61988C0126

Conclusions de l'avocat général Van Gerven présentées le 24 janvier 1990. - Boots Company plc contre Commissioners of Customs and Excise. - Demande de décision préjudicielle: High Court of justice, Queen's Bench Division - Royaume-Uni. - Taxe sur la valeur ajoutée - Sixième directive - Base d'imposition. - Affaire C-126/88.

Recueil de jurisprudence 1990 page I-01235


Conclusions de l'avocat général


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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . La High Court of Justice a déféré à la Cour un certain nombre de questions relatives à l' interprétation de l' article 11 A du titre VIII "Base d' imposition" de la sixième directive du Conseil en matière d' harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d' affaires ( 1 ). Les questions d' interprétation concernent en particulier les deux dispositions suivantes :

- article 11 A, paragraphe 1, sous a ), de la directive :

"A - A l' intérieur du pays

1 . La base d' imposition est constituée :

a ) pour les livraisons de biens et les prestations de services autres que celles visées sous b ), c ) et d ), par tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l' acheteur, du preneur ou d' un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations;

b ) ...

c ) ...

d ) ..."

- article 11 A, paragraphe 3, sous b ), de la directive :

"3 . Ne sont pas à comprendre dans la base d' imposition :

a ) ...

b ) les rabais et ristournes de prix consentis à l' acheteur ou au preneur et acquis au moment où s' effectue l' opération;

c ) ..."

Situation du problème

2 . Les questions préjudicielles se sont posées dans le cadre d' un litige opposant Boots Company PLC ( ci-après "Boots ") et les Commissioners of Customs and Excise ( ci-après "Commissioners ").

Le groupe Boots possède une chaîne de magasins dans lesquels sont vendus des médicaments, des articles de toilette et différents autres produits . Pour promouvoir la vente, Boots a régulièrement recours à une forme de publicité dans laquelle sont utilisés des bons . Le client qui remet un tel bon lors de l' achat du produit indiqué sur le bon en question obtient une réduction sur le prix à payer en argent à concurrence du montant imprimé sur le bon . Le coût de cette forme de publicité est supporté, en tout ou en partie, tantôt par le fabricant des produits concernés, tantôt par Boots elle-même . Les parties sont d' accord que la taxe sur le chiffre d' affaires est due sur le montant que Boots facture aux fabricants pour la partie des réductions de prix accordées que ceux-ci se sont engagés à financer . Le litige porte donc uniquement sur la réduction de prix par bons dont le coût est supporté par Boots .

3 . Les bons acceptés dans les magasins Boots sont diffusés dans le public de différentes manières . L' une d' entre-elles consiste à imprimer ces bons dans la presse ou dans des prospectus distribués gratuitement . Les autorités britanniques admettent en pratique que, lorsqu' un bon diffusé de cette façon est remis à l' achat d' une marchandise, la taxe sur le chiffre d' affaires n' est due que sur la somme d' argent payée à Boots par le client, la valeur énoncée sur le bon n' étant donc pas reprise dans la base d' imposition, c' est-à-dire dans le montant sur lequel la taxe est due . Au cours de la procédure orale devant la Cour, le représentant du gouvernement britannique ne s' est pas prononcé sur le point de savoir si cette pratique est conforme aux dispositions de la directive .

Une autre manière de diffuser les bons consiste à les imprimer sur ou à les joindre à l' emballage des produits distribués dans les magasins Boots ( produits que nous désignerons succinctement ci-après par "produits avec bon "). Le client qui achète un pareil produit reçoit le bon en même temps, sans avoir à payer de supplément . Lors de l' achat de la marchandise indiquée sur le bon et de la remise de celui-ci, Boots reconnaît que ce bon, à l' instar de ceux qui sont diffusés par voie de presse ou de prospectus, donne droit à une réduction de prix à concurrence de la valeur imprimée sur le bon .

Le représentant de Boots a expliqué au cours de la procédure orale que le montant figurant sur le bon correspond à une partie du prix de vente du produit acheté ultérieurement, qui varie de 5 à 31 % selon la marge bénéficiaire . Il a en outre été signalé au cours de la procédure orale que le produit avec bon et le produit acheté ultérieurement ne sont pas nécessairement de même nature, mais que la livraison des deux produits est soumise au même taux de la taxe sur le chiffre d' affaires .

4 . Boots estime que lorsque le client achète le bien désigné sur le bon et remet à cette occasion le bon obtenu lors d' un achat précédent, la taxe sur le chiffre d' affaires ne doit être perçue que sur la somme d' argent effectivement payée par l' acheteur . Elle considère donc que la base d' imposition doit être déterminée de la même manière que celle qui est appliquée en cas d' achat d' un produit contre remise d' un bon diffusé par voie de presse ou de prospectus . Les Commissioners estiment, au contraire, que les situations sont différentes, en raison du fait que dans le premier cas le client doit acheter un produit préalablement, alors que dans l' autre cas il ne le doit pas . Les Commissioners ont adressé à Boots, pour l' exercice fiscal de 1984, un avis d' imposition complémentaire d' un montant de 10 727,3 livres sterling . Le Value Added Tax Tribunal ayant confirmé cet avis de redressement fiscal, Boots a introduit un recours contre cette décision devant la High Court of Justice . C' est dans le cadre de ce recours que la High Court a déféré à la Cour les questions suivantes :

"1 ) L' article 11 A, paragraphe 1, sous a ), de la sixième directive du Conseil doit-il être interprété en ce sens que 'tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire ... de la part de l' acheteur, du preneur ou d' un tiers' consiste seulement dans le paiement par le client d' une somme d' argent?

2 ) Un détaillant obtient-il d' un client une contrepartie au sens de l' article 11 A, paragraphe 1, sous a ), de la sixième directive du Conseil, lorsqu' il accepte du client un bon lui donnant droit à une réduction de prix lors de l' achat des articles spécifiés sur le bon, ce bon ayant été donné au client par le détaillant au moment de l' achat d' autres articles du détaillant à leur prix normal au détail?

3 ) L' expression 'rabais et ristournes de prix consentis à l' acheteur ou au preneur et acquis au moment où s' effectue l' opération' , employée à l' article 11 A, paragraphe 3, sous b ), de la sixième directive du Conseil, doit-elle être interprétée en ce sens qu' elle s' applique à la différence entre le prix de vente normal au détail des articles livrés et la somme d' argent effectivement reçue par le détaillant pour ces articles lorsqu' un bon, obtenu comme il est précisé ci-dessus, lui est remis en même temps?

4 ) Lorsqu' un détaillant livre les articles à prix réduit à un client pour une somme d' argent inférieure au prix de vente normal au détail des articles, parce que le client lui remet au moment de la livraison un bon acquis au moment de l' achat d' autres articles auprès du même détaillant,

a ) la base d' imposition au sens de l' article 11 A, paragraphe 1, sous a ), de la sixième directive du Conseil est-elle constituée par la somme d' argent reçue par le détaillant pour les articles à prix réduit, ou

b ) par le total de la somme d' argent reçue par le détaillant pour les articles à prix réduit et de la valeur du bon, et, dans ce cas, comment la valeur du bon doit-elle être déterminée, ou

c ) si aucune de ces hypothèses n' est valable, quel est, dans ce cas, la base d' imposition?

5 ) Si la 'contrepartie' peut comprendre non seulement le paiement d' une somme d' argent, mais aussi la remise du bon au fournisseur des articles en cause, les dispositions de l' article 11 A, paragraphe 1, sous a ), empêchent-elles un État membre d' évaluer la base d' imposition par référence au prix que le client devrait payer pour obtenir les articles si la contrepartie consistait entièrement en une somme d' argent?

6 ) Une disposition nationale en vigueur au 1er janvier 1978, prévoyant que 'si la livraison d' un bien n' est pas effectuée à titre onéreux, ou si elle est effectuée pour une contrepartie ne consistant pas ou ne consistant pas entièrement en une somme d' argent, la valeur de la livraison est réputée être sa valeur normale' , constitue-t-elle une dérogation aux dispositions de l' article 11 de la sixième directive du Conseil qui, aux termes de l' article 27 de la sixième directive du Conseil, aurait dû être notifiée à la Commission des Communautés européennes avant le 1er janvier 1978?"

5 . Pour un exposé plus détaillé des faits, du déroulement de la procédure et des observations présentées devant la Cour, nous renvoyons au rapport d' audience . Ces éléments du dossier ne seront repris dans les conclusions qui suivent que dans la mesure où cela s' avérera nécessaire au raisonnement .

La première question

6 . Par la première question qu' elle a posée, la High Court souhaite s' entendre dire si les paiements effectués en argent constituent les seules contreparties visées par l' article 11 A, paragraphe 1, sous a ), de la sixième directive . Toutes les parties s' accordent à dire que cette question appelle une réponse négative . Nous sommes également de cet avis pour les raisons que voici .

L' article 11 A, paragraphe 1, sous a ), de la sixième directive dit clairement que tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur de la part de l' acheteur doit être pris en considération . Comme la Cour l' a dit dans l' arrêt qu' elle a rendu le 23 novembre 1988, Naturally Yours Cosmetics ( 2 ), la règle concernée de la sixième directive peut être interprétée en tenant compte des dispositions correspondantes de la deuxième directive du Conseil du 11 avril 1967 ( 3 ). Or, dans la partie de l' annexe A consacrée à l' article 8, sous a ), de la deuxième directive, il est déclaré en toutes lettres qu' il y a lieu d' entendre par "contrevaleur" "la valeur des biens reçus en échange ". Cela fait apparaître clairement que l' article 11 A, paragraphe 1, sous a ), de la sixième directive vise également d' autres prestations que des paiements en argent .

La deuxième et la troisième question

7 . Tant la deuxième que la troisième question portent sur le point de savoir si, lorsqu' un bien est acheté contre remise d' un bon obtenu à l' occasion d' un achat précédent, le montant imprimé sur ce bon doit être repris dans la base d' imposition . Dans la deuxième question, il s' agit plus particulièrement de savoir si ce montant fait partie de la base d' imposition, parce que la remise du bon serait à considérer comme une contre-prestation au sens de l' article 11 A, paragraphe 1, sous a ), de la directive . La troisième question porte, au contraire, sur le point de savoir si ce montant ne fait pas partie de la base d' imposition, parce que le bon serait la matérialisation d' une ristourne ou d' un rabais consenti par l' acheteur au sens de l' article 11 A, paragraphe 3, sous b ), de la directive .

Il faut, selon nous, examiner la troisième question avant la deuxième . En effet, dans l' hypothèse où l' on constaterait que le bon matérialise un droit à une ristourne et que, pour cette raison, le montant imprimé sur ce bon ne rentre pas dans la base d' imposition, il n' y aurait plus lieu d' examiner la deuxième question .

8 . Observons, tout d' abord, que les expressions "ristourne" et "rabais", qui figurent à l' article 11 A, paragraphe 3, sous b ), de la directive, apparaissent dans une disposition de droit communautaire qui définit son contenu et sa portée sans se référer au droit national des États membres . L' interprétation de ces expressions ne saurait dès lors être laissée à l' appréciation de chaque État membre ( 4 ).

9 . L' article 11 A, paragraphe 3, sous b ), énonce deux conditions auxquelles il doit être satisfait cumulativement : premièrement, il doit s' agir d' une ristourne ou d' un rabais consenti à l' acheteur du bien ou au preneur du service; deuxièmement, la ristourne ou le rabais doit être acquis par l' acheteur ou le preneur au moment où s' effectue l' opération d' achat ou de service .

La seconde condition ne présente aucune difficulté particulière dans le cas qui nous occupe, dès l' instant où il est admis que la première condition est remplie . Le client reçoit alors par hypothèse une "ristourne" ou un "rabais" au moment de l' achat du produit indiqué sur le bon : lorsqu' il remet le bon, il ne doit payer que le montant qui correspond au prix de vente diminué du montant imprimé sur le bon .

En revanche, le point de savoir s' il est satisfait à la première condition est contesté . Boots et la Commission sont d' avis qu' il s' agit ici effectivement d' une ristourne ou d' un rabais . En revanche, le gouvernement britannique estime qu' une ristourne ou un rabais implique que le prix de vente soit effectivement diminué; une réduction de prix qui dépend de la remise d' un bon ne relèverait pas de la disposition concernée . Même si une ristourne ou un rabais pouvait être accordé au moyen d' un bon, le gouvernement britannique estime qu' il ne peut s' agir d' une telle ristourne ou d' un tel rabais lorsque, pour pouvoir en bénéficier, le client doit d' abord acheter un produit avec bon .

10 . Les arguments développés par le gouvernement britannique ne nous convainquent pas . Nous partageons l' avis de Boots et de la Commission, et nous pensons comme eux que, dans les circonstances de l' espèce, il s' agit d' une ristourne ou d' un rabais au sens de l' article 11 A, paragraphe 3, sous b ), de la directive . Pour le démontrer, nous allons tout d' abord préciser les notions de "ristourne" et de "rabais" ( points 11 et 12 ) ainsi que la notion de "bon" ( point 13 ). Nous examinerons, ensuite, si une réduction ou un rabais peut être accordé contre remise d' un bon ( point 14 ). Enfin, nous chercherons à savoir quelle importance il faut donner au fait que le client ne reçoit le bon qu' à l' achat d' une autre marchandise ( point 15 ).

11 . Les termes "ristourne" et "rabais" n' ont pas, à notre connaissance, une signification bien délimitée . Au reste, une distinction entre ces deux termes ne nous paraît pas jouer un rôle dans l' affaire qui nous occupe aujourd' hui . On peut, cependant, déduire du fait que deux termes différents sont utilisés l' un à côté de l' autre qu' il ne faut pas prêter une signification restrictive à l' un ou à l' autre et que, par exemple, la disposition vise aussi bien l' hypothèse dans laquelle une partie du prix indiqué n' est pas payée que l' hypothèse dans laquelle une partie du prix déjà payée est ristournée au client au moment ou il effectue l' achat ( 5 ). Les deux termes se réfèrent donc conjointement aux réductions de prix au sens le plus large du terme (( à l' exception des "diminutions de prix à titre d' escompte pour paiement anticipé", qui sont expressément énoncées à l' article 11 A, paragraphe 3, sous a ) )).

La nature des diminutions de prix visées à la lettre b ) peut être précisée à l' aide des caractéristiques du système de la taxe sur le chiffre d' affaires, indiquées ci-après .

12 . La taxe sur le chiffre d' affaires est un impôt général sur la consommation, qui a pour objet de frapper les dépenses du consommateur final ( 6 ). L' article 2 de la sixième directive précise, à cet égard, quelles prestations sont soumises à la taxe :

"1 ) Les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l' intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel;

2 ) ..." ( souligné par nous ).

La Cour a déduit de l' expression "à titre onéreux" ainsi que de la définition de la base d' imposition que nous avons reproduite plus haut ( au point 1 ) que ce qui entre en ligne de compte pour l' assiette d' imposition, c' est la contrepartie réellement reçue par le fournisseur du bien ou du service, cette contrepartie devant en outre pouvoir être exprimée en argent ( 7 ). La Cour a encore précisé qu' il n' y a pas d' assiette d' imposition pour les prestations fournies sans contrepartie directe, c' est-à-dire sans une contrepartie qui présente un lien direct avec la marchandise livrée ou le service fourni ( 8 ).

Les éléments que nous venons d' exposer font apparaître pourquoi l' article 11 A, paragraphe 3, sous b ), exclut les réductions de prix de la base d' imposition : c' est parce qu' à cette diminution, bien que consentie pour des raisons commerciales par le fournisseur du bien ou du service ( à savoir pour augmenter son chiffre d' affaires ), ne correspond aucune contrepartie ( distincte du moins ) qui puisse être exprimée en argent et qui serait fournie par l' acheteur du bien ou le destinataire du service .

13 . Comment se situent les "bons" dans ce cadre? D' un point de vue juridique, les bons acceptés dans les magasins Boots peuvent être décrits de la manière suivante . Ces bons sont des titres ( cessibles ) qui matérialisent le droit du porteur à une réduction de prix, à concurrence du montant imprimé sur les bons, à l' occasion de l' achat chez un détaillant déterminé de marchandises indiquées sur les bons . Pour le détaillant qui distribue lui-même les bons ( c' est-à-dire dans l' hypothèse qui est la nôtre ), ces bons représentent l' obligation d' accorder une réduction de prix lors de l' achat ultérieur de marchandises indiquées sur le bon contre remise de celui-ci .

Eu égard à la jurisprudence de la Cour évoquée dans le point précédent, il y a cependant lieu d' admettre qu' un bon ne matérialise plus un droit à une diminution de prix lorsque et dans la mesure où l' émetteur de ce bon perçoit, en contrepartie de l' obligation qu' il s' impose par l' émission du bon, une contre-prestation pouvant être exprimée en argent ( et non pas seulement la perspective d' un accroissement de son chiffre d' affaires ). Permettez-moi à présent de qualifier les situations de fait qui nous ont été soumises au moyen de la description qui précède .

14 . Dans le cas, qui est le plus simple, où un fournisseur-émetteur diffuse les bons gratuitement par voie de prospectus, il est clair qu' il ne reçoit aucune contrepartie pour les bons mis en circulation . Il s' agit donc bien d' une réduction de prix . Nous ne voyons, en effet, aucune raison pour laquelle une réduction de prix, qui, au lieu d' être consentie directement, est accordée contre remise d' un bon ainsi mis en circulation, ne relèverait pas tout autant de l' article 11 A, paragraphe 3, sous b ): rien dans le texte de l' article ou dans l' objectif qu' il poursuit ne s' oppose à une telle solution . D' ailleurs, le fait qu' un tel bon diffusé gratuitement par voie de prospectus peut être considéré comme un titre de ristourne est conforme à la pratique suivie par les autorités britanniques qui, en cas d' achat d' une marchandise contre remise d' un bon ainsi diffusé, n' incluent pas le montant indiqué sur celui-ci dans la base d' imposition . Nous estimons, dès lors, que cette pratique est conforme au droit communautaire .

15 . Il nous faut maintenant examiner la question de savoir si un bon délivré à l' occasion d' un achat précédent peut également être considéré comme un titre de ristourne . Le gouvernement britannique fait observer que, dans cette hypothèse, le client doit effectivement consentir une dépense pour acquérir le bon et que le fournisseur-émetteur perçoit une contrepartie sous forme d' une augmentation de son chiffre d' affaires . Dans ces circonstances, il ne saurait être question, selon le gouvernement britannique, d' une ristourne ou d' un rabais au sens de l' article 11 A, paragraphe 3, sous b ).

Il est exact que, dans une telle hypothèse, le client effectue une dépense et que le fournisseur perçoit un certain prix lorsqu' il vend le produit avec bon . Cependant, la totalité du prix présente, pour reprendre les termes mêmes utilisés par la Cour ( voir point 12 ci-dessus ), un lien direct avec le produit vendu à ce moment-là, et il doit, à ce moment-là, être inclus entièrement dans la base d' imposition . Le bon acquis par l' acheteur à cette occasion lui est remis par le fournisseur en vue d' une utilisation éventuelle lors d' un achat ultérieur et donne, lors de cet achat ultérieur, droit à une réduction de prix, exactement comme dans le cas des bons diffusés gratuitement par voie de prospectus . Le prix réduit effectivement perçu par le fournisseur lors de l' achat ultérieur contre remise du bon constitue alors également la base d' imposition . Le bon qui représente une obligation du fournisseur dans les circonstances indiquées - et parce qu' il représente une telle obligation - ne peut pas être considéré comme une contrepartie, c' est-à-dire comme un avantage pouvant être exprimé en argent au bénéfice du fournisseur . Il doit dès lors être considéré comme une ristourne ou un rabais au sens de l' article 11 A, paragraphe 3, sous b ), de la directive .

Les autres questions

16 . La réponse que nous venons de suggérer d' apporter à la troisième question nous permet de prendre brièvement position sur les autres questions .

Comme nous l' avons déjà déclaré plus haut ( au point 7 ), il est superflu de répondre à la deuxième question eu égard à la réponse que nous venons de donner à la troisième . Il résulte des dispositions combinées de l' article 11 A, paragraphe 1, sous a ), et de l' article 11 A, paragraphe 3, sous b ), que la base d' imposition pour la livraison de biens ou la prestation de services est constituée par les contreparties effectivement obtenues ou à obtenir par le fournisseur, à l' exclusion de la ristourne consentie . Dès l' instant où un bon distribué à un client est reconnu comme un titre de ristourne, il va de soi que ce bon n' est pas une contrepartie pour l' application de cet article 11 A .

17 . Il résulte également de la réponse que nous avons donnée à la troisième question que, parmi les trois possibilités de réponses énoncées dans la quatrième question, c' est la réponse figurant à la lettre a ) qui doit être retenue .

18 . Il nous semble ne pas devoir aborder la cinquième question, dès lors qu' elle se fonde sur l' hypothèse d' une réponse aux questions précédentes que nous ne préconisons pas .

19 . Enfin, nous ne croyons pas davantage devoir examiner la sixième question . La disposition de droit national dont il s' agit dans cette question ne nous paraît pas applicable, en effet, en cas de livraison de biens avec application d' une ristourne .

Conclusion

20 . En résumé, nous proposons à la Cour de répondre aux questions préjudicielles de la manière suivante :

"1 ) La base d' imposition décrite à l' article 11 A, paragraphe 1, sous a ), de la sixième directive en matière de taxe sur le chiffre d' affaires ne vise pas exclusivement le paiement par le client d' une somme d' argent .

2 ) Un détaillant qui, contre remise d' un bon donné à l' occasion de l' achat d' un premier bien, accorde à son client une réduction de prix à l' achat d' un deuxième bien, indiquée sur le bon, consent une ristourne ou un rabais au sens de l' article 11 A, paragraphe 3, sous b ), de la sixième directive . Seul le prix effectivement perçu par le détaillant pour le deuxième bien rentre alors dans la base d' imposition ."

(*) Langue originale : le néerlandais .

( 1 ) Sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d' harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d' affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme ( JO L 145, p . 1 ).

( 2 ) Arrêt du 23 novembre 1988, Naturally Yours Cosmetics ( 230/87, Rec . p . 6365, dixième considérant ).

( 3 ) Deuxième directive 67/228/CEE du Conseil, du 11 avril 1967, en matière d' harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d' affaires - Structures et modalités d' application du système commun de taxe sur la valeur ajoutée ( JO p . 1303 ).

( 4 ) Voir l' arrêt du 5 février 1981, Cooeperatieve Aardappelenbewaarplaats ( 154/80, Rec . p . 445, neuvième considérant ).

( 5 ) L' article 11 C, paragraphe 1, de la directive traite de réductions de prix consenties après le moment où s' effectue l' opération et dont le montant ne rentre pas non plus dans la base d' imposition .

( 6 ) Voir l' article 2, premier alinéa, de la première directive 67/227/CEE du Conseil, du 11 avril 1967, en matière d' harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d' affaires ( JO p . 1301 ).

( 7 ) Voir affaire 154/80 ( précitée note 4 ), treizième considérant . Voir également affaire 230/87 ( précitée note 2 ), seizième considérant .

( 8 ) Voir affaire 154/80 ( précitée note 4 ), douzième considérant, et affaire 230/87 ( précitée note 2 ), douzième considérant; voir également l' arrêt du 1er avril 1982, Hong Kong Trade ( 89/81, Rec . p . 1277, dixième considérant ).