Parties
Motifs de l'arrêt
Dispositif

Parties

Dans l’affaire C‑304/06 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduit le 13 juillet 2006,

Eurohypo AG, établie à Eschborn (Allemagne), représentée par M es C. Rohnke et M. Kloth, Rechtsanwälte, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant:

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par MM. G. Schneider et J. Weberndörfer, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (première chambre),

composée de M. P. Jann, président de chambre, MM. A. Tizzano (rapporteur), A. Borg Barthet, M. Ilešič et E. Levits, juges,

avocat général: M me V. Trstenjak,

greffier: M. J. Swedenborg, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 4 octobre 2007,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 8 novembre 2007,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

1. Par son pourvoi, la société Eurohypo AG (ci-après la «requérante») demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 3 mai 2006, Eurohypo/OHMI (EUROHYPO) (T‑439/04, Rec. p. II‑1269, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté son recours dirigé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 6 août 2004 (affaire R 829/2002-4, ci-après la «décision litigieuse»).

2. Par la décision litigieuse, l’OHMI avait refusé d’enregistrer en tant que marque communautaire le signe verbal EUROHYPO pour les services relevant de la classe 36 au sens de l’arrangement de Nice, concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié (ci-après l’«arrangement de Nice»), classe correspondant à la description suivante: «[a]ffaires financières; affaires monétaires; affaires immobilières; services financiers; financements […]».

Le cadre juridique

3. L’article 7 du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) n° 3288/94 du Conseil, du 22 décembre 1994 (JO L 349, p. 83, ci-après le «règlement n° 40/94 ») prévoit:

«1. Sont refusés à l’enregistrement:

[…]

b) les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif;

c) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci;

d) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce;

[…]

2. Le paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de la Communauté.

[…]»

4. L’article 38, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 prévoit:

«Si la marque est exclue de l’enregistrement en vertu de l’article 7 pour tout ou partie des produits ou des services pour lesquels la marque communautaire est demandée, la demande est rejetée pour ces produits ou ces services.»

5. L’article 74, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 dispose:

«Au cours de la procédure, l’office procède à l’examen d’office des faits; […]»

Les antécédents du litige

6. Le 30 avril 2002, la requérante a demandé à l’OHMI l’enregistrement du signe verbal EUROHYPO pour les services relevant de la classe 36 au sens de l’arrangement de Nice et correspondant à la description suivante:

«Affaires financières; affaires monétaires; affaires immobilières; services financiers; financements; analyses financières; investissements; assurances».

7. Cette demande ayant été rejetée par décision du 30 août 2002 de l’examinateur de l’OHMI, en application de l’article 7, paragraphes 1, sous b) et c), ainsi que 2, du règlement n° 40/94, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI.

8. Par la décision litigieuse, l’OHMI a partiellement fait droit au recours et annulé la décision de l’examinateur en ce qui concernait les services «analyses financières; investissements; assurances».

9. Le recours a, en revanche, été rejeté en ce qui concernait les autres services de la classe 36, c’est-à-dire les «[a]ffaires financières; affaires monétaires; affaires immobilières; services financiers; financements».

10. En substance, l’OHMI a estimé que les éléments EURO et HYPO contenaient une indication directement compréhensible des caractéristiques des cinq services susmentionnés et que l’association des deux éléments en un seul mot ne rendait pas la marque moins descriptive. Partant, elle a considéré que le signe verbal EUROHYPO était descriptif des «[a]ffaires financières; affaires monétaires; affaires immobilières; services financiers; financements» et qu’il était, dès lors, dépourvu de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, pour le moins dans les pays de langue allemande, et que cela suffisait, en application de l’article 7, paragraphe 2, de ce règlement pour justifier un refus de protection.

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

11. Le 5 novembre 2004, la requérante a introduit, devant le Tribunal, un recours en annulation contre la décision litigieuse. À l’appui de son recours elle a soulevé deux moyens, tirés, respectivement, d’une violation des articles 74, paragraphe 1, et 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

12. Par son premier moyen, tiré d’une violation de l’article 74, paragraphe 1, du règlement n° 40/94, la requérante soutenait que, dans la décision litigieuse, l’OHMI n’avait pas examiné de manière exhaustive la perception par le public du signe verbal EUROHYPO.

13. Le Tribunal a rejeté ce moyen, en considérant, au point 20 de l’arrêt attaqué, que «[…] le fait que la chambre de recours, ayant atteint un degré de conviction suffisant quant au caractère descriptif des éléments ‘EURO’ et ‘HYPO’ et du terme ‘EUROHYPO’ pour conclure au refus d’enregistrement, ait choisi de ne pas faire de recherches supplémentaires n’est pas contraire à l’article 74, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 40/94».

14. Par son second moyen, la requérante a invoqué une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 dans la mesure où la quatrième chambre de recours de l’OHMI avait considéré que le signe verbal EUROHYPO était descriptif des services financiers en cause.

15. S’agissant du fondement de la décision litigieuse, le Tribunal a tout d’abord relevé, aux points 41, 43 et 44 de l’arrêt attaqué:

«41 [...] contrairement à ce que prétend l’OHMI, il ressort des points 12 et suivants de la décision [litigieuse] que la décision de rejet de la demande d’enregistrement du signe verbal EUROHYPO pour les services ‘affaires financières; affaires monétaires; affaires immobilières; services financiers; financements’ vise uniquement l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. Toutefois, l’analyse effectuée aux points 13 à 16 qui sous-tend ladite décision de rejet concerne le caractère descriptif du signe verbal EUROHYPO.

[…]

43 Cependant, il existe un chevauchement évident des champs d’application respectifs des motifs énoncés sous b) à d) de ladite disposition […].

44 Il ressort aussi de la jurisprudence de la Cour et du Tribunal qu’une marque verbale qui est descriptive des caractéristiques des produits ou des services concernés, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, est, de ce fait, nécessairement dépourvue de caractère distinctif au regard de ces mêmes produits ou services, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement […].»

16. Le Tribunal a alors indiqué au point 45 de l’arrêt attaqué que «[…] l’appréciation de la légalité de la décision [litigieuse] implique de vérifier si la chambre de recours a démontré que le signe verbal EUROHYPO était descriptif des services ‘affaires financières; affaires monétaires; affaires immobilières; services financiers; financements’ relevant de la classe 36. Si tel est le cas, le refus d’enregistrement procède d’une juste application de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 en même temps qu’il procède d’une juste application de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du même règlement et la décision [litigieuse] doit être confirmée. […]».

17. Le Tribunal a ensuite examiné si le signe verbal EUROHYPO était descriptif des services en cause.

18. En premier lieu, il a considéré, aux points 51 et 52 de l’arrêt attaqué, que l’OHMI avait correctement conclu que les éléments séparés EURO et HYPO étaient descriptifs des services en cause.

19. En second lieu, le Tribunal a examiné si le caractère descriptif des éléments qui composent le signe verbal EUROHYPO existait également pour le mot composé lui-même. Au point 55 de l’arrêt attaqué, il a conclu par l’affirmative pour les motifs suivants:

«55 En l’espèce, d’une part, le signe verbal EUROHYPO est une simple combinaison de deux éléments descriptifs qui ne crée pas d’impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion des éléments qui le composent pour primer sur la somme desdits éléments. D’autre part, la requérante n’a pas démontré que ce mot composé était entré dans le langage courant et qu’il y avait acquis une signification propre. Elle allègue, au contraire, que le signe verbal EUROHYPO n’est pas entré dans l’usage courant de la langue allemande pour décrire des services financiers.»

20. En outre, le Tribunal, au point 56 de l’arrêt attaqué, a jugé que la solution dégagée dans l’arrêt de la Cour du 20 septembre 2001, Procter & Gamble/OHMI, dit «Baby-dry» (C-383/99 P, Rec. p. I-6251), n’était pas transposable en l’espèce étant donné que «[…] [l]e syntagme en cause dans cette affaire était une invention lexicale qui était inhabituelle dans sa structure, ce qui n’est pas le cas du signe verbal EUROHYPO».

21. Par conséquent, le Tribunal a conclu, au point 57 de l’arrêt attaqué:

«La chambre de recours a […] légalement considéré que le signe verbal EUROHYPO était descriptif des services ‘affaires financières; affaires monétaires; affaires immobilières; services financiers et financements’ compris dans la classe 36 et était, de ce fait, dépourvu de caractère distinctif. Il s’ensuit que, conformément à ce qui a été énoncé au point 45 ci-dessus, il n’y a pas lieu d’examiner si la chambre de recours a avancé d’autres motifs pour considérer que le signe demandé était dépourvu de caractère distinctif.»

22. Enfin, au point 58 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré irrecevable le grief tiré de l’usage intensif de la marque au motif que celui-ci avait été invoqué pour la première fois devant le Tribunal.

23. Dès lors, le Tribunal a rejeté le recours dans son ensemble.

Les conclusions des parties

24. Dans son pourvoi la requérante conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

– annuler l’arrêt attaqué;

– annuler la décision litigieuse;

– condamner l’OHMI aux dépens.

25. L’OHMI demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner la requérante aux dépens.

Sur le pourvoi

26. À l’appui de son pourvoi, la requérante invoque deux moyens, tirés, respectivement, d’une violation des articles 74, paragraphe 1, et 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

Sur le premier moyen

Argumentation des parties

27. Par son premier moyen, la requérante fait valoir que l’article 74, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 impose à l’OHMI d’effectuer des analyses approfondies, afin d’établir avec certitude si des motifs de refus d’enregistrement existent. Or, en l’espèce, l’OHMI se serait limité à analyser le caractère descriptif des éléments séparés EURO et HYPO sans présenter des constatations factuelles sur la marque verbale EUROHYPO considérée dans son ensemble.

28. En outre, la requérante reproche à l’OHMI d’avoir effectué des recherches sur Internet relatives à la marque EUROHYPO et d’en avoir dissimulé sciemment les résultats dans la mesure où ils ne permettaient pas de démontrer que cette marque était utilisée de manière descriptive. L’OHMI aurait, de cette façon, dénaturé les faits.

29. Le Tribunal aurait, dès lors, commis une erreur de droit en constatant que l’absence de références à des recherches sur Internet concernant le caractère descriptif de la marque EUROHYPO dans la motivation de la décision litigieuse n’était pas contraire à l’article 74, paragraphe 1, du règlement n° 40/94.

30. L’OHMI rétorque qu’il n’est pas lié par des exigences de preuve rigides. En particulier, en application du principe de la libre appréciation des preuves, il peut juger sur le fondement de sa propre conviction s’il considère un fait comme avéré. Dès lors, une fois qu’il estime avoir suffisamment d’éléments pour prendre une décision, il n’est pas obligé de poursuivre ses investigations et analyses.

31. L’OHMI souligne, en outre, que l’utilisation descriptive d’un terme nouvellement créé n’est pas un critère pertinent pour l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 et donc il ne pourrait être reproché à la chambre de recours de ne pas l’avoir mentionné.

Appréciation de la Cour

32. Il convient, tout d’abord, de constater que, par son premier moyen, même si elle invoque formellement un erreur de droit, la requérante cherche, en substance, à remettre en cause l’appréciation des faits effectuée par le Tribunal et, en particulier, à contester la valeur probante de certains faits ayant amené ce dernier à conclure que l’OHMI n’était pas obligé de conduire des recherches supplémentaires, dès lors qu’il avait atteint un degré de conviction suffisant quant au caractère descriptif des éléments EURO et HYPO et du terme EUROHYPO.

33. Or, il résulte d’une jurisprudence constante que la Cour n’est pas compétente pour constater les faits ni, en principe, pour examiner les preuves que le Tribunal a retenues à l’appui de ces faits. En effet, dès lors que ces preuves ont été obtenues régulièrement, que les principes généraux du droit ainsi que les règles de procédure applicables en matière de charge et d’administration de la preuve ont été respectés, il appartient au seul Tribunal d’apprécier la valeur qu’il convient d’attribuer aux éléments qui lui ont été soumis. Cette appréciation ne constitue donc pas, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour, sous réserve du cas de la dénaturation de ces éléments (voir, en ce sens, arrêts du 17 décembre 1998 Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, Rec. p. I‑8417, point 24; du 14 juillet 2005, Rica Foods/Commission, C‑40/03 P, Rec. p. I‑6811, point 60, et du 6 avril 2006, General Motors/Commission, C‑551/03 P, Rec. p. I‑3173, point 52).

34. À cet égard, il convient de rappeler qu’une dénaturation des éléments de preuve existe lorsque, sans qu’il soit nécessaire d’avoir recours à de nouveaux éléments de preuve, l’appréciation des éléments de preuve existants apparaît manifestement erronée (arrêts du 18 janvier 2007, PKK et KNK/Conseil, C-229/05 P, Rec. p. I‑439, point 37, ainsi que du 18 juillet 2007, Industrias Químicas del Vallés/Commission, C‑326/05 P, Rec. p. I‑6557, point 60).

35. Or, force est de constater que, dans le cadre du présent moyen, la requérante s’est bornée à contester l’analyse des faits opérée par l’OHMI dans la décision litigieuse et, notamment, le caractère prétendument incomplet d’une telle analyse. En revanche, elle n’a ni démontré ni même allégué que le Tribunal avait fait une appréciation manifestement erronée des éléments de preuve.

36. Dès lors, le premier moyen doit être déclaré irrecevable.

Sur le second moyen

37. Par son second moyen, la requérante fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit dans l’interprétation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. Ce moyen s’articule en trois branches distinctes.

38. Par la première de ces branches, la requérante reproche au Tribunal de ne pas avoir pris en compte l’impression d’ensemble produite par la marque EUROHYPO. Dans le cadre de la deuxième branche, elle fait valoir que le Tribunal a interprété de manière erronée les critères de refus d’enregistrement prévus à l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c) du règlement n° 40/94. S’agissant enfin de la troisième branche, la requérante soutient que le Tribunal a incorrectement appliqué les principes dégagés dans l’arrêt Baby-dry, précité.

Sur la première branche du second moyen

– Argumentation des parties

39. Selon la requérante, le Tribunal a analysé uniquement le caractère descriptif des éléments EURO et HYPO pris séparément, en ne procédant qu’à titre subsidiaire à un examen de l’impression d’ensemble produite par la marque. Le Tribunal se serait fondé, dans l’arrêt attaqué, sur la présomption selon laquelle si les éléments qui composent une marque composée sont descriptifs, la marque dans son ensemble est, en principe, également descriptive.

40. L’OHMI réfute cette argumentation en faisant valoir que le Tribunal a consacré une partie de son raisonnement précisément à l’appréciation directe et spécifique du caractère distinctif de la marque complexe dans son ensemble et ne s’est pas fondé uniquement sur une présomption.

– Appréciation de la Cour

41. S’agissant d’une marque complexe, telle que celle en cause en l’espèce, l’appréciation de son caractère distinctif ne peut se limiter à une analyse de chacun de ses termes ou de ses éléments, considérés isolément, mais doit, en tout état de cause, se fonder sur la perception globale de cette marque par le public pertinent et non sur la présomption que des éléments dépourvus isolément de caractère distinctif ne peuvent, une fois combinés, présenter un tel caractère (voir, en ce sens, arrêt du 16 septembre 2004, SAT.1/OHMI, C‑329/02 P, Rec. p. I‑8317, point 35). En effet, la seule circonstance que chacun de ces éléments, pris séparément, est dépourvu de caractère distinctif n’exclut pas que la combinaison qu’ils forment puisse présenter un tel caractère (arrêt du 15 septembre 2005, BioID/OHMI, C‑37/03 P, Rec. p. I‑7975, point 29).

42. Or, au point 54 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé, à juste titre, que, afin d’apprécier le caractère descriptif d’une marque complexe, il faut non seulement examiner les différents éléments dont la marque est composée, mais aussi la marque dans son ensemble.

43. Certes, au même point 54, le Tribunal a affirmé qu’une marque constituée d’un mot composé d’éléments dont chacun est descriptif de caractéristiques des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé est elle-même descriptive des caractéristiques de ces produits ou de ces services.

44. Toutefois, cette constatation n’a pas affecté l’analyse du Tribunal sur ce point, dès lors qu’il ne s’est pas limité à examiner de façon subsidiaire l’impression produite par l’ensemble de la marque demandée, mais a consacré une partie de son raisonnement à évaluer, s’agissant d’une marque complexe, le caractère descriptif de l’ensemble du signe.

45. En effet, au point 55 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que l’impression créée par la marque en cause n’est pas suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion des éléments qui la composent pour primer sur la somme desdits éléments et que la requérante n’avait pas démontré que ce mot composé était entré dans le langage courant et y avait acquis une signification propre.

46. En outre, au point 56 dudit arrêt, le Tribunal a examiné si la marque en cause était une invention lexicale qui présentait une structure inhabituelle, en concluant que tel n’était pas le cas.

47. Enfin, au point 57 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que la marque EUROHYPO, considérée dans son ensemble, est descriptive des services en cause.

48. Dès lors, il ne saurait être reproché au Tribunal de ne pas avoir vérifié si la marque, considérée dans son ensemble, présentait ou non un caractère descriptif ou de l’avoir fait à titre seulement subsidiaire.

49. Il s’ensuit que la première branche du second moyen doit être rejeté comme non fondé.

Sur la deuxième branche du second moyen

– Argumentation des parties

50. La requérante fait valoir que le Tribunal a erronément appliqué à une analyse menée sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 un critère uniquement pertinent aux fins de l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous c), de ce règlement. En effet, le Tribunal aurait considéré qu’une marque composée d’éléments descriptifs répondait aux conditions d’enregistrement, si le mot en cause est entré dans le langage courant et y a acquis une signification qui lui est propre, alors que, selon la requérante, ce critère n’est pertinent que dans le cadre d’une application de l’article 7, paragraphe 1, sous c), dudit règlement.

51. La requérante souligne, en outre, que, s’il est vrai qu’il existe un chevauchement des champs d’application respectifs énoncés à l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), du règlement n° 40/94, cela ne dispense toutefois pas le Tribunal d’interpréter de façon autonome les motifs de refus à la lumière des différents objectifs d’intérêt général poursuivis par chacune de ces normes.

52. L’OHMI répond à ces arguments en rappelant que les champs d’application des dispositions de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 40/94 se recoupent et, de ce fait, un signe descriptif relève normalement du champ d’application des deux normes.

53. Selon l’OHMI, le fait que les normes en question poursuivent des intérêts généraux distincts n’entraîne pas une interprétation différente de la notion de caractère descriptif selon la norme en cause. Dès lors, le Tribunal n’aurait commis aucune erreur de droit dans le cadre de l’interprétation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement.

Appréciation de la Cour

54. Il y a lieu, tout d’abord, de rappeler que, même si la Cour a eu l’occasion de relever un certain chevauchement entre les champs d’application respectifs des motifs absolus de refus d’enregistrement d’une marque énoncés à l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), du règlement n° 40/94 [voir, par analogie, s’agissant des dispositions identiques de l’article 3, paragraphe 1, de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), arrêts du 12 février 2004, Koninklijke KPN Nederland, C‑363/99, Rec. p. I‑1619, point 67, et Campina Melkunie, C‑265/00, Rec. p. I‑1699, point 18], il n’en demeure pas moins qu’il ressort d’une jurisprudence constante que chacun des motifs de refus d’enregistrement énumérés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 est indépendant des autres et exige un examen séparé (voir arrêts du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, Rec. p. I‑5089, point 45; du 21 octobre 2004, OHMI/Erpo Möbelwerk, C‑64/02 P, Rec.p. I‑10031, point 39, ainsi que du 12 janvier 2006, Deutsche SiSi‑Werke/OHMI, C‑173/04 P, Rec. p. I‑551, point 59).

55. La Cour a également eu l’occasion de préciser qu’il convient d’interpréter lesdits motifs de refus à la lumière de l’intérêt général qui sous-tend chacun d’entre eux. L’intérêt général pris en considération lors de l’examen de chacun de ces motifs de refus peut, voire doit, refléter des considérations différentes, selon le motif de refus en cause (arrêts précités Henkel/OHMI, points 45 et 46; SAT.1/OHMI, point 25, ainsi que BioID/OHMI, point 59).

56. À cet égard, il convient de relever que la notion d’intérêt général sous‑jacente à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94 se confond, à l’évidence, avec la fonction essentielle de la marque qui est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit ou du service désigné par la marque, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance (arrêts précités SAT.1/OHMI, points 23 et 27, ainsi que BioID/OHMI, point 60).

57. Or, en l’espèce, le raisonnement suivi par le Tribunal procède d’une interprétation incorrecte des principes rappelés aux points 54 à 56 du présent arrêt.

58. En effet, force est de constater qu’il ressort des points 45, 54, 55 et 57 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a apprécié le caractère distinctif de la marque EUROHYPO en effectuant uniquement une analyse de son caractère descriptif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94. Par conséquent, cet arrêt ne contient aucun examen individuel du motif de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement, sur le fondement duquel le Tribunal a pourtant rejeté le second moyen de recours soulevé en première instance contre la décision litigieuse.

59. Ce faisant, le Tribunal a analysé la marque EUROHYPO en omettant, en particulier, de prendre en compte l’intérêt public que l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94 vise spécifiquement à protéger, à savoir la garantie de l’identité d’origine du produit ou du service désigné par la marque.

60. En outre, dans le cadre d’une telle analyse, le Tribunal a utilisé un critère erroné, afin d’évaluer si la marque en cause pouvait être enregistrée.

61. Selon ce critère, une marque composée d’éléments descriptifs pourrait réunir les conditions d’enregistrement si le mot est entré dans le langage courant et y a acquis une signification qui lui est propre. Or, si ce critère est pertinent dans le cadre de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, il n’est pas celui à l’aune duquel cette même disposition, sous b), doit être interprétée.

62. En effet, si ledit critère permet d’exclure l’utilisation d’une marque pour décrire un produit ou un service, toutefois, il ne permet pas de déterminer si une marque peut garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit ou du service qu’elle désigne.

63. Dans ces conditions, la requérante est fondée à soutenir que l’arrêt attaqué est entaché d’une erreur de droit dans l’interprétation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

64. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner la troisième branche du second moyen du pourvoi, que l’arrêt attaqué doit être annulé en tant que le Tribunal a jugé que la quatrième chambre de recours de l’OHMI n’avait pas violé l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 en refusant, par la décision litigieuse, d’enregistrer comme marque communautaire le syntagme EUROHYPO pour les services relevant de la classe 36 au sens de l’arrangement de Nice, «[a]ffaires financières; affaires monétaires; affaires immobilières; services financiers; financements […]».

Sur le recours devant le Tribunal

65. Conformément à l’article 61, premier alinéa, seconde phrase, du statut de la Cour de justice, cette dernière, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, peut statuer elle-même sur le litige, lorsque celui‑ci est en état d’être jugé. Tel est le cas en l’espèce.

66. À titre liminaire, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort du point 56 du présent arrêt, le caractère distinctif d’une marque au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (arrêt Henkel/OHMI, précité, point 34 et jurisprudence citée).

67. À cet égard, il résulte d’une jurisprudence constante que ce caractère distinctif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception que le public pertinent en a (arrêts du 29 avril 2004, Procter & Gamble/OHMI, C‑473/01 P et C‑474/01 P, Rec. p. I‑5173, point 33, ainsi que du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑25/05 P, Rec. p. I‑5719, point 25).

68. En l’espèce, il y a lieu de constater que, ainsi que la chambre de recours l’a relevé dans la décision litigieuse, sans être contestée par la requérante, les services concernés s’adressent à l’ensemble des consommateurs. En outre, il est constant que le motif absolu de refus n’a été soulevé que par rapport à une des langues parlées dans l’Union européenne, à savoir l’allemand. Par conséquent, le public pertinent par rapport auquel il faut apprécier le caractère distinctif de la marque est le consommateur germanophone moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

69. Or, comme l’OHMI l’a justement relevé dans la décision litigieuse, le public pertinent comprend, dans le domaine visé par la demande d’enregistrement de la marque, le signe verbal EUROHYPO comme se référant dans son ensemble et de manière générale à des services financiers nécessitant des garanties réelles et, en particulier, à des prêts hypothécaires payés dans la devise de l’Union économique et monétaire européenne. En outre, aucun élément additionnel ne permet de considérer que la combinaison formée par les éléments courants et usuels EURO et HYPO serait inhabituelle ou aurait une signification propre distinguant, dans la perception du public en cause, les services de la requérante de ceux qui ont une autre origine commerciale. Dès lors, le public pertinent perçoit la marque en cause comme fournissant des informations sur la nature des services qu’elle désigne et non comme indiquant l’origine des services en cause.

70. Il s’ensuit que la marque dont l’enregistrement est demandé ne présente pas de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. Dans ces conditions, le recours de la requérante contre la décision litigieuse doit être rejeté.

Sur les dépens

71. Aux termes de l’article 122 du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens.

72. Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, de ce même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118, dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’OHMI ayant conclu à la condamnation de la requérante aux dépens et celle‑ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens des deux instances.

Dispositif

Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête:

1) L’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 3 mai 2006, Eurohypo/OHMI (EUROHYPO) (T‑439/04), est annulé dans la mesure où le Tribunal de première instance des Communautés européennes a jugé que la quatrième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) n’avait pas violé l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire, tel que modifié par le règlement (CE) n° 3288/94 du Conseil, du 22 décembre 1994, en refusant, par sa décision du 6 août 2004 (affaire R 829/2002-4), d’enregistrer comme marque communautaire le syntagme EUROHYPO pour les services relevant de la classe 36 au sens de l’arrangement de Nice, concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, classe correspondant à la description suivante: «[a]ffaires financières; affaires monétaires; affaires immobilières; services financiers; financements […]».

2) Le recours contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), du 6 août 2004 (affaire R 829/2002-4), est rejeté.

3) Eurohypo AG est condamnée aux dépens des deux instances.