt du Tribunal du 12 décembre 2006 (T-155/04, Rec. p. II-4797, ci-après l’«arrêt attaqué»).

( 3 ) À l’origine, la Belgique, la France, l’Allemagne, le Luxembourg, les Pays-Bas et le Royaume-Uni. À l’heure actuelle, font partie des membres d’Eurocontrol les États suivants (par ordre alphabétique correspondant à leur dénomination en anglais): Albanie, Arménie, Autriche, Belgique, Bosnie Herzégovine, Bulgarie, Croatie, Chypre, République tchèque, Danemark, Finlande, France, Allemagne, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Moldavie, Monaco, Monténégro, Pays-Bas, Norvège, Pologne, Portugal, Roumanie, Serbie, Slovaquie, Slovénie, Espagne, Suède, Suisse, ancienne république yougoslave de Macédoine, Turquie, Ukraine, et Royaume-Uni.

( 4 ) JO L 304, p. 209.

( 5 ) JO L 187, p. 52.

( 6 ) JO L 95, p. 16.

( 7 ) JO 1962, 13, p. 204.

( 8 ) Arrêt du 19 janvier 1994 (C-364/92, Rec. p. I-43).

( 9 ) Arrêts du 23 avril 1991, Höfner et Elser (C-41/90, Rec. p. I-1979, point 21); du 12 septembre 2000, Pavlov e.a. (C-180/98 à C-184/98, Rec. p. I-6451, point 74); du 16 mars 2004, AOK-Bundesverband e.a. (C-264/01, C-306/01, C-354/01 et C-355/01, Rec. p. I-2493, point 46); du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a. (C-189/02 P, C-202/02 P, C-205/02 P à C-208/02 P et C-213/02 P, Rec. p. I-5425, point 112); du 10 janvier 2006, Cassa di Risparmio di Firenze e.a. (C-222/04, Rec. p. I-289, point 107); du 23 mars 2006, Enirisorse (C-237/04, Rec. p. I-2843, point 28); du 11 juillet 2006, FENIN/Commission (C-205/03 P, Rec. p. I-6295, point 25), et du 11 décembre 2007, ETI e.a. (C-280/06, Rec. p. I-10925, point 38).

( 10 ) En vertu de l’article 1er de la convention de Chicago de 1944 (UN treaty series tome 15, no 105), les parties contractantes reconnaissent que «chaque État a la souveraineté complète et exclusive sur l’espace aérien au-dessus de son territoire». Cette convention part en effet du principe que la sécurité du trafic aérien est de la responsabilité de chaque État membre individuellement (A. Majid, Legal status of international institutions: SITA, INMARSAT and Eurocontrol examined, Aldershot 1996, p. 91). Cela n’exclut cependant pas que les États transfèrent cette compétence à une organisation internationale. Eurocontrol a été créée pour surveiller l’espace aérien en Europe. Ce résultat n’a cependant pas vu le jour de façon effective. En réalité, jusqu’à la conclusion du protocole modificatif du 12 février 1981, Eurocontrol n’a supervisé la sécurité de la navigation dans l’espace aérien qu’à partir de ses centres de Karlsruhe et de Maastricht. La convention modificative a élargi les missions d’Eurocontrol à de nombreux autres domaines, mais seul le centre régional de Maastricht supervise désormais le trafic dans l’espace aérien de l’Allemagne du Nord, de la Belgique, des Pays-Bas et du Luxembourg (I. Seidl-Hohenveldern, «Eurocontrol und EWG-Wettbewerb», Völkerrecht zwischen normativem Anspruch une politischer Realität, Berlin 1994, p. 252).

( 11 ) L. Idot, «Retour sur la notion d’entreprise», Europe, février 2007, no 68, p. 25, qualifie l’examen individuel d’une multitude d’activités d’application du «principe de dissociation».

( 12 ) Arrêt SAT Fluggesellschaft, précité note 8, point 27.

( 13 ) Ibidem, point 30.

( 14 ) Voir arrêts de la Cour du 23 février 1961, De Gezamenlijke Steenkolenmijnen in Limburg/Haute Autorité (30/59, Rec. p. 1, 37); du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission (C-313/90, Rec. p. I-1125, point 22); et du 8 juillet 1999, Chemie Linz/Commission (C-245/92 P, Rec. p. I-4643, point 32); ainsi que les arrêts du Tribunal du 8 juin 1995, Siemens/Commission (T-459/93, Rec. p. II-1675, point 21); du 25 juin 1998, British Airways e.a./Commission (T-371/94 et T-394/94, Rec. p. II-2405, point 75); du 1er décembre 1999, Boehringer/Conseil et Commission (T-125/96 et T-152/96, Rec. p. II-3427, point 183); du 28 février 2002, Atlantic Container Line e.a./Commission (T-395/94, Rec. p. II-875, point 382); et du 3 avril 2003, BaByliss/Commission (T-114/02, Rec. p. II-1279, point 417). H.-W. Rengeling/A. Middeke/M. Gellermann, Handbuch des Rechtsschutzes in der Europäischen Union, Munich 2003, § 22, point 40, p. 205.

( 15 ) Arrêts du 19 mars 2002, Commission/Irlande (C-13/00, Rec. p. I-2943, points 3 à 6); CIRFS e.a./Commission (précité note 14, points 21 et 22); et du 15 juin 1993, Matra/Commission (C-225/91, Rec. p. I-3203, points 11 et 12).

( 16 ) Voir arrêt SAT Fluggesellschaft (précité note 8, point 41).

( 17 ) La Commission se réfère à l’arrêt Höfner et Elser (précité note 9, point 24). La Cour y a jugé qu’un office public pour l’emploi qui est chargé, en vertu du droit d’un État membre, de gérer des services d’intérêt économique général, tels que prévus à l’article 3 de la loi allemande sur la promotion de l’emploi (Arbeitsförderungsgesetz), est soumis aux règles de concurrence en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du traité, tant que l’application de cette disposition ne fait pas échec à la mission particulière qui lui a été impartie.

( 18 ) Voir point 3 du mémoire en duplique de la Commission.

( 19 ) Voir point 56 du mémoire en réponse d’Eurocontrol.

( 20 ) Cette constatation est d’ailleurs conforme aux conclusions de la Cour dans l’arrêt SAT Fluggesellschaft (précité note 8, points 10 et 11), arrêt dans lequel la Cour a répondu à l’exception d’incompétence (liée à l’immunité), soulevée par Eurocontrol, que la question qui était posée dans le cadre de l’article 234 CE portait sur l’interprétation des règles du droit communautaire en matière de concurrence et non sur l’interprétation de la convention instituant Eurocontrol. C’est pourquoi la question de savoir si les dispositions du droit communautaire peuvent être opposées à Eurocontrol se rattache au fond et reste sans incidence sur la compétence de la Cour. L’immunité des organisations internationales s’explique avant tout de manière fonctionnelle: l’immunité sert à garantir l’indépendance dont elles ont besoin pour pouvoir accomplir leur mission et atteindre leurs objectifs (voir M. Weckstern, Handbuch des internationalen Zivilverfahrensrechts, die Immunität internationaler Organisationen, tome II/1, Tübingen 1994, point 44, p. 13). La présente procédure n’est donc pas dirigée contre Eurocontrol elle-même. La Cour est seulement appelée à se prononcer, ici, sur le bien-fondé ou sur le rejet du pourvoi formé contre un arrêt du Tribunal, devant lequel seule l’interprétation des règles de concurrence du droit communautaire est en jeu, comme dans l’affaire précitée. Dans ces conditions, cela n’affecte pas Eurocontrol en tant qu’organisation internationale dans l’exercice de sa mission.

( 21 ) Selon la jurisprudence de la Cour, il y a détournement de pouvoir dans le cas où une institution exerce ses compétences dans le but exclusif ou, tout au moins, déterminant d’atteindre des fins autres que celles excipées ou d’éluder une procédure spécialement prévue par le traité pour parer aux circonstances de l’espèce [arrêts du 25 janvier 2007, Dalmine/Commission (C-407/04 P, Rec. p. I-829, point 99); du 10 mars 2005, Espagne/Conseil (C-342/03, Rec. p. I-1975, point 64), et du 14 mai 1998, Windpark Groothusen/Commission (C-48/96 P, Rec. p. I-2873, point 52)].

( 22 ) Arrêts du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission (C-204/00 P, C-205/00 P, C-211/00 P, C-213/00 P, C-217/00 P et C-219/00 P, Rec. p. I-123, point 48), et du 2 octobre 2003, Thyssen Stahl/Commission (C-194/99 P, Rec. p. I-10821, point 33). K. Lenaerts/D. Arts/I. Maselis., Procedural Law of the European Union, 2e édition, Londres 2006, p. 453, points 16-003, affirment que la Cour n’est pas compétente pour les constatations de fait. Le fait que le pourvoi soit limité aux questions de droit signifie que la Cour a une compétence exclusive à cet effet. Il s’ensuit que l’auteur d’un pourvoi n’est pas autorisé à remettre en question les constatations de fait du Tribunal ni à se prévaloir de faits qui n’ont pas été constatés par le Tribunal.

( 23 ) Arrêt Aalborg Portland e.a. (précité note 22, point 48). Voir également mes conclusions du 13 mars 2008, dans l’affaire actuellement pendante devant la Cour CAS/Commission (C-204/07 P, point 84).

( 24 ) Voir les conclusions de l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer du 11 février 2003 dans l’affaire Aalborg Portland e.a. (arrêt précité note 22, point 38); arrêts du 21 juin 2001, Moccia Irme e.a./Commission (C-280/99 P à C-282/99 P, Rec. p. I-4717, point 78), et du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission (C-185/95 P, Rec. p. I-8417, point 24).

( 25 ) Ordonnance de la Cour du 12 janvier 2006 (C-162/05 P, points 54 et 55).

( 26 ) Voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Kokott du 13 décembre 2007, dans l’affaire actuellement pendante devant la Cour Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala (C-413/06 P, point 283).

( 27 ) Voir conclusions de l’avocat général Mengozzi du 8 avril 2008, dans l’affaire actuellement pendante devant la Cour Campoli/Commission (C-71/07 P, point 41).

( 28 ) Voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Kokott du 13 décembre 2007, dans l’affaire actuellement pendante devant la Cour Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala (C-413/06 P, point 283).

( 29 ) Voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 11 juillet 1985, Commission/Allemagne (107/84, Rec. p. 2655, points 14 et 15), et du Tribunal du 12 décembre 2000, Aéroports de Paris/Commission (T-128/98, Rec. p. II-3929, point 108).

( 30 ) Eurocontrol est principalement financée par des contributions des États membres. Les contributions résultent du budget de l’agence, élaboré par son comité de gestion et approuvé par la Commission, qui fixe une clé de répartition pour les États membres. Celui-ci est calculé en fonction du produit national brut (PNB) des États membres tel que défini par les statistiques de l’OCDE. Les comptes budgétaires annuels sont arrêtés par le comité de gestion et approuvés par la Commission (voir W. Schwenk/E. Giemulla, Handbuch des Luftverkehrsrechts, 3e édition, Cologne/Berlin/Munich 2005, p. 96).

( 31 ) Arrêt Höfner et Elser (précité note 9, point 22).

( 32 ) Arrêts du 16 novembre 1995, Fédération française des sociétés d’assurance e.a. (C-244/94, Rec. p. I-4013, point 22), et du 21 septembre 1999, Albany (C-67/96, Rec. p. I-5751, points 84 à 87).

( 33 ) Selon Mestmäcker/Schweitzer, Wettbewerbsrecht (Ulrich Immeng et Ersnt-Joachim Mestmäcker), 4e édition, Munich 2007, article 86, point 18, le caractère de service public d’une activité dépend d’une appréciation globale. C’est ainsi que le Tribunal a examiné, dans l’arrêt SAT Fluggesellschaft (précité note 8, point 30) la nature, l’objet et les règles applicables à l’activité en cause.

( 34 ) W. Prompl, Luftverkehr — eine ökonomische und politische Einführung, 5e édition, Berlin/Heidelberg, 2007, p. 23, illustre de façon très convaincante l’étendue du besoin d’harmonisation du système de sécurité de la navigation aérienne en Europe. Ainsi, le «European Traffic Control Harmonisation and Integration Program» (EATCHIP) doit harmoniser la multiplicité des divers systèmes de sécurité de la navigation aérienne (49 sites de sécurité aérienne utilisent 31 systèmes informatiques différents avec 22 systèmes de commande différents et 30 langues de programmation) et les rendre compatibles entre eux.

( 35 ) Arrêt SAT Fluggesellschaft (précité note 8, point 24).

( 36 ) Ainsi la Cour a-t-elle jugé dans les arrêts du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni (C-49/92 P, Rec. p. I-4125, point 120); et du 9 juin 1992, Lestelle/Commission (C-30/91 P, Rec. p. I-3755, point 28) que si les motifs d’un arrêt du Tribunal révèlent une violation du droit communautaire, mais que son dispositif apparaît fondé pour d’autres motifs de droit, le pourvoi doit être rejeté.

( 37 ) Voir point 51 du mémoire en réponse de la Commission.

( 38 ) Voir point 73 du pourvoi.

( 39 ) Voir point 71 des présentes conclusions.

( 40 ) On citera parmi une jurisprudence devenue abondante les arrêts de la Cour du 18 mars 1993, Parlement/Frederiksen (C-35/92 P, Rec. p. I-991, point 31); du 16 septembre 1997, Blackspur DIYe.a./Conseil et Commission (C-362/95 P, Rec. p. I-4775, points 18 à 23); et du 25 janvier 2007, Sumitomo Metal Industries/Commission (C-403/04 P et C-405/04 P, Rec. p. I-729, point 106), ainsi que l’ordonnance de la Cour du 13 septembre 2001, Comité du personnel de la BCE e.a./BCE (C-467/00 P, Rec. p. I-6041, points 34 à 36).

( 41 ) Arrêt du 27 septembre 2006 (T-204/03, Rec. p. II-3779, point 30).

( 42 ) Voir point 79 des présentes conclusions.

( 43 ) Si le Tribunal a constaté ou apprécié les faits, la Cour est compétente, conformément à l’article 225 CE, pour contrôler la qualification juridique de ces faits et les conséquences que le Tribunal en a tirées (voir en ce sens K. Lenaerts/D. Arts/I. Maselis, précité note 22, p. 457, point 16-007). Ainsi que la Cour l’a jugé à plusieurs reprises, cette qualification constitue en effet une question de droit, qui, en tant que telle, peut être soumise au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi. Voir arrêts du 3 mars 2005, Biegi Nahrungsmittel et Commonfood/Commission (C-499/03 P, Rec. p. I-1751, point 41); du 19 octobre 1995, Rendo e.a./Commission (C-19/93 P, Rec. p. I-3319, point 26); et du 29 avril 2004, Parlement/Ripa di Meana e.a. (C-470/00 P, Rec. p. I-4167, point 41).

( 44 ) Voir points 92 et 93 du pourvoi.

( 45 ) Arrêt attaqué, points 33 à 40.

( 46 ) Voir points 54 à 56 des présentes conclusions.

( 47 ) La version allemande parle de «Aufgabe dieser Organisation als öffentliche Anstalt» tandis que la version italienne parle de «missione di servizio pubblico di tale organisazione». De même, la version française parle de «mission de service public de cette organisation» et la version anglaise de «that organisation’s public service mission».

( 48 ) L’ancien secrétaire général de l’Organisation de l’aviation civile internationale (1976-1988), et ancien directeur général d’Eurocontrol (1994-2000), Yves Lambert indique dans son rapport «Eurocontrol et l’OACI», Annals of air and space law/Annales de droit aérien et spatial, tome 19 (1994), p. 360, que la préparation et l’élaboration de normes et des spécifications techniques doivent être considérées comme un outil important pour atteindre les objectifs d’harmonisation et d’intégration poursuivis par l’agence.

( 49 ) La notion de «mission de service public» est une notion large, qui reflète en général l’importance d’une activité pour la société, mais se rencontre aussi séparément en tant que notion juridique. Lorsque l’on dit d’une activité qu’elle correspond à un service public, on ne dit pas simultanément qu’il s’agit d’une mission de l’État. Ainsi que B. Raschauer l’a affirmé avec raison dans Allgemeines Verwaltungsrecht, Vienne/New York 1998, p. 358, point 722, des missions de service public peuvent également être assumées par des personnes privées (par exemple l’activité des associations d’aide à la réinsertion sociale ou d’aide contre le SIDA, qui incombent à l’État).

( 50 ) Relève de la puissance publique tout domaine dans lequel s’exprime ce qui est spécifique à l’État, l’exercice de l’autorité, le pouvoir de prescription et de commandement unilatéral: l’État investi de l’«imperium» caractéristique [voir B. Raschauer, précité (note 49), p. 357, point 720]. Un exemple de puissance publique ou d’«imperium» est le pouvoir législatif exercé par les organes de l’État. La puissance publique n’est toutefois pas exclusivement réservée aux États en tant que sujets premiers du droit international public, mais peut aussi être confiée à des organisations internationales et être exercée par celles-ci (voir U. Schliesky, Souveränität und Legitimität von Herrschaftsgewalt, Tübingen 2004, p. 336, qui cite la Communauté européenne comme exemple d’institution juridique supranationale remplaçant la législation nationale).

( 51 ) Sur la scène internationale, cela fait longtemps que les États ne sont plus les seuls à agir. Depuis le début du 20e siècle, un nombre toujours croissant d’organisations internationales s’est substitué à eux. La raison de l’essor des organisations internationales est que les échanges internationaux sans forme institutionnalisée de coopération sont de moins en moins concevables. Les organisations internationales sont donc les éléments clefs de cette institutionnalisation, parce qu’elles peuvent être créées par des membres qui les investissent à presque toutes les fins et peuvent se voir dotées de compétences en rapport avec leurs fonctions. En présence de structures internes consolidées et d’autonomie décisionnelle, l’exécution de missions continues peut largement être assurée (voir à ce sujet, E. Klein «Die Internationalen und Supranationalen Organisationen als Völkerrechtssubjekte», Völkerrecht (publié par Wolfgang Graf Vitzthum), Berlin/New York 1997, p. 273, point 1).

( 52 ) Voir points 104 et 105 du pourvoi.

( 53 ) Voir points 71 et 72 des présentes conclusions.

( 54 ) Voir point 20 des présentes conclusions.

( 55 ) Arrêts de la Cour du 16 juin 1987, Commission/Italie (118/85, Rec. p. 2599, point 7); du 18 mars 1997, Diego Cali & Figli (C-343/95, Rec. p. I-1547, point 16); Pavlov e.a. (précité note 9, point 75); Cassa di Risparmio di Firenze e.a. (précité note 9, point 108), Enirisorse (précité note 9, point 29) et arrêt du Tribunal Aéroports de Paris/Commission (précité note 29, point 107).

( 56 ) L. Arcelin «Être ou (et?) ne pas être une entreprise. C’est la question …», Revue Lamy de la Concurrence, 2007, no 11, p. 22, indique que le «marché» se définit traditionnellement comme le jeu combiné de l’offre et de la demande. Il n’existe donc aucune offre sans demande.

( 57 ) Voir point 101 du mémoire en réponse de la Commission.

( 58 ) Voir point 122 du pourvoi.

( 59 ) Voir point 116 des présentes conclusions et jurisprudence citée note 55.

( 60 ) Arrêt du Tribunal du 4 mars 2003 (T-319/99, Rec. p. II-357, point 37). Le Tribunal a déclaré que, «dès lors qu’une entité achète un produit, quand bien même elle le ferait en grande quantité, non pas pour offrir des biens ou des services dans le cadre d’une activité économique, mais pour en faire usage dans le cadre d’une autre activité, par exemple une activité de nature purement sociale, elle n’agit pas en tant qu’entreprise du seul fait de sa qualité d’acheteur sur un marché. S’il est exact qu’une telle entité peut exercer un pouvoir économique très important, lequel pourrait donner lieu, le cas échéant, à une situation de monopole, il n’en reste pas moins que, dans la mesure où l’activité pour l’exercice de laquelle elle achète ces produits n’est pas de nature économique, elle n’agit pas en tant qu’entreprise au sens des règles communautaires en matière de concurrence et n’est donc pas visée par les interdictions prévues aux articles 81, paragraphe 1, CE et 82 CE».

( 61 ) Cela a été confirmé par la Cour dans le cadre du pourvoi dirigé contre l’arrêt FENN/Commission (voir arrêt de la Cour précité note 9, point 25). La Cour y a jugé que c’est à bon droit que le Tribunal a rappelé au point 36 de l’arrêt, que c’est le fait d’offrir des biens ou des services sur un marché donné qui caractérise la notion d’activité économique. Le Tribunal en a inféré à bon droit qu’il n’y a pas lieu de dissocier l’activité d’achat du produit de l’utilisation ultérieure qui en est faite aux fins d’apprécier la nature de cette activité d’achat et que le caractère économique ou non de l’utilisation ultérieure du produit acheté détermine nécessairement le caractère de l’activité d’achat. C. Prieto estime dans la «Chronique de jurisprudence du Tribunal et de la Cour de justice des Communautés européennes», Journal du droit international, 2007, p. 670, que la Cour a voulu ainsi affirmer qu’il faut toujours que soit présent l’élément caractéristique de l’offre de biens et de services. En ce sens, voir aussi J.-P. Kovar, «Le Tribunal précise la notion d’activité économique et confirme la jurisprudence Fenin sur la qualification de l’acte d’achat», Concurrences, 2007, no 1, p. 168, 170; et L. Arcelin, précité (note 56), p. 22, qui voient dans l’arrêt attaqué une confirmation de la jurisprudence FENIN des juridictions communautaires.

( 62 ) Voir point 102 du mémoire en réponse d’Eurocontrol. Selon L. Idot, précité note 11, p. 25, il s’agit moins, dans le cas des aspects examinés, de savoir s’il existe un marché que de la décision politique d’accorder la priorité à la recherche publique par rapport à la recherche privée.

( 63 ) Voir, sur la pertinence du critère de l’absence de but lucratif pour l’appréciation de la nature d’une activité, arrêts du 17 février 1993, Poucet et Pistre (C-159/91, Rec. p. I-637, point 10) à propos des fonctions d’un système de sécurité sociale; du 18 juin 1998, Commission/Italie (C-35/96, Rec. p. I-3851, point 37) à propos de l’activité d’expéditeur en douane; Pavlov e.a. (précité note 29, points 76 et 77) à propos de l’activité de médecin spécialiste exerçant en libéral. C. Prieto, (précité note 61) cite p. 670 la jurisprudence précitée et explique que la participation à titre gratuit à un marché doit toujours être prise en compte.

( 64 ) Dans l’arrêt FENIN/Commission (précité note 60, point 39), le Tribunal a recherché si l’entité en cause exerçait une activité sans but lucratif. Dans l’arrêt Enirisorse (précité note 55, point 31), la Cour a constaté, d’une part, que l’activité concrète d’une entreprise — il s’agissait concrètement du développement de nouvelles technologies pour l’utilisation du charbon ainsi que l’assistance technique aux administrations et établissements publics et aux entreprises intéressées par le développement de ces technologies — constitue son activité économique. D’autre part, la Cour a recherché si l’entreprise en cause poursuit un but lucratif.

( 65 ) Voir arrêt Enirisorse (précité note 55, point 31) à propos de l’activité de développement technique.

( 66 ) Voir points 53 à 69 et 98 à 110 des présentes conclusions.