ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

12 mars 2008 (*)

« Marchés publics de services – Procédure d’appel d’offres communautaire – Prestation de services relatifs au développement et à la mise à disposition de services d’appui pour le service d’information sur la recherche et le développement communautaires (CORDIS) – Rejet de l’offre d’un soumissionnaire – Principes d’égalité de traitement des soumissionnaires et de transparence – Respect des critères d’attribution établis dans le cahier des charges »

Dans l’affaire T‑332/03,

European Service Network (ESN) SA, établie à Bruxelles (Belgique), représentée par Mes R. Steichen et P.-E. Partsch, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. L. Parpala et E. Manhaeve, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de la requérante d’annuler la décision d’attribuer le marché faisant l’objet de l’appel d’offres ENTR/02/55 – CORDIS lot n° 1 de la Commission, concernant le développement et la mise à disposition de services d’appui pour le service d’information sur la recherche et le développement communautaires (CORDIS),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de MM. M. Jaeger, président, J. Azizi et Mme E. Cremona, juges,

greffier : M. J. Plingers, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 juillet 2006,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

I –  Réglementation en vigueur jusqu’au 31 décembre 2002

1        Au cours de la période antérieure au 31 décembre 2002, la passation des marchés publics de services de la Commission était régie par les dispositions de la section 1 (articles 56 à 64 bis) du titre IV du règlement financier, du 21 décembre 1977, applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 356, p. 1), tel qu’il a été modifié par le règlement (CE, CECA, Euratom) n° 2673/99 du Conseil, du 13 décembre 1999 (JO L 326, p. 1), lequel est entré en vigueur le 1er janvier 2000 (ci-après le « règlement financier I »).

2        Selon l’article 56 du règlement financier I :

« Lors de la passation des marchés dont le montant atteint ou dépasse les seuils prévus par les directives du Conseil portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, chaque institution doit se conformer aux mêmes obligations que celles qui incombent aux entités des États membres en vertu de ces directives.

À cette fin, les modalités d’exécution prévues à l’article 139 comportent les dispositions appropriées. »

3        L’article 139 du règlement financier I prévoit :

« La Commission établit, en consultation avec l’Assemblée et le Conseil et après avis des autres institutions, les modalités d’exécution du [...] règlement financier. »

4        En vertu de l’article 139 du règlement financier I, la Commission a adopté le règlement (Euratom, CECA, CE) n° 3418/93, du 9 décembre 1993, portant modalités d’exécution de certaines dispositions du règlement financier (JO L 315, p. 1, ci-après les « modalités d’exécution I »). Les articles 97 à 105 et 126 à 129 des modalités d’exécution I s’appliquent à la passation de marchés publics de services.

5        En particulier, l’article 126 des modalités d’exécution I dispose :

« Les directives du Conseil en matière de marchés publics de travaux, de fournitures et de services sont applicables lors de la passation des marchés par les institutions, dès que le montant des marchés en question égale ou dépasse les seuils fixés par ces directives. »

6        L’article 3, paragraphe 2, de la directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services (JO L 209, p. 1), telle que modifiée par la directive 97/52/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 1997, modifiant également les directives , 93/36/CEE et 93/37/CEE portant coordination des procédures de passation des marchés publics de fournitures et des marchés publics de travaux respectivement (JO L 328, p. 1), dispose :

« Les pouvoirs adjudicateurs veillent à ce qu’il n’y ait pas de discrimination entre les différents prestataires de services. »

II –  Réglementation en vigueur à partir du 1er janvier 2003

7        Depuis le 1er janvier 2003, la passation des marchés publics de services de la Commission est régie par les dispositions du titre V (articles 88 à 107) du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1, ci-après le « règlement financier II »).

8        Selon l’article 89, paragraphe 1, du règlement financier II :

« Tous les marchés publics financés totalement ou partiellement par le budget respectent les principes de transparence, de proportionnalité, d’égalité de traitement et de non-discrimination. »

9        Selon l’article 99 du règlement financier II :

« Pendant le déroulement d’une procédure de passation de marchés, les contacts entre le pouvoir adjudicateur et les candidats ou les soumissionnaires ne peuvent avoir lieu que dans des conditions qui garantissent la transparence et l’égalité de traitement. Ils ne peuvent conduire ni à la modification des conditions du marché, ni à celle des termes de l’offre initiale. »

10      Par la suite, la Commission a adopté le règlement (CE, Euratom) n° 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 357, p. 1, ci-après les « modalités d’exécution II »). Son titre V (articles 116 à 159) s’applique à la passation des marchés publics.

11      L’article 148, paragraphe 3, des modalités d’exécution II dispose :

« Après l’ouverture des offres, dans le cas où une offre donnerait lieu à des demandes d’éclaircissement ou s’il s’agit de corriger des erreurs matérielles manifestes dans la rédaction de l’offre, le pouvoir adjudicateur peut prendre l’initiative d’un contact avec le soumissionnaire, ce contact ne pouvant conduire à une modification des termes de l’offre. »

 Antécédents du litige

I –  CORDIS

12      La présente affaire concerne l’appel d’offres général ENTR/02/55, relatif au développement et à la mise à disposition de la nouvelle version des services d’appui pour le service d’information sur la recherche et le développement communautaires (CORDIS) (ci-après l’« appel d’offres en cause »). CORDIS est un outil informatique permettant d’assurer l’exécution des programmes-cadres de recherche européens. Il constitue le principal service de publication et de communication pour des participants potentiels et actuels ainsi que pour d’autres groupes ayant un intérêt dans un programme-cadre de recherche européen. Il se compose d’une plate-forme à buts multiples s’adaptant aux besoins des utilisateurs, d’un portail offert aux acteurs de la recherche et de l’innovation européennes ainsi que d’un outil de diffusion d’informations au public.

13      Depuis l’année 1998, la fourniture de l’ensemble des services d’appui pour CORDIS était assurée par un seul contractant, à savoir Intrasoft International SA.

14       L’adoption du sixième programme-cadre de la Communauté européenne pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration contribuant à la réalisation de l’espace européen de la recherche et à l’innovation (2002-2006), par la décision n° 1513/2002/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2002 (JO L 232, p. 1), est à l’origine d’une nouvelle phase dans la mise en oeuvre de CORDIS. Pour cette nouvelle phase, la Commission a décidé de lancer un appel d’offres et de diviser le projet en cause dans la présente affaire en cinq lots.

II –  Appel d’offres en cause, soumissionnaire retenu et passation du marché litigieux

15      Pour la passation du marché relatif à la nouvelle version des services d’appui pour CORDIS, une procédure d’appel d’offres ouverte a été choisie.

16      Le 13 février 2002, l’avis de préinformation concernant la procédure d’appel d’offres en cause a été publié au Supplément au Journal officiel des Communautés européennes (JO S 31). Un avis de préinformation rectificatif a été publié au Supplément au Journal officiel des Communautés européennes du 7 août 2002 (JO S 152).

17      Le 20 novembre 2002, l’avis de marché a été publié pour les lots nos 1 à 3 au Supplément au Journal officiel des Communautés européennes (JO S 225).

18      Le volume A du cahier des charges de l’appel d’offres en cause, intitulé « Généralités » (ci-après le « volume A du cahier des charges ») prévoit, notamment :

« Préambule

Il s’agit du [v]olume A, contenant les généralités du cahier des charges, applicable aux [cinq] lots.

Pour les parties spécifiques, veuillez vous référer au :

Volume B – Lot 1 – Contenu

(développement, production et gestion du contenu ; traductions ; capacité web ; marketing ; relations clients)

Volume B – Lot 2 – Développement

(développement et maintenance de l’infrastructure technique de l’ensemble des services)

Volume B – Lot 3 – Diffusion

(mise à disposition, maintenance et exploitation de toutes les plates-formes matérielles et logicielles pour la diffusion de l’information et l’interaction avec les utilisateurs)

Volume B – Lot 4 – Assurance qualité, contrôle des processus et bureau d’assistance

Volume B – Lot 5 – Surveillance externe et réaction des utilisateurs

[…]

1.3. Date de lancement et durée du contrat

Les contrats devraient être signés en juin 2003 et démarrer le 1er juillet 2003.

Les trois premiers mois des contrats constituent la ‘phase de rodage’.

Le rodage permet aux nouveaux contractants de se familiariser avec le service CORDIS. Le contrat précédent prévoit un ‘passage de relais’. Les nouveaux contractants pourront ainsi accéder aux opérations du service afin de se préparer à la reprise du service, au plus tard à la fin de la période de rodage.

Le rodage n’est pas rémunéré.

Il n’est pas exclu, sous réserve d’approbation par le responsable de projet de la Commission et d’accord du contractant en place, de reprendre déjà des parties ou l’ensemble du service au cours de la phase de rodage (pour la rémunération des services repris pendant la phase de rodage : voir point 1.7).

La Commission se réserve le droit de ne pas renouveler le(s) contrat(s).

Par la présente clause, le contractant offre à la Commission la possibilité de prolonger ce contrat dans les mêmes conditions pour une période supplémentaire d’un maximum de 24 mois. Une telle extension se fera, sur demande de la Commission, par un amendement au contrat.

[…]

1.6. Informations administratives complémentaires

[…]

De plus, des informations techniques de référence sont publiées à l’adresse [Internet] suivante :

http://www.cordis.lu/temp/CFT2002/

Une journée d’information est prévue le [7 janvier] 2003 à Luxembourg pour proposer un aperçu du présent appel d’offres et permettre aux intervenants de poser des questions.

[…]

1.7. Modalités de paiement

Le paiement pour chaque lot sera effectué dans le délai fixé par les règles internes de la Commission en matière de paiement, de la manière suivante :

[…]

–      au cas où le nouveau contractant reprend des parties ou l’ensemble du service pendant la phase de rodage (voir 1.3), ce prestataire sera rémunéré à partir de la date de reprise effective des parties du service ; […]

[…]

2.3. Structure de l’offre

[…]

2.3.1. Section 1 : Informations administratives

[…]

Les offres émanant de consortiums d’entreprises ou de groupes des prestataires des services, de contractants ou de fournisseurs doivent fournir ces documents pour chacun des membres et préciser les principales conditions de leur regroupement. Elles doivent spécifier le rôle, les qualifications et l’expérience de chaque membre. Elles mentionneront les moyens de contrôle prévus par les dispositions régissant la constitution du groupement concerné.

Si une offre conjointe est envisagée, l’un des partenaires sera proposé comme partenaire principal en vue d’assumer par la suite la fonction de contractant si l’offre est retenue. Tous les autres partenaires seront alors considérés comme sous-traitants de ce partenaire principal.

[…]

2.3.2. Section 2 : Proposition technique

La proposition technique doit répondre aux spécifications techniques détaillées ci-dessous et comprendre au minimum :

[…]

f)       pour tous les membres du personnel spécialisé proposé, des CV – présentés de préférence selon le modèle européen de curriculum vitae (voir à l’annexe 6) – indiquant notamment la formation reçue, l’expérience de fonctions similaires auprès d’autres employeurs ; les connaissances linguistiques de l’ensemble du personnel (spécialisé et de secrétariat) ; précisant le degré d’implication (temps complet/temps partiel) ; décrivant les procédures de formation et de rotation dans l’emploi/de recrutement accompagnés d’un organigramme général du personnel présentant le personnel de l’entreprise par profil (voir également ‘Section 4 : Scénario d’activité spécifique (à chaque lot)’, c’est-à-dire le nombre a) de salariés permanents (ayant un contrat à durée indéterminée dans l’entreprise à la date de l’offre) et b) de salariés temporaires qui correspondent aux profils proposés), ainsi qu’un organigramme général montrant le personnel de l’entreprise par profil au cours des trois dernières années ;

[…]

2.3.3. Section 3 : Proposition financière

L’attention du soumissionnaire est attirée sur les points suivants en rapport avec les prix.

[…]

La période opérationnelle démarre à l’issue des trois mois de rodage (voir point 1.3) ; la phase de rodage n’étant pas rémunérée, elle ne sera pas chiffrée dans l’offre ; concernant une éventuelle rémunération au cours de cette phase, voir point 1.7 ;

[…]

3. Sélection de soumissionnaires et attribution de marché

[…]

La procédure d’attribution du marché sera menée en trois étapes successives, décrites ci-dessous. Seules les offres répondant aux exigences d’une étape seront prises en considération à l’étape suivante.

–        Exclusion de certains soumissionnaires conformément à l’article 29 de la directive 92/59 […]

–        Sélection de soumissionnaires par la vérification :

–        de leurs compétences professionnelles et techniques,

–        de leur capacité économique et financière.

–        Évaluation des offres : comparaison sur la base des critères d’attribution.

3.1. Exclusion des soumissionnaires

[…]

Conformément à l’article 29 de la directive 92/50 […], la Commission peut décider d’exclure un soumissionnaire de la procédure de sélection et d’attribution […]

3.2. Sélection de soumissionnaires – Critères de sélection

[…]

3.2.2. Compétence technique et professionnelle

La capacité des prestataires des services à exécuter le contrat sera évaluée plus particulièrement sur la base de leurs qualifications, de leur efficacité, de leur expérience et de leur fiabilité.

Il est à noter que tous les soumissionnaires et, le cas échéant, les membres concernés du consortium sont tenus de fournir la preuve qu’ils répondent à ces exigences par les moyens suivants :

[…]

a)       indication du nombre de personnes par profil employées à titre permanent au cours des [trois] dernières années – de même que pour le personnel temporaire – ainsi que de leurs titres d’études et de leurs qualifications professionnelles et/ou ceux des cadres de l’entreprise et, en particulier, du ou des responsables de la prestation de services ; la qualité de l’équipe, les membres qui la composent, s’ils travaillent à temps complet ou partiel, leur formation en matière de développement personnel et l’assurance qualité correspondante ; les CV doivent être groupés par profil – suivant l’ordre adopté dans le tableau de scénario complet défini pour chaque lot ;

[…]

3.3. Évaluation des offres – Critères d’attribution

Le marché sera attribué à l’offre qui présentera le rapport coût-efficacité le plus avantageux. Les critères d’attribution suivants seront appliqués :

–        critères d’attribution qualitatifs ;

–        prix.

Dans un premier temps, l’offre retenue sera évaluée en fonction des critères d’attribution qualitatifs ci-dessous et du coefficient de pondération de chaque critère.


Critère

Critères d’attribution qualitatifs

Pondération (nombre maximal de points) pour les lots nos 1 à 5


Pondération (nombre maximal de points) pour le lot n° 3

1


Valeur technique, conformité avec le cahier des charges et réponses aux spécifications ; approche technique proposée (exhaustivité fonctionnelle, respect des exigences techniques, adéquation des technologies proposées)

35

[…]

2


Qualité de la méthodologie proposée (méthodes de travail visant à l’efficacité, l’exploitabilité, la sécurité et la confidentialité ; fiabilité / disponibilité / récupération / maintenance du service ; adoption des meilleures pratiques)

25

[…]

3


Créativité, degré d’innovation (valeur des idées originales sur la manière d’apporter des innovations au service)

20

[…]

4


Qualité du calendrier proposé, de la gestion des contrats et du contrôle (dispositions proposées pour fournir à temps les produits requis et pour assurer le respect des objectifs, des délais et de la qualité)

20

[…]


5 […]

(uniquement pour le lot n° 3)

[…]

[…]

[…]

 

Total des points

100

[…]


Les offres n’obtenant pas au minimum 50 % des points par critère et au minimum 60 % du total des points, soit 60 points, ne seront pas prises en compte pour l’attribution du marché.

L’évaluation en fonction des critères d’attribution ci-dessus ne tient compte d’aucun service optionnel. Ces derniers seront pris en considération à part, ultérieurement, uniquement dans l’offre retenue pour chaque lot.

Critères d’attribution

 


Le prix, tel que défini dans le scénario complet pour chaque lot couvrant 48 mois d’activité, sans tenir compte du coût des options.


Il convient de noter que l’évaluation des offres sera axée sur la qualité des services proposés ; aussi les soumissionnaires doivent-ils fournir une offre détaillée pour tous les aspects abordés par le présent cahier des charges, de manière à obtenir le plus de points possible. Le fait de se limiter à reprendre les exigences exposées dans le présent cahier des charges sans entrer dans les détails ou sans proposer de valeur ajoutée ne permettra d’obtenir qu’un total très médiocre. En outre, si certains points essentiels du présent cahier des charges ne sont pas expressément abordés dans l’offre, la Commission pourra décider soit d’attribuer la note de zéro pour les critères d’attribution qualitatifs concernés, soit d’exclure l’offre de la procédure d’évaluation pour non-respect du cahier des charges.

La Commission se réserve le droit – tout en n’étant pas tenue de le faire – d’exclure les offres qui dépassent le budget indicatif, comme il est mentionné dans le présent appel d’offres.

4. Spécifications techniques

Résumé

Jusqu’à cinq contractants indépendants pourraient gérer le service CORDIS, avec les spécialisations suivantes :

Le contractant du lot n° 1 sera chargé de fournir le contenu, c’est-à-dire de collecter et créer l’interface utilisateur et la navigation dans l’ensemble de l’espace d’information CORDIS ; assurer la qualité du contenu et de la navigation ; communiquer avec la presse spécialisée et d’autres multiplicateurs et donc informer le public de l’existence du service et de son évolution ; soutenir les fournisseurs d’information et les multiplicateurs. Le contractant du lot n° 1 spécifiera également les exigences pour les adaptations techniques des outils à livrer par le contractant du lot n° 2. Toutes les informations seront livrées au contractant du lot n° 3 pour diffusion via le système de production commun (CPS) et/ou le système de gestion du contenu sur [Internet] (WMCS).

[…]

4.3.2. Management du projet

[…]

4.3.2.3. L’autre personnel du contactant

Le contractant mettra à disposition du personnel professionnel qualifié afin d’exécuter les tâches contractuelles conformément aux règles pour l’engagement/remplacement d’un tel personnel. Les taux journaliers comprennent les coûts généraux tels que décrits ci-après.

4.3.2.4. Personnel qualifié

Le contractant devra :

–        employer du personnel d’une qualité adéquate pour les tâches [en cause] en termes de qualifications et d’expérience appropriées et si nécessaire assurer un niveau adéquat de formation afin d’offrir un service de haute qualité pour chacune des tâches spécifiées ;

[…] »

19      Le volume B du cahier des charges de l’appel d’offres en cause, intitulé « Lot 1 – Contenu » (ci-après le « volume B du cahier des charges ») prévoit les spécifications pour le lot n° 1.

20      Comme il avait été prévu au point 1.6 du volume A du cahier des charges, un site Internet temporaire, spécialement consacré à l’appel d’offres en cause et auquel les soumissionnaires potentiels pouvaient se connecter, a été établi.

21      Le 22 novembre 2002, la Commission a transmis aux soumissionnaires potentiels un CD-ROM, qui contenait des informations techniques sur le projet en tant que tel (ci-après le « CD 1 »).

22      Le 20 décembre 2002, la Commission a transmis aux soumissionnaires potentiels un second CD-ROM contenant des informations techniques, dont des spécifications techniques supplémentaires, des tests et des guides pour l’utilisateur (ci-après le « CD 2 »).

23      À la fin du mois de décembre 2002, la Commission a acquis un logiciel, dénommé « Autonomy », qui constitue un outil de recherche contextuelle permettant aux utilisateurs finaux de CORDIS de faire des recherches ciblées dans les bases de données de CORDIS ainsi que des recherches terminologiques multilingues.

24      Le 7 janvier 2003, une journée d’information ouverte à tous les soumissionnaires potentiels a été organisée par la Commission, comme cela avait été prévu au point 1.6 du volume A du cahier des charges.

25      Le 23 janvier 2003, à la suite d’une question posée par l’un des soumissionnaires potentiels sur le site Internet visé au point 20 ci-dessus, la Commission a révélé, sur ce site, l’acquisition du logiciel Autonomy.

26      Le 5 février 2003, la Commission a publié, sur le même site Internet, un document daté du 4 février 2003, intitulé « CORDIS Hardware and Software Inventory List » (ci-après la « liste d’inventaire »). La liste d’inventaire récapitulait tout le matériel informatique et tous les logiciels en place exploités à cette époque.

27      Le 18 février 2003, la Commission a en outre publié, sur ledit site, un document intitulé « Superquest – Implementation and Release 6 and beyond ». Ce document, daté du 6 février 2003 et intitulé « Projet », avait été rédigé par le contractant en place, Intrasoft International. Ledit document contenait des spécifications techniques pour la mise en œuvre du logiciel Autonomy. Il contenait également l’information selon laquelle une version d’essai du logiciel Autonomy était déjà utilisée, depuis le 20 septembre 2002, dans la version en vigueur de CORDIS. Enfin, le même document contenait la recommandation d’acquérir ledit logiciel.

28      La date limite arrêtée pour la soumission des offres prévue dans le cahier des charges était fixée au 19 mars 2003.

29      European Service Network (ESN) SA, la requérante, comptait parmi les soumissionnaires pour le lot n° 1 du projet (ci-après le « marché litigieux ») et a soumissionné au nom de cinq partenaires dont elle était la porte-parole.

30      Les 26 mars et 1er avril 2003, le comité d’évaluation des offres s’est réuni. Il a proposé de retenir l’offre d’Intrasoft International pour le marché litigieux. Ledit comité s’est fondé sur les résultats d’une évaluation qualitative et financière des offres de la requérante et d’Intrasoft International, se présentant comme suit :

Nom

Critères d’attribution qualitatifs/points

 

n° 1 (35)

n° 2 (25)

n° 3 (20)

n° 4 (20)

Total (100)

Requérante

29,4

19,5

16,6

14,0

79,4

Intrasoft

International

28

20

12,4

16,4

76,8



Nom

Prix total pour 48 mois (euros)

Points qualité

Rapport qualité-prix

Requérante

21 198 870,00

79,4

3,75

Intrasoft International

16 515 312,00

76,8

4,65


31      Le 16 juillet 2003, les propositions du comité d’évaluation ont été entérinées par décision de l’ordonnateur compétent et le marché litigieux a ainsi été attribué à Intrasoft International (ci-après le « soumissionnaire retenu »).

32      Le 1er août 2003, un courrier a été envoyé par la Commission à la requérante afin de l’informer que son offre n’avait pas été retenue.

33      Par lettres à la Commission des 5, 8, 11, 20 et 22 août 2003, la requérante a contesté la procédure d’appel d’offres en cause et a posé une série de questions auxquelles une réponse a été donnée par la Commission le 2 septembre 2003. Enfin, la requérante a encore demandé des éclaircissements à la Commission par la lettre du 4 septembre 2003 et la Commission lui a répondu le 22 septembre 2003.

34      Le 28 janvier 2004, la Commission et le soumissionnaire retenu ont conclu le contrat ayant pour objet le marché litigieux. Ce contrat a pris effet au 1er février 2004.

 Procédure et conclusions des parties

35      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 septembre 2003, la requérante a introduit le présent recours.

36      La requérante conclut, dans sa requête, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le marché litigieux ;

–        lui réserver tous autres droits, voies, moyens et actions, et notamment la condamnation de la défenderesse à des dommages-intérêts en rapport avec le préjudice subi ;

–        condamner la défenderesse aux dépens.

37      La défenderesse conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours en annulation comme non fondé ;

–        déclarer la demande de dommages-intérêts manifestement irrecevable ;

–        condamner la requérante aux dépens.

38      Lors de l’audience, la requérante a précisé que, par son recours, elle visait l’annulation de la décision d’attribution du marché litigieux telle que celle-ci lui avait été communiquée par la lettre du 1er août 2003 (ci-après la « décision attaquée »).

39      Dans sa réplique, la requérante a demandé à ce qu’il plaise au Tribunal faire droit aux conclusions contenues dans la requête et, pour autant que de besoin seulement, ordonner que la Commission aura à verser aux débats le contrat ayant pour objet le marché litigieux, les rapports d’évaluation des cinq lots du projet en cause ainsi que l’enregistrement et la transcription de la réunion d’information du 7 janvier 2003.

40      Par lettre du 6 juillet 2004, la requérante a demandé, sur le fondement de l’article 64, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal, de pouvoir répondre, par écrit, à la duplique.

41      Par lettre du 26 juillet 2004, le Tribunal a informé la requérante de sa décision de ne pas donner suite à cette demande à ce stade de la procédure.

42      Par lettre du 6 octobre 2004, la requérante a, de nouveau, demandé de pouvoir répondre, par écrit, à la duplique.

43      Par lettre du 29 octobre 2004, le Tribunal a informé la requérante de sa décision de ne pas donner suite à cette demande à ce stade de la procédure.

44      Par lettre du 29 février 2005, la requérante a redemandé de pouvoir répondre, par écrit, à la duplique.

45      Le 22 mars 2005, le Tribunal a informé la requérante, en se référant à sa lettre du 29 octobre 2004, qu’elle serait informée ultérieurement de la suite de la procédure.

46      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la procédure orale et, au titre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure, il a demandé aux parties, par lettre du 9 juin 2006, de répondre, par écrit, à plusieurs questions.

47      Par lettre du 20 juin 2006, le Tribunal a demandé à la défenderesse, au titre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure, de répondre, par écrit, à des questions additionnelles.

48      Par lettres du 29 juin 2006, les parties ont répondu aux questions posées les 9 et 20 juin 2006.

49      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 13 juillet 2006.

 En droit

I –  Sur la représentation de Ring consortium par la requérante dans le cadre du présent recours

A –  Arguments des parties

50      La défenderesse relève que la requérante omet d’indiquer dans la requête à quel titre elle agit. En particulier, elle n’indique pas dans la requête si elle intente le présent recours pour son propre compte ou pour le compte de la société momentanée de droit belge dénommée « Ring consortium », dont elle ferait partie et qui se serait portée soumissionnaire pour le marché litigieux.

51      La requérante déclare que le recours est introduit en son nom propre. Ainsi qu’il serait précisé dans leur offre, les partenaires de la requérante n’auraient envisagé de constituer avec celle-ci une société momentanée dénommée « Ring consortium » et d’en confier la gestion à la requérante qu’en cas de sélection de leur offre par la Commission.

52      À l’audience, les deux parties ont déclaré de façon concordante que, même au vu de l’arrêt de la Cour du 8 septembre 2005, Espace Trianon et Sofibail (C‑129/04, Rec. p. I‑7805), elles ne voient pas d’éléments pouvant entraîner l’irrecevabilité du recours dans la présente affaire.

B –  Appréciation du Tribunal

53      Le Tribunal constate que la défenderesse n’a pas contesté l’affirmation de la requérante selon laquelle ni au moment de la soumission de l’offre par la requérante, ni par après, la requérante et ses partenaires n’ont constitué une société ou une société momentanée au nom de laquelle la requérante aurait pu agir.

54      Dès lors qu’il n’est pas établi que Ring consortium a été légalement constituée, il y a lieu d’estimer que l’offre a été soumise en tant qu’offre conjointe au sens du point 2.3.1 du volume A du cahier des charges.

55      Partant, puisque aucun consortium n’était juridiquement constitué, l’offre ainsi présentée par la requérante et ses partenaires ne pouvait qu’être considérée comme étant une offre conjointe, au sens du point 2.3.1 du volume A du cahier des charges. En conséquence, la requérante ne pouvait être qualifiée de « partenaire principal » au sens dudit point. Dans de telles circonstances, les autres partenaires mentionnés dans l’offre soumise par la requérante ne pouvaient être considérés que comme des sous-traitants de la requérante.

56      Le Tribunal constate, par ailleurs, que la lettre du 1er août 2003, par laquelle la Commission a informé ces soumissionnaires que leur offre n’avait pas été retenue et à laquelle la décision attaquée était annexée, a été adressée uniquement à la requérante.

57      Enfin, la requérante a déclaré expressément n’avoir introduit le présent recours qu’en son propre nom.

58      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de constater que la requérante agit uniquement en son propre nom.

II –  Sur la demande d’annulation de la décision attaquée

59      Au soutien de son recours en annulation, la requérante invoque, en substance, quatre moyens. Le premier est tiré des avantages financiers ayant été accordés uniquement au soumissionnaire retenu. Le deuxième est tiré de l’accès exclusif du soumissionnaire retenu à certaines informations essentielles. Le troisième est tiré de la non-conformité des critères de l’adjudication à ceux décrits dans le cahier des charges. Le quatrième est tiré de l’application discriminatoire des critères d’attribution du marché publiés au cahier des charges.

A –  Sur le premier moyen, tiré des avantages financiers accordés exclusivement au soumissionnaire retenu

60      La requérante estime que, premièrement, en subordonnant la reprise des services d’appui pour CORDIS à une période de rodage non rémunérée dans le cahier des charges et, deuxièmement, en imposant l’inclusion dans les offres de provisions substantielles pour l’acquisition des outils nécessaires au fonctionnement des bases de données de CORDIS, dont un certain nombre étaient déjà en place dans les services exploités par son contractant au moment de l’appel d’offres en cause, le soumissionnaire retenu, la Commission a donné un avantage financier à celui-ci.

1.     Sur la première branche, tirée de l’exigence d’une phase de rodage non rémunérée d’une durée obligatoire de trois mois

a)     Arguments des parties

61      La requérante affirme que la Commission a imposé aux seuls nouveaux contractants potentiels, une période de rodage non rémunérée et obligatoire de trois mois. En revanche, le soumissionnaire retenu qui était le contractant en place au moment de l’appel d’offres en cause n’aurait pas eu besoin d’inclure dans son offre des coûts comparables.

62      La requérante estime que, pour tous les candidats, les offres financières intègrent nécessairement 24 mois payés en plus de l’amortissement des 3 mois non rémunérés correspondant à la phase de rodage, à l’exception du soumissionnaire retenu, contractant en place, qui n’avait pas besoin d’amortir le coût correspondant à la phase de rodage non rémunérée et qui pouvait donc soumettre une offre moins disante.

63      La requérante affirme, que, s’il est vrai, selon le point 1.7 du volume A du cahier des charges, qu’un nouveau contractant peut reprendre les opérations en cours avant la fin des trois mois, cette possibilité dépend uniquement du bon vouloir du contractant en place, c’est-à-dire, en l’espèce, du soumissionnaire retenu.

64      En réponse à une question du Tribunal à l’audience, la requérante a expliqué que, dans son principe, elle ne contestait pas l’exigence d’une phase de rodage. Elle aurait pu accepter une période de rodage, mais pas d’une durée obligatoire de trois mois.

65      Quant à l’affirmation de la défenderesse selon laquelle l’ancien contrat conclu entre la Commission et le soumissionnaire retenu, contractant en place à l’époque, stipulait l’obligation pour ce dernier de collaborer avec un nouveau contractant à la reprise des services d’appui pour CORDIS, la requérante fait valoir que les soumissionnaires n’avaient pas connaissance du régime contractuel auquel le contractant en place était soumis.

66      De plus, la requérante met en doute le fait que le contrat, signé avec le soumissionnaire retenu au mois de janvier 2004 et ayant pris effet au 1er février 2004, prévoie les mêmes obligations quant à la mise en œuvre de la période de rodage.

67      La défenderesse estime que l’allégation d’une discrimination financière résultant de l’exigence d’une période de rodage repose sur une méconnaissance des termes du cahier des charges en ce qui concerne la phase de rodage. Elle souligne que la reprise du service avant l’échéance de la phase de rodage ne dépend pas du bon vouloir du contractant en place. La défenderesse invoque l’obligation de collaboration du contractant en place avec le nouveau contractant à la reprise des services d’appui pour CORDIS. Elle explique que cette obligation figure dans l’ancien contrat avec le contractant en place, dont des extraits ont été fournis au Tribunal et dont les soumissionnaires potentiels avaient été informés lors de la journée d’information du 7 janvier 2003.

68      Enfin, la défenderesse affirme, en mettant à la disposition du Tribunal une copie des passages pertinents du nouveau contrat signé entre elle et le soumissionnaire retenu le 28 janvier 2004, que ledit contrat est conforme au modèle de contrat annexé au cahier des charges.

b)     Appréciation du Tribunal

 Observations liminaires

69      La requérante estime, premièrement, que, en imposant une période de rodage d’une durée obligatoire de trois mois dans le cahier des charges, la défenderesse a violé le principe d’égalité de traitement prévu à l’article 126 des modalités d’exécution I et à l’article 3, paragraphe 2, de la directive 92/50.

70      La requérante affirme, deuxièmement, que, en ne prévoyant pas des dispositions équivalentes à celles du cahier des charges quant à la mise en œuvre d’une période de rodage dans le nouveau contrat conclu avec le soumissionnaire retenu, la défenderesse a violé le principe d’égalité de traitement prévu à l’article 89, paragraphe 1, du règlement financier II, lequel est, selon elle, applicable en l’espèce.

71      Tel qu’il a été reconnu par une jurisprudence constante, ce principe exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale (arrêts de la Cour du 19 octobre 1977, Ruckdeschel e.a., 117/76 et 16/77, Rec. p. 1753, point 7, et du 13 décembre 1984, Sermide, 106/83, Rec. p. 4209, point 28).

72      Or, en matière de passation de marchés publics, le principe d’égalité de traitement entre les soumissionnaires prend une importance toute particulière. En effet, il convient de rappeler qu’il résulte d’une jurisprudence bien établie de la Cour que le pouvoir adjudicateur est tenu au respect du principe d’égalité de traitement des soumissionnaires (arrêts de la Cour du 27 novembre 2001, Lombardini et Mantovani, C‑285/99 et C‑286/99, Rec. p. I‑9233, point 37, et du 19 juin 2003, GAT, C‑315/01, Rec. p. I‑6351, point 73).

73      Il convient d’apprécier les deux branches du premier moyen à la lumière des principes énoncés ci-dessus.

 Sur l’exigence dans le cahier des charges d’une phase de rodage non rémunérée d’une prétendue durée obligatoire de trois mois

74      Tout d’abord, il y a lieu de relever que l’exigence d’une phase de rodage non rémunérée est, selon le point 1.7 du volume A du cahier des charges, indistinctement applicable à toutes les offres.

75      Ensuite, il y a lieu de constater que la requérante ne conteste pas, dans son principe, l’exigence d’une phase de rodage non rémunérée, mais uniquement sa prétendue durée obligatoire de trois mois.

76      À cet égard, il convient de rappeler que le point 1.3 du volume A du cahier des charges prévoit que les trois premiers mois des contrats constituent la « phase de rodage » et qu’il n’est pas exclu, sous réserve de l’approbation par le responsable de projet de la Commission et de l’accord du contractant en place, de reprendre des parties ou l’ensemble du service au cours de la phase de rodage. En outre, selon le point 1.7 du volume A du cahier des charges, dans le cas où le nouveau contractant reprend des parties ou l’ensemble du service pendant la phase de rodage, ce prestataire sera rémunéré à partir de la date de reprise effective des parties du service.

77      À la lumière de ces dispositions, le Tribunal estime que le cahier des charges ne prévoyait pas une phase de rodage d’une durée obligatoire de trois mois. En effet, les passages des points 1.3 et 1.7 du cahier des charges mentionnés au point précédent excluent – sauf à les priver de leur sens et de tout effet utile – qu’il puisse être considéré que la durée de trois mois de la phase de rodage présente un caractère obligatoire.

78      Ce constat n’est pas infirmé par l’argumentation de la requérante qui se fonde sur le passage « sous réserve […] d’accord du contractant en place » pour en conclure que l’abrègement de la phase de rodage ainsi que le payement des services d’appui pour CORDIS repris avant le délai de trois mois dépendent, selon le cahier des charges, du bon vouloir du contractant en place.

79      En effet, le Tribunal relève à cet égard que le passage « sous réserve […] d’accord du contractant en place » doit être compris dans l’ensemble du déroulement d’une reprise des services d’appui pour CORDIS en général et notamment d’une reprise de l’ancien contrat conclu entre la Commission et le contractant en place à l’époque.

80      Or, en ce qui concerne le déroulement d’une reprise des services d’appui pour CORDIS par un nouveau contractant, il découle du point 3.2.1.2 de l’annexe II de l’ancien contrat, tel qu’il a été modifié par l’addendum n° 2, que le contractant en place était obligé de préparer et de contribuer à une reprise complète, à temps et en douceur par les prochains contractants ainsi que de coopérer entièrement avec le prochain contractant pour assurer une continuité dans le haut standard de qualité des services d’appui pour CORDIS, durant la phase de reprise.

81      Partant, sauf à contrevenir à ses obligations contractuelles, le contractant en place était, le cas échéant, dans l’obligation de se conformer aux exigences d’un éventuel abrégement de la phase de rodage de trois mois au titre de son obligation de coopération active.

82      Le seul fait que les soumissionnaires autres que le soumissionnaire retenu, contractant en place à l’époque, n’ont été informés de ladite clause de l’ancien contrat que lors de la journée d’information du 7 janvier 2003 ne saurait constituer une violation du principe d’égalité de traitement des soumissionnaires. En effet, dès lors que le cahier des charges prévoyait la possibilité d’une durée abrégée de la phase de rodage, celle-ci était en tout état de cause garantie par le cahier des charges et était, le cas échéant, exigible sur la base de celui-ci. Partant, l’information des autres soumissionnaires, le 7 janvier 2003, du fait que l’ancien contrat du soumissionnaire retenu était, par ailleurs, parfaitement conforme à cet engagement de la Commission, n’a aucune incidence sur le caractère non discriminatoire des dispositions pertinentes du cahier des charges.

83      Enfin, la requérante n’a pas démontré en quoi, d’un point de vue économique, le contractant en place avait intérêt à faire obstacle à la reprise anticipée des services d’appui pour CORDIS par un nouveau contractant, compte tenu du fait que le contractant en place ne perdait, en tout état de cause, pas son droit à être rémunéré jusqu’à la fin de son propre contrat.

84      Dès lors, il y a lieu de conclure de ce qui précède que le cahier des charges n’exige pas la prestation de services non rémunérés durant une phase de rodage d’une durée obligatoire de trois mois. Par conséquent, l’argumentation avancée par la requérante à cet égard doit être rejetée.

85      Partant, la première branche du premier grief tirée de la violation du principe d’égalité de traitement, au motif qu’il serait prévu dans le cahier des charges une phase de rodage non rémunérée d’une durée obligatoire de trois mois, n’est pas fondée.

 Sur la reprise dans le contrat ayant pour objet le marché litigieux d’une phase de rodage non rémunérée d’une prétendue durée obligatoire de trois mois

86      En ce qui concerne la reprise, dans le contrat ayant pour objet le marché litigieux et finalement conclu entre le soumissionnaire retenu et la Commission, de l’exigence d’une phase de rodage non rémunérée prévue aux points 1.3 et 1.7 du volume A du cahier des charges, le Tribunal constate que le point 1.3 dudit contrat reprend presque littéralement les passages pertinents du cahier des charges. Par conséquent, ce contrat est conforme au modèle de contrat annexé au cahier des charges.

87      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la première branche du premier grief, tirée de la violation du principe d’égalité de traitement, au motif qu’il serait prévu dans le cahier des charges une phase de rodage non rémunérée d’une durée obligatoire de trois mois, n’est pas fondée.

2.     Sur la deuxième branche, tirée de l’obligation d’inclure des provisions substantielles dans les offres pour l’acquisition des outils nécessaires au fonctionnement des bases de données de CORDIS

a)     Arguments des parties

88      La requérante affirme que la Commission a exigé de tous les soumissionnaires l’inclusion de provisions substantielles dans leur offre pour l’acquisition de tous les outils nécessaires au fonctionnement des bases de données de CORDIS. De plus, la Commission aurait refusé de fournir le moindre détail à cet égard. Ainsi, dans les faits, seuls les soumissionnaires autres que le soumissionnaire retenu auraient été obligés d’inclure dans leur offre de telles provisions pour l’acquisition de ces outils, et ce même si, par après, cela devait s’avérer inutile.

89      À la suite d’une question écrite posée par le Tribunal, la défenderesse a mis à la disposition du Tribunal des extraits pertinents de l’ancien contrat conclu avec le soumissionnaire retenu, contractant en place à l’époque.

b)     Appréciation du Tribunal

90      S’agissant de la prétendue obligation d’inclure dans les offres des provisions substantielles pour l’acquisition des outils nécessaires au fonctionnement des bases de données de CORDIS, le Tribunal constate que la requérante n’a pas été en mesure, même après une question précise à cet égard au cours de l’audience, d’indiquer quel passage du cahier des charges contenait, selon elle, ladite prétendue obligation.

91      De plus, il ressort du point 3.2.1.2 de l’ancien contrat conclu entre la Commission et le soumissionnaire retenu, contractant en place à l’époque, que « [d]evront être remis tous les hardwares, logiciels et autres équipements capitaux payés par la Commission en conformité avec ce contrat, y compris la documentation pertinente ».

92      Il en résulte que, selon ledit contrat, le contractant en place était tenu de remettre à la Commission et, par conséquent, au nouveau contractant tous les équipements ayant été antérieurement payés par celle-ci.

93      Partant, la procédure n’a révélé aucun élément susceptible de démontrer qu’un nouveau contractant était obligé d’acquérir les outils nécessaires au fonctionnement des bases de données de CORDIS.

94      Par conséquent, la deuxième branche du premier moyen, tirée de la violation du principe de l’égalité de traitement qui résulterait de la prétendue obligation d’inclure dans les offres des provisions substantielles pour l’acquisition des outils nécessaires au fonctionnement des bases de données de CORDIS, n’est également pas fondée.

95      Au vu de ce qui précède, c’est donc à tort que la requérante prétend que la Commission a violé le principe de l’égalité de traitement en accordant certains avantages financiers au soumissionnaire retenu.

96      Partant, le premier moyen doit être rejeté.

B –  Sur le deuxième moyen, tiré de l’accès exclusif du soumissionnaire retenu à certaines informations essentielles

97      Le moyen tiré de l’accès exclusif du soumissionnaire retenu à certaines informations essentielles concerne deux catégories d’informations, soit, d’une part, les informations relatives à l’acquisition du logiciel Autonomy par la Commission et, d’autre part, les informations relatives aux spécifications techniques des bases de données de CORDIS.

1.     Arguments des parties

a)     Sur l’accès aux informations relatives à l’acquisition du logiciel Autonomy

98      Alors que l’acquisition du logiciel Autonomy avait déjà eu lieu en décembre 2002, la requérante dénonce le fait pour la Commission de n’avoir révélé l’acquisition de la licence d’utilisation du logiciel Autonomy que trois mois après la publication de l’appel d’offres en cause, deux mois après l’acquisition de ladite licence et seulement un mois avant la date de clôture fixée pour le dépôt des soumissions. Les CD 1 et CD 2 comportant des renseignements sur l’appel d’offres en cause ne contiendraient pas non plus d’indications sur le logiciel Autonomy en lui-même.

99      La requérante souligne que le soumissionnaire retenu a eu un accès privilégié à tous les détails de ce logiciel et qu’il avait même utilisé une version d’essai du logiciel Autonomy dans la version de CORDIS en vigueur à l’époque. La requérante prétend qu’il a ainsi eu l’avantage de ne pas perdre de temps dans une recherche des solutions alternatives et qu’il avait ainsi pu concentrer tous ses efforts sur l’élaboration d’une offre techniquement centrée sur des bases de données de CORDIS fonctionnant avec le logiciel Autonomy.

100    La requérante évoque, à ce propos, le cahier des charges qui prévoit que toutes les opérations dans le cadre de CORDIS sont à effectuer manuellement. L’acquisition du logiciel Autonomy aurait cependant éliminé de très nombreux points faibles de CORDIS qui seraient énumérés dans le cahier des charges. Par conséquent, le fait de disposer du logiciel Autonomy aurait fondamentalement modifié l’environnement et les possibilités du soumissionnaire retenu pour la préparation de son offre en ce qui concerne une nouvelle version des services d’appui pour CORDIS.

101    La requérante prétend que la défenderesse méconnaît la nature réelle du logiciel Autonomy. En se fondant sur plusieurs extraits du site Internet de l’entreprise Autonomy ainsi que sur plusieurs pages du document intitulé « Superquest – Implementation and Release 6 and beyond », elle explique son idée de la fonctionnalité du logiciel Autonomy.

102    La requérante cite des extraits des pages 22, 29, 31, 32, 62, 73, 83 et 96 du volume B du cahier des charges ainsi que des extraits des pages 21 et 23 du volume A de celui-ci. La requérante estime qu’il en résulte que la connaissance de l’acquisition du logiciel Autonomy était d’une grande importance pour un soumissionnaire au marché litigieux.

103    La requérante explique que, en ce qui concerne le marché litigieux, il s’agit de rassembler, de créer, de traiter des informations qui doivent alimenter CORDIS ainsi que de classifier toutes ces informations. Le logiciel Autonomy serait le système gérant le contenu de CORDIS. La requérante fait valoir ainsi que, après avoir été informée de l’acquisition du logiciel Autonomy par la Commission, elle a dû restructurer 80 % du projet d’offre qu’elle avait déjà élaboré.

104    La requérante fait valoir que, à la différence du soumissionnaire retenu et contractant en place, tous les autres soumissionnaires ont été obligés, à partir du moment où ils ont eu connaissance des informations relatives à l’acquisition du logiciel Autonomy, de renoncer à exploiter des études de marché qui se sont avérées être inutiles et qu’ils avaient effectuées en vue de proposer à la Commission des solutions pour faire face aux problèmes rencontrés dans CORDIS et connus par eux à ce stade. Ainsi, la communication tardive des informations relatives à l’acquisition du logiciel Autonomy aurait complètement anéanti des mois de recherches et la requérante aurait été obligée de remodeler entièrement son équipe d’experts.

105    La Commission aurait donc imposé à tous les soumissionnaires, à l’exception du soumissionnaire retenu, d’élaborer des propositions de solutions techniques détaillées et créatives en ce qui concerne des problèmes qui avaient été résolus par l’acquisition du logiciel Autonomy. La requérante affirme la qualité et la pertinence de ces propositions, lesquelles rempliraient les critères d’attribution nos 1 à 3 et représenteraient un total de 75 % des points.

106    Enfin, la requérante réfute l’argumentation de la défenderesse selon laquelle la qualité supérieure de l’offre technique de la requérante démontre que le cahier des charges n’exigeait pas des soumissionnaires d’intégrer dans leur offre l’utilisation d’un système de recherche contextuelle, et a fortiori l’utilisation d’un logiciel spécifique tel que le logiciel Autonomy. La Commission aurait démontré elle-même que si elle avait « neutralisé », dans l’offre du soumissionnaire retenu, les passages reposant sur des informations auxquelles ce dernier avait eu un accès exclusif au lieu de les valoriser, le résultat d’évaluation de son offre obtenue par le soumissionnaire retenu aurait été sensiblement réduit.

107    La défenderesse conteste l’importance accordée au logiciel Autonomy pour l’accomplissement des tâches dont sera chargé le contractant dans le cadre du marché litigieux.

108    Elle précise que l’objet du marché litigieux, défini dans le volume B du cahier des charges, correspond au rassemblement de certaines informations – essentiellement les contacts avec les directions générales (DG) de la Commission « de la famille ‘recherche’ » – relatives à la création de certaines informations ainsi qu’au traitement et à la classification de toutes ces informations dans les bases de données afin que ces informations puissent être publiées sur un site Internet consacré au projet en cause.

109    La défenderesse estime que, étant donné l’absence de pertinence de la recherche contextuelle pour passer le marché litigieux, c’est à juste titre qu’elle n’a pas estimé opportun d’informer les soumissionnaires de son acquisition du logiciel Autonomy en décembre 2002 et qu’elle leur a demandé de ne pas tenir compte des informations relatives à cette acquisition pour la rédaction de leur offre.

b)     Sur l’accès aux informations relatives aux spécifications techniques des bases de données de CORDIS

110    La requérante relève que, malgré plusieurs demandes de sa part, des informations pertinentes relatives notamment aux spécifications techniques des bases de données de CORDIS, à tous les outils qui y sont relatifs et aux méthodologies utilisées, qui étaient la propriété intégrale de la Commission, n’ont pas été rendues accessibles en temps utile aux soumissionnaires, à l’exception du soumissionnaire retenu qui les avait déjà utilisées avant l’appel d’offres en cause.

111    La requérante en conclut que la Commission a réservé un traitement inégal à tous ceux, parmi les soumissionnaires, qui, à défaut de s’être vu communiquer ces informations pertinentes en temps utile, n’ont pas été placés dans une position équitable leur permettant de soumettre une offre technique et financière ayant une véritable chance d’être sélectionnée par la Commission.

112    La requérante soutient qu’il n’a été possible de trouver des informations précises et utilisables ni dans le cahier des charges, ni dans les milliers de pages de documentation technique fournies aux candidats par la Commission sous la forme de CD 1 et CD 2, ni dans celles disponibles sur le site Internet spécialement consacré à l’appel d’offres en cause. En donnant des exemples, la requérante explique que, dans le cahier des charges ainsi que dans la documentation qui y était annexée, les données techniques des bases de données en ligne sont, selon elle, décrites de manière très générale et sans aucune spécification technique.

113    En se fondant, essentiellement, sur de nombreux passages tirés des trois différents volets du volume B du cahier des charges, la requérante explique en détail son approche des fonctions respectives du marché litigieux, du lot n° 2 et du lot n° 3. Elle conteste l’argumentation de la défenderesse selon laquelle les spécifications techniques des bases de données de CORDIS seraient peu importantes pour le marché litigieux.

114    La requérante affirme que la liste d’inventaire diffusée par la Commission ne contient pas d’informations utiles pour les soumissionnaires au marché litigieux, car les informations qu’elle contient ne concernent que le lot n° 3. La requérante affirme que la distribution de ladite liste était une manœuvre dilatoire tendant à induire en erreur les concurrents du soumissionnaire retenu.

115    En réponse à l’argumentation de la défenderesse selon laquelle les résultats qualitatifs obtenus par la requérante pour ses capacités techniques étaient – malgré la prétendue absence d’informations techniques – les meilleurs, la requérante fait valoir que son offre technique relative au traitement des « données structurées » (contenu des bases de données de CORDIS) a été considérée par la Commission comme un des points faibles de son offre. La requérante se réfère, à cet égard, à deux extraits du rapport du comité d’évaluation concernant son offre et estime qu’il ressort de ces extraits que si elle n’avait pas été désavantagée par rapport au soumissionnaire retenu en ce qui concerne l’accès aux informations relatives aux spécifications techniques des bases de données de CORDIS, le résultat de l’évaluation qualitative de son offre aurait nécessairement été supérieur.

116    La défenderesse estime qu’elle a tout mis en œuvre pour assurer la plus grande transparence possible dans le cadre de la procédure d’attribution du marché litigieux et qu’elle a neutralisé ainsi l’avantage compétitif dont pouvait disposer le contractant en place.

117    La défenderesse conteste le fait qu’elle n’ait pas fourni aux soumissionnaires toutes les informations pertinentes. Les informations techniques requises dans le cahier des charges auraient été complétées par les informations figurant sur les CD 1 et CD 2 et la liste d’inventaire aurait permis aux soumissionnaires d’avoir une parfaite connaissance du fonctionnement de CORDIS dans le passé, en leur permettant précisément d’être en mesure de proposer utilement une offre pour l’avenir.

118    À la suite d’une question du Tribunal posée au cours de l’audience quant à la raison pour laquelle la Commission n’avait pas mis à la disposition des candidats toutes les informations techniques dès le début de la procédure d’appel d’offres, la défenderesse a expliqué que, au moment du lancement de l’appel d’offres en cause, les documents explicatifs n’étaient pas encore tous prêts. Partant, ces documents techniques n’auraient été mis à la disposition des soumissionnaires potentiels qu’au fur et à mesure de l’avancement des travaux de préparation.

c)     Sur l’impact de la prise de connaissance tardive par la requérante de certaines informations essentielles sur le contenu de son offre

119    En réponse à une question du Tribunal, la requérante a précisé que, dans la mesure où les informations qui lui ont été transmises par la Commission l’ont été au fur et à mesure du déroulement de la procédure d’appel d’offres, elle n’avait disposé que d’un mois pour élaborer son offre initiale. Étant donné que l’organisation des procédures informatiques envisagées en aurait été bouleversée, le calcul du prix de son offre n’aurait pu être opéré que de manière approximative. La requérante n’aurait notamment pas disposé de suffisamment de temps pour déterminer toutes les conséquences de l’acquisition du logiciel Autonomy. Elle explique que, dans l’incertitude, la marge de sécurité a été évaluée trop largement, ce qui a nui à la compétitivité de son offre en ce qui concerne le prix. La requérante aurait ainsi dû intégrer dans son offre une prime de risque de 15 à 20 %.

120    Au cours de l’audience, le Tribunal a interrogé la requérante sur sa méthode de calcul de la prime de risque de 15 à 20 %. Elle a répondu qu’il s’avérait difficile d’aller plus loin dans la démonstration arithmétique, car il lui faudrait reconstituer les calculs de son offre dont la préparation avait déjà commencé dès le premier semestre de 2002. Malheureusement, certaines des personnes chargées de la préparation de son offre à l’époque auraient quitté la société entre-temps. De plus, elle a ajouté que les projets de son offre avaient été élaborés à partir de certaines données ou suppositions qui avaient évolué avec le temps.

121    La défenderesse conteste l’affirmation de la requérante selon laquelle celle-ci a dû prendre des dispositions dans son offre financière pour faire face aux défaillances du cahier des charges. La défenderesse estime que la requérante se montre incapable d’identifier ou de quantifier les coûts afférents aux prétendus efforts inutiles dont les coûts auraient été intégrés dans son offre.

2.     Appréciation du Tribunal

a)     Remarque liminaire

122    Le Tribunal rappelle l’importance particulière du principe d’égalité de traitement en matière de passation de marchés publics (voir points 71 et 72 ci-dessus). En effet, dans le cadre d’une telle procédure, la Commission est tenue de veiller, à chaque phase de la procédure, au respect de l’égalité de traitement et, par voie de conséquence, à l’égalité de chances de tous les soumissionnaires (voir arrêt du Tribunal du 17 mars 2005, AFCon Management Consultants e.a./Commission, T‑160/03, Rec. p. II‑981, point 75, et la jurisprudence citée).

123    En soutenant que la Commission a donné l’accès à certaines informations essentielles exclusivement au soumissionnaire retenu, la requérante fait valoir que cette dernière a violé le principe de non-discrimination des soumissionnaires.

124    Il ressort de la jurisprudence que le principe d’égalité de traitement implique une obligation de transparence afin de permettre de vérifier son respect (arrêts de la Cour du 18 juin 2002, HI, C‑92/00, Rec. p. I‑5553, point 45, et du 12 décembre 2002, Universale-Bau e.a., C‑470/99, Rec. p. I‑11617, point 91).

125    Le principe d’égalité de traitement entre les soumissionnaires, qui a pour objectif de favoriser le développement d’une concurrence saine et effective entre les entreprises participant à un marché public, impose que tous les soumissionnaires disposent des mêmes chances dans la formulation des termes de leurs offres et implique donc que celles-ci soient soumises aux mêmes conditions pour tous les compétiteurs (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 18 octobre 2001, SIAC Construction, C‑19/00, Rec. p. I‑7725, point 34, et Universale-Bau e.a., point 124 supra, point 93) .

126    Quant au principe de transparence, qui en constitue le corollaire, il a essentiellement pour but de garantir l’absence de risque de favoritisme et d’arbitraire de la part du pouvoir adjudicateur. Il implique que toutes les conditions et modalités de la procédure d’attribution soient formulées de manière claire, précise et univoque, dans l’avis de marché ou dans le cahier des charges (arrêt de la Cour du 29 avril 2004, Commission/CAS Succhi di Frutta, C‑496/99 P, Rec. p. I‑3801, points 109 à 111).

127    Le principe de transparence implique donc que toutes les informations techniques pertinentes pour la bonne compréhension de l’avis de marché ou du cahier des charges soient mises, dès que possible, à la disposition de l’ensemble des entreprises participant à un marché public, de façon, d’une part, à permettre à tous les soumissionnaires raisonnablement informés et normalement diligents d’en comprendre la portée exacte et de les interpréter de la même manière et, d’autre part, à mettre le pouvoir adjudicateur en mesure de vérifier effectivement si les offres des soumissionnaires correspondent aux critères régissant le marché en cause.

128    Il convient d’apprécier le deuxième moyen à la lumière des principes énoncés ci-dessus.

b)     Sur la prétendue inégalité de traitement de la requérante par rapport au soumissionnaire retenu en ce qui concerne l’accès à certaines informations essentielles

 Généralités

129    Tout d’abord, il y a lieu de rappeler que la requérante reproche à la Commission d’avoir enfreint le principe d’égalité de traitement en raison d’un prétendu retard dans la mise à la disposition, aux soumissionnaires autres que le soumissionnaire retenu, contractant en place à l’époque, de certaines informations techniques. Eu égard à la jurisprudence citée aux points 71 et 72 ci-dessus ainsi qu’aux points 124 à 126 ci-dessus, la Commission aurait porté atteinte à l’égalité des chances de l’ensemble des soumissionnaires ainsi qu’au principe de transparence en tant que corollaire du principe d’égalité de traitement.

130    Ensuite, il y a lieu de constater que, à la supposer avérée, une telle atteinte à l’égalité des chances et au principe de transparence constituerait une irrégularité de la procédure précontentieuse portant atteinte au droit à l’information des parties concernées. Or, conformément à une jurisprudence constante, une irrégularité procédurale ne peut entraîner l’annulation de la décision en cause que s’il est établi que, en l’absence de cette irrégularité, la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent dans l’hypothèse où la requérante aurait eu accès aux informations en question dès le début de la procédure et s’il existait, à cet égard, une chance – même réduite – que la requérante eût pu faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent (voir arrêt de la Cour du 2 octobre 2003, Thyssen Stahl/Commission, C‑194/99 P, Rec. p. I‑10821, point 31, et la jurisprudence citée, et arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Atlantic Container Line e.a./Commission, T‑191/98 et T‑212/98 à T‑214/98, Rec. p. II‑3275, points 340 et 430).

131    À cet égard, le Tribunal examinera, tout d’abord, si l’inégalité de traitement alléguée consistant en un retard dans la transmission de certaines informations techniques aux soumissionnaires autres que le soumissionnaire retenu constitue, en tant que telle, une irrégularité de la procédure en ce que des informations effectivement utiles à l’élaboration des offres n’auraient pas été mises, dès que possible, à la disposition de l’ensemble des soumissionnaires.

132    Dans le cas où une telle irrégularité serait établie, le Tribunal examinera, ensuite, si, en l’absence de celle-ci, la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent. Dans cette perspective, une telle irrégularité ne saurait constituer une violation de l’égalité des chances des soumissionnaires que dans la mesure où il résulte de façon plausible et suffisamment circonstanciée des explications fournies par la requérante que le résultat de la procédure aurait pu être différent à son égard.

 Sur le caractère tardif de la mise à disposition, par la Commission, de certaines informations techniques

133    Le Tribunal constate, tout d’abord, que le soumissionnaire retenu avait, avant l’ouverture de la procédure d’appel d’offres, pleine connaissance de toutes les spécifications techniques des bases de données de CORDIS, puisqu’il était le contractant en place à l’époque.

134    D’ailleurs, il n’est pas contesté que la Commission disposait des spécifications techniques des bases de données de CORDIS dès avant l’ouverture de la procédure d’appel d’offres, à savoir à la fin de novembre 2002.

135    La défenderesse ne conteste pas non plus qu’elle n’a mis à la disposition de tous les soumissionnaires potentiels les spécifications techniques des bases de données de CORDIS que progressivement au cours de la procédure d’appel d’offres.

136    En effet, la Commission n’a fourni une partie des spécifications techniques des bases de données de CORDIS qu’un mois après l’ouverture de la procédure d’appel d’offres, le 20 décembre 2002, à travers le CD 2, et elle n’a publié d’autres informations techniques que le 5 février 2003, à travers la liste d’inventaire, soit seulement six semaines avant l’expiration du délai prévu pour la soumission des offres.

137    La justification fournie par la défenderesse, selon laquelle elle n’avait pas encore préparé toutes les informations au début de la procédure d’appel d’offres, doit être rejetée dès lors que, afin que tous les soumissionnaires potentiels disposent des mêmes chances, elle aurait pu attendre d’être en mesure de mettre toutes les informations pertinentes à la disposition de l’ensemble des soumissionnaires potentiels pour entamer ladite procédure d’appel d’offres.

138    Le Tribunal constate, ensuite, que le soumissionnaire retenu a pu, dès le début de la procédure d’appel d’offres, avoir pleine connaissance du fonctionnement du logiciel Autonomy grâce à l’installation d’une version d’essai dans la version de CORDIS en vigueur à l’époque. En outre, le soumissionnaire retenu a également préparé l’acquisition du logiciel Autonomy pour la Commission, acquisition qui a eu lieu au cours de la procédure d’appel d’offres. Ainsi, il est fort probable que le soumissionnaire retenu ait été pleinement informé de ladite acquisition dès son origine.

139    Par ailleurs, la défenderesse ne conteste pas que les autres soumissionnaires ont seulement été informés de ladite acquisition par le biais de la publication du document intitulé « Superquest – Implementation and Release 6 and beyond », le 18 février 2002, soit uniquement un mois avant l’expiration du délai prévu pour la soumission des offres.

140    Partant, le Tribunal relève que la Commission n’a mis à la disposition de l’ensemble des soumissionnaires potentiels les informations relatives aux spécifications techniques des bases de données de CORDIS ainsi que les informations relatives à son acquisition du logiciel Autonomy qu’au fur et à mesure de la procédure d’appel d’offres, alors que le soumissionnaire retenu disposait de ces informations dès le début de ladite procédure d’appel d’offres, compte tenu du fait qu’il était le contractant en place.

 Sur la question de la neutralisation des avantages du soumissionnaire retenu

141    Le fait que tous les soumissionnaires, à l’exception du soumissionnaire retenu, contractant en place, n’ont disposé de certaines informations qu’au fur et à mesure de la procédure d’appel d’offres semble, à première vue, indiquer que la Commission a pu éventuellement violer, au début de la procédure, à savoir le 20 novembre 2002, le principe d’égalité de traitement des soumissionnaires potentiels prévu à l’article 126 des modalités d’exécution I et à l’article 3, paragraphe 2, de la directive 92/50, en vigueur à l’époque.

142    Cependant, il convient de prendre en considération le fait que la connaissance exclusive par le soumissionnaire retenu de certaines informations n’a pas été la conséquence d’un comportement critiquable du pouvoir adjudicateur. Un tel avantage est inhérent – et donc inévitable – à toute situation où un pouvoir adjudicateur se décide à déclencher une procédure d’appel d’offres pour la passation d’un marché qui a été exécuté, jusque-là, par un seul contractant. Cette circonstance constitue en quelque sorte un « avantage de facto inhérent ».

143    À cet égard, le Tribunal rappelle que la Cour a jugé que la directive 92/50 ainsi que les autres directives relatives à la passation des marchés publics s’opposaient à une règle nationale selon laquelle n’était pas admise la remise d’une offre pour un marché public de travaux, de fournitures ou de services par un soumissionnaire qui avait été chargé de la recherche, de l’expérimentation, de l’étude ou du développement de ces travaux, de ces fournitures ou de ces services, sans que lui soit laissée la possibilité de faire la preuve que, dans les circonstances de l’espèce, l’expérience qu’il avait ainsi acquise n’avait pu fausser la concurrence (arrêt de la Cour du 3 mars 2005, Fabricom, C‑21/03 et C‑34/03, Rec. p. I‑1559, point 36).

144    Si, selon ledit arrêt, la connaissance extraordinaire acquise par un soumissionnaire grâce à des travaux liés directement à la préparation de la procédure de passation de marché en cause par le pouvoir adjudicateur lui-même ne pouvait donc entraîner son exclusion automatique de ladite procédure, sa participation à celle-ci devrait donc être d’autant moins exclue lorsque cette connaissance extraordinaire tient au seul fait de la participation, en collaboration avec le pouvoir adjudicateur, à la préparation de l’appel d’offres.

145    Il s’ensuit que le principe d’égalité de traitement des soumissionnaires n’exige pas de contraindre le pouvoir adjudicateur à neutraliser de façon absolue l’ensemble des avantages dont bénéficie un tel soumissionnaire.

146    Admettre qu’il conviendrait de neutraliser, à tous les égards, les avantages d’un contractant en place entraînerait, en outre, des conséquences allant à l’encontre de l’intérêt du service de l’institution adjudicataire dans la mesure où une telle neutralisation engendrerait pour elle des efforts coûteux supplémentaires.

147    Néanmoins, la mise en œuvre appropriée du principe d’égalité de traitement requiert, dans ce contexte particulier, une mise en balance des intérêts en cause.

148    Ainsi, afin de préserver autant que possible le principe d’égalité de traitement des soumissionnaires et d’éviter des conséquences contraires à l’intérêt du service de l’institution adjudicataire, une neutralisation des possibles avantages du contractant en place doit tout de même être effectuée, mais uniquement dans la mesure où celle-ci est techniquement facile à réaliser, lorsqu’elle est économiquement acceptable et lorsqu’elle ne viole pas les droits de celui-ci.

149    Quant à la mise en balance des intérêts en cause d’un point de vue économique, le Tribunal rappelle que le principe d’égalité de traitement entre les soumissionnaires résulte des dispositions de la section 1 (articles 56 à 64 bis) du titre IV du règlement financier I, applicable lors de la publication de l’avis de l’appel d’offres en cause. Or, l’article 2 du règlement financier I, qui fait partie de ceux consacrant les principes généraux dans ledit règlement, énonce que « [l]es crédits budgétaires doivent être utilisés conformément à des principes d’économie et de bonne gestion financière ». D’ailleurs, selon l’article 248, paragraphe 2, CE, la bonne gestion financière constitue une règle générale de l’organisation communautaire reconnue par le traité, dont la Cour des comptes des Communautés européennes s’assure du respect.

150    En conséquence, quant à la régularité de la procédure d’appel d’offres en cause, il y a lieu de relever, que, en l’espèce, dès lors que la Commission disposait des informations complètes sur les spécifications techniques des bases de données de CORDIS dès le début de ladite procédure, il lui était aisément possible de les mettre à la disposition de tous les soumissionnaires sous la forme d’une annexe au cahier des charges. Force est de constater, en outre, qu’il était également facile d’informer l’ensemble des soumissionnaires potentiels de l’acquisition du logiciel Autonomy immédiatement après qu’elle ait eu lieu, à savoir à la fin de décembre 2002.

 Sur la pertinence des informations mises à disposition tardivement par la Commission pour les offres concernant le marché litigieux

151    Le Tribunal rappelle que, s’il s’avérait que les informations soumises tardivement par la Commission aux soumissionnaires autres que le soumissionnaire retenu n’étaient pas pertinentes pour l’élaboration des offres concernant le marché litigieux, un retard dans leur communication ne représenterait, en tout état de cause, pas un avantage pour le soumissionnaire retenu, contractant en place à l’époque, et ne serait donc pas constitutif d’un vice de procédure constituant une violation du principe d’égalité de traitement des soumissionnaires, ainsi que l’a affirmé la requérante.

–       Sur la pertinence des informations relatives à l’acquisition du logiciel Autonomy

152    S’agissant de la pertinence des informations relatives à l’acquisition du logiciel Autonomy, le Tribunal constate qu’il découle de la description du marché litigieux figurant dans le résumé effectué au point 4 du volume A du cahier des charges ainsi que des explications fournies par la défenderesse données au Tribunal au cours de l’audience que les soumissionnaires pour le marché litigieux ne devaient soumettre que des données ayant vocation à former le contenu de la nouvelle version des services d’appui pour CORDIS. Cela n’englobe pas nécessairement des fonctions d’interrogation dudit contenu par des utilisateurs finaux de la nouvelle version de CORDIS.

153    Même si la formulation retenue au point 4 du volume A du cahier des charges (« fournir le contenu, c’est-à-dire […] gérer l’interface utilisateur et la navigation dans l’ensemble de l’espace d’information CORDIS ») peut être interprétée en ce sens que les soumissionnaires pour le marché litigieux auraient dû également prévoir, dans leurs offres, l’élaboration d’une proposition d’outils de recherche dans le contenu de la nouvelle version de CORDIS, il n’en reste pas moins que le cahier des charges n’impose pas l’utilisation d’un outil de recherche spécifique, et notamment pas celle du logiciel Autonomy.

154    Il s’ensuit que le simple fait que la Commission avait acheté, au cours de la procédure d’appel d’offres, le logiciel Autonomy ne l’a pas conduite à évaluer de façon moins favorable une offre proposant un outil de recherche différent.

155    À titre surabondant, ce constat est d’ailleurs confirmé par la circonstance que, lors de l’appréciation du critère d’attribution n° 1, le comité d’évaluation a considéré, d’une part, que l’offre de la requérante était « excellente » en ce qui concerne la « présentation de la classification sous le gestionnaire de contenu » et, d’autre part, que l’offre du soumissionnaire retenu était « bien décrite et prometteuse » en ce qui concerne la « classification et l’approche d’indexation (par exemple Autonomy en ce qui concerne la recherche et le renvoi) ». Ces qualifications démontrent que le comité d’évaluation a estimé les offres de la requérante et du soumissionnaire retenu équivalentes en ce qui concerne les outils de classification proposés. Par conséquent, la connaissance, tout au long de la procédure d’appel d’offres, de l’acquisition du logiciel Autonomy par la Commission n’a pas pu avoir une quelconque importance dans l’évaluation des offres de la requérante et du soumissionnaire retenu.

156    Étant donné que le cahier des charges n’impose pas l’utilisation d’un outil de classification spécifique, notamment pas celle du logiciel Autonomy, le Tribunal estime que le grief tiré de la mise à disposition tardive des informations relatives à l’acquisition du logiciel Autonomy ne paraît pas être suffisamment étayé pour rendre plausible le fait que la connaissance de l’acquisition du logiciel Autonomy par la Commission aurait pu constituer un avantage pour le soumissionnaire retenu, contractant en place, quant à une soumission pour le marché litigieux.

–       Sur la pertinence des informations relatives aux spécifications techniques des bases de données de CORDIS

157    S’agissant de la pertinence des informations relatives aux spécifications techniques des bases de données de CORDIS fournies aux soumissionnaires potentiels, le Tribunal relève que la requérante considère que le contenu de la liste d’inventaire n’est pas pertinent pour l’élaboration d’une offre pour le marché litigieux et qu’elle affirme que ni le CD 1 ni le CD 2 ne contenaient des informations précises et utilisables.

158    À cet égard, il y a lieu de constater que, dans la mesure où la requérante admet l’absence d’utilité des informations relatives aux spécifications techniques des bases de données de CORDIS pour l’élaboration des offres, elle ne saurait se prévaloir du caractère tardif de leur communication par la Commission. En effet, la requérante reconnaît ainsi que les spécifications techniques soumises tardivement aux soumissionnaires potentiels n’étaient pas pertinentes pour l’élaboration d’une offre pour le marché litigieux.

159    Ensuite, pour autant que l’argumentation de la requérante tende à dénoncer la prétendue absence de communication d’une autre catégorie d’informations techniques, à savoir des informations complémentaires aux informations fournies tardivement aux soumissionnaires potentiels, force est de constater qu’elle n’a pas été en mesure de préciser de quelles informations précises il s’agissait et en quoi leur absence de communication aurait constitué un avantage pour le soumissionnaire retenu.

160    En revanche, le Tribunal relève que la défenderesse affirme que les informations techniques contenues dans les CD 1 et CD 2 servent généralement à compléter les informations techniques déjà incluses dans le cahier des charges et que la liste d’inventaire permettait aux soumissionnaires d’avoir une parfaite connaissance du fonctionnement de CORDIS dans le passé, précisément pour être en mesure de proposer une offre pour l’avenir.

161    Le Tribunal estime que la défenderesse admet ainsi que les informations techniques communiquées tardivement aux soumissionnaires auraient pu constituer une valeur ajoutée pour toutes les offres concernant les services d’appui pour CORDIS, y compris les offres pour le marché litigieux.

162    Partant, le Tribunal constate qu’il n’est pas exclu que les informations relatives aux spécifications techniques des bases de données de CORDIS, auxquelles le soumissionnaire retenu a eu un temps exclusivement accès en tant que contractant en place à l’époque aient pu constituer, au moins partiellement, un avantage injustifié d’un des soumissionnaires potentiels.

163    Par conséquent, étant donné que la défenderesse admet que les spécifications techniques mises tardivement à la disposition des soumissionnaires aient pu constituer une valeur ajoutée pour les offres concernant le marché litigieux, le Tribunal considère qu’il n’est pas exclu que le comportement contesté de la Commission ait pu constituer un avantage pour le contractant en place quant à une soumission pour le marché litigieux.

164    Dès lors, en ne communiquant pas, dès que possible, certaines spécifications techniques à l’ensemble des soumissionnaires, la Commission a commis une irrégularité procédurale en méconnaissant le droit d’être informé de la requérante.

165    Partant, il y a lieu de vérifier si cette irrégularité a porté atteinte à l’égalité des chances des soumissionnaires, en ce que, en l’absence de cette irrégularité, la procédure d’appel d’offres en cause aurait pu éventuellement aboutir à une attribution du marché litigieux à la requérante.

166    Tel ne serait cependant pas le cas si, malgré le fait que la Commission n’a pas informé tous les soumissionnaires, dès le début de la procédure d’appel d’offres, de la totalité des spécifications techniques de l’ancienne version de CORDIS, il s’avérait que les informations ainsi retenues n’avaient pas été pertinentes pour l’offre de la requérante.

 Sur la pertinence des informations mises à disposition tardivement par la Commission pour l’offre de la requérante

–       Sur l’influence du retard dans la mise à disposition de certaines informations techniques sur la qualité de l’offre de la requérante

167    À la lumière de ce qui précède, le Tribunal estime probable que, ainsi que la requérante l’a affirmé, le retard dans la communication des informations visées aux points 133 à 140 ci-dessus ait pu avoir occasionné pour l’ensemble des soumissionnaires, à l’exception du soumissionnaire retenu, d’éventuels efforts inutiles et une perte de temps et que cela a pu influer sur la qualité de leurs offres.

168    Nonobstant ce constat de principe, il y a lieu de relever que, dans le cas d’espèce, en tout état de cause, même la pleine connaissance des informations en cause n’aurait pas eu une influence décisive sur l’appréciation d’ensemble de l’offre de la requérante.

169    Quant à l’influence sur la qualité de son offre du retard dans la mise à disposition par la Commission des informations techniques, la requérante fait valoir que la connaissance desdites informations aurait amélioré la valeur qualitative de son offre au regard des critères d’attribution nos 1 à 3 décrits au cahier des charges.

170    À cet égard, le Tribunal relève que, ainsi qu’il ressort du tableau figurant au point 3.3 du volume A du cahier des charges, le nombre maximal de points pouvant être obtenus au titre desdits critères était de 80 (soit 35 + 25 + 20 points).

171    Il ressort du tableau figurant dans le rapport du comité d’évaluation que la formule mathématique utilisée afin de déterminer le « rapport coût-efficacité le plus avantageux » au sens du point 3.3 du volume A du cahier des charges et de calculer le rapport qualité-prix des différentes offres a été la suivante :

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172    Par application de ladite formule à l’offre soumise par la requérante, c’est-à-dire en y insérant le prix total dont était assortie l’offre de la requérante (21 198 879 euros), ainsi que l’addition, d’une part, du maximum de points pouvant être atteints au titre des critères nos 1 à 3 (à savoir les critères correspondant aux éléments pour lesquels la qualité de l’offre de la requérante avait prétendument été altérée par la communication tardive par la Commission des informations techniques) et, d’autre part, des 14 points que l’offre de la requérante a effectivement obtenus au titre du critère n° 4 (voir point 30 ci-dessus), on parvient au rapport suivant :

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173    Étant donné que le soumissionnaire retenu a obtenu un rapport-prix de 4,65, ce calcul démontre que, même si la requérante avait pu, dès le début de la procédure d’appel d’offres, élaborer son offre en pleine connaissance des informations techniques qui ne lui ont été communiquées que tardivement, et même si, à la suite de cela, elle avait obtenu le maximum de points au titre des critères qualitatifs nos 1 à 3 (c’est-à-dire 80 points) ainsi que les 14 points obtenus au titre du critère n° 4, le rapport qualité-prix de son offre aurait été, en tout état de cause, moins bon que celui du soumissionnaire retenu, car le prix de l’offre de la requérante était relativement élevé.

174    Partant, le Tribunal constate qu’il est patent que le comportement de la Commission, aussi critiquable qu’il ait été, n’a, en tout état de cause, pu exercer en l’espèce une influence sur l’attribution du marché litigieux au soumissionnaire retenu que dans la mesure où le prix de l’offre de la requérante avait été effectivement influencé par la communication tardive des informations techniques.

–       Sur l’influence du retard dans la mise à disposition de certaines informations techniques sur le prix de l’offre de la requérante

175    Le Tribunal note que la requérante n’a pas été en mesure, même à posteriori, d’exposer de façon précise le degré d’influence des efforts prétendument inutiles sur la détermination du prix de son offre. Elle se borne à affirmer de façon laconique que, si elle avait su qu’il était inutile de déployer de tels efforts, le prix de son offre aurait été de 10 à 15 % plus bas. Or, même en réponse aux questions précises posées à cet égard par le Tribunal au cours de l’audience, la requérante n’a pas été en mesure de soumettre au Tribunal le moindre élément permettant d’étayer cette affirmation.

176    Par conséquent, le Tribunal relève que, à défaut d’explications plausibles et suffisamment circonstanciées de la part de la requérante sur ce point, il n’est pas établi que l’irrégularité procédurale, consistant dans la communication tardive par la Commission des spécifications techniques des bases de donnés de CORDIS, ait pu avoir une répercussion sur le calcul du prix de l’offre de la requérante et, partant, qu’il ait pu constituer une violation de l’égalité des chances au détriment de la requérante.

177    Au vu de ce qui précède, le Tribunal considère que, s’il est vrai que la Commission a commis une irrégularité procédurale en ne communiquant pas à tous les soumissionnaires, dès le début de la procédure d’appel d’offres, la totalité des informations techniques relatives à l’ancienne version de CORDIS, cette irrégularité procédurale n’a pu, en l’espèce, conduire à un résultat différent de la procédure, étant donné qu’il est exclu que le comportement contesté de la Commission ait eu une influence décisive sur la qualité de l’offre de la requérante et que celle-ci n’a pas donné le moindre élément permettant de démontrer de façon plausible que ledit comportement de la Commission a effectivement conduit à une augmentation du prix de l’offre de la requérante et, par conséquent, que celle-ci aurait violé le principe d’égalité des chances au détriment de la requérante.

178    Partant, le deuxième moyen doit être rejeté.

C –  Sur le troisième moyen, tiré de la non-conformité des critères de l’adjudication à ceux décrits dans le cahier des charges

1.     Arguments des parties

179    La requérante estime que la Commission a modifié les critères d’attribution en accordant la même pondération au prix et à la qualité des offres au lieu d’utiliser une formule qui aurait fait primer la qualité sur le prix.

180    La requérante affirme qu’il aurait suffi d’accorder une pondération de 65 % à la qualité des offres pour que son offre soit retenue.

181    La pondération, retenue en l’espèce, à la fois pour la qualité et pour le prix des offres, l’a été, selon la requérante, en contradiction avec le point 3.3 du volume A du cahier des charges, aux termes duquel « [i]l convient de noter que l’évaluation des offres sera axée sur la qualité des services proposés ».

182    De plus, la requérante soutient que la Commission utilise régulièrement des formules accordant une importance différente à la qualité et au prix.

183    Enfin, la requérante affirme, en citant également des témoins, qu’un représentant de la Commission a confirmé, à la suite d’une question posée à cet égard au cours de la journée d’information du 7 janvier 2003, la prévalence des critères qualitatifs.

184    La défenderesse estime que la requérante se fonde sur une phrase du point 3.3 du volume A du cahier des charges, qui ne saurait être sortie de son contexte. En effet, la formulation invoquée par la requérante devrait être comprise uniquement à la lumière des seuils qualitatifs fixés.

185    La défenderesse constate que, même si une autre pondération que celle retenue avait été appliquée pour déterminer le « rapport coût-efficacité le plus avantageux », en tout état de cause, le résultat de l’évaluation comparative des offres de la requérante et du soumissionnaire retenu aurait été identique.

2.     Appréciation du Tribunal

186    En ce qui concerne les critères d’attribution appliqués, il convient d’analyser les passages pertinents du volume A du cahier des charges, notamment le point 3.3 de celui-ci.

187    Le point 3.3 du cahier des charges est intitulé « Évaluation des offres – Critères d’attribution ». Ce point débute par une description générale des critères d’attribution, comme suit :

« Le marché sera attribué à l’offre qui présentera le rapport coût-efficacité le plus avantageux. Les critères d’attribution suivants seront appliqués :

–        critères d’attribution qualitatifs ;

–        prix. »

188    Ensuite, le texte précise la première phase de la procédure d’évaluation, dans les termes suivants (non souligné dans l’original) :

« Dans un premier temps, l’offre retenue sera évaluée en fonction des critères d’attribution qualitatifs ci-dessous et du coefficient de pondération de chaque critère. »

189    Cette phrase est suivie d’un tableau présentant les différents critères d’attribution qualitatifs et leurs coefficients de pondération respectifs. À la suite de ce tableau est énoncée la règle selon laquelle les offres qui n’atteignent pas le niveau minimal de qualité requis ne sont pas prises en compte pour l’attribution du marché.

190    Ces passages concernant l’évaluation des offres en fonction des critères d’attribution qualitatifs sont suivis d’un encadré, intitulé de façon très générale « Critères d’attribution » et ne contenant que la phrase suivante (souligné dans l’original) :

« Le prix, tel que défini dans le scénario complet pour chaque lot couvrant 48 mois d’activité, sans tenir compte du coût des options. »

191    C’est à la suite de cet encadré qu’un avant-dernier alinéa débute par la phrase sur laquelle se fonde la requérante. Cet alinéa se lit comme suit dans son ensemble :

« Il convient de noter que l’évaluation des offres sera axée sur la qualité des services proposés ; aussi les soumissionnaires doivent-ils fournir une offre détaillée […] de manière à obtenir le plus de points possible. »

192    Il y a lieu de relever qu’il ressort de l’économie de la présentation du point 3.3 du cahier des charges que l’évaluation comparative doit se faire, en principe, en deux phases :

–        Tout d’abord, dans une première phase, il y a lieu de déterminer de façon chiffrée, pour chaque offre, grâce à l’attribution de points de pondération, le degré d’aptitude qualitative de l’offre. Dès lors qu’un minimum de points de qualité est requis, les critères d’attribution qualitatifs jouent le rôle d’une condicio sine qua non pour l’attribution finale du marché.

–        Ensuite, dans une seconde phase, le facteur « prix » sera mis en relation avec le facteur « qualité » précédemment calculé, sans que le mode exact de calcul du rapport qualité-prix n’apparaisse dans le point 3.3.

193    Dès lors, force est de constater que les critères d’attribution qualitatifs jouent déjà, en tant que tels, un rôle primordial pour la présélection des offres susceptibles d’être retenues, c’est-à-dire avant même que la qualité d’une offre soit évaluée en rapport avec son prix.

194    Quant à l’interprétation de l’ensemble du point 3.3 du volume A du cahier des charges, le Tribunal relève que ledit point du cahier des charges n’est pas clairement structuré. Cependant, il n’en découle pas que la Commission serait obligée d’utiliser, pour l’évaluation des offres, une formule qui ferait primer la qualité sur le prix.

195    La phrase du point 3.3 du volume A du cahier des charges qui est invoquée par la requérante doit s’interpréter, replacée dans son contexte, comme étant une simple accentuation de l’importance primordiale accordée au critère de qualité dans l’ensemble de la procédure, étant donné son rôle d’unique critère de présélection lors de la première phase de l’évaluation. En effet, dans cette première phase, les offres de qualité inférieure sont exclues sans que leur prix unitaire puisse être pris en considération.

196    De plus, le cahier des charges ne contient aucune indication relative à un éventuel rapport exact dans le calcul du rapport qualité-prix qui aurait pu fonder une quelconque attente des soumissionnaires quant à la pondération exacte qui devrait être respectivement accordée aux critères de qualité et de prix lors de la phase d’adjudication.

197    D’ailleurs, le Tribunal constate qu’une relation entre la qualité et le prix différente de celle qui a été retenue en l’espèce n’aurait pas pu changer le résultat de l’évaluation finale. En effet, une relation entre la qualité et le prix se traduit, en termes mathématiques, toujours par une fraction. Si l’on établit une relation d’ordre de grandeur entre deux fractions, celle-ci n’est aucunement modifiée par la multiplication de chacune des deux fractions par le même facteur, quel que soit le facteur choisi (règle du maintien de la relation d’ordre) :

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198    Enfin, en ce qui concerne la prétendue confirmation d’une prévalence des critères qualitatifs dans l’évaluation des offres, au cours de la journée d’information du 7 janvier 2003, le Tribunal estime que cette affirmation de la requérante, même à la supposer avérée, ne saurait entacher la décision attaquée d’une quelconque illégalité.

199    En effet, à supposer même qu’il puisse être prouvé que les représentants de la Commission aient confirmé une prévalence des critères qualitatifs dans l’évaluation des offres, une telle déclaration n’aurait pas pu modifier le contenu du cahier des charges en tant que cadre juridique contraignant.

200    En effet, il résulte de la seconde phrase de l’article 99 du règlement financier II ainsi que de l’article 148, paragraphe 3, des modalités d’exécution II, en vigueur au moment de la journée d’information du 7 janvier 2003, qu’aucun contact avec les soumissionnaires potentiels ne peut conduire à une modification des termes de l’offre, notamment ceux du cahier des charges, lequel, dans le cas d’espèce, précise au point 3.3 que le marché sera attribué à l’offre qui présentera « le rapport coût-efficacité le plus avantageux ».

201    Partant, le Tribunal relève que la Commission, en accordant, dans le cadre de la dernière phase de la procédure d’adjudication, une même pondération au prix et à la qualité, n’a pas modifié les critères d’adjudication décrits au point 3.3 du cahier des charges.

202    Au vu de ce qui précède, le troisième moyen doit donc être rejeté.

D –  Sur le quatrième moyen, tiré de l’application discriminatoire des critères d’attribution publiés au cahier des charges

1.     Arguments des parties

203    La requérante affirme que la Commission n’a pas sélectionné l’offre qui présentait le meilleur rapport qualité-prix en utilisant le critère d’attribution n° 4, publié au point 3.3 du volume A du cahier des charges, pour atteindre l’objectif recherché. Ainsi, la Commission aurait utilisé les critères publiés de façon incomplète, donc de façon discriminatoire, et aurait avantagé le soumissionnaire retenu.

204    La requérante soutient que la Commission a évalué son offre financière pratiquement exclusivement par journées d’experts et qu’elle a omis d’apprécier la quantité et la qualité des ressources humaines. La requérante souligne que 90 % du marché litigieux consiste à mettre du personnel à la disposition de la Commission. Or, le critère n° 4 imposerait à la Commission d’examiner son offre sous cet angle également et surtout les équipes d’experts ainsi proposées.

205    La requérante conteste l’argumentation de la défenderesse selon laquelle la qualité et l’expérience du personnel proposé ne sont pas prises en considération dans la phase d’adjudication, mais sont seulement examinées antérieurement, au cours de la phase de sélection des soumissionnaires. Elle prétend que, lors de la phase de sélection des soumissionnaires, c’est le personnel de la société et non le personnel proposé pour l’exécution du contrat envisagé qui est pris en considération.

206    La requérante réfute également l’argument, tiré d’un passage du point 3.2.2, sous a), du volume A du cahier des charges, sur lequel se fonde la défenderesse pour justifier le fait qu’elle n’a vérifié la compétence du personnel technique qu’au stade de la sélection des soumissionnaires. À cet égard, la requérante souligne que ledit passage figure dans un point du cahier des charges intitulé « Critères de sélection ». De plus, elle indique que ce passage contient une précision relative aux curriculum vitae du personnel demandé selon laquelle il est à noter que tous les soumissionnaires, et le cas échéant, les membres concernés du consortium, sont tenus de fournir la preuve qu’ils répondent à ces exigences, notamment par l’indication des titres d’études et de qualification professionnelle, en particulier, ceux du ou des responsables de la prestation de services. La logique de cette clause veut, selon la requérante, qu’il s’agisse des services fournis par la société de manière générale.

207    En se référant au point 2.3.2, sous f), du volume A du cahier des charges, la requérante constate qu’il y est explicitement demandé aux candidats d’insérer les curriculum vitae des experts proposés pour la réalisation du projet dans leur offre technique, c’est-à-dire dans la partie de l’offre qui fera l’objet d’une évaluation de la qualité, par opposition au point 2.3.1 du volume A du cahier des charges, intitulé « Informations administratives », lequel fait l’objet du processus de sélection.

208    De plus, en se référant, en particulier, aux points 4.3.2.3 et 4.3.2.4 du volume A du cahier des charges, la requérante conteste le fait que la Commission ait pu évaluer de manière objective et transparente si les candidats avaient, effectivement, en conformité notamment avec le point 4.3.2.4 du volume A du cahier des charges, proposé du personnel d’une qualité adéquate pour les tâches en cause en termes de qualifications et d’expérience appropriées et si nécessaire pour assurer un niveau adéquat de formation afin d’offrir un service de haute qualité pour chacune des tâches spécifiées, la Commission n’ayant pas soumis leurs curriculum vitae aux critères d’évaluation.

209    Selon la défenderesse, l’argumentation de la requérante est fondée sur une confusion entre les phases de sélection et d’attribution d’un marché public.

210    La défenderesse affirme que, en examinant les capacités du personnel proposé par les soumissionnaires uniquement dans le cadre de la phase de sélection des soumissionnaires, elle a agi en conformité avec les critères de sélection annoncés dans le cahier des charges et dans le respect de la distinction de principe qui y est opérée entre la phase de sélection des soumissionnaires et celle d’attribution du marché.

2.     Appréciation du Tribunal

211    La requérante soutient que la Commission n’a pas appliqué les critères d’attribution publiés au volume A du cahier des charges, notamment le critère n° 4, puisque l’expérience et la qualification du personnel présenté par la requérante n’ont pas été évaluées dans le contexte des critères d’attribution qualitatifs.

212    La défenderesse ne conteste pas qu’elle n’a pas évalué la qualification du personnel présenté par la requérante dans le contexte des critères d’attribution qualitatifs, mais elle estime que le volume A du cahier des charges exclut que le pouvoir adjudicateur prenne en considération la qualité des ressources humaines proposées par les soumissionnaires dans le contexte des critères d’attribution qualitatifs.

213    Même s’il est vrai que, en principe, la qualité d’un service, à la différence, par exemple, de la qualité des fournitures, dépend en général surtout de la qualification du personnel employé, la légalité d’une passation de marché public de services doit néanmoins être appréciée au regard du cahier des charges de l’appel d’offres concerné. En effet, le cahier des charges est l’expression de la volonté du pouvoir adjudicateur, lequel choisit librement le mode d’évaluation de la qualité des offres d’un service dont il a besoin.

214    Partant, il convient d’analyser le volume A du cahier des charges à l’égard du mode de procéder choisi dans le cas d’espèce.

215    À cet égard, tout d’abord, le Tribunal relève qu’il y a lieu de rejeter l’argument de la requérante fondé sur des extraits du point 2 du volume A du cahier des charges, intitulé « Forme et contenu de l’offre ».

216    En effet, il ressort directement de l’intitulé des points du cahier des charges invoqués par la requérante, à savoir le point 2.2 (Soumission de l’offre) et le point 2.3 (Structure de l’offre), lequel inclut notamment le point 2.3.2 (Proposition technique) et le point 2.3.2, sous f), concernant l’exigence de preuve de la qualification du personnel spécialisé proposé, que ces passages du cahier des charges ne prévoient que des exigences purement formelles. Les passages invoqués par la requérante ne se réfèrent en aucun cas aux critères qualitatifs définis pour l’attribution de marché.

217    Ensuite, le Tribunal constate que les dispositions pertinentes pour le processus d’évaluation qualitative des offres ne se trouvent pas dans le point 2, mais dans le point 3 du volume A du cahier des charges, intitulé « Sélection de soumissionnaires et attribution du marché ».

218    Le troisième alinéa de l’introduction du point 3 du volume A du cahier des charges énonce :

« La procédure d’attribution du marché sera menée en trois étapes successives, comme décrit ci-dessous. Seules les offres répondant aux exigences d’une étape seront prises en considération à l’étape suivante.

–        Exclusion de certains soumissionnaires conformément à l’article 29 de la directive 92/50 [...]

–        Sélection de soumissionnaires par la vérification :

–        de leur compétences professionnelles et techniques,

–        de leur capacité économique et financière.

–        Évaluation des offres : comparaison sur la base des critères d’attribution. »

219    Le processus de l’attribution du marché contient donc deux phases de présélection des soumissionnaires et une phase de comparaison des offres sur la base des critères qualitatifs.

220    La première présélection des soumissionnaires est effectuée sur la base des motifs d’exclusion prévus aux articles 93 et 94 du règlement financier II, en vigueur au moment de l’évaluation des offres, par exemple, pour faute grave en matière professionnelle ou manquement aux obligations relatives au paiement des cotisations de sécurité sociale.

221    La seconde présélection des soumissionnaires est effectuée selon, notamment, la compétence professionnelle et technique d’un soumissionnaire telle qu’elle ressort principalement de la qualification et de l’expérience du personnel spécialisé proposé. Au point 3.2.2, sous a), du cahier des charges, intitulé « Compétence technique et professionnelle », sont précisées, notamment, les exigences décisives en ce qui concerne les personnes qui sont en charge de l’exécution des services offerts (par exemple le nombre de personnes, les titres d’études, la qualité de l’équipe, le mode de travail à temps complet ou partiel).

222    Or, c’est afin de permettre de tels examens de présélection que le point 2.3.2, sous f), du volume A du cahier des charges, sur lequel se fonde la requérante, exige que l’offre technique contienne aussi les preuves des qualifications du personnel, sans qu’il soit besoin, à un stade antérieur, d’entrer dans une analyse substantielle de ces éléments.

223    Après ces deux phases de présélection s’effectue l’évaluation comparative des offres restantes avec pour objectif de choisir l’offre présentant « le rapport coût-efficacité le plus avantageux », tel que prévu au point 3.3 du volume A, premier alinéa du cahier des charges.

224    L’efficacité en termes de qualité, est, à ce stade de la procédure, appréciée sur la base des critères d’attribution qualitatifs, parmi lesquels figure le critère n° 4, dénommé « Qualité du calendrier proposé, de la gestion des contrats et du contrôle (dispositions proposées pour fournir à temps les produits requis et pour assurer le respect des objectifs, des délais et de la qualité) ».

225    Le Tribunal estime dès lors que la Commission a pris en considération, en parfaite conformité avec le point 3.2 du volume A du cahier des charges, l’expérience et la qualification du personnel présenté par la requérante dans le cadre de la seconde phase de présélection des soumissionnaires.

226    Le reproche de la requérante, selon lequel la Commission aurait dû apprécier la quantité et la qualité des ressources humaines offertes au cours de l’évaluation qualitative, doit être rejeté, dès lors que le cahier des charges n’exige pas que la Commission prenne en considération l’expérience et la qualification du personnel présenté par la requérante en dehors du contexte de la seconde phase de présélection des soumissionnaires.

227    Partant, la Commission n’a pas utilisé de façon discriminatoire les critères d’adjudication publiés dans le cahier des charges.

228    Au vu de ce qui précède, le quatrième moyen doit être rejeté.

III –  Sur le deuxième chef de conclusions

229    En ce qui concerne le deuxième chef de conclusions de la requête, le Tribunal rappelle que, aux termes de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, du même statut, ainsi qu’aux termes de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, toute requête doit contenir notamment un exposé sommaire des moyens invoqués. Ces indications doivent être suffisamment claires et précises pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense ou au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autre information à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels il se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (ordonnance du Tribunal du 29 novembre 1993, Koelman/Commission, T‑56/92, Rec. p. II‑1267, point 21 ; arrêts du Tribunal du 6 mai 1997, Guérin automobiles/Commission, T‑195/95, Rec. p. II‑679, point 20, et du 25 mai 2004, Distilleria Palma/Commission, T‑154/01, Rec. p. II‑1493, point 58).

230    De plus, selon l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, la production de nouveaux moyens en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

231    En faisant valoir qu’elle veut se réserver « tous autres droits, voies, moyens et actions », la requérante indique uniquement qu’elle entend se réserver la possibilité d’exercer d’autres recours. Or, force est de constater que cette formule, qui ne trouve aucune précision dans la requête, ne remplit aucunement les conditions exigées par les dispositions suscitées, ni quant au type de recours ni quant aux éléments requis. En effet, la requérante ne précise aucunement la nature du recours qu’elle compte intenter et n’apporte aucun élément susceptible de fonder ce recours.

232    Partant, le deuxième chef de conclusions de la requête est irrecevable.

233    Il découle de ce qui précède que les quatre moyens formulés à l’appui du premier chef de conclusions ne sont pas fondés et que le deuxième chef de conclusions est irrecevable.

234    Partant, le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

235    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      European Service Network (ESN) SA est condamnée aux dépens

M. Jaeger

J. Azizi

E. Cremona

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 mars 2008.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      M. Jaeger

Table des matières


Cadre juridique

I –  Réglementation en vigueur jusqu’au 31 décembre 2002

II –  Réglementation en vigueur à partir du 1er janvier 2003

Antécédents du litige

I –  CORDIS

II –  Appel d’offres en cause, soumissionnaire retenu et passation du marché litigieux

Procédure et conclusions des parties

En droit

I –  Sur la représentation de Ring consortium par la requérante dans le cadre du présent recours

A –  Arguments des parties

B –  Appréciation du Tribunal

II –  Sur la demande d’annulation de la décision attaquée

A –  Sur le premier moyen, tiré des avantages financiers accordés exclusivement au soumissionnaire retenu

1.  Sur la première branche, tirée de l’exigence d’une phase de rodage non rémunérée d’une durée obligatoire de trois mois

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

Observations liminaires

Sur l’exigence dans le cahier des charges d’une phase de rodage non rémunérée d’une prétendue durée obligatoire de trois mois

Sur la reprise dans le contrat ayant pour objet le marché litigieux d’une phase de rodage non rémunérée d’une prétendue durée obligatoire de trois mois

2.  Sur la deuxième branche, tirée de l’obligation d’inclure des provisions substantielles dans les offres pour l’acquisition des outils nécessaires au fonctionnement des bases de données de CORDIS

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

B –  Sur le deuxième moyen, tiré de l’accès exclusif du soumissionnaire retenu à certaines informations essentielles

1.  Arguments des parties

a)  Sur l’accès aux informations relatives à l’acquisition du logiciel Autonomy

b)  Sur l’accès aux informations relatives aux spécifications techniques des bases de données de CORDIS

c)  Sur l’impact de la prise de connaissance tardive par la requérante de certaines informations essentielles sur le contenu de son offre

2.  Appréciation du Tribunal

a)  Remarque liminaire

b)  Sur la prétendue inégalité de traitement de la requérante par rapport au soumissionnaire retenu en ce qui concerne l’accès à certaines informations essentielles

Généralités

Sur le caractère tardif de la mise à disposition, par la Commission, de certaines informations techniques

Sur la question de la neutralisation des avantages du soumissionnaire retenu

Sur la pertinence des informations mises à disposition tardivement par la Commission pour les offres concernant le marché litigieux

–  Sur la pertinence des informations relatives à l’acquisition du logiciel Autonomy

–  Sur la pertinence des informations relatives aux spécifications techniques des bases de données de CORDIS

Sur la pertinence des informations mises à disposition tardivement par la Commission pour l’offre de la requérante

–  Sur l’influence du retard dans la mise à disposition de certaines informations techniques sur la qualité de l’offre de la requérante

–  Sur l’influence du retard dans la mise à disposition de certaines informations techniques sur le prix de l’offre de la requérante

C –  Sur le troisième moyen, tiré de la non-conformité des critères de l’adjudication à ceux décrits dans le cahier des charges

1.  Arguments des parties

2.  Appréciation du Tribunal

D –  Sur le quatrième moyen, tiré de l’application discriminatoire des critères d’attribution publiés au cahier des charges

1.  Arguments des parties

2.  Appréciation du Tribunal

III –  Sur le deuxième chef de conclusions

Sur les dépens


* Langue de procédure : le français.