Affaire C-465/04

Honyvem Informazioni Commerciali Srl

contre

Mariella De Zotti

(demande de décision préjudicielle, introduite par la Corte suprema di cassazione)

«Agents commerciaux indépendants — Directive 86/653/CEE — Droit de l'agent commercial à une indemnité après cessation du contrat»

Conclusions de l'avocat général M. M. Poiares Maduro, présentées le 25 octobre 2005 

Arrêt de la Cour (première chambre) du 23 mars 2006 

Sommaire de l'arrêt

1.     Libre circulation des personnes — Liberté d'établissement — Agents commerciaux indépendants — Directive 86/653

(Directive du Conseil 86/653, art. 17, § 2, et 19)

2.     Libre circulation des personnes — Liberté d'établissement — Agents commerciaux indépendants — Directive 86/653

(Directive du Conseil 86/653, art. 17, § 2)

1.     L'article 19 de la directive 86/653, relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants, doit être interprété en ce sens que l'indemnité de cessation de contrat qui résulte de l'application de l'article 17, paragraphe 2, de cette directive ne peut pas être remplacée, en application d'une convention collective, par une indemnité déterminée en fonction de critères autres que ceux fixés par cette dernière disposition, sauf s'il est établi que l'application d'une telle convention garantit, dans tous les cas, à l'agent commercial une indemnité égale ou supérieure à celle qui résulterait de l'application de ladite disposition.

(cf. points 25, 27, 36, disp. 1)

2.     Bien que le régime instauré par l'article 17 de la directive 86/653, relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants, soit impératif et qu'il fixe un cadre, il ne donne toutefois pas d'indications détaillées en ce qui concerne la méthode de calcul de l'indemnité de cessation de contrat à laquelle l'agent commercial peut avoir droit.

À l'intérieur du cadre fixé par ledit article 17, paragraphe 2, les États membres jouissent d'une marge d'appréciation qu'il leur est loisible d'exercer, notamment, en fonction du critère de l'équité.

(cf. points 34, 36, disp. 2)




ARRÊT DE LA COUR (Première chambre)

23 mars 2006 (*)

«Agents commerciaux indépendants – Directive 86/653/CEE – Droit de l’agent commercial à une indemnité après cessation du contrat»

Dans l’affaire C-465/04,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par la Corte suprema di cassazione (Italie), par décision du 11 juin 2004, parvenue à la Cour le 3 novembre 2004, dans la procédure

Honyvem Informazioni Commerciali Srl

contre

Mariella De Zotti,

LA COUR (première chambre),

composée de M. P. Jann, président de chambre, MM. K. Schiemann, K. Lenaerts, E. Juhász et E. Levits (rapporteur), juges,

avocat général: M. M. Poiares Maduro,

greffier: M. R. Grass,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

–       pour Honyvem Informazioni Commerciali Srl, par Mes G. Prosperetti et C. del Pennino, avvocati,

–       pour Mme De Zotti, par Me F. Toffoletto, avvocato,

–       pour la Commission des Communautés européennes, par M. E. Traversa, en qualité d’agent, assisté de Me G. Belotti, avvocato,

l’avocat général entendu en ses conclusions à l’audience du 25 octobre 2005,

rend le présent

Arrêt

1       La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 17 et 19 de la directive 86/653/CEE du Conseil, du 18 décembre 1986, relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants (JO L 382, p. 17, ci-après la «directive»).

2       Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Honyvem informazioni commerciali Srl (ci-après «Honyvem») à Mme De Zotti au sujet du montant de l’indemnité de cessation de contrat due à cette dernière en raison de la résiliation de son contrat par ladite société.

 Le cadre juridique

 La réglementation communautaire

3       L’article 17 de la directive dispose:

«1.      Les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer à l’agent commercial, après cessation du contrat, une indemnité selon le paragraphe 2 ou la réparation du préjudice selon le paragraphe 3.

2.      a)     L’agent commercial a droit à une indemnité si et dans la mesure où:

–       il a apporté de nouveaux clients au commettant ou développé sensiblement les opérations avec les clients existants et le commettant a encore des avantages substantiels résultant des opérations avec ces clients

et

–       le paiement de cette indemnité est équitable, compte tenu de toutes les circonstances, notamment des commissions que l’agent commercial perd et qui résultent des opérations avec ces clients. Les États membres peuvent prévoir que ces circonstances comprennent aussi l’application ou non d’une clause de non-concurrence au sens de l’article 20.

b)      Le montant de l’indemnité ne peut excéder un chiffre équivalent à une indemnité annuelle calculée à partir de la moyenne annuelle des rémunérations touchées par l’agent commercial au cours des cinq dernières années et, si le contrat remonte à moins de cinq ans, l’indemnité est calculée sur la moyenne de la période.

c)      L’octroi de cette indemnité ne prive pas l’agent commercial de faire valoir des dommages-intérêts.

[…]

6.      La Commission soumet au Conseil, dans un délai de huit ans à compter de la notification de la présente directive, un rapport consacré à la mise en œuvre du présent article et lui soumet, le cas échéant, des propositions de modifications.»

4       L’article 19 de la directive prévoit:

«Les parties ne peuvent pas, avant l’échéance du contrat, déroger aux dispositions des articles 17 et 18 au détriment de l’agent commercial.»

 La réglementation nationale

5       Les articles 17 et 19 de la directive ont été transposés en droit interne par l’article 1751 du code civil italien (ci-après le «code civil»). À la suite de l’adoption du décret législatif n° 303, du 10 septembre 1991 (Supplément ordinaire à la GURI n° 221, du 20 septembre 1991 ), le libellé de cette disposition nationale a été modifié et est désormais fondé sur celui desdits articles de la directive. À l’instar de l’article 17 de celle-ci, il reflète une approche méritocratique quant au calcul de l’indemnité à laquelle l’agent commercial a droit après la cessation de son contrat.

6       Le 27 novembre 1992, la Confcommercio (Organisation représentative des entreprises du secteur du commerce, du tourisme et des services) et la FNAARC (Organisation représentative des agents et représentants de commerce) ont conclu une convention collective (ci-après la «convention de 1992») dont le contenu est le suivant:

«Point I

Par référence aux dispositions de l’article 1751 du code civil, tel que modifié par l’article 4 du décret législatif n° 303, du 10 septembre 1991, et en particulier au principe de l’équité, dans tous les cas de cessation du contrat, il sera versé à l’agent ou au représentant commercial une indemnité dont le montant sera égal à 1 % du montant global des commissions échues et liquidées au cours du contrat.

Cette somme sera complétée par les mesures suivantes:

A.      Agents et représentants liés par une obligation d’exclusivité à une seule entreprise:

–       3 % des commissions dans la limite de 24 000 000 de lires annuelles;

–       1 % du montant des commissions allant de 24 000 001 à 36 000 000 de lires annuelles.

B.      Agents et représentants non liés par une obligation d’exclusivité à une seule entreprise:

–       3 % des commissions dans la limite de 12 000 000 de lires annuelles;

–       1 % du montant des commissions allant de 12 000 001 à 18 000 000 de lires annuelles.

[…]

Les parties se donnent réciproquement acte du fait que, avec ce qui précède, elles ont entendu satisfaire au critère de l’équité mentionné à l’article 1751 du code civil, précité.

Point II

Toujours en application de l’article 1751 du code civil, en plus des sommes citées au point I de la présente réglementation, une autre somme sera versée [...] et calculée de la manière suivante:

–       3 % des commissions échues dans les trois premières années de durée du contrat d’agence;

–       3,50 % des commissions échues entre la quatrième et la sixième année;

–       4 % des commissions échues pendant les années suivantes.

[…]

Déclaration verbale

Les parties confirment que les présentes dispositions collectives en matière de rétribution de fin de contrat, en application de l’article 1751 du code civil, constituent dans leur ensemble un régime plus favorable que la réglementation légale. Ces dispositions sont interdépendantes et inséparables et ne peuvent se cumuler avec aucun autre régime.

[…]»

7       Selon la convention de 1992, le calcul de l’indemnité à laquelle l’agent commercial a droit après la cessation de son contrat est donc fondé, contrairement aux critères énoncés aux articles 17 de la directive et 1751 du code civil, dans sa version modifiée par le décret législatif n° 303, du 10 septembre 1991 (ci-après l’«article 1751 du code civil»), sur des pourcentages fixes des commissions perçues par ledit agent commercial et sur la durée du contrat d’agence.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

8       Honyvem a résilié, avec effet au 30 juin 1998, le contrat conclu avec Mme De Zotti. En vertu de sa clause 10, ledit contrat «est régi par les dispositions du code civil, des lois spéciales concernant le mandat d’agent commercial ainsi que des conventions collectives dans le secteur commercial [...]».

9       Estimant que le calcul de l’indemnité de cessation de contrat devait être fondé sur la convention de 1992, Honyvem a proposé à Mme De Zotti de lui allouer la somme de 78 880 276 ITL au titre de ladite indemnité.

10      Considérant que cette somme était insuffisante, Mme De Zotti a, le 12 avril 1999, introduit un recours devant le Tribunale di Milano pour obtenir la condamnation de Honyvem à lui verser la somme de 181 889 420 ITL en application des critères énoncés à l’article 1751 du code civil.

11     Le Tribunale di Milano ayant rejeté ledit recours en accueillant la thèse de Honyvem, Mme De Zotti a interjeté appel devant la Corte d’appello di Milano. Cette juridiction a fait droit à l’appel et a reconnu à l’intéressée le droit à une somme complémentaire de 57 000 000 ITL en application de l’article 1751 du code civil.

12     Honyvvem a formé un pourvoi devant la Corte suprema di cassazione contre l’arrêt rendu par la Corte d’appello di Milano. Cette société a notamment fait valoir que le renvoi au principe de l’autonomie de la volonté des parties et, par conséquent, aux conventions collectives est expressément autorisé par l’article 1751 du code civil dans le cas où celles-ci prévoient des conditions plus favorables pour l’agent commercial que celles résultant de l’application du régime prévu par la réglementation légale. L’appréciation du caractère plus favorable de l’indemnité prévue par la réglementation conventionnelle devrait s’effectuer ex ante. Or, étant donné que le régime institué par la convention collective assure en tout état de cause le bénéfice d’une indemnité à l’agent commercial, il faudrait en conclure qu’il lui est plus favorable que celui institué par l’article 1751 du code civil.

13     Mme De Zotti a formé un pourvoi incident au motif que l’indemnité de cessation de contrat qui lui est due devrait correspondre, en application des critères énoncés à l’article 1751 du code civil, à une indemnité dont le montant est proche de celui demandé en première instance.

14     Il ressort de la décision de renvoi que ni la jurisprudence ni la doctrine italienne ne sont parvenues à des conclusions unanimes au sujet de la légalité de la convention de 1992.

15     C’est dans ces conditions que la Corte suprema di cassazione a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Au vu du contenu et de la finalité de l’article 17 de la directive et, éventuellement, des critères que celui-ci offre pour calculer l’indemnité qu’il prévoit, l’article 19 de la même directive peut[-il] être interprété comme acceptant la possibilité que la réglementation nationale qui transpose la directive admette qu’une convention collective (qui s’impose aux parties à certains contrats) prévoie non pas une indemnité due à l’agent dans les conditions prévues à l’article 17, paragraphe 2, et calculable à l’aide des critères que l’on peut déduire de cet article, mais au contraire une indemnité qui, d’une part, doit être versée à l’agent indépendamment de la réunion des conditions énoncées à l’article 17, [paragraphe 2,] sous a), premier et second tirets (et pour une partie de cette indemnité, dans toutes les hypothèses de cessation du contrat) et, d’autre part, est quantifiable non pas en vertu des critères que l’on peut déduire de la directive (et, le cas échéant, dans les limites du montant indiqué par celle-ci), mais en vertu de critères prédéterminés par la convention collective, c’est-à-dire une indemnité déterminée (sans aucune référence spécifique à l’augmentation des opérations apportées par l’agent) sur la base de pourcentages fixes des rémunérations perçues par l’agent commercial pendant la durée du contrat, avec pour conséquence que cette indemnité, même en présence du plafond, ou, dans une large mesure, des conditions auxquelles la directive subordonne le droit à indemnité, devrait dans de nombreux cas être chiffrée à une somme inférieure (et parfois très inférieure) au maximum prévu par la directive, et, en tout cas, inférieure à la somme qui aurait pu être arrêtée in concreto par le juge si celui-ci n’était pas tenu par les facteurs de calcul de la convention collective, mais par les principes et critères de la directive?

2)      […] le calcul de l’indemnité doit[-il] être effectué de manière analytique, par une estimation des autres commissions que l’agent commercial aurait probablement pu percevoir au cours des années suivant la rupture du contrat, du fait des nouveaux clients qu’il a apportés ou du développement sensible des opérations avec les clients préexistants qu’il a obtenu, et par l’application seulement à un stade ultérieur des éventuelles rectifications du montant en considération du critère de l’équité et du plafond prévu par la directive; ou si d’autres méthodes de calcul sont autorisées et, en particulier, des méthodes synthétiques qui font une plus grande place au critère de l’équité et, en tant que point de départ des calculs, à la limite maximale spécifiée par la directive?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

16     Par sa première question, la juridiction de renvoi demande en substance si l’article 19 de la directive doit être interprété en ce sens que l’indemnité de cessation de contrat prévue à l’article 17, paragraphe 2, de la directive peut être remplacée, en application d’une convention collective, par une indemnité déterminée en fonction de critères autres que ceux fixés par cette dernière disposition.

17     Il y a lieu de relever, à titre liminaire, que l’interprétation des articles 17 et 19 de la directive doit être envisagée au regard de l’objectif poursuivi par cette dernière et du système qu’elle institue (voir, en ce sens, arrêts du 2 octobre 1991, Vandevenne e.a., C-7/90, Rec. p. I‑4371, point 6, et du 12 décembre 1996, Kontogeorgas, C‑104/95, Rec. p. I-6643, point 25).

18     À cet égard, il est constant que la directive a pour objectif d’harmoniser le droit des États membres en ce qui concerne les rapports juridiques entre les parties à un contrat d’agence commerciale (arrêts du 30 avril 1998, Bellone, C-215/97, Rec. p. I-2191, point 10, et du 13 juillet 2000, Centrosteel, C-456/98, Rec. p. I-6007, point 13).

19     Ainsi qu’il ressort de ses deuxième et troisième considérants, la directive vise à protéger les agents commerciaux dans leurs relations avec leurs commettants, à promouvoir la sécurité des opérations commerciales et à faciliter les échanges de marchandises entre États membres en rapprochant les systèmes juridiques de ces derniers dans le domaine de la représentation commerciale. À cette fin, la directive établit notamment des règles régissant, à ses articles 13 à 20, la conclusion et la fin du contrat d’agence (arrêt du 6 mars 2003, Caprini, C-485/01, Rec. p. I-2371, point 4).

20     En ce qui concerne la fin du contrat, l’article 17, paragraphe 1, de la directive institue un système permettant aux États membres d’opter entre deux solutions. En effet, ces derniers doivent prendre les mesures nécessaires pour assurer à l’agent commercial, après la cessation du contrat, soit une indemnité déterminée selon les critères énoncés au paragraphe 2 du même article, soit la réparation du préjudice en fonction des critères définis au paragraphe 3 de celui-ci.

21     La République italienne, dont la réglementation nationale était fondée précédemment dans une large mesure sur des conventions collectives, a opté pour la solution prévue audit article 17, paragraphe 2.

22     Selon la jurisprudence de la Cour, le système institué par les articles 17 à 19 de la directive présente, au regard notamment de la protection de l’agent commercial après la cessation du contrat, un caractère impératif (arrêt du 9 novembre 2000, Ingmar, C-381/98, Rec. p. I-9305, point 21).

23     La Cour en a conclu qu’un commettant ne peut éluder lesdites dispositions par le simple jeu d’une clause de choix de loi, sans qu’ait été soulevée la question de savoir si ce choix a ou non été opéré au détriment de l’agent commercial (arrêt Ingmar, précité, point 25).

24     En ce qui concerne l’article 19 de la directive, il convient tout d’abord de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante, les termes employés pour instituer des exonérations à un principe général édicté par la réglementation communautaire, tel que celui résultant du système d’indemnisation prévu à l’article 17 de la directive, sont d’interprétation stricte (voir, en ce sens, arrêt du 18 janvier 2001, Stockholm Lindöpark, C-150/99, Rec. p. I-493, point 25).

25     Il y a lieu de relever ensuite que l’article 19 de la directive prévoit la possibilité pour les parties de déroger aux dispositions de l’article 17 de celle-ci avant l’échéance du contrat, à condition que la dérogation envisagée ne soit pas défavorable à l’agent commercial. Force est donc de constater que la nature défavorable ou non de ladite dérogation doit être appréciée au moment où les parties l’envisagent. Ces dernières ne peuvent convenir d’une dérogation dont elles ignorent si elle s’avérera, en fin de contrat, être soit en faveur, soit au détriment de l’agent commercial.

26     Une telle interprétation est également corroborée par l’objectif et le caractère du système institué par les articles 17 et 19 de la directive, tels que précisés aux points 19 et 22 du présent arrêt.

27     Il convient dès lors d’inférer des considérations qui précèdent que l’article 19 de la directive doit être compris en ce sens qu’une dérogation aux dispositions de l’article 17 de celle-ci ne saurait être admise que si, ex ante, il est exclu qu’elle s’avérera, en fin de contrat, être au détriment de l’agent commercial.

28     Tel serait le cas, en ce qui concerne la convention de 1992, dans l’hypothèse où il pourrait être établi que l’application de cette convention n’est jamais défavorable à l’agent commercial, dès lors qu’elle garantirait systématiquement à ce dernier, au regard de tous les rapports juridiques susceptibles d’être établis entre les parties à un contrat d’agence commerciale, une indemnité supérieure ou au moins égale à celle qui résulterait de l’application de l’article 17 de la directive.

29     Le seul fait que ladite convention peut être favorable à l’agent commercial dans les cas où il n’aurait droit, en application des critères énoncés à l’article 17, paragraphe 2, de la directive, qu’à une indemnité très réduite, voire à aucune indemnité, ne saurait suffire à établir qu’elle ne déroge pas aux dispositions des articles 17 et 18 de la directive au détriment de l’agent commercial.

30     Il appartient à la juridiction de renvoi de procéder aux vérifications nécessaires à cet effet.

31     Enfin, il y a lieu de relever que ce n’est que dans l’hypothèse où la convention de 1992 ouvrirait la possibilité de cumuler, ne fût-ce que partiellement, l’indemnité calculée selon les dispositions de cette convention avec l’indemnité prévue par le système instauré par la directive qu’elle pourrait être qualifiée de favorable à l’agent commercial. Cette possibilité est cependant expressément écartée par la déclaration verbale des parties ayant signé ladite convention.

32     Au vu de l’ensemble de ces considérations, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 19 de la directive doit être interprété en ce sens que l’indemnité de cessation de contrat qui résulte de l’application de l’article 17, paragraphe 2, de la directive ne peut pas être remplacée, en application d’une convention collective, par une indemnité déterminée en fonction de critères autres que ceux fixés par cette dernière disposition sauf s’il est établi que l’application d’une telle convention garantit, dans tous les cas, à l’agent commercial une indemnité égale ou supérieure à celle qui résulterait de l’application de ladite disposition.

 Sur la seconde question

33     Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande en substance si le calcul de l’indemnité de cessation de contrat doit être effectué de manière analytique, ainsi que le prévoit l’article 17, paragraphe 2, de la directive, ou si d’autres méthodes de calcul, accordant notamment une place plus large au critère de l’équité, sont autorisées.

34     À cet égard, il y a lieu de relever que, bien que le régime instauré par l’article 17 de la directive soit impératif et qu’il fixe un cadre (arrêt Ingmar, précité, point 21), il ne donne toutefois pas d’indications détaillées en ce qui concerne la méthode de calcul de l’indemnité de cessation de contrat.

35     Ainsi, la Cour a jugé que, à l’intérieur de ce cadre, les États membres peuvent exercer leur marge d’appréciation quant au choix des méthodes de calcul de l’indemnité (arrêt Ingmar, précité, point 21). La Commission a soumis au Conseil, ainsi qu’elle y était tenue en vertu de l’article 17, paragraphe 6, de la directive, le rapport sur l’application de l’article 17 de la directive du Conseil relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants, présenté par la Commission le 23 juillet 1996 [COM(96) 364 final]. Ce rapport fournit des informations détaillées en ce qui concerne le calcul effectif de l’indemnité et vise à faciliter une interprétation plus uniforme de cet article 17.

36     Il y a donc lieu de répondre à la seconde question que, à l’intérieur du cadre fixé par l’article 17, paragraphe 2, de la directive , les États membres jouissent d’une marge d’appréciation qu’il leur est loisible d’exercer, notamment, en fonction du critère de l’équité.

 Sur les dépens

37     La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

1)       L’article 19 de la directive 86/653/CEE du Conseil, du 18 décembre 1986, relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants, doit être interprété en ce sens que l’indemnité de cessation de contrat qui résulte de l’application de l’article 17, paragraphe 2, de cette directive ne peut pas être remplacée, en application d’une convention collective, par une indemnité déterminée en fonction de critères autres que ceux fixés par cette dernière disposition sauf s’il est établi que l’application d’une telle convention garantit, dans tous les cas, à l’agent commercial une indemnité égale ou supérieure à celle qui résulterait de l’application de ladite disposition.

2)      À l’intérieur du cadre fixé par l’article 17, paragraphe 2, de la directive 86/653, les États membres jouissent d’une marge d’appréciation qu’il leur est loisible d’exercer, notamment, en fonction du critère de l’équité.

Signatures


* Langue de procédure: l'italien.