23.9.2022   

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Journal officiel de l'Union européenne

C 365/57


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 1305/2013 en ce qui concerne une mesure spécifique destinée à fournir un soutien temporaire exceptionnel au titre du fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) en réaction aux conséquences de l’invasion de l’Ukraine par la Russie

[COM(2022) 242 final — 2022/0166 (COD)]

(2022/C 365/11)

Rapporteur général:

Arnold PUECH D’ALISSAC

Consultation

Conseil, 25.5.2022

Parlement européen, 6.6.2022

Base juridiques

Article 42, article 43, paragraphe 3, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en session plénière

16.6.2022

Session plénière no

570

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

188/0/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

L’invasion de l’Ukraine par la Russie a un impact négatif majeur sur le secteur agricole et agroalimentaire de l’Union européenne. Pour cette raison, le CESE accueille favorablement la nouvelle mesure d’aide supplémentaire proposée par la Commission européenne. Le Comité estime qu’elle est tout à fait nécessaire, et demande aux institutions européennes de l’adopter de toute urgence.

1.2.

La guerre en Ukraine démontre le caractère géostratégique du secteur agroalimentaire et la nécessité d’assurer la sécurité alimentaire de l’Union européenne. C’est pourquoi les mesures de soutien aux trésoreries des exploitations agricoles et aux PME agroalimentaires sont indispensables pour assurer leur survie économique durant cette nouvelle période de crise qui s’est ajoutée à la pandémie de COVID-19.

1.3.

Toutefois, le budget du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) répond déjà à des besoins de financement existants et à des engagements à moyen et long terme. Il ne devrait pas être destiné au financement de mesures d’urgence. De plus, étant donné que certains pays de l’Union ont déjà épuisé leurs fonds au titre du Feader ou les ont engagés, le CESE estime que la Commission devrait définir une autre source de financement, en dehors du budget de la PAC, pour permettre la mise en œuvre de cette mesure sans limiter les fonds du Feader dans les prochaines années.

1.4.

Par ailleurs, compte tenu des circonstances exceptionnelles de la situation et de la nécessité d’une réponse rapide, le Comité estime que la Commission devrait raccourcir le délai de versement de l’aide et simplifier les critères d’éligibilité des bénéficiaires.

2.   Synthèse de la proposition de la Commission

2.1.

La Commission propose de modifier le règlement no 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil (1), relatif au Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), en intégrant un nouvel article 39c intitulé: «Soutien temporaire exceptionnel aux agriculteurs et aux PME particulièrement touchés par l’impact de l’invasion de l’Ukraine par la Russie».

2.2.

La mesure envisagée permettrait aux États membres de verser, avant le 15 octobre 2023, une somme forfaitaire unique aux agriculteurs et aux entreprises agroalimentaires qui rencontrent des difficultés de liquidité et de trésorerie en raison de l’invasion de l’Ukraine par la Russie et de l’augmentation consécutive du coût des intrants (énergie, engrais et aliments pour animaux).

2.3.

La proposition de la Commission prévoit de réserver ce soutien financier exceptionnel aux agriculteurs et aux PME qui participent à au moins une des activités suivantes:

économie circulaire;

gestion des nutriments;

utilisation rationnelle des ressources;

méthodes de production respectant l’environnement et le climat.

2.4.

Le montant maximal de l’aide envisagée est de 15 000 EUR par agriculteur et de 100 000 EUR par PME.

2.5.

Les États membres auraient la possibilité d’utiliser les fonds disponibles à hauteur de 5 % de leur budget Feader pour les années 2021-2022, ce qui représenterait un budget potentiel de 1,4 milliard d’euros dans l’Union.

3.   Observations générales

3.1.

La guerre en Ukraine a très largement aggravé la situation des marchés des matières premières agricoles, qui était déjà en difficulté avant l’invasion russe. Les prix des principaux intrants de l’agriculture ont ainsi doublé, voire triplé, par rapport à leur niveau d’il y a un ou deux ans. Une situation qui vient s’ajouter aux effets de la pandémie de COVID-19.

3.2.

Dans sa communication du 23 mars 2022, la Commission a déjà présenté des initiatives exceptionnelles visant à préserver la sécurité alimentaire et à renforcer la résilience des systèmes alimentaires. Cependant, la situation actuelle est sans précédent et impose de prendre des mesures supplémentaires.

3.3.

Le CESE se félicite donc de la proposition de la Commission qui pourrait, en partie, soulager la trésorerie des agriculteurs et des PME en difficulté financière depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

3.4.

La proposition de la Commission constitue une réponse complémentaire bienvenue pour renforcer la sécurité alimentaire de l’Union et palier l’augmentation sans précédent des coûts des intrants.

3.5.

Le Comité économique et social européen soutient la mesure proposée, et estime qu’il est très important que les institutions européennes l’adoptent le plus rapidement possible.

3.6.

Toutefois, le CESE s’interroge et souhaite alerter la Commission concernant la source de financement de la mesure, le calendrier des paiements, ainsi que les critères d’éligibilités et le risque d’une charge administrative excessive pour les bénéficiaires.

Source du financement

3.7.

Le CESE souhaite rappeler que le Feader (2), second pilier de la politique agricole commune, est le principal instrument financier en faveur du développement rural. À ce titre, il contribue grandement à la transition écologique des territoires et du secteur agricole en renforçant la résilience face au changement climatique, en accompagnant l’innovation et en soutenant la compétitivité des exploitations.

3.8.

Ainsi, la vocation du Feader est de répondre dans la durée aux défis auxquels sont confrontées les zones rurales. Il doit notamment permettre d’atteindre, d’ici 2040, les objectifs de développement fixés par la Commission le 30 juin 2021, dans le cadre sa vision à long terme pour les zones rurales (3).

3.9.

Le Feader, mais aussi la PAC dans son ensemble, ne devraient pas être considérés comme une source de financement additionnel pour faire face à des situations d’urgence. Le budget du Feader répond déjà à des besoins de financement existants et à des engagements qu’il convient de respecter.

3.10.

En l’absence d’un chiffrage des crédits budgétaires et des fonds disponibles, le montant total des aides qui pourront concrètement être versées aux bénéficiaires est également très hypothétique.

3.11.

Le CESE invite donc la Commission a un chiffrage précis des fonds qui seront réellement disponibles, ainsi qu’à envisager d’autres sources de financements qui n’impacteront pas l’ambition et la réalisation des objectifs du Feader.

Calendrier des paiements

3.12.

La proposition de la Commission envisage un paiement en faveur des bénéficiaires de la mesure avant le 15 octobre 2023. Le CESE s’interroge quant à la tardivité de ces versements au regard des inquiétudes actuelles concernant les revenus des agriculteurs et des producteurs de la chaîne agroalimentaire.

3.13.

Ces entreprises rencontrent d’ores et déjà de nombreuses difficultés de trésorerie. De nombreux agriculteurs ont rapidement besoin d’un soutien financier pour maintenir leurs activités. Un paiement de l’aide exceptionnelle fin 2023 ne répondrait pas à l’urgence de la situation.

3.14.

En conséquence, le calendrier de versement des aides devrait être raccourci au maximum pour donner aux agriculteurs et aux PME les moyens de faire face à la hausse actuelle des coûts de production.

Critères d’éligibilités des bénéficiaires

3.15.

Le CESE se félicite que le soutien financier envisagé par Commission soit destiné en priorité aux agriculteurs et aux PME les plus touchés, sur la base de critères de sélection qui devront être objectifs et non discriminatoires.

3.16.

La proposition de la Commission prévoit également de réserver le versement des aides aux seuls bénéficiaires dont l’une ou plusieurs de leurs activités participent à l’économie circulaire, ou à la gestion des nutriments, à l’utilisation rationnelle des ressources, ou encore à une méthode de production respectant l’environnement.

3.17.

Ces critères supplémentaires détourneraient l’objectif principal de la mesure, d’abord destiné à aider les entreprises et les agriculteurs affectés par la guerre en Ukraine. De plus, les membres du Comité économique et social européen considèrent que ces critères rendront les demandes d’aides qui devront être soumises par les bénéficiaires encore plus complexes.

3.18.

Il conviendrait au contraire de simplifier les critères d’éligibilité de l’aide d’urgence afin d’éviter une charge administrative qui détournerait les potentiels bénéficiaires du dépôt d’une demande auprès des autorités compétentes.

3.19.

Le CESE considère que les agriculteurs qui bénéficient déjà d’aides directes de la PAC et qui sont affectés par les conséquences de l’invasion de l’Ukraine par la Russie devraient être automatiquement éligibles à l’aide exceptionnelles financée par le Feader.

3.20.

De cette manière, l’aide exceptionnelle proposée par la Commission s’intégrerait dans la continuité des objectifs de durabilité environnementale, économique et sociale poursuivis par la nouvelle PAC. En même temps, ce système éviterait l’ajout de nouveaux critères qui serait une source de confusion et de complexité. L’urgence de la situation impose de mettre en œuvre une mesure de solidarité pragmatique envers les entreprises et les agriculteurs les plus touchés (renchérissement des coûts de production ou effondrement des marchés). Le soutien accordé à certaines pratiques durables, tel que le soutien à l’économie circulaire, devrait d’abord être encouragé au moyen d’instruments spécifiques pérennes.

Bruxelles, le 16 juin 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Règlement (UE) no 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) et abrogeant le règlement (CE) no 1698/2005 du Conseil (JO L 347 du 20.12.2013, p. 487).

(2)  Avis du Comité économique et social européen sur la PAC à l’horizon 2020 (JO C 191 du 29.6.2012, p. 116).

(3)  Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: «Une vision à long terme pour les zones rurales de l’UE — Vers des zones rurales plus fortes, connectées, résilientes et prospères à l’horizon 2040».