61997J0337

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 8 juin 1999. - C.P.M. Meeusen contre Hoofddirectie van de Informatie Beheer Groep. - Demande de décision préjudicielle: Commissie van Beroep Studiefinanciering - Pays-Bas. - Règlement (CEE) nº 1612/68 - Libre circulation des personnes - Notion de "travaileur" - Liberté d'établissement - Financement des études - Discrimination fondée sur la nationalité - Condition de résidence. - Affaire C-337/97.

Recueil de jurisprudence 1999 page I-03289


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


1. Libre circulation des personnes - Travailleurs - Notion - Existence d'une relation de travail - Exercice d'activités réelles et effectives - Épouse du directeur et unique propriétaire d'une entreprise - Inclusion

(Traité CE, art. 48 (devenu, après modification, art. 39 CE); règlement du Conseil n° 1612/68)

2. Libre circulation des personnes - Travailleurs - Égalité de traitement - Avantages sociaux - Financement des études - Octroi aux descendants à charge d'un travailleur ressortissant d'un autre État membre - Condition de résidence - Inadmissibilité

(Règlement du Conseil n° 1612/68, art. 7)

3. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Réglementation d'un État membre subordonnant l'octroi d'un financement des études des enfants des ressortissants d'autres États membres à une condition de résidence sur le territoire national - Discrimination à l'encontre des descendants à charge des travailleurs non salariés - Inadmissibilité

(Traité CE, art. 52 (devenu, après modification, art. 43 CE))

Sommaire


1. La notion de travailleur, au sens de l'article 48 du traité (devenu, après modification, article 39 CE) et du règlement n° 1612/68, revêt une portée communautaire et ne doit pas être interprétée de manière restrictive. Doit être considérée comme travailleur toute personne qui exerce des activités réelles et effectives, à l'exclusion d'activités tellement réduites qu'elles se présentent comme purement marginales et accessoires. La caractéristique de la relation de travail est la circonstance qu'une personne accomplit pendant un certain temps, en faveur d'une autre et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles elle touche une rémunération.

Le fait qu'une personne soit liée par mariage au directeur et seul propriétaire des parts sociales d'une société ne s'oppose pas à ce que cette personne puisse être qualifiée de travailleur au sens des dispositions précitées, dès lors qu'elle exerce son activité dans le cadre d'un lien de subordination. En effet, les rapports personnels et patrimoniaux entre époux qui découlent du mariage n'excluent pas l'existence, dans le cadre de l'organisation de l'entreprise, d'un tel lien caractéristique d'une relation de travail.

2. Si un État membre ne saurait subordonner l'octroi d'un avantage social au sens de l'article 7 du règlement n° 1612/68 à la condition que les travailleurs, bénéficiaires de l'avantage, aient leur résidence sur le territoire national de cet État, le principe de l'égalité de traitement énoncé par ledit article vise également à empêcher les discriminations opérées au détriment des descendants qui sont à la charge du travailleur. A cet égard, est discriminatoire une condition de résidence, prévue par une législation nationale, exigée des enfants des travailleurs ressortissants d'autres États membres pour le financement de leurs études, qui n'est pas imposée aux enfants des travailleurs nationaux.

Dès lors, l'enfant à charge d'un ressortissant d'un État membre, qui exerce une activité salariée dans un autre État membre tout en conservant sa résidence dans l'État dont il est le ressortissant, peut se prévaloir de l'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68 pour obtenir un financement de ses études dans les mêmes conditions que celles appliquées aux enfants des ressortissants de l'État d'emploi et notamment sans qu'une condition supplémentaire relative à la résidence de l'enfant puisse être imposée.

3. L'article 52 du traité (devenu, après modification, article 43 CE) assure le bénéfice du traitement national aux ressortissants d'un État membre désireux d'exercer une activité non salariée dans un autre État membre et interdit toute discrimination fondée sur la nationalité, faisant obstacle à l'accès ou à l'exercice d'une telle activité. Ce principe de l'égalité de traitement vise également à empêcher les discriminations opérées au détriment des descendants qui sont à la charge du travailleur non salarié. Il s'oppose, dès lors, à l'exigence, prévue par une législation nationale, d'une condition de résidence des enfants des travailleurs ressortissants d'autres États membres pour le financement de leurs études qui n'est pas imposée aux enfants des travailleurs nationaux, une telle condition étant discriminatoire.

Il s'ensuit que l'enfant à charge d'un ressortissant d'un État membre, qui exerce une activité non salariée dans un autre État membre tout en conservant sa résidence dans l'État dont il est le ressortissant, peut obtenir un financement de ses études dans les mêmes conditions que celles appliquées aux enfants des ressortissants de l'État d'établissement et notamment sans qu'une condition supplémentaire relative à la résidence de l'enfant puisse être imposée.\

Parties


Dans l'affaire C-337/97,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), par la Commissie van Beroep Studiefinanciering (Pays-Bas) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

C. P. M. Meeusen

et

Hoofddirectie van de Informatie Beheer Groep,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation des articles 48 et 52 du traité CE (devenus, après modification, articles 39 CE et 43 CE), ainsi que de l'article 7 du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 2),

LA COUR (cinquième chambre),

composée de MM. J.-P. Puissochet, président de chambre, P. Jann (rapporteur), J. C. Moitinho de Almeida, C. Gulmann et D. A. O. Edward, juges,

avocat général: M. A. La Pergola,

greffier: M. H. A. Rühl, administrateur principal,

considérant les observations écrites présentées:

- pour Mme Meeusen, par M. P. J. M. Meeusen, père de la requérante au principal,

- pour le gouvernement néerlandais, par Mme A. H. M. Nierman, ambassadeur du royaume des Pays-Bas à Luxembourg, en qualité d'agent,

- pour le gouvernement allemand, par M. E. Röder, Ministerialrat au ministère fédéral de l'Économie, en qualité d'agent,

- pour la Commission des Communautés européennes, par MM. P.J. Kuijper, conseiller juridique, et B. J. Drijber, membre du service juridique, en qualité d'agents,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales de Mme Meeusen, représentée par M. P. J. M. Meeusen, du gouvernement néerlandais, représenté par M. M. A. Fierstra, chef du service Droit européen au ministère des Affaires Étrangères, en qualité d'agent, et de la Commission, représentée par M. P. J. Kuijper, à l'audience du 19 novembre 1998,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 28 janvier 1999,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par ordonnance du 26 septembre 1997, parvenue à la Cour le 29 septembre suivant, la Commissie van Beroep Studiefinanciering a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), plusieurs questions préjudicielles sur l'interprétation des articles 48 et 52 du traité CE (devenus, après modification, articles 39 CE et 43 CE) ainsi que de l'article 7 du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 2).

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant Mme Meeusen, demanderesse au principal, et la Hoofddirectie van de Informatie Beheer Groep (ci-après l'«IBG»), défenderesse au principal, au sujet d'une demande de bourse d'études formée par Mme Meeusen au titre de la Wet op de studiefinanciering (loi sur le financement des études, ci-après la «WSF») lors de son inscription au Provinciaal Hoger Technisch Instituut voor Scheikunde d'Anvers, établissement d'enseignement supérieur.

3 L'article 7 du règlement n° 1612/68 dispose:

«1. Le travailleur ressortissant d'un État membre ne peut, sur le territoire des autres États membres, être, en raison de sa nationalité, traité différemment des travailleurs nationaux...

2. Il y bénéficie des mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux.»

4 Aux termes de son article 7, la WSF s'applique aux:

«a. étudiants qui possèdent la nationalité néerlandaise;

b. étudiants qui ne possèdent pas la nationalité néerlandaise mais qui résident aux Pays-Bas et qui sont assimilés aux Néerlandais en matière de financement d'études en vertu de dispositions figurant dans des conventions passées avec d'autres États ou dans une décision, contraignante pour les Pays-Bas, émanant d'une organisation de droit international public;

c. ...»

5 Le financement prévu par la WSF est octroyé directement à l'étudiant âgé de 18 ans et plus. Il consiste en une bourse de base, dont le montant est indépendant des revenus des parents, et en une bourse complémentaire, dont le montant varie en fonction des revenus parentaux.

6 Selon l'article 9, paragraphe 1, de la WSF, seule une formation suivie dans un établissement néerlandais ouvre droit au financement des études. Le paragraphe 3 prévoit toutefois une exception à cette règle en faveur de certains établissements étrangers qui sont assimilés à des établissements néerlandais pour l'application de la WSF. Il est constant que le Provinciaal Hoger Technisch Instituut voor Scheikunde d'Anvers bénéficie de cette assimilation.

7 Il ressort de l'ordonnance de renvoi que Mme Meeusen, de nationalité belge et résidant à l'époque des faits en Belgique, a entamé en août 1993 des études au Provinciaal Hoger Technisch Instituut voor Scheikunde d'Anvers. Son père et sa mère sont tous deux de nationalité belge et résident en Belgique. Son père est le directeur d'une société dont le siège est aux Pays-Bas et dont il détient la totalité des parts sociales. Sa mère est employée par cette société à raison de deux jours par semaine. La juridiction de renvoi estime que son activité est réelle et effective.

8 Le 14 octobre 1993, Mme Meeusen a demandé à l'IBG un financement de ses études au titre de la WSF.

9 L'IBG a initialement donné satisfaction à Mme Meeusen, qui a obtenu une bourse de base pour la période de novembre 1993 à décembre 1994, mais la demande de cette dernière a été ultérieurement rejetée par décision du 2 octobre 1994, laquelle lui a enjoint en outre de rembourser les sommes déjà perçues. Une réclamation dirigée contre ce refus de financement a également été rejetée par décision de l'IBG du 12 janvier 1995.

.10 A la suite du rejet de sa réclamation, Mme Meeusen a introduit un recours devant la Commissie van Beroep Studiefinanciering. Devant cette juridiction, elle a fait valoir que le droit à un financement des études ne saurait être subordonné à l'exigence que l'enfant habite ou réside sur le territoire de l'État membre où ses parents occupent un emploi, pas plus qu'il ne saurait être lié à la nationalité. En défense, l'IBG a soutenu qu'il n'y a pas lieu de considérer les parents de la demanderesse comme des travailleurs migrants au sens de l'article 48 du traité, car ils n'habitent pas aux Pays-Bas. Pour qu'une personne puisse être qualifiée de travailleur migrant, il serait nécessaire qu'elle possède la qualité de travailleur salarié et qu'elle ait établi sa résidence dans le pays d'accueil. Quant aux travailleurs frontaliers, auxquels le préambule du règlement n° 1612/68 fait référence, il s'agirait de personnes qui sont occupées à proximité immédiate d'une frontière.

11 C'est dans ces conditions que la juridiction de renvoi a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) a) La circonstance, comme celle qui se présente en l'espèce, que la mère de la demanderesse est occupée par la BV dont son mari est le directeur et dont il détient la totalité des parts sociales fait-elle obstacle à ce qu'elle soit considérée comme un travailleur migrant au sens de l'article 48 du traité CE et du règlement (CEE) n° 1612/68?

En cas de réponse négative à la première question, sous a):

b) Dans son arrêt du 26 février 1992, Bernini (C-3/90, Rec. p. I-1071), la Cour a dit pour droit qu'un financement d'études accordé par un État membre aux enfants des travailleurs constitue, pour un travailleur migrant, un avantage social, au sens de l'article 7, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 1612/68, lorsque le travailleur continue à pourvoir à l'entretien de l'enfant. Dans un tel cas, l'enfant peut se prévaloir de l'article 7, paragraphe 2, pour obtenir un financement d'études dans les mêmes conditions que celles appliquées aux enfants de travailleurs nationaux et notamment sans qu'une condition supplémentaire relative à sa résidence puisse lui être imposée.

Cette règle demeure-t-elle pleinement applicable si le travailleur migrant doit être considéré comme un travailleur frontalier?

c) La règle de droit qui figure dans l'arrêt Bernini, telle que reproduite dans la question précédente, s'applique-t-elle de même si l'enfant d'un travailleur migrant n'a, comme en l'espèce, jamais habité aux Pays-Bas?

2) Convient-il d'interpréter l'article 52 du traité CE en ce sens que la garantie découlant de la règle de droit qui figure dans l'arrêt Bernini telle que reproduite à la première question, sous b), s'applique de même pour l'enfant d'un ressortissant d'un État membre, qui exerce une activité non salariée dans un autre État membre?

Quelle importance convient-il d'accorder également aux circonstances que l'enfant n'a jamais résidé aux Pays-Bas et que le parent ne réside pas dans le pays dans lequel il exerce l'activité non salariée?»

Sur la première question, sous a)

12 Par cette question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le fait qu'une personne est liée par mariage au directeur et seul propriétaire des parts sociales de la société en faveur de laquelle elle exerce son activité s'oppose à ce que cette personne puisse être qualifiée de «travailleur» au sens de l'article 48 du traité et du règlement n° 1612/68.

13 Selon la jurisprudence constante de la Cour, la notion de «travailleur», au sens des dispositions précitées, revêt une portée communautaire et ne doit pas être interprétée de manière restrictive. Doit être considérée comme «travailleur» toute personne qui exerce des activités réelles et effectives, à l'exclusion d'activités tellement réduites qu'elles se présentent comme purement marginales et accessoires. La caractéristique de la relation de travail est, selon cette jurisprudence, la circonstance qu'une personne accomplit pendant un certain temps, en faveur d'une autre et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles elle touche une rémunération (voir, notamment, arrêts du 3 juillet 1986, Lawrie-Blum, 66/85, Rec. p. 2121, points 16 et 17, et du 12 mai 1998, Martínez Sala, C-85/96, Rec. p. I-2691, point 32).

14 Le fait que ladite personne soit liée par mariage au directeur et unique propriétaire de l'entreprise n'est pas, à lui seul, de nature à affecter cette qualification.

15 La Cour a certes jugé, dans l'arrêt du 27 juin 1996, Asscher (C-107/94, Rec. p. I-3089, point 26), que le directeur d'une société dont il est l'unique actionnaire n'exerce pas son activité dans le cadre d'un lien de subordination, en sorte qu'il ne peut être considéré comme un «travailleur» au sens de l'article 48 du traité. Toutefois, cette solution ne saurait être transposée automatiquement à son conjoint. En effet, les rapports personnels et patrimoniaux entre époux qui découlent du mariage n'excluent pas l'existence, dans le cadre de l'organisation de l'entreprise, d'un lien de subordination caractéristique d'une relation de travail.

16 L'existence d'un tel lien est un élément qu'il incombe au juge national de vérifier.

17 Il y a donc lieu de répondre à la première question, sous a), que le fait qu'une personne soit liée par mariage au directeur et seul propriétaire des parts sociales de la société en faveur de laquelle elle exerce une activité réelle et effective ne s'oppose pas à ce que cette personne puisse être qualifiée de «travailleur» au sens de l'article 48 du traité et du règlement n° 1612/68 dès lors qu'elle exerce son activité dans le cadre d'un lien de subordination.

Sur la première question, sous b) et c)

18 Par ces questions, qu'il convient d'examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l'enfant à charge d'un ressortissant d'un État membre, qui exerce une activité salariée dans un autre État membre tout en conservant sa résidence dans l'État dont il est le ressortissant, peut se prévaloir de l'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68 pour obtenir un financement de ses études dans les mêmes conditions que celles appliquées aux enfants des ressortissants de l'État d'emploi et notamment sans qu'une condition supplémentaire relative à la résidence de l'enfant puisse être imposée.

19 Ainsi qu'il ressort de l'arrêt Bernini, précité, point 25, un financement des études accordé par un État membre aux enfants des travailleurs constitue, pour un travailleur migrant, un avantage social au sens de l'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68 lorsque ce dernier continue à pourvoir à l'entretien de l'enfant.

20 Les gouvernements néerlandais et allemand soutiennent que cette règle ne saurait être étendue au cas d'un travailleur frontalier. En effet, l'égalité de traitement prévue par l'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68 ne viserait, ainsi qu'il ressortirait de son cinquième considérant, qu'à faciliter la mobilité des travailleurs et l'intégration du travailleur migrant et de sa famille dans l'État membre d'accueil. L'octroi par celui-ci, en faveur de l'enfant d'un travailleur résidant avec sa famille dans un autre État membre, d'un financement en vue de la poursuite d'études à l'étranger ne s'inscrirait pas dans ce cadre. Une condition de résidence, telle que celle requise par la législation nationale en cause au principal, serait ainsi objectivement justifiée et proportionnée à l'objectif poursuivi par le règlement n° 1612/68.

21 Ainsi que la Cour l'a jugé dans l'arrêt du 27 novembre 1997, Meints (C-57/96, Rec. p. I-6689, point 50), cette argumentation méconnaît le texte du règlement n° 1612/68. En effet, son quatrième considérant prévoit, de manière expresse, que le droit de libre circulation doit être reconnu «indifféremment aux travailleurs permanents, saisonniers, frontaliers ou qui exercent leur activité à l'occasion d'une prestation de services», et son article 7 se réfère, sans réserve, au «travailleur ressortissant d'un État membre». La Cour en a déduit et a dit pour droit, dans l'arrêt Meints, précité, qu'un État membre ne saurait subordonner l'octroi d'un avantage social au sens dudit article 7 à la condition que les bénéficiaires de l'avantage aient leur résidence sur le territoire national de cet État.

22 Il convient d'ajouter que, selon une jurisprudence constante, le principe de l'égalité de traitement énoncé par l'article 7 du règlement n° 1612/68 vise également à empêcher les discriminations opérées au détriment des descendants qui sont à la charge du travailleur (voir arrêt du 20 juin 1985, Deak, 94/84, Rec. p. 1873, point 22). Ceux-ci peuvent donc se prévaloir de l'article 7, paragraphe 2, pour obtenir un financement de leurs études dans les mêmes conditions que celles appliquées aux enfants des travailleurs nationaux (arrêt Bernini, précité, point 28).

23 Il en résulte que, dans l'hypothèse où une législation nationale, telle que celle en cause au principal, n'impose pas de condition de résidence aux enfants des travailleurs nationaux pour le financement de leurs études, une telle condition doit être considérée comme discriminatoire si elle est exigée des enfants des travailleurs ressortissants d'autres État membres.

24 En effet, une telle condition défavoriserait particulièrement les travailleurs frontaliers qui, par définition, ont leur résidence dans un autre État membre, où résident également en règle générale les membres de leur famille.

25 A la lumière de ce qui précède, il y a lieu de répondre aux questions posées que l'enfant à charge d'un ressortissant d'un État membre, qui exerce une activité salariée dans un autre État membre tout en conservant sa résidence dans l'État dont il est le ressortissant, peut se prévaloir de l'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68 pour obtenir un financement de ses études dans les mêmes conditions que celles appliquées aux enfants des ressortissants de l'État d'emploi et notamment sans qu'une condition supplémentaire relative à la résidence de l'enfant puisse être imposée.

Sur la seconde question

26 Par cette question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l'enfant à charge d'un ressortissant d'un État membre, qui exerce une activité non salariée dans un autre État membre tout en conservant sa résidence dans l'État dont il est le ressortissant, peut obtenir un financement de ses études dans les mêmes conditions que celles appliquées aux enfants des ressortissants de l'État d'établissement et notamment sans qu'une condition supplémentaire relative à la résidence de l'enfant puisse être imposée.

27 A cet égard, il convient de rappeler que l'article 52 du traité assure le bénéfice du traitement national aux ressortissants d'un État membre désireux d'exercer une activité non salariée dans un autre État membre et interdit toute discrimination fondée sur la nationalité, faisant obstacle à l'accès ou à l'exercice d'une telle activité. Ainsi que la Cour l'a jugé dans l'arrêt du 10 mars 1993, Commission/Luxembourg (C-111/91, Rec. p. I-817, point 17), ladite interdiction ne concerne pas uniquement les règles spécifiques, relatives à l'exercice des activités professionnelles, mais également, ainsi qu'il résulte du programme général pour la suppression des restrictions à la liberté d'établissement (JO 1962, 2, p. 36), toute gêne aux activités non salariées des ressortissants des autres États membres qui consiste en un traitement différentiel des ressortissants des autres États membres par rapport aux nationaux, prévu par une disposition législative, réglementaire ou administrative d'un État membre ou résultant de l'application d'une telle disposition ou de pratiques administratives.

28 Cette interdiction s'applique ainsi à l'exigence d'une condition de résidence mise à l'octroi d'un avantage social lorsqu'il a été constaté que cette condition revêt un caractère discriminatoire (arrêt Commission/Luxembourg, précité, point 18).

29 Le principe de l'égalité de traitement ainsi énoncé vise également à empêcher les discriminations opérées au détriment des descendants qui sont à la charge du travailleur non salarié. Il s'oppose, dès lors, à l'exigence d'une condition de résidence telle que celle prévue par la législation nationale concernée qui, ainsi qu'il a été dit au point 23 du présent arrêt, doit être considérée comme discriminatoire.

30 Au vu de ce qui précède, il convient de répondre à la seconde question que l'enfant à charge d'un ressortissant d'un État membre, qui exerce une activité non salariée dans un autre État membre tout en conservant sa résidence dans l'État dont il est le ressortissant, peut obtenir un financement de ses études dans les mêmes conditions que celles appliquées aux enfants des ressortissants de l'État d'établissement et notamment sans qu'une condition supplémentaire relative à la résidence de l'enfant puisse être imposée.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

31 Les frais exposés par les gouvernements néerlandais et allemand, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR (cinquième chambre),

statuant sur les questions à elle soumises par la Commissie van Beroep Studiefinanciering, par ordonnance du 26 septembre 1997, dit pour droit:

1) Le fait qu'une personne soit liée par mariage au directeur et seul propriétaire des parts sociales de la société en faveur de laquelle elle exerce une activité réelle et effective ne s'oppose pas à ce que cette personne puisse être qualifiée de «travailleur» au sens de l'article 48 du traité CE (devenu, après modification, article 39 CE) et du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté, dès lors qu'elle exerce son activité dans le cadre d'un lien de subordination.

2) L'enfant à charge d'un ressortissant d'un État membre, qui exerce une activité salariée dans un autre État membre tout en conservant sa résidence dans l'État dont il est le ressortissant, peut se prévaloir de l'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68 pour obtenir un financement de ses études dans les mêmes conditions que celles appliquées aux enfants des ressortissants de l'État d'emploi et notamment sans qu'une condition supplémentaire relative à la résidence de l'enfant puisse être imposée.

3) L'enfant à charge d'un ressortissant d'un État membre, qui exerce une activité non salariée dans un autre État membre tout en conservant sa résidence dans l'État dont il est le ressortissant, peut obtenir un financement de ses études dans les mêmes conditions que celles appliquées aux enfants des ressortissants de l'État d'établissement et notamment sans qu'une condition supplémentaire relative à la résidence de l'enfant puisse être imposée.