Affaire C-334/94
Commission des Communautés européennes
contre
République française
«Manquement d'État – Immatriculation des navires – Droit de battre le pavillon français – Conditions de nationalité du propriétaire et de l'équipage – Non-exécution de l'arrêt 167/73»
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Conclusions de l'avocat général M. N. Fennelly, présentées le 16 novembre 1995 |
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Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 7 mars 1996 |
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Sommaire de l'arrêt
- 1..
- Libre circulation des personnes – Liberté d'établissement – Immatriculation d'un navire dans un État membre – Conditions tenant à la nationalité ou à la localisation du siège social des propriétaires – Inadmissibilité
(Traité CE, art. 6, 48, 52, 58 et 221; règlement de la Commission n° 1251/70, art. 7; directive du Conseil 75/34, art. 7)
- 2..
- États membres – Obligations – Manquement – Maintien d'une disposition nationale incompatible avec le droit communautaire – Justification tirée de l'existence de pratiques administratives assurant l'application du traité – Inadmissibilité
- 3..
- Recours en manquement – Arrêt de la Cour constatant le manquement – Délai d'exécution
(Traité CE, art. 171)
- 1.
Manque aux obligations lui incombant en vertu du droit communautaire un État membre qui maintient en vigueur des dispositions
législatives, réglementaires ou administratives limitant le droit d'immatriculer un navire dans le registre national et de
battre le pavillon national aux navires qui appartiennent: ─ pour plus de la moitié à des personnes physiques ayant la nationalité de l'État membre en cause, ─ à des personnes morales ayant un siège social dans cet État membre, ─ à des personnes morales dont les dirigeants, administrateurs ou gérants sont dans une certaine proportion des nationaux,
─ ou à des personnes morales dont le capital social, s'agissant d'une société à responsabilité limitée, d'une société en commandite
simple, d'une société en nom collectif ou d'une société civile, est détenu pour plus de la moitié par des nationaux ou pour
le tout par des nationaux remplissant certaines conditions. Plus particulièrement, s'agissant des navires utilisés dans le cadre de l'exercice d'une activité économique, sont contraires
aux articles 6 et 52 du traité, d'une part, le fait de réserver ledit droit aux seuls navires appartenant pour plus de la
moitié à des personnes physiques ayant la nationalité de l'État membre délivrant le pavillon, d'autre part, la condition exigeant
que le contrôle ou la gestion des personnes morales propriétaires soit exercé de façon effective par des nationaux et celle
selon laquelle le capital de certaines personnes morales propriétaires des navires doit être contrôlé dans une certaine proportion
par des nationaux. Cette dernière condition est également contraire à l'article 221 du traité dès lors qu'elle restreint la
participation des ressortissants des autres États membres au capital des personnes morales visées. Enfin, dans la mesure où
elle exige que les personnes morales propriétaires de navires aient leur siège sur le territoire national et où elle exclut,
dès lors, l'immatriculation ou la gestion d'un navire dans le cas d'un établissement secondaire, telle une agence, une succursale
ou une filiale, la législation en cause est contraire aux articles 52 et 58 du traité. S'agissant des navires qui ne sont pas utilisés dans le cadre de l'exercice d'une activité économique, leur immatriculation
dans l'État membre d'accueil par un ressortissant d'un autre État membre relève des dispositions du droit communautaire relatives
à la libre circulation des personnes et la législation en cause, en ce qu'elle réserve aux seuls nationaux le droit d'immatriculer
un bateau de plaisance dont ils sont propriétaires pour plus de la moitié, est contraire aux articles 6, 48 et 52 du traité
ainsi qu'à l'article 7 du règlement n° 1251/70, relatif au droit des travailleurs de demeurer sur le territoire d'un État
membre après y avoir occupé un emploi, et à l'article 7 de la directive 75/34, relative au droit des ressortissants d'un État
membre de demeurer sur le territoire d'un autre État membre après y avoir exercé une activité non salariée.
- 2.
L'incompatibilité d'une législation nationale avec les dispositions du traité, même directement applicables, ne peut être
définitivement éliminée qu'au moyen de dispositions internes à caractère contraignant ayant la même valeur juridique que celles
qui doivent être modifiées. De simples pratiques administratives, par nature modifiables au gré de l'administration et dépourvues
d'une publicité adéquate, ne sauraient être considérées comme constituant une exécution valable des obligations du traité.
- 3.
Même si l'article 171 du traité ne précise pas le délai dans lequel l'exécution d'un arrêt constatant le manquement d'un État
membre doit intervenir, l'intérêt qui s'attache à une application immédiate et uniforme du droit communautaire exige que cette
exécution soit entamée immédiatement et aboutisse dans des délais aussi brefs que possible.