61992J0332

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 3 mars 1994. - Eurico Italia Srl, Viazzo Srl et F & P SpA contre Ente Nazionale Risi. - Demandes de décision préjudicielle: Conciliatura di Vercelli et Pretura circondariale di Vercelli - Italie. - Organisation commune du marché du riz - Droit de contrat - Restitution. - Affaires jointes C-332/92, C-333/92, C-335/92.

Recueil de jurisprudence 1994 page I-00711


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


++++

1. Questions préjudicielles - Saisine de la Cour - Nécessité d' un débat contradictoire préalable - Appréciation par le juge national - Conformité de la décision de renvoi aux règles d' organisation et de procédure judiciaires du droit national - Vérification n' incombant pas à la Cour

(Traité CEE, art. 177)

2. Questions préjudicielles - Saisine de la Cour - Question d' interprétation ayant déjà reçu une réponse dans une espèce analogue - Admissibilité d' une nouvelle demande

(Traité CEE, art. 177)

3. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Question manifestement dénuée de pertinence

(Traité CEE, art. 177)

4. Agriculture - Organisation commune des marchés - Discrimination entre producteurs ou consommateurs - Taxe intérieure frappant les produits nationaux au profit d' un fonds d' aide à la production nationale - Non-remboursement en cas d' exportation - Absence de discrimination

(Traite CEE, art. 40, § 3, alinéa 2)

5. Agriculture - Organisation commune des marchés - Riz - Restitutions à l' exportation - Taxe intérieure frappant le riz d' origine nationale au profit d' un fonds d' aide à la production rizicole nationale - Absence de remboursement à l' exportation - Admissibilité

(Règlement du Conseil n 1418/76, art. 17, § 2)

Sommaire


1. Si, dans le cadre de la procédure prévue à l' article 177 du traité, il peut s' avérer de l' intérêt d' une bonne administration de la justice qu' une question préjudicielle ne soit posée qu' à la suite d' un débat contradictoire, une telle exigence ne figure pas au nombre des conditions requises pour la mise en oeuvre de ladite procédure. Il appartient dès lors à la seule juridiction nationale d' apprécier la nécessité d' entendre le défendeur avant d' arrêter une ordonnance de renvoi.

Il n' appartient pas davantage à la Cour, vu la répartition des fonctions entre elle et les juridictions nationales, de vérifier si la décision par laquelle elle a été saisie a été prise conformément aux règles d' organisation et de procédure judiciaires du droit national.

2. L' article 177 du traité permet toujours à une juridiction nationale, si elle le juge opportun, de déférer à nouveau à la Cour des questions d' interprétation, même si celles-ci ont déjà fait l' objet d' une décision à titre préjudiciel dans une espèce analogue.

3. Dans le cadre de la procédure prévue à l' article 177 du traité, il appartient aux seules juridictions nationales qui sont saisies du litige et doivent assumer la responsabilité de la décision judiciaire à intervenir d' apprécier, au regard des particularités de chaque affaire, tant la nécessité d' une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre leur jugement que la pertinence des questions qu' elles posent à la Cour. Le rejet d' une demande formée par une juridiction nationale n' est possible que s' il apparaît de manière manifeste que l' interprétation du droit communautaire ou l' examen de la validité d' une règle communautaire, demandés par cette juridiction, n' ont aucun rapport avec la réalité ou l' objet du litige au principal.

4. L' article 40, paragraphe 3, deuxième alinéa, du traité doit être interprété en ce sens que l' absence de remboursement d' une taxe intérieure frappant les seuls produits nationaux à l' occasion de leur achat ou de leur transformation et destinée à alimenter un fonds d' aide à la production nationale ne crée pas, en cas d' exportation desdits produits, de discrimination au détriment des opérateurs qui en supportent la charge, dans la mesure où ceux-ci, à la différence des opérateurs s' approvisionnant sur un autre marché, bénéficient de certains services dont ladite taxe constitue la contrepartie.

5. L' article 17, paragraphe 2, relatif aux restitutions à l' exportation, du règlement n 1418/76, portant organisation commune du marché du riz, doit être interprété en ce sens qu' il ne s' oppose pas à ce qu' une taxe intérieure frappant le seul riz d' origine nationale à l' occasion de son achat ou de sa transformation et destinée à alimenter un fonds d' aide à la production rizicole nationale ne soit pas remboursée à l' exportateur dudit riz, dans la mesure où la taxe en cause, n' ayant de lien ni avec les restitutions à l' exportation, ni avec le montant de celles-ci, n' a aucune incidence directe sur le fonctionnement des mécanismes prévus par le règlement précité et n' apparaît pas, dès lors, comme un moyen de diminuer le montant desdites restitutions.

Parties


Dans les affaires jointes C-332/92, C-333/92 et C-335/92,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l' article 177 du traité CEE, par la Conciliatura di Vercelli et la Pretura circondariale di Vercelli (Italie) et tendant à obtenir, dans les litiges pendants devant ces juridictions entre

Eurico Italia Srl,

Viazzo Srl,

F & P SpA

et

Ente Nazionale Risi,

une décision à titre préjudiciel sur l' interprétation des articles 40, paragraphe 3, et 5 du traité CEE ainsi que de l' article 17, paragraphe 2, du règlement (CEE) n 1418/76 du Conseil, du 21 juin 1976, portant organisation commune du marché du riz (JO L 166, p. 1),

LA COUR (sixième chambre),

composée de MM. G. F. Mancini, président de chambre, M. Diez de Velasco, C. N. Kakouris (rapporteur), F. A. Schockweiler et P. J. G. Kapteyn, juges,

avocat général: M. M. Darmon,

greffier: M. H. von Holstein, greffier adjoint,

considérant les observations écrites présentées:

- pour Eurico Italia Srl, Viazzo Srl et F & P SpA, par Mes Fausto Capelli et Dario Casalini, avocats au barreau de Milan et de Vercelli,

- pour l' Ente Nazionale Risi, par Mes Alberto Santa Maria, avocat au barreau de Milan, Nico Schaeffer, avocat au barreau de Luxembourg, et Giuseppe Pizzonia, avocat au barreau de Reggio di Calabria,

- pour le gouvernement italien, par M. le professeur Luigi Ferrari Bravo, chef du service du contentieux diplomatique du ministère des Affaires étrangères, en qualité d' agent, assisté de M. Ivo M. Braguglia, avvocato dello Stato,

- pour la Commission des Communautés européennes, par M. Eugenio de March, conseiller juridique, en qualité d' agent,

vu le rapport d' audience,

ayant entendu les observations orales d' Eurico Italia Srl, de Viazzo Srl et de F & P SpA, de l' Ente Nazionale Risi, du gouvernement italien et de la Commission à l' audience du 23 septembre 1993,

ayant entendu l' avocat général en ses conclusions à l' audience du 17 novembre 1993,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par trois ordonnances du 30 juillet 1992, parvenues à la Cour les 4 et 5 août suivants, la Conciliatura di Vercelli et la Pretura circondariale di Vercelli ont posé, en application de l' article 177 du traité CEE, deux questions préjudicielles relatives à l' interprétation des articles 40, paragraphe 3, et 5 du traité CEE, de l' article 17, paragraphe 2, du règlement (CEE) n 1418/76 du Conseil, du 21 juin 1976, portant organisation commune du marché du riz (JO L 166, p. 1), "et des principes élémentaires applicables à l' impôt sur la consommation de biens à l' intérieur de la Communauté".

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre de trois litiges opposant les entreprises italiennes Eurico Italia Srl (ci-après "Eurico Italia", dans l' affaire C-332/92), Viazzo Srl (ci-après "Viazzo", dans l' affaire C-333/92) et F & P SpA (ci -après "F & P", dans l' affaire C-335/92) à l' Ente Nazionale Risi (ci-après l' "Ente Risi") au sujet d' une charge pécuniaire dénommée "droit de contrat", perçue par l' Ente Risi conformément à la législation italienne, lors de l' achat ou de la transformation en riz de riz paddy de production italienne.

3 L' Ente Risi, personne morale agissant sous le contrôle de l' État, est l' organisme italien d' intervention dans le cadre de l' organisation commune de marché du riz. Il exerce par ailleurs des activités consistant notamment en l' élaboration de données et de recherches relatives à la production ou à la consommation du riz, la répression des fraudes en la matière, la promotion et la mise en oeuvre de l' accroissement de la production et de la consommation du riz. Ces activités de l' Ente Risi sont financées par le "droit de contrat".

4 A l' occasion de chaque contrat portant sur la cession de riz paddy italien ou, en l' absence de contrat, dans le cas de transformation de riz paddy italien par le producteur lui-même, un "droit de contrat" est payé, selon le cas, par l' acheteur ou par le producteur.

5 Les sociétés Eurico Italia, Viazzo et F & P ont acheté certaines quantités de riz paddy italien de variété "Ariete" et "Europa" en vue de sa transformation en riz et de son exportation. Conformément à la réglementation en vigueur en Italie (articles 8 et 9 du décret - loi royale n 1183 du 11 août 1933), elles ont versé à l' Ente Risi un "droit de contrat", dont le montant s' élevait, au moment des faits, à 1 000 LIT pour 100 kg de riz paddy.

6 Eurico Italia a ensuite procédé à l' exportation du riz en cause vers la Pologne et bénéficié de ce fait d' une restitution à l' exportation, alors que Viazzo et F & P ont exporté le riz transformé respectivement vers la France et le Royaume-Uni.

7 Considérant qu' en raison de ces exportations le "droit de contrat" devait leur être remboursé, les trois sociétés ont engagé chacune, à l' encontre de l' Ente Risi, une procédure en injonction devant la Conciliatura di Vercelli et la Pretura circondariale di Vercelli. Elles ont soutenu en substance que du fait du non-remboursement du "droit de contrat" elles subissaient une discrimination par rapport aux autres opérateurs communautaires. Elles ont fait valoir à cet égard que le non-remboursement du "droit de contrat" entraînait, pour Eurico Italia, une diminution du montant de la restitution communautaire qui lui avait été versée et, pour Viazzo et F & P, une augmentation de leurs coûts, ce qui les rendait moins compétitives. Cette discrimination serait incompatible avec le principe énoncé à l' article 40, paragraphe 3, du traité et les principes applicables à l' impôt sur la consommation à l' intérieur de la Communauté.

8 La Conciliatura di Vercelli et la Pretura circondariale di Vercelli ont considéré que l' issue des litiges dépendait de l' interprétation du traité et du règlement n 1418/76, précité, et ont décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

Dans l' affaire C-332/92:

"1) Les dispositions combinées de l' article 40, paragraphe 3, deuxième alinéa, et de l' article 5 du traité de Rome font-elles obligation à l' État italien ou à l' Ente Risi, en tant qu' organisme distinct de l' État, de rembourser aux opérateurs actifs dans le secteur en cause la charge pécuniaire (droit de contrat) pesant sur le riz paddy originaire d' Italie, lorsque le riz produit au départ de ce riz paddy n' a pas été commercialisé dans ce pays, mais exporté par les opérateurs susdits à destination de pays tiers?

2) Peut-on dire que l' absence de remboursement de la charge pécuniaire (droit de contrat) visée ci-dessus, en cas d' exportation au départ de l' Italie et à destination de pays tiers du riz produit à partir du riz paddy originaire d' Italie et assujetti à ce droit de contrat, constitue non seulement une violation de l' interdiction de toute discrimination formulée à l' article 40, paragraphe 3, deuxième alinéa, du traité de Rome, mais aussi une violation de l' article 17, paragraphe 2, du règlement (CEE) n 1418/76 dans la mesure où elle entraîne, pour les seuls exportateurs de riz produit en Italie, une réduction du montant de la restitution communautaire qui, en vertu de cette dernière disposition, doit être la même pour toute la Communauté?"

Dans les affaires C-333/92 et C-335/92:

"1) Les dispositions combinées de l' article 40, paragraphe 3, deuxième alinéa, et de l' article 5 du traité de Rome font-elles obligation à l' État italien ou à l' Ente Risi, en tant qu' organisme distinct de l' État, de rembourser aux opérateurs actifs dans le secteur en cause la charge pécuniaire (droit de contrat) pesant sur le riz paddy originaire d' Italie, lorsque le riz (ou le riz décortiqué) produit au départ de ce riz paddy n' a pas été consommé dans ce pays, mais exporté par les opérateurs susdits à destination d' autres pays de la Communauté européenne?

2) Peut-on dire que l' absence de remboursement de la charge pécuniaire (droit de contrat) visée ci-dessus, en cas d' exportation au départ de l' Italie et à destination d' autres pays de la Communauté européenne du riz (ou du riz décortiqué) produit à partir du riz paddy originaire d' Italie et assujetti à ce droit de contrat, constitue non seulement une violation de l' interdiction de toute discrimination formulée à l' article 40, paragraphe 3, deuxième alinéa, du traité de Rome, mais aussi une violation des principes élémentaires applicables à l' impôt sur la consommation des biens au sein de la Communauté européenne, principes selon lesquels les charges pesant dans un État membre sur les produits nationaux sont remboursées aux exportateurs, lorsque ces produits quittent le territoire de l' État membre concerné?"

9 Par ordonnance du président du 14 septembre 1992, les trois affaires ont, conformément à l' article 43 du règlement de procédure, été jointes aux fins de la procédure orale et de l' arrêt.

Sur la recevabilité

10 L' Ente Risi fait valoir en premier lieu que les questions posées devraient être déclarées irrecevables au motif qu' en l' absence d' une procédure contradictoire devant les juridictions nationales de renvoi il aurait été empêché de soulever certaines exceptions qui auraient éventuellement évité la présente procédure préjudicielle.

11 Il ressort de la jurisprudence de la Cour qu' il peut, certes, s' avérer de l' intérêt d' une bonne administration de la justice qu' une question préjudicielle ne soit posée qu' à la suite d' un débat contradictoire. Il convient néanmoins de reconnaître que l' existence d' un débat contradictoire préalable ne figure pas au nombre des conditions requises pour la mise en oeuvre de la procédure prévue à l' article 177 du traité et qu' il appartient à la seule juridiction nationale d' apprécier la nécessité d' entendre le défendeur avant d' arrêter une ordonnance de renvoi (voir arrêt du 20 octobre 1993, Balocchi, C-10/92, points 13 et 14, non encore publié au Recueil).

12 L' Ente Risi fait valoir en deuxième lieu que selon le droit procédural italien, d' une part, les juridictions de renvoi seraient incompétentes ratione materiae pour connaître des litiges au principal, d' autre part, la procédure en injonction engagée dans le cadre de ces litiges serait irrecevable, cette procédure ne permettant que de condamner une partie et non pas de constater l' existence d' une créance, constatation à laquelle tendent en réalité les demandes des requérantes au principal. Il s' ensuivrait que, au cas où une juridiction serait, selon le droit national, incompétente ou bien lorsque la demande au principal devrait être déclarée irrecevable, la juridiction nationale serait empêchée de saisir la Cour d' une question préjudicielle.

13 Il y a lieu de rappeler à cet égard que, ainsi que la Cour l' a dit dans l' arrêt du 14 janvier 1982, Reina (65/81, Rec. p. 33, point 7), il ne lui appartient pas, vu la répartition des fonctions entre elle et les juridictions nationales, de vérifier si la décision par laquelle elle a été saisie a été prise conformément aux règles d' organisation et de procédure judiciaires du droit national.

14 L' Ente Risi fait valoir en troisième lieu que l' existence d' un précédent tel que l' arrêt du 12 juillet 1973, Geddo (2/73, Rec. p. 865), qui résout les problèmes soulevés par les litiges au principal, interdisait aux juges a quo de saisir de nouveau la Cour, à moins d' exposer les raisons pour lesquelles l' interprétation déjà donnée par la Cour devrait être modifiée.

15 Il convient de rappeler à cet égard que, indépendamment du fait que les questions qui ont donné lieu aux réponses dans l' arrêt Geddo, précité, ne sont pas identiques à celles posées dans les présentes affaires, l' article 177 du traité permet toujours à une juridiction nationale, si elle le juge opportun, de déférer à nouveau à la Cour des questions d' interprétation (voir arrêt du 27 mars 1963, Da Costa en Schaake, 28/62, 29/62 et 30/62, Rec. p. 59, 76).

16 L' Ente Risi fait valoir également que les questions posées ne sont pas pertinentes pour la solution des litiges au principal. Il souligne à cet égard que, eu égard à leur enjeu économique négligeable, les affaires au principal seraient des affaires "pilotes" qui auraient été introduites devant les juridictions nationales dans le seul but d' obtenir une décision de la Cour.

17 A cet égard, il y a lieu de répondre que, selon une jurisprudence constante, il appartient aux seules juridictions nationales, qui sont saisies du litige et doivent assumer la responsabilité de la décision judiciaire à intervenir, d' apprécier, au regard des particularités de chaque affaire, tant la nécessité d' une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre leur jugement que la pertinence des questions qu' elles posent à la Cour. Le rejet d' une demande formée par une juridiction nationale est possible s' il apparaît de manière manifeste que l' interprétation du droit communautaire ou l' examen de la validité d' une règle communautaire, demandés par cette juridiction, n' ont aucun rapport avec la réalité ou l' objet du litige au principal (voir, notamment, arrêt du 16 juillet 1992, Asociación Española de Banca Privada e.a., C-67/91, Rec. p. I-4785, points 25 et 26). Mais tel n' est pas le cas dans les espèces au principal.

18 L' Ente Risi fait valoir enfin que les questions posées tendent en réalité à ce que la Cour se prononce sur l' incompatibilité de la réglementation interne relative au "droit de contrat" avec le droit communautaire, ce qui ne relève pas de la compétence de la Cour lorsqu' elle statue au titre de la procédure préjudicielle.

19 Il convient de rappeler à cet égard que, selon une jurisprudence constante de la Cour, celle-ci, dans le cadre de l' application de l' article 177 du traité, n' est pas compétente pour statuer sur la compatibilité d' une disposition nationale avec le droit communautaire. La Cour peut cependant dégager du libellé des questions formulées par le juge national, eu égard aux données exposées par celui-ci, les éléments relevant de l' interprétation du droit communautaire, en vue de permettre à ce juge de résoudre le problème juridique dont il se trouve saisi (voir arrêt du 11 juin 1992, Sanders Adour et Guyomarc' h Orthez Nutrition animale, C-149/91 et C-150/91, Rec. p.I-3899, point 10).

Sur le fond

Sur la première question commune aux trois affaires

20 Par leur première question, les juridictions nationales visent en substance à savoir si les articles 40, paragraphe 3, deuxième alinéa, et 5 du traité doivent être interprétés en ce sens que l' absence de remboursement d' une taxe intérieure frappant les seuls produits nationaux, à l' occasion de leur achat ou de leur transformation, et destinée à alimenter un fonds d' aide à la production nationale crée, en cas d' exportation desdits produits à destination d' un État membre ou d' un pays tiers, une discrimination au détriment des opérateurs qui en supportent la charge.

21 Il convient d' observer à titre liminaire que le fait que l' exportation a été effectuée à destination d' un État membre de la Communauté ou d' un pays tiers est sans incidence sur la réponse à donner à cette première question.

22 S' agissant de l' article 5 du traité, il convient de rappeler que la formulation de cette disposition est si générale que celle-ci ne saurait être appliquée de manière autonome lorsque la situation considérée est régie par une disposition spécifique du traité, tel l' article 40, paragraphe 3, deuxième alinéa, comme c' est le cas en l' espèce au principal (voir arrêt du 11 mars 1992, Compagnie commerciale de l' Ouest e.a., C-78/90 à C-83/90, Rec. p. I-1847, point 19). Par conséquent, il n' y a pas lieu de statuer sur la première question, en tant qu' elle vise l' article 5 du traité.

23 Les requérantes au principal observent que les opérateurs qui achètent du riz paddy originaire d' Italie ou les producteurs qui transforment celui-ci en riz feraient l' objet d' une discrimination parce que la réglementation italienne sur le "droit de contrat" a pour effet de soumettre le riz paddy de production italienne à un régime différent de celui du riz non produit en Italie.

24 Il y a lieu d' observer que les opérateurs achetant ou transformant le riz paddy italien bénéficient des services assurés par l' Ente Risi, décrits ci-dessus, point 3, dont le "droit de contrat" constitue la contrepartie. Il s' ensuit que ces opérateurs ne font l' objet d' aucune discrimination par rapport aux opérateurs qui, s' approvisionnant sur un autre marché, ne sont pas assujettis audit droit, mais ne bénéficient pas non plus des services de l' Ente Risi.

25 Les requérantes au principal font également valoir que l' application du "droit de contrat" serait discriminatoire, parce qu' elle comporterait une violation de la réglementation communautaire relative à la fixation des prix uniques et des restitutions à l' exportation. Elles soulignent à cet égard que dans la mesure où les institutions communautaires ne tiennent pas compte du "droit de contrat" lorsqu' elles fixent les prix du riz et le montant des restitutions à l' exportation, il en résulte une augmentation des coûts pour les opérateurs italiens et, dès lors, une baisse de leur compétitivité.

26 Cet argument part de l' hypothèse que le "droit de contrat" appliqué au riz paddy italien ne constitue qu' une charge qui augmenterait les coûts des opérateurs italiens. Or, ainsi qu' il a été dit précédemment, ce droit constitue la contrepartie des services qui leur sont rendus par l' Ente Risi.

27 Sur la base des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que l' article 40, paragraphe 3, deuxième alinéa, du traité doit être interprété en ce sens que l' absence de remboursement d' une taxe intérieure frappant les seuls produits nationaux à l' occasion de leur achat ou de leur transformation et destinée à alimenter un fonds d' aide à la production nationale ne crée pas, en cas d' exportation desdits produits, de discrimination au détriment des opérateurs qui en supportent la charge.

Sur la seconde question posée dans l' affaire C-332/92

28 Par cette question, la juridiction nationale vise en substance à savoir si l' article 17, paragraphe 2, du règlement n 1418/76, précité, lequel concerne les restitutions à l' exportation, doit être interprété en ce sens qu' il s' oppose à ce qu' une taxe présentant les caractéristiques mentionnées ci-dessus ne soit pas remboursée à l' exportateur, en cas d' exportation du produit en cause.

29 Selon les requérantes au principal, le fait que le "droit de contrat" n' est pas remboursé lorsque le riz d' origine italienne est exporté à destination d' un pays tiers implique en réalité une réduction du montant de la restitution communautaire perçue au détriment des opérateurs qui s' approvisionnent en riz italien. Par conséquent, le point n 2 du dispositif de l' arrêt Geddo, précité, serait incomplet, dans la mesure où la Cour y a implicitement reconnu le droit pour les opérateurs économiques d' en obtenir le remboursement.

30 Dans l' arrêt Geddo, précité, la Cour a dit pour droit qu' une telle taxe ne pourrait être contraire aux dispositions du règlement prévoyant des restitutions à l' exportation que si elle devait apparaître comme un moyen de diminuer le montant de celles-ci.

31 Il y a lieu de rappeler que cette taxe destinée à alimenter le budget de l' Ente Risi frappe l' acheteur de riz paddy originaire d' Italie à l' occasion du contrat d' achat et le producteur lui-même lorsqu' il procède à la transformation dudit riz. Cette charge pécuniaire s' applique donc au riz italien indépendamment du fait que celui-ci soit exporté ou consommé à l' intérieur du pays.

32 Il en résulte que le droit de contrat n' a aucun lien avec les restitutions à l' exportation, parce qu' il est exigible en l' absence d' exportation. Il n' a pas davantage de lien avec le montant de celles-ci et n' a aucune incidence directe sur le fonctionnement des mécanismes prévus par le règlement n 1418/76, précité.

33 Par conséquent, il y a lieu de répondre à la seconde question posée dans l' affaire C-332/92 que l' article 17, paragraphe 2, du règlement (CEE) n 1418/76 du Conseil, du 21 juin 1976, portant organisation commune du marché du riz, lequel concerne les restitutions à l' exportation, doit être interprété en ce sens qu' il ne s' oppose pas à ce qu' une taxe présentant les caractéristiques mentionnées ci-dessus ne soit pas remboursée à l' exportateur du produit en cause, sauf si cette taxe devait apparaître comme un moyen de diminuer le montant des restitutions à l' exportation.

Sur la seconde question posée dans les affaires C-333/92 et C-335/92

34 Par cette question, la juridiction nationale vise en substance à savoir si les principes élémentaires applicables à l' impôt sur la consommation des biens au sein de la Communauté s' opposent à ce qu' une taxe présentant les caractéristiques du "droit de contrat" ne soit pas remboursée à l' exportateur, lorsque le produit frappé de ladite taxe est exporté vers un autre État membre.

35 Il convient de relever à cet égard que, indépendamment de la question de l' existence de tels principes, la taxe présentant les caractéristiques du "droit de contrat", telle qu' elle a été décrite ci-dessus, ne constitue pas une taxe de consommation, mais, ainsi que l' observe à juste titre la Commission, une taxe parafiscale.

36 Il s' ensuit qu' il n' y a pas lieu de répondre à la seconde question posée dans les affaires C-333/92 et C-335/92.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

37 Les frais exposés par le gouvernement italien et par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l' objet d' un remboursement. La procédure revêtant à l' égard des parties au principal le caractère d' un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR (sixième chambre),

statuant sur les questions à elle soumises par la Conciliatura di Vercelli et la Pretura circondariale di Vercelli, par ordonnances du 30 juillet 1992, dit pour droit:

1) L' article 40, paragraphe 3, deuxième alinéa, du traité doit être interprété en ce sens que l' absence de remboursement d' une taxe intérieure frappant les seuls produits nationaux à l' occasion de leur achat ou de leur transformation et destinée à alimenter un fonds d' aide à la production nationale ne crée pas, en cas d' exportation desdits produits, de discrimination au détriment des opérateurs qui en supportent la charge.

2) L' article 17, paragraphe 2, du règlement (CEE) n 1418/76 du Conseil, du 21 juin 1976, portant organisation commune du marché du riz, lequel concerne les restitutions à l' exportation, doit être interprété en ce sens qu' il ne s' oppose pas à ce qu' une taxe présentant les caractéristiques mentionnées ci-dessus ne soit pas remboursée à l' exportateur du produit en cause, sauf si cette taxe devait apparaître comme un moyen de diminuer le montant des restitutions à l' exportation.