61993B0452

Ordonnance du Tribunal de première instance (deuxième chambre) du 28 avril 1994. - Pesquería Vasco-Montañesa SA et Compañía Internacional de Pesca y Derivados contre Commission des Communautés européennes. - Pêche - Concours financier communautaire à la construction de navires de pêche - Règlement (CEE) n. 4028/86 - Irrecevabilité. - Affaires jointes T-452/93 et T-453/93.

Recueil de jurisprudence 1994 page II-00229


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


++++

1. Recours en annulation - Actes susceptibles de recours - Notion - Actes produisant des effets juridiques obligatoires - Lettre de la Commission rejetant une demande de concours financier communautaire

(Traité CEE, art. 173)

2. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Notification - Notion

(Traité CEE, art. 173, alinéa 3)

3. Recours en annulation - Compétence du juge communautaire - Conclusions tendant à obtenir la constatation d' un droit du requérant - Irrecevabilité

(Traité CEE, art. 173 et 176, alinéa 1)

4. Recours en indemnité - Conclusions en indemnité liées à des conclusions irrecevables parce que tendant à obtenir la constatation d' un droit du requérant - Irrecevabilité

Sommaire


1. Constituent des actes ou décisions susceptibles de faire l' objet d' un recours en annulation, indifféremment de la forme dans laquelle elles sont prises, les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci.

Tel est le cas d' une lettre, rédigée de manière précise et sans équivoque, dans laquelle la Commission prend une position définitive de rejet à propos d' une demande du requérant visant à l' obtention d' un concours financier communautaire.

2. Une décision doit être considérée comme ayant été dûment notifiée à un requérant, au sens de l' article 173, troisième alinéa, du traité, lorsqu' il est établi que celui-ci a reçu une lettre précise et sans équivoque la contenant.

Dans une hypothèse où il n' est pas possible de déterminer à quelle date ladite lettre a été reçue, il y a lieu de considérer que le délai de recours a commencé à courir au plus tard le jour dont est datée une correspondance du requérant qui y fait référence.

3. Dans le cadre d' un recours en annulation fondé sur l' article 173 du traité, est irrecevable, du fait qu' elle excède sa compétence dans un tel cadre, une demande fondée sur l' article 176, premier alinéa, du traité, visant à ce que le juge communautaire reconnaisse un droit du requérant.

4. Lorsqu' un requérant a introduit un recours tendant, d' une part, à faire constater par le juge communautaire son droit à un concours financier communautaire et, d' autre part, à obtenir à titre d' indemnisation les intérêts de retard afférents au concours sollicité, les conclusions en indemnité ne revêtent pas de caractère autonome, de sorte que l' irrecevabilité des conclusions à fin de constatation entraîne l' irrecevabilité des conclusions en indemnité.

Parties


Dans les affaires jointes T-452/93 et T-453/93,

Pesquería Vasco-Montañesa, SA (Pevasa), société de droit espagnol, établie à Bermeo (Espagne), représentée par Me Maria Iciar Angulo Fuertes, avocat au barreau de Biscaye, ayant élu domicile à Luxembourg en l' étude de Me Ernest Arendt, 8-10, rue Mathias Hardt,

et

Compañía Internacional de Pesca y Derivados, SA (Inpesca), société de droit espagnol, établie à Bermeo (Espagne), représentée par Me Maria Iciar Angulo Fuertes, avocat au barreau de Biscaye, ayant élu domicile à Luxembourg en l' étude de Me Ernest Arendt, 8-10, rue Mathias Hardt,

parties requérantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. Francisco Santaolalla, membre du service juridique, en qualité d' agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Georgios Kremlis, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet, en premier lieu, l' annulation des décisions de la Commission du 18 décembre 1990 et du 8 novembre 1991, refusant aux requérantes le concours financier qu' elles avaient sollicité en vertu du règlement (CEE) n 4028/86 du Conseil, du 18 décembre 1986, relatif à des actions communautaires pour l' amélioration et l' adaptation des structures du secteur de la pêche et de l' aquaculture (JO L 376, p. 7), en deuxième lieu, la reconnaissance du droit des requérantes à bénéficier dudit concours financier et, en troisième lieu, la condamnation de la Commission à verser des intérêts de retard,

LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. J. L. Cruz Vilaça, président, C. P. Briët, A. Kalogeropoulos, A. Saggio et J. Biancarelli, juges,

greffier: M. H. Jung,

rend la présente

Ordonnance

Motifs de l'arrêt


Cadre réglementaire, faits et procédure

1 Par requêtes déposées au greffe de la Cour le 30 juillet 1992, les parties requérantes ont introduit, chacune pour leur part, un recours, en vertu des articles 173 et 174 du traité CEE, contre les décisions de la Commission du 18 décembre 1990 et du 8 novembre 1991 de ne pas accorder aux projets de construction de navire de pêche qu' elles avaient présentés le concours financier communautaire prévu par le règlement (CEE) n 4028/86 du Conseil, du 18 décembre 1986, relatif à des actions communautaires pour l' amélioration et l' adaptation des structures du secteur de la pêche et de l' aquaculture (JO L 376, p. 7, ci-après "règlement n 4028/86").

2 Selon l' article 6, paragraphe 1, du règlement n 4028/86, la Commission peut accorder un concours financier communautaire à des projets d' investissement matériel relatifs à l' achat ou à la construction de nouveaux navires de pêche. L' article 6, paragraphe 2, sous a), dispose que, pour pouvoir bénéficier du concours financier, les projets doivent, entre autres, s' inscrire dans le cadre d' un programme d' orientation pluriannuel approuvé par la Commission.

3 En vertu de l' article 35, paragraphe 1, sous a), du règlement n 4028/86, la Commission statue deux fois par an sur les demandes relatives aux projets de construction de navires, "la première décision intervenant au plus tard le 30 avril et portant sur les demandes présentées au plus tard le 31 octobre de l' année précédente et la seconde décision intervenant au plus tard le 31 octobre et portant sur les demandes présentées au plus tard le 31 mars de l' année en cours". L' article 37, paragraphe 1, du règlement n 4028/86 dispose que, lorsqu' une demande de concours financier n' a pas pu bénéficier de celui-ci, en raison de l' insuffisance des moyens financiers disponibles, la demande est reportée, une seule fois, à l' exercice budgétaire suivant.

4 Le 29 juin 1989, la Commission a reçu une demande de concours financier émanant de la Compañía Internacional de Pesca y Derivados, SA (ci-après "Inpesca"), pour la construction d' un thonier congélateur. Le 31 octobre 1989, elle a reçu une demande similaire de Pesquería Vasco-Montañesa, SA (ci-après "Pevasa").

5 Le 18 décembre 1990, la Commission a envoyé à Inpesca, ainsi qu' à Pevasa, une lettre identique rédigée en ces termes:

"Conformément à l' article 35 du règlement (CEE) n 4028/86, du 18 décembre 1986, vous avez présenté à la Commission, avant le 31 mars 1990, par l' intermédiaire du gouvernement espagnol, une demande de concours financier de la Communauté en vue de la réalisation du projet susmentionné.

Je regrette de devoir vous informer que votre projet n' a pu bénéficier de ce concours financier pour le motif suivant: Le poste budgétaire disponible pour le financement des projets de 1990 était insuffisant."

6 La Commission admet que, conformément à l' article 35, paragraphe 1, sous a), du règlement n 4028/86, la décision sur la demande de concours aurait dû intervenir au plus tard le 30 avril 1990. Elle a exposé qu' elle s' est toutefois vu obligée, en avril 1990, de suspendre l' octroi de nouveaux concours au motif que quelques États membres, au nombre desquels figurait le royaume d' Espagne, lui avaient transmis des informations incomplètes ou contradictoires sur l' évolution de leur flotte, alors que ces informations lui étaient nécessaires pour décider si les demandes de concours présentées entraient, pour chaque État membre concerné, dans le cadre des programmes d' orientation qu' elle avait approuvés.

7 La Commission a également expliqué que les demandes des requérantes, après avoir été rejetées en décembre 1990, ont été automatiquement reportées à l' exercice budgétaire 1991, conformément à l' article 37, paragraphe 1, du règlement n 4028/86.

8 Compte tenu de la surcapacité de la flotte de pêche dans la Communauté, la Commission a, en avril 1991, décidé de suspendre toute décision sur les demandes de concours communautaire pour la construction de navires de pêche. La Commission a toutefois fait savoir, par communication publiée au Journal officiel du 20 juin 1991, que tous les projets de construction seraient reconsidérés dans le cadre de la préparation de ses décisions, lors de la deuxième tranche de l' exercice 1991 (JO C 160, p. 3).

9 Par lettres du 8 novembre 1991, la Commission a informé les requérantes que leurs projets n' avaient pas été retenus. Elle s' est exprimée dans les termes suivants:

"Conformément à l' article 35 du règlement (CEE) n 4028/86, du 18 décembre 1986, vous avez présenté à la Commission avant le 31 mars 1991, par l' intermédiaire du gouvernement espagnol, une demande de concours financier de la Communauté, en vue de la réalisation du projet susvisé.

Je regrette de devoir vous informer que votre projet n' a pu bénéficier de ce concours financier pour le motif suivant: Le poste budgétaire disponible pour le financement des projets de 1991 était insuffisant."

10 Par lettre du 7 janvier 1992, Pevasa a développé, à l' adresse de la Commission, un certain nombre d' objections à l' encontre des communications du 18 décembre 1990 et du 8 novembre 1991. Elle a également demandé à la Commission de lui faire savoir si sa demande de concours avait été reportée à l' exercice budgétaire 1992 et de lui notifier, en cas de rejet définitif de celle-ci, les motifs justifiant ce rejet, alors que, selon elle, le projet présenté remplissait toutes les conditions requises pour bénéficier du concours financier communautaire. Inpesca a envoyé une lettre identique à la Commission le 27 janvier 1992.

11 N' ayant pas reçu de réponse à cette lettre, Pevasa a adressé à la Commission, le 18 mars 1992, une mise en demeure préalable à l' introduction d' un recours en carence, requise par l' article 175, deuxième alinéa, du traité CEE. Inpesca a adressé une mise en demeure identique le 31 mars 1992.

12 Par lettres du 18 mai 1992, la Commission a fait savoir aux requérantes, en réponse à leurs lettres des 18 et 31 mars 1992, que "les notifications de la Commission des 18 décembre 1990 et 8 novembre 1991 ..., constituent toutes deux, par elles-mêmes, des notifications motivées de décisions, conformément à ce que prévoit l' article 35 du règlement (CEE) n 4028/86 du Conseil". Les requérantes ont reçu cette lettre le 25 mai 1992.

13 Enfin, par lettres du 21 mai 1992, la Commission a répondu comme suit aux lettres des 7 et 27 janvier 1992:

"En ce qui concerne votre première question, concernant un possible report de votre projet à l' exercice 1992, la réponse découle de l' article 37, paragraphe 1, du règlement (CEE) n 4028/86, qui prévoit que les demandes de concours communautaire qui n' ont pu bénéficier de l' aide communautaire en raison du manque de moyens financiers, ne peuvent être reportées qu' une seule fois à l' exercice budgétaire suivant.

En ce qui concerne votre seconde question, je tiens à vous faire observer que, aux termes de la communication de la Commission 91/C 331/03 (JO C 331), la liste des projets retenus pour un concours financier est disponible sur demande. Cette liste permet aux intéressés d' examiner et, le cas échéant, de demander à la Cour de justice de contrôler la légalité de la décision de la Commission d' accorder un financement communautaire prioritairement aux projets retenus, en application des critères prévus par la réglementation communautaire."

14 C' est dans ces conditions que les requérantes ont introduit, chacune pour leur part, un recours devant la Cour, enregistré le 30 juillet 1992.

15 Par ordonnance du 27 septembre 1993, la Cour a renvoyé les affaires devant le Tribunal, en application de l' article 4 de la décision 93/350/Euratom, CECA, CEE du Conseil, du 8 juin 1993, modifiant la décision 88/591/CECA, CEE, Euratom instituant le Tribunal de première instance des Communautés européennes (JO L 144, p. 21).

16 Par ordonnance du président de la deuxième chambre du Tribunal du 29 mars 1994, les affaires T-452/93 et T-453/93 ont été jointes.

17 Les requérantes concluent à ce qu' il plaise au Tribunal:

1) déclarer recevables, en vertu des articles 173 et 174 du traité, les recours en annulation des décisions du 18 décembre 1990 et du 8 novembre 1991 de la Commission, refusant aux requérantes le concours financier communautaire demandé pour leurs projets de construction d' un thonier congélateur, conformément au règlement n 4028/86;

2) déclarer que les décisions susvisées de la Commission sont nulles et non avenues pour violation des formes substantielles, violation du traité CEE et des règles juridiques relatives à son exécution, détournement de pouvoir et infraction aux principes généraux du droit qui doivent être impérativement respectés;

3) ordonner au titre des mesures que comporte son arrêt, en vertu de l' article 176, paragraphe 1, du traité CEE, à la Commission d' arrêter immédiatement les dispositions nécessaires pour l' octroi à Pevasa du concours financier communautaire de 209 266 000 PTA et à Inpesca du concours financier communautaire de 216 286 200 PTA demandés dans le cadre des projets susvisés, aux motifs que la dotation budgétaire nécessaire au financement de ces projets était disponible en 1990 et en 1991 et que le refus formulé dans les décisions attaquées est dépourvu de tout fondement formel et juridique;

4) reconnaître, conformément aux dispositions combinées de l' article 176, deuxième alinéa, et des articles 178 et 215, deuxième alinéa, du traité CEE, le droit des requérantes d' obtenir, à titre d' indemnisation pour les dommages et préjudices causés par l' adoption des décisions attaquées, les intérêts afférents à ce concours financier communautaire depuis le 31 octobre 1990, date à laquelle il aurait dû être octroyé, jusqu' à la date où il sera perçu, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres;

5) condamner la Commission aux dépens de la procédure.

18 Dans leurs répliques, les requérantes ont reformulé comme suit le quatrième point, précité, de leurs conclusions:

- faire droit à la demande d' indemnisation formulée dans le cadre du présent recours, conformément à l' article 176, deuxième alinéa, à l' article 178 et à l' article 215 du traité CEE, et, en conséquence, reconnaître le droit des parties requérantes à une réparation des dommages et des préjudices, sous la forme de l' octroi du concours financier, majoré des intérêts de retard exigibles depuis la date à laquelle ce concours financier communautaire devait être octroyé.

19 La Commission conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:

1) déclarer les recours irrecevables;

2) subsidiairement, rejeter comme non fondées les demandes d' annulation des décisions attaquées;

3) déclarer irrecevables et, subsidiairement, non fondées les demandes visant à obtenir que le Tribunal déclare que les requérantes ont droit à l' octroi du concours sollicité;

4) déclarer irrecevables et, subsidiairement, non fondées les demandes d' intérêts;

5) condamner les requérantes aux dépens.

20 L' article 113 du règlement de procédure du Tribunal dispose que le Tribunal peut, à tout moment, examiner d' office les fins de non-recevoir d' ordre public. En vertu de l' article 114, paragraphe 3, dudit règlement, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal. Le Tribunal (deuxième chambre) estime qu' en l' espèce il est suffisamment informé et qu' il n' y a pas lieu d' ouvrir la procédure orale.

Sur la recevabilité

Exposé sommaire de l' argumentation des parties

21 S' agissant, en premier lieu, des conclusions en annulation, la Commission soutient que le recours a été introduit en dehors du délai de deux mois prévu à l' article 173 du traité CEE, augmenté du délai de distance. Elle fait valoir que les requérantes, en tant que destinataires des communications du 18 décembre 1990 et du 8 novembre 1991, ne pouvaient raisonnablement avoir de doute sur le fait que ces actes, qui les informaient sans équivoque et définitivement que leurs demandes n' avaient pas été retenues, avaient valeur de décision.

22 Les requérantes font valoir qu' elles n' ont reçu notification formelle des décisions de la Commission, sous une forme définitive, que par la lettre du 18 mai 1992. Dès lors, le délai pour l' introduction du recours n' aurait commencé à courir qu' à partir de la réception de cette lettre, le 25 mai 1992.

23 La Commission estime que l' argumentation développée par Pevasa, dans sa lettre du 7 janvier 1992, et par Inpesca, dans sa lettre du 27 janvier 1992, aurait dû être utilisée dans le cadre d' un recours introduit en temps utile devant le juge communautaire et non pas dans le cadre d' une réclamation telle que celle dont elle a été saisie. Elle estime que l' invitation à agir que lui ont adressée les requérantes, sur la base de l' article 175 du traité, est également destinée à occulter et à dissimuler l' expiration du délai de recours.

24 Les requérantes rétorquent que les décisions que la Commission a prises à propos de leurs demandes sont inexistantes, au motif que des lettres d' information, telles que les lettres de la Commission du 18 décembre 1990 et du 8 novembre 1991, ne peuvent constituer ni remplacer des décisions formelles, conformes aux exigences des articles 189, 190 et 191 du traité CEE, et que la Commission n' a précisé sa position que dans sa lettre du 18 mai 1992.

25 S' agissant, en deuxième lieu, de la demande tendant à obtenir que le Tribunal ordonne à la Commission d' adopter les mesures nécessaires pour satisfaire aux demandes de concours financier formulées par les requérantes, celles-ci expliquent, dans leur requête, qu' elles demandent "à la Cour d' annuler par son arrêt les décisions attaquées et déclarer justifié l' octroi à l' entreprise requérante du concours communautaire demandé". La Commission estime qu' une telle demande est irrecevable, dans le cadre d' un recours en annulation.

26 S' agissant, en troisième lieu, de la demande en indemnité présentée par les requérantes, la Commission fait valoir qu' elle est irrecevable, au motif qu' elle est subordonnée à une demande qui est elle-même irrecevable, à savoir la demande tendant à obtenir, de la part du Tribunal, une déclaration reconnaissant le droit des requérantes au concours financier qu' elles ont sollicité.

27 Les requérantes considèrent que leur demande en indemnité est recevable à la lumière de la jurisprudence de la Cour, selon laquelle une action en indemnité constitue une voie d' action autonome (arrêt de la Cour du 26 février 1986, Krohn/Commission, 175/84, Rec. p. 753, 770, point 32).

Appréciation du Tribunal

Sur les conclusions tendant à l' annulation des correspondances du 18 décembre 1990 et du 8 novembre 1991

28 En vue d' apprécier la recevabilité des conclusions tendant à l' annulation des actes litigieux, il convient d' examiner, en premier lieu, si le recours vise à l' annulation d' actes attaquables, au sens de l' article 173 du traité CE. En effet, s' il s' avérait que les lettres du 18 décembre 1990 et du 8 novembre 1991, dont l' annulation est demandée, ne constituent pas, comme le prétendent les requérantes, des décisions formelles, les conclusions visant à l' annulation de ces actes seraient irrecevables.

29 Selon une jurisprudence constante, les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci, constituent des décisions susceptibles de faire l' objet d' un recours en annulation au sens de l' article 173 du traité (voir notamment l' arrêt de la Cour du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, Rec. p. 2639, 2651, point 9, et l' arrêt du Tribunal du 10 juillet 1990, Automec/Commission, T-64/89, Rec. p. II-367, II-381, point 42). En revanche, la forme dans laquelle ces actes ou décisions sont pris est, en principe, indifférente en ce qui concerne la possibilité de les attaquer par un recours en annulation (arrêt IBM/Commission, précité, point 9; arrêt de la Cour du 31 mars 1971, Commission/Conseil, 22/70, Rec. p. 263, 277, point 42).

30 Le Tribunal rappelle que, par lettres du 18 décembre 1990, les requérantes ont été informées que leurs demandes de concours financier ne pouvaient être satisfaites au titre de l' exercice budgétaire 1990, pour insuffisance de moyens financiers. Conformément à l' article 37 du règlement n 4028/86, les demandes ont été reportées à l' exercice budgétaire suivant. Par lettres du 8 novembre 1991, les requérantes ont été informées que leurs demandes avaient été rejetées une seconde fois, pour insuffisance de moyens financiers.

31 Le Tribunal estime que les lettres du 8 novembre 1991 sont, en tout état de cause, des actes juridiques produisant des effets de droit définitifs vis-à-vis des requérantes. En effet, par ces lettres, rédigées de manière précise et sans équivoque, la Commission a pris une position définitive à propos des demandes des requérantes, du fait que l' article 37, paragraphe 1, du règlement n 4028/86 ne prévoit qu' un seul report des demandes n' ayant pu bénéficier du concours communautaire, pour insuffisance de moyens financiers disponibles.

32 Dès lors, il y a lieu de considérer que les lettres du 8 novembre 1991 constituent des actes attaquables au sens de l' article 173 du traité CE. Étant donné que les lettres du 8 novembre 1991 sont postérieures aux lettres du 18 décembre 1990 et que la Commission a fondé son moyen d' irrecevabilité sur la tardiveté des conclusions en annulation, le Tribunal estime qu' il n' y a pas lieu, à ce stade, de se prononcer sur la nature juridique des lettres du 18 décembre 1990.

33 Il convient d' examiner, en second lieu, si les délais de procédure ont été respectés. A cet effet, il convient de relever que l' article 173, troisième alinéa, du traité CEE, applicable à la date de dépôt du recours et repris à l' article 173, cinquième alinéa, du traité CE, fixe le délai pour l' introduction d' un recours en annulation à deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l' acte, de sa notification au requérant, ou à défaut, du jour où celui-ci en a eu connaissance. En vertu de l' article 42 du statut (CEE) de la Cour, ce délai est augmenté du délai de distance, tel que fixé par le règlement de procédure.

34 A cet égard, les requérantes font valoir que les lettres du 8 novembre 1991, tout comme celles du 18 décembre 1990, n' ont pas fait l' objet d' une notification, de nature à faire courir, à leur égard, les délais de recours, et que les décisions prises par la Commission à l' égard de leurs demandes de concours financier ne leur ont été notifiées que par les lettres du 18 mai 1992, susvisées.

35 En réponse à cet argument, il suffit de rappeler que, ainsi que le Tribunal vient de le relever (voir, ci-dessus, points 30, 31 et 32), les lettres du 8 novembre 1991 - rédigées de manière précise et sans équivoque - contenaient la décision définitive de la Commission sur les demandes de concours présentées par les requérantes. Ces lettres doivent donc être considérées comme valant notification régulière des décisions litigieuses, au sens de l' article 173 du traité (voir notamment l' ordonnance de la Cour du 21 novembre 1990, Infortec/Commission, C-12/90, Rec. p. I-4265, 4269, point 9). De plus, dans l' hypothèse où les lettres du 18 décembre 1990 constitueraient également des actes attaquables au sens de l' article 173, elles devraient être considérées, pour les mêmes raisons, comme valant notification régulière de la décision de la Commission qu' elles comportent.

36 Les dates précises de la réception, par les requérantes, de ces correspondances ne sont, certes, pas établies. Toutefois, dès lors que la lettre adressée, le 7 janvier 1992, par Pevasa et celle adressée, le 27 janvier 1992, par Inpesca à la Commission se réfèrent toutes deux expressément aux actes attaqués, il s' ensuit que Pevasa et Inpesca ont nécessairement eu connaissance des lettres du 18 décembre 1990 et du 8 novembre 1991, respectivement, au plus tard le 7 janvier 1992 et le 27 janvier 1992.

37 Il y a lieu, dès lors, de conclure que les recours, enregistrés le 30 juillet 1992, pour autant qu' ils comportent des conclusions en annulation, ont été introduits bien au-delà du délai de deux mois prévu à l' article 173 du traité CEE, augmenté de dix jours en raison de la distance, et, à ce titre, doivent être rejetés comme irrecevables.

Sur les conclusions tendant à ce que le Tribunal ordonne à la Commission d' arrêter les dispositions nécessaires pour l' octroi du concours sollicité

38 Il y a lieu de relever que, dans le cadre d' un recours en annulation fondé sur l' article 173 du traité CE, la compétence du juge communautaire est limitée au contrôle de la légalité de l' acte attaqué. Si le recours est fondé, le juge déclare, en vertu de l' article 174 du traité CE, nul et non avenu l' acte contesté. En vertu de l' article 176 du traité CE, il appartient alors à l' institution dont émane l' acte annulé de prendre les mesures que comporte l' exécution de l' arrêt du Tribunal.

39 Les présentes demandes, fondées sur l' article 176, premier alinéa, du traité CEE, repris à l' article 176, premier alinéa, du traité CE, visent à ce que le Tribunal reconnaisse le droit des requérantes au concours sollicité. Ces demandes sont irrecevables du fait qu' elles excèdent la compétence conférée au Tribunal, dans le cadre d' un recours en annulation.

Sur les conclusions tendant à l' octroi d' intérêts de retard

40 Il y a lieu de remarquer que les conclusions des requêtes tendaient initialement à la reconnaissance du droit des requérantes d' obtenir, à titre d' indemnisation pour les dommages et préjudices causés par l' adoption des décisions attaquées, les intérêts afférents au concours financier communautaire qu' elles avaient sollicité, et ce depuis le 31 octobre 1990, date à laquelle il aurait dû leur être octroyé, jusqu' à la date de son versement effectif. Dans leurs mémoires en réplique, les requérantes ont élargi leurs conclusions, en demandant au Tribunal de reconnaître leur droit "à une réparation des dommages et préjudices, sous la forme de l' octroi du concours financier, majoré des intérêts de retard exigibles depuis la date à laquelle ce concours financier communautaire devait être octroyé".

41 Aux termes de l' article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, "la production de moyens nouveaux en cours d' instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure". Selon une jurisprudence constante, cette disposition ne peut, en aucun cas, être interprétée comme autorisant les parties requérantes à saisir le juge communautaire de conclusions nouvelles (arrêt de la Cour du 18 octobre 1979, Gema/Commission, 125/78, Rec. p. 3173, 3191, point 26; arrêt du Tribunal du 18 septembre 1992, Asia Motor France e.a./Commission, T-28/90, p. II-2285, 2302, point 43). De même, les requérantes ne sauraient-elles élargir, en cours d' instance, les conclusions qui ont été formulées dans l' acte introductif d' instance.

42 Dès lors, l' examen du Tribunal, dans le cas d' espèce, doit se limiter au point de savoir si les conclusions tendant à obtenir des intérêts, telles que formulées dans l' acte introductif d' instance, sont recevables.

43 Le Tribunal constate que, dans le cas d' espèce, les demandes en indemnisation ne revêtent pas de caractère autonome. Comme le soutient à juste titre la Commission, les demandes en indemnisation, qui ne visent à obtenir que le paiement des intérêts afférents au concours sollicité, sont subordonnées aux demandes des requérantes fondées sur l' article 176, paragraphe 1, du traité CEE, tendant à ce que le Tribunal reconnaisse le droit des requérantes à l' octroi du concours sollicité. Étant donné que ces dernières demandes sont irrecevables, les demandes d' intérêts afférents aux demandes principales sont également irrecevables.

44 De l' ensemble de ce qui précède, il résulte que, comme l' a soutenu la Commission, les recours doivent être rejetés comme irrecevables dans leur ensemble.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

45 Aux termes de l' article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s' il est conclu en ce sens. Les parties requérantes ayant succombé en leurs conclusions, il y a lieu de condamner chacune à supporter ses propres dépens, ainsi que la moitié de l' ensemble des dépens exposés par la Commission.

Dispositif


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

ordonne:

1) Les recours sont rejetés comme irrecevables.

2) Chacune des parties requérantes supportera ses propres dépens, ainsi que la moitié de l' ensemble des dépens exposés par la Commission.

Fait à Luxembourg, le 28 avril 1994.