Affaire C-383/03

Ergül Dogan

contre

Sicherheitsdirektion für das Bundesland Vorarlberg

(demande de décision préjudicielle, introduite par

le Verwaltungsgerichtshof (Autriche))

«Association CEE-Turquie — Libre circulation des travailleurs — Décision nº 1/80 du conseil d'association — Article 6, paragraphes 1, troisième tiret, et 2 — Appartenance au marché régulier de l'emploi d'un État membre — Condamnation pénale — Peine d'emprisonnement — Incidence sur le droit de séjour»

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 7 juillet 2005 

Sommaire de l'arrêt

Accords internationaux — Accord d'association CEE-Turquie — Conseil d'association institué par l'accord d'association CEE-Turquie — Décision nº 1/80 — Libre circulation des personnes — Travailleurs — Accès des ressortissants turcs appartenant au marché régulier de l'emploi d'un État membre à une activité salariée de leur choix dans cet État membre et droit de séjour corrélatif — Limitation des droits en raison d'une absence du marché de l'emploi à la suite d'une incarcération — Inadmissibilité

(Décision nº 1/80 du conseil d'association CEE-Turquie, art. 6, § 1, et 14, § 1)

Un ressortissant turc, qui bénéficie, après quatre ans d'emploi régulier, du droit de libre accès à toute activité salariée de son choix au titre de l'article 6, paragraphe 1, troisième tiret, de la décision nº 1/80 du conseil d'association CEE-Turquie, ne perd pas ce droit en raison du défaut d'exercice d'un emploi durant son incarcération, même pendant plusieurs années, dès lors que son absence du marché régulier de l'emploi de l'État membre d'accueil n'est que provisoire.

Les droits que cette disposition confère à l'intéressé en matière d'emploi et, corrélativement, de séjour ne peuvent être limités que pour des motifs d'ordre public, de sécurité et de santé publiques, en application de l'article 14, paragraphe 1, de la même décision, ou en raison de la circonstance que le ressortissant turc concerné a excédé un délai raisonnable pour trouver une nouvelle activité salariée après sa libération.

(cf. point 25 et disp.)




ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

7 juillet 2005 (*)

«Association CEE-Turquie – Libre circulation des travailleurs –Décision nº 1/80 du conseil d’association – Article 6, paragraphes 1, troisième tiret, et 2 – Appartenance au marché régulier de l’emploi d’un État membre – Condamnation pénale – Peine d’emprisonnement − Incidence sur le droit de séjour»

Dans l’affaire C-383/03,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Verwaltungsgerichtshof (Autriche), par décision du 4 septembre 2003, parvenue à la Cour le 12 septembre 2003, dans la procédure

Ergül Dogan

contre

Sicherheitsdirektion für das Bundesland Vorarlberg,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de chambre, MM. R. Schintgen (rapporteur) et P. Kūris, juges,

avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,

greffier: M. R. Grass,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

–       pour M. Dogan, par Mes A. Summer, N. Schertler et N. Stieger, Rechtsanwälte,

–       pour le gouvernement autrichien, par M. E. Riedl, en qualité d’agent,

–       pour le gouvernement allemand, par Mme A. Tiemann, en qualité d’agent,

–       pour la Commission des Communautés européennes, par MM. G. Rozet et H. Kreppel, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1       La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 6 de la décision nº 1/80 du conseil d’association, du 19 septembre 1980, relative au développement de l’association (ci-après la «décision nº 1/80»). Le conseil d’association a été institué par l’accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie, qui a été signé, le 12 septembre 1963, à Ankara par la République de Turquie, d’une part, ainsi que par les États membres de la CEE et la Communauté, d’autre part, et qui a été conclu, approuvé et confirmé au nom de cette dernière par la décision 64/732/CEE du Conseil, du 23 décembre 1963 (JO 1964, 217, p. 3685).

2       Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Dogan, ressortissant turc, à la Sicherheitsdirektion für das Bundesland Vorarlberg (direction de la sécurité du Land Vorarlberg) au sujet d’une procédure d’éloignement du territoire autrichien.

 Le cadre juridique

3       Aux termes de l’article 6, paragraphes 1 et 2, de la décision nº 1/80:

«1.      Sous réserve des dispositions de l’article 7 relatif au libre accès à l’emploi des membres de sa famille, le travailleur turc, appartenant au marché régulier de l’emploi d’un État membre:

–       a droit, dans cet État membre, après un an d’emploi régulier, au renouvellement de son permis de travail auprès du même employeur, s’il dispose d’un emploi;

–       a le droit, dans cet État membre, après trois ans d’emploi régulier et sous réserve de la priorité à accorder aux travailleurs des États membres de la Communauté, de répondre dans la même profession auprès d’un employeur de son choix à une autre offre, faite à des conditions normales, enregistrée auprès des services de l’emploi de cet État membre;

–       bénéficie, dans cet État membre, après quatre ans d’emploi régulier, du libre accès à toute activité salariée de son choix.

2.      Les congés annuels et les absences pour cause de maternité, d’accident de travail ou de maladie de courte durée sont assimilés aux périodes d’emploi régulier. Les périodes de chômage involontaire, dûment constatées par les autorités compétentes, et les absences pour cause de maladie de longue durée, sans être assimilées à des périodes d’emploi régulier, ne portent pas atteinte aux droits acquis en vertu de la période d’emploi antérieure.»

4       Conformément à l’article 7 de ladite décision:

«Les membres de la famille d’un travailleur turc appartenant au marché régulier de l’emploi d’un État membre, qui ont été autorisés à le rejoindre:

–       ont le droit de répondre – sous réserve de la priorité à accorder aux travailleurs des États membres de la Communauté – à toute offre d’emploi lorsqu’ils y résident régulièrement depuis trois ans au moins;

–       y bénéficient du libre accès à toute activité salariée de leur choix lorsqu’ils y résident régulièrement depuis cinq ans au moins.

Les enfants des travailleurs turcs ayant accompli une formation professionnelle dans le pays d’accueil pourront, indépendamment de leur durée de résidence dans cet État membre, à condition qu’un des parents ait légalement exercé un emploi dans l’État membre intéressé depuis trois ans au moins, répondre dans ledit État membre à toute offre d’emploi.»

5       Selon l’article 14, paragraphe 1, de la même décision:

«Les dispositions de la présente section sont appliquées sous réserve des limitations justifiées par des raisons d’ordre public, de sécurité et de santé publiques.»

 Le litige au principal et la question préjudicielle

6       Il ressort du dossier que M. Dogan, né en 1948, s’oppose à une décision d’interdiction de séjour permanente sur le territoire autrichien prise à son encontre le 24 mai 2000 par la Sicherheitsdirektion für das Bundesland Vorarlberg.

7       Lorsque cette décision a été adoptée, l’intéressé vivait en Autriche depuis environ 27 ans et y avait légalement exercé un emploi durant de nombreuses années. Il est marié et père de 4 enfants. En 1975/76, sa famille a été autorisée à le rejoindre dans l’État membre d’accueil.

8       S’étant rendu coupable d’une infraction grave, il a été incarcéré le 10 août 1998 et condamné, par arrêt du 9 mars 1999, à une peine privative de liberté de trois ans, qu’il a intégralement purgée.

9       La décision litigieuse est fondée sur cette condamnation pénale. L’article 36 de la loi autrichienne sur les étrangers (BGBl. I, 1997/75) considère, en effet, que les conditions pour une interdiction de séjour sont remplies dès lors qu’un étranger a été condamné par une juridiction nationale à une peine d’emprisonnement de plus de trois mois non assortie du sursis. Aucun effet suspensif n’ayant été reconnu au recours qu’il avait introduit contre la décision d’interdiction de séjour permanente, M. Dogan a été contraint de quitter l’Autriche.

10     La juridiction de renvoi a constaté que, jusqu’à son placement en détention, l’intéressé avait acquis le bénéfice des droits prévus à l’article 6, paragraphe 1, troisième tiret, de la décision nº 1/80, en raison de l’exercice ininterrompu pendant plus de quatre années d’un emploi régulier en Autriche.

11     Toutefois, elle se demande si M. Dogan n’a pas perdu ces droits du fait de sa détention. À cet égard, elle s’interroge sur le point de savoir si, à la suite de l’arrêt du 10 février 2000, Nazli (C-340/97, Rec. p. I-957), il y a lieu de considérer que non seulement une détention préventive, mais, de façon plus générale, toute peine privative de liberté, même d’une durée non négligeable s’élevant, comme en l’occurrence, à trois ans, ne constitue qu’une interruption temporaire de l’appartenance du travailleur turc au marché régulier de l’emploi de l’État membre d’accueil qui n’affecte pas les droits acquis par l’intéressé pour autant qu’il retrouve une activité salariée dans un délai raisonnable après sa libération ou si, au contraire, le défaut d’exercice d’une activité professionnelle en raison d’une condamnation pénale suivie d’une incarcération constitue un chômage qui n’est pas «involontaire», au sens de l’article 6, paragraphe 2, seconde phrase, de la décision nº 1/80, au motif qu’il est dû à un comportement fautif de l’intéressé, et qui, partant, doit entraîner la perte des droits dont bénéficie déjà le travailleur.

12     Considérant que, dans ces conditions, la solution du litige nécessite une interprétation du droit communautaire, le Verwaltungsgerichtshof a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«L’article 6, paragraphe 2, de la décision nº 1/80 […] doit-il être interprété en ce sens qu’un ressortissant turc perd les droits qui lui ont été conférés par l’article 6, paragraphe 1, troisième tiret, [de ladite décision] dès lors qu’il se trouve incarcéré en vue de purger une peine privative de liberté pour une durée de trois ans?»

 Sur la question préjudicielle

13     En vue de répondre utilement à cette question, il convient de rappeler d’emblée qu’il ressort du libellé même de l’article 6, paragraphe 1, de la décision nº 1/80 que, contrairement aux premier et deuxième tirets de cette disposition, qui se bornent à prévoir les modalités selon lesquelles le ressortissant turc, entré légalement sur le territoire d’un État membre et qui y a été autorisé à occuper un emploi, peut exercer ses activités dans l’État membre d’accueil, en continuant à travailleur auprès du même employeur à l’issue de la première année d’emploi régulier (premier tiret) ou en répondant, après trois ans d’emploi régulier et sous réserve du traitement prioritaire des travailleurs ressortissants des États membres, à une offre d’emploi faite par un autre employeur dans la même profession (deuxième tiret), le troisième tiret de la même disposition accorde au travailleur turc non seulement le droit de répondre à une offre préexistante, mais également le droit inconditionnel de rechercher et d’accéder à n’importe quelle activité salariée librement choisie par l’intéressé (voir arrêts du 23 janvier 1997, Tetik, C-171/95, Rec. p. I‑329, point 26, et Nazli, précité, point 27).

14     Or, d’une part, s’agissant de la situation d’un travailleur turc qui, tel que M. Dogan, bénéficie dans l’État membre d’accueil, après quatre années d’emploi régulier, du droit de «libre accès à toute activité salariée de son choix» dans cet État, conformément audit troisième tiret, la Cour a itérativement jugé que, non seulement l’effet direct attaché à cette disposition a pour conséquence que l’intéressé tire un droit individuel en matière d’emploi directement de la décision nº 1/80, mais, en outre, l’effet utile de ce droit implique nécessairement l’existence d’un droit corrélatif de séjour qui est indépendant du maintien des conditions d’accès à ces droits (voir arrêts du 20 septembre 1990, Sevince, C‑192/89, Rec. p. I-3461, points 29 et 31 ; du 16 décembre 1992, Kus, C‑237/91, Rec. p. I-6781, point 33 ; Tetik, précité, points 26, 30 et 31, ainsi que Nazli, précité, points 28 et 40; voir également, par analogie, concernant l’article 7, premier alinéa, second tiret, de la décision nº 1/80, arrêts du 16 mars 2000, Ergat, C-329/97, Rec. p. I-1487, point 40, et du 11 novembre 2004, Cetinkaya, C-467/02, non encore publié au Recueil, point 31, et, concernant l’article 7, second alinéa, de la même décision, arrêts du 5 octobre 1994, Eroglu, C-355/93, Rec. p. I‑5113, point 20, et du 19 novembre 1998, Akman, C-210/97, Rec. p. I‑7519, point 24).

15     En effet, c’est uniquement dans le cadre de la phase de constitution des droits graduellement plus étendus en fonction de la durée d’exercice d’une activité salariée régulière, énoncés aux trois tirets de l’article 6, paragraphe 1, de la décision nº 1/80 et, partant, pour les seuls besoins de la computation des différentes périodes d’emploi nécessaires à cet effet que le paragraphe 2 du même article prévoit les incidences, sur ces périodes, de diverses causes d’interruption de travail (voir, en ce sens, arrêts du 6 juin 1995, Bozkurt, C-434/93, Rec. p. I‑1475, point 38; Tetik, précité, points 36 à 39, et Nazli, précité, point 40).

16     En revanche, à partir du moment où le travailleur turc a satisfait aux conditions énoncées au troisième tiret de l’article 6, paragraphe 1, de la décision nº 1/80 et est, dès lors, déjà bénéficiaire du droit inconditionnel prévu par cette disposition d’accéder librement à toute activité salariée de son choix ainsi que du droit de séjour qui en constitue le corollaire, le paragraphe 2 de cet article ne trouve plus à s’appliquer.

17     Il s’ensuit que, contrairement au point de vue défendu par les gouvernements autrichien et allemand, l’interprétation des droits conférés par le troisième tiret de l’article 6, paragraphe 1, de la décision n° 1/80 ne saurait dépendre du fait que la détention n’est pas visée par le paragraphe 2 de cet article. De même, est dépourvu de pertinence l’argument, avancé par ces gouvernements, selon lequel le travailleur turc serait responsable de son indisponibilité sur le marché de l’emploi pendant la durée de son incarcération, de sorte que la période de chômage qui résulte de cette incarcération ne saurait être considérée comme «involontaire» au sens dudit article 6, paragraphe 2, seconde phrase.

18     D’autre part, il est de jurisprudence que, afin de ne pas vider de leur substance les droits que le travailleur turc tire de l’article 6, paragraphe 1, troisième tiret, de la décision nº 1/80, ladite disposition doit être interprétée en ce sens qu’elle ne vise pas le seul exercice d’un emploi, mais confère à l’intéressé, qui est déjà régulièrement intégré au marché du travail de l’État membre d’accueil, un droit inconditionnel à l’emploi, lequel implique nécessairement celui de cesser d’occuper une activité professionnelle pour en rechercher une autre que la personne concernée peut librement choisir (arrêt Nazli, précité, point 35). En effet, à la différence des premier et deuxième tirets de cette disposition, le troisième tiret de celle-ci n’exige pas l’exercice en principe ininterrompu d’un emploi.

19     La Cour en a déduit qu’un tel travailleur turc bénéficie du droit d’interrompre temporairement sa relation de travail. En dépit d’une telle interruption, il continue d’appartenir au marché régulier de l’emploi de l’État membre d’accueil, au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la décision nº 1/80 pendant la période qui lui est raisonnablement nécessaire pour trouver une autre activité salariée. Il peut donc prétendre dans cet État à la prorogation de son titre de séjour aux fins de poursuivre l’exercice de son droit de libre accès à toute activité salariée de son choix, à condition qu’il recherche effectivement un nouveau travail et, le cas échéant, se mette à la disposition des services de l’emploi en vue de trouver un autre emploi dans un délai raisonnable (voir, en ce sens, arrêts précités Tetik, points 30, 31, 41, 46 et 48, ainsi que Nazli, points 38 et 40).

20     L’interprétation qui précède, fondée sur le système mis en place par l’article 6, paragraphe 1, de la décision nº 1/80 et l’effet utile des droits à l’emploi et au séjour conférés au travailleur turc par le troisième tiret de cette disposition, doit être retenue quelle que soit la cause de l’absence de l’intéressé du marché du travail de l’État membre d’accueil, pour autant que cette absence revêt un caractère provisoire.

21     Dans l’hypothèse où, comme dans l’affaire au principal, le défaut d’exercice d’un emploi résulterait d’une incarcération du travailleur, les modalités dont celle-ci est assortie sont en principe sans importance, dès lors que l’absence du ressortissant turc concerné du marché du travail est limitée dans le temps.

22     Ainsi qu’il ressort de l’arrêt du 29 avril 2004, Orfanopoulos et Oliveri (C‑482/01 et C-493/01, Rec. p. I‑5257, point 50), la solution consacrée dans l’arrêt Nazli, précité, ne saurait donc être comprise comme se cantonnant aux circonstances particulières de cette affaire, tenant au fait que le travailleur en cause avait été placé en détention préventive pendant plus d’une année, puis condamné à une peine privative de liberté assortie du sursis intégral. Au contraire, cette solution est transposable dans son entièreté, par identité de motifs, à une absence provisoire du marché régulier de l’emploi due à l’exécution d’une peine d’emprisonnement ferme. Plus particulièrement, la circonstance que l’incarcération empêche l’intéressé d’exercer un emploi, même de façon prolongée, est dépourvue de pertinence, dès lors qu’elle n’exclut pas sa participation ultérieure à la vie active.

23     Dans ces conditions, hormis les cas où l’intéressé a définitivement cessé d’appartenir au marché régulier de l’emploi de l’État membre d’accueil au motif qu’il n’a objectivement plus aucune chance de réintégrer le marché du travail ou a excédé un délai raisonnable pour trouver une nouvelle activité salariée après la fin de sa détention, les autorités nationales ne peuvent limiter les droits qu’il tire de l’article 6, paragraphe 1, troisième tiret, de la décision nº 1/80 en matière d’emploi et de séjour que sur le fondement de l’article 14, paragraphe 1, de cette même décision (voir arrêt Nazli, précité, point 44).

24     Il importe d’ajouter à cet égard qu’il résulte déjà de la jurisprudence qu’une mesure d’expulsion fondée sur cette dernière disposition ne peut être décidée que si le comportement personnel de l’intéressé révélait un risque concret de nouvelles perturbations graves de l’ordre public. Une telle mesure ne saurait donc être ordonnée automatiquement à la suite d’une condamnation pénale et dans un but de prévention générale (voir arrêt Nazli, précité, points 61, 63 et 64).

25     Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée qu’un ressortissant turc, qui bénéficie du droit de libre accès à toute activité salariée de son choix au titre de l’article 6, paragraphe 1, troisième tiret, de la décision nº 1/80, ne perd pas ce droit en raison du défaut d’exercice d’un emploi durant son incarcération, même pendant plusieurs années, dès lors que son absence du marché régulier de l’emploi de l’État membre d’accueil n’est que provisoire.

Les droits que cette disposition confère à l’intéressé en matière d’emploi et, corrélativement, de séjour ne peuvent être limités que pour des motifs d’ordre public, de sécurité et de santé publiques, en application de l’article 14, paragraphe 1, de la même décision, ou en raison de la circonstance que le ressortissant turc concerné a excédé un délai raisonnable pour trouver une nouvelle activité salariée après sa libération.

 Sur les dépens

26     La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit:

Un ressortissant turc, qui bénéficie du droit de libre accès à toute activité salariée de son choix au titre de l’article 6, paragraphe 1, troisième tiret, de la décision nº 1/80, du 19 septembre 1980, relative au développement de l’association, adoptée par le conseil d’association institué par l’accord d’association entre la Communauté économique européenne et la Turquie, ne perd pas ce droit en raison du défaut d’exercice d’un emploi durant son incarcération, même pendant plusieurs années, dès lors que son absence du marché régulier de l’emploi de l’État membre d’accueil n’est que provisoire.

Les droits que cette disposition confère à l’intéressé en matière d’emploi et, corrélativement, de séjour ne peuvent être limités que pour des motifs d’ordre public, de sécurité et de santé publiques, en application de l’article 14, paragraphe 1, de la même décision, ou en raison de la circonstance que le ressortissant turc concerné a excédé un délai raisonnable pour trouver une nouvelle activité salariée après sa libération.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.