Affaire C-532/06

Emm. G. Lianakis AE e.a.

contre

Dimos Alexandroupolis e.a.

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Symvoulio tis Epikrateias)

«Directive 92/50/CEE — Marchés publics de services — Réalisation d’une étude sur le cadastrage, l’urbanisation et l’acte d’exécution pour une zone d’habitation — Critères pouvant être retenus à titre de ‘critères de sélection qualitative’ ou de ‘critères d’attribution’ — Offre économiquement la plus avantageuse — Respect des critères d’attribution établis dans le cahier des charges ou dans l’avis de marché — Fixation ultérieure de coefficients de pondération et de sous-critères pour les critères d’attribution — Principe d’égalité de traitement des opérateurs économiques et obligation de transparence»

Sommaire de l'arrêt

1.        Rapprochement des législations — Procédures de passation des marchés publics de services — Directive 92/50 — Attribution des marchés

(Directive du Conseil 92/50, art. 23, § 1, 32 et 36, § 1)

2.        Rapprochement des législations — Procédures de passation des marchés publics de services — Directive 92/50 — Attribution des marchés

(Directive du Conseil 92/50, art. 36, § 2)

1.        Les articles 23, paragraphe 1, 32 et 36, paragraphe 1, de la directive 92/50, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services, telle que modifiée par la directive 97/52, s'opposent à ce que, dans le cadre d'une procédure d'adjudication, le pouvoir adjudicateur tienne compte de l'expérience des soumissionnaires, de leur effectif et de leur équipement ainsi que de leur capacité à fournir le marché au moment prévu non pas à titre de «critères de sélection qualitative», mais à titre de «critères d'attribution».

En effet, si cette directive n'exclut pas, en théorie, que la vérification de l'aptitude des soumissionnaires et l'attribution du marché puissent avoir lieu simultanément, il n'en demeure pas moins que ces deux opérations sont deux opérations distinctes et qu'elles sont régies par des règles différentes. La vérification de l'aptitude des soumissionnaires est effectuée conformément aux critères de capacité économique, financière et technique visés aux articles 31 et 32 de ladite directive, alors que l'attribution du marché se fonde sur les critères énumérés à l'article 36, paragraphe 1, de cette même directive, à savoir soit le prix le plus bas, soit l'offre économiquement la plus avantageuse.

(cf. points 26-28, 32)

2.        L'article 36, paragraphe 2, de la directive 92/50, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services, telle que modifiée par la directive 97/52, lu à la lumière du principe d'égalité de traitement des opérateurs économiques et de l'obligation de transparence qui en découle, s'oppose à ce que, dans le cadre d'une procédure d'adjudication, le pouvoir adjudicateur fixe ultérieurement des coefficients de pondération et des sous-critères pour les critères d'attribution mentionnés dans le cahier des charges ou dans l'avis de marché. L'article 36, paragraphe 2, exige que tous les éléments pris en considération par le pouvoir adjudicateur pour identifier l'offre économiquement la plus avantageuse et leur importance relative soient connus aux soumissionnaires potentiels au moment de la préparation de leurs offres. Partant, un pouvoir adjudicateur ne saurait appliquer des règles de pondération ou des sous-critères pour les critères d'attribution qu'il n'a pas préalablement portés à la connaissance des soumissionnaires.

(cf. points 36, 38, 45 et disp.)







ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

24 janvier 2008 (*)

«Directive 92/50/CEE – Marchés publics de services – Réalisation d’une étude sur le cadastrage, l’urbanisation et l’acte d’exécution pour une zone d’habitation – Critères pouvant être retenus à titre de ‘critères de sélection qualitative’ ou de ‘critères d’attribution’ – Offre économiquement la plus avantageuse – Respect des critères d’attribution établis dans le cahier des charges ou dans l’avis de marché – Fixation ultérieure de coefficients de pondération et de sous-critères pour les critères d’attribution – Principe d’égalité de traitement des opérateurs économiques et obligation de transparence»

Dans l’affaire C‑532/06,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Symvoulio tis Epikrateias (Grèce), par décision du 28 novembre 2006, parvenue à la Cour le 29 décembre 2006, dans la procédure

Emm. G. Lianakis AE,

Sima Anonymi Techniki Etaireia Meleton kai Epivlepseon,

Nikolaos Vlachopoulos

contre

Dimos Alexandroupolis,

Planitiki AE,

Aikaterini Georgoula,

Dimitrios Vasios,

N. Loukatos kai Synergates AE Meleton,

Eratosthenis Meletitiki AE,

A. Pantazis – Pan. Kyriopoulou kai syn/tes os «Filon» OE,

Nikolaos Sideris,

LA COUR (première chambre),

composée de M. P. Jann (rapporteur), président de chambre, MM. A. Tizzano, A. Borg Barthet, M. Ilešič et E. Levits, juges,

avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,

greffier: M. R. Grass,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

–        pour N. Loukatos kai Synergates AE Meleton, Eratosthenis Meletitiki AE, A. Pantazis – Pan. Kyriopoulou kai syn/tes os «Filon» OE et M. Sideris, par Mes E. Konstantopoulou et P. E. Bitsaxis, dikigoroi,

–        pour la Commission des Communautés européennes, par Mme M. Patakia et M. D. Kukovec, en qualité d’agents,

–        vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 23, paragraphe 1, 32 et 36 de la directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services (JO L 209, p. 1), telle que modifiée par la directive 97/52/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 1997 (JO L 328, p. 1, ci-après la «directive 92/50»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre de deux litiges opposant le consortium de bureaux d’études et d’experts formé par Emm. G. Lianakis AE (successeur universel de Emm. Lianakis EPE), Sima Anonymi Techniki Etaireia Meleton kai Epivlepseon et M. Vlachopoulos (ci-après le «consortium Lianakis»), d’une part, et le consortium formé par Planitiki AE, Mme Georgoula et M. Vasios (ci-après le «consortium Planitiki»), d’autre part, au Dimos Alexandroupolis (commune d’Alexandroupolis) et au consortium formé par N. Loukatos kai Synergates AE Meleton, Eratosthenis Meletitiki AE, A. Pantazis – Pan. Kyriopoulou kai syn/tes os «Filon» OE et M. Sideris (ci-après le «consortium Loukatos») au sujet de l’attribution d’un marché portant sur la réalisation d’une étude sur le cadastrage, l’urbanisation et l’acte d’exécution pour une partie du Dimos Alexandroupolis.

 Le cadre juridique

3        La directive 92/50 coordonne les procédures de passation de marchés publics de services.

4        À cet effet, cette directive détermine, d’une part, les marchés qui doivent être soumis à une procédure d’adjudication et, d’autre part, les règles de procédure à suivre, dont, notamment, le principe d’égalité de traitement des opérateurs économiques, les critères de sélection qualitative des opérateurs (dits «critères de sélection qualitative») et les critères d’attribution des marchés (dits «critères d’attribution»).

5        Ainsi, l’article 3, paragraphe 2, de la directive 92/50 dispose que «[l]es pouvoirs adjudicateurs veillent à ce qu’il n’y ait pas de discrimination entre les différents prestataires de services».

6        L’article 23, paragraphe 1, de ladite directive prévoit que «[l’]attribution des marchés se fait sur la base des critères prévus au chapitre 3 [à savoir les articles 36 et 37], compte tenu de l’article 24, après vérification de l’aptitude des prestataires de services non exclus en vertu de l’article 29, effectuée par les pouvoirs adjudicateurs conformément aux critères visés aux articles 31 et 32».

7        Aux termes de l’article 32 de cette même directive:

«1.      La capacité des prestataires de fournir les services peut être évaluée en vertu notamment de leur savoir-faire, de leur efficacité, de leur expérience et de leur fiabilité.

2.      La capacité technique du prestataire de services peut être justifiée d’une ou de plusieurs des façons suivantes, selon la nature, la quantité et l’utilisation des services à fournir:

a)      l’indication des titres d’études et professionnels du prestataire de services et/ou des cadres de l’entreprise et, en particulier, du ou des responsables de la prestation;

b)      la présentation d’une liste des principaux services fournis au cours des trois dernières années, indiquant le montant, la date et le destinataire public ou privé des services fournis:

         […]

c)      l’indication des techniciens ou des organismes techniques, qu’ils soient ou non intégrés à l’entreprise du prestataire de services, en particulier, de ceux qui sont responsables du contrôle de la qualité;

d)      une déclaration indiquant les effectifs moyens annuels du prestataire de services et l’importance du personnel d’encadrement pendant les trois dernières années;

e)      une déclaration indiquant l’outillage, le matériel et l’équipement technique dont le prestataire dispose pour l’exécution des services;

f)      une description des mesures prises par le prestataire de services pour s’assurer de la qualité ainsi que des moyens d’étude et de recherche de son entreprise;

[…]»

8        L’article 36 de la directive 92/50 dispose:

«1.      Sans préjudice des dispositions législatives, réglementaires ou administratives nationales relatives à la rémunération de certains services, les critères sur lesquels le pouvoir adjudicateur se fonde pour attribuer les marchés peuvent être:

a)      soit, lorsque l’attribution se fait à l’offre économiquement la plus avantageuse, divers critères variables selon le marché en question: par exemple, la qualité, la valeur technique, le caractère esthétique et fonctionnel, le service après-vente et l’assistance technique, la date de livraison et le délai de livraison ou d’exécution, le prix;

b)      soit uniquement le prix le plus bas.

2.      Lorsque le marché doit être attribué à l’offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur indique, dans le cahier des charges ou dans l’avis de marché, les critères d’attribution dont il prévoit l’application, si possible dans l’ordre décroissant de l’importance qui leur est attribuée.»

 Le litige au principal et la question préjudicielle

9        En 2004, le conseil municipal d’Alexandroupolis a lancé un appel d’offres en vue d’adjuger la réalisation d’une étude sur le cadastrage, l’urbanisation et l’acte d’exécution pour la zone de Palagia, une partie de ladite commune comportant moins de 2 000 habitants. Il était prévu, pour cette étude, un budget de 461 737 euros.

10      L’avis de marché mentionnait, à titre de critères d’attribution par ordre de priorité, premièrement, l’expérience prouvée de l’expert, acquise lors d’études réalisées au cours des trois dernières années, deuxièmement, l’effectif et l’équipement du bureau et, troisièmement, la capacité à réaliser l’étude au moment prévu, combinée avec les engagements pris par le bureau et son potentiel scientifique.

11      Treize bureaux d’études ont répondu à cet appel d’offres, dont notamment les consortiums Lianakis et Planitiki ainsi que le consortium Loukatos.

12      Afin de pouvoir évaluer les offres des soumissionnaires, la commission d’adjudication du Dimos Alexandroupolis (ci-après la «commission d’adjudication») a fixé, lors de la procédure d’évaluation, des coefficients de pondération et des sous-critères pour les critères d’attribution mentionnés dans l’avis de marché.

13      Ainsi, elle a établi une pondération respectivement de 60 %, de 20 % et de 20 % pour les trois critères d’attribution mentionnés dans l’avis de marché.

14      En outre, elle a déterminé que l’expérience (premier critère d’attribution) devait être appréciée selon le montant des études réalisées. Ainsi, un soumissionnaire recevait 0 point pour un montant allant jusqu’à 500 000 euros, 6 points pour un montant situé entre 500 000 et 1 000 000 euros, 12 points pour un montant situé entre 1 000 000 et 1 500 000 euros et ainsi de suite jusqu’à la note maximale de 60 points pour un montant supérieur à 12 000 000 euros.

15      L’effectif et l’équipement du bureau (deuxième critère d’attribution) devaient être appréciés en fonction de la taille du groupe d’études. Un soumissionnaire recevait donc 2 points pour un groupe de 1 à 5 personnes, 4 points pour un groupe de 6 à 10 personnes et ainsi de suite jusqu’à la note maximale de 20 points pour un groupe de plus de 45 personnes.

16      Enfin, la commission d’adjudication a décidé que la capacité à réaliser l’étude au moment prévu (troisième critère d’attribution) devait être appréciée en fonction du montant des engagements pris. Ainsi, un soumissionnaire recevait la note maximale de 20 points pour un montant inférieur à 15 000 euros, 18 points pour un montant entre 15 000 et 60 000 euros, 16 points pour un montant entre 60 000 et 100 000 euros et ainsi de suite jusqu’à la note minimale de 0 point pour un montant supérieur à 1 500 000 euros.

17      En application desdites règles, la commission d’adjudication a classé le consortium Loukatos premier avec 78 points, le consortium Planitiki deuxième avec 72 points et le consortium Lianakis troisième avec 70 points. Partant, elle a proposé, dans son procès-verbal du 27 avril 2005, l’attribution de l’étude au consortium Loukatos.

18      Par décision du 10 mai 2005, le conseil municipal d’Alexandroupolis a approuvé le procès-verbal de la commission d’adjudication et a attribué la réalisation de l’étude au consortium Loukatos.

19      Estimant que celui-ci n’avait pu devenir adjudicataire que grâce à la fixation ultérieure, par la commission d’adjudication, des coefficients de pondération et des sous-critères pour les critères d’attribution mentionnés dans l’avis de marché, les consortiums Lianakis et Planitiki ont attaqué la décision prise par le conseil municipal d’Alexandroupolis, d’abord devant ce même conseil et ensuite devant le Symvoulio tis Epikrateias (Conseil d’État hellénique) sur le fondement, notamment, de moyens tirés d’une violation de l’article 36, paragraphe 2, de la directive 92/50.

20      Dans ces circonstances, le Symvoulio tis Epikrateias a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Au cas où un avis de marché visant à l’adjudication d’un marché de services prévoit seulement l’ordre de priorité des critères d’attribution, sans déterminer les coefficients de pondération de chaque critère, l’article 36 de la directive 92/50 permet-il à la commission d’adjudication de fixer ultérieurement les coefficients de pondération des critères et, en cas de réponse affirmative, sous quelles conditions?»

 Sur la question préjudicielle

21      Par sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 36, paragraphe 2, de la directive 92/50 s’oppose à ce que, dans le cadre d’une procédure d’adjudication, le pouvoir adjudicateur fixe ultérieurement des coefficients de pondération et des sous-critères pour les critères d’attribution mentionnés dans le cahier des charges ou dans l’avis de marché.

22      La Commission des Communautés européennes a fait valoir, dans ses observations écrites, que, avant de répondre à la question posée, il convient d’examiner si la directive 92/50 s’oppose à ce que, dans le cadre d’une procédure d’adjudication, le pouvoir adjudicateur tienne compte de l’expérience des soumissionnaires, de leur effectif et de leur équipement ainsi que de leur capacité à fournir le marché au moment prévu non pas à titre de «critères de sélection qualitative», mais à titre de «critères d’attribution».

23      À cet égard, force est de constater que, même si, sur le plan formel, la juridiction de renvoi a limité sa question à l’interprétation de l’article 36, paragraphe 2, de la directive 92/50 sous l’angle d’un éventuel changement ultérieur des critères d’attribution, une telle circonstance ne fait pas obstacle à ce que la Cour lui fournisse tous les éléments d’interprétation du droit communautaire qui peuvent être utiles au jugement de l’affaire dont elle est saisie, que cette juridiction y ait fait ou non référence dans l’énoncé de sa question (voir arrêt du 26 avril 2007, Alevizos, C‑392/05, Rec. p. I‑3505, point 64 et jurisprudence citée).

24      Partant, il convient d’abord de vérifier la légitimité des critères retenus à titre de «critères d’attribution» et, ensuite, d’examiner la possibilité de fixer ultérieurement des coefficients de pondération et des sous-critères pour les critères d’attribution mentionnés dans l’avis de marché.

 Sur les critères pouvant être retenus à titre de «critères d’attribution» (articles 23 et 36, paragraphe 1, de la directive 92/50)

25      À cet égard, il convient de rappeler que la directive 92/50 prévoit à son article 23, paragraphe 1, que l’attribution du marché se fait sur la base des critères prévus à ses articles 36 et 37, compte tenu de son article 24, après vérification de l’aptitude des prestataires de services non exclus en vertu de son article 29, effectuée par les pouvoirs adjudicateurs conformément aux critères visés à ses articles 31 et 32.

26      Il ressort de la jurisprudence que, si la directive 92/50 n’exclut pas, en théorie, que la vérification de l’aptitude des soumissionnaires et l’attribution du marché puissent avoir lieu simultanément, il n’en demeure pas moins que ces deux opérations sont deux opérations distinctes et qu’elles sont régies par des règles différentes (voir, en ce sens, au sujet des marchés publics de travaux, arrêt du 20 septembre 1988, Beentjes, 31/87, Rec. p. 4635, points 15 et 16).

27      La vérification de l’aptitude des soumissionnaires est, en effet, effectuée par les pouvoirs adjudicateurs conformément aux critères de capacité économique, financière et technique (dits «critères de sélection qualitative») visés aux articles 31 et 32 de ladite directive (voir, s’agissant des marchés publics de travaux, arrêt Beentjes, précité, point 17).

28      En revanche, l’attribution du marché se fonde sur les critères énumérés à l’article 36, paragraphe 1, de cette même directive, à savoir soit le prix le plus bas, soit l’offre économiquement la plus avantageuse (voir, en ce sens, au sujet des marchés publics de travaux, arrêt Beentjes, précité, point 18).

29      Or, s’il est vrai que, dans ce dernier cas, les critères pouvant être retenus par les pouvoirs adjudicateurs ne sont pas énumérés de manière limitative à l’article 36, paragraphe 1, de la directive 92/50 et que cette disposition laisse donc aux pouvoirs adjudicateurs le choix des critères d’attribution du marché qu’ils entendent retenir, il n’en reste pas moins que ce choix ne peut porter que sur des critères visant à identifier l’offre économiquement la plus avantageuse (voir en ce sens, au sujet des marchés publics de travaux, arrêts Beentjes, précité, point 19, et du 18 octobre 2001, SIAC Construction, C‑19/00, Rec. p. I‑7725, points 35 et 36, ainsi que, au sujet des marchés publics de services, arrêts du 17 septembre 2002, Concordia Bus Finland, C‑513/99, Rec. p. I‑7213, points 54 et 59, et du 19 juin 2003, GAT, C‑315/01, Rec. p. I‑6351, points 63 et 64).

30      Partant, sont exclus à titre de «critères d’attribution» des critères qui ne visent pas à identifier l’offre économiquement la plus avantageuse, mais qui sont liés essentiellement à l’appréciation de l’aptitude des soumissionnaires à exécuter le marché en question.

31      Dans l’affaire au principal, les critères retenus, par le pouvoir adjudicateur, à titre de «critères d’attribution» portent cependant principalement sur l’expérience, les qualifications et les moyens de nature à garantir une bonne exécution du marché en question. Il s’agit là de critères qui concernent l’aptitude des soumissionnaires à exécuter ce marché et qui n’ont donc pas la qualité de «critères d’attribution» au sens de l’article 36, paragraphe 1, de la directive 92/50.

32      Il convient, par conséquent, de constater que les articles 23, paragraphe 1, 32 et 36, paragraphe 1, de la directive 92/50 s’opposent à ce que, dans le cadre d’une procédure d’adjudication, le pouvoir adjudicateur tienne compte de l’expérience des soumissionnaires, de leur effectif et de leur équipement ainsi que de leur capacité à fournir le marché au moment prévu non pas à titre de «critères de sélection qualitative», mais à titre de «critères d’attribution».

 Sur la fixation ultérieure des coefficients de pondération et des sous-critères pour les critères d’attribution mentionnés dans le cahier des charges ou dans l’avis de marché

33      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 3, paragraphe 2, de la directive 92/50 impose aux pouvoirs adjudicateurs de veiller à ce qu’il n’y ait pas de discrimination entre les différents prestataires de services.

34      Le principe d’égalité de traitement, ainsi consacré, comporte également une obligation de transparence (voir en ce sens, au sujet des marchés publics de fournitures, arrêt du 18 novembre 1999, Unitron Scandinavia et 3-S, C‑275/98, Rec. p. I-8291, point 31, et, au sujet des marchés publics de travaux, arrêt SIAC Construction, précité, point 41).

35      En outre, il ressort de l’article 36, paragraphe 2, de la directive 92/50 que, lorsque le marché doit être attribué à l’offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur doit indiquer, dans le cahier des charges ou dans l’avis de marché, les critères d’attribution dont il prévoit l’application, si possible dans l’ordre décroissant de l’importance qui leur est attribuée.

36      Selon la jurisprudence, cette dernière disposition, lue à la lumière du principe d’égalité de traitement des opérateurs économiques, énoncé à l’article 3, paragraphe 2, de la directive 92/50, et de l’obligation de transparence qui en découle, exige que tous les éléments pris en considération par le pouvoir adjudicateur pour identifier l’offre économiquement la plus avantageuse et leur importance relative soient connus aux soumissionnaires potentiels au moment de la préparation de leurs offres (voir en ce sens, au sujet des marchés publics dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des télécommunications, arrêt du 25 avril 1996, Commission/Belgique, C‑87/94, Rec. p. I‑2043, point 88; au sujet des marchés publics de travaux, arrêt du 12 décembre 2002, Universale-Bau e.a., C‑470/99, Rec. p. I‑11617, point 98, et, au sujet des marchés publics de services, arrêt du 24 novembre 2005, ATI EAC e Viaggi di Maio e.a., C‑331/04, Rec. p. I‑10109, point 24).

37      En effet, les soumissionnaires potentiels doivent être mis en mesure d’avoir connaissance, au moment de la préparation de leurs offres, de l’existence et de la portée de ces éléments (voir, en ce sens, au sujet des marchés publics de services, arrêts précités Concordia Bus Finland, point 62, ainsi que ATI EAC e Viaggi di Maio e.a., point 23).

38      Partant, un pouvoir adjudicateur ne saurait appliquer des règles de pondération ou des sous-critères pour les critères d’attribution qu’il n’a pas préalablement portés à la connaissance des soumissionnaires (voir, par analogie, au sujet des marchés publics de travaux, arrêt Universale-Bau e.a., précité, point 99).

39      Cette interprétation est corroborée par l’objectif de la directive 92/50 qui vise à supprimer les entraves à la libre circulation des services et donc à protéger les intérêts des opérateurs économiques établis dans un État membre désireux d’offrir des services aux pouvoirs adjudicateurs d’un autre État membre (voir en ce sens, notamment, arrêt du 3 octobre 2000, University of Cambridge, C‑380/98, Rec. p. I‑8035, point 16).

40      À cette fin, les soumissionnaires doivent être mis sur un pied d’égalité tout au long de la procédure, ce qui implique que les critères et les conditions qui régissent chaque marché doivent faire l’objet d’une publicité adéquate de la part des pouvoirs adjudicateurs (voir, en ce sens, au sujet des marchés publics de travaux, arrêts précités Beentjes, point 21, et SIAC Construction, point 34, ainsi que, au sujet des marchés publics de services, arrêt ATI EAC e Viaggi di Maio e.a., précité, point 22).

41      Contrairement aux doutes émis par la juridiction de renvoi, ces constatations ne se heurtent, par ailleurs, pas à l’interprétation de l’article 36, paragraphe 2, de la directive 92/50 donnée par la Cour dans son arrêt ATI EAC e Viaggi di Maio e.a., précité.

42      Dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, tant les critères d’attribution et leurs coefficients de pondération que les sous-critères pour ces critères d’attribution avaient été, en effet, déterminés au préalable et publiés dans le cahier des charges. Le pouvoir adjudicateur en question a cependant déterminé ex post, peu avant l’ouverture des enveloppes, des coefficients de pondération pour les sous-critères.

43      La Cour a jugé, dans cet arrêt, que l’article 36, paragraphe 2, de la directive 92/50 ne s’oppose pas à une telle façon de procéder sous trois conditions très précises, à savoir qu’elle:

–        ne modifie pas les critères d’attribution du marché définis dans le cahier de charges ou dans l’avis de marché;

–        ne contienne pas d’éléments qui, s’ils avaient été connus lors de la préparation des offres, auraient pu influencer cette préparation, et

–        n’ait pas été adoptée en prenant en compte des éléments susceptibles d’avoir un effet discriminatoire envers l’un des soumissionnaires (voir, en ce sens, arrêt ATI EAC e Viaggi di Maio e.a., précité, point 32).

44      Dans l’affaire au principal, il convient, en revanche, de constater que la commission d’adjudication n’a mentionné, dans l’avis de marché, que les critères d’attribution eux-mêmes et a déterminé ex post, après la présentation des offres et après le décachetage des demandes de manifestation d’intérêt, tant les coefficients de pondération que les sous-critères pour ces critères d’attribution. Or, ceci ne répond manifestement pas à l’obligation de publicité prévue par l’article 36, paragraphe 2, de la directive 92/50, lu à la lumière du principe d’égalité de traitement des opérateurs économiques et de l’obligation de transparence.

45      Eu égard à ce qui précède, il convient donc de répondre à la question posée que l’article 36, paragraphe 2, de la directive 92/50, lu à la lumière du principe d’égalité de traitement des opérateurs économiques et de l’obligation de transparence qui en découle, s’oppose à ce que, dans le cadre d’une procédure d’adjudication, le pouvoir adjudicateur fixe ultérieurement des coefficients de pondération et des sous-critères pour les critères d’attribution mentionnés dans le cahier des charges ou dans l’avis de marché.

 Sur les dépens

46      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

L’article 36, paragraphe 2, de la directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services, telle que modifiée par la directive 97/52/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 1997, lu à la lumière du principe d’égalité de traitement des opérateurs économiques et de l’obligation de transparence qui en découle, s’oppose à ce que, dans le cadre d’une procédure d’adjudication, le pouvoir adjudicateur fixe ultérieurement des coefficients de pondération et des sous-critères pour les critères d’attribution mentionnés dans le cahier des charges ou dans l’avis de marché.

Signatures


* Langue de procédure: le grec.