Affaire C-168/03


Commission des Communautés européennes
contre
Royaume d'Espagne


«Manquement d'État – Directives 89/655/CEE et 95/63/CE – Transposition défectueuse – Période d'adaptation supplémentaire»

Conclusions de l'avocat général Mme C. Stix-Hackl, présentées le 30 mars 2004
    
Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 14 septembre 2004
    

Sommaire de l'arrêt

Politique sociale – Protection de la sécurité et de la santé des travailleurs – Directive 89/655 concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé pour l'utilisation par les travailleurs au travail d'équipements de travail – Mise en conformité avec les prescriptions minimales – Équipements de travail en service – Octroi d'une période d'adaptation supplémentaire – Conditions

(Directive du Conseil 89/655, telle que modifiée par la directive 95/63, art. 4, § 1, b), et annexe I, point 1, al. 2)

L’annexe I, point 1, second alinéa, de la directive 89/655, concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé pour l’utilisation par les travailleurs au travail d’équipements de travail, telle que modifiée par la directive 95/63, selon laquelle les prescriptions minimales y énoncées, dans la mesure où elles s’appliquent aux équipements de travail en service, n’appellent pas nécessairement les mêmes mesures que les exigences essentielles concernant les équipements de travail neufs, doit être comprise en ce sens qu’elle modifie, dans une certaine mesure, la portée de l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la directive 89/655 dans sa rédaction initiale, qui oblige l’employeur à se procurer et/ou utiliser des équipements de travail qui, déjà mis à la disposition des travailleurs dans l’entreprise et/ou l’établissement le 31 décembre 1992, satisfont au plus tard quatre ans après cette date aux prescriptions minimales prévues à l’annexe de la directive.

Ainsi, l’admission des équipements de travail en service, au-delà du 31 décembre 1996, doit être appréciée à la lumière des prescriptions minimales énoncées à l’annexe I de la directive 89/655 modifiée, qui restent, selon son point 1, second alinéa, d’application à leur égard. Dans la mesure où cette dernière disposition prévoit que, s’agissant de tels équipements, les prescriptions minimales n’appellent pas nécessairement les mêmes mesures que les exigences essentielles concernant les équipements de travail neufs, elle doit être interprétée en ce sens qu’elle accroît les possibilités de choix dans les solutions techniques si les mesures prises sont aptes à assurer la protection visée par lesdites prescriptions.

N’assure pas avec la clarté et la précision requises la transposition de la directive 89/655 modifiée une législation nationale qui ne fait aucune référence aux règles contenues dans l’annexe I de ladite directive et qui, pour cette raison, accorde, de fait, une période d’adaptation supplémentaire pour les équipements de travail déjà mis à la disposition des travailleurs dans l’entreprise et/ou l’établissement avant le 27 août 1997.

(cf. points 33-38)




ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)
14 septembre 2004(1)


«Manquement d'État – Directives 89/655/CEE et 95/63/CE – Transposition défectueuse – Période d'adaptation supplémentaire»

Dans l'affaire C-168/03, ayant pour objet un recours en manquement au titre de l'article 226 CE, introduit le 11 avril 2003,

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme I. Martínez del Peral, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Royaume d'Espagne, représenté par Mme L. Fragua Gadea, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,



LA COUR (deuxième chambre),,



composée de M. C. W. A. Timmermans, président de chambre, MM. J. N. Cunha Rodrigues, J.-P. Puissochet et R. Schintgen, et Mme N. Colneric (rapporteur), juges,

avocat général: Mme C. Stix-Hackl,
greffier: M. R. Grass,

vu la procédure écrite,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 30 mars 2004,

rend le présent



Arrêt



1
Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en prévoyant, au paragraphe 1 de la disposition transitoire unique du décret royal n° 1215/1997, du 18 juillet 1997, fixant les prescriptions minimales de sécurité et de santé pour l’utilisation par les travailleurs d’équipements de travail, une période d’adaptation supplémentaire pour les équipements de travail déjà mis à la disposition des travailleurs dans l’entreprise et/ou l’établissement avant le 27 août 1997 (BOE n° 188, du 7 août 1997, p. 24063, ci-après le «décret royal»), le royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 10 CE et 249 CE et de l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la directive 89/655/CEE du Conseil, du 30 novembre 1989, concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé pour l’utilisation par les travailleurs au travail d’équipements de travail (deuxième directive particulière au sens de l’article 16 paragraphe 1 de la directive 89/391/CEE) (JO L 393, p. 13), telle que modifiée par la directive 95/63/CE du Conseil, du 5 décembre 1995 (JO L 335, p. 28, ci-après la «directive 89/655 modifiée»).


Le cadre juridique

La réglementation communautaire

2
L’article 4, intitulé «Règles concernant les équipements de travail», de la directive 89/655 dispose:

«1.     Sans préjudice de l’article 3, l’employeur doit se procurer et/ou utiliser:

a)
des équipements de travail qui, mis pour la première fois à la disposition des travailleurs dans l’entreprise et/ou l’établissement après le 31 décembre 1992, satisfont:

i)
aux dispositions de toute directive communautaire pertinente applicable;

ii)
aux prescriptions minimales prévues à l’annexe, dans la mesure où aucune autre directive communautaire n’est applicable ou ne l’est que partiellement;

b)
des équipements de travail qui, déjà mis à la disposition des travailleurs dans l’entreprise et/ou l’établissement le 31 décembre 1992, satisfont au plus tard quatre ans après cette date aux prescriptions minimales prévues à l’annexe.

[…].»

3
L’annexe de la directive 89/655, intitulée «Prescriptions minimales visées à l’article 4 paragraphe 1 point a) sous ii) et point b)», prévoit:

«1.     Remarque préliminaire

Les obligations prévues par la présente annexe s’appliquent dans le respect des dispositions de la présente directive et lorsque le risque correspondant existe pour l’équipement de travail considéré.

2.
Prescriptions minimales générales applicables aux équipements de travail

[…]

3.
Prescriptions minimales supplémentaires applicables à des équipements de travail spécifiques,

Visées à l’article 9 paragraphe 1 de la directive.»

4
Aux termes de l’article 9, paragraphe 1, de la directive 89/655:

«L’adjonction à l’annexe de prescriptions minimales supplémentaires applicables à des équipements de travail spécifiques, visées au point 3 de l’annexe, est arrêtée par le Conseil selon la procédure prévue à l’article 118 A du traité.»

5
L’article 10, paragraphe 1, de la directive 89/655 prévoit:

«Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 31 décembre 1992. Ils en informent immédiatement la Commission.»

6
Selon le quatrième considérant de la directive 95/63, qui a modifié la directive 89/655, «il importe […] que les États membres prennent des mesures pour faciliter la mise en œuvre des dispositions de la présente directive par les entreprises, en particulier par les petites et moyennes entreprises; que ces mesures peuvent inclure des actions de formation et d’information adaptées aux spécificités des différents secteurs économiques».

7
L’annexe I de la directive 95/63 dispose:

«L’annexe (qui devient l’annexe I) de la directive 89/655/CEE est modifiée comme suit.

1)       La remarque préliminaire est complétée par l’alinéa suivant:

‘Les prescriptions minimales énoncées ci-après, dans la mesure où elles s’appliquent aux équipements de travail en service, n’appellent pas nécessairement les mêmes mesures que les exigences essentielles concernant les équipements de travail neufs.’

[…]»

8
L’annexe I, point 3, de la directive 89/655 modifiée contient une liste des prescriptions minimales supplémentaires applicables à des équipements de travail spécifiques.

9
L’article 1er, point 1, sous a) et b), de la directive 95/63 a modifié l’article 4 de la directive 89/655 comme suit:

«a)
au paragraphe 1 point a) ii) et point b), le chiffre ‘I’ est inséré après les mots ‘à l’annexe’;

b)       au paragraphe 1, le point suivant est inséré:

‘c) sans préjudice du point a) i) et par dérogation au point a) ii) et au point b), des équipements de travail spécifiques assujettis aux prescriptions du point 3 de l’annexe I qui, déjà mis à la disposition des travailleurs dans l’entreprise et/ou l’établissement le 5 décembre 1998, satisfont au plus tard quatre ans après cette date aux prescriptions minimales prévues à l’annexe I’.»

10
Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 95/63:

«Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive avant le 5 décembre 1998. Ils en informent immédiatement la Commission.»

11
Conformément à l’article 191, paragraphe 2, seconde phrase, du traité CE (devenu article 254, paragraphe 2, seconde phrase, CE), la directive 95/63 est entrée en vigueur le 19 janvier 1996.

La réglementation nationale

12
Le paragraphe 1 de la disposition transitoire unique du décret royal, entré en vigueur le 27 août 1997, prévoit:

«Disposition transitoire unique. Adaptation des équipements de travail.

1.        Les équipements de travail qui sont à la disposition des travailleurs dans l’entreprise ou le centre de travail à la date d’entrée en vigueur du présent décret royal doivent être adaptés aux exigences du paragraphe 1 de l’annexe I dans un délai de douze mois à compter de ladite entrée en vigueur.

Néanmoins, lorsque certains secteurs ne sont pas en mesure, en raison de situations spécifiques objectives, suffisamment justifiées, concernant leurs équipements de travail, de respecter le délai prescrit à l’alinéa précédent, l’autorité du travail peut, sur demande motivée des organisations d’entreprises les plus représentatives du secteur et après consultation des organisations syndicales les plus représentatives de ce même secteur, autoriser à titre exceptionnel un plan de mise en conformité des équipements de travail d’une durée ne pouvant excéder cinq ans, et en fonction de la gravité, de l’impact et de l’importance de la situation objective invoquée. Le plan en question doit être présenté à l’autorité du travail dans un délai maximal de neuf mois à compter de l’entrée en vigueur du présent décret royal et doit être approuvé dans un délai n’excédant pas trois mois, au-delà duquel l’absence de décision expresse équivaut au rejet de la demande.

L’application du plan de mise en conformité aux entreprises concernées s’effectue sur présentation d’une demande, par ces entreprises, à l’autorité du travail en vue de son approbation, et doit être accompagnée d’une consultation des représentants des travailleurs, mentionner la gravité, l’impact et l’importance des problèmes techniques qui empêchent le respect du délai prescrit, ainsi que les détails de la mise en conformité et les mesures préventives alternatives qui garantissent des conditions de sécurité et de santé appropriées pour les postes de travail concernés.

[…]»

13
L’annexe I, paragraphe 1, du décret royal correspond à l’annexe I de la directive 89/655 modifiée.


La procédure précontentieuse

14
Par arrêt du 26 septembre 1996, Commission/Espagne (C-79/95, Rec. p. I-4679), la Cour a jugé que, en ne prenant pas, dans le délai prescrit, les mesures législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive 89/655, le royaume d’Espagne avait manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 10, paragraphe 1, de ladite directive.

15
En août 1997, les autorités espagnoles ont adressé à la Commission le texte du décret royal.

16
Considérant que le paragraphe 1 de la disposition transitoire unique du décret royal, en prévoyant une période d’adaptation supplémentaire pour les équipements de travail déjà mis à la disposition des travailleurs dans l’entreprise et/ou l’établissement avant le 27 août 1997, était contraire à l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la directive 89/655, la Commission a engagé la procédure en manquement prévue à l’article 226 CE. Après avoir mis le royaume d’Espagne en demeure de présenter ses observations, la Commission a, le 1er juillet 2002, émis un avis motivé invitant cet État membre à prendre les mesures nécessaires pour s’y conformer dans un délai de deux mois à compter de sa notification.

17
Considérant que les observations présentées par le gouvernement espagnol faisaient apparaître que le manquement indiqué par l’avis motivé subsistait, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.


Sur le recours

Argumentation des parties

18
La Commission soutient que le royaume d’Espagne n’a pas respecté toutes les obligations qui lui incombent en vertu de la directive 89/655 modifiée et, notamment, de son article 4, paragraphe 1, sous b), pour deux motifs: en premier lieu, le royaume d’Espagne a, au premier alinéa du paragraphe 1 de la disposition transitoire unique du décret royal, accordé aux entreprises une période d’adaptation supplémentaire de douze mois; en second lieu, il leur a accordé, aux deuxième, troisième et quatrième alinéas de ce même paragraphe, une période supplémentaire de cinq ans s’ajoutant au délai précédent. La Commission indique toutefois qu’elle n’insiste pas sur le premier grief.

19
Selon elle, l’annexe I, point 1, second alinéa, de la directive 89/655 modifiée n’évoque à aucun moment la possibilité d’appliquer de nouveaux délais d’adaptation pour certains équipements déjà en service.

20
Le gouvernement espagnol réplique qu’il ne voit pas la nécessité pour la Commission de maintenir ses griefs puisque les plans en cause sont, depuis le 27 août 2003, caducs, le délai additionnel de cinq ans maximum prévu pour les plans de mise en conformité ayant expiré à cette date.

21
En outre, ces plans ne devraient pas être considérés comme l’octroi d’un délai additionnel aux entreprises espagnoles pour la mise en œuvre de la directive 89/655 modifiée.

22
En effet, l’approbation des plans de mise en conformité supposerait l’adoption, par l’entreprise qui en fait la demande, de mesures de prévention particulières pendant la période d’adaptation de l’équipement de travail, mesures qui garantissent aux travailleurs un niveau de sécurité équivalant à celui qu’exige le décret royal, c’est-à-dire équivalant au niveau de sécurité requis par ladite directive.

23
Selon le gouvernement espagnol, le fondement de la procédure d’autorisation des plans de mise en conformité se trouve également dans la remarque préliminaire de l’annexe I du décret royal, qui serait une transcription littérale de la remarque préliminaire correspondante qui figure à l’annexe I de la directive 89/655 modifiée.

Appréciation de la Cour

24
Selon une jurisprudence constante, l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre en cause telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé et les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour (voir, notamment, arrêts du 30 janvier 2002, Commission/Grèce, C-103/00, Rec. p. I-1147, point 23, et du 29 janvier 2004, Commission/Autriche, C-209/02, non encore publié au Recueil, point 16). Même au cas où le manquement aurait été éliminé postérieurement audit délai, la poursuite de l’action conserve un intérêt pouvant consister, notamment, à établir la base d’une responsabilité qu’un État membre peut encourir à l’égard de ceux qui tirent des droits dudit manquement (voir, notamment, arrêts du 17 juin 1987, Commission/Italie, 154/85, Rec. p. 2717, point 6, et du 20 juin 2002, Commission/Luxembourg, C-299/01, Rec. p. I-5899, point 11).

25
En l’espèce, il est constant que, au 1er septembre 2002, terme du délai fixé dans l’avis motivé, le régime des plans de mise en conformité n’avait pas encore expiré.

26
Il y a donc lieu d’examiner si, à cette date, ledit régime était conforme aux obligations incombant au royaume d’Espagne en vertu de l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la directive 89/655 modifiée.

27
En vertu de l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la directive 89/655 dans sa version originale, les équipements de travail déjà mis à la disposition des travailleurs le 31 décembre 1992 devaient satisfaire au plus tard quatre ans après cette date, soit le 31 décembre 1996, aux prescriptions minimales énoncées à l’annexe de cette même directive.

28
Par conséquent, selon la rédaction initiale de la directive 89/655, ces équipements ne devaient plus être utilisés à partir du 1er janvier 1997, à moins qu’ils n’aient été conformes aux prescriptions minimales visées à l’annexe.

29
Toutefois, le 19 janvier 1996, soit antérieurement à cette date, la directive 95/63 est entrée en vigueur.

30
Le nouveau point c) de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 89/655 modifiée dispose que, par dérogation au même article, sous a) ii) et b), des équipements de travail spécifiques assujettis aux prescriptions du point 3 de l’annexe I, déjà mis à la disposition des travailleurs dans l’entreprise et/ou l’établissement le 5 décembre 1998, satisfont au plus tard quatre ans après cette date aux prescriptions minimales prévues à l’annexe I.

31
Or, le recours de la Commission doit être compris en ce sens qu’il ne vise que les hypothèses qui ne relèvent pas de la dérogation à l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la directive 89/655 modifiée prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous c), de cette même directive.

32
S’agissant des équipements de travail relevant de l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la directive 89/655 modifiée, il convient de déterminer la portée de l’annexe I, point 1, second alinéa, de cette même directive.

33
Selon cette disposition, les prescriptions minimales énoncées dans l’annexe I de la directive 89/655 modifiée, dans la mesure où elles s’appliquent aux équipements de travail en service, n’appellent pas nécessairement les mêmes mesures que les exigences essentielles concernant les équipements de travail neufs.

34
Ladite disposition doit être comprise en ce sens qu’elle aussi modifie, dans une certaine mesure, la portée de l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la directive 89/655. Ainsi que l’a observé Mme l’avocat général au point 18 de ses conclusions, elle autorise les États membres à adopter des dispositions selon lesquelles les équipements de travail en service qui, en substance, ne remplissent «pas nécessairement les mêmes» exigences que les équipements neufs peuvent continuer à être utilisés même au-delà du 31 décembre 1996.

35
L’admission des équipements de travail en service doit être appréciée à la lumière des prescriptions minimales énoncées à l’annexe I de la directive 89/655 modifiée, qui restent, selon son point 1, second alinéa, d’application à leur égard. Dans la mesure où cette dernière disposition prévoit que, s’agissant de tels équipements, les prescriptions minimales n’appellent pas nécessairement les mêmes mesures que les exigences essentielles concernant les équipements de travail neufs, elle doit être interprétée en ce sens qu’elle autorise un plus libre choix dans les solutions techniques si les mesures prises sont aptes à assurer la protection visée par lesdites prescriptions.

36
À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, s’agissant de la transposition d’une directive dans l’ordre juridique d’un État membre, il est indispensable que le droit national en cause garantisse effectivement la pleine application de la directive, que la situation juridique découlant de ce droit soit suffisamment précise et claire et que les bénéficiaires soient mis en mesure de connaître la plénitude de leurs droits et, le cas échéant, de s’en prévaloir devant les juridictions nationales (voir, notamment, arrêts du 23 mars 1995, Commission/Grèce, C-365/93, Rec. p. I-499, point 9, et du 10 avril 2003, Commission/Italie, C-65/01, Rec. p. I-3655, point 20).

37
Dans le cas d’espèce, l’application des plans de mise en conformité est, certes, subordonnée à l’existence de mesures préventives alternatives qui garantissent des conditions de sécurité et de santé appropriées pour les postes de travail concernés. Cependant, dans ce contexte, le décret royal ne fait aucune référence aux règles contenues dans l’annexe I de la directive 89/655 modifiée. Seul le paragraphe 1, premier alinéa, de la disposition transitoire unique dudit décret se réfère à l’annexe I de celui-ci, laquelle correspond à l’annexe I de la directive 89/655 modifiée. En revanche, les alinéas suivants qui, par dérogation à ce premier alinéa, établissent le régime des plans de mise en conformité, ne s’y réfèrent pas. Dès lors, le décret royal manque de précision en ce qui concerne la transposition, dans le cadre dudit régime, des prescriptions minimales de l’annexe I de la directive 89/655 modifiée pour les équipements de travail en service.

38
Étant donné que, pour cette raison, le paragraphe 1, deuxième et troisième alinéas, de la disposition transitoire unique dudit décret ne rencontre pas les exigences découlant de l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la directive 89/655 modifiée, lu en combinaison avec l’annexe I de celle-ci, le royaume d’Espagne a, de fait, accordé une période d’adaptation supplémentaire pour les équipements de travail déjà mis à la disposition des travailleurs dans l’entreprise et/ou l’établissement avant le 27 août 1997.

39
Par conséquent, il convient de constater que, en prévoyant, au paragraphe 1 de la disposition transitoire unique du décret royal fixant les prescriptions minimales de sécurité et de santé pour l’utilisation par les travailleurs d’équipements de travail, une période d’adaptation supplémentaire pour les équipements de travail déjà mis à la disposition des travailleurs dans l’entreprise et/ou l’établissement avant le 27 août 1997, le royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la directive 89/655 modifiée.


Sur les dépens

40
Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du royaume d’Espagne et ce dernier ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) déclare et arrête:

1)
En prévoyant, au paragraphe 1 de la disposition transitoire unique du décret royal n° 1215/1997, du 18 juillet 1997, fixant les prescriptions minimales de sécurité et de santé pour l’utilisation par les travailleurs d’équipements de travail, une période d’adaptation supplémentaire pour les équipements de travail déjà mis à la disposition des travailleurs dans l’entreprise et/ou l’établissement avant le 27 août 1997, le royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la directive 89/655/CEE du Conseil, du 30 novembre 1989, concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé pour l’utilisation par les travailleurs au travail d’équipements de travail (deuxième directive particulière au sens de l’article 16 paragraphe 1 de la directive 89/391/CEE), telle que modifiée par la directive 95/63/CE du Conseil, du 5 décembre 1995.

2)
Le royaume d’Espagne est condamné aux dépens.

Signatures.


1
Langue de procédure: l'espagnol.