Affaire C-201/04

Belgische Staat

contre

Molenbergnatie NV

(demande de décision préjudicielle, introduite par

le Hof van Beroep te Antwerpen)

«Code des douanes communautaire — Recouvrement a posteriori des droits à l'importation ou à l'exportation — Obligation de communiquer au débiteur le montant des droits dus dès que celui-ci a été pris en compte et avant l'expiration d'un délai de trois ans à compter de la date de la naissance de la dette — Notion de 'modalités appropriées'»

Conclusions de l'avocat général M. F. G. Jacobs, présentées le 30 juin 2005 

Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 23 février 2006 

Sommaire de l'arrêt

1.     Actes des institutions — Application dans le temps — Règles de procédure — Règles de fond — Distinction

(Règlement du Conseil nº 2913/92, art. 217 à 232)

2.     Ressources propres des Communautés européennes — Recouvrement a posteriori des droits à l'importation ou à l'exportation

(Règlement du Conseil nº 2913/92, art. 221, § 1)

3.     Ressources propres des Communautés européennes — Recouvrement a posteriori des droits à l'importation ou à l'exportation

(Règlement du Conseil nº 2913/92, art. 221)

1.     Les règles de procédure sont généralement censées s'appliquer à tous les litiges pendants au moment où elles entrent en vigueur, à la différence des règles de fond qui sont habituellement interprétées comme ne visant pas, en principe, des situations acquises antérieurement à leur entrée en vigueur.

Par conséquent, seules les règles de procédure qui figurent aux articles 217 à 232 du règlement nº 2913/92, établissant le code des douanes communautaire, s'appliquent au recouvrement, mis en oeuvre après le 1er janvier 1994, date d'applicabilité dudit code, d'une dette douanière ayant pris naissance avant cette date.

L'article 221, paragraphe 3, du code des douanes doit être considéré, à l'inverse des paragraphes 1 et 2 du même article, comme étant une disposition de fond et il ne saurait, dès lors, être appliqué au recouvrement d'une dette douanière née avant le 1er janvier 1994. En effet, à l'expiration du délai fixé par cet article, l'action en recouvrement de la dette douanière est prescrite sous réserve de l'exception prévue à ce même article, ce qui équivaut à la prescription de la dette même et, partant, à son extinction. Par ailleurs, l'article 233 du même code précise que l'énumération des différentes causes d'extinction de la dette douanière qui figure sous a) à d) de cet article est faite sans préjudice, notamment, des dispositions relatives à la prescription de la dette douanière.

Lorsque la dette douanière a pris naissance avant le 1er janvier 1994, elle ne peut être régie que par les règles de prescription en vigueur à cette date, même si la procédure de recouvrement de la dette a été engagée après le 1er janvier 1994.

(cf. points 31, 40, 42, disp. 1 et 3)

2.     L'article 221, paragraphe 1, du règlement nº 2913/92, établissant le code des douanes communautaire, exige que le montant des droits à l'importation ou à l'exportation soit pris en compte avant d'être communiqué au débiteur. Il résulte, en effet, de la formulation de ladite disposition, qui est dépourvue de toute ambiguïté, que la prise en compte, qui consiste en l'inscription du montant des droits, par les autorités douanières, dans les registres comptables ou sur tout autre support qui en tient lieu, doit nécessairement précéder la communication au débiteur du montant des droits à l'importation ou des droits à l'exportation.

(cf. points 46, 49, disp. 2)

3.     Les États membres ne sont pas tenus d'adopter des règles de procédure spécifiques relatives aux modalités selon lesquelles doit avoir lieu la communication au redevable du montant des droits à l'importation ou à l'exportation, prévue à l'article 221 du règlement nº 2913/92, établissant le code des douanes communautaire, dès lors que peuvent être appliquées à ladite communication des règles de procédure internes de portée générale garantissant une information adéquate du redevable et lui permettant d'assurer, en toute connaissance de cause, la défense de ses droits.

(cf. point 54, disp. 4)




ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

23 février 2006 (*)

«Code des douanes communautaire – Recouvrement a posteriori des droits à l’importation ou à l’exportation – Obligation de communiquer au débiteur le montant des droits dus dès que celui-ci a été pris en compte et avant l’expiration d’un délai de trois ans à compter de la date de la naissance de la dette – Notion de ‘modalités appropriées’»

Dans l’affaire C-201/04,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le hof van beroep te Antwerpen (Belgique), par décision du 27 avril 2004, parvenue à la Cour le 5 mai 2004, dans la procédure

Belgische Staat

contre

Molenbergnatie NV,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. C. W. A. Timmermans, président de chambre, M. J. Makarczyk (rapporteur) et Mme R. Silva de Lapuerta, juges,

avocat général: M. F. G. Jacobs,

greffier: M. R. Grass,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

–       pour Molenbergnatie NV, par Mes E. Gevers et J. Gevers, advocaten,

–       pour le gouvernement belge, par Mme D. Haven, en qualité d’agent,

–       pour la Commission des Communautés européennes, par MM. X. Lewis et M. van Beek, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 30 juin 2005,

rend le présent

Arrêt

1       La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des dispositions du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO L 302, p. 1, ci-après le «code des douanes»), régissant le recouvrement du montant de la dette douanière.

2       Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Belgische Staat (État belge) à la Molenbergnatie NV, commissionnaire en douane (ci-après le «commissionnaire»), au sujet du recouvrement a posteriori de droits à l’importation et de droits antidumping.

 Le cadre juridique

3       Le chapitre 3 du titre VII du code des douanes est relatif au recouvrement du montant de la dette douanière qui est définie à l’article 4, paragraphe 9, du même code comme étant l’obligation pour une personne de payer les droits à l’importation ou les droits à l’exportation qui s’appliquent à des marchandises déterminées selon les dispositions communautaires en vigueur.

4       La section 1 dudit chapitre 3, intitulée «Prise en compte et communication au débiteur du montant des droits», comprend les articles 217 à 221.

5       Aux termes de l’article 217, paragraphe 1, du code des douanes:

«Tout montant de droits à l’importation ou de droits à l’exportation qui résulte d’une dette douanière, ci-après dénommé ‘montant de droits’, doit être calculé par les autorités douanières dès qu’elles disposent des éléments nécessaires et faire l’objet d’une inscription par lesdites autorités dans les registres comptables ou sur tout autre support qui en tient lieu (prise en compte).

Le premier alinéa ne s’applique pas dans les cas où:

a)      un droit antidumping ou compensateur provisoire a été institué;

b)      le montant des droits légalement dus est supérieur à celui déterminé sur la base d’un renseignement tarifaire contraignant;

c)       les dispositions arrêtées selon la procédure du comité dispensent les autorités douanières de la prise en compte de montants de droits inférieurs à un montant déterminé.

Les autorités douanières peuvent ne pas prendre en compte des montants de droits qui, conformément à l’article 221 paragraphe 3, ne peuvent pas être communiqués au débiteur suite à l’expiration du délai prévu.»

6       L’article 220 dudit code est libellé comme suit:

«1.      Lorsque le montant des droits résultant d’une dette douanière n’a pas été pris en compte conformément aux articles 218 et 219 ou a été pris en compte à un niveau inférieur au montant légalement dû, la prise en compte du montant des droits à recouvrer ou restant à recouvrer doit avoir lieu dans un délai de deux jours à compter de la date à laquelle les autorités douanières se sont aperçues de cette situation et sont en mesure de calculer le montant légalement dû et de déterminer le débiteur (prise en compte a posteriori). Ce délai peut être augmenté conformément à l’article 219.

2.      Hormis les cas visés à l’article 217 paragraphe 1 deuxième et troisième alinéas, il n’est pas procédé à une prise en compte a posteriori, lorsque:

a)      la décision initiale de ne pas prendre en compte les droits ou de les prendre en compte à un niveau inférieur au montant légalement dû a été prise sur la base de dispositions de caractère général ultérieurement invalidées par une décision judiciaire;

b)      le montant des droits légalement dus n’avait pas été pris en compte par suite d’une erreur des autorités douanières elles-mêmes, qui ne pouvait raisonnablement être décelée par le redevable, ce dernier ayant pour sa part agi de bonne foi et observé toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur en ce qui concerne la déclaration en douane;

c)      les dispositions arrêtées selon la procédure du comité dispensent les autorités douanières de la prise en compte a posteriori de montants de droits inférieurs à un montant déterminé.»

7       L’article 221 du code des douanes dispose:

«1.      Le montant des droits doit être communiqué au débiteur selon des modalités appropriées dès qu’il a été pris en compte.

2.      Lorsque mention du montant des droits à acquitter a été effectuée, à titre indicatif, dans la déclaration en douane, les autorités douanières peuvent prévoir que la communication visée au paragraphe 1 ne sera effectuée que pour autant que le montant des droits indiqué ne correspond pas à celui qu’elle a déterminé.

Sans préjudice de l’application de l’article 218, paragraphe 1, deuxième alinéa, lorsqu’il est fait usage de la possibilité prévue au premier alinéa, l’octroi de la mainlevée des marchandises par les autorités douanières vaut communication au débiteur du montant des droits pris en compte.

3.      La communication au débiteur ne peut plus être effectuée après l’expiration d’un délai de trois ans à compter de la date de la naissance de la dette douanière. Toutefois, lorsque c’est par suite d’un acte passible de poursuites judiciaires répressives, que les autorités douanières n’ont pas été en mesure de déterminer le montant exact des droits légalement dus, ladite communication est, dans la mesure prévue par les dispositions en vigueur, effectuée après l’expiration dudit délai de trois ans.»

8       Le chapitre 4 du titre VII du code des douanes est intitulé «Extinction de la dette douanière». Il est composé de deux articles, dont l’article 233 qui énonce:

«Sans préjudice des dispositions en vigueur relatives à la prescription de la dette douanière, ainsi qu’au non-recouvrement du montant de la dette douanière dans le cas d’insolvabilité du débiteur constatée par voie judiciaire, la dette douanière s’éteint:

a)      par le paiement du montant des droits;

b)      par la remise du montant des droits;

c)      lorsque à l’égard de marchandises déclarées pour un régime douanier comportant l’obligation de payer des droits:

–       la déclaration en douane est invalidée conformément à l’article 66,

–       lorsque les marchandises, avant qu’il en ait été donné mainlevée, sont, soit saisies et simultanément ou ultérieurement confisquées, soit détruites sur l’ordre des autorités douanières, soit détruites ou abandonnées, conformément à l’article 182, soit détruites ou irrémédiablement perdues pour une cause dépendant de la nature même de ces marchandises ou par suite d’un cas fortuit ou de force majeure;

d)      lorsque des marchandises pour lesquelles une dette douanière est née conformément à l’article 202 sont saisies lors de l’introduction irrégulière et simultanément ou ultérieurement confisquées.

En cas de saisie et confiscation, la dette douanière est cependant, pour les besoins de la législation pénale applicable aux infractions douanières, considérée comme n’étant pas éteinte lorsque la législation pénale d’un État membre prévoit que les droits de douane servent de base à la détermination de sanctions ou que l’existence d’une dette douanière sert de base aux poursuites pénales.»

9       Le code des douanes est applicable, conformément à son article 253, deuxième alinéa, depuis le 1er janvier 1994.

10     Avant l’entrée en vigueur dudit code, la matière était régie par le règlement (CEE) n° 1697/79 du Conseil, du 24 juillet 1979, concernant le recouvrement «a posteriori» des droits à l’importation ou des droits à l’exportation qui n’ont pas été exigés du redevable pour des marchandises déclarées pour un régime douanier comportant l’obligation de payer de tels droits (JO L 197, p. 1), entré en vigueur le 1er juillet 1980, et par le règlement (CEE) n° 1854/89 du Conseil, du 14 juin 1989, relatif à la prise en compte et aux conditions de paiement des montants des droits à l’importation ou de droits à l’exportation résultant d’une dette douanière (JO L 186, p. 1), ce dernier s’appliquant aux montants des droits pris en compte à partir du 1er juillet 1990.

11     Selon l’article 2 du règlement n° 1697/79:

«1.      Lorsque les autorités compétentes constatent que tout ou partie du montant des droits à l’importation ou des droits à l’exportation légalement dus pour une marchandise déclarée pour un régime douanier comportant l’obligation de payer de tels droits n’a pas été exigé du redevable, elles engagent une action en recouvrement des droits non perçus.

Toutefois, cette action ne peut plus être engagée après l’expiration d’un délai de trois ans à compter de la date de la prise en compte du montant primitivement exigé du redevable, ou, s’il n’y a pas eu de prise en compte, à compter de la date de la naissance de la dette douanière relative à la marchandise en cause.

2.      Au sens du paragraphe 1, l’action en recouvrement est engagée par la notification à l’intéressé du montant des droits à l’importation ou des droits à l’exportation dont il est redevable.»

12     Le règlement n° 1854/89 contient, à son article 1er, paragraphe 2, sous c), une définition de la notion de «prise en compte» ainsi libellée:

«[...] l’inscription par l’autorité douanière, dans les registres comptables ou sur tout autre support qui en tient lieu, du montant des droits à l’importation ou des droits à l’exportation correspondant à une dette douanière».

13     L’article 2, paragraphe 1, du même règlement dispose:

«Tout montant des droits à l’importation ou des droits à l’exportation qui résulte d’une dette douanière, ci-après dénommé ‘montant de droits’, doit être calculé par l’autorité douanière dès qu’elle dispose des éléments nécessaires et faire l’objet d’une prise en compte par ladite autorité.»

14     L’article 5 du règlement n° 1854/89 est ainsi rédigé:

«Lorsque le montant de droits résultant d’une dette douanière n’a pas été pris en compte conformément aux articles 3 et 4 ou a été pris en compte à un niveau inférieur au montant légalement dû, la prise en compte du montant de droits à recouvrer ou restant à recouvrer doit avoir lieu dans un délai de deux jours à compter de la date à laquelle l’autorité douanière s’est aperçue de cette situation et est en mesure de calculer le montant légalement dû et de déterminer la personne tenue au paiement de ce montant. Ce délai peut être augmenté conformément à l’article 4.»

15     L’article 6, paragraphe 1, dudit règlement prévoit:

«Le montant des droits doit être communiqué, dès qu’il a été pris en compte, à la personne tenue à son paiement, selon des modalités appropriées.»

16     Le code des douanes a été modifié, notamment, par le règlement (CE) n° 2700/2000 du Parlement européen et du Conseil, du 16 novembre 2000 (JO L 311, p. 17).

  Le litige au principal et les questions préjudicielles

17     Le commissionnaire a déclaré en Belgique, entre le 9 avril 1992 et le 23 juin 1994, au nom et pour le compte d’une autre société, des importations de cassettes vidéo en provenance de Macao, via Hong Kong.

18     En vertu du régime des préférences tarifaires généralisées applicable aux marchandises originaires de pays en voie de développement, ces importations ont été exonérées de droits de douane.

19     À la suite d’ une enquête menée à Macao, le comité de l’origine institué par l’article 12 du règlement (CEE) n° 802/68 du Conseil, du 27 juin 1968, relatif à la définition commune de la notion d’origine des marchandises (JO L 148, p. 1) a décidé d’exclure ces marchandises du tarif préférentiel au motif qu’elles étaient en réalité originaires de Chine et étaient en conséquence soumises aux droits à l’importation applicables aux pays tiers, ainsi qu’aux droits antidumping. La décision du comité a été notifiée aux États membres le 10 août 1994.

20     Par lettre recommandée du 27 février 1995, l’inspection de recherche des douanes et accises d’Anvers a informé le commissionnaire de ladite enquête et lui a notifié les montants des droits à l’importation et des droits antidumping qui étaient dus.

21     Selon le gouvernement belge, les montants desdits droits ont été pris en compte le 7 mars 1995.

22     Par courrier du 29 septembre 1995, la direction régionale des douanes et accises (ci-après l’«administration») a notifié au commissionnaire le recouvrement a posteriori de ces mêmes droits, conformément à l’article 220, paragraphe 1, du code des douanes.

23     L’administration, saisie d’une réclamation par le commissionnaire, a maintenu sa position et a assigné celui-ci en justice le 3 juillet 2000. Par jugement du 22 avril 2002, le rechtbank van eerste aanleg te Antwerpen (tribunal de première instance d’Anvers) a déclaré la demande de l’administration non fondée, retenant qu’elle avait procédé de manière irrégulière au recouvrement a posteriori des droits de douane en cause. En particulier, la juridiction a jugé que le délai de forclusion de trois ans fixé par l’article 221, paragraphe 3, du code des douanes était expiré lorsque le montant des droits dus pour une dette née le 9 avril 1992 avait été communiqué au commissionnaire. L’administration a interjeté appel de ce jugement.

24     Dans ces conditions, le hof van beroep te Antwerpen (cour d’appel d’Anvers) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Les articles 217 à 232 du code des douanes [...], à savoir les dispositions du chapitre 3 (‘Recouvrement du montant de la dette douanière’) du titre VII (‘Dette douanière’), lequel se compose d’une section 1 (‘Prise en compte et communication au débiteur du montant des droits’ – articles 217 à 221) et d’une section 2 (‘Délai et modalités de paiement du montant des droits’ – articles 222 à 232), s’appliquent-ils au recouvrement d’une dette douanière qui est née avant le 1er janvier 1994 mais dont le recouvrement n’a pas été entrepris ou entamé avant cette date?

2)      Si la première question appelle une réponse affirmative, la communication imposée par l’article 221 du code des douanes [...] doit-elle toujours se faire après la prise en compte du montant des droits ou, en d’autres termes, la communication imposée par l’article 221 du code des douanes [...] doit-elle toujours être précédée de la prise en compte du montant des droits?

3)      Une communication tardive du montant des droits au débiteur, à savoir après l’expiration du délai de trois ans prévu par l’article 221, paragraphe 3, du code des douanes [...], dans sa version initiale [en vigueur avant le remplacement (à compter du 19 décembre 2000) fait par l’article 1er, point 17, du règlement (CE) n° 2700/2000 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2000 modifiant le règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil établissant le code des douanes communautaire (JO L 311, p. 17)], alors que les autorités douanières étaient bel et bien en mesure de déterminer au cours de ce même délai le montant exact des droits légalement dus, débouche-t-elle sur l’impossibilité de procéder au recouvrement de la dette douanière y afférente ou alors sur la disparition de cette dette ou sur une autre conséquence juridique?

4)      Les États membres doivent-ils définir les modalités selon lesquelles doit se faire la communication du montant des droits au débiteur requise par l’article 221 du code des douanes [...]?

Dans l’affirmative, un État membre qui a omis de définir les modalités dans lesquelles doit se faire la communication du montant des droits au débiteur requise par l’article 221 du code des douanes [...] peut-il soutenir que tout document indiquant le montant des droits qui est notifié au débiteur (après la prise en compte) vaut communication du montant des droits au débiteur au sens de l’article 221 du code des douanes [...], même si ce document ne se réfère en aucune façon à l’article 221 du code des douanes [...] ni ne précise qu’il s’agit d’une communication du montant des droits au débiteur?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur les première et troisième questions

25     Par la première question, la juridiction de renvoi s’interroge sur l’application dans le temps des dispositions des articles 217 à 232 du code des douanes, insérées dans le chapitre 3 du titre VII dudit code et relatives au recouvrement du montant de la dette douanière, le code des douanes étant applicable, aux termes de son article 253, deuxième alinéa, à partir du 1er janvier 1994.

26     Ladite juridiction, par la troisième question, demande à la Cour de préciser les conséquences qui découlent du non-respect du délai institué par l’article 221, paragraphe 3, du code des douanes.

27     À titre liminaire, il y a lieu de préciser, au regard de la motivation de la décision de renvoi, comme le fait valoir M. l’avocat général au point 47 de ses conclusions, que la première question, même si son libellé vise globalement les articles 217 à 232 du code des douanes, concerne à titre principal l’article 221 du même code, la juridiction de renvoi demandant plus particulièrement si ce dernier article s’applique à une dette douanière, née avant le 1er janvier 1994, dont le recouvrement a été entrepris après cette date et avant l’entrée en vigueur du règlement n° 2700/2000.

28     En conséquence, eu égard au lien qui unit les première et troisième questions quant à l’analyse des effets de l’article 221 du code des douanes qu’elles nécessitent, il y a lieu de les traiter conjointement.

29     S’agissant de la première question, le gouvernement belge estime que les articles visés ne comportent que des règles de fond et ne sont, en conséquence, pas applicables aux dettes douanières ayant pris naissance avant le 1er janvier 1994.

30     La Commission des Communautés européennes et le commissionnaire, se fondant sur l’arrêt du 12 novembre 1981, Salumi e.a. (212/80 à 217/80, Rec. p. 2735, point 9), considèrent que ces mêmes articles, qui comportent à la fois des règles de fond et des règles de procédure, ne sauraient être considérés isolément quant à leurs effets dans le temps dans la mesure où ils forment un tout indissociable. Toutefois, leurs conclusions divergent. Ainsi, la Commission estime que seules les dispositions du règlement n° 1697/79 doivent être appliquées au recouvrement a posteriori d’une dette douanière, née avant le 1er janvier 1994, dont le recouvrement n’a été engagé qu’après cette date. Le commissionnaire soutient, quant à lui, la thèse de l’application des articles 217 à 232 du code des douanes au recouvrement d’une telle dette.

31     Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à tous les litiges pendants au moment où elles entrent en vigueur, à la différence des règles de fond qui sont habituellement interprétées comme ne visant pas, en principe, des situations acquises antérieurement à leur entrée en vigueur [voir, notamment, arrêts Salumi e.a., précité, point 9; du 6 juillet 1993, CT Control (Rotterdam) et JCT Benelux/Commission, C‑121/91 et C‑122/91, Rec. p. I‑3873, point 22; du 7 septembre 1999, De Haan, C‑61/98, Rec. p. I‑5003, point 13, et du 14 novembre 2002, Ilumitrónica, C‑251/00, Rec. p. I‑10433, point 29].

32     Au point 11 de l’arrêt Salumi e.a., précité, la Cour a, par exception à la règle d’interprétation ci-dessus rappelée, estimé que le règlement n° 1697/79, qui visait à instaurer une réglementation d’ensemble du recouvrement a posteriori des droits de douane, comportait des règles tant de procédure que de fond formant un tout indissociable dont les dispositions particulières ne pouvaient être considérées isolément quant à leur effet dans le temps. Ainsi que le souligne M. l’avocat général aux points 42 à 46 de ses conclusions, une telle exception trouvait sa justification dans la substitution d’un régime communautaire nouveau aux régimes nationaux préexistants, l’objectif étant d’aboutir à une application cohérente et uniforme de la législation communautaire ainsi instaurée en matière douanière.

33     En l’espèce, dans la mesure où la question posée porte exclusivement sur l’application dans le temps du code des douanes, dont l’objet est de reprendre, en la modifiant sur certains aspects, la réglementation communautaire préexistante applicable dans le domaine du droit douanier, en particulier les règlements n° 1697/79 et n° 1854/89, antérieurement en vigueur, la précédente exception au principe d’interprétation rappelé au point 31 du présent arrêt ne saurait trouver à s’appliquer.

34     Il doit donc être distingué entre les règles de fond et les règles de procédure. Il appartiendra, en conséquence, à la juridiction de renvoi, pour les faits du litige au principal auxquels se rattachent les dettes douanières qui se sont produits avant la date de mise en application du code, de se référer, d’une part, aux règles de fond contenues dans la réglementation antérieure à cette date et, d’autre part, aux règles de procédure contenues dans le code des douanes (voir, en ce sens, arrêts De Haan, précité, point 14, et du 13 mars 2003, Pays-Bas/Commission, C‑156/00, Rec. p. I‑2527, points 35 et 36).

35     Dans la mesure où la question de la juridiction de renvoi vise à titre principal l’article 221 du code des douanes, il convient, à ce stade, de statuer sur la nature des dispositions qui composent ledit article au regard de la distinction entre règles de fond et règles de procédure.

36     Il est constant que les paragraphes 1 et 2 dudit article édictent des règles de nature purement procédurale.

37     S’agissant de la portée et, partant, de la nature de la règle posée par l’article 221, paragraphe 3, celle-ci fait spécifiquement l’objet de la troisième question de la juridiction de renvoi. Cette dernière s’interroge ainsi sur les effets d’une communication tardive du montant des droits au débiteur, soit après l’expiration du délai de trois ans prévu par cette disposition qui a repris, en substance, celle qui figurait à l’article 2, paragraphe 1, du règlement n° 1697/79 (voir, en ce sens, arrêt Pays-Bas/Commission, précité, point 6).

38     À cet égard, le gouvernement belge, le commissionnaire et la Commission soutiennent que la communication du montant des droits au débiteur après l’expiration du délai de trois ans, que ce soit sous l’empire du code des douanes ou sous celui des textes antérieurement applicables, entraîne l’impossibilité de procéder au recouvrement de la dette. Selon eux, cette impossibilité ne saurait cependant avoir pour effet d’entraîner l’extinction de la dette.

39     Il n’est pas discutable que l’expiration du délai de trois ans prévu à l’article 221, paragraphe 3, du code des douanes, pour que les autorités douanières communiquent au débiteur le montant de la dette douanière, fait obstacle au droit de ces autorités de procéder au recouvrement de ladite dette, sauf si c’est par suite d’un acte passible de poursuites judiciaires répressives que les autorités douanières n’ont pas été en mesure de déterminer le montant exact des droits légalement dus. Cependant, la disposition en cause édicte en même temps une règle régissant la dette douanière elle-même et établit, en conséquence, une règle de prescription de cette dernière.

40     Par ailleurs, l’article 233 du code des douanes précise que l’énumération des différentes causes d’extinction de la dette douanière qui figure sous a) à d) de cet article est faite sans préjudice, notamment, des dispositions relatives à la prescription de la dette douanière (voir, en ce sens, arrêt du 14 novembre 2002, SPKR, C‑112/01, Rec. p. I‑10655, points 30 et 31).

41     Il convient, en conséquence, dans la mesure où, à l’expiration du délai fixé par l’article 221, paragraphe 3, du code des douanes, la dette est prescrite et, partant, éteinte, de considérer que cette disposition édicte une règle de fond.

42     Compte tenu de ce qui précède, il convient de répondre comme suit aux première et troisième questions posées:

–       Seules les règles de procédure qui figurent aux articles 217 à 232 du code des douanes s’appliquent au recouvrement, mis en œuvre après le 1er janvier 1994, d’une dette douanière ayant pris naissance avant cette date.

–       À l’expiration du délai fixé par l’article 221, paragraphe 3, du code des douanes, l’action en recouvrement de la dette douanière est prescrite sous réserve de l’exception prévue à ce même article, ce qui équivaut à la prescription de la dette même et, partant, à son extinction. Eu égard à la règle ainsi posée, l’article 221, paragraphe 3, doit être considéré, à l’inverse des paragraphes 1 et 2 du même article, comme étant une disposition de fond et il ne saurait, dès lors, être appliqué au recouvrement d’une dette douanière née avant le 1er janvier 1994. Lorsque la dette douanière a pris naissance avant le 1er janvier 1994, ladite dette ne peut être régie que par les règles de prescription en vigueur à cette date, même si la procédure de recouvrement de la dette a été engagée après le 1er janvier 1994.

  Sur la deuxième question

43     Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, dans l’hypothèse de l’applicabilité de l’article 221 du code des douanes, si la communication du montant des droits au débiteur imposée par le paragraphe 1 dudit article peut avoir lieu avant la «prise en compte» elle-même.

44     Il convient de souligner que le code des douanes a repris, en substance, les dispositions du règlement n° 1854/89 relatives au calcul des droits à l’importation ou à l’exportation qui initie la procédure en vue du recouvrement de la dette douanière, celles relatives à la définition de la notion de «prise en compte», ainsi que celles portant sur l’exigence d’une communication du montant des droits, selon des modalités appropriées, dès que celui-ci a été pris en compte.

45     Le gouvernement belge considère qu’il n’y a pas lieu de répondre à ladite question eu égard à l’inapplicabilité du code des douanes. La Commission répond au regard du règlement n° 1697/79 et estime que l’inscription dudit montant dans les registres comptables n’est pas une condition préalable nécessaire à l’engagement d’une action en recouvrement. Le commissionnaire estime, quant à lui, que la communication du montant des droits doit toujours se faire après la prise en compte.

46     Il résulte de la formulation de l’article 221, paragraphe 1, du code des douanes, qui est dépourvue de toute ambiguïté ainsi que le relève M. l’avocat général au point 68 de ses conclusions, que la prise en compte, qui consiste en l’inscription du montant des droits, par les autorités douanières, dans les registres comptables ou sur tout autre support qui en tient lieu, doit nécessairement précéder la communication au débiteur du montant des droits à l’importation ou des droits à l’exportation.

47     Un tel déroulement chronologique des opérations de prise en compte et de communication du montant des droits, consacré par l’intitulé même de la section 1 du chapitre 3 du titre VII du code des douanes, «Prise en compte et communication au débiteur du montant des droits», doit être respecté sous peine de générer des différences de traitement entre les redevables et de nuire, par ailleurs, au fonctionnement harmonieux de l’union douanière. Cette même approche était retenue par le règlement n° 1854/89 dont le quatrième considérant faisait état des «délais dans lesquels les montants de droits à l’importation ou à l’exportation pris en compte doivent être acquittés».

48     Cette solution ne contredit nullement la jurisprudence de la Cour dont fait état la Commission, selon laquelle l’inobservation des délais prévus pour l’inscription par l’autorité douanière du montant des droits dans les registres comptables ne fait pas obstacle au recouvrement a posteriori, le non-respect des délais fixés pour la prise en compte ne pouvant donner lieu qu’au paiement d’intérêts de retard par l’État membre concerné, dans le cadre de la mise à disposition des ressources propres (voir notamment, en ce sens, arrêts du 26 novembre 1998, Covita, C‑370/96, Rec. p. I‑7711, points 36 et 37, et De Haan, précité, point 34). Ces arrêts statuent, en effet, sur la seule question des effets attachés au retard dans la prise en compte et intéressent exclusivement les rapports entre les États membres et la Communauté.

49     En conséquence, il convient de répondre à la deuxième question que l’article 221, paragraphe 1, du code des douanes exige que le montant des droits à l’importation ou à l’exportation soit pris en compte avant d’être communiqué au débiteur.

 Sur la quatrième question

50     Par cette question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les États membres sont tenus de définir les modalités selon lesquelles, en application de l’article 221 du code des douanes, doit se faire la communication du montant des droits au débiteur de la dette douanière.

51     Le gouvernement belge et la Commission font valoir que les États membres ne sont pas tenus de régler dans leur législation nationale les modalités de la communication de la dette douanière. Selon le commissionnaire, les États membres doivent définir ces modalités et, si ceux-ci ne l’ont pas fait, seul un document se référant de façon non équivoque à l’article 221 du code des douanes peut valoir communication au sens dudit article.

52     Afin de répondre à la question posée, il convient de rappeler que, conformément aux principes généraux qui sont à la base de la Communauté et qui régissent les relations entre la Communauté et les États membres, il appartient aux États membres, en vertu de l’article 10 CE, d’assurer sur leur territoire l’exécution des réglementations communautaires. Pour autant que le droit communautaire, y compris les principes généraux de celui-ci, ne comporte pas de règles communes à cet effet, les autorités nationales procèdent, lors de l’exécution de ces réglementations, en suivant les règles de forme et les règles de fond de leur droit national (voir, notamment, arrêts du 23 novembre 1995, Dominikanerinnen-Kloster Altenhohenau, C‑285/93, Rec. p. I‑4069, point 26, et du 25 mars 2004, Azienda Agricola Giorgio, Giovanni et Luciano Visentin e.a., C‑495/00, Rec. p. I‑2993, point 39).

53     En l’absence, dans la législation communautaire douanière, de dispositions relatives au contenu de la notion de «modalités appropriées» et de toute disposition attribuant compétence à d’autres entités qu’aux États membres et à leurs autorités afin de déterminer lesdites modalités, il y a lieu de considérer que celles-ci relèvent de l’ordre juridique interne des États membres. Dans l’hypothèse où ceux-ci n’ont pas édicté de règles de procédure spécifiques, il incombe aux autorités étatiques compétentes d’assurer une communication qui permette au redevable de la dette douanière d’avoir une connaissance exacte de ses droits.

54     Au vu de ce qui précède, il y a lieu de répondre à la quatrième question que les États membres ne sont pas tenus d’adopter des règles de procédure spécifiques relatives aux modalités selon lesquelles doit avoir lieu la communication au redevable du montant des droits à l’importation ou à l’exportation dès lors que peuvent être appliquées à ladite communication des règles de procédure internes de portée générale garantissant une information adéquate du redevable et lui permettant d’assurer, en toute connaissance de cause, la défense de ses droits.

 Sur les dépens

55     La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

1)      Seules les règles de procédure qui figurent aux articles 217 à 232 du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire s’appliquent au recouvrement, mis en œuvre après le 1er janvier 1994, d’une dette douanière ayant pris naissance avant cette date.

2)      L’article 221, paragraphe 1, du règlement n° 2913/92 exige que le montant des droits à l’importation ou à l’exportation soit pris en compte avant d’être communiqué au débiteur.

3)      À l’expiration du délai fixé par l’article 221, paragraphe 3, du règlement n° 2913/92, l’action en recouvrement de la dette douanière est prescrite sous réserve de l’exception prévue à ce même article, ce qui équivaut à la prescription de la dette même et, partant, à son extinction. Eu égard à la règle ainsi posée, l’article 221, paragraphe 3, doit être considéré, à l’inverse des paragraphes 1 et 2 du même article, comme étant une disposition de fond et il ne saurait, dès lors, être appliqué au recouvrement d’une dette douanière née avant le 1er janvier 1994. Lorsque la dette douanière a pris naissance avant le 1er janvier 1994, ladite dette ne peut être régie que par les règles de prescription en vigueur à cette date, même si la procédure de recouvrement de la dette a été engagée après le 1er janvier 1994.

4)      Les États membres ne sont pas tenus d’adopter des règles de procédure spécifiques relatives aux modalités selon lesquelles doit avoir lieu la communication au redevable du montant des droits à l’importation ou à l’exportation dès lors que peuvent être appliquées à ladite communication des règles de procédure internes de portée générale garantissant une information adéquate du redevable et lui permettant d’assurer, en toute connaissance de cause, la défense de ses droits.

Signatures


* Langue de procédure: le néerlandais.