Affaire C-263/06

Carboni e derivati Srl

contre

Ministero dell’Economia e delle FinanzeetRiunione Adriatica di Sicurtà SpA

(demande de décision préjudicielle, introduite par

la Corte suprema di cassazione)

«Politique commerciale commune — Défense contre les pratiques de dumping — Droit antidumping — Fonte brute hématite originaire de Russie — Décision nº 67/94/CECA — Détermination de la valeur en douane pour l’application d’un droit antidumping variable — Valeur transactionnelle — Ventes successives effectuées à des prix différents — Possibilité pour l’autorité douanière de prendre en considération le prix relatif à une vente de marchandises précédant celle sur la base de laquelle la déclaration en douane a été faite»

Conclusions de l'avocat général M. J. Mazák, présentées le 11 septembre 2007 

Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 28 février 2008 

Sommaire de l'arrêt

1.     CECA — Politique commerciale commune — Défense contre les pratiques de dumping — Droit antidumping

(Décision de la Commission nº 2424/88, art. 1er et 2, § 1)

2.     CECA — Politique commerciale commune — Défense contre les pratiques de dumping — Fixation des droits antidumping — Méthode de calcul

(Règlement du Conseil nº 2913/92, art. 31, § 1; décision de la Commission nº 67/94, art. 1er, § 2)

1.     Il découle des articles 1er et 2, paragraphe 1, de la décision nº 2424/88, relative à la défense contre des importations qui font l'objet d'un dumping ou de subventions de la part de pays non membres de la Communauté européenne du charbon et de l'acier, que les règles antidumping visent à assurer la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping ou de subventions et qu’un droit antidumping peut être appliqué à tout produit faisant l’objet d’un dumping lorsque sa mise en libre pratique dans la Communauté cause un préjudice. Au regard de ces dispositions, l’application d’une mesure antidumping suppose donc une introduction de marchandises sur le marché communautaire causant un préjudice à l’industrie communautaire. La législation antidumping ne concerne pas une vente de marchandises en tant que telle, tant que ces marchandises ne sont pas effectivement exportées à destination du territoire douanier de la Communauté ni mises en libre pratique dans la Communauté. En effet, les droits antidumping visent à neutraliser la marge de dumping résultant de la différence entre le prix à l’exportation à destination de la Communauté et la valeur normale du produit, et à annuler ainsi les effets préjudiciables de l’importation des marchandises concernées dans la Communauté. Ainsi, l’objectif des règles antidumping n’implique pas, en principe, de prélever un droit antidumping établi sur la base du prix fixé dans le cadre d’une vente précédente des marchandises concernées si le prix effectivement payé ou à payer par le déclarant est égal ou supérieur au prix minimal prévu par la mesure antidumping.

(cf. points 39-41)

2.     Conformément à l’article 1er, paragraphe 2, de la décision nº 67/94, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations dans la Communauté de fonte brute hématite originaire du Brésil, de Pologne, de Russie et d’Ukraine, les autorités douanières ne peuvent pas déterminer la valeur en douane pour l’application du droit antidumping instauré par ladite décision sur la base du prix fixé pour les marchandises concernées dans le cadre d’une vente antérieure à celle pour laquelle a été faite la déclaration en douane lorsque le prix déclaré correspond au prix effectivement payé ou à payer par l’importateur. En effet, par l’ajout du terme «déclarée» à la notion de valeur en douane, cette disposition met en exergue que la base pour appliquer un droit antidumping est non la valeur en douane en tant que telle, mais la valeur en douane déclarée par l’importateur. Il s'ensuit que les prix des ventes précédant celle dont le prix a été retenu par l’importateur pour opérer la déclaration en douane ne peuvent pas être pris en considération pour l’application d’un droit antidumping.

En revanche, lorsque les autorités douanières sont fondées à douter de la véracité de la valeur déclarée, si leurs doutes sont confirmés après avoir demandé des renseignements complémentaires et après avoir donné à la personne concernée une possibilité raisonnable de faire valoir son point de vue à l’égard des motifs sur lesquels ces doutes sont fondés, sans qu’il ait été permis d’établir le prix réellement payé ou à payer, elles peuvent, conformément à l’article 31 du règlement nº 2913/92, établissant le code des douanes communautaire, calculer la valeur en douane pour l’application du droit antidumping instauré par la décision nº 67/94 par référence au prix qui a été convenu pour les marchandises concernées dans le cadre de la vente antérieure la plus proche de celle pour laquelle a été faite la déclaration en douane et dont elles n’auraient aucune raison objective de douter de la véracité. En effet, d'une part, en cas de pareil doute, les autorités douanières ne doivent pas nécessairement déterminer la valeur en douane sur la base de la méthode de la valeur transactionnelle et peuvent rejeter le prix déclaré si ces doutes persistent après avoir éventuellement demandé la fourniture de toute information ou de tout document complémentaire et après avoir donné à la personne concernée une occasion raisonnable de faire valoir son point de vue. D'autre part, compte tenu de la particularité d’un droit antidumping variable, la référence au prix fixé dans le cadre d'une vente antérieure à celle pour laquelle la déclaration en douane a été faite constitue un moyen de déterminer la valeur en douane qui est, à la fois, «raisonnable» au sens de l'article 31, paragraphe 1, du règlement nº 2913/92 et compatible avec les principes et les dispositions générales des accords internationaux ainsi que des dispositions auxquelles se réfère ce même article 31, paragraphe 1.

(cf. points 33, 49, 52, 61, 63-64 et disp.)







ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

28 février 2008 (*)

«Politique commerciale commune – Défense contre les pratiques de dumping – Droit antidumping – Fonte brute hématite originaire de Russie – Décision n° 67/94/CECA – Détermination de la valeur en douane pour l’application d’un droit antidumping variable – Valeur transactionnelle – Ventes successives effectuées à des prix différents – Possibilité pour l’autorité douanière de prendre en considération le prix relatif à une vente de marchandises précédant celle sur la base de laquelle la déclaration en douane a été faite»

Dans l’affaire C‑263/06,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par la Corte suprema di cassazione (Italie), par décision du 30 mars 2006, parvenue à la Cour le 16 juin 2006, dans la procédure

Carboni e derivati Srl

contre

Ministero dell’Economia e delle Finanze,

Riunione Adriatica di Sicurtà SpA,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président de chambre, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. E. Juhász, J. Malenovský et T. von Danwitz (rapporteur), juges,

avocat général: M. J. Mazák,

greffier: M. R. Grass,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

–       pour le gouvernement italien, par M. I. M. Braguglia, en qualité d’agent, assisté de M. G. Albenzio, avvocato dello Stato,

–       pour la Commission des Communautés européennes, par Mmes E. Righini et J. Hottiaux, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 11 septembre 2007,

rend le présent

Arrêt

1       La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 1er de la décision n° 67/94/CECA de la Commission, du 12 janvier 1994, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations dans la Communauté de fonte brute hématite originaire du Brésil, de Pologne, de Russie et d’Ukraine (JO L 12, p. 5), lu conjointement avec les articles 29 à 31 du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO L 302, p. 1, ci-après le «code des douanes communautaire»).

2       Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Carboni e derivati Srl (ci-après «Carboni») au Ministero dell’Economia e delle Finanze (ministère de l’Économie et des Finances, ci-après le «Ministero») ainsi qu’à Riunione Adriatica di Sicurtà SpA (ci-après «RAS») au sujet de la détermination de la valeur en douane d’un lot de fonte hématite originaire de Russie importé dans la Communauté européenne, aux fins de l’application d’un droit antidumping variable instauré par la décision n° 67/94.

 Le cadre juridique

 La réglementation antidumping de base et la réglementation antidumping spécifique

3       La décision n° 2424/88/CECA de la Commission, du 29 juillet 1988, relative à la défense contre des importations qui font l’objet d’un dumping ou de subventions de la part de pays non membres de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (JO L 209, p. 18, ci-après la «décision de base»), dispose à ses articles 1er, 2 et 13:

«Article premier

Champ d’application

La présente décision établit les dispositions applicables à la défense contre les importations qui font l’objet de dumping ou de subventions de la part de pays non membres de la Communauté européenne du charbon et de l’acier.

Article 2

Dumping

A. PRINCIPE

1.      Peut être soumis à un droit antidumping tout produit faisant l’objet d’un dumping lorsque sa mise en libre pratique dans la Communauté cause un préjudice.

2.      Un produit est considéré comme faisant l’objet d’un dumping lorsque son prix à l’exportation vers la Communauté est inférieur à la valeur normale d’un produit similaire.

[...]

Article 13

Dispositions générales en matière de droits

[...]

2.      Ces mesures indiquent en particulier le montant et le type du droit institué, le produit concerné, le pays d’origine ou d’exportation, le nom du fournisseur si cela est possible et les motifs sur lesquels ils se fondent.

3.      Le montant de ces droits provisoirement estimés ou définitivement établis ne peut dépasser la marge de dumping ou le montant de la subvention; il devrait être moindre si ce droit moindre suffisait à faire disparaître le préjudice.

[...]»

4       Le 12 janvier 1994, la Commission des Communautés européennes a adopté la décision n° 67/94 sur le fondement de l’article 11 de la décision de base, lequel prévoit notamment la possibilité d’instaurer des droits antidumping provisoires. Les soixante-quatrième à soixante-septième considérants de la décision n° 67/94 sont libellés comme suit:

«(64) La Commission a calculé le niveau de prix auquel ces importations cesseraient de causer un préjudice important à l’industrie communautaire. […]

(65)      La Commission estime que les mesures devraient non seulement rétablir une concurrence loyale sur le marché de la fonte hématite, mais qu’elles devraient en même temps permettre également aux pays exportateurs d’obtenir un meilleur rendement de leurs exportations du produit concerné.

(66)      La Commission considère que, dans ce cas particulier, l’introduction d’un prix minimal est une mesure plus appropriée que toute autre pour atteindre ces objectifs.

(67)      La Commission a établi que, étant donné que le prix à l’importation minimal jugé nécessaire pour supprimer les effets préjudiciables du dumping est, dans chaque cas, inférieur à la valeur normale établie pour les sociétés concernées, le droit antidumping provisoire prévu à l’article 13 paragraphe 3 de la décision n° 2424/88/CECA n’est pas supérieur aux marges de dumping établies.»

5       L’article 1er de la décision n° 67/94 dispose:

«1.      Il est institué un droit antidumping provisoire sur les importations de fonte brute hématite relevant du code NC 7201 10 19, originaire du Brésil, de Pologne, de Russie et d’Ukraine.

2.      Le montant du droit est égal à la différence entre le prix de 149 écus par tonne (prix caf non dédouané) et la valeur déclarée en douane dans tous les cas où cette dernière est inférieure au prix à l’importation minimal.

3.      Les dispositions en vigueur en matière de droits de douane sont applicables.

[…]»

6       Le droit antidumping provisoire instauré par la décision n° 67/94 a été confirmé par la décision n° 1751/94/CECA de la Commission, du 15 juillet 1994, instituant un droit antidumping définitif sur les importations dans la Communauté de fonte brute hématite originaire du Brésil, de Pologne, de Russie et d’Ukraine (JO L 182, p. 37). L’article 1er, paragraphe 2, de celle-ci dispose:

«Le montant [dudit] droit est égal à la différence entre le prix de 149 écus par tonne et la valeur en douane admise (franco frontière communautaire) dans tous les cas où cette valeur est inférieure au prix susmentionné.»

 Le code des douanes communautaire et les dispositions d’application de celui-ci

7       Le code des douanes communautaire dispose à ses articles 28 à 31:

«Article 28

Les dispositions du présent chapitre déterminent la valeur en douane pour l’application du tarif douanier des Communautés européennes ainsi que des mesures autres que tarifaires établies par des dispositions communautaires spécifiques dans le cadre des échanges des marchandises.

Article 29

1.      La valeur en douane des marchandises importées est leur valeur transactionnelle, c’est-à-dire le prix effectivement payé ou à payer pour les marchandises lorsqu’elles sont vendues pour l’exportation à destination du territoire douanier de la Communauté, le cas échéant, après ajustement effectué conformément aux articles 32 et 33 pour autant:

[...]

d)      que l’acheteur et le vendeur ne soient pas liés ou, s’ils le sont, que la valeur transactionnelle soit acceptable, à des fins douanières, en vertu du paragraphe 2.

2.       a)     Pour déterminer si la valeur transactionnelle est acceptable aux fins de l’application du paragraphe 1, le fait que l’acheteur et le vendeur sont liés ne constitue pas en soi un motif suffisant pour considérer la valeur transactionnelle comme inacceptable. Si nécessaire, les circonstances propres à la vente sont examinées, et la valeur transactionnelle admise pour autant que ces liens n’ont pas influencé le prix. Si, compte tenu des renseignements fournis par le déclarant ou obtenus d’autres sources, les autorités douanières ont des motifs de considérer que les liens ont influencé le prix, elles communiquent leurs motifs au déclarant et lui donnent une possibilité raisonnable de répondre. Si le déclarant le demande, les motifs lui sont communiqués par écrit.

[...]

Article 30

1.      Lorsque la valeur en douane ne peut être déterminée par application de l’article 29, il y a lieu de passer successivement aux lettres a), b), c) et d) du paragraphe 2 […]

2.      Les valeurs en douane déterminées par application du présent article sont les suivantes:

a)      valeur transactionnelle de marchandises identiques, […]

b)      valeur transactionnelle de marchandises similaires, […]

c)      valeur fondée sur le prix unitaire correspondant aux ventes dans la Communauté des marchandises importées ou de marchandises identiques ou similaires importées totalisant la quantité la plus élevée, ainsi faites à des personnes non liées aux vendeurs;

d)      valeur calculée, […]

Article 31

1.      Si la valeur en douane des marchandises importées ne peut être déterminée par application des articles 29 et 30, elle est déterminée, sur la base des données disponibles dans la Communauté, par des moyens raisonnables compatibles avec les principes et les dispositions générales:

–       de l’accord relatif à la mise en œuvre de l’article VII de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce,

–       de l’article VII de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce

et

–       des dispositions du présent chapitre.

2.      La valeur en douane déterminée par application du paragraphe 1 ne se fonde pas:

[...]

b)      sur un système prévoyant l’acceptation, à des fins douanières, de la plus élevée de deux valeurs possibles;

[...]

g)      sur des valeurs arbitraires ou fictives.»

8       Le règlement (CEE) n° 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du règlement n° 2913/92 (JO L 253, p. 1, ci-après le «règlement d’application»), comporte une annexe 23, intitulée «Notes interprétatives en matière de valeur en douane». Le point 2 des notes de cette annexe relatives à l’article 31, paragraphe 1, du code des douanes communautaire dispose:

«Les méthodes d’évaluation à employer en vertu de l’article 31 paragraphe 1 [de ce code] devraient être celles que définissent les articles 29 à 30 paragraphe 2 [de celui-ci] inclus, mais une souplesse raisonnable dans l’application de ces méthodes serait conforme aux objectifs et aux dispositions de l’article 31 paragraphe [1].»

9       Par ce règlement, la Commission a instauré un ensemble de dispositions d’application du code des douanes communautaire. En particulier, l’article 147, paragraphe 1, dudit règlement, tel qu’il était en vigueur au mois de juin 1994, soit au moment de l’importation du lot de fonte hématite en provenance de Russie qui est à l’origine de l’affaire au principal, précisait:

«Aux fins de l’article 29 du code [des douanes communautaire], le fait que les marchandises faisant l’objet d’une vente sont déclarées pour la mise en libre pratique doit être considéré comme une indication suffisante qu’elles ont été vendues en vue de l’exportation à destination du territoire douanier de la Communauté. Cette indication subsiste également en cas de ventes successives avant l’évaluation, chacun des prix résultant de ces ventes pouvant être pris comme base d’évaluation sous réserve des dispositions des articles 178 à 181.»

10     Les articles 178 à 181 du règlement d’application concernent la déclaration des éléments et la fourniture des documents relatifs à la valeur en douane. Le règlement (CE) nº 3254/94 de la Commission, du 19 décembre 1994, modifiant le règlement n° 2454/93 (JO L 346, p. 1), a ajouté au règlement d’application l’article 181 bis, qui dispose:

«1.      Les autorités douanières ne doivent pas nécessairement déterminer la valeur en douane des marchandises importées sur la base de la méthode de la valeur transactionnelle si, conformément à la procédure décrite au paragraphe 2, elles ne sont pas convaincues, sur la base de doutes fondés, que la valeur déclarée représente le montant total payé ou à payer défini à l’article 29 du code [des douanes communautaire].

2.      Lorsque les autorités douanières ont des doutes tels que visés au paragraphe 1, elles peuvent demander des informations complémentaires conformément à l’article 178 paragraphe 4. Si ces doutes persistent, les autorités douanières doivent, avant de prendre une décision définitive, informer la personne concernée, par écrit si la demande leur en est faite, des motifs sur lesquels ces doutes sont fondés et lui donner une occasion raisonnable de répondre. La décision finale ainsi que les motifs y afférents sont communiqués à la personne concernée par écrit.»

 Le litige au principal et la question préjudicielle

11     Dans le courant du mois de mai 1994, Carboni a acquis de Commercio Materie Prime CMP SpA (ci-après «CMP»), ayant son siège à Gênes (Italie), un lot de fonte hématite d’origine russe que CMP avait elle-même acquis de OME-DTECH Electronics LTD (ci-après «OME-DTECH»), ayant son siège à Limassol (Chypre). Dans le courant du mois de juin 1994, l’agent en douane de Carboni, SPA‑MAT Srl, a présenté à la douane de Molfetta (Italie), pour le compte de Carboni, la déclaration relative à l’importation de ce lot, dont la valeur était déclarée sur une base de 151 écus par tonne, qui a été dédouané dans ce port après paiement des droits de douane, acquittés le 14 juin 1994.

12     Par procès-verbal de constat du 16 juillet 1994, les autorités douanières ont notifié à Carboni, par le truchement de SPA‑MAT Srl, que le montant liquidé devait être majoré, conformément à la décision n° 67/94, d’un droit antidumping égal à la différence entre le prix de 149 écus par tonne et la valeur en douane, ces autorités contestant la véracité de la valeur déclarée.

13     Carboni a fourni la garantie fidéjussoire pour le paiement de la somme exigée à titre de droit antidumping par le garant, à savoir RAS, mais elle a introduit un recours devant le Tribunale di Bari (tribunal de Bari) contre le Ministero et RAS, contestant le bien-fondé de la réclamation d’un droit antidumping ainsi que, par voie de conséquence, la nécessité d’opérer le dépôt d’une garantie.

14     Carboni a notamment fait valoir que le prix de 151 écus par tonne indiqué sur la facture délivrée par CMP était supérieur au prix à l’importation minimal (149 écus par tonne), de sorte qu’il n’y avait pas lieu de percevoir un droit antidumping.

15     Pour sa part, le Ministero a soutenu que la déclaration d’importation était assortie d’un certificat d’origine non valable et que le prix mentionné sur la facture pro forma de CMP était peu digne de foi. À cet égard, il a révélé que la facture relative à la vente précédente, émise par OME-DTECH, mentionnait un prix de vente à CMP de 130,983 écus par tonne, faisant apparaître une différence négative par rapport au prix à l’importation minimal fixé par la décision n° 67/94.

16     Le recours de Carboni a été rejeté par jugement du Tribunale di Bari du 30 septembre 2000, notamment au motif que la défense du marché européen par l’instauration d’un droit antidumping devait être mise en œuvre à l’entrée dans la Communauté, c’est-à-dire au moment de la première acquisition par un opérateur communautaire.

17     Carboni a interjeté appel de ce jugement devant la Corte d’appello di Bari (cour d’appel de Bari), qui l’a rejeté comme non fondé. Selon cette juridiction, par «mise en libre pratique» au sens de l’article 201 du code des douanes communautaire, il faut entendre l’introduction de la marchandise sur le marché communautaire, ce qui impose de prendre en considération la phase commerciale d’acquisition de la marchandise par le premier opérateur communautaire. En effet, dans le cas contraire, la réglementation antidumping pourrait aisément être contournée.

18     Carboni a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt devant la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation). Dans le cadre de ce pourvoi, Carboni a notamment fait valoir, d’une part, que la mise en libre pratique n’a lieu qu’au moment de l’entrée de la marchandise dans le territoire douanier de la Communauté, et non lorsqu’elle est simplement acquise par un sujet communautaire dans un État situé en dehors de la Communauté. Le droit antidumping aurait en effet pour fonction non de sanctionner l’État producteur pour l’empêcher d’exporter à un prix déterminé, mais d’éviter qu’une marchandise vendue à perte n’entre sur le marché communautaire, en produisant des effets négatifs sur la concurrence.

19     D’autre part, Carboni s’est référée à l’article 1er, paragraphe 2, de la décision n° 1751/94 ainsi qu’à l’article 29, paragraphe 1, premier alinéa, partie introductive, du code des douanes communautaire, lequel dispose que «la valeur en douane des marchandises importées est leur valeur transactionnelle, c’est-à-dire le prix effectivement payé». Carboni en a conclu que, en l’absence de réserves concernant le caractère véridique de la facture d’acquisition émise par CMP, le montant payé par CMP ne serait pas pertinent, la différence de prix entre les deux ventes étant justifiée par divers facteurs, à savoir la rémunération de l’activité d’intermédiation, les coûts de transports et la prise en charge des risques.

20     Selon le Ministero, la ratio legis de la réglementation antidumping conduit à considérer que le préjudice porté au marché communautaire ne survient pas uniquement au moment de l’entrée concrète sur le territoire douanier communautaire de marchandises vendues à perte, mais aussi dans le cas de figure où un opérateur communautaire acquiert lesdites marchandises à un prix inférieur à celui que doivent payer d’autres opérateurs communautaires.

21     La Corte suprema di cassazione s’interroge sur le point de savoir si les autorités douanières peuvent retenir, comme assiette pour l’application d’un droit antidumping, la valeur correspondant au prix fixé pour la marchandise concernée dans le cadre d’une vente précédant celle sur la base de laquelle a été faite la déclaration en douane ou, en d’autres termes, si le moment déterminant est celui de la vente conclue en vue de l’exportation vers le territoire douanier communautaire, indépendamment de la présentation en douane.

22     En effet, la Corte suprema di cassazione estime qu’il convient de déterminer si, à la liberté de l’opérateur de choisir, aux fins de la détermination de la valeur en douane, le prix payé pour les marchandises concernées lors d’une transaction précédant celle sur la base de laquelle est intervenue la déclaration en douane correspond un pouvoir identique dans le chef de l’administration douanière.

23     Après avoir constaté que le point de droit soulevé dans le cadre de l’affaire au principal n’avait pas encore été tranché par la Cour, la Corte suprema di cassazione a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Au regard des principes du droit douanier communautaire, l’autorité douanière a-t-elle la possibilité, aux fins de l’application d’un droit antidumping tel que celui instauré par la décision n° 67/94 [...], de se référer au prix d’une vente relative aux mêmes marchandises antérieure à celle sur la base de laquelle a été faite la déclaration en douane lorsque l’acheteur est un sujet communautaire ou, en tout état de cause, que la vente a eu lieu aux fins de l’importation dans la Communauté?»

 Sur la question préjudicielle

24     Par la question posée, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, pour l’application du droit antidumping instauré par la décision n° 67/94, les règles de la législation douanière communautaire pertinentes permettent aux autorités douanières de déterminer la valeur en douane sur la base du prix fixé pour les mêmes marchandises dans le cadre d’une vente antérieure à celle pour laquelle la déclaration en douane a été faite.

25     Pour répondre à cette question, il convient, dans un premier temps, de déterminer si les autorités douanières peuvent, de façon générale, se référer, pour l’application du droit antidumping instauré par ladite décision, au prix fixé pour les mêmes marchandises dans le cadre d’une vente antérieure, même si le prix déclaré correspond au prix effectivement payé ou à payer par l’importateur. En cas de réponse négative, il conviendrait, dans un second temps, de vérifier si les autorités douanières disposent au moins de cette faculté au cas par cas, lorsqu’elles contestent la véracité du prix mentionné dans la déclaration en douane.

 Sur la faculté, pour les autorités douanières, de se référer à une vente antérieure pour l’application du droit antidumping instauré par la décision n° 67/94 lorsque le prix déclaré correspond au prix effectivement payé ou à payer par l’importateur

26     Pour répondre à la question de savoir si les autorités douanières peuvent, pour l’application du droit antidumping instauré par la décision n° 67/94, se référer au prix qui a été fixé pour les marchandises concernées dans le cadre d’une vente antérieure même si le prix déclaré correspond au prix effectivement payé ou à payer par l’importateur, il y a lieu d’interpréter la notion de «valeur déclarée en douane» au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de la décision n° 67/94.

27     Il importe, tout d’abord, de relever que les termes «valeur […] en douane» correspondent à la valeur en douane des marchandises importées telle que celle-ci est définie dans le cadre de la réglementation douanière (voir, par analogie, arrêt du 29 mai 1997, ICT, C‑93/96, Rec. p. I‑2881, point 14). Eu égard à l’époque des faits au principal, il convient de se référer à l’article 29, paragraphe 1, du code des douanes communautaire, qui définit ces termes comme correspondant à la «valeur transactionnelle, c’est-à-dire le prix effectivement payé ou à payer pour les marchandises lorsqu’elles sont vendues pour l’exportation à destination du territoire douanier de la Communauté», le cas échéant après ajustement effectué conformément aux autres dispositions pertinentes du code des douanes communautaire.

28     Ledit article 29, paragraphe 1, précise que la valeur en douane ne concerne que les marchandises «vendues pour l’exportation à destination du territoire douanier de la Communauté». Il en résulte qu’il doit être établi, au moment de la vente, que les marchandises, originaires d’un État tiers, seront acheminées vers le territoire douanier de la Communauté [voir, par analogie, s’agissant de l’article 3, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 1224/80 du Conseil, du 28 mai 1980, relatif à la valeur en douane des marchandises (JO L 134, p. 1), disposition en substance identique à l’article 29, paragraphe 1, du code des douanes communautaire, arrêt du 6 juin 1990, Unifert, C‑11/89, Rec. p. I‑2275, point 11].

29     Aux termes de l’article 147, paragraphe 1, première phrase, du règlement d’application, le fait que les marchandises faisant l’objet d’une vente sont déclarées pour la mise en libre pratique doit être considéré comme une indication suffisante que la condition susmentionnée est remplie. La seconde phrase du paragraphe 1 dudit article 147, dans la version applicable à l’époque des faits au principal, précisait que cette indication subsiste également en cas de ventes successives avant l’évaluation.

30     Ainsi, en cas de ventes successives, des prix correspondant à des ventes réalisées après l’exportation, mais avant la mise en libre pratique dans la Communauté, peuvent être pris en considération aux fins de déterminer la «valeur transactionnelle» au sens de l’article 29, paragraphe 1, du code des douanes communautaire (voir, par analogie, arrêt Unifert, précité, point 13).

31     Il en résulte que, en cas de ventes successives de marchandises en vue de leur importation vers le territoire douanier de la Communauté, l’importateur est libre de choisir, parmi les prix convenus pour chacune de ces ventes, celui qu’il retiendra comme base pour déterminer la valeur en douane des marchandises concernées, à condition qu’il soit en mesure de fournir, à l’égard du prix qu’il choisit, tous les éléments et les documents nécessaires aux autorités douanières (voir, par analogie, arrêt Unifert, précité, points 16 et 21).

32     Il convient ensuite, partant de ces clarifications concernant la signification de ladite notion de «valeur [...] en douane», qui renvoie à la réglementation douanière et ouvre ainsi à l’importateur la faculté de choix décrite au point précédent, de déterminer la signification de l’ajout à cette notion du terme «déclarée» pour répondre à la question de la Corte suprema di cassazione de savoir si l’administration douanière dispose également d’une faculté de choix lui permettant de retenir le prix d’une vente antérieure comme assiette pour l’application d’un droit antidumping.

33     Par l’ajout du terme «déclarée», l’article 1er, paragraphe 2, de la décision n° 67/94 met en exergue que la base pour appliquer un droit antidumping est non la valeur en douane en tant que telle, mais la valeur en douane déclarée par l’importateur. Il résulte donc de ladite disposition que les prix des ventes précédant celle dont le prix a été retenu par l’importateur pour opérer la déclaration en douane ne peuvent pas être pris en considération pour l’application d’un droit antidumping. Il apparaît ainsi que le libellé même de l’article 1er, paragraphe 2, de la décision n° 67/94 s’oppose à l’existence, dans le chef des autorités douanières, d’une faculté de choisir le prix de la première vente servant comme base de la valeur en douane pour déterminer un droit antidumping.

34     Toutefois, le gouvernement italien soutient que, dans l’affaire au principal, les autorités douanières pouvaient déterminer le droit de douane sur la base de la vente de fonte brute hématite de OME‑DTECH à CMP, cette dernière entreprise étant elle-même un opérateur communautaire. La Commission, pour sa part, tout en admettant que le libellé de la décision n° 67/94 ne laisse aucune possibilité de calculer le droit variable autrement que sur la base du prix relatif à la dernière transaction présenté dans la déclaration en douane, relève que l’objectif d’une mesure antidumping fondée sur la fixation d’un prix à l’importation minimal peut être aisément contourné et qu’il existe une «certaine tension» dans l’utilisation du prix fixé dans le cadre de la dernière vente pour les objectifs, d’une part, du droit douanier et, d’autre part, de droits antidumping variables fondés sur un prix à l’importation minimal.

35     À cet égard, il y a lieu de rappeler que le libellé de l’article 1er, paragraphe 2, de la décision n° 67/94 prévoit expressément et sans ambiguïté que le point de référence pour déterminer un droit antidumping est la valeur déclarée en douane. Ainsi, il convient d’établir, d’abord, si les arguments avancés par le gouvernement italien et par la Commission sont fondés et, le cas échéant, s’ils sont de nature à remettre en cause le résultat imposé par le libellé de l’article 1er, paragraphe 2, de la décision n° 67/94.

36     S’agissant, en premier lieu, de l’argument du gouvernement italien relatif au libellé de l’article 1er, paragraphe 2, de la décision n° 1751/94, instituant un droit antidumping définitif, il convient de considérer que les termes «valeur en douane admise» figurant à cette disposition visent à exprimer la simple évidence que le prix indiqué par le déclarant ne s’impose pas en tant que tel pour la détermination d’un droit antidumping.

37     En effet, l’article 29, paragraphe 1, du code des douanes communautaire prévoit que la valeur en douane, c’est-à-dire la valeur transactionnelle, est soumise, le cas échéant, à un ajustement effectué conformément aux articles 32 et 33 du même code. En outre, comme il ressort, par exemple, de l’article 29, paragraphes 1, sous d), et 2, dudit code, les autorités douanières sont habilitées à examiner le prix indiqué par le déclarant et à le refuser, le cas échéant. Partant, les termes de l’article 1er, paragraphe 2, de la décision n° 1751/94 ne comportent aucun indice remettant en cause le résultat imposé par le libellé de l’article 1er, paragraphe 2, de la décision n° 67/94.

38     En deuxième lieu, le gouvernement italien soutient qu’il convient de tenir compte des objectifs des règles antidumping et, à cette fin, de considérer l’ensemble des étapes d’une vente successive, en écartant une approche trop formaliste. En cas de ventes successives d’où résulte la mise en libre pratique d’une marchandise, les différentes ventes intervenues en vue de l’importation sur le territoire douanier de la Communauté devraient être considérées comme des stades préliminaires à cette importation, de sorte que le moment à prendre en considération pour déterminer la valeur en douane pour l’application d’un droit antidumping correspondrait nécessairement à celui de la première acquisition de la marchandise par un opérateur communautaire, étant le moment où cette marchandise est entrée dans le «circuit communautaire».

39     Comme l’a relevé à juste titre M. l’avocat général aux points 56 à 58 de ses conclusions, il découle des articles 1er et 2, paragraphe 1, de la décision de base que les règles antidumping visent à assurer la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping ou de subventions et qu’un droit antidumping peut être appliqué à tout produit faisant l’objet d’un dumping lorsque sa mise en libre pratique dans la Communauté cause un préjudice.

40     Au regard de ces dispositions, l’application d’une mesure antidumping suppose donc une introduction de marchandises sur le marché communautaire causant un préjudice à l’industrie communautaire. La législation antidumping ne concerne pas une vente de marchandises en tant que telle, comme, dans l’affaire au principal, la première vente de fonte brute hématite de OME‑DTECH à CMP, tant que ces marchandises ne sont pas effectivement exportées à destination du territoire douanier de la Communauté ni mises en libre pratique dans la Communauté. En effet, les droits antidumping visent à neutraliser la marge de dumping résultant de la différence entre le prix à l’exportation à destination de la Communauté et la valeur normale du produit, et à annuler ainsi les effets préjudiciables de l’importation des marchandises concernées dans la Communauté. Comme il ressort des soixante-quatrième et soixante-septième considérants de la décision n° 67/94, dans le cas de la fonte brute hématite, le prix minimal de 149 écus par tonne représente le niveau de prix auquel ces importations cessent de causer un préjudice important à l’industrie communautaire.

41     Ainsi, l’objectif des règles antidumping n’implique pas, en principe, de prélever un droit antidumping établi sur la base du prix fixé dans le cadre d’une vente précédente des marchandises concernées si le prix effectivement payé ou à payer par le déclarant est égal ou supérieur au prix minimal prévu par la mesure antidumping.

42     Le gouvernement italien soutient toutefois, plus précisément, qu’il découle de l’objectif de la décision n° 67/94 que, dans le cas de ventes successives en vue de l’importation sur le territoire de la Communauté d’où résulte la mise en libre pratique, la première acquisition de la marchandise par un opérateur communautaire est déterminante pour l’application du droit antidumping. En effet, le préjudice causé au marché communautaire découlerait non seulement de l’entrée concrète sur le territoire douanier de la Communauté de marchandises à vil prix, mais également du fait qu’un opérateur économique communautaire est favorisé par rapport aux autres opérateurs communautaires en acquérant lesdites marchandises à un prix inférieur à celui payé par ces derniers.

43     Cette argumentation présuppose que l’objectif poursuivi par la décision n° 67/94 pourrait être contourné en cas de ventes successives, même si, comme dans l’affaire au principal, le prix de la dernière vente, au stade de laquelle la mise en libre pratique a lieu, est supérieur au prix à l’importation minimal.

44     À cet égard, il convient d’observer que le seul fait qu’un opérateur économique communautaire puisse être favorisé par rapport à d’autres opérateurs communautaires en acquérant des marchandises à un prix inférieur à celui payé par ces derniers ne porte pas atteinte à l’objectif de la décision n° 67/94. En effet, celui-ci consiste non à prélever les bénéfices éventuels des importateurs, mais, comme il ressort du soixante-quatrième considérant de ladite décision, à éviter que l’industrie communautaire, à savoir les producteurs, ne subisse un préjudice important.

45     En troisième et dernier lieu, le gouvernement italien, appuyé par la Commission, fait valoir que le droit antidumping variable instauré par la décision n° 67/94 est susceptible d’être facilement contourné, notamment au moyen d’une compensation transversale de prix, appliquée sur d’autres produits, ou par la déclaration de prix artificiellement majorés.

46     À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 13, paragraphe 2, de la décision de base, les mesures instituant un droit antidumping indiquent en particulier le montant et le type du droit institué ainsi que certains autres éléments. Il résulte de cette disposition que les institutions sont libres de choisir, dans les limites de leur marge d’appréciation, entre les différents types de droit (voir arrêt du 11 juillet 1990, Neotype Techmashexport/Commission et Conseil, C‑305/86 et C‑160/87, Rec. p. I‑2945, point 58). Ainsi, dans le cas de la fonte brute hématite originaire des États visés par la décision n° 67/94, la Commission disposait de la faculté d’introduire un droit spécifique, éventuellement en association avec un droit variable, moins susceptible d’être contourné [voir, s’agissant du règlement (CEE) n° 3068/92 du Conseil, du 23 octobre 1992, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de chlorure de potassium originaires du Bélarus, de Russie et d’Ukraine (JO L 308, p. 41), tel que modifié par le règlement (CE) n° 643/94 du Conseil, du 21 mars 1994 (JO L 80, p. 1), arrêt du Tribunal du 29 septembre 2000, International Potash Company/Conseil, T‑87/98, Rec. p. II‑3179, points 43 à 48]. Or, comme l’indique le soixante-sixième considérant de la décision n° 67/94, la Commission a décidé, en faisant usage de sa marge d’appréciation, que, dans le cas visé par cette décision, «l’introduction d’un prix minimal est une mesure plus appropriée que toute autre pour atteindre» les objectifs poursuivis par ladite décision.

47     Étant donné qu’un droit variable est susceptible d’être facilement contourné et qu’une telle pratique peut être évitée par l’introduction d’un droit spécifique ou d’une combinaison d’un droit variable et d’un droit spécifique, la circonstance que la Commission a décidé de recourir malgré tout, par la décision n° 67/94, à un droit variable ne saurait justifier en soi d’abandonner, d’une manière générale, au détriment des importateurs, la détermination du droit antidumping sur la base de la valeur déclarée en douane, comme prévu par cette décision.

48     Au vu de tout ce qui précède, les arguments avancés par le gouvernement italien et par la Commission ne permettent pas de remettre en cause le résultat imposé expressément et sans ambiguïté par le libellé de l’article 1er, paragraphe 2, de la décision n° 67/94 (voir, par analogie, arrêt du 8 décembre 2005, BCE/Allemagne, C‑220/03, Rec. p. I‑10595, point 31).

49     Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, conformément à l’article 1er, paragraphe 2, de la décision n° 67/94, les autorités douanières ne peuvent pas déterminer la valeur en douane pour l’application du droit antidumping instauré par cette décision sur la base du prix fixé pour les marchandises concernées dans le cadre d’une vente antérieure à celle pour laquelle a été faite la déclaration en douane lorsque le prix déclaré correspond au prix effectivement payé ou à payer par l’importateur.

 Sur la faculté, pour les autorités douanières, de se référer à une vente antérieure pour l’application du droit antidumping instauré par la décision n° 67/94 lorsqu’elles contestent la véracité du prix indiqué dans la déclaration en douane

50     Pour déterminer si les autorités douanières peuvent se référer, pour l’application d’un droit antidumping en vertu de la décision n° 67/94, au prix fixé dans le cadre d’une vente antérieure à celle pour laquelle a été faite la déclaration en douane lorsqu’elles contestent la véracité du prix indiqué dans cette déclaration, il convient d’examiner les dispositions pertinentes du règlement d’application et les articles 29 à 31 du code des douanes communautaire en tenant compte des spécificités d’un droit antidumping variable.

51     À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon l’article 1er, paragraphe 3, de la décision n° 67/94, les dispositions en vigueur en matière de droits de douane sont applicables.

52     Il convient de souligner, dans ce contexte, que l’article 181 bis du règlement d’application, introduit par le règlement nº 3254/94, prévoit que, lorsque les autorités douanières sont fondées à douter que la valeur déclarée représente le montant total payé ou à payer, elles ne doivent pas nécessairement déterminer la valeur en douane sur la base de la méthode de la valeur transactionnelle et peuvent rejeter le prix déclaré si ces doutes persistent après avoir éventuellement demandé la fourniture de toute information ou de tout document complémentaire et après avoir donné à la personne concernée une occasion raisonnable de faire valoir son point de vue à l’égard des motifs sur lesquels lesdits doutes sont fondés.

53     Bien que cette disposition du règlement d’application ne fût pas encore en vigueur lorsque les marchandises en cause au principal ont été déclarées, elle codifie, selon les informations fournies par la Commission, une pratique douanière courante au niveau tant international que communautaire telle que celle-ci était appliquée à l’époque des faits au principal. De plus, l’article 29, paragraphe 2, sous a), du code des douanes communautaire prévoit les mêmes exigences procédurales lorsque les autorités douanières ont des motifs de considérer que des liens entre l’acheteur et le vendeur ont influencé le prix. Ainsi, il y a lieu de conclure que ces exigences procédurales sont inhérentes au système d’évaluation.

54     En se référant à l’article 181 bis du règlement d’application ainsi qu’à la pratique douanière susmentionnée, la Commission estime que les autorités douanières italiennes étaient en droit de retenir le prix qui avait été fixé dans le cadre d’une vente antérieure à celle sur la base de laquelle la valeur en douane a été déclarée.

55     Il y a lieu de relever que l’article 181 bis du règlement d’application se borne à énoncer que les autorités douanières «ne doivent pas nécessairement déterminer la valeur en douane […] sur la base de la méthode de la valeur transactionnelle», mais ne précise pas quelle autre valeur doit, dans ce cas, être substituée à la valeur transactionnelle.

56     Conformément aux articles 30 et 31 du code des douanes communautaire, qui sont applicables au droit antidumping instauré par la décision n° 67/94 en vertu de l’article 1er, paragraphe 3, de celle-ci, si la valeur en douane des marchandises importées ne peut être déterminée par application de l’article 29 de ce code, elle doit l’être par application, en premier lieu, dudit article 30 et, en second lieu, dudit article 31.

57     Ainsi se pose la question de savoir si, en cas d’impossibilité de déterminer, lors de l’enquête visée au point 52 du présent arrêt, la valeur transactionnelle réelle, c’est-à-dire le prix effectivement payé ou à payer dans le cadre de la transaction pour laquelle s’est faite la déclaration en douane, les autorités douanières peuvent, conformément aux articles 30 et 31 du code des douanes communautaire, se référer au prix d’une vente antérieure.

58     S’agissant, d’une part, de l’article 30 du code des douanes communautaire, il convient de rappeler que cet article vise, en substance, à établir la valeur en douane d’après le prix généralement pratiqué pour la marchandise concernée. Or, la spécificité des cas de dumping consiste dans l’introduction d’une marchandise sur le marché communautaire à un prix inférieur au prix pratiqué sur ce marché. En outre, la particularité d’un droit antidumping variable réside dans le fait que ce droit est calculé en fonction de la différence entre le prix à l’importation minimal et le prix convenu concrètement pour la marchandise concernée. Partant, la valeur en douane déterminée conformément audit article 30, par référence aux prix généralement payés ou à payer, ne saurait être utilisée pour l’application d’un droit antidumping variable.

59     D’autre part, l’article 31, paragraphe 1, du code des douanes communautaire prévoit que, dans les conditions qu’il précise, la valeur en douane est déterminée sur la base des données disponibles dans la Communauté, par des moyens raisonnables compatibles avec les principes et les dispositions générales des accords internationaux ainsi que des dispositions qu’il énumère.

60     À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il résulte de la jurisprudence que la réglementation communautaire relative à l’évaluation en douane vise à établir un système équitable, uniforme et neutre qui exclut l’utilisation de valeurs en douane arbitraires ou fictives (arrêts Unifert, précité, point 35; du 19 octobre 2000, Sommer, C‑15/99, Rec. p. I‑8989, point 25, et du 16 novembre 2006, Compaq Computer International Corporation, C‑306/04, Rec. p. I‑10991, point 30) et que cet objectif répond aux exigences de la pratique commerciale (arrêt du 25 juillet 1991, Hepp, C‑299/90, Rec. p. I‑4301, point 13). Conformément au point 2 des notes interprétatives en matière de valeur en douane de l’annexe 23 du règlement d’application relatives à l’article 31, paragraphe 1, du code des douanes communautaire, les méthodes d’évaluation à employer en vertu dudit article 31, paragraphe 1, devraient être celles que définissent les articles 29 à 30, paragraphe 2, de ce code, mais une «souplesse raisonnable» dans l’application de ces méthodes serait conforme aux objectifs et aux dispositions de l’article 31, paragraphe 1, dudit code.

61     Compte tenu de la nécessité d’établir une valeur en douane aux fins de l’application d’un droit antidumping variable et de la «souplesse raisonnable» mentionnée au point 2 desdites notes interprétatives, il convient d’admettre que le prix fixé dans le cadre d’une vente antérieure à celle pour laquelle la déclaration en douane a été faite peut constituer une donnée disponible dans la Communauté que l’article 31, paragraphe 1, du code des douanes communautaire permet de retenir comme base de détermination de la valeur en douane. En effet, compte tenu de la particularité d’un droit antidumping variable rappelée au point 58 du présent arrêt, la référence à ce prix constitue un moyen de déterminer ladite valeur qui est, à la fois, «raisonnable» au sens dudit article 31, paragraphe 1, et compatible avec les principes et les dispositions générales des accords internationaux ainsi que des dispositions auxquelles se réfère ce même article 31, paragraphe 1.

62     Toutefois, en application de l’article 31, paragraphe 2, sous b), du code des douanes communautaire, la valeur en douane déterminée conformément au paragraphe 1 de cet article ne peut se fonder sur un système prévoyant l’acceptation, à des fins douanières, de la plus élevée de deux valeurs possibles. Adaptée à un contexte dans lequel il s’agit d’un droit antidumping variable, cette disposition exclut un système prévoyant l’acceptation de la valeur la plus basse. Par ailleurs, l’article 31, paragraphe 2, sous g), dudit code exclut que ladite valeur en douane se fonde sur des valeurs arbitraires ou fictives.

63     Partant, il y a lieu de préciser que la valeur en douane pertinente pour la détermination d’un droit antidumping variable correspond au prix qui a été convenu dans le cadre de la vente antérieure la plus proche de celle pour laquelle a été faite la déclaration en douane, dont les autorités douanières n’auraient aucune raison objective de douter de la véracité.

64     Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de répondre à la question posée que, conformément à l’article 1er, paragraphe 2, de la décision n° 67/94, les autorités douanières ne peuvent pas déterminer la valeur en douane pour l’application du droit antidumping instauré par ladite décision sur la base du prix fixé pour les marchandises concernées dans le cadre d’une vente antérieure à celle pour laquelle a été faite la déclaration en douane lorsque le prix déclaré correspond au prix effectivement payé ou à payer par l’importateur. Lorsque les autorités douanières sont fondées à douter de la véracité de la valeur déclarée, si leurs doutes sont confirmés après avoir demandé des renseignements complémentaires et après avoir donné à la personne concernée une possibilité raisonnable de faire valoir son point de vue à l’égard des motifs sur lesquels ces doutes sont fondés, sans qu’il ait été permis d’établir le prix réellement payé ou à payer, elles peuvent, conformément à l’article 31 du code des douanes communautaire, calculer la valeur en douane pour l’application du droit antidumping instauré par la décision n° 67/94 par référence au prix qui a été convenu pour les marchandises concernées dans le cadre de la vente antérieure la plus proche de celle pour laquelle a été faite la déclaration en douane et dont elles n’auraient aucune raison objective de douter de la véracité.

 Sur les dépens

65     La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:

Conformément à l’article 1er, paragraphe 2, de la décision n° 67/94/CECA de la Commission, du 12 janvier 1994, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations dans la Communauté de fonte brute hématite originaire du Brésil, de Pologne, de Russie et d’Ukraine, les autorités douanières ne peuvent pas déterminer la valeur en douane pour l’application du droit antidumping instauré par ladite décision sur la base du prix fixé pour les marchandises concernées dans le cadre d’une vente antérieure à celle pour laquelle a été faite la déclaration en douane lorsque le prix déclaré correspond au prix effectivement payé ou à payer par l’importateur.

Lorsque les autorités douanières sont fondées à douter de la véracité de la valeur déclarée, si leurs doutes sont confirmés après avoir demandé des renseignements complémentaires et après avoir donné à la personne concernée une possibilité raisonnable de faire valoir son point de vue à l’égard des motifs sur lesquels ces doutes sont fondés, sans qu’il ait été permis d’établir le prix réellement payé ou à payer, elles peuvent, conformément à l’article 31 du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire, calculer la valeur en douane pour l’application du droit antidumping instauré par la décision n° 67/94 par référence au prix qui a été convenu pour les marchandises concernées dans le cadre de la vente antérieure la plus proche de celle pour laquelle a été faite la déclaration en douane et dont elles n’auraient aucune raison objective de douter de la véracité.

Signatures


* Langue de procédure: l’italien.