Affaire C-11/05

Friesland Coberco Dairy Foods BV

contre

Inspecteur van de Belastingdienst/Douane Noord/kantoor Groningen

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Gerechtshof te Amsterdam)

«Code des douanes communautaire — Régime de la transformation sous douane — Rejet par les autorités douanières nationales d'une demande d'autorisation de transformation sous douane — Caractère contraignant des conclusions du comité du code des douanes — Absence — Compétence de la Cour pour statuer sur la validité desdites conclusions dans le cadre de l'article 234 CE — Absence — Interprétation de l'article 133, sous e), du code des douanes — Interprétation des articles 502, paragraphe 3, et 504, paragraphe 4, du règlement (CEE) nº 2454/93 — Appréciation globale de toutes les circonstances de la demande d'autorisation»

Conclusions de l'avocat général M. M. Poiares Maduro, présentées le 2 février 2006 

Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 11 mai 2006 

Sommaire de l'arrêt

1.     Libre circulation des marchandises — Échanges avec les pays tiers — Régime de transformation sous douane

(Règlement du Conseil nº 2913/92, art. 133, e))

2.     Questions préjudicielles — Compétence de la Cour — Actes pris par les institutions

(Art. 234 CE; règlement du Conseil nº 2913/92, art. 133, e))

3.     Libre circulation des marchandises — Échanges avec les pays tiers — Régime de transformation sous douane

(Règlement du Conseil nº 2913/92, art. 133, e))

4.     Libre circulation des marchandises — Échanges avec les pays tiers — Régime de transformation sous douane

(Règlement du Conseil nº 2913/92, art. 133, e); règlement de la Commission nº 2454/93, art. 502, § 3)

1.     Les conclusions rendues par le comité du code des douanes dans le cadre d'une demande d'autorisation de transformation sous douane en application de l'article 133, sous e), du règlement nº 2913/92, étalissant le code des douanes communautaire, tel que modifié par le règlement nº 2700/2000, n'ont pas de caractère contraignant pour les autorités douanières nationales qui statuent sur une telle demande.

(cf. point 33, disp. 4)

2.     Les conclusions rendues par le comité du code des douanes dans le cadre d'une demande d'autorisation de transformation sous douane en application de l'article 133, sous e), du règlement nº 2913/92, établissant le code des douanes communautaire, tel que modifié par le règlement nº 2700/2000, ne peuvent pas faire l'objet d'un examen de validité dans le cadre de l'article 234 CE.

(cf. point 41, disp. 3)

3.     L'article 133, sous e), du règlement nº 2913/92, établissant le code des douanes communautaire, tel que modifié par le règlement nº 2700/2000, qui prévoit les conditions économiques devant être remplies pour qu'une autorisation de transformation sous douane soit accordée, se réfère aux «intérêts essentiels des producteurs communautaires de marchandises similaires». À cet égard, dans le cadre de l'appréciation d'une demande d'autorisation de transformation sous douane en application de ladite disposition, il doit être tenu compte non seulement du marché des produits finis mais également de la situation économique du marché des matières premières utilisées pour fabriquer lesdits produits.

(cf. points 47, 52, disp. 1)

4.     Les critères à prendre en considération pour apprécier «la création ou le maintien d'une activité de transformation» au sens de l'article 133, sous e), du règlement nº 2913/92, établissant le code des douanes communautaire, tel que modifié par le règlement nº 2700/2000, et de l'article 502, paragraphe 3, du règlement nº 2454/93, fixant certaines dispositions d'application du règlement nº 2913/92, peuvent inclure le critère relatif à la création, du fait des activités de transformation envisagées, d'un nombre minimal d'emplois, mais ne se limitent pas à celui-ci. Lesdits critères dépendent, en effet, de la nature de l'activité de transformation concernée et l'autorité douanière nationale chargée de l'examen des conditions économiques au titre de ces deux dispositions doit apprécier globalement tous éléments pertinents, y compris ceux tenant au nombre d'emplois créés, à la valeur de l'investissement réalisé ou à la pérennité de l'activité envisagée.

(cf. point 59, disp. 2)




ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

11 mai 2006 (*)

«Code des douanes communautaire – Régime de la transformation sous douane – Rejet par les autorités douanières nationales d’une demande d’autorisation de transformation sous douane – Caractère contraignant des conclusions du comité du code des douanes – Absence – Compétence de la Cour pour statuer sur la validité desdites conclusions dans le cadre de l’article 234 CE – Absence – Interprétation de l’article 133, sous e), du code des douanes – Interprétation des articles 502, paragraphe 3, et 504, paragraphe 4, du règlement (CEE) n° 2454/93 – Appréciation globale de toutes les circonstances de la demande d’autorisation»

Dans l’affaire C‑11/05,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Gerechtshof te Amsterdam (Pays‑Bas), par décision du 28 décembre 2004, parvenue à la Cour le 14 janvier 2005, dans la procédure

Friesland Coberco Dairy Foods BV, agissant sous la dénomination «Friesland Supply Point Ede»

contre

Inspecteur van de Belastingdienst/Douane Noord/kantoor Groningen,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. A. Rosas (président de chambre), MM. J. Malenovský, J.‑P. Puissochet, U. Lõhmus et A. Ó Caoimh (rapporteur), juges,

avocat général: M. M. Poiares Maduro,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 décembre 2005,

considérant les observations présentées:

–       pour Friesland Coberco Dairy Foods BV, par MM. J. G. Olijve et J. P. Scholten, adviseurs,

–       pour le gouvernement néerlandais, par Mme H. G. Sevenster et M. M. de Grave, en qualité d’agents,

–       pour le gouvernement hellénique, par M. I. Chalkias et Mme S. Papaioannou, en qualité d’agents,

–       pour le gouvernement italien, par M. I. M. Braguglia, en qualité d’agent, assisté de M. G. Albenzio, avvocato dello Stato,

–       pour la Commission des Communautés européennes, par Mme J. Hottiaux, en qualité d’agent, assistée de Me Y. van Gerven, avocat,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 2 février 2006,

rend le présent

Arrêt

1       La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 133, sous e), du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO L 302, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) n° 2700/2000 du Parlement européen et du Conseil, du 16 novembre 2000 (JO L 311, p. 17, ci‑après le «code des douanes»), ainsi que des articles 502, paragraphe 3, et 504, paragraphe 4, du règlement (CEE) n° 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du règlement n° 2913/92 (JO L 253, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) n° 993/2001 de la Commission, du 4 mai 2001 (JO L 141, p. 1, ci‑après le «règlement d’application»).

2       Cette demande a été introduite dans le cadre d’un litige opposant la société néerlandaise Friesland Coberco Dairy Foods BV (ci‑après «Coberco Dairy Foods») à l’inspecteur van de Belastingdienst/Douane Noord/Kantoor Groningen (inspecteur de l’administration des impôts/douane nord/bureau de Groningen, ci‑après l’«inspecteur»), au sujet d’une demande de délivrance d’une autorisation de transformation sous douane (ci‑après la «demande»).

 Le cadre juridique

 Le code des douanes

3       Le code des douanes instaure un certain nombre de régimes douaniers économiques dont, à ses articles 130 à 136, celui de la «transformation sous douane».

4       L’article 130 du code des douanes est libellé comme suit:

«Le régime de la transformation sous douane permet de mettre en œuvre sur le territoire douanier de la Communauté des marchandises non communautaires pour leur faire subir des opérations qui en modifient l’espèce ou l’état et sans qu’elles soient soumises aux droits à l’importation ni aux mesures de politique commerciale, et de mettre en libre pratique aux droits à l’importation qui leur sont propres les produits résultant de ces opérations. Ces produits sont dénommés produits transformés.»

5       Aux termes de l’article 132 dudit code:

«L’autorisation de transformation sous douane est délivrée sur demande de la personne qui effectue ou fait effectuer la transformation.»

6       L’article 133 du code des douanes prévoit:

«L’autorisation n’est accordée que:

[…]

e)       dans le cas où sont remplies les conditions nécessaires pour que le régime puisse contribuer à favoriser la création ou le maintien d’une activité de transformation de marchandises dans la Communauté sans qu’il soit porté atteinte aux intérêts essentiels des producteurs communautaires de marchandises similaires (conditions économiques). Les cas dans lesquels les conditions économiques sont considérées comme remplies peuvent être déterminés selon la procédure du comité.»

7       Conformément aux articles 247 à 249 du code des douanes, la Commission des Communautés européennes est assistée par le comité du code des douanes (ci‑après le «comité»), dans les conditions prescrites auxdits articles.

8       En ce qui concerne ledit comité, l’article 249 dudit code dispose:

«Le comité peut examiner toute question concernant la réglementation douanière qui est évoquée par son président, soit à l’initiative de celui‑ci, soit à la demande du représentant d’un État membre.»

 Le règlement d’application

9       L’article 496 du règlement d’application définit l’«autorisation» comme la décision des autorités douanières d’autoriser le recours au régime.

10     L’article 502 de ce règlement dispose:

«1.      À moins que les conditions économiques soient considérées comme remplies en vertu des dispositions des chapitres 3, 4 ou 6, l’autorisation ne peut être accordée sans examen des conditions économiques par les autorités douanières.

2.      En ce qui concerne le régime de perfectionnement actif (chapitre 3), l’examen doit établir l’impossibilité économique de recourir à des sources d’approvisionnement communautaires en tenant compte, notamment, des critères suivants, qui sont détaillés dans la partie B de l’annexe 70:

a)      non‑disponibilité de marchandises produites dans la Communauté présentant la même qualité et les mêmes caractéristiques techniques que les marchandises à importer pour les opérations de perfectionnement envisagées;

b)      différences de prix entre les marchandises produites dans la Communauté et les marchandises à importer;

c)      obligations contractuelles.

3.      En ce qui concerne le régime de la transformation sous douane (chapitre 4), cet examen doit établir si le recours à des sources d’approvisionnement non communautaires est susceptible de favoriser la création ou le maintien d’une activité de transformation dans la Communauté.

[…]»

11     Aux termes de l’article 503 dudit règlement:

«Un examen des conditions économiques en liaison avec la Commission peut être effectué:

a)      si les autorités douanières concernées souhaitent procéder à une consultation avant ou après avoir délivré une autorisation;

b)      si une autre administration douanière formule des objections à l’encontre d’une autorisation délivrée;

c)      à l’initiative de la Commission.»

12     L’article 504 du règlement d’application dispose:

«1.      Lorsqu’un examen est engagé conformément à l’article 503, le cas est transmis à la Commission. Il comporte les conclusions de l’examen déjà opéré.

2.      La Commission adresse un accusé de réception ou, lorsqu’elle agit de sa propre initiative, le notifie aux autorités douanières concernées. Elle détermine, en consultation avec ces dernières, si un examen des conditions économiques par le comité s’impose.

3.      Dans les cas où le dossier est soumis au comité, les autorités douanières informent le demandeur ou le titulaire de l’engagement de la procédure considérée et, si le traitement de la demande n’est pas achevé, de la suspension des délais définis à l’article 506.

4.      Les conclusions du comité sont prises en considération par les autorités douanières concernées et par toute autre autorité douanière traitant des autorisations ou demandes d’autorisation similaires.

[…]»

13     En ce qui concerne le régime de la transformation sous douane, l’article 551, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement d’application prévoit:

«Le régime de la transformation sous douane est applicable aux marchandises dont la transformation conduit à l’obtention de produits auxquels s’applique un montant de droits à l’importation inférieur au montant applicable aux marchandises d’importation.»

14     Aux termes de l’article 552 dudit règlement:

«1.      Pour les types de marchandises et les opérations qui figurent à l’annexe 76, partie A, les conditions économiques sont considérées comme remplies.

Pour les autres types de marchandises et les autres opérations, un examen des conditions économiques est effectué.

2.      Pour les types de marchandises et les opérations qui figurent à l’annexe 76, partie B, et qui ne sont pas couvertes par la partie A, le comité procède à l’examen des conditions économiques. L’article 504, paragraphes 3 et 4, s’applique.»

15     L’annexe 76, partie B, du règlement d’application inclut toutes marchandises soumises à des mesures de politique agricole.

 Le règlement (CE) n° 1260/2001

16     Afin d’atteindre les objectifs de la politique agricole commune et notamment d’assurer aux producteurs de betteraves et de cannes à sucre de la Communauté le maintien des garanties nécessaires en ce qui concerne leur emploi et leur niveau de vie, des mesures propres à stabiliser le marché du sucre ont été établies par le règlement (CE) n° 1260/2001 du Conseil, du 19 juin 2001, portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre (JO L 178, p. 1).

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

17     Coberco Dairy Foods fabrique des boissons à base de jus de fruits utilisant comme matières premières des concentrés de jus de fruits, des sucres, des parfums, des minéraux et des vitamines, achetés auprès de sociétés établies pour certaines dans des États membres et pour d’autres dans des États tiers. La fabrication consiste surtout à mélanger des jus de fruits avec de l’eau et du sucre, à pasteuriser le produit et ensuite à l’emballer.

18     En application de l’article 132 du code des douanes, cette société a introduit, le 23 juillet 2002, une demande d’autorisation de transformation sous douane auprès des autorités douanières néerlandaises portant sur trois produits: du jus de pomme avec sucre ajouté, du jus d’orange avec sucre ajouté et du sucre blanc, autre que le sucre de canne. Il était indiqué dans ladite demande, au titre des conditions économiques, que le recours à des matériaux provenant de pays tiers permettrait de maintenir des activités de transformation au sein de la Communauté.

19     Les marchandises et la transformation envisagée figurant à l’annexe 76, partie B, du règlement d’application, le dossier a été présenté au comité aux fins d’examiner si les conditions économiques étaient remplies.

20     Le 22 août 2003, la Commission a déposé devant le comité un document de travail dont il ressort que Coberco Dairy Foods a introduit sa demande d’autorisation en raison de la concurrence sévère des producteurs d’Europe centrale et orientale. Elle envisageait un investissement initial de 750 000 euros environ dans la construction d’une installation de transformation devant contribuer à la création d’environ deux emplois. Sans l’application du régime de la transformation sous douane, Coberco Dairy Foods aurait probablement décidé de transformer les produits en Europe centrale ou orientale plutôt qu’aux Pays Bas.

21     Le comité a examiné ce document lors de sa réunion du 18 septembre 2003. Le compte rendu de cette réunion indique qu’un représentant de la direction générale de l’agriculture de la Commission avait informé le comité, d’une part, des réductions des garanties d’écoulement du sucre en vue de respecter les engagements internationaux de la Communauté et, d’autre part, du fait que les producteurs communautaires de sucre étaient «sous pression» et que des importations «en franchise de droits» dans le cadre du régime de la transformation sous douane augmenteraient cette pression. Par conséquent, ladite direction générale ne soutenait pas la demande. Dès lors, le comité a décidé que les conditions économiques n’étaient pas respectées en l’espèce.

22     Par une décision du 27 octobre 2003, les autorités douanières néerlandaises se sont fondées sur ces conclusions du comité pour rejeter la demande de Coberco Dairy Foods. La réclamation introduite par cette dernière a été rejetée par l’inspecteur le 2 avril 2004.

23     Coberco Dairy Foods a alors introduit un recours, le 10 mai 2004, devant le Gerechtshof te Amsterdam.

24     C’est dans ces circonstances que le Gerechtshof te Amsterdam a, par ordonnance du 28 décembre 2004, décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)       Comment faut‑il interpréter les termes ‘sans qu’il soit porté atteinte aux intérêts essentiels des producteurs communautaires de marchandises similaires’ de l’article 133, sous e), du [code des douanes]? Ne faut‑il tenir compte que du marché du produit fini ou faut-il également examiner la situation économique des matières premières dans le cadre d’une transformation sous douane?

2)       Pour évaluer l’expression ‘la création ou le maintien d’une activité de transformation’ visée à l’article 502, paragraphe 3, du [règlement d’application], faut‑il tenir compte d’un certain nombre de postes de travail créés, au minimum, par les activités envisagées? Quels autres critères faut-il appliquer pour interpréter le texte précité du règlement?

3)       À la lumière des réponses fournies aux première et deuxième questions, la Cour de justice peut‑elle examiner la validité des conclusions du comité dans le cadre d’une procédure préjudicielle?

4)       Dans l’affirmative, les conclusions adoptées en l’espèce sont elles valables, tant en ce qui concerne leur motivation que les arguments économiques invoqués?

5)       Au cas où la Cour de justice n’est pas habilitée à évaluer la validité des conclusions, quelle interprétation faut‑il donner au passage ‘les conclusions du comité sont prises en considération (par les autorités douanières)’ de l’article 504, paragraphe 4, du [règlement d’application] si les autorités douanières, en première instance, et/ou le juge national, en degré d’appel, estiment que les conclusions du comité ne permettent pas de fonder une décision de rejet d’une demande d’autorisation du régime de la transformation sous douane?»

 Sur la cinquième question

25     Par la cinquième question, qu’il convient d’examiner en premier lieu, la juridiction de renvoi s’interroge sur l’interprétation des termes «les conclusions du comité sont prises en considération par les autorités douanières» figurant à l’article 504, paragraphe 4, du règlement d’application. Elle demande, en substance, si cette disposition implique que les conclusions du comité ont un caractère contraignant pour les autorités douanières nationales qui statuent sur une demande d’autorisation de transformation sous douane.

26     Il convient, en premier lieu, de relever qu’il ne ressort pas du libellé de l’article 504, paragraphe 4, du règlement d’application que les conclusions du comité ont un caractère contraignant pour les autorités douanières nationales. Aux termes mêmes de cette disposition, les conclusions du comité doivent uniquement être prises en considération par les autorités douanières concernées par la demande, ainsi que par toute autre autorité douanière traitant des autorisations ou demandes d’autorisation similaires.

27     Cette disposition n’impose nullement aux autorités douanières nationales de suivre automatiquement les conclusions du comité. Celles-ci peuvent s’écarter des conclusions adoptées par ce dernier à condition qu’elles motivent leurs décisions à cet égard.

28     Cette appréciation de la nature juridique des conclusions du comité et de l’étendue de l’obligation incombant aux autorités douanières lors de la prise en considération par celles-ci de ces conclusions est confortée par l’objectif poursuivi par l’instauration du comité. Ainsi qu’il ressort du septième considérant dudit code, l’instauration de ce comité vise simplement à garantir une collaboration étroite et efficace entre les États membres et la Commission dans le domaine concerné par le code des douanes. En ce qui concerne les demandes de transformation sous douane, cette collaboration peut et, parfois, doit se traduire par un examen des conditions économiques visées aux articles 133, sous e), du code des douanes et 502 du règlement d’application, et par une consultation du comité avant que les autorités douanières concernées aient délivré une autorisation ou après la délivrance de cette autorisation.

29     Si les conclusions du comité visent à informer les autorités douanières quant aux conditions économiques en cause, ainsi que le code des douanes et le règlement d’application le prévoient, il ne ressort nullement du libellé du règlement d’application, notamment de l’article 504, paragraphe 4, de ce règlement, ni du rôle du comité, non plus que de l’objectif poursuivi par la consultation de ce dernier, que les autorités douanières concernées sont pour autant liées par les conclusions du comité.

30     En outre, tant l’article 133, sous e), du code des douanes, qui prévoit que les cas dans lesquels les conditions économiques sont considérées comme remplies peuvent être déterminés selon la procédure du comité, que l’article 249 du même code, qui dispose que le comité peut examiner toute question concernant la réglementation douanière, confirment que le rôle du comité consiste, en général, à faciliter la prise de décisions par les autorités nationales compétentes et non à imposer des contraintes à ces dernières.

31     Cette interprétation de l’article 504, paragraphe 4, du règlement d’application, selon laquelle les conclusions du comité sont dépourvues de caractère contraignant, ne saurait être mise en cause par le fait que, dans certaines circonstances, notamment lorsque, comme dans l’affaire au principal, sont concernées des marchandises soumises à des mesures de politique agricole, la consultation du comité est obligatoire en vertu de l’article 552, paragraphe 2, du règlement d’application. Or, même dans de tels cas, les autorités nationales compétentes doivent uniquement prendre en considération les conclusions dudit comité et ne sont pas liées par celles‑ci. En effet, une obligation de consultation du comité ne peut être assimilée à une obligation de suivre les conclusions qu’il rend.

32     Quant à la pratique suivie par certains États membres, notamment le Royaume des Pays‑Bas, selon laquelle les autorités douanières concernées suivent automatiquement les conclusions du comité lorsque celles‑ci sont négatives, il convient de relever que, en vertu des dispositions pertinentes du code des douanes et du règlement d’application, lesdites autorités sont néanmoins libres d’adopter une position différente de celle du comité après s’être livrées à leur propre appréciation des circonstances et avoir suffisamment motivé leur décision à cet égard.

33     Dans ces conditions, il convient de répondre à la cinquième question que les conclusions du comité n’ont pas de caractère contraignant pour les autorités douanières nationales qui statuent sur une demande d’autorisation de transformation sous douane.

 Sur les troisième et quatrième questions

34     Par sa troisième question, qu’il convient ensuite d’examiner, la juridiction de renvoi demande en substance si les conclusions du comité rendues en vertu de l’article 133, sous e), du code des douanes peuvent faire l’objet d’un examen de validité dans le cadre de l’article 234 CE. Dans le cas où la Cour considérerait qu’elle est compétente pour procéder à un tel examen, la juridiction de renvoi l’interroge, par sa quatrième question, sur la validité des conclusions du comité en cause dans l’affaire au principal, tant en ce qui concerne leur motivation qu’en ce qui concerne les arguments économiques invoqués dans celles-ci.

35     L’article 234 CE dispose que la Cour est compétente pour statuer, à titre préjudiciel, sur l’interprétation du traité CE et sur la validité et l’interprétation des actes pris par les institutions de la Communauté et par la Banque centrale européenne.

36     Selon la jurisprudence de la Cour, cette disposition attribue à la Cour la compétence pour statuer, à titre préjudiciel, sur la validité et l’interprétation des actes pris par les institutions de la Communauté, sans exception aucune (arrêt du 13 décembre 1989, Grimaldi, C‑322/88, Rec. p. 4407, point 8).

37     À cet égard, il convient d’observer qu’il n’est plus contesté que les conclusions du comité ne peuvent être imputées à la Commission. Dès lors que la Commission et les États membres peuvent et, parfois, doivent consulter le comité dans le cadre de l’examen d’une demande d’autorisation de transformation sous douane, les conclusions dudit comité ne peuvent être considérées comme constituant des actes pris par les institutions au sens de cette jurisprudence. Cette conclusion ressort également de l’objectif poursuivi par l’instauration du comité, qui vise simplement à garantir une collaboration étroite et efficace entre les États membres et la Commission dans le domaine concerné par le code des douanes.

38     Quant à la nature juridique des conclusions du comité, il convient, en premier lieu, de rappeler, ainsi qu’il ressort des points 26 à 33 du présent arrêt, que celles-ci n’ont pas de caractère contraignant pour les autorités douanières nationales qui statuent sur une demande d’autorisation de transformation sous douane.

39     Cette interprétation est confirmée par la jurisprudence de la Cour relative à d’autres types d’avis, de nature similaire, tels que, notamment, les avis du comité de la nomenclature du tarif douanier commun institué par le règlement (CEE) n° 97/69 du Conseil, du 16 janvier 1969, relatif aux mesures à prendre pour l’application uniforme de la nomenclature du tarif douanier commun (JO L 14, p. 1). Il convient de relever en ce qui concerne les conclusions du comité que si celles‑ci constituent des moyens importants pour assurer une application uniforme du code des douanes par les autorités douanières des États membres et peuvent, en tant que tels, être considérées comme des moyens valables pour l’interprétation dudit code, elles n’ont pas de force obligatoire en droit (voir, en ce sens, arrêts du 15 février 1977, Dittmeyer, 69/76 et 70/76, Rec. p. 231, point 4; du 11 juillet 1980, Chem‑Tec, 798/79, Rec. p. 2639, points 11 et 12, ainsi que du 16 juin 1994, Develop Dr. Eisbein, C‑35/93, Rec. p. I‑2655, point 21).

40     Le comité ayant été institué afin de garantir une collaboration étroite et efficace entre les États membres et la Commission dans le domaine concerné par le code des douanes, les autorités douanières des États membres sont uniquement tenues de prendre ses conclusions en considération et ne sont pas tenues de les suivre lors de l’adoption de la décision finale. C’est en effet cette dernière décision qui doit, le cas échéant, faire l’objet d’un contrôle juridictionnel par le juge national.

41     Il convient dès lors de répondre à la troisième question que les conclusions du comité rendues en application de l’article 133, sous e), du code des douanes ne peuvent pas faire l’objet d’un examen de validité dans le cadre de l’article 234 CE.

42     Eu égard à la réponse donnée à la troisième question, il n’y a pas lieu de répondre à la quatrième question.

 Sur la première question

43     Par sa première question, la juridiction de renvoi s’interroge sur l’interprétation des termes «sans qu’il soit porté atteinte aux intérêts essentiels des producteurs communautaires de marchandises similaires» figurant à l’article 133, sous e), du code des douanes. Elle cherche, en substance, à savoir si, dans le cadre de l’appréciation d’une demande d’autorisation de transformation sous douane en application de cette disposition, il doit être tenu compte non seulement du marché des produits finis, mais également de la situation économique du marché des matières premières utilisées pour fabriquer lesdits produits.

44     Coberco Dairy Foods estime que la notion d’«intérêts essentiels des producteurs communautaires de marchandises similaires», au sens de l’article 133, sous e), du code des douanes, doit être interprétée comme comportant uniquement une appréciation des intérêts des producteurs communautaires de produits transformés, c’est‑à‑dire, de produits finis.

45     Les gouvernements hellénique et néerlandais ainsi que la Commission estiment que, eu égard aux termes, au contexte et aux objectifs de l’article 133, sous e), du code des douanes, un examen des conditions économiques implique que soient pris en compte tant les intérêts des producteurs de produits transformés que ceux des producteurs de marchandises présentant une similitude avec celles utilisées dans le processus de transformation.

46     Le gouvernement italien soutient, en premier lieu, que l’examen des conditions économiques doit porter sur les matières premières, car, d’une part, c’est elles qui bénéficient du régime de la transformation sous douane et, d’autre part, c’est pour ces produits qu’ont été prévues les mesures de protection de ce régime favorable. En deuxième lieu et aux mêmes fins, cet examen devrait être réalisé en tenant compte du marché communautaire. En troisième lieu, la décision qui est ainsi prise devrait être appliquée de la même manière dans tous les États membres.

47     Il convient de relever que le libellé de l’article 133, sous e), du code des douanes, qui se réfère aux «intérêts essentiels des producteurs communautaires de marchandises similaires» sans préciser s’il désigne les producteurs de produits finis ou bien s’il inclut également les producteurs de matières premières utilisées pour fabriquer lesdits produits, ne fournit pas de réponse claire à la question posée, de sorte qu’il y a lieu de tenir compte du contexte dans lequel s’inscrit cette disposition, à savoir le régime douanier économique auquel celle-ci s’applique, et les objectifs poursuivis par ce régime.

48     En vertu de l’article 130 du code des douanes, le régime de la transformation sous douane permet de mettre en œuvre sur le territoire douanier de la Communauté des marchandises non communautaires pour leur faire subir des opérations qui en modifient l’espèce ou l’état et sans qu’elles soient soumises aux droits à l’importation ni aux mesures de politique commerciale, et de mettre en libre pratique aux droits à l’importation qui leur sont propres les produits résultant de ces opérations. Ce régime s’applique, conformément à l’article 551, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement d’application, aux marchandises dont la transformation conduit à l’obtention de produits auxquels s’applique un montant de droits à l’importation inférieur au montant applicable aux marchandises d’importation.

49     Le régime de la transformation sous douane a été prévu afin d’éviter les conséquences négatives pour les activités de transformation dans la Communauté d’une application automatique du tarif douanier communautaire. Toutefois, en conférant un avantage aux transformateurs communautaires, ceux‑ci n’étant pas, dans le cadre de ce régime, tenus de payer des droits de douane sur les marchandises importées de pays tiers, ledit régime peut néanmoins porter atteinte aux intérêts essentiels des éventuels producteurs communautaires des matières premières utilisées dans le processus de transformation.

50     Compte tenu de ce possible conflit d’intérêts, il est clair que l’examen des conditions économiques prévu à l’article 133, sous e), du code des douanes vise à tenir compte de ces différents intérêts, à savoir ceux des transformateurs de matières premières et ceux des producteurs communautaires des marchandises similaires. L’objectif de cette disposition consiste, ainsi que la Commission le fait valoir, à apprécier les avantages d’une autorisation de transformation sous douane pour les activités de transformation au regard des conséquences possibles de l’octroi d’une telle autorisation sur la situation des producteurs communautaires de marchandises présentant une similitude avec celles faisant l’objet de la transformation.

51     Cette interprétation de l’objectif poursuivi par l’article 133, sous e), du code des douanes, selon lequel les intérêts de l’ensemble des producteurs communautaires doivent être protégés, à savoir tant ceux des producteurs des produits finis que ceux des producteurs des matières premières utilisées pour fabriquer lesdits produits, constitue, en outre, la seule susceptible de tenir compte des exigences des politiques communes communautaires, y compris celles de la politique agricole commune, ainsi que le requièrent les troisième et quatrième considérants du code des douanes.

52     Il convient, dès lors, de répondre à la première question que, dans le cadre de l’appréciation d’une demande d’autorisation de transformation sous douane en application de l’article 133, sous e), du code des douanes, il doit être tenu compte non seulement du marché des produits finis mais également de la situation économique du marché des matières premières utilisées pour fabriquer lesdits produits.

 Sur la deuxième question

53     Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande quels sont les critères à appliquer pour interpréter l’expression «la création ou le maintien d’une activité de transformation» visée à l’article 502, paragraphe 3, du règlement d’application, et si, notamment, il y a lieu de tenir compte de la création, du fait des activités de transformation envisagées, d’un nombre minimal d’emplois.

54     Selon Coberco Dairy Foods, ladite disposition ne prévoyant aucune limite quant au nombre de postes de travail à conserver ou à créer, ce nombre de postes ne constitue donc pas un critère pertinent.

55     Avant d’accorder une autorisation de transformation sous douane, les autorités douanières nationales sont tenues, en vertu, notamment, des articles 133, sous e), du code des douanes, et 502, paragraphe 3, du règlement d’application, d’examiner si certaines conditions économiques sont remplies, notamment lorsqu’il s’agit de marchandises soumises à des mesures de politique agricole, telles que le sucre.

56     En vertu des dispositions de l’article 133, sous e), du code des douanes, cet examen doit permettre de vérifier si l’autorisation de transformation sous douane peut contribuer à favoriser la création ou le maintien d’une activité de transformation de marchandises dans la Communauté sans qu’il soit porté atteinte aux intérêts essentiels des producteurs communautaires de marchandises similaires. La condition selon laquelle ladite autorisation doit être susceptible de favoriser la création ou le maintien d’une activité de transformation dans la Communauté est reprise à l’article 502, paragraphe 3, du règlement d’application.

57     Si ces dispositions de la réglementation communautaire applicable au régime de la transformation sous douane ne précisent pas les différents critères à prendre en considération dans l’appréciation des conditions économiques qu’elles prévoient, il convient de rappeler les objectifs poursuivis par ledit régime, exposés aux points 50 à 52 du présent arrêt, et le fait que l’examen desdites conditions vise à tenir compte des différents intérêts des transformateurs de matières premières et de ceux des producteurs communautaires de marchandises similaires, tout en respectant les exigences des politiques communes.

58     Eu égard à ces considérations, il convient, à l’instar des gouvernements néerlandais et hellénique ainsi que de la Commission, de relever que les conditions économiques visées par ces dispositions doivent être appréciées en fonction d’un ensemble d’éléments tels que la valeur de l’investissement réalisé, la pérennité de l’activité et sa viabilité, la durabilité des emplois créés, ainsi que tout autre élément pertinent se rapportant à la création ou au maintien d’une activité de transformation. Si la création, du fait des activités de transformation envisagées, d’un nombre minimal d’emplois constitue un élément pertinent dans le cadre de l’examen des conditions économiques exigé par le code des douanes et son règlement d’application, elle ne constitue pas nécessairement le seul élément à prendre en compte. En effet, les critères à prendre en considération lors dudit examen dépendent de la nature de l’activité de transformation concernée et chaque examen des conditions économiques doit être réalisé au regard des circonstances concrètes de la situation.

59     Il convient, par conséquent, de répondre à la deuxième question que les critères à prendre en considération pour apprécier «la création ou le maintien d’une activité de transformation» au sens de l’article 133, sous e), du code des douanes et de l’article 502, paragraphe 3, du règlement d’application peuvent inclure le critère relatif à la création, du fait des activités de transformation envisagées, d’un nombre minimal d’emplois, mais ne se limitent pas à celui‑ci. Lesdits critères dépendent, en effet, de la nature de l’activité de transformation concernée et l’autorité douanière nationale chargée de l’examen des conditions économiques au titre de ces deux dispositions doit apprécier globalement tous éléments pertinents, y compris ceux tenant au nombre d’emplois créés, à la valeur de l’investissement réalisé ou à la pérennité de l’activité envisagée.

 Sur les dépens

60     La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle‑ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

1)      Dans le cadre de l’appréciation d’une demande d’autorisation de transformation sous douane en application de l’article 133, sous e), du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire, tel que modifié par le règlement (CE) n° 2700/2000 du Parlement européen et du Conseil, du 16 novembre 2000, il doit être tenu compte non seulement du marché des produits finis mais également de la situation économique du marché des matières premières utilisées pour fabriquer lesdits produits.

2)      Les critères à prendre en considération pour apprécier «la création ou le maintien d’une activité de transformation» au sens de l’article 133, sous e), du règlement n° 2913/92, tel que modifié par le règlement n° 2700/2000, et de l’article 502, paragraphe 3, du règlement (CEE) n° 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du règlement n° 2913/92, tel que modifié par le règlement (CE) n° 993/2001 de la Commission, du 4 mai 2001, peuvent inclure le critère relatif à la création, du fait des activités de transformation envisagées, d’un nombre minimal d’emplois, mais ne se limitent pas à celui‑ci. Lesdits critères dépendent, en effet, de la nature de l’activité de transformation concernée et l’autorité douanière nationale chargée de l’examen des conditions économiques au titre de ces deux dispositions doit apprécier globalement tous éléments pertinents, y compris ceux tenant au nombre d’emplois créés, à la valeur de l’investissement réalisé ou à la pérennité de l’activité envisagée.

3)      Les conclusions du comité du code des douanes rendues en application de l’article 133, sous e), du règlement n° 2913/92, tel que modifié par le règlement n° 2700/2000, ne peuvent faire l’objet d’un examen de validité dans le cadre de l’article 234 CE.

4)      Les conclusions du comité du code des douanes n’ont pas de caractère contraignant pour les autorités douanières nationales qui statuent sur une demande d’autorisation de transformation sous douane.

Signatures


* Langue de procédure: le néerlandais.