62001C0142

Conclusions de l'avocat général Ruiz-Jarabo Colomer présentées le 19 mars 2002. - Commission des Communautés européennes contre République italienne. - Manquement d'État - Directive 92/51/CEE - Système de reconnaissance des formations professionnelles - Moniteur de ski. - Affaire C-142/01.

Recueil de jurisprudence 2002 page I-04541


Conclusions de l'avocat général


1 La Commission a engagé un recours en manquement contre la République italienne et conclu à ce qu'il plaise à la Cour constater qu'en maintenant en vigueur l'article 12, premier alinéa, de la loi nº 81 du 8 mars 1991, portant statut des professions de moniteur de ski et de guide de montagne (1), la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 92/51/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, relative à un deuxième système général de reconnaissance des formations professionnelles, qui complète la directive 89/48/CEE (2).

2 Cette disposition soumet l'exercice de la profession de moniteur de ski en Italie par des ressortissants des autres États membres de l'Union européenne à une condition de réciprocité (3).

3 Cette condition ne figure pas dans la directive 92/51, dont l'article 3, sous a), se borne à exiger la possession d'un titre légal obtenu dans un État membre pour l'exercice de cette profession (4). Comme la Commission l'a fait observer, lorsqu'un citoyen de l'Union est pleinement qualifié dans son pays d'origine pour exercer une activité professionnelle, il l'est également pour l'exercer dans un autre État membre.

4 Par ailleurs, l'exécution des obligations que le traité CE ou le droit dérivé imposent aux membres de la Communauté ne peut être soumise à une condition de réciprocité (5).

5 Le droit italien est donc manifestement incompatible avec le droit communautaire sur ce point.

6 Le gouvernement italien reconnaît qu'à l'exception de la région de Vénétie (6), la situation n'avait pas évolué à la date d'expiration du délai fixé dans l'avis motivé (7) ni à la date de la rédaction du mémoire en défense. Il annonce néanmoins qu'un projet de loi est en cours d'élaboration, dont l'article 15 modifie l'article 12 de la loi nº 81 et supprime la condition de réciprocité. Cette nouvelle est dépourvue de pertinence en l'espèce.

7 La circonstance que les autorités italiennes n'ont jamais appliqué l'article 12 de la loi nº 81 est tout aussi dénuée de pertinence puisque l'incompatibilité de la législation nationale avec le droit communautaire ne peut être définitivement éliminée qu'au moyen de dispositions internes à caractère contraignant ayant la même valeur juridique que les dispositions qui doivent être modifiées (8).

8 Il résulte de ce qui précède que la République italienne s'est rendue coupable du manquement dont il lui est fait grief et qu'il y a lieu de faire droit au recours.

9 Conformément à l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, l'État membre défendeur doit être condamné aux dépens (9).

Conclusion

10 Je propose à la Cour de faire droit au recours et:

1) de déclarer qu'en maintenant en vigueur l'article 12, premier alinéa, de la loi nº 81 du 8 mars 1991, qui soumet la reconnaissance du diplôme de moniteur de ski à une condition de réciprocité, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 92/51/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, relative à un deuxième système général de reconnaissance des formations professionnelles, qui complète la directive 89/48/CEE, et

2) de condamner la République italienne aux dépens.

(1) - GURI nº 64, du 16 mars 1991, p. 3.

(2) - JO L 209, p. 25.

(3) - Aux termes de cette disposition, «les régions réglementent l'exercice régulier sur leur territoire de l'activité des moniteurs de ski étrangers non inscrits dans les registres professionnels régionaux. L'autorisation de l'exercice de cette profession est subordonnée à la reconnaissance [...] de l'équivalence des titres et de la réciprocité» (mis en italique par moi).

(4) - L'article 3, sous a), de la directive 92/51 dispose ce qui suit: «Sans préjudice de l'application de la directive 89/48/CEE, lorsque dans l'État membre d'accueil, l'accès à une profession réglementée ou son exercice est subordonné à la possession d'un diplôme tel que défini dans la présente directive ou tel que défini dans la directive 89/48/CEE, l'autorité compétente ne peut refuser à un ressortissant d'un État membre, pour défaut de qualification, d'accéder à cette profession ou de l'exercer dans les mêmes conditions que les nationaux: a) si le demandeur possède le diplôme, tel que défini dans la présente directive ou tel que défini dans la directive 89/48/CEE, qui est prescrit par un autre État membre pour accéder à cette même profession sur son territoire ou l'y exercer et qui a été obtenu dans un État membre».

(5) - Voir, notamment, les arrêts du 11 janvier 1990, Blanguernon (C-38/89, Rec. p. I-83, point 7), et du 29 mars 2001, Portugal/Commission (C-163/99, Rec. p. I-2613, point 22).

(6) - La condition de réciprocité y a été supprimée, pour l'exercice de la profession de moniteur de ski sur son territoire, par la modification d'une loi régionale en janvier 2000.

(7) - Conformément à la jurisprudence de la Cour, c'est à ce moment-là que l'existence ou l'inexistence du manquement doit être constatée (voir, notamment, arrêts du 25 novembre 1999, Commission/France, C-96/98, Rec. p. I-8531, point 19, et du 12 décembre 2000, Commission/Portugal, C-435/99, Rec. p. I-11179, point 16).

(8) - Voir, par exemple, l'arrêt du 9 mars 2000, Commission/Italie (C-358/98, Rec. p. I-1255, point 17).

(9) - Version texte codifié publié au JO 2001, C 34, p. 1.