62000O0102

Ordonnance de la Cour (première chambre) du 12 juillet 2001. - Welthgrove BV contre Staatssecretaris van Financiën. - Demande de décision préjudicielle: Hoge Raad der Nederlanden - Pays-Bas. - Article 104, paragraphe 3, du règlement de procédure - Article 4 de la sixième directive TVA - Activité économique - Immixtion d'un holding dans la gestion de ses filiales. - Affaire C-102/00.

Recueil de jurisprudence 2001 page I-05679


Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


1. Questions préjudicielles - Réponse pouvant être clairement déduite de la jurisprudence - Application de l'article 104, paragraphe 3, du règlement de procédure

(Règlement de procédure de la Cour, art. 104, § 3)

2. Dispositions fiscales - Harmonisation des législations - Taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée - Activités économiques au sens de l'article 4 de la sixième directive - Immixtion d'un holding dans la gestion de ses filiales - Inclusion subordonnée à la seule mise en oeuvre de transactions soumises à la taxe sur la valeur ajoutée en vertu de l'article 2 de la directive

(Directive du Conseil 77/388, art. 2 et 4, § 2)

Parties


Dans l'affaire C-102/00,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 234 CE, par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Welthgrove BV

et

Staatssecretaris van Financiën,

une décision à titre préjudiciel relative à l'interprétation des articles 4, 11, A, paragraphe 1, sous a), et 13, B, sous d), point 5, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1),

LA COUR (première chambre),

composée de MM. M. Wathelet, président de chambre, P. Jann et L. Sevón (rapporteur), juges,

avocat général: Mme C. Stix-Hackl,

greffier: M. R. Grass,

la juridiction de renvoi ayant été informée que la Cour se propose de statuer par voie d'ordonnance motivée conformément à l'article 104, paragraphe 3, de son règlement de procédure,

les intéressés visés à l'article 20 du statut CE de la Cour de justice ayant été invités à présenter leurs observations éventuelles à ce sujet,

l'avocat général entendu,

rend la présente

Ordonnance

Motifs de l'arrêt


1 Par arrêt du 28 avril 1999, parvenu à la Cour le 20 mars 2000, le Hoge Raad der Nederlanden a posé, en vertu de l'article 234 CE, trois questions préjudicielles relatives à l'interprétation des articles 4, 11, A, paragraphe 1, sous a), et 13, B, sous d), point 5, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»).

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant Welthgrove BV (ci-après «Welthgrove») au Staatssecretaris van Financiën au sujet du droit d'un holding de déduire la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») acquittée sur des transactions en amont.

La réglementation communautaire

3 L'article 2, point 1, de la sixième directive soumet à la TVA les livraisons de biens ainsi que les prestations de services effectuées à titre onéreux à l'intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel et, par voie de conséquence, il exclut du champ d'application de ladite taxe les activités n'ayant pas un caractère économique. En vertu de l'article 4, paragraphe 1, de ladite directive, est considéré comme assujetti quiconque accomplit, d'une façon indépendante, l'une des activités économiques mentionnées au paragraphe 2 de cette disposition. La notion d'«activités économiques» est définie à l'article 4, paragraphe 2, comme englobant toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, et notamment les opérations comportant l'exploitation d'un bien corporel ou incorporel en vue d'en retirer des recettes ayant un caractère de permanence.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

4 Il ressort de l'arrêt de renvoi que Welthgrove est un holding intermédiaire disposant de participations dans un certain nombre de sociétés établies dans l'Union européenne qui fabriquent des emballages en plastique.

5 Au cours de la période en cause au principal, Welthgrove ne disposait pas de personnel. Les membres de son conseil d'administration s'occupaient de la gestion active de ses filiales, mais Welthgrove ne percevait pas de rémunération pour ces activités. Elle a toutefois perçu des dividendes de ses filiales.

6 Au cours de cette même période, Welthgrove a déduit, dans sa déclaration, un montant de 8 114 NLG de TVA. Comme elle estimait que Welthgrove ne participait pas aux échanges économiques et, dès lors, n'avait pas le droit de déduire la TVA, l'administration fiscale néerlandaise a décidé de recouvrer ce montant a posteriori. Elle a confirmé sa décision après avoir été saisie d'une réclamation par Welthgrove.

7 L'appel introduit par Welthgrove devant le Gerechtshof te 's-Gravenhage (Pays-Bas) a été rejeté. Le Gerechtshof a d'abord constaté que Welthgrove s'immisce dans la gestion des sociétés dans lesquelles elle détient une participation, au sens de l'arrêt du 20 juin 1991, Polysar Investments Netherlands (C-60/90, Rec. p. I-3111). Il a ensuite déclaré que les dividendes perçus par Welthgrove doivent être considérés comme la rémunération de cette immixtion. Enfin, il a jugé que, conformément à la disposition du droit néerlandais mettant en oeuvre l'article 13, B, sous d), point 5, de la sixième directive, lesdites opérations sont exonérées de TVA.

8 Welthgrove a introduit un pourvoi en cassation devant le Hoge Raad der Nederlanden. Ce dernier a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) Si une société mère s'immisce dans la gestion d'une filiale, y a-t-il lieu, eu égard à l'arrêt Polysar et notamment à ses points 13 et 14, de considérer le dividende qu'elle a reçu de ladite filiale comme une contrepartie de cette immixtion, au sens de l'article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive?

2) En cas de réponse négative à la première question, le simple fait que la demanderesse s'immisce dans la gestion de ses filiales, au sens du point 14 de l'arrêt Polysar, signifie-t-il qu'elle doit être considérée comme un assujetti au sens de l'article 4 de la sixième directive?

3) En cas de réponse affirmative à la première ou à la deuxième question, ladite immixtion relève-t-elle de l'exception prévue à l'article 13, B, sous d), point 5, de la sixième directive, à savoir la gestion qui y est mentionnée?»

9 Par lettre du 14 décembre 2000, le greffe de la Cour a transmis à la juridiction de renvoi copie de l'arrêt du 14 novembre 2000, Floridienne et Berginvest (C-142/99, Rec. p. I-9567), en l'invitant à lui indiquer si, à la lumière de cet arrêt, elle souhaitait maintenir son renvoi préjudiciel.

10 Par lettre du 10 janvier 2001, le Hoge Raad der Nederlanden a informé la Cour qu'il retirait la première question de son renvoi préjudiciel mais en maintenait les deuxième et troisième questions. Il relève que, à la différence des holdings dont la situation est examinée dans l'arrêt Floridienne et Berginvest, précité, Welthgrove s'immisce dans la gestion de ses filiales sans mettre en oeuvre des transactions soumises à la TVA en vertu de l'article 2 de la sixième directive.

Sur la deuxième question

11 Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la simple immixtion d'un holding dans la gestion de ses filiales constitue une activité économique au sens de l'article 4, paragraphe 2, de la sixième directive.

12 À cet égard, force est de constater que la réponse à ladite question peut être clairement déduite de la jurisprudence, de sorte qu'il y a lieu, conformément à l'article 104, paragraphe 3, du règlement de procédure, de statuer par voie d'ordonnance motivée.

13 Selon une jurisprudence constante, l'article 4 de la sixième directive doit être interprété en ce sens que n'a pas la qualité d'assujetti à la TVA et n'a pas de droit à déduction selon l'article 17 de la sixième directive un holding dont l'objet unique est la prise de participations dans d'autres entreprises sans que celui-ci s'immisce directement ou indirectement dans la gestion de ces entreprises, sous réserve des droits que ledit holding détient en sa qualité d'actionnaire ou d'associé (voir, notamment, arrêts précités Polysar Investments Netherlands, point 17, et Floridienne et Berginvest, point 17).

14 Il résulte de la jurisprudence que cette conclusion est fondée notamment sur la constatation que la simple acquisition et la simple détention de parts sociales ne doivent pas être considérées comme des activités économiques au sens de la sixième directive, conférant à leur auteur la qualité d'assujetti. En effet, la simple prise de participations financières dans d'autres entreprises ne constitue pas une exploitation d'un bien visant à produire des recettes ayant un caractère de permanence parce que l'éventuel dividende, fruit de cette participation, résulte de la simple propriété du bien (voir arrêts du 22 juin 1993, Sofitam, C-333/91, Rec. p. I-3513, point 12, et du 6 février 1997, Harnas & Helm, C-80/95, Rec. p. I-745, point 15).

15 Cependant, la Cour a jugé qu'il en va différemment lorsque la participation est accompagnée d'une immixtion directe ou indirecte dans la gestion des sociétés où s'est opérée la prise de participations, sans préjudice des droits que détient l'auteur des participations en sa qualité d'actionnaire ou d'associé (arrêts précités Polysar Investments Netherlands, point 14, et Floridienne et Berginvest, point 18).

16 Au point 19 de l'arrêt Floridienne et Berginvest, précité, la Cour en a conclu que doit être considérée comme une activité économique au sens de l'article 4, paragraphe 2, de la sixième directive une telle immixtion dans la gestion des filiales, dans la mesure où elle implique la mise en oeuvre de transactions soumises à la TVA en vertu de l'article 2 de cette directive.

17 Il s'ensuit que la simple immixtion d'un holding dans la gestion de ses filiales, sans la mise en oeuvre de transactions soumises à la TVA en vertu de l'article 2 de la sixième directive, ne saurait être considérée comme une activité économique au sens de l'article 4, paragraphe 2, de la sixième directive.

18 Dès lors, il convient de répondre à la deuxième question que l'immixtion d'un holding dans la gestion de ses filiales constitue une activité économique au sens de l'article 4, paragraphe 2, de la sixième directive uniquement dans la mesure où elle implique la mise en oeuvre de transactions soumises à la TVA en vertu de l'article 2 de cette directive.

Sur la troisième question

19 La troisième question a été posée uniquement pour le cas où la deuxième question appellerait une réponse affirmative. Compte tenu de la réponse apportée à cette dernière, il n'y a pas lieu de répondre à la troisième question.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

20 Les frais exposés par les gouvernements néerlandais et du Royaume-Uni, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR (première chambre),

statuant sur les questions à elle soumises par le Hoge Raad der Nederlanden, par arrêt du 28 avril 1999, dit pour droit:

L'immixtion d'un holding dans la gestion de ses filiales constitue une activité économique au sens de l'article 4, paragraphe 2, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, uniquement dans la mesure où elle implique la mise en oeuvre de transactions soumises à la taxe sur la valeur ajoutée en vertu de l'article 2 de cette directive.