Affaire C-319/02
Procédure engagée parPetri Manninen
(demande de décision préjudicielle, formée par le Korkein hallinto-oikeus)
«Impôt sur le revenu – Avoir fiscal pour les dividendes versés par des sociétés finlandaises – Articles 56 CE et 58 CE – Cohérence du régime fiscal»
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Conclusions de l'avocat général Mme J. Kokott, présentées le 18 mars 2004 |
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Arrêt de la Cour (grande chambre) du 7 septembre 2004 |
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Sommaire de l'arrêt
- Libre circulation des capitaux – Restrictions – Avoir fiscal octroyé aux assujettis pour les dividendes versés par des sociétés anonymes – Limitation aux sociétés nationales – Inadmissibilité – Justification – Absence
(Art. 56 CE et 58 CE)
Les articles 56 CE et 58 CE s’opposent à une réglementation nationale en vertu de laquelle le droit d’une personne assujettie
à l’impôt à titre principal dans un État membre au bénéfice de l’avoir fiscal en raison des dividendes qui lui sont versés
par des sociétés anonymes, avoir fiscal imputant l’impôt dû par celles-ci au titre de l’impôt sur les sociétés sur l’impôt
dû par l’actionnaire au titre de l’impôt sur les revenus de capitaux, est exclu lorsque ces sociétés ne sont pas établies
dans cet État.
Une telle réglementation fiscale constitue une restriction à la libre circulation des capitaux en ce qu’elle a pour effet
de dissuader les personnes assujetties à l’impôt à titre principal dans l’État membre concerné d’investir leurs capitaux dans
des sociétés ayant leur siège dans un autre État membre; elle produit également un effet restrictif à l’égard des sociétés
établies dans d’autres États membres en ce qu’elle constitue à leur encontre un obstacle à la collecte de capitaux dans l’État
membre concerné.
Cette réglementation ne saurait être justifiée par une différence de situation objective de nature à fonder une différence
de traitement fiscal, conformément à l’article 58, paragraphe 1, sous a), CE. En effet, au regard d’une réglementation fiscale
qui vise à prévenir une double imposition - impôt sur les sociétés puis impôt sur le revenu - des bénéfices distribués par
la société au profit de laquelle l’investissement est réalisé, les actionnaires assujettis à l’impôt à titre principal dans
l’État membre concerné se trouvent dans une situation comparable, qu’ils perçoivent des dividendes d’une société établie dans
cet État membre ou d’une société ayant son siège social dans un autre État membre, dans la mesure où, dans les deux cas, les
dividendes sont, abstraction faite de l’avoir fiscal, susceptibles d’être frappés par une double imposition.
En outre, ladite réglementation ne saurait être considérée comme une émanation du principe de territorialité, ce principe
ne s’opposant pas à l’octroi d’un avoir fiscal en faveur des dividendes versés par des sociétés établies dans d’autres États
membres. En tout état de cause, au regard de l’article 58, paragraphe 1, sous a), CE, le principe de territorialité ne saurait
justifier un traitement différent des dividendes distribués par des sociétés établies dans l’État membre concerné et de ceux
versés par des sociétés ayant leur siège social dans d’autres États membres, si les catégories de dividendes concernées par
cette différence de traitement partagent la même situation objective.
Par ailleurs, même si cette réglementation fiscale repose sur un lien entre l’avantage fiscal et le prélèvement fiscal compensatoire,
en prévoyant que l’avoir fiscal octroyé à l’actionnaire assujetti à l’impôt à titre principal dans l’État membre concerné
est calculé en fonction de l’impôt sur les sociétés dû par la société établie dans cet État membre sur les bénéfices distribués
par celle-ci, une telle réglementation n’apparaît pas nécessaire à la préservation de la cohérence du régime fiscal national.
En effet, eu égard à l’objectif de prévention de la double imposition, l’octroi à l’actionnaire détenant des actions d’une
société établie dans un autre État membre d’un avoir fiscal qui serait calculé en fonction de l’impôt dû par celle-ci au titre
de l’impôt sur les sociétés dans ce dernier État membre ne mettrait pas en cause la cohérence du régime fiscal national et
constituerait une mesure moins restrictive pour la libre circulation des capitaux.
Quant à la réduction des recettes fiscales relatives aux dividendes versés par des sociétés établies dans d’autres États membres,
elle ne saurait être considérée comme une raison impérieuse d’intérêt général pouvant être invoquée pour justifier une mesure
contraire à une liberté fondamentale.
(cf. points 20, 22-24, 32-36, 38-39, 44-46, 49, 55 et disp.)