61991J0049

Arrêt de la Cour (première chambre) du 13 octobre 1992. - Weber Haus GmbH & Co. KG contre Finanzamt Freiburg-Land. - Demande de décision préjudicielle: Bundesfinanzhof - Allemagne. - Rassemblements de capitaux - Droit d'apport - Transfert de bénéfices. - Affaire C-49/91.

Recueil de jurisprudence 1992 page I-05207


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


++++

Dispositions fiscales - Harmonisation des législations - Impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux - Transfert de bénéfices entre deux sociétés - Soumission au droit d' apport - Limite

((Directive du Conseil 69/335, art. 4, § 2, sous b) ))

Sommaire


En vertu de l' article 4, paragraphe 2, sous b), de la directive 69/335 concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux, un transfert de bénéfices entre deux sociétés soumises à un associé commun peut être frappé du droit d' apport lorsqu' il apparaît clairement des circonstances de l' espèce qu' il s' agit d' un versement fait par l' associé à l' une de ses sociétés par l' intermédiaire de la seconde. Toutefois, une telle opération ne peut pas être soumise au droit d' apport lorsque la société qui reçoit les bénéfices détient des parts de celle qui les lui verse. Une telle opération doit, en effet, être assimilée à une distribution de dividendes qui, par nature, ne peut pas être soumise au droit d' apport.

Parties


Dans l' affaire C-49/91,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l' article 177 du traité CEE, par le Bundesfinanzhof et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction, entre

Weber Haus GmbH & Co. KG

et

Finanzamt Freiburg-Land,

une décision à titre préjudiciel sur l' interprétation de l' article 4, paragraphe 2, sous b), de la directive 69/335/CEE du Conseil, du 17 juillet 1969, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux (JO L 249, p. 25),

LA COUR (première chambre),

composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président de chambre, R. Joliet et D. A. O. Edward, juges,

avocat général: M. F. G. Jacobs

greffier: M. H. A. Ruehl, administrateur principal

considérant les observations écrites présentées:

- pour Weber Haus GmbH & Co. KG, par M. Armin Grothe, Wirtschaftspruefer, Steuerberater, Frankfurt am Main,

- pour la Commission des Communautés européennes, par M. Henri Étienne, conseiller juridique, en qualité d' agent,

vu le rapport d' audience,

ayant entendu les observations orales de Weber Haus GmbH & Co. KG, représentée par Mme Christiane Schubert, Steuerberater, et de la Commission à l' audience du 2 avril 1992,

ayant entendu l' avocat général en ses conclusions à l' audience du 14 mai 1992,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par ordonnance du 31 octobre 1990, parvenue à la Cour le 4 février 1991, le Bundesfinanzhof a posé, en vertu de l' article 177 du traité CEE, deux questions préjudicielles relatives à l' interprétation de l' article 4, paragraphe 2, sous b), de la directive 69/335/CEE du Conseil, du 17 juillet 1969, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux (JO L 249, p. 25, ci-après "directive 69/335").

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d' un litige opposant la société Weber Haus GmbH and Co. KG (ci-après "Weber Haus") au Finanzamt Freiburg-Land (ci-après "Finanzamt") au sujet de la perception d' un droit d' apport sur les bénéfices que lui a transférés une société du même groupe, la SARL.

3 L' activité du groupe dont font partie Weber Haus et la SARL consiste à construire et à installer des bâtiments préfabriqués. Plus de 99 % des parts des deux sociétés appartiennent aux époux W. Toutefois, les parts des époux W. dans la SARL sont détenues par Weber Haus; celle-ci exerce les droits afférents à ces parts et, à ce titre, est habilitée à recevoir les revenus qui sont distribués. Par ailleurs, les deux sociétés ont conclu un contrat en vertu duquel tous les bénéfices réalisés par la SARL doivent être transférés à Weber Haus qui, en contrepartie, s' est engagée à reprendre les pertes de la SARL.

4 En 1977, la SARL a réalisé un bénéfice de 5 666 634 DM qu' elle a transféré à Weber Haus en application du contrat mentionné ci-dessus. Cette opération a été soumise à l' impôt sur les rassemblements de capitaux par le Finanzamt au motif que, sous couvert d' une opération entre ces deux sociétés, il s' agissait en réalité d' un versement fait par les époux W. à Weber Haus par l' intermédiaire de la SARL. Le Finanzamt s' est basé, pour justifier sa décision, sur l' article 4 de la loi allemande relative à l' impôt sur les mouvements de capitaux (Kapitalverkehrsteuergesetz), qui dispose:

"La circonstance que des prestations ... ne soient pas le fait d' associés, mais de sociétés ou d' associations dont cet associé est membre ou dans lesquelles il détient des parts, n' a pas pour effet d' exclure l' obligation fiscale."

5 Saisi du litige, le Bundesfinanzhof s' est interrogé sur la compatibilité de cette disposition avec l' article 4, paragraphe 2, sous b), de la directive 69/335. Cet article prévoit que l' augmentation de l' avoir social d' une société de capitaux "au moyen de prestations effectuées par un associé" peut être soumise au droit d' apport, mais n' envisage pas l' hypothèse de prestations effectuées par l' associé via une autre société, également soumise à son contrôle.

6 C' est dans ces conditions que le Bundesfinanzhof a décidé de surseoir à statuer et de poser les deux questions préjudicielles suivantes:

"1) L' article 4, paragraphe 2, sous b), de la directive 69/335/CEE autorise-t-il les États membres à soumettre au droit d' apport les prestations effectuées, non pas par un associé, mais par une société ou une association dont cet associé est membre ou dans laquelle il détient des parts, en vertu d' un contrat de transfert de bénéfices conclu avec la société?

2) En cas de réponse affirmative à la première question: la prestation soumise au droit d' apport en vertu de l' article 4, paragraphe 2, sous b), de la directive 69/335/CEE est-elle accomplie dès lors que le contrat de transfert de bénéfices a été valablement conclu en droit civil ou seulement à partir du transfert de bénéfices proprement dit?"

7 Pour un plus ample exposé des faits du litige au principal, du déroulement de la procédure ainsi que des observations écrites déposées devant la Cour, il est renvoyé au rapport d' audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-après que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.

Sur la première question

8 Par sa première question, la juridiction nationale demande si, en vertu de l' article 4, paragraphe 2, sous b), de la directive 69/335, un transfert de bénéfices entre deux sociétés contrôlées par le même associé peut être frappé du droit d' apport.

9 En vue de répondre à cette question, il y a lieu, tout d' abord, de rappeler qu' aux termes de la disposition précitée de la directive les prestations effectuées par un associé qui augmentent l' avoir social d' une société de capitaux peuvent être soumises au droit d' apport, alors même qu' elles n' entraînent pas une augmentation du capital social, à la condition qu' elles trouvent leur contrepartie dans une modification des droits sociaux ou qu' elles soient susceptibles d' augmenter la valeur des parts sociales.

10 Un transfert de bénéfices en faveur d' une société de capitaux, dans la mesure où il accroît l' avoir de cette société et est susceptible d' augmenter la valeur des parts sociales, constitue une prestation pouvant être soumise au droit d' apport, lorsqu' il est effectué par un associé.

11 Doit être considéré comme une prestation effectuée par un associé, au sens de la disposition communautaire précitée, le transfert de bénéfices réalisé entre deux sociétés soumises à un associé commun, lorsqu' il apparaît clairement des circonstances de l' espèce que ce transfert constitue en réalité un versement fait par l' associé commun à l' une de ses sociétés par l' intermédiaire de la seconde.

12 Toutefois, un transfert de bénéfices ne peut être traité comme un apport lorsque la société recevant les sommes transférées détient des parts de la société qui les lui verse et, à ce titre, est habilitée à recevoir les revenus de ces parts; une telle opération doit, en effet, être assimilée à une distribution de dividendes qui, par nature, ne peut pas être soumise au droit d' apport.

13 Il en résulte qu' il y a lieu de répondre à la première question que, en vertu de l' article 4, paragraphe 2, sous b), de la directive 69/335, un transfert de bénéfices entre deux sociétés soumises à un associé commun peut être frappé du droit d' apport lorsqu' il apparaît clairement des circonstances de l' espèce qu' il s' agit d' un versement fait par l' associé à l' une de ses sociétés par l' intermédiaire de la seconde. Toutefois, une telle opération ne peut pas être soumise au droit d' apport lorsque la société qui reçoit les bénéfices détient des parts de celle qui les lui verse.

Sur la seconde question

14 Compte tenu de la réponse apportée à la première question, il n' y a pas lieu de répondre à la seconde question préjudicielle.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

15 Les frais exposés par la Commission des Communautés européennes, qui a soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l' objet d' un remboursement. La procédure revêtant, à l' égard des parties au principal, le caractère d' un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR (première chambre),

statuant sur les questions à elle soumises par le Bundesfinanzhof, par ordonnance du 31 octobre 1990, dit pour droit:

En vertu de l' article 4, paragraphe 2, sous b), de la directive 69/335/CEE du Conseil, du 17 juillet 1969, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux, un transfert de bénéfices entre deux sociétés soumises à un associé commun peut être frappé du droit d' apport lorsqu' il apparaît clairement des circonstances de l' espèce qu' il s' agit d' un versement fait par l' associé à l' une de ses sociétés par l' intermédiaire de la seconde. Toutefois, un telle opération ne peut pas être soumise au droit d' apport lorsque la société qui reçoit les bénéfices détient des parts de celle qui les lui verse.