61995C0260

Conclusions de l'avocat général La Pergola présentées le 16 janvier 1997. - Commissioners of Customs and Excise contre DFDS A/S. - Demande de décision préjudicielle: High Court of Justice, Queen's Bench Division - Royaume-Uni. - Sixième directive TVA - Régime particulier des agences de voyages - Lieu d'imposition de la prestation de services. - Affaire C-260/95.

Recueil de jurisprudence 1997 page I-01005


Conclusions de l'avocat général


1 La question posée à la Cour par la High Court of Justice (Queen's Bench Division) qui a été saisie en appel d'une décision du Value Added Tax Tribunal (ci-après le «VAT Tribunal» est, en substance, la suivante: une société qui exerce une activité d'agent commercial pour le compte d'un organisateur de circuits touristiques, établi dans un autre État membre et qui la contrôle intégralement, doit-elle être considérée, aux fins de l'application de la sixième directive TVA (1), comme un établissement permanent de la première société ou comme un intermédiaire qui agit pour le compte de cette société?

2 Les faits à l'origine du présent litige peuvent être brièvement décrits de la manière suivante.

La société DFDS A/S (ci-après également la «société danoise») exerce, parmi toutes ses activités, celle d'organisateur de voyages à forfait. Cette société est une société de droit danois et elle a son siège à Copenhague.

La DFDS A/S détient la totalité du capital social de la société de droit anglais DFDS Ltd (ci-après également la «société anglaise») qui exerce à partir d'Harwich une activité d'agent commercial pour le compte de la société mère, en vendant les voyages à forfait organisés par cette dernière (2).

3 La maison mère et la société qu'elle contrôle ont conclu un contrat d'agence en vue de réglementer les rapports qu'elles entretiennent (3). La société anglaise a été désignée dans ce contrat comme agent général et de port de la société danoise (plus exactement: de la division passagers de cette société, dénommée Scandinavian Seaways), et elle a reçu pour mission de s'occuper des réservations - sur la totalité du territoire du Royaume-Uni et de l'Irlande - pour les services passagers sur les voyages organisés par la DFDS A/S (article 1er).

Le contrat prévoit d'autres obligations pour la société contrôlée. Parmi les missions qui lui ont été assignées figurent les suivantes: fournir une assistance à la maison mère en ce qui concerne l'activité de surveillance et de contrôle des activités relatives aux voyages touristiques (article 2); mettre à sa disposition du personnel administratif et commercial qualifié (article 3.1); consulter la maison mère avant de procéder à la nomination du personnel de direction (article 3.2); obtenir l'approbation de la maison mère avant la conclusion de certains contrats d'une ampleur particulière et la désignation d'agences de publicité et de relations publiques (article 3.3). Il a été stipulé par ailleurs que la société anglaise exerce ses activités de promotion commerciale dans le cadre et en harmonie avec la stratégie de la maison mère et dans les limites financières que celle-ci détermine (article 3.5). La société anglaise (article 3.8) s'engage, par ailleurs, à gérer les réclamations des passagers et assume des obligations d'autre nature conformément aux indications fournies par la société mère, y compris celles de ne pas introduire d'actions en justice sans accord préalable de cette dernière. L'article 3.9 du contrat d'agence prévoit, enfin, que la société anglaise ne doit pas fournir de prestations à d'autres compagnies de transports de passagers sans accord préalable de la maison mère.

En contrepartie de cette activité (article 4.1.1), la société mère est tenue de verser une commission brute de 19 % sur les prestations vendues par la société de droit anglais.

4 Compte tenu des données précitées, nous rappelons certains éléments de fait qui permettent de mieux préciser les rapports entre les deux sociétés.

Comme cela résulte du dossier de l'affaire, la société anglaise, lorsqu'une demande lui en est faite - soit directement par un client, soit par l'intermédiaire d'une agence de voyages -, accède, grâce à un terminal informatique situé à Harwich, à l'ordinateur central de la société danoise à Copenhague qui dispose des informations relatives aux places disponibles sur les ferries et aux disponibilités hôtelières. Dans le cas où le voyage ou l'hébergement demandés sont disponibles, la réservation est acceptée et la société anglaise fournit les documents nécessaires aux passagers. Ces documents sont émis au nom et pour le compte de la société danoise.

En ce qui concerne, au contraire, l'aspect plus strictement financier, la marge d'appréciation de la société anglaise pour décider de la tarification à appliquer est extrêmement limitée. Elle doit respecter les tarifs que la société danoise a établis après consultation de la société anglaise. Les recettes de la société anglaise sont, d'autre part, transférées à la fin de chaque mois sur le compte de la société danoise, après retenue de la marge convenue de 19 %.

La société anglaise traite enfin directement de l'activité de commercialisation et de publicité en coordonnant toutefois ses initiatives avec la division commerciale de la société danoise. Cette dernière, nous le rappelons, assume de son côté les frais exposés à des fins publicitaires.

5 En 1993, l'administration fiscale britannique a rendu une décision selon laquelle la société DFDS A/S était tenue de se faire enregistrer aux fins du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée au Royaume-Uni. Elle a notamment précisé par lettre du 20 août 1993 que la DFDS A/S devait être assujettie à la TVA s'agissant des circuits touristiques vendus au Royaume-Uni par la société anglaise. L'administration britannique a considéré la DFDS Ltd comme «un établissement stable» de la maison mère, en considérant par conséquent que cette dernière devait être assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée en Grande-Bretagne, s'agissant des prestations économiques fournies en Grande-Bretagne par la société anglaise.

6 La société danoise est d'un avis contraire. Elle considérait (et continue de le faire) que les prestations fournies par la société anglaise devaient (et doivent) être considérées, aux fins de la législation fiscale, comme une simple activité d'intermédiaire pour le compte de la maison mère. De la nature des prestations, il résulterait que, dans l'ordre juridique britannique, la base d'imposition doit être constituée exclusivement par les sommes (ce qu'il est convenu d'appeler la «marge»), versées à la société anglaise pour l'activité d'intermédiaire qu'elle exerce pour le compte de la maison mère (4).

7 Sur la base de ces arguments, la DFDS A/S a contesté la décision en cause devant le VAT Tribunal, London.

La juridiction fiscale a fait droit au recours. Elle a précisé que la société danoise avait son siège au Danemark et ne saurait être assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée au Royaume-Uni en ce qui concerne les prestations qu'elle vend à partir de Harwich. Il en va ainsi pour deux types de motifs: le critère du siège doit être considéré comme étant prioritaire sur celui d'établissement stable; les moyens humains et techniques de la société anglaise doivent être considérés comme un établissement stable de la société elle-même et non de la maison mère (5).

8 La High Court, saisie en appel par l'administration britannique, a déféré à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«Moyennant une interprétation correcte de la directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires (la sixième directive TVA), et en particulier de l'article 26 de cette directive, lorsqu'un organisateur de circuits touristiques a son quartier général dans un État membre A, mais fournit des prestations de services sous forme de circuits à forfait à des voyageurs par l'intermédiaire d'une société opérant en qualité d'agent dans un État membre B:

a) dans quelles circonstances (s'il y a lieu), la fourniture de ces prestations de services par l'organisateur de circuits touristiques est-elle imposable dans l'État membre B?

b) dans quelles circonstances (s'il y a lieu), peut-on considérer que l'organisateur de circuits touristiques `a établi le siège de son activité économique' ou `un établissement stable à partir duquel il a fourni la prestation de services' dans l'État membre B?»

Au cours de la procédure, la DFDS A/S, le gouvernement italien, le gouvernement du Royaume-Uni et la Commission ont présenté des observations. Les représentants de la DFDS A/S, des gouvernements du Royaume-Uni et allemand ainsi que ceux de la Commission sont intervenus lors de l'audience.

Le cadre législatif

9 Les éléments de fait ayant été ainsi rappelés, voyons quelles sont les règles applicables au présent litige. Les dispositions pertinentes sont les articles suivants de la sixième directive.

L'article 9, paragraphe 1, indique la règle générale pour déterminer le lieu d'une prestation assujettie à la TVA:

«Le lieu d'une prestation de services est réputé se situer à l'endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable à partir duquel la prestation de services est rendue ou, à défaut d'un tel siège ou d'un tel établissement stable, au lieu de son domicile ou de sa résidence habituelle.»

L'article 26 (paragraphes 1 et 2) précise le régime particulier des agences de voyages. Ces dispositions sont les suivantes:

«1. Les États membres appliquent la taxe sur la valeur ajoutée aux opérations des agences de voyages conformément au présent article, dans la mesure où ces agences agissent en leur propre nom à l'égard du voyageur et lorsqu'elles utilisent, pour la réalisation du voyage, des livraisons et des prestations de services d'autres assujettis. Le présent article n'est pas applicable aux agences de voyages qui agissent uniquement en qualité d'intermédiaires et auxquelles l'article 11, sous A), paragraphe 3, sous c), est applicable. Au sens du présent article, sont également considérés comme agences de voyages les organisateurs de circuits touristiques.

2. Les opérations effectuées par l'agence de voyages pour la réalisation du voyage sont considérées comme une prestation de service unique de l'agence de voyages au voyageur. Celle-ci est imposée dans l'État membre dans lequel l'agence de voyages a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable à partir duquel elle a fourni la prestation de services. Pour cette prestation de services est considérée comme base d'imposition et comme prix hors taxe, au sens de l'article 22, paragraphe 3, sous b), la marge de l'agence de voyages, c'est-à-dire la différence entre le montant total à payer par le voyageur hors taxe à la valeur ajoutée et le coût effectif supporté par l'agence de voyages pour les livraisons et prestations de services d'autres assujettis, dans la mesure où ces opérations profitent directement au voyageur» (c'est nous qui mettons en italique).

L'article 28, paragraphe 3, sous g), prévoit que, pendant la période transitoire visée au paragraphe 4, les États membres peuvent:

« ...

par dérogation aux dispositions de l'article 17, paragraphe 3, et de l'article 26, paragraphe 3, continuer à exonérer, sans droit à déduction des taxes payées en amont, les prestations de services des agences de voyages visées à l'article 26, paragraphe 3 ...».

Analyse juridique

10 Comme cela est indiqué dans le septième considérant de la sixième directive «la détermination du lieu des opérations imposables a entraîné des conflits de compétence entre les États membres, notamment en ce qui concerne ... les prestations de services». Outre l'harmonisation des règles prévues par les États membres en la matière, la sixième directive définit les critères selon lesquels les conflits éventuels devront être résolus par les juridictions concernées.

11 La règle figurant à l'article 9, paragraphe 1, prévoit de manière générale de quelle façon il y a lieu de déterminer le lieu de la prestation de services. Le critère adopté concerne principalement le lieu où le prestataire a établi le siège de son activité économique ainsi que celui dans lequel il a constitué un établissement stable à partir duquel la prestation de services est fournie. A défaut d'un tel siège ou d'un tel établissement, il y a également lieu de prendre en considération, de manière subsidiaire, le critère du lieu où le prestataire de services a fixé son domicile ou sa résidence habituelle.

12 La règle figurant à l'article 26 prévoit au contraire une réglementation spéciale en matière de TVA pour les agences de voyages et les organisateurs de circuits touristiques. La décision du législateur de taxer «la marge de l'agence de voyages» tire son origine de la spécificité de l'activité des agences de voyages et, notamment, de l'exigence de soumettre à la taxation au lieu où elles sont effectivement fournies les différentes prestations dont se compose la prestation plus générale d'un voyage organisé. A cet égard, la Cour a déjà eu l'occasion de préciser que «les services fournis par ces entreprises se caractérisent par le fait que, le plus souvent, ils se composent de multiples prestations, notamment en matière de transport et d'hébergement, qui se réalisent tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du territoire de l'État membre où l'entreprise a son siège ou un établissement stable» (6). Il en a été déduit, par conséquent, que si l'on n'adoptait pas un régime spécifique «l'application des règles de droit se heurterait, en raison de la multiplicité de la localisation des prestations fournies, à des difficultés pratiques pour ces entreprises, qui seraient de nature à entraver l'exercice de leur activité» (7).

13 Entre les deux règles que nous venons de rappeler, il y a toutefois un lien dont l'interprète doit tenir compte. Pour déterminer si les recettes perçues par la DFDS A/S en relation avec les circuits touristiques commercialisés par la société DFDS Ltd qu'elle contrôle doivent concourir à former la base d'imposition de l'agence de voyages au Royaume-Uni ou au Danemark, il faut, en effet, faire référence à la règle qui figure à l'article 9. Le jugement de renvoi a, du reste, admis, en ce qui concerne les agences de voyages, que les critères prévus par l'article 26, paragraphe 2, deuxième phrase - le siège de l'activité économique ou un établissement stable, à partir duquel la prestation est fournie - sont analogues, à plusieurs égards, à ceux définis par la règle générale (8). Il importe par conséquent avant tout de rappeler comment cette dernière disposition a été interprétée précédemment par la jurisprudence de la Cour.

14 Lorsqu'elle a statué dans l'affaire Berkholz, la Cour a fourni des indications sur divers aspects de la règle figurant à l'article 9, en précisant la signification de la notion de siège de l'activité économique, celle d'établissement stable, ainsi que le rapport entre ces deux notions (9).

15 Définir la notion de siège de l'activité économique de l'entreprise, écrivait l'avocat général M. Mancini, ne pose pas «de problèmes». Il est clair que cette notion doit être «entendue dans le sens technique: [c'est-à-dire qu'elle] se réfère au siège social, tel qu'il est indiqué par l'acte constitutif de la société propriétaire de l'entreprise prestataire» (10). Si l'on applique cette définition aux faits de la présente affaire, il ne fait aucun doute et cela a d'ailleurs été admis par toutes les parties qui sont intervenues à la présente procédure que la DFDS A/S est une société constituée selon le droit danois, dont le siège légal est au Danemark.

16 Il est par contre plus problématique de définir la notion «d'établissement stable, à partir duquel la prestation de services est rendue». En statuant dans l'affaire Berkholz, précitée, la Cour a affirmé que, pour qu'il y ait un établissement stable, il est nécessaire qu'il y ait une réunion permanente de moyens humains et techniques nécessaires aux prestations de services en cause (11).

17 En ce qui concerne le rapport entre les deux critères de rattachement, la Cour a ensuite indiqué que le second était subsidiaire par rapport au premier. Ce n'est notamment que «si la référence au critère du siège ne conduit pas à une solution rationnelle du point de vue fiscal ou crée un conflit avec un autre État membre» que la prise en considération d'un autre établissement à partir duquel la prestation de services est rendue présente un intérêt (12). Le critère du siège de l'activité économique doit, somme toute, être considéré comme un «point de rattachement prioritaire» (13).

18 Après avoir précisé les notions qu'il convient d'utiliser dans l'analyse de la présente affaire, abordons maintenant le fond de la question. Pour répondre aux questions posées par la juridiction de renvoi, il nous faut nous interroger, tout d'abord, sur le point de savoir si la société anglaise peut être considérée, en raison de la nature du rapport qui la lie à la société mère, comme un «établissement permanent» de la société danoise à partir duquel la prestation de services est rendue. En second lieu, il s'agit de déterminer, au regard des faits de l'espèce, quel est celui des deux critères qui doit être appliqué à la présente affaire.

19 Pour déterminer si la société anglaise doit être entendue comme un «établissement permanent» de la société mère à partir duquel les prestations de services sont rendues, il y a lieu, à notre avis, d'utiliser les précisions résultant de plusieurs arrêts rendus par la Cour en matière de concurrence, notamment en ce qui concerne la notion d'agence. Nous nous référons, plus spécialement, aux arrêts dans lesquels a été défini le champ d'application de la règle figurant à l'article 85, paragraphe 1, du traité en ce qui concerne les agents commerciaux (14).

20 Le problème était, on le sait, - et il est encore - de définir dans quelles conditions un agent commercial doit être considéré comme une entité indépendante du commettant. De la position que l'on adopte à cet égard, se déduit la réponse à la question de savoir si les rapports entre le commettant et l'agent peuvent ou non être analysés sur la base de l'article 85, paragraphe 1. Une telle disposition ne peut en effet s'appliquer que dans le cas dans lequel l'agent est indépendant. Comme l'a écrit l'avocat général M. Tesauro, «l'intégration du représentant dans l'entreprise du commettant comporterait ... la `disparition' de l'agent en tant qu'opérateur économique indépendant» (15).

21 Dans l'arrêt Vereniging van Vlaamse Reisbureaus, la Cour a précisé son point de vue en ce qui concerne les agences de voyages (16). Répondant à une objection soulevée par le gouvernement belge et visant à soustraire certains rapports commerciaux entre un organisateur de circuits touristiques et une agence de voyages du champ d'application de l'article 85, paragraphe 1, la Cour a dit pour droit qu'«un agent de voyages du type visé par la juridiction nationale est à considérer comme un intermédiaire indépendant exerçant une activité de prestation de services autonome. En effet, d'une part, l'agent vend des voyages organisés par un nombre très élevé de tour-operators, et, d'autre part, un tour-operator vend ses voyages à travers un nombre très élevé d'agents. Un tel agent de voyages ne saurait être qualifié ... d'organe auxiliaire intégré dans l'entreprise de tel ou tel autre tour-operator» (17) (c'est nous qui mettons en italique).

22 Si l'on examine de près ces considérations, les conclusions auxquelles la Cour a abouti dans l'affaire citée peuvent être utilisées pour la solution du présent litige. Il ne fait aucun doute que, selon les critères sur lesquels la Cour s'est fondée dans l'arrêt précité, la DFDS Ltd ne saurait être considérée comme un agent indépendant. Et cela pour des motifs qui tiennent à la fois aux relations structurelles de propriété et aux relations fonctionnelles: en premier lieu, parce que le fait de détenir la totalité du capital social de la société plaide déjà dans le sens de la «dépendance» de cette société par rapport à la maison mère; en second lieu, parce que, - sous l'angle fonctionnel qu'il y a lieu de prendre en considération au regard de l'arrêt précité de la Cour - la société anglaise, à la différence de ce qui était le cas dans l'arrêt Vereniging van Vlaamse Reisbureaus, ne commercialise pas les voyages organisés d'un nombre très élevé d'organisateurs de circuits touristiques. Au contraire, le rapport contractuel qui la lie à la maison mère précise que l'activité d'agent ne peut être exercée que vis-à-vis de cette dernière, à moins qu'elle ne lui ait elle-même expressément accordé une autorisation en ce sens. Dans le cas contraire, vu la manière dont le contrat d'agence régit les rapports entre société mère et société filiale, la filiale ne jouit pas d'une autonomie effective vis-à-vis de la société mère pour l'exercice de ses propres activités. Plaident en ce sens un certain nombre d'éléments que nous avons rappelés ci-dessus: notamment, la nécessité d'une autorisation préalable de la société mère pour l'accomplissement des actes d'administration de la société ainsi que la nomination des dirigeants (article 3.2), la conclusion de contrats importants, la désignation d'agences de publicité et de relations publiques (article 3.3), l'absence d'une marge d'appréciation pour déterminer le prix des prestations. L'ensemble de ces indications nous amène à penser, si l'on a, par ailleurs, présent à l'esprit la forme juridique de la société, que la société anglaise agit comme auxiliaire de la société mère.

23 Dans l'arrêt Volkswagen et VAG Leasing, précité, la Cour a également souligné le critère du risque: «des représentants ne sont susceptibles de perdre leur qualité d'opérateur économique indépendant» - a affirmé la Cour - «que lorsqu'ils ne supportent aucun des risques résultant des contrats négociés pour le commettant et opèrent comme auxiliaires intégrés à l'entreprise du commettant» (18). Or, même si l'on adopte ce critère, la conclusion à laquelle il nous faut parvenir en ce qui concerne le caractère auxiliaire de la DFDS Ltd par rapport à la société mère reste la même. La situation de la société anglaise est différente de celle des concessionnaires allemands dans l'affaire Volkswagen et VAG Leasing. Elle ne semble en effet supporter aucun des risques financiers qui concernent les contrats conclus avec les consommateurs dans le cadre de l'activité d'agence qu'elle exerce pour le compte de la société danoise.

24 La société anglaise est par conséquent un organe auxiliaire intégré économiquement dans la société danoise. Il reste à examiner la question de savoir si la DFDS Ltd peut être considérée comme un «établissement permanent» de la société mère.

25 A cet égard, le renvoi, fait par le gouvernement du Royaume-Uni dans ses observations, à la jurisprudence de la Cour est pertinent. Les décisions rappelées sont celles qui ont été rendues dans les arrêts Factortame e.a., et «Coassurance» et doivent être toutes deux prises en considération pour la présente affaire (19).

Dans l'arrêt Factortame e.a., il est précisé que la notion d'établissement «comporte l'exercice effectif d'une activité économique au moyen d'une installation stable dans un ... État membre pour une durée indéterminée» (20).

Le deuxième arrêt cité est encore plus explicite, en ce qui concerne la présente affaire. Il est indiqué dans cet arrêt que l'entreprise (d'assurances) d'un autre État membre qui maintient, dans l'État membre en cause, une présence permanente, relève des dispositions du traité sur le droit d'établissement et cela «même si cette présence n'a pas pris la forme d'une succursale ou d'une agence, mais s'exerce par le moyen d'un simple bureau, géré par le propre personnel de l'entreprise, ou d'une personne indépendante mais mandatée pour agir en permanence pour celle-ci comme le ferait une agence» (21).

26 Voyons maintenant si les critères définis par la Cour dans les arrêts précités sont remplis en l'espèce. A notre avis, ils le sont. Les conditions touchant à l'exercice effectif de l'activité, à la durée indéterminée et au fait que cette activité est exercée à partir d'un établissement stable sont remplies. Ces constatations sont confirmées par l'examen approfondi des faits qui a été effectué par le VAT Tribunal. La décision adoptée par cette juridiction souligne différents éléments, parmi lesquels se détache du point de vue de son importance - nous partageons, à cet égard, l'opinion exprimée par le représentant de la Commission lors de l'audience - l'indication relative au nombre de salariés, environ 100, employés par la société anglaise. Il ne manque pas, du reste, d'autres considérations d'ordre factuel qui donnent à penser que la prestation offerte au consommateur est, elle aussi, fournie en Grande-Bretagne. La conclusion du contrat a lieu en Grande-Bretagne; le paiement est versé probablement en monnaie locale; les réclamations éventuelles des clients seront gérées par la société anglaise; la société mère rembourse les frais que la DFDS Ltd doit supporter pour des actions judiciaires visant à la protection de ses intérêts.

27 Sur la base des éléments que nous avons rappelés, la DFDS Ltd répond au critère d'un établissement stable tel qu'il a été défini dans l'arrêt Berkholz. On est ici en présence d'«une réunion permanente de moyens humains et techniques nécessaires aux prestations du service en cause». Les conditions nécessaires pour qu'il y ait «établissement stable» sont donc réunies.

Il y a lieu, également, d'avoir présent à l'esprit le fait que la présente espèce est tout à fait différente de celle qui est actuellement examinée par la Cour dans l'affaire C-190/95. Dans cette affaire, l'avocat général M. Fennelly avait proposé à la Cour de retenir le critère du siège social de l'entreprise (22) aux Pays-Bas plutôt que celui du lieu qui, dans l'affaire citée, est la Belgique, dans laquelle l'entreprise avait une activité résiduelle de leasing de voitures. Pour conclure en ce sens, l'avocat général se fonde sur différents éléments de l'affaire et, par exemple, la circonstance que la société néerlandaise n'avait pas le siège de son activité économique en Belgique, que les contrats de leasing des voitures étaient conclus aux Pays-Bas et constituaient la partie essentielle des services qu'elle offrait, auxquels était affectée une organisation importante en hommes et en moyens (23). Quelle conséquence sommes-nous en mesure de tirer des conclusions formulées par l'avocat général dans l'affaire citée, qui puisse nous servir pour l'analyse qui est demandée aujourd'hui à la Cour? A notre avis, celle de reconnaître que, dans la présente affaire, nous nous trouvons en présence d'un établissement permanent au Royaume-Uni, tel qu'il est défini par la réglementation communautaire.

28 Les questions posées dans la présente affaire exigent, enfin, que l'on clarifie le rapport existant entre les deux critères prévus par l'article 26, paragraphe 2. Nous avons dit précédemment, en rappelant l'affaire Berkholz et d'autres arrêts ultérieurs de la Cour, que le critère d'établissement stable ne doit être pris en considération qu'à titre subsidiaire. Tel est le cas lorsque la référence au siège de l'entreprise ne permet pas une solution rationnelle du problème fiscal, soit en ce qui concerne la justification de la charge qu'elle fait supporter au contribuable, soit pour la détermination de l'État membre qui est compétent pour percevoir la taxe ou pour prévenir un conflit avec l'administration fiscale d'autres États membres (24).

29 C'est à l'autorité fiscale compétente de chaque État membre qu'il incombe de déterminer dans quel cas il convient d'appliquer l'un des deux critères au lieu de l'autre. La Cour, quant à elle, est appelée à expliquer et à contrôler les conditions qui doivent amener à préférer un critère à l'autre. Ainsi, dans la présente affaire, l'analyse doit porter directement sur les conséquences qui résulteraient de l'utilisation du critère général, celui du siège de l'activité économique. Si le résultat est rationnel, comme le veut la directive, il y a lieu de préférer ledit critère. Il n'est dans ce cas pas besoin de l'autre critère qui concerne le lieu de l'établissement permanent.

30 Le gouvernement du Royaume-Uni souhaiterait, en se fondant sur les conclusions de l'avocat général M. Mancini, dans l'affaire Berkholz, trouver une solution au problème posé en faisant appel aux principes généraux de la réglementation communautaire en matière fiscale (25). Relèverait des principes susmentionnés celui qui consiste à prélever la TVA sur le lieu de la prestation de services. Ceci étant posé, et également en tenant compte des rapports entre la société anglaise et la maison mère, le gouvernement du Royaume-Uni en déduit que la société DFDS Ltd est un établissement secondaire de la DFDS A/S. Cette dernière devrait par conséquent, pour les prestations qu'elle fournit à partir d'Harwich, être assujettie à la taxe au Royaume-Uni.

31 La DFDS aboutit à des conclusions en sens inverse: selon elle, le recours au critère du siège social n'est absolument pas irrationnel ou injustifié; le critère du lieu d'établissement aurait par contre pour conséquence d'entraîner une confusion, des conflits de juridiction et des complications inutiles dans le fonctionnement du régime de la TVA (26).

32 Pour les raisons que nous exposerons ci-après, nous estimons pouvoir partager la thèse avancée par le gouvernement du Royaume-Uni. Nous sommes, nous aussi, d'avis que le critère du siège de l'activité économique ne conduit pas, en l'espèce, à des résultats rationnels. L'utilisation de ce critère aurait pour première conséquence, au contraire, celle de ne pas respecter le critère normatif selon lequel le lieu d'imposition doit normalement tendre à coïncider avec le lieu où la prestation est fournie au consommateur. C'est ce critère-là qui est le critère fondamental: le système de la TVA doit être appliqué en adhérant le mieux possible à la réalité économique. Le critère subsidiaire ne doit pas, selon nous, être subordonné de manière trop mécanique à celui du siège de l'activité économique lorsqu'on en évalue l'application éventuelle.

33 D'autre part, l'application de ce dernier critère, telle que la souhaite la société danoise, aurait pour conséquence, en l'espèce, d'aggraver les problèmes plutôt que de les simplifier. Quelles seraient les conséquences de la possibilité laissée aux entreprises du secteur de déterminer en choisissant leur siège également le lieu d'imposition des prestations qu'elles fournissent? Ce choix aurait pour effet une distorsion de la libre concurrence et d'autres répercussions plus générales dans le cadre de l'activité économique.

La lettre g) de l'article 28, paragraphe 3, reconnaît en effet aux États membres la faculté d'accorder des exonérations et il n'est pas difficile de supposer que les entreprises choisiraient de fixer leur siège sur le territoire d'un État membre qui s'est prévalu de cette faculté. C'est ce qu'a fait le royaume de Danemark. Retenir dans un tel cas le critère du siège signifie fausser la concurrence entre les entreprises actives sur le même marché. En l'espèce, les opérateurs qui offrent des services touristiques en Grande-Bretagne seraient discriminés pour avoir établi leur siège en un lieu plutôt qu'en un autre. Certains d'entre eux seraient soumis au paiement de la TVA sur les prestations effectuées, d'autres pas.

34 Il faut enfin s'interroger sur la lettre et la finalité de l'article 26, paragraphe 2. L'importance du fait que la seconde phrase de l'article 26, paragraphe 2, énonce expressément deux critères au lieu d'un seul ne saurait échapper à l'interprète. Si le législateur en a disposé ainsi, c'est parce qu'il a prévu, outre l'hypothèse générale du siège social, celle dans laquelle les activités des agences de tourisme se diversifient, les prestations desdites agences étant fournies dans des lieux différents sur le territoire de la Communauté. C'est dans cette seconde hypothèse que le système mis en place par la directive amène à envisager comme lieu de l'imposition le lieu où ont été fournies concrètement les prestations, et non le lieu où est établi le siège de l'entreprise. Le critère de l'établissement à partir duquel est «fournie» la prestation est subsidiaire par rapport à celui du siège mais uniquement en ce sens qu'il s'applique à titre alternatif. Il s'agit, toutefois, d'un critère qui est, lui aussi, un critère principal. Le législateur a considéré qu'il était pertinent, aux fins de l'imposition, de la même manière que le critère du siège. S'il n'en allait pas ainsi, la disposition en cause aurait été formulée de manière différente: on aurait adopté pour seul critère le critère du siège de l'activité économique, au moins en ce qui concerne les entreprises constituées sur le territoire de la Communauté; le critère de l'établissement aurait, d'autre part, dû être limité au cas dans lequel les prestations sont fournies dans le cadre de la Communauté alors que le siège de l'entreprise est établi en dehors de ce territoire (27). Nous rappelons cependant que l'arrêt dans l'affaire Berkholz doit être lu en tenant dûment compte des circonstances de fait qui caractérisaient cette affaire. On ne peut en élargir la portée de manière non justifiée ni l'étendre, en ce sens que l'hypothèse du lieu d'établissement à partir duquel sont effectuées les prestations est nécessairement une hypothèse seulement résiduelle (28). Une telle solution ne serait pas conforme aux principes qui inspirent la réglementation communautaire.

35 La thèse avancée par la société danoise, laquelle pèche en effet par formalisme, n'est pas conforme à ces principes. Elle ignore le fait que la réalité économique qui sous-tend la présente affaire justifie que les activités des agences de voyages soient assujetties à la TVA là où sont exécutées les prestations.

Il y a plus. On ne saurait résoudre la présente affaire dans le sens présenté par la société danoise sans être en contradiction avec la méthode d'interprétation qui, selon nous, doit guider l'analyse de la présente espèce. Nous nous appuyons, pour justifier ce choix, sur les précisions fournies par l'avocat général M. Darmon dans ses conclusions relatives à l'affaire Daily Mail and Trust, précitée. Dans cette affaire, il y avait lieu d'apprécier les critères en présence desquels on pouvait constater que l'on était en présence du siège de l'administration centrale d'une entreprise. Il concluait comme suit: «cette désignation ne saurait résulter d'une appréciation juridique formelle sans égard à une pluralité d'éléments de faits déterminants, dont la portée respective pourrait varier selon le type de société en cause» (29) (c'est nous qui mettons en italique).

36 Par ailleurs, une confirmation indirecte mais significative de la justesse de cette conclusion réside dans le fait que le législateur communautaire n'a pas souhaité donner suite à un avis formulé par le comité de la taxe sur la valeur ajoutée - repris dans la proposition de dix-neuvième directive - dans lequel il était envisagé d'ajouter un paragraphe à l'article 9. Le nouveau paragraphe, le paragraphe 4, prévoyait une définition extensive de la notion d'établissement stable qui recouvrait toute installation fixe d'un assujetti, même si «aucune opération imposable n'est susceptible d'y être effectuée» (30).

37 Or, la raison pour laquelle le législateur a choisi de ne pas introduire de modification de l'article 9, telle que celle-ci est formulée dans la directive, s'explique précisément, selon nous, parce qu'il a entendu confirmer le caractère substantiel de la notion d'«établissement stable». Cette notion est une notion typiquement économique, comme le souligne le gouvernement italien dans ses observations. Elle désigne exclusivement un établissement à partir duquel une prestation peut être fournie - du fait qu'un tel établissement dispose de suffisamment de moyens humains et techniques destinés à cet usage - et l'est effectivement.

Conclusions

Pour les motifs ci-dessus exposés, nous considérons qu'il y a lieu de suggérer à la Cour de répondre de la manière suivante aux questions préjudicielles posées par la High Court of Justice:

«Lorsqu'un organisateur de circuits touristiques a son quartier général dans un État membre A, mais fournit des prestations de services sous forme de circuits à forfait par l'intermédiaire d'une société opérant en qualité d'agent dans un État membre B, la fourniture de ces services par l'organisateur de circuits touristiques est assujettie à l'impôt sur la valeur ajoutée dans l'État membre B, dès lors que la société qui exerce des activités d'agent n'a pas le caractère d'une société indépendante et autonome vis-à-vis de l'organisateur de circuits touristiques, mais constitue un simple auxiliaire de ce dernier, et qu'elle est dotée d'une structure comprenant des moyens tant humains que techniques de nature à fournir les prestations de services en cause.»

(1) - Sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»).

(2) - Il faut noter que, jusqu'en 1989, la DFDS Ltd vendait directement des circuits touristiques en Grande-Bretagne et que, aux fins de l'impôt, la base imposable pour le calcul de la TVA était constituée par la marge de l'organisateur de voyages. C'est seulement à partir de cette date que ces voyages ont été proposés par DFDS A/S pour son propre compte et que la DFDS Ltd a cessé d'être soumise à la taxe sur la valeur ajoutée s'agissant des circuits touristiques qu'elle organise en Grande-Bretagne.

(3) - Un premier contrat avait été conclu le 1er janvier 1989. Ce contrat a été remplacé par un nouveau contrat conclu en des termes en substance identiques, le 1er décembre 1991.

(4) - L'intérêt économique de la société danoise à ne pas être assujettie à la TVA au Royaume-Uni tire son origine, comme l'a par ailleurs reconnu à l'audience l'avocat de cette société, du fait que le royaume de Danemark, faisant usage de la faculté qui lui a été conférée par les dispositions de la sixième directive, a accordé une exonération de TVA aux entreprises qui exercent des activités d'agents de voyages.

(5) - Voir le point 6 de la décision du VAT Tribunal du 23 août 1994 (LON/93/2396A): «bien que les locaux de la société anglaise constituent sans aucun doute un `établissement stable', ils sont l'établissement stable de la société anglaise et non de la société danoise».

(6) - Arrêt du 12 novembre 1992, Van Ginkel (C-163/91, Rec. p. I-5723, point 13).

(7) - Arrêt Van Ginkel, précité, point 14.

(8) - Ordonnance de renvoi (5.5.2).

(9) - Arrêt du 4 juillet 1985 (168/84, Rec. p. 2251).

(10) - Conclusions de l'avocat général M. Mancini relatives à l'affaire Berkholz, précitée (Rec. p. 2252; point 2).

(11) - Arrêt Berkholz, précité, point 1 du dispositif.

(12) - Arrêt Berkholz, précité, point 17.

(13) - Arrêt Berkholz, précité, point 17.

(14) - Voir les arrêts du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission (56/64 et 58/64, Rec. p. 429); du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission (40/73 à 48/73, 50/73, 54/73, 55/73, 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, Rec. p. 1663); du 1er octobre 1987, Vereniging van Vlaamse Reisbureaus (311/85, Rec. p. 3801), et du 24 octobre 1995, Volkswagen et VAG Leasing (C-266/93, Rec. p. I-3477).

(15) - Conclusions de l'avocat général M. Tesauro dans l'affaire Volkswagen et VAG Leasing (Rec. 1995, p. I-3479).

(16) - Arrêt précité.

(17) - Arrêt précité, point 20.

(18) - Arrêt précité, point 19.

(19) - Arrêt du 25 juillet 1991 (C-221/89, Rec. p. I-3905), et du 4 décembre 1986, dit «Coassurance», Commission/Allemagne (205/84, Rec. p. 3755).

(20) - Arrêt précité, point 20.

(21) - Arrêt Commission/Allemagne, précité (point 21; c'est nous qui mettons en italique). Voir également les conclusions de l'avocat général M. Darmon dans l'affaire Daily Mail and General Trust, dans lesquelles, après avoir rappelé la définition donnée par la Cour dans l'arrêt précité dans l'affaire Commission/Allemagne, l'avocat général a précisé que «le droit d'établissement peut se concrétiser de deux façons différentes. Il peut s'agir, d'une part, de la création de filiales, de succursales, ou d'agences. On parlera alors d'établissement secondaire» (Rec. 1988, p. 5500, point 4). Voir également l'arrêt du 27 septembre 1988, dans l'affaire Daily Mail and Trust, précitée «Pour une société, le droit d'établissement s'exerce, en règle générale, sous forme de création d'agences, de succursales ou de filiales» (Rec. p. 5483, point 17).

(22) - Conclusions présentées le 12 décembre 1996 dans l'affaire ARO Lease.

(23) - Conclusions précitées, point 31.

(24) - Voir, en dernier lieu, dans le même sens, l'arrêt de la Cour du 2 mai 1996, dans l'affaire Faaborg-Gelting Linien (C-231/94, Rec. p. I-2395, points 16 et 17). Voir également les conclusions de l'avocat général M. Fennelly du 28 novembre 1996, dans l'affaire C-167/95, Linthorst, Pouwels en Scheres (point 26).

(25) - Observations présentées dans la présente affaire par le gouvernement du Royaume-Uni (point 24). Il est fait référence au point 2 des conclusions de l'avocat général M. Mancini, qui, se demandant auquel des deux critères principaux de l'article 9 il convenait de recourir, lorsque, comme en l'espèce, le siège et l'établissement stable du prestataire de services ne coïncident pas, répondait comme suit: «sur ce point, la règle ne dit rien ... et les motifs de la directive ne nous éclairent pas. Nous proposons alors de recourir au principe général selon lequel la taxe à la valeur ajoutée doit être prélevée sur le lieu de la consommation. En effet, il nous incite à préférer le critère qui permet de localiser la prestation avec une plus grande exactitude; et il n'est pas douteux que, entre les deux, le plus apte à ce but est celui - évidemment plus ponctuel - d'établissement stable» (c'est nous qui mettons en italique).

(26) - Point 21 des observations de la DFDS.

(27) - Nous partageons, par ailleurs, l'opinion de la Commission lorsqu'elle considère que l'interprétation de l'article 26, paragraphe 2, qui a été donnée par la société DFDS A/S n'est pas correcte. Nous considérons, en effet, que l'objectif de la règle qui est «de réduire à une seule», à des fins fiscales, les diverses prestations par lesquelles se traduit l'activité d'opérateur touristique n'a pas de conséquence, au contraire de ce qu'a soutenu la société danoise lors de l'audience, sur le lieu de la prestation, en ce sens que le lieu de la prestation doit également être unique. Les deux aspects de la règle - celle de déterminer les prestations assujetties à la TVA et celle de déterminer le lieu où ces prestations doivent être soumises à l'impôt - sont, en effet, logiquement distinctes et elles doivent, selon nous, le rester. Reconnaître, par conséquent, que le lieu de la prestation est celui dans lequel est situé l'établissement permanent à partir duquel la prestation est effectuée n'aurait pas pour conséquence, selon nous, une fragmentation ou une atomisation de la compétence fiscale comme cela a été craint par la société DFDS A/S à l'audience. De manière plus simple, une telle solution aurait pour conséquence de soumettre à la TVA les services fournis par les organisateurs touristiques (considérés dans leur ensemble) là où ils sont effectivement fournis aux consommateurs.

(28) - Voir Farmer, P., Lyal, R.: EC Tax Law, Oxford, 1994, p. 160, qui, après avoir précisé «l'arrêt Berkholz peut être entendu comme exprimant une réticence de la part de la Cour à se référer aux établissements secondaires. Les termes employés par la Cour doivent, toutefois, être lus à la lumière des circonstances de l'espèce dans lesquelles un assujetti avait tenté d'échapper à l'assujettissement à l'impôt dans la Communauté en créant des établissements nationaux en dehors du territoire de la Communauté», concluaient comme suit «nous pensons que dans un cas dans lequel un fournisseur ... a plusieurs établissements, tous en mesure de fournir des services, la méthode la plus appropriée pour déterminer le lieu de la fourniture d'une prestation de service au sens de l'article 9, paragraphe 1 ... serait de déterminer l'établissement du fournisseur dont les ressources ont servi à titre principal pour fournir le service en cause ...».

(29) - Conclusions précitées, point 7 (mais également les considérations développées, point 8).

(30) - Proposition de dix-neuvième directive du Conseil en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires modifiant la directive 77/388/CEE présentée par la Commission au Conseil, le 5 décembre 1984 [JO C 347, p. 5; voir article 1er, sous b), c'est nous qui mettons en italique]. On peut lire l'historique de cette proposition de modification dans Farmer et Lyal, op. cit., p. 158.