61987J0070

Arrêt de la Cour du 22 juin 1989. - Fédération de l'industrie de l'huilerie de la CEE (Fediol) contre Commission des Communautés européennes. - Politique commerciale commune - Pratiques commerciales illicites - Règlement n. 2641/84. - Affaire 70/87.

Recueil de jurisprudence 1989 page 01781
édition spéciale suédoise page 00067
édition spéciale finnoise page 00079


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


++++

1 . Politique commerciale commune - Défense contre les pratiques commerciales illicites - Pouvoir d' appréciation de la Commission - Portée du contrôle juridictionnel susceptible d' être déclenché par les entreprises dont la demande de mesures défensives a été rejetée - Qualification des pratiques dénoncées au regard des règles du GATT - Inclusion

( Règlement du Conseil n° 2641/84 )

2 . Accords internationaux - GATT - Interprétation et application par la Cour aux fins du contrôle juridictionnel des décisions arrêtées par la Commission dans le cadre de la défense contre les pratiques commerciales illicites .

( Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce; Règlement du Conseil n° 2641/84, art . 2, § 1, et 3 )

3 . Accords internationaux - GATT - Appréciation d' un système de taxes différentielles à l' exportation au regard des règles du GATT - Inapplicabilité des articles III et XI - Défaut de pertinence des articles XX et XXIII

( Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, art . III, XI, XX et XXIII )

Sommaire


1 . Dans le cadre de l' application du règlement n° 2641/84, relatif à la défense contre les pratiques commerciales illicites, les entreprises ayant, aux fins d' obtenir l' adoption de mesures de défense, déposé une plainte qui a été rejetée par une décision de la Commission sont en droit de faire contrôler par la Cour le bien-fondé de ladite décision dans une hypothèse où celle-ci se limite à qualifier la pratique dénoncée de non contraire aux dispositions de l' Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce sans comporter d' appréciation sur l' intérêt de la Communauté à l' ouverture d' une procédure d' examen ou même sur le préjudice ou la menace de préjudice pour la production concernée de la Communauté .

2 . De ce que diverses dispositions de l' Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce ne sont pas de nature à engendrer, pour les justiciables de la Communauté, le droit de s' en prévaloir en justice, on ne saurait déduire que ces derniers ne peuvent pas invoquer devant la Cour les dispositions de l' Accord général, afin de faire vérifier si un comportement dénoncé dans une plainte introduite en vertu de l' article 3 du règlement n° 2641/84 constitue une pratique commerciale illicite au sens de ce règlement . En effet, les dispositions de l' Accord général font partie des règles du droit international auxquelles renvoie l' article 2, paragraphe 1, de ce même règlement, interprétation confirmée par la combinaison des deuxième et quatrième considérants de ce règlement .

La souplesse qui caractérise les dispositions de l' Accord général en divers domaines n' empêche pas la Cour d' interpréter et d' appliquer les règles de l' Accord général au regard d' un cas donné, afin d' examiner si certaines pratiques commerciales sont à considérer comme incompatibles avec ces règles . Les dispositions de l' Accord général ont un contenu propre qu' il convient de préciser chaque fois, par voie d' interprétation, en vue de leur application .

Le fait que l' Accord général prévoit une procédure spéciale pour le règlement des différends entre parties contractantes n' est pas de nature à exclure la compétence d' interprétation de la Cour car, de ce que les parties à un accord ont créé un cadre institutionnel particulier pour les consultations et négociations entre elles relatives à l' exécution de l' accord, on ne saurait exclure toute application juridictionnelle de cet accord .

En conséquence, les opérateurs intéressés, dès lors qu' ils peuvent se prévaloir des dispositions de l' Accord général pour fonder leur plainte, peuvent soumettre au contrôle de la Cour la légalité de la décision de la Commission appliquant ces dispositions .

3 . Un système de taxes différentielles à l' exportation frappant plus lourdement l' exportation d' un produit à l' état brut que celle des produits issus de sa transformation ne rentre pas dans le champ d' application de l' article III de l' Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, qui vise à éviter toute discrimination des produits importés par rapport aux produits nationaux en matière d' impositions et de réglementations intérieures .

L' article XI ne lui est pas davantage applicable car il ne vise pas, indépendamment du mode de calcul pratiqué, les restrictions résultant entre autres des taxes et autres impositions .

Sont par ailleurs dépourvus de pertinence pour apprécier l' admissibilité d' un tel système au regard des règles de l' Accord général les articles XX, qui n' édicte aucune interdiction générale autonome, et XXIII, qui comporte des dispositions d' ordre procédural et ne contient aucune règle de fond spécifique .

Parties


Dans l' affaire 70/87,

Fédération de l' industrie de l' huilerie de la CEE ( Fediol ), établie à Bruxelles, représentée par Mes D . Ehle, U.C . Feldmann, V . Schiller, P.C . Reszel, B . Hein, avocats au barreau de Cologne, ayant élu domicile à Luxembourg, en l' étude de Mes E . Arendt et G . Harles, avocats, 34, rue Philippe II,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M . Peter Gilsdorf, conseiller juridique, assisté de Mes H.J . Rabe et M . Schuette, du cabinet Schoen et Pflueger, à Hambourg et Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg, auprès de M . Georgios Kremlis, membre du service juridique, Centre Wagner,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours visant à l' annulation de la décision n° 2506 de la Commission, du 22 décembre 1986 ( non publiée ), portant rejet d' une demande d' ouverture d' une procédure d' examen de pratiques commerciales illicites de l' Argentine en matière d' exportation de tourteaux de soja vers la Communauté, sur le fondement de l' article 3, paragraphe 5, du règlement n° 2641/84 du Conseil, du 17 septembre 1984, relatif au renforcement de la politique commerciale commune, notamment en matière de défense contre les pratiques commerciales illicites ( JO L 252, p . 1 ),

LA COUR,

composée de MM . O . Due, président, T . Koopmans, R . Joliet, T.F . O' Higgins et F . Grévisse, présidents de chambre, G.F . Mancini, C.N . Kakouris, F.A . Schockweiler, J.C . Moitinho de Almeida, G.C . Rodriguez Iglesias, et M . Diez de Velasco, juges,

avocat général : M . W . Van Gerven

greffier : Mme D . Louterman, administrateur principal

vu le rapport d' audience et suite à la procédure orale du 23 novembre 1988,

ayant entendu l' avocat général en ses conclusions présentées à l' audience du 7 mars 1989,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 6 mars 1987, la Fédération de l' industrie de l' huilerie de la CEE ( ci-après Fediol ) a introduit, en vertu de l' article 173, deuxième alinéa, du traité CEE, un recours visant à l' annulation de la décision n° 2506 de la Commission, du 22 décembre 1986 ( non publiée ), notifiée à la requérante le 7 janvier 1987 . Par cette décision, la Commission a rejeté la plainte de la requérante tendant à l' ouverture d' une procédure d' examen à l' encontre de pratiques commerciales de l' Argentine en matière d' exportation de tourteaux de soja vers la Communauté, en se fondant sur l' article 3, paragraphe 5, du règlement n° 2641/84 du Conseil, du 17 septembre 1984, relatif au renforcement de la politique commerciale commune, notamment en matière de défense contre les pratiques commerciales illicites ( JO L 252, p . 1 ).

2 Le règlement n° 2641/84, dit "nouvel instrument de politique commerciale", vise à permettre à la Communauté de répondre à des pratiques commerciales des pays tiers, autres que le dumping et les subventions, qui sont illicites . Aux termes de l' article 2, paragraphe 1, de ce règlement, "sont considérées comme pratiques commerciales illicites ... toutes pratiques imputables à un pays tiers incompatibles, en matière de commerce international, soit avec le droit international, soit avec les règles généralement admises ".

3 Le règlement n° 2641/84 établit la procédure à suivre pour faire face à de telles pratiques commerciales . Cette procédure est déclenchée sur plainte déposée au nom de producteurs communautaires ( article 3 ) ou sur demande d' un État membre ( article 4 ) et comprend deux phases .

4 Pendant la première phase la Commission examine : si la plainte ou la demande comporte des éléments de preuve suffisants quant à l' existence des pratiques commerciales incriminées; si ces pratiques sont illicites; si la plainte ou la demande comporte des éléments de preuve suffisants quant au préjudice ou à la menace de préjudice qui en résulte pour une production de la Communauté; et s' il est nécessaire dans l' intérêt de la Communauté d' ouvrir une procédure d' examen . En cas de réponse affirmative à ces questions, la Commission procède à l' ouverture d' une telle procédure et réunit tous les renseignements nécessaires à l' examen .

5 Pendant la deuxième phase, lorsque, à l' issue de la procédure d' examen, l' existence tant d' une pratique commerciale illicite que du préjudice en résultant pour une production de la Communauté est démontrée, la Commission décide si une action s' avère nécessaire dans l' intérêt de la Communauté . Dans l' affirmative, elle propose au Conseil d' arrêter les mesures de politique commerciale appropriées, après engagement, le cas échéant, des procédures internationales formelles de consultation ou de règlement des différends .

6 Dans l' acte attaqué, il est exposé que la plainte de Fediol portait sur deux pratiques de l' Argentine que la plaignante qualifiait de "pratiques commerciales illicites", à savoir :

-un régime de taxes différentielles à l' exportation des produits du complexe soja ( fèves, huile et tourteaux ), en vertu duquel l' exportation de fèves de soja - matière première pour la fabrication d' huile de soja et de tourteaux de soja - serait imposée de taxes plus élevées que l' exportation d' huile et de tourteaux de soja . Ces taxes seraient en outre calculées sur la base de prix de référence artificiels, fixés par les autorités argentines indépendamment des prix du marché mondial;

-des restrictions quantitatives à l' exportation de fèves de soja, sous forme notamment d' enregistrement et de suspension sporadique des exportations par des directives administratives .

7 Selon Fediol, les pratiques susmentionnées ont causé un préjudice grave à l' industrie européenne de l' huilerie, car elles avaient pour effet :

-de décourager l' exportation des fèves de soja et, dès lors, d' accroître l' offre de ces produits sur le marché argentin et de diminuer leur prix de vente à l' industrie argentine de l' huilerie;

-de garantir, par conséquent, à cette industrie, des marges de trituration importantes, lors de la transformation des fèves en huile et en tourteaux de soja, étant donné qu' elle pouvait acheter la matière première - les fèves de soja - à un prix plus bas que celui du marché mondial . Cet avantage lui aurait permis non seulement de compenser la faible taxe grevant l' exportation de l' huile et des tourteaux, mais également de vendre ces deux produits à des prix très inférieurs à leur valeur normale et aux prix normalement demandés par l' industrie européenne de l' huilerie .

8 Dans sa plainte, Fediol a étayé cette thèse en faisant valoir que les pratiques susmentionnées étaient contraires aux articles III, XI et XXIII de l' Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce ( ci-après l' Accord général ), considérés isolément ou ensemble . Dans ses observations, déposées devant la Commission le 9 mai 1986, Fediol a soutenu que ces pratiques étaient également contraires aux articles XX et XXXVI de l' Accord général .

9 Par l' acte attaqué la Commission a rejeté la plainte, a ) quant à la pratique des taxes différentielles, sans nier son existence, au motif qu' elle ne serait contraire à aucune des règles du droit international que Fediol avait invoquées dans sa plainte et b ) quant à l' existence de restrictions quantitatives à l' exportation des fèves de soja, au motif que la plainte n' était étayée à cet égard d' aucun élément de preuve .

10 Lors de la procédure devant la Cour, la requérante n' a avancé aucun moyen tendant à contester l' affirmation de la Commission relative à l' absence de preuve quant à l' existence de restrictions quantitatives à l' exportation des fèves de soja . La contestation de fond porte donc uniquement sur la qualification donnée par l' acte attaqué à la pratique des taxes différentielles et selon laquelle cette pratique ne serait pas contraire aux dispositions de l' Accord général que Fediol avait invoquées .

11 Dans son recours, Fediol soutient que la pratique des taxes différentielles est contraire aux articles III, XI et XXIII de l' Accord général; elle serait également contraire à l' article XX de l' Accord général que Fediol avait invoqué dans les observations qu' elle avait soumises à la Commission le 9 mai 1986, mais que la Commission n' a pas examiné dans l' acte attaqué .

12 Pour un plus ample exposé des faits, du déroulement de la procédure ainsi que des moyens et arguments des parties, il est renvoyé au rapport d' audience . Ces éléments du dossier ne sont repris ci-dessous que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour .

Sur la recevabilité

13 La Commission estime que le recours est irrecevable, car aucun des moyens invoqués n' est recevable . Selon la Commission, les seuls moyens qui pourraient être invoqués, dans le cadre de la protection juridique accordée au plaignant par le règlement n° 2641/84, seraient ceux tirés de l' inobservation des garanties procédurales, de la violation manifeste de certaines dispositions du droit communautaire ou d' un détournement de pouvoir grave de la part de la Commission ayant pour effet de vider de leur contenu les garanties procédurales octroyées par ce règlement .

14 Selon la Commission, le plaignant ne saurait être admis à avancer des moyens dirigés contre le contenu des décisions qu' elle prend, car sa compétence pour définir l' intérêt de la Communauté, dans les deux phases exposées ci-dessus, ne comporte pas seulement l' exercice d' un large pouvoir discrétionnaire, mais également la prise en compte de considérations politiques qui échappent au contrôle juridictionnel . Le plaignant ne pourrait donc jamais attaquer un acte final portant clôture de la procédure, en avançant des moyens tirés de l' intérêt de la Communauté . Par conséquent, il ne pourrait pas davantage contester les autres appréciations portées par la Commission au cours de la procédure .

15 Il convient de préciser à cet égard que l' acte attaqué ne comporte aucune appréciation sur l' intérêt de la Communauté à l' ouverture d' une procédure d' examen ou même sur le préjudice ou la menace de préjudice résultant de la pratique en cause pour la production concernée de la Communauté . L' acte attaqué se limite en effet à qualifier la pratique des taxes différentielles comme non contraire aux dispositions du GATT .

16 Cette qualification étant intervenue avant et indépendamment de l' appréciation de l' intérêt de la Communauté, elle doit être examinée d' une manière autonome . La question de savoir si l' appréciation que la Commission fait de l' intérêt communautaire échappe ou non au contrôle juridictionnel, n' est donc pas en cause .

17 Ce moyen d' irrecevabilité doit donc être rejeté .

18 La Commission soutient ensuite que, lorsque, comme en l' espèce, sa décision porte sur l' interprétation des dispositions du GATT, le plaignant ne saurait être admis à avancer des moyens mettant en cause cette interprétation, car l' interprétation que la Commission donne de la notion de "pratique commerciale illicite" et des règles du droit international, notamment celles du GATT, dans le cadre du règlement n° 2641/84, n' est soumise au contrôle de la Cour que dans la mesure où le non-respect ou l' application erronée de ces règles constituerait une violation des dispositions du droit communautaire qui confèrent directement et individuellement des droits aux particuliers ; or, les règles du GATT elles-mêmes ne seraient pas suffisamment précises pour engendrer de tels droits au profit des particuliers .

19 Il y a lieu de rappeler à cet égard que la Cour a en effet jugé, à plusieurs reprises, que diverses dispositions de l' Accord général n' étaient pas de nature à engendrer, pour les justiciables de la Communauté, le droit de s' en prévaloir en justice ( arrêt du 12 décembre 1972, International Fruit Cy, 21 à 24/72, Rec . p . 1219; arrêt du 24 octobre 1973, Schlueter, 9/73, Rec . p . 1135; arrêt du 16 mars 1983, SIOT, 266/81, Rec . p . 731; arrêt du 16 mars 1983, SPI et SAMI, 267 à 269/81, Rec . p . 801 ). On ne saurait cependant déduire de cette jurisprudence que les justiciables ne peuvent pas invoquer devant la Cour les dispositions de l' Accord général, afin de faire vérifier si un comportement dénoncé dans une plainte introduite en vertu de l' article 3 du règlement n° 2641/84 constitue une pratique commerciale illicite au sens de ce règlement . En effet, les dispositions de l' Accord général font partie des règles du droit international auxquelles renvoie l' article 2, paragraphe 1, de ce même règlement, interprétation confirmée par la combinaison du deuxième et quatrième considérants de ce règlement .

20 Il y a lieu également de relever qu' il est vrai que, comme la Cour l' a constaté dans les arrêts du 12 décembre 1972, International Fruit Cy, du 24 octobre 1973, Schlueter, et du 16 mars 1983, SPI et SAMI, précités, l' Accord général est caractérisé par la grande souplesse de ses dispositions, notamment celles qui concernent les possibilités de dérogation, les mesures susceptibles d' être prises en présence de difficultés exceptionnelles et le règlement des différends entre les parties contractantes . Cette appréciation n' empêche toutefois pas la Cour d' interpréter et d' appliquer les règles de l' Accord général au regard d' un cas donné afin d' examiner si certaines pratiques commerciales sont à considérer comme incompatibles avec ces règles . Les dispositions de l' Accord général ont un contenu propre qu' il convient de préciser chaque fois, par voie d' interprétation, en vue de leur application .

21 Enfin, le fait que l' Accord général prévoit en son article XXIII une procédure spéciale pour le règlement des différends entre parties contractantes n' est pas de nature à exclure la compétence d' interprétation de la Cour . Comme la Cour l' a jugé dans l' arrêt du 26 octobre 1982 ( Kupferberg, 104/81, Rec . p . 3641 ), à propos des comités mixtes institués par les accords de libre-échange et chargés de la gestion et de la bonne exécution de ces accords, le seul fait que les parties contractantes ont créé un cadre institutionnel particulier pour les consultations et négociations entre elles relatives à l' exécution de l' accord ne suffit pas pour exclure toute application juridictionnelle de cet accord .

22 Par conséquent, dès lors que le règlement n° 2641/84 confère aux opérateurs intéressés le droit de se prévaloir des dispositions du GATT dans la plainte qu' ils déposent devant la Commission, afin d' établir le caractère illicite des pratiques commerciales par lesquelles ils s' estiment lésés, ces mêmes opérateurs ont le droit de saisir la Cour en vue de soumettre à son contrôle la légalité de la décision de la Commission appliquant ces dispositions .

23 Au vu de ce qui précède, l' exception d' irrecevabilité soulevée par la Commission doit être rejetée .

Sur le fond

24 Quant au fond, la requérante avance des moyens tirés de l' incompatibilité des pratiques commerciales litigieuses avec certaines dispositions de l' Accord général .

Quant à l' article III de l' Accord général

25 La requérante fait valoir que la pratique des taxes différentielles est contraire à l' article III de l' Accord général .

26 L' article III, paragraphe 1, de l' Accord général dispose que "les parties contractantes reconnaissent que les taxes et autres impositions intérieures, ainsi que les lois, règlements et prescriptions affectant la vente, la mise en vente, l' achat, le transport, la distribution ou l' utilisation de produits sur le marché intérieur et les réglementations quantitatives intérieures prescrivant le mélange, la transformation ou l' utilisation en quantités ou en proportions déterminées de certains produits ne devront pas être appliqués aux produits importés ou nationaux de manière à protéger la production nationale ".

27 Il est à constater que cette disposition vise uniquement les taxes et autres impositions ainsi que les réglementations concernant le marché intérieur et ayant un effet protecteur . Par conséquent, les taxes argentines incriminées, frappant exclusivement des produits exportés, n' entrent pas dans le champ d' application de cette disposition .

28 La requérante soutient cependant que l' article III de l' Accord général ne vise pas seulement à écarter toute discrimination opérée au détriment des produits importés par un système d' impositions intérieures, mais aussi à éviter que la protection des produits nationaux par un système de taxes différentielles à l' exportation, comme celui de l' espèce, ne cause de préjudices à la production d' un pays tiers vers lequel ces produits sont exportés .

29 Cette thèse ne saurait être accueillie . En effet, l' article III de l' Accord général vise à éviter toute discrimination des produits importés par rapport aux produits nationaux en matière d' impositions et de réglementations intérieures et ne saurait donc être appliqué à un cas comme celui de l' espèce concernant un régime de taxes différentielles à l' exportation frappant uniquement des catégories de produits nationaux .

30 Par conséquent, le moyen de la requérante tiré de la violation de l' article III de l' Accord général doit être rejeté .

Quant à l' article XI de l' Accord général

31 Aux termes de l' article XI, paragraphe 1, de l' Accord général, "aucune partie contractante n' instituera ou ne maintiendra à l' importation d' un produit originaire du territoire d' une autre partie contractante, à l' exportation ou à la vente pour l' exportation d' un produit destiné au territoire d' une autre partie contractante, de prohibitions ou de restrictions autres que des droits de douane, taxes ou autres impositions, que l' application en soit faite au moyen de contingents, de licences d' importation ou d' exportation ou de tout autre procédé ".

32 Selon la requérante, certains éléments du système des taxes différentielles, notamment la fixation de prix de référence artificiels comme base de calcul des taxes différentielles frappant les produits du complexe soja destinés à être exportés, auraient un caractère autonome par rapport aux taxes qui sont exclues de l' interdiction formulée à l' article XI de l' Accord général, et constitueraient des mesures d' effet équivalant à une restriction quantitative . Ils seraient donc contraires à cet article qui, faisant état de "restrictions ... au moyen ... de tout autre procédé", mettrait l' accent non pas sur la forme mais sur les effets des mesures en question .

33 Il y a lieu d' observer à cet égard que, comme il résulte de son libellé, l' article XI, paragraphe 1, de l' Accord général exclut de son champ d' application les restrictions résultant, entre autres, des taxes ou autres impositions, ce qui n' est pas contesté par la requérante . Or, en l' espèce les mesures incriminées sont des taxes à l' exportation qui ne perdent pas ce caractère, contrairement à ce que soutient la requérante, en raison du fait qu' elles seraient calculées d' une manière artificielle .

34 Par conséquent, ce moyen doit être rejeté .

Quant à l' article XX de l' Accord général

35 L' article XX dispose que toute partie contractante peut prendre certaines mesures dérogeant aux dispositions de l' Accord général à condition que celles-ci ne constituent pas soit un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiée entre les pays où les mêmes conditions existent, soit une restriction déguisée au commerce international . Parmi ces mesures dérogatoires permises figurent celles comportant des

"i)restrictions à l' exportation de matières premières produites à l' intérieur du pays et nécessaires pour assurer à une industrie nationale de transformation les quantités essentielles desdites matières premières pendant les périodes où le prix national en est maintenu au-dessous du prix mondial en exécution d' un plan gouvernemental de stabilisation, sous réserve que ces restrictions n' aient pas pour effet d' accroître les exportations ou de renforcer la protection accordée à cette industrie nationale et n' aillent pas à l' encontre des dispositions du présent Accord relatives à la non-discrimination ".

36 Selon la requérante, il découle de cette disposition une interdiction générale de mesures comportant des restrictions à l' exportation qui ont pour effet de protéger l' industrie nationale concernée, au cas où les conditions permettant une dérogation ne sont pas réunies .

37 Il suffit de relever à cet égard que l' article XX, sous i ), de l' Accord général introduit une exception aux interdictions découlant d' autres dispositions de l' Accord général; il suppose donc l' existence d' une interdiction prévue par une autre disposition, à laquelle il introduit une exception . Par conséquent, on ne peut pas déduire de cet article une interdiction générale autonome .

38 Il y a donc lieu de rejeter également ce moyen .

Quant à l' article XXIII de l' Accord général

39 L' article XXIII, paragraphe 1, de l' Accord général est rédigé comme suit :

"Dans le cas où une partie contractante considérerait qu' un avantage résultant pour elle directement ou indirectement du présent Accord se trouverait annulé ou compromis, ou que la réalisation de l' un des objectifs de l' Accord est compromise du fait

a ) qu' une autre partie contractante ne remplit pas les obligations qu' elle a contractées aux termes du présent Accord;

b ) ou qu' une autre partie contractante applique une mesure, contraire ou non aux dispositions du présent Accord;

c ) ou qu' il existe une autre situation,

ladite partie contractante pourra, en vue d' arriver à un règlement satisfaisant de la question, faire des représentations ou des propositions écrites à l' autre ou aux autres parties contractantes qui, à son avis, seraient en cause . Toute partie contractante ainsi sollicitée examinera avec compréhension les représentations ou propositions qui lui auront été faites ".

40 Le paragraphe 2 de ce même article établit la procédure à suivre "dans les cas où un règlement n' interviendrait pas dans un délai raisonnable entre les parties contractantes intéressées ou dans le cas où la difficulté serait de celles qui sont visées à l' alinéa c ) du paragraphe premier du présent article ".

41 La requérante avance une série d' allégations basées sur l' idée que ces dispositions comportent l' interdiction de tout comportement annulant ou compromettant un avantage résultant de l' Accord ou un de ses objectifs . Elle fait valoir qu' en l' espèce il y a atteinte à un avantage résultant du GATT, soit parce que la pratique des taxes différentielles est contraire à certaines obligations découlant du GATT ( article XXIII, paragraphe 1, sous a ), soit parce qu' elle porte atteinte à la confiance légitime de la Communauté ( article XXIII, paragraphe 1, sous b et c ).

42 A cet égard, il suffit de constater que l' article XXIII de l' Accord général ne comporte, à lui seul, aucune règle de fond spécifique dont la violation établirait l' existence d' une pratique commerciale illicite . Cette disposition a simplement pour objet de prescrire la procédure qu' une partie contractante peut suivre, dans le cadre du GATT, lorsqu' un avantage résultant pour elle de l' Accord général se trouve annulé ou compromis, en raison du comportement d' une autre partie contractante, et ce même dans le cas où le comportement en question n' est pas contraire aux dispositions de l' Accord général .

43 Par conséquent, ce moyen doit être rejeté .

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

44 Aux termes de l' article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens . Toutefois, selon le paragraphe 3, premier alinéa, du même article, la Cour peut compenser les dépens en totalité ou en partie si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs . La Commission ayant succombé en ses moyens dirigés contre la recevabilité du recours, il y a lieu de compenser les dépens .

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR

déclare et arrête :

1 . Le recours est rejeté .

2 . Chacune des parties supportera ses propres dépens .