Arrêt du Tribunal de première instance (première chambre) du 6 mars 1996. - Michael Becker contre Cour des comptes des Communautés européennes. - Fonctionnaires - Classement en échelon - Ancienneté - Égalité de traitement - Devoir de sollicitude. - Affaire T-93/94.
Recueil de jurisprudence 1996 page II-00141
page IA-00091
page II-00301
Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
++++
Fonctionnaires ° Recrutement ° Classement en échelon ° Bonification d' ancienneté d' échelon ° Agent temporaire nommé fonctionnaire ° Égalité de traitement
(Statut des fonctionnaires, art. 32)
L' absence de caractère rétroactif du règlement n 3947/92 qui a introduit l' article 32, troisième alinéa, dans le statut ne saurait faire obstacle, conformément au principe de l' égalité de traitement, à l' application immédiate de cette disposition à toutes les personnes qui entrent dans son champ d' application, y compris les agents temporaires nommés fonctionnaires avant l' entrée en vigueur dudit règlement. En effet, la disposition en cause se borne à indiquer que l' agent temporaire, qui est nommé fonctionnaire dans le même grade à la suite immédiate de sa période d' engagement, garde son ancienneté d' échelon et ne contient aucune restriction en ce qui concerne la date de cette nomination.
Dans l' affaire T-93/94,
Michael Becker, fonctionnaire de la Cour des comptes des Communautés européennes, demeurant à Luxembourg, représenté par Me Roy Nathan, avocat au barreau de Luxembourg, ayant élu domicile en son étude, 18, rue des Glacis,
partie requérante,
contre
Cour des comptes des Communautés européennes, représentée par MM. Jean-Marie Stenier et Jan Inghelram, membres du service juridique, en qualité d' agents, ayant élu domicile au siège de la Cour des comptes, 12, rue Alcide de Gasperi, Kirchberg,
partie défenderesse,
ayant pour objet l' annulation de la décision de la Cour des comptes du 2 décembre 1993, rejetant la réclamation du requérant concernant son classement en échelon,
LE TRIBUNAL DE PREMI RE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),
composé de M. A. Saggio, président, Mme V. Tiili et M. R. M. Moura Ramos, juges,
greffier: Mme B. Pastor, administrateur principal,
vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 8 novembre 1995,
rend le présent
Arrêt
Faits et cadre juridique
1 Le requérant est entré au service de la Cour des comptes le 1er septembre 1981. Il y a d' abord été attaché au cabinet du membre allemand, jusqu' à la fin du mandat de celui-ci le 17 octobre 1983. Lorsqu' il a cessé d' exercer cette première fonction, le requérant était classé au grade A 4, échelon 1.
2 Le 17 octobre 1983, le requérant a été engagé comme agent temporaire par un nouveau contrat, avec classement au grade A 7, échelon 3, et ancienneté d' échelon fixée au 18 octobre 1983.
3 Le 18 octobre 1984, après avoir réussi un concours d' administrateur, le requérant a été nommé fonctionnaire, avec classement au grade A 7, échelon 3, et ancienneté d' échelon fixée au 18 octobre 1984.
4 Au moment du recrutement du requérant en qualité de fonctionnaire, l' article 32 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après "statut") disposait, dans son premier alinéa, que "(L)e fonctionnaire recruté est classé au premier échelon de son grade." Toutefois, le deuxième alinéa ajoutait que "(L)' autorité investie du pouvoir de nomination peut, pour tenir compte de la formation et de l' expérience professionnelle spécifique de l' intéressé, lui accorder une bonification d' ancienneté d' échelon dans ce grade; cette bonification ne peut excéder 72 mois dans les grades A 1 à A 4, LA 3 et LA 4 et 48 mois dans les autres grades." C' est en application de ce deuxième alinéa que, lors de sa nomination, le requérant a été classé à l' échelon 3 au lieu d' être classé à l' échelon 1.
5 L' article 8 du règlement (CEE, Euratom, CECA) n 3947/92 du Conseil, du 21 décembre 1992, modifiant le statut des fonctionnaires des Communautés et le régime applicable aux autres agents de ces Communautés (ci-après "règlement n 3947/92"), a ajouté un troisième alinéa à l' article 32 du statut. Cet alinéa dispose que "(L)' agent temporaire dont le classement a été fixé conformément aux critères de classement arrêtés par l' institution garde l' ancienneté d' échelon qu' il a acquise en qualité d' agent temporaire lorsqu' il a été nommé fonctionnaire dans le même grade à la suite immédiate de cette période." Le règlement n 3947/92 a été publié au Journal officiel des Communautés européennes le 31 décembre 1992 (JO L 404, p. 1) et est, en application de son article 14, entré en vigueur le 1er janvier 1993.
6 Par lettre du 5 février 1993, le requérant a demandé à l' autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après "AIPN") de l' institution défenderesse de réviser son classement en échelon, en tenant compte de la nouvelle réglementation insérée dans le statut. Tout en admettant, dans cette lettre, que la formulation de l' article 32 du statut ne permettait pas en 1984 un classement à un échelon plus élevé, le requérant motivait sa demande en se référant au devoir de sollicitude des institutions, au fait que, dans des cas comparables, l' AIPN de la défenderesse avait procédé à des reclassements en échelon et à l' importance de l' ancienneté d' échelon dans le cadre des procédures de promotion.
7 S' agissant plus particulièrement du devoir de sollicitude, le requérant soulignait dans la même lettre que l' AIPN doit, lorsqu' elle se prononce sur la situation d' un agent, tenir compte non seulement de l' intérêt du service, mais également de l' intérêt de l' agent en question.
8 Faute d' une réponse de la défenderesse, le requérant a réitéré sa demande par lettre du 6 mai 1993. Dans cette lettre, il a souligné de nouveau l' importance de l' ancienneté d' échelon dans le cadre des procédures de promotion.
9 Par lettre du 2 juin 1993, la défenderesse a rejeté la demande du requérant. A l' appui de ce rejet, elle a indiqué que le classement en échelon s' effectue une seule fois, au moment du recrutement, que le règlement n 3947/92 n' a aucun effet rétroactif et que l' AIPN de la Cour des comptes n' avait jamais révisé un classement en échelon suite à une modification du statut.
10 Le 4 août 1993, le requérant a introduit une réclamation au sens de l' article 90, paragraphe 2, du statut contre le rejet de sa demande. Dans cette réclamation, il a souligné qu' il ne demandait pas une révision avec effet rétroactif, mais seulement une revalorisation de son classement en échelon avec effet au 1er janvier 1993, jour auquel le règlement n 3947/92 était entré en vigueur. Dans ce contexte, il s' est référé à une décision du président de la Cour de justice, accordant précisément cette revalorisation à 102 fonctionnaires de cette institution, et à la pratique constante de la Commission consistant à appliquer depuis plusieurs années le statut dans sa version actuelle.
11 Dans sa réclamation, le requérant a également illustré par un exemple les conséquences néfastes qui résulteraient pour les personnes antérieurement recrutées de leur exclusion du nouveau régime prévu par l' article 32, troisième alinéa, du statut. Ainsi, il a fait valoir qu' un agent temporaire qui réussirait le concours interne alors en cours à la Cour des comptes, visant à pourvoir un emploi de grade A 5, pourrait être directement classé au grade A 5, échelon 6, tandis que lui-même n' avait pu être classé qu' à l' échelon 3, malgré une expérience professionnelle de plus de 18 ans dans des emplois de la catégorie A. Le requérant relevait que de tels déséquilibres seraient clairement désavantageux pour lui lors des prochains exercices de promotion.
12 La défenderesse a rejeté la réclamation par lettre du 2 décembre 1993. A l' appui de ce rejet, elle a répété tout d' abord que le nouvel article 32, troisième alinéa, du statut ne pouvait pas s' appliquer au requérant, puisque le classement en échelon de celui-ci avait eu lieu avant le 1er janvier 1993 et ne pouvait s' effectuer qu' une seule fois dans le temps, à savoir au moment de son recrutement. La défenderesse a exposé, ensuite, que, si d' autres institutions ont appliqué la nouvelle disposition à des fonctionnaires qui ont été recrutés avant le 1er janvier 1993, cette circonstance ne saurait rendre discriminatoire le traitement réservé par la Cour des comptes au requérant. En effet, une violation du principe de l' égalité de traitement ne pourrait jamais être constatée sur la base d' une comparaison du traitement d' une situation donnée avec un traitement plus favorable mais illégal.
Procédure et conclusions des parties
13 C' est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 1er mars 1994, le requérant a introduit le présent recours au titre de l' article 91, paragraphe 2, du statut.
14 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d' ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d' instruction préalables. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal lors de l' audience publique qui s' est déroulée le 8 novembre 1995.
15 Le requérant conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:
° annuler la décision de la Cour des comptes du 2 décembre 1993;
° condamner la partie défenderesse à l' ensemble des dépens.
16 La défenderesse conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:
° rejeter le recours;
° statuer sur les dépens comme de droit.
Sur le fond
17 Le requérant invoque en substance deux moyens à l' appui de son recours. Le premier moyen est tiré de la violation du principe de l' égalité de traitement. Le second moyen est tiré de la violation du devoir de sollicitude de l' administration à l' égard de ses agents.
Premier moyen: violation du principe de l' égalité de traitement
Exposé sommaire des arguments des parties
18 A l' appui de son premier moyen, le requérant invoque l' article 5, paragraphe 3, du statut, selon lequel les fonctionnaires appartenant à une même catégorie doivent être soumis "à des conditions identiques de recrutement et de déroulement de carrière". Le requérant estime que cette disposition a été violée d' une double façon. En premier lieu, il existerait un traitement inégal à l' intérieur de la Cour des comptes entre les fonctionnaires qui restent classés en application de l' ancienne version de l' article 32 du statut et ceux qui ont été et seront classés en application de la nouvelle version de cet article. En second lieu, il existerait un traitement inégal entre les fonctionnaires de la Cour des comptes dont le classement a été arrêté sur la base de l' ancienne version de l' article 32 du statut et ceux des autres institutions.
19 S' agissant du premier type d' inégalité, le requérant affirme que la défenderesse a classé des fonctionnaires plus jeunes et moins expérimentés que lui à des échelons plus élevés. Il soutient que la défenderesse a ignoré l' objectif du règlement n 3947/92, qui consistait précisément à mettre fin aux désavantages durables causés par l' ancienne version de l' article 32 du statut. Dans ce contexte, le requérant a confirmé, à l' occasion d' une question posée lors de l' audience, qu' il maintient que la défenderesse a violé le règlement n 3947/92, en ne l' interprétant pas correctement à la lumière de son objectif et du principe d' égalité.
20 Le requérant souligne, en outre, que la défenderesse a régulièrement rectifié des classements en échelon dans des cas comparables au sien. Certaines de ces rectifications auraient même eu lieu après l' expiration de tous les délais administratifs. Le requérant présume dès lors que la défenderesse y a procédé pour des raisons d' opportunité.
21 Quant aux cas qui seraient comparables au sien, le requérant se réfère plus particulièrement à la rectification du classement en échelon de M. R, nonobstant le rejet de la réclamation de celui-ci et l' expiration des délais de recours, à celle du classement en échelon du chef du service du personnel de la défenderesse et, enfin, au cas d' un fonctionnaire qui avait réussi un concours interne et dont le classement en échelon a été arrêté en tenant compte de l' expérience professionnelle qu' il avait déjà acquise dans la catégorie A.
22 La défenderesse conteste que les cas auxquels le requérant fait allusion soient comparables au sien. Les rectifications des classements en échelon de M. R et du fonctionnaire concerné du service du personnel auraient eu lieu suite à l' interprétation de l' article 32 du statut donnée par la Cour dans ses arrêts du 12 juillet 1984, Angelidis/Commission (17/83, Rec. p. 2907), et du 29 janvier 1985, Michel/Commission (273/83, Rec. p. 347), et ne sauraient donc être invoquées par le requérant, puisque ce dernier demande un reclassement suite à une modification législative. Quant au troisième cas auquel s' est référé le requérant, la défenderesse affirme qu' il s' agit là d' un "cas très exceptionnel d' une deuxième application de l' article 32 du statut", qui sort du contexte du présent litige.
23 La défenderesse précise que seuls les cas des fonctionnaires qui ont été nommés avant le 1er janvier 1993 et qui avaient été classés, en qualité d' agent temporaire, au même grade immédiatement avant leur nomination sont comparables au cas du requérant. Or, la défenderesse a souligné, tant dans ses mémoires que lors de l' audience, que, parmi ces fonctionnaires, aucun n' a obtenu au sein de la Cour des comptes une rectification de son classement en échelon, puisque l' article 32, troisième alinéa, du statut ne peut être interprété que comme s' appliquant aux nominations intervenues après la date de l' entrée en vigueur du règlement n 3947/92.
24 S' agissant du second type d' inégalité, le requérant, comparant le comportement de la défenderesse avec celui des autres institutions, rappelle que la Cour de justice et la Commission ont révisé d' office le classement en échelon de tous les fonctionnaires dont la situation était comparable à la sienne. Il fait observer que le statut a le même contenu pour tous les fonctionnaires des Communautés et que, par conséquent, la défenderesse doit tenir compte des pratiques contraires des autres institutions. Il souligne également que cette différence de traitement lui causera des désavantages considérables en cas de transfert dans une de ces institutions.
25 Selon la défenderesse, une comparaison avec la pratique des autres institutions n' a aucune pertinence. En effet, si le Tribunal estime que la Cour des comptes a appliqué le règlement n 3947/92 de façon incorrecte, une comparaison avec l' application qui en a été faite par les autres institutions ne sera plus nécessaire. Si, en revanche, le Tribunal estime que la Cour des comptes a appliqué le règlement n 3947/92 correctement, cela impliquera que la Cour de justice et la Commission l' ont appliqué de façon incorrecte. Dans ce dernier cas, il ne saurait être question d' inégalité de traitement, puisque, comme le Tribunal l' a lui-même jugé, le principe d' égalité doit se concilier avec le principe de légalité (voir l' arrêt du Tribunal du 23 mars 1994, Huet/Cour des comptes, T-8/93, RecFP p. II-365).
Appréciation du Tribunal
26 Le Tribunal rappelle, liminairement, que le statut doit être interprété de telle façon qu' il n' y ait pas de violation d' une règle supérieure de droit (voir l' arrêt de la Cour du 31 mai 1979, Newth/Commission, 156/78, Rec. p. 1941, point 13, in fine). Or, selon une jurisprudence constante, le principe d' égalité de traitement est une règle supérieure de droit (voir, par exemple, l' arrêt de la Cour du 25 mai 1978, HNL e.a./Conseil et Commission, 83/76, 94/76, 4/77, 15/77 et 40/77, Rec. p. 1209, point 5, et l' arrêt du Tribunal du 15 décembre 1994, Unifruit Hellas/Commission, T-489/93, Rec. p. II-1201, point 42).
27 Au regard de cette jurisprudence, il y a lieu d' examiner si l' article 32, troisième alinéa, du statut peut être interprété comme n' étant pas applicable aux nominations intervenues avant son entrée en vigueur, sans qu' une telle interprétation méconnaisse le principe d' égalité de traitement.
28 A cet égard, la défenderesse a fait valoir que, en l' absence d' indices exprimant la volonté du législateur communautaire d' attribuer un effet rétroactif au règlement n 3947/92, une interprétation de l' article 32, troisième alinéa, du statut comme n' étant pas applicable aux nominations intervenues avant son entrée en vigueur était nécessaire afin de respecter les principes généraux de non-rétroactivité et de sécurité juridique.
29 Le Tribunal ne partage pas cette analyse. En effet, l' absence de caractère rétroactif du règlement n 3947/92 ne saurait mettre obstacle à l' application immédiate des dispositions qu' il a insérées dans le statut à toutes les personnes qui entrent dans le champ d' application de celles-ci, y compris les agents temporaires nommés fonctionnaires avant l' entrée en vigueur dudit règlement. Le libellé de l' article 32, troisième alinéa, du statut n' exclut d' ailleurs pas une telle interprétation. En effet, cette disposition se borne à indiquer que l' agent temporaire, qui est nommé fonctionnaire dans le même grade à la suite immédiate de sa période d' engagement, garde son ancienneté d' échelon et ne contient aucune restriction en ce qui concerne la date de cette nomination.
30 Il convient d' ajouter que l' interprétation de l' article 32, troisième alinéa, du statut soutenue par la défenderesse pourrait entraîner l' attribution aux fonctionnaires nommés après l' entrée en vigueur du règlement précité d' un classement plus favorable que celui accordé aux fonctionnaires nommés auparavant.
31 Il s' ensuit que le fait que le requérant a été nommé avant l' entrée en vigueur de l' article 32, troisième alinéa, du statut ne saurait empêcher l' application en sa faveur de cette disposition, à partir de la date d' entrée en vigueur de celle-ci. Cette interprétation de ladite disposition est la seule conforme au principe de l' égalité de traitement.
32 Il ressort de ce qui précède que, en refusant d' appliquer l' article 32, troisième alinéa, du statut au requérant, la défenderesse a méconnu ladite disposition ainsi que le principe de l' égalité de traitement.
33 Sur la base de toutes ces considérations, le premier moyen doit être accueilli.
Second moyen: violation du devoir de sollicitude
Exposé sommaire des arguments des parties
34 Le requérant estime que la défenderesse a méconnu son devoir de sollicitude à son égard. Il rappelle que les institutions doivent, lorsqu' elles prennent une mesure concernant la situation de leurs fonctionnaires, mettre en balance les intérêts du service et les intérêts des fonctionnaires concernés. Les faits à l' origine du présent litige, et en particulier le refus de la défenderesse d' interpréter le nouvel article 32 du statut en fonction de sa finalité, montreraient qu' une telle pondération d' intérêts n' a jamais eu lieu.
35 A l' encontre de cette argumentation, la défenderesse, se référant aux arrêts du Tribunal du 27 mars 1990, Chomel/Commission (T-123/89, Rec. p. II-131), et du 17 juin 1993, Arauxo-Dumay/Commission (T-65/92, Rec. p. II-597), rappelle que le devoir de sollicitude trouve sa limite dans le respect des normes en vigueur. Compte tenu de cette limitation, elle estime qu' il ne peut pas y avoir eu de violation du devoir de sollicitude, puisqu' elle a appliqué l' article 32 du statut correctement.
Appréciation du Tribunal
36 Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le respect du devoir de sollicitude implique que l' administration, lorsqu' elle statue sur la situation d' un fonctionnaire, tienne compte non seulement de l' intérêt du service, mais également de celui du fonctionnaire et qu' un tel devoir ne saurait conduire l' administration à donner à une disposition communautaire une interprétation qui va à l' encontre des termes précis de celle-ci (arrêts du Tribunal Chomel/Commission, précité, point 32, du 16 mars 1993, Blackman/Parlement, T-33/89 et T-74/89, Rec. p. II-249, point 96, et Arauxo-Dumay/Commission, précité, points 37 et 38).
37 En l' espèce, l' article 32, troisième alinéa, du statut a été interprété en ce sens qu' il s' applique à tous les fonctionnaires, y compris à ceux qui ont été nommés avant l' entrée en vigueur du règlement n 3947/92 (voir, ci-dessus, points 26 à 33). Partant, l' administration ne disposait, lors de l' examen de la demande de reclassement du requérant, d' aucune marge d' appréciation quant à son classement en échelon et, par conséquent, elle n' était pas tenue de comparer l' intérêt du service avec celui du fonctionnaire au moment de l' adoption de cette décision.
38 Il s' ensuit que, dans la présente affaire, le moyen tiré de la violation du devoir de sollicitude est privé de pertinence.
39 Il résulte de l' ensemble des considérations qui précèdent que le recours doit être accueilli.
Sur les dépens
40 Aux termes de l' article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s' il est conclu en ce sens. La Cour des comptes ayant succombé en ses moyens et le requérant ayant conclu à la condamnation de la Cour des comptes aux dépens, il y a lieu de la condamner à supporter l' ensemble des dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (première chambre)
déclare et arrête:
1) Le refus de la Cour des comptes de procéder, en application du règlement (CEE, Euratom, CECA) n 3947/92 du Conseil, du 21 décembre 1992, modifiant le statut des fonctionnaires des Communautés et le régime applicable aux autres agents de ces Communautés, au reclassement en échelon du requérant avec effet au 1er janvier 1993, comme l' avait demandé le requérant par lettre du 5 février 1993, ainsi que la décision du 2 décembre 1993 de la Cour des comptes, rejetant la réclamation du requérant contre ce refus, sont annulés.
2) La Cour des comptes supportera ses propres dépens et les dépens exposés par le requérant.