18.3.2021   

FR

Journal officiel de l’Union européenne

C 91/1


Communication sur les outils de lutte contre la collusion dans les marchés publics et orientations sur la manière d’appliquer le motif d’exclusion y relatif

(2021/C 91/01)

Table des matières

1.

INTRODUCTION 3

1.1.

Exposé du problème 3

1.2.

Les difficultés liées à la résolution du problème 4

1.3.

Les efforts déployés jusqu’à présent pour remédier au problème de la collusion 5

2.

OUTILS DE LUTTE CONTRE LA COLLUSION AU NIVEAU DE L’UE 5

2.1.

L’engagement politique à agir 5

2.2.

Les principes directeurs guidant la concrétisation de cet engagement 6

2.3.

Objectif de la présente communication 7

3.

SOUTIEN AUX ÉTATS MEMBRES ET AUX POUVOIRS ADJUDICATEURS 7

4.

AMÉLIORATION DE LA COOPÉRATION ENTRE LES AUTORITÉS CENTRALES NATIONALES CHARGÉES DES MARCHÉS PUBLICS ET LES AUTORITÉS DE LA CONCURRENCE 8

5.

ORIENTATIONS À L’INTENTION DES POUVOIRS ADJUDICATEURS SUR LA MANIÈRE D’APPLIQUER LE MOTIF D’EXCLUSION LIÉ À LA COLLUSION CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 38, PARAGRAPHE 7, POINT e), DE LA DIRECTIVE 2014/23/UE, À L’ARTICLE 57, PARAGRAPHE 4, POINT d), DE LA DIRECTIVE 2014/24/UE ET À L’ARTICLE 80, PARAGRAPHE 1, DE LA DIRECTIVE 2014/25/UE 10

5.1.

Les dispositions juridiques applicables et leur mise en œuvre à ce jour 10

5.2.

La portée du motif d’exclusion lié à la collusion: couverture des pratiques concertées et interaction avec le motif d’exclusion découlant d’une faute professionnelle grave 12

5.3.

La compétence des pouvoirs adjudicateurs en matière d’application du motif d’exclusion: leur large marge d’appréciation et les limites de leur pouvoir d’appréciation 13

5.4.

La notion d’«éléments suffisamment plausibles»: faits pouvant être considérés comme des éléments, différence entre les «éléments» et les «preuves» et traitement à réserver aux demandeurs de mesures de clémence 14

5.5.

Entreprises liées participant à la même procédure de passation de marché: le droit des opérateurs susceptibles d’être soupçonnés de collusion de démontrer leur indépendance lors de la soumission de l’offre 17

5.6.

Offre conjointe et sous-traitance: nécessité d’une appréciation attentive mais équilibrée par le pouvoir adjudicateur 18

5.7.

Mesures d’«auto-réhabilitation» prises par les opérateurs économiques au sens de l’article 57, paragraphe 6, de la directive: droit des opérateurs de prouver leur fiabilité et nécessité, pour les pouvoirs adjudicateurs, de procéder à une évaluation proportionnée des arguments avancés 19

5.8.

L’importance que les pouvoirs adjudicateurs informent l’autorité de concurrence ou les autres autorités centrales concernées et/ou sollicitent leur aide 20

5.9.

Fixation des conditions d’exclusion d’un opérateur économique en vertu de l’article 57, paragraphe 7, de la directive 21
ANNEXE 23
Moyens et conseils pour lutter efficacement contre la collusion dans les marchés publics 23

1.   INTRODUCTION

1.1.   Exposé du problème

Les marchés publics constituent l’une des formes les plus tangibles de dépenses publiques, étant donné qu’ils ont pour objet de fournir des travaux, des fournitures ou des services directement utilisés par les citoyens (par exemple, une rue ou un aéroport, les équipements utilisés dans un hôpital et les services publics d’autobus). Les marchés publics représentent une part substantielle du PIB des États membres de l’UE (1), et jouent un rôle essentiel dans la croissance économique, le progrès social et la réalisation de l’objectif clé d’un État consistant à fournir des services de qualité à ses citoyens. Les citoyens sont en droit d’attendre que les fonds publics soient dépensés de la manière la plus efficace, la plus transparente, la plus responsable et la plus juste possible, de pouvoir bénéficier de services publics de qualité et, en fin de compte, de pouvoir continuer à placer leur confiance dans les institutions publiques.

Le terme «collusion» dans les marchés publics (souvent également dénommée «soumission concertée») fait référence aux accords illégaux conclus entre des opérateurs économiques, dans le but de fausser la concurrence dans les procédures de passation de marchés. Ces accords collusoires entre opérateurs économiques peuvent revêtir diverses formes, telles que la fixation préalable du contenu de leurs offres (notamment le prix) afin d’influencer l’issue de la procédure, la non-soumission d’une offre, l’attribution du marché sur une base géographique, en fonction du pouvoir adjudicateur ou selon l’objet du marché, ou la mise en place de systèmes de rotation pour un certain nombre de procédures. L’objectif de toutes ces pratiques est de permettre à un soumissionnaire prédéterminé de remporter un marché tout en donnant l’impression que la procédure est réellement concurrentielle.

La collusion compromet essentiellement les avantages liés à l’existence de marchés publics équitables, transparents, résultant du jeu de la concurrence et orientés sur l’investissement, en restreignant l’accès des entreprises à ces marchés et en limitant les choix qui s’offrent aux acheteurs publics. Lorsqu’un marché est manipulé par collusion, les opérateurs économiques respectueux des lois sont généralement dissuadés de participer aux procédures de passation de marché ou d’investir dans des projets relevant du secteur public. Cette situation a un effet particulièrement néfaste pour les entreprises qui veulent ou doivent développer leurs activités, en particulier les petites et moyennes entreprises. Elle est tout aussi dommageable pour les entreprises qui sont capables et désireuses de mettre au point des solutions innovantes pour répondre aux besoins du secteur public. La collusion a longtemps été considérée et traitée comme un facteur de risque majeur pour la gestion efficace des dépenses publiques. On estime que la collusion peut augmenter jusqu’à 60 % les coûts payés par les acheteurs publics par rapport à ce qu’ils paieraient dans des conditions normales de marché (2). Même un seul cas de collusion dans le cadre d’une procédure de passation de marché portant sur plusieurs millions d’euros coûtera aux contribuables européens des millions d’euros supplémentaires, au détriment de dépenses publiques efficaces et responsables.

La collusion est un phénomène récurrent dans les marchés publics (y compris dans des secteurs économiques clés tels que la construction, les technologies de l’information ou la santé). Des cas de collusion sont régulièrement recensés et font l’objet d’enquêtes et de poursuites (administratives et, dans de nombreux cas, pénales) dans le monde entier, y compris dans les États membres de l’UE (3). Dans les situations de crise, telles que la pandémie de COVID-19, la nécessité pour les pouvoirs publics de se procurer de manière urgente, dans des délais très courts, de grandes quantités de fournitures et de services pour leurs systèmes de santé peut exacerber le risque de collusion entre certains opérateurs économiques, qui pourraient être tentés de profiter de l’urgence et de restreindre artificiellement la concurrence afin de maximiser leurs bénéfices au détriment des finances publiques. Les effets préjudiciables de la collusion sur les finances publiques peuvent être encore plus marqués au lendemain de telles urgences, alors que la reprise économique dépend, dans une large mesure, de l’utilisation optimale des fonds publics disponibles et de la réalisation d’investissements de taille dans des secteurs économiques essentiels. L’affectation injustifiée de montants excessifs pour des travaux, des fournitures et des services réduit les fonds publics mobilisables pour les activités essentielles de l’État, creuse les déficits budgétaires et oblige davantage les États à recourir à des prêts, ce qui compromet leur stabilité financière et mine leurs efforts de relance. En outre, la réticence des entreprises à participer à des projets publics sur des marchés affectés par la collusion sape les efforts visant à attirer des investissements privés dans l’infrastructure (par exemple dans le cas de concessions nécessitant une participation de capitaux privés).

En vertu du droit de l’Union (4), la collusion entre opérateurs économiques est visée à l’article 101 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), qui interdit explicitement les accords ou les pratiques concertées qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur et qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres. En outre, depuis l’adoption de la dernière génération de directives de l’UE sur la passation des marchés publics en 2014, les éléments suffisamment plausibles de collusion sont explicitement devenus un motif facultatif d’exclusion d’un opérateur économique d’une procédure de passation de marché (5).

1.2.   Les difficultés liées à la résolution du problème

La détection et la gestion des cas de collusion dans les marchés publics engendrent des problèmes particuliers pour les autorités nationales. Les accords collusoires illégaux entre opérateurs économiques sont, par définition, secrets et, dans la plupart des cas, ils sont élaborés et mis en œuvre de manière très prudente et sophistiquée. Il semblerait que dans de nombreux cas (voire dans la plupart), la collusion n’est pas détectée au cours de la procédure de passation de marché et n’est finalement pas mise au jour par les autorités compétentes et ne fait l’objet de poursuites (le cas échéant) que longtemps après l’exécution complète du contrat. Les mécanismes collusoires à long terme peuvent même finir par devenir une pratique ancrée dans certains secteurs économiques, étant donné que des opérateurs économiques peuvent être tentés ou désireux de s’y associer pour «garantir» leur accès au marché et leur part de marché.

Les marchés publics présentent des caractéristiques spécifiques qui les rendent plus vulnérables à la collusion que d’autres marchés. Les pouvoirs adjudicateurs suivent généralement des schémas d’achat relativement stables, avec des procédures de passation de marchés fréquemment répétées, des quantités similaires et des spécifications types de produits ou de services, sans modifications majeures par rapport aux procédures précédentes. Cette prévisibilité de la demande facilite le partage illicite du marché entre les opérateurs, étant donné qu’elle garantit un «juste» retour pour chacun d’entre eux. En outre, dans certains secteurs de marché, le nombre d’opérateurs économiques soumissionnant à des marchés publics peut être très limité, souvent en raison de l’éloignement géographique du pouvoir adjudicateur ou de la petite taille du marché concerné. Le manque de soumissionnaires peut encore être aggravé par les choix opérés ou les pratiques utilisées par les pouvoirs adjudicateurs eux-mêmes, comme le fait de ne pas opter pour des procédures ouvertes ou d’introduire des exigences de soumission strictes ou trop spécifiques, qui peuvent avoir pour effet de limiter encore davantage le nombre d’offres soumises dans le cadre d’une procédure de passation de marchés. Plus le nombre d’opérateurs actifs sur un marché public est faible, plus il est facile de se livrer à des pratiques collusoires. Enfin, les pouvoirs adjudicateurs peuvent également être soumis à un certain nombre d’exigences en matière de divulgation d’informations dans le cadre des procédures de passation de marché, qui vont au-delà de ce qui est exigé par les directives de l’UE sur les marchés publics (par exemple, l’obligation de communiquer des informations détaillées sur les soumissionnaires et les prix des offres). Ces exigences peuvent faciliter l’échange d’informations entre les auteurs de pratiques collusoires et le contrôle du respect de l’accord illégal par toutes ses parties.

La difficulté inhérente au règlement des cas présumés de collusion est aggravée par la réalité à laquelle les pouvoirs adjudicateurs sont souvent confrontés lors de l’exécution des procédures de passation de marchés. Les pouvoirs adjudicateurs (en particulier les plus petits) ne disposent souvent pas d’un personnel adéquatement formé et expérimenté, capable de détecter les pratiques collusoires dans le cadre d’une procédure de passation de marché donnée. Les responsables des marchés publics (6) s’attachent généralement à ce que la procédure respecte les exigences légales et de procédure fondamentales en vigueur et soit réalisée dans les délais. Même lorsque les responsables des marchés publics détectent des offres suspectes, ils n’ont souvent pas pleinement connaissance des moyens de réaction disponibles ou des mécanismes éventuellement mis en place pour obtenir l’assistance d’experts des autorités centrales chargées des marchés publics ou de la concurrence. En outre, la perspective de retards dans la procédure de passation de marché, qui ont souvent des conséquences administratives, budgétaires, voire politiques, peut dissuader les responsables des marchés publics de traiter efficacement les cas présumés de collusion. Les doutes quant à la capacité, voire la volonté, d’un pouvoir adjudicateur de remédier de manière décisive à la collusion peuvent encore contribuer à inciter les opérateurs économiques à mettre en œuvre des pratiques collusoires.

Enfin, il est encore plus difficile de s’attaquer à la collusion dans le domaine des marchés publics lorsqu’elle est combinée à la corruption, par exemple lorsque des opérateurs économiques impliqués dans des pratiques collusoires soudoient une personne en mesure d’influencer la procédure de passation de marché afin de s’assurer que leur comportement illégal ne sera pas détecté. Bien que la collusion et la corruption soient considérées comme des problèmes distincts dans les marchés publics aux fins de la présente communication, elles peuvent intervenir conjointement et compromettre encore davantage la fiabilité de la procédure de passation de marché.

1.3.   Les efforts déployés jusqu’à présent pour remédier au problème de la collusion

Jusqu’à l’adoption des directives de 2014 sur les marchés publics, les pratiques collusoires dans les marchés publics étaient principalement examinées au niveau de l’UE du point de vue du droit de la concurrence. Elles étaient considérées comme un cas typique d’accord entre deux ou plusieurs opérateurs du marché indépendants, qui a pour effet de restreindre la concurrence et est interdit en vertu de l’article 101 TFUE.

Au fil des ans, tant la Commission que les autorités nationales de la concurrence (compétentes pour mettre en œuvre les articles 101 et 102 du TFUE) ont traité plusieurs cas de collusion dans les marchés publics (7). Les autorités nationales de la concurrence de la plupart des États membres de l’UE ont publié des directives spécifiques en matière de lutte contre la collusion. Des orientations sur les synergies entre les autorités chargées des marchés publics et les autorités de la concurrence ont également été élaborées dans le cadre du réseau international de la concurrence, auquel la Commission participe (8). Les autorités de la concurrence ont sensibilisé les pouvoirs adjudicateurs sur la manière de prendre des mesures préventives au stade de la planification des procédures de passation de marchés publics, et ont formé les responsables des marchés publics à la lutte contre la collusion. Ces dernières années, les méthodes d’analyse des données provenant des systèmes électroniques de passation de marchés sont, de plus en plus, de nouveaux outils précieux lorsqu’il s’agit de détecter des pratiques collusoires.

En novembre 2017, l’OLAF a publié un manuel intitulé «Fraud in Public Procurement — A collection of Red Flags and Best Practices» (Fraudes dans les marchés publics — une compilation de signaux d’alerte et de bonnes pratiques) (9), élaboré sur la base des contributions d’experts des États membres au sein du comité consultatif pour la coordination de la lutte contre la fraude (COCOLAF). Le manuel comporte un chapitre consacré à la collusion, reprenant une liste très complète et détaillée de «signaux d’alerte» et d’indices permettant de déceler des pratiques collusoires au cours de la phase préalable à l’appel d’offres et de la phase d’appel d’offres.

D’autres organismes, au nombre desquels l’OCDE (10) et la Banque mondiale (11), ont également réalisé d’importants travaux sur le problème de la collusion dans les marchés publics.

2.   OUTILS DE LUTTE CONTRE LA COLLUSION AU NIVEAU DE L’UE

2.1.   L’engagement politique à agir

Comme indiqué précédemment, les autorités européennes et nationales de la concurrence ont été investies de pouvoirs d’enquête et d’exécution afin de sanctionner les pratiques collusoires et de dissuader les opérateurs économiques de s’engager sur cette voie à l’avenir. Toutefois, en règle générale, l’application des règles de concurrence et les sanctions n’interviennent qu’une fois les dommages causés, c’est-à-dire après que le marché a été attribué et, dans la plupart des cas, entièrement exécuté. Bien que l’identification des pratiques collusoires à ce stade tardif serve à sanctionner la collusion et à dissuader les pratiques similaires à l’avenir, elle n’a aucun but tangible dans le cadre des procédures d’appel d’offres effectivement concernées, qui peuvent aboutir à l’attribution du marché à un opérateur ayant participé à ces pratiques, au détriment de l’intérêt public. Même si les autorités européennes et nationales de la concurrence jouent un rôle clé dans la lutte contre la collusion, il est de la plus haute importance de s’attaquer aussi à la collusion durant la phase la plus fondamentale, c’est-à-dire avant l’attribution du marché. Il convient dès lors d’aborder également le problème sous l’angle de la passation des marchés publics, ce qui signifie que les responsables chargés de la passation de marchés doivent être en mesure de prévenir et de détecter les comportements collusoires durant la procédure elle-même, et d’y réagir efficacement. Il s’agit notamment d’utiliser les moyens prévus par les directives sur les marchés publics, en particulier la possibilité d’exclure un soumissionnaire de la procédure lorsqu’il existe des éléments suffisamment plausibles pour constater qu’il est impliqué dans des pratiques collusoires visant à restreindre effectivement la concurrence (12).

Dans sa communication de 2017 intitulée «Faire des marchés publics un outil efficace au service de l’Europe» [COM (2017) 572] (13), la Commission a recensé six domaines prioritaires stratégiques où des actions claires et concrètes peuvent transformer la passation de marchés publics en un puissant instrument de politique économique à la disposition de chaque État membre, avec à la clé d’importantes retombées positives sur l’issue des marchés publics. Au titre de la priorité stratégique «Renforcer la transparence et l’intégrité, et améliorer la qualité des données», la Commission a annoncé son intention de

«… mettr[e] au point des outils et des initiatives visant notamment à sensibiliser à cette question, afin de réduire au minimum les risques de pratiques collusoires sur les marchés publics. Il s’agira notamment d’actions destinées à améliorer la connaissance du marché des pouvoirs adjudicateurs, à aider ces derniers à planifier et à concevoir minutieusement les processus de passation de marchés et à améliorer la coopération et l’échange d’informations entre les autorités chargées des marchés publics et les autorités de la concurrence. La Commission élaborera aussi des lignes directrices sur l’application des nouvelles directives de l’Union sur les marchés publics en ce qui concerne les motifs d’exclusion et la collusion.»

Outre ces actions spécifiques, la communication de 2017 examinait également la priorité stratégique visant à «améliorer l’accès aux marchés publics». À cet effet,

«… la Commission encourage les pays tiers à adhérer à l’accord de l’OMC sur les marchés publics et s’efforce de faire accepter dans les accords de libre-échange des chapitres ambitieux en matière de passation de marchés publics.»

L’ouverture des marchés publics internationaux et la participation de nouveaux opérateurs économiques aux procédures de passation de marchés, en particulier dans les pays où les marchés publics sont plus restreints et dans les secteurs où l’offre est limitée, sont généralement considérées comme des moyens clés pour accroître la concurrence et éviter la concentration du marché ou les oligopoles et, par conséquent, pour dissuader les comportements collusoires.

Le 10 mars 2020, la Commission a confirmé son engagement spécifique à publier des orientations en matière de lutte contre la collusion dans les marchés publics dans sa communication intitulée «Plan d’action à long terme visant à mieux mettre en œuvre et faire respecter les règles du marché unique» [COM (2020) 94 final] (14).

2.2.   Les principes directeurs guidant la concrétisation de cet engagement

Dans le respect de son engagement politique visant à lutter contre le problème de la collusion, la Commission s’efforce de produire des outils qui se concentrent principalement sur le personnel chargé des procédures de passation de marchés dans les États membres. L’objectif est de s’assurer qu’ils disposent des outils, de la formation et du soutien appropriés, qui leur permettront de lutter efficacement contre la collusion dans le cadre d’une procédure de passation de marché.

L’intention de la Commission n’est pas de répéter le travail réalisé jusqu’à présent, mais plutôt d’aborder certains aspects du cadre réglementaire ou administratif lorsqu’il existe une demande claire et croissante de la part du marché en matière d’orientations et d’actions concrètes.

La Commission s’inspire des expériences et bonnes pratiques existantes dans les États membres de l’UE. Vingt-et-un États membres ont répondu de manière très détaillée à une série de dix questions posées par la Commission en février 2019 et ont ainsi apporté une contribution pratique à la résolution de ce problème. La Commission s’efforcera d’associer en permanence les experts nationaux en matière de marchés publics et de concurrence à l’élaboration des outils annoncés, afin de veiller à ce que toute mesure prise apporte une réelle valeur ajoutée dans la lutte contre la collusion et réponde aux besoins réels des pouvoirs adjudicateurs.

2.3.   Objectif de la présente communication

La présente communication détaille les outils annoncés dans la communication de 2017 susmentionnée, que la Commission envisage de déployer afin d’aider efficacement les États membres et leurs pouvoirs adjudicateurs à contrer le problème de la collusion dans les marchés publics. Ces outils visent à:

aider les États membres et les pouvoirs adjudicateurs à renforcer leur capacité à lutter contre le problème, notamment en intégrant des méthodes de dissuasion, de détection et de lutte contre la collusion dans les marchés publics dans les initiatives de professionnalisation lancées par la Commission. Ces méthodes consistent notamment à améliorer la connaissance du marché, à adapter les procédures pour stimuler une participation maximale des opérateurs économiques et limiter le risque de collusion, et à accroître la sensibilisation (voir section 3),

favoriser la coopération entre les autorités centrales nationales chargées des marchés publics (15) et les autorités de la concurrence afin de garantir un soutien efficace et continu aux pouvoirs adjudicateurs (voir section 4).

La présente communication contient également les orientations succinctes, conviviales et aisément compréhensibles, telles qu’annoncées, à l’intention des pouvoirs adjudicateurs sur la manière d’appliquer le motif d’exclusion lié à la collusion prévu dans les directives sur les marchés publics. Ces orientations sont exposées à la section 5, ainsi que dans l’annexe présentant un ensemble de moyens permettant de mieux prévenir, détecter et traiter les cas présumés de collusion.

3.   SOUTIEN AUX ÉTATS MEMBRES ET AUX POUVOIRS ADJUDICATEURS

Pour remédier au problème de la collusion avant la clôture de la procédure de passation de marché, les États membres et les pouvoirs adjudicateurs doivent conjuguer leurs efforts afin de renforcer la capacité administrative nécessaire pour garantir le bon déroulement de la procédure d’attribution. Les mesures que les États membres et les pouvoirs adjudicateurs peuvent envisager d’adopter pour renforcer cette capacité sont notamment les suivantes:

mettre à disposition des ressources (en particulier humaines) capables de mener à bien les procédures de passation de marchés, y compris de gérer correctement et en temps utile les cas de collusion présumée,

utiliser des incitations administratives disponibles permettant de récompenser le personnel qui gère les procédures de passation de marchés et détecte, traite et signale activement les cas potentiels de collusion,

organiser des activités de formation et de sensibilisation à l’intention du personnel chargé des marchés publics. La formation du personnel viserait avant tout à attirer l’attention sur l’effet préjudiciable de la collusion sur les procédures de passation de marchés, à promouvoir une culture de service dans l’ensemble de l’administration axée sur la nécessité de remédier activement à la collusion et à doter le personnel chargé des marchés publics de compétences pratiques lui permettant de gérer concrètement le problème. Les cours de formation pourraient notamment porter sur l’amélioration de la connaissance du marché, la conception et la mise en œuvre de procédures visant à limiter le risque de collusion et à encourager les opérateurs à participer aux procédures de passation de marchés, ainsi que sur l’utilisation de tous les outils et méthodes disponibles pour détecter les cas de collusion dans le cadre de la procédure de passation de marché. Il est également recommandé de dispenser aux responsables des marchés publics une formation sur les principes fondamentaux du droit de la concurrence en matière d’ententes.

Les États membres de l’UE sont conscients de l’importance de professionnaliser leur personnel chargé des marchés publics à cet égard. La plupart ont publié des lignes directrices ou d’autres informations sur la prévention et la détection de la collusion. Certains États membres ont également mis au point (ou sont en train de mettre au point) des outils pratiques d’analyse des informations disponibles afin de détecter plus efficacement les offres suspectes. La plupart des États membres organisent des campagnes de sensibilisation et des séances de formation en matière de lutte contre la collusion à l’intention des pouvoirs adjudicateurs et des responsables des marchés publics.

Afin d’attirer l’attention sur cette question et de soutenir les mesures prises par les États membres dans le domaine des marchés publics, la Commission travaille sur différents moyens d’intégrer la lutte contre la collusion dans ses initiatives actuelles de professionnalisation (conformément à sa recommandation de 2017 sur la professionnalisation), notamment:

inclure des compétences professionnelles en matière de prévention et de détection de la collusion dans le cadre européen de compétences destiné aux acheteurs publics (ProcurCompEU) (16),

partager avec tous les États membres les bonnes pratiques et outils mis au point au niveau national par l’intermédiaire des groupes d’experts de la Commission ou des moyens de communication numériques disponibles,

promouvoir la participation des autorités nationales de la concurrence (en particulier des agents qui ont traité des cas de collusion dans la pratique) à des actions de sensibilisation et à la formation des responsables des marchés publics, compte tenu de l’expertise facilement mobilisable des autorités nationales de concurrence en la matière (voir également la section 4),

promouvoir des actions ciblées à destination des pouvoirs adjudicateurs de plus petite taille dans les États membres. Il pourrait notamment s’agir de moyens permettant aux autorités centrales nationales chargées des marchés publics d’apporter un soutien global aux petits pouvoirs adjudicateurs dans le cadre de la passation de marchés, ou d’élaborer des modules de formation ad hoc adaptés à leurs besoins spécifiques,

échanger des bonnes pratiques visant à encourager les responsables des marchés publics à entamer activement des poursuites dans les cas de collusion présumée,

collaborer avec d’autres organisations internationales (telles que l’OCDE, l’OMC, la Banque mondiale et la BERD) pour développer un réservoir international de connaissances et d’expériences en matière de lutte contre la collusion, y compris des connaissances et une expérience dans le domaine de l’ouverture des marchés mondiaux, et de la conception et la mise en œuvre de procédures favorisant la concurrence, avec une participation maximale des opérateurs économiques.

Conformément à la communication de 2017 susmentionnée, une attention particulière est accordée aux secteurs économiques considérés comme sensibles, parce qu’ils sont vulnérables à la collusion (par exemple, en raison d’une concentration de l’offre ou de la demande, notamment dans le cadre de procédures de passation de marchés sur une petite échelle menées au niveau sous-central ou local) ou importants en raison de leur taille économique ou de leur rôle dans la société (par exemple, la construction, les soins de santé et le secteur de l’informatique).

4.   AMÉLIORATION DE LA COOPÉRATION ENTRE LES AUTORITÉS CENTRALES NATIONALES CHARGÉES DES MARCHÉS PUBLICS ET LES AUTORITÉS DE LA CONCURRENCE

Pour lutter efficacement contre la collusion dans les marchés publics, les pouvoirs adjudicateurs doivent adopter une approche globale, et exploiter les connaissances et l’expertise disponibles en matière tant de marchés publics que de concurrence. La mise en place d’un cadre global, stable et efficace pour soutenir les pouvoirs adjudicateurs dans cette tâche nécessite une coopération pleine et entière entre les autorités centrales nationales chargées des marchés publics et les autorités de la concurrence.

Dans certains États membres, ces autorités ont défini (ou sont en train de le faire) les conditions d’une coopération plus étroite dans la lutte contre la collusion dans une convention ad hoc. Ces conventions favorisent concrètement l’échange d’informations, d’expériences et de bonnes pratiques pour lutter contre les comportements anticoncurrentiels dans les marchés publics. Dans certains États membres, tels que la Suède et l’Allemagne, l’autorité de la concurrence joue également un rôle de surveillance dans l’application des règles relatives aux marchés publics.

Quelle que soit la forme de cette coopération, la Commission encourage vivement les autorités centrales chargées des marchés publics et les autorités de la concurrence des États membres à unir leurs forces pour lutter contre la collusion dans les marchés publics. Les États membres et leurs autorités centrales pourraient ainsi élaborer et mettre en œuvre plus efficacement des mesures de soutien aux pouvoirs adjudicateurs, telles que les suivantes.

mettre en place un service sécurisé (sous la forme d’un point de contact ou d’une ligne d’assistance) fournissant un soutien aux pouvoirs adjudicateurs;

promouvoir l’utilisation des outils disponibles au niveau de l’UE ou au niveau national qui permettent aux particuliers ou aux entreprises de signaler des cas de collusion, en particulier les mécanismes de lancement d’alerte ou les programmes de clémence, et les incitent à y avoir recours (17);

élaborer des modalités pratiques progressives permettant aux pouvoirs adjudicateurs de solliciter l’assistance d’experts des autorités centrales chargées des marchés publics et de la concurrence;

faciliter l’accès des autorités aux informations dont elles ont besoin pour s’acquitter de leurs tâches dans le cadre du traitement des cas présumés de collusion. Les États membres pourraient envisager, dans le respect de leur cadre juridique et des exigences européennes (18) et nationales en matière de protection des données, de:

permettre à leurs autorités de la concurrence d’accéder aux bases de données électroniques sur les marchés publics (telles que les registres nationaux des marchés publics) et aux appels d’offres dans les cas faisant l’objet d’une enquête,

permettre l’échange d’informations disponibles entre les autorités chargées des marchés publics et les autorités de la concurrence, afin qu’elles puissent déterminer s’il existe des schémas de collusion entre des opérateurs économiques,

obliger les pouvoirs adjudicateurs à informer leurs autorités centrales chargées des marchés publics et leurs autorités de la concurrence des cas dans lesquels ils ont exclu un opérateur économique en raison de suspicions de collusion (voir également la section 5.8). Les autorités centrales pourraient de la sorte suivre et surveiller l’utilisation, au niveau national, du motif d’exclusion prévu par les directives et procéder au suivi nécessaire de ces cas (par exemple, lorsqu’elles enquêtent sur des affaires relevant du droit de la concurrence ou lorsqu’elles envisagent d’exclure l’opérateur des procédures pendant une période donnée);

créer une base de données nationale des cas dans lesquels des opérateurs économiques ont été exclus pour des motifs de collusion, dans le respect du droit national ainsi que des exigences de l’UE (19) et des États membres en matière de protection des données. Une telle base de données fournirait aux pouvoirs adjudicateurs des informations facilement accessibles sur les opérateurs économiques impliqués dans des pratiques collusoires dans le passé, ce qui faciliterait l’évaluation de leur intégrité et de leur fiabilité. Les autorités centrales nationales pourraient également contrôler, d’une part, la manière dont les différents pouvoirs adjudicateurs traitent des cas similaires et, d’autre part, la mise en œuvre effective des décisions d’exclusion des procédures de passation de marchés prises à l’égard d’opérateurs économiques;

introduire dans le cadre national des marchés publics des outils facultatifs à l’intention des pouvoirs adjudicateurs, afin de dissuader efficacement les opérateurs économiques tentés par des pratiques collusoires. Ces outils pourraient consister en:

l’obligation pour tout soumissionnaire de joindre à son offre une déclaration de détermination indépendante des offres (20), et

l’inclusion de clauses explicites dans le contrat, habilitant le pouvoir adjudicateur à résilier le marché ou à réclamer des dommages et intérêts s’il apparaît que le contractant s’est livré à des pratiques collusoires;

coopérer à l’analyse des données relatives aux marchés publics afin de détecter plus aisément les indices de collusion dans les procédures de passation de marchés. À cette fin, les États membres sont encouragés à mettre en place au niveau national des méthodes simples et faciles à appliquer pour collecter et analyser les importants volumes de données disponibles dans les bases de données électroniques relatives aux marchés publics (éventuellement à l’aide d’algorithmes, d’algorithmes d’intelligence artificielle ou de l’apprentissage automatique);

organiser conjointement des séances de formation sur les marchés publics et la concurrence à l’intention du personnel chargé des marchés publics et de la concurrence, afin que les deux communautés professionnelles se familiarisent avec le cadre de travail et les pratiques de l’autre;

mettre en place un système permettant d’examiner conjointement et périodiquement certaines procédures de passation de marchés afin d’identifier les cas de collusion et de surveiller les passations de marchés dans des secteurs sensibles;

mener des campagnes de sensibilisation à l’intention de la communauté professionnelle active dans les marchés publics et attirer l’attention sur les exigences légales en vigueur en matière de participation aux procédures de passation de marchés publics, sur les conséquences potentielles d’un comportement collusoire et sur les avantages d’une concurrence loyale dans les marchés publics tant pour les acheteurs publics que pour les entreprises.

La Commission examinera des solutions pour soutenir les efforts déployés par les États membres pour mettre en place les synergies nécessaires au niveau national entre les autorités centrales chargées des marchés publics et les autorités de la concurrence (notamment des mécanismes efficaces et pratiques de coopération permanente, d’échange d’informations et d’assistance), telles que:

profiter des discussions menées au sein des groupes d’experts de la Commission pour proposer des bonnes pratiques de mécanismes nationaux d’assistance aux responsables des marchés publics et des modes de coopération nationaux entre les autorités centrales chargées des marchés publics et les autorités de la concurrence. Il s’agira idéalement d’offrir aux États membres qui ont mis en place de tels arrangements la possibilité de les présenter. Les orientations élaborées par le réseau international de la concurrence (voir section 1.3) pourraient constituer une source d’inspiration à cet égard,

organiser une première réunion ou un premier atelier conjoint réunissant les communautés professionnelles des agents des marchés publics et des experts de la concurrence. La Commission pourrait également envisager la possibilité de créer, si cela est jugé utile, un forum au niveau de l’UE afin d’encourager la coopération transfrontière et l’échange d’informations, d’expériences et de connaissances dans ce domaine. Ce forum pourrait être utilisé pour discuter et procéder à des échanges d’expériences sur des questions telles que les pratiques partagées au niveau de l’UE en matière de collecte de données et d’analyse des indicateurs de collusion dans l’ensemble de l’UE, le fonctionnement de la possibilité d’«auto-réhabilitation» prévue par le droit de l’Union (voir section 5.7) ou le fonctionnement de la directive 2014/104/UE (21) en ce qui concerne les dommages causés par des pratiques collusoires.

En outre, la Commission examinera les possibilités de promotion de la coopération et de l’échange d’informations au niveau de l’UE entre les autorités centrales nationales chargées des marchés publics et les autorités nationales de la concurrence, dans le respect du droit de l’UE (22) et des législations nationales en matière de protection des données, en vue de permettre le partage d’informations dans l’ensemble de l’UE concernant les opérateurs économiques qui ont été exclus des procédures de passation de marchés pour cause de collusion. Les mécanismes existants, tels que le système d’information du marché intérieur (23), le système central d’information du réseau européen de la concurrence (le système du réseau européen de la concurrence) ou le mécanisme d’échange d’informations élaboré dans le cadre du mécanisme ex ante volontaire de la Commission pour les grands projets d’infrastructure (24), pourraient servir de sources d’inspiration.

5.   ORIENTATIONS À L’INTENTION DES POUVOIRS ADJUDICATEURS SUR LA MANIÈRE D’APPLIQUER LE MOTIF D’EXCLUSION LIÉ À LA COLLUSION CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 38, PARAGRAPHE 7, POINT e), DE LA DIRECTIVE 2014/23/UE, À L’ARTICLE 57, PARAGRAPHE 4, POINT d), DE LA DIRECTIVE 2014/24/UE ET À L’ARTICLE 80, PARAGRAPHE 1, DE LA DIRECTIVE 2014/25/UE

La présente section de la communication expose le point de vue juridiquement non contraignant de la Commission concernant la manière d’appliquer le motif d’exclusion lié à la collusion prévu à l’article 38, paragraphe 7, point e), de la directive 2014/23/UE, à l’article 57, paragraphe 4, point d), de la directive 2014/24/UE et à l’article 80, paragraphe 1, de la directive 2014/25/UE. Elle se concentre sur les problèmes spécifiques rencontrés par les États membres lors de la mise en œuvre des directives et par les responsables des marchés publics lors de l’évaluation des offres dans les procédures de passation de marchés. Ces observations n’affectent en rien la compétence des États membres lors de la transposition et de l’application des directives et ne créent pas de nouvelles règles ou obligations. Seule la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après la «Cour») est compétente pour donner une interprétation juridiquement contraignante des dispositions du droit de l’Union visées dans la présente communication.

Dans un souci d’exhaustivité et de facilité d’utilisation des présentes orientations, la présente communication propose aussi en annexe des conseils simples et concis qui s’adressent principalement aux responsables des marchés publics qui élaborent et exécutent des procédures de passation de marchés pour les pouvoirs adjudicateurs. Un certain nombre de moyens et de «signaux d’alerte» qui, de l’avis de la Commission, sont ceux que les responsables des marchés publics peuvent utiliser le plus facilement tout au long de la procédure de passation de marché pour prévenir, détecter et combattre la collusion, y sont spécifiés. Ces conseils sont le reflet du travail précieux accompli ces dernières années par des organisations et des services tels que l’OCDE, l’OLAF ou les autorités nationales de la concurrence, qui ont fourni aux responsables des marchés publics des orientations et bonnes pratiques détaillées et aisément accessibles en matière de lutte contre la collusion.

5.1.   Les dispositions juridiques applicables et leur mise en œuvre à ce jour

La collusion entre opérateurs économiques est interdite par le droit de l’Union en vertu de l’article 101 TFUE (25), qui dispose que:

«1.

Sont incompatibles avec le marché intérieur et interdits: tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur…»

Lorsque la collusion n’affecte pas (potentiellement) le commerce entre États membres, elle peut toujours faire l’objet de poursuites en vertu des règles nationales de concurrence.

Avant l’entrée en vigueur des directives de 2014 sur les marchés publics, les soumissionnaires qui se livraient à des pratiques collusoires pouvaient être exclus des procédures d’appel d’offres sur la base de l’article 45, paragraphe 2, de la directive 2004/18/CE, à condition d’avoir fait l’objet d’un jugement ayant autorité de chose jugée constatant un délit affectant leur moralité professionnelle [article 45, paragraphe 2, point c)] ou d’avoir commis une faute professionnelle grave constatée par tout moyen dont les pouvoirs adjudicateurs peuvent justifier [article 45, paragraphe 2, point d)] (26). Lors de l’application de ce dernier motif facultatif d’exclusion, les pouvoirs adjudicateurs pouvaient motiver l’exclusion par une infraction aux règles de concurrence, telle que la collusion, pour autant que les conditions énoncées audit article aient été remplies (27).

Les directives de 2014 sur les marchés publics ont modifié les règles d’exclusion en introduisant de nouveaux motifs d’exclusion obligatoires et facultatifs, la possibilité pour les opérateurs économiques d’invoquer des mesures d’«auto-réhabilitation» et une durée maximale d’exclusion. Pour la première fois, elles ont explicitement inclus la collusion dans les motifs facultatifs d’exclusion des opérateurs économiques des procédures de passation de marchés. Plus précisément, l’article 57, paragraphe 4, point d), de la directive 2014/24/UE (ci-après la «directive») dispose que le pouvoir adjudicateur peut exclure ou être obligé par un État membre à exclure tout opérateur économique de la participation à une procédure de passation de marché lorsque

«d)

le pouvoir adjudicateur dispose d’éléments suffisamment plausibles pour conclure que l’opérateur économique a conclu des accords avec d’autres opérateurs économiques en vue de fausser la concurrence».

Ce motif d’exclusion facultatif est également repris à l’article 38, paragraphe 7, point e), de la directive 2014/23/UE sur l’attribution de contrats de concession et peut s’appliquer aux marchés relevant de la directive 2014/25/UE sur les services d’utilité publique en vertu de son article 80, paragraphe 1 (28).

L’article 57, paragraphe 6, de la directive introduit le droit pour l’opérateur économique de recourir à des mesures généralement appelées d’«auto-réhabilitation» (analysées plus en détail à la section 5.7), en ce qu’il dispose que:

 

«Tout opérateur économique qui se trouve dans l’une des situations visées aux paragraphes 1 et 4 peut fournir des preuves afin d’attester que les mesures qu’il a prises suffisent à démontrer sa fiabilité malgré l’existence d’un motif d’exclusion pertinent. Si ces preuves sont jugées suffisantes, l’opérateur économique concerné n’est pas exclu de la procédure de passation de marché.

 

À cette fin, l’opérateur économique prouve qu’il a versé ou entrepris de verser une indemnité en réparation de tout préjudice causé par l’infraction pénale ou la faute, clarifié totalement les faits et circonstances en collaborant activement avec les autorités chargées de l’enquête et pris des mesures concrètes de nature technique et organisationnelle et en matière de personnel propres à prévenir une nouvelle infraction pénale ou une nouvelle faute.

 

Les mesures prises par les opérateurs économiques sont évaluées en tenant compte de la gravité de l’infraction pénale ou de la faute ainsi que de ses circonstances particulières. Lorsque les mesures sont jugées insuffisantes, la motivation de la décision concernée est transmise à l’opérateur économique.

 

Un opérateur économique qui a été exclu par un jugement définitif de la participation à des procédures de passation de marché ou d’attribution de concession n’est pas autorisé à faire usage de la possibilité prévue au présent paragraphe pendant la période d’exclusion fixée par ledit jugement dans les États membres où le jugement produit ses effets».

Enfin, l’article 57, paragraphe 7, de la directive dispose que:

 

«Les États membres arrêtent les conditions d’application du présent article. Ils déterminent notamment la durée maximale de la période d’exclusion si aucune des mesures visées au paragraphe 6 n’a été prise par l’opérateur économique pour démontrer sa fiabilité. Lorsque la durée de la période d’exclusion n’a pas été fixée par jugement définitif, elle ne peut dépasser cinq ans à compter de la date de la condamnation par jugement définitif dans les cas visés au paragraphe 1 et trois ans à compter de la date de l’événement concerné dans les cas visés au paragraphe 4».

Les États membres ont signalé plusieurs cas dans lesquels les pouvoirs adjudicateurs consultent l’autorité nationale de concurrence sur la manière de gérer les offres suspectes. Dans certains États membres, des pouvoirs adjudicateurs ont décidé d’exclure des opérateurs économiques soupçonnés de collusion. Toutefois, les informations relatives à ces exclusions ne sont pas concluantes, étant donné que, dans la plupart des États membres, les pouvoirs adjudicateurs ne sont pas tenus de notifier ces décisions aux autorités centrales nationales chargées de la passation des marchés ou de la concurrence.

Dans un certain nombre d’États membres, des dossiers ouverts à la suite de la mise en œuvre du motif d’exclusion ont également été portés devant les juridictions nationales.

Les directives ne traitent pas spécifiquement de l’effet de l’aboutissement d’un éventuel recours juridictionnel contre la décision d’un pouvoir adjudicateur d’exclure un opérateur économique ou d’une décision contraire en la matière prise par l’autorité nationale de concurrence après l’adoption de la décision d’attribution. Cet effet est laissé à la discrétion des États membres.

5.2.   La portée du motif d’exclusion lié à la collusion: couverture des pratiques concertées et interaction avec le motif d’exclusion découlant d’une faute professionnelle grave

La possibilité d’exclure un opérateur économique pour collusion présumée n’est pas considérée dans la directive comme une sanction pénalisant son comportement avant ou pendant la procédure de passation de marché. Elle a plutôt pour but de garantir le respect des principes d’égalité de traitement et de concurrence dans la procédure de passation de marché, ainsi que l’intégrité, la fiabilité et la capacité du futur contractant à exécuter le marché (29).

En ce qui concerne le type de comportement couvert par le motif d’exclusion, les différences entre la lettre de l’article 57, paragraphe 4, point d), de la directive et celle de l’article 101 TFUE ont suscité des doutes quant aux pratiques illégales devant être prises en compte par le pouvoir adjudicateur aux fins de l’application de ce motif d’exclusion.

En effet, l’article 57, paragraphe 4, point d), de la directive évoque uniquement les «accords avec d’autres opérateurs économiques en vue de fausser la concurrence», tandis que l’article 101 TFUE concerne «tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur». En interprétant la directive d’une manière cohérente avec le traité, les États membres devraient pouvoir considérer, lors de la transposition de la directive en droit national, que non seulement les accords, mais aussi les pratiques concertées en matière de marchés publics visant à fausser la concurrence, peuvent entraîner l’application de ce motif d’exclusion. Les États membres pourraient également considérer ces autres formes d’infraction aux règles de concurrence comme des cas de faute professionnelle grave justifiant l’exclusion potentielle d’un opérateur économique en vertu de l’article 57, paragraphe 4, point c), de la directive (30).

Certaines questions peuvent également se poser quant à la différence entre le motif d’exclusion lié à la collusion énoncé à l’article 57, paragraphe 4, point d), de la directive et le motif d’exclusion découlant d’une faute professionnelle grave visé à l’article 57, paragraphe 4, point c). Comme indiqué ci-dessus, jusqu’à l’entrée en vigueur des directives de 2014, c’est sur cette dernière disposition que reposait l’exclusion d’un opérateur économique de la procédure de passation de marché dans les cas d’infraction aux règles de concurrence (31). Ces deux motifs d’exclusion pourraient encore servir le même objectif (une possibilité confirmée par le considérant 101 de la directive, qui qualifie explicitement la violation des règles de concurrence de faute professionnelle grave), sont tous deux facultatifs pour les pouvoirs adjudicateurs et produisent exactement le même effet, à savoir l’exclusion d’un soumissionnaire de la procédure. L’ajout du motif lié à la collusion à l’article 57, paragraphe 4, point d), a été conçu comme un outil plus spécifique, élargissant les options mises à la disposition des pouvoirs adjudicateurs pour faire face aux situations de collusion. La différence essentielle entre les deux dispositions semble résider dans le degré de certitude requis pour que le pouvoir adjudicateur puisse exclure un soumissionnaire de la procédure. Pour pouvoir se prévaloir de l’article 57, paragraphe 4, point c), le pouvoir adjudicateur doit «démontrer par tout moyen approprié que l’opérateur économique a commis une faute professionnelle grave». En revanche, l’article 57, paragraphe 4, point d), laisse au pouvoir adjudicateur la possibilité d’exclure un soumissionnaire même s’il «dispose d’éléments suffisamment plausibles pour conclure que l’opérateur économique a conclu des accords avec d’autres opérateurs économiques en vue de fausser la concurrence». Il appartient au pouvoir adjudicateur de déterminer, au cas par cas, lequel des deux motifs pourrait s’appliquer, étant entendu que rien dans la directive ne s’oppose à ce qu’un pouvoir adjudicateur exclue un soumissionnaire de la procédure sur la base de plus d’un motif d’exclusion.

5.3.   La compétence des pouvoirs adjudicateurs en matière d’application du motif d’exclusion: leur large marge d’appréciation et les limites de leur pouvoir d’appréciation

L’article 57, paragraphe 4, de la directive laisse aux pouvoirs adjudicateurs une large marge d’appréciation lorsqu’ils doivent décider d’exclure ou non un soumissionnaire de la procédure, dès lors qu’ils disposent d’éléments suffisamment plausibles de collusion.

L’article 57, paragraphe 4, point d), ne précise ni n’implique en quoi consistent exactement ces éléments, ni en quoi ces éléments peuvent être considérés comme suffisamment plausibles pour exclure le soumissionnaire. L’intention du législateur de l’Union semble avoir été de permettre aux pouvoirs adjudicateurs d’apprécier, au cas par cas, si les conditions d’exclusion d’un soumissionnaire pour ce motif sont remplies, sans être trop prescriptif (32). Le caractère facultatif de ce motif d’exclusion signifie que les pouvoirs adjudicateurs sont habilités à maintenir un soumissionnaire dans une procédure de passation de marché même s’ils disposent d’éléments suffisamment plausibles de collusion (sauf si la législation nationale impose aux pouvoirs adjudicateurs d’exclure le soumissionnaire – voir ci-dessous).

La Cour a confirmé de manière constante qu’en vertu de l’article 57, paragraphe 4, de la directive, il revient au pouvoir adjudicateur (et non à une autre instance ou à un autre organisme national) d’apprécier de manière indépendante si un opérateur économique doit être exclu d’une procédure de passation spécifique (33). Ainsi que la Cour l’a très justement indiqué, «[c]ette faculté dont dispose tout pouvoir adjudicateur d’exclure un soumissionnaire d’une procédure de passation de marché est tout particulièrement destinée à lui permettre d’apprécier l’intégrité et la fiabilité de chacun des soumissionnaires», en particulier en vue de garantir «la fiabilité de l’adjudicataire, sur laquelle repose la confiance que le pouvoir adjudicateur lui accorde» (34).

Les pouvoirs adjudicateurs disposent d’une large marge d’appréciation lorsqu’il s’agit d’exclure un soumissionnaire soupçonné de collusion. Toutefois, la directive fixe certaines limites.

Premièrement, lors de la transposition de la directive en droit national, les États membres peuvent obliger leurs pouvoirs adjudicateurs à appliquer les motifs d’exclusion facultatifs prévus à l’article 57, paragraphe 4, de la directive et, dans le cas de l’article 57, paragraphe 4, point d), à exclure un soumissionnaire de la procédure de passation de marché s’ils disposent d’éléments suffisamment plausibles de collusion (35).

En outre, en vertu de l’article 57, paragraphe 7, de la directive, les États membres ont le droit d’arrêter les conditions d’application de cet article, dans le respect du droit de l’Union, afin, en particulier, que les pouvoirs adjudicateurs adoptent une approche cohérente en la matière au niveau national. Le considérant 102 de la directive reconnaît la possibilité pour les États membres de fixer de telles conditions dans le cas particulier de l’appréciation des mesures d’«auto-réhabilitation» proposées par un soumissionnaire. Toutefois, ces conditions ne doivent pas altérer, modifier, étendre ou limiter la portée ou la motivation des motifs d’exclusion énoncés au paragraphe 4 de l’article, ni limiter le pouvoir discrétionnaire des pouvoirs adjudicateurs ou dénaturer ou contrecarrer leurs décisions. L’objectif est de fixer, au niveau national, les conditions dans lesquelles les pouvoirs adjudicateurs peuvent exercer les pouvoirs que la directive leur confère (36).

Deuxièmement, en vertu de l’article 57, paragraphe 6, de la directive, un soumissionnaire peut prouver sa fiabilité en soumettant au pouvoir adjudicateur les preuves visées audit paragraphe attestant qu’il a pris des mesures correctrices suffisantes pour remédier aux effets négatifs de sa faute (à savoir des mesures d’«auto-réhabilitation»). Le considérant 102 de la directive indique que:

 

«lorsque ces mesures offrent des garanties suffisantes, l’opérateur économique concerné ne devrait plus être exclu pour ces seuls motifs».

Le pouvoir adjudicateur est tenu d’examiner ces preuves en tenant compte de la gravité ou des circonstances particulières de la faute et de motiver sa décision lorsqu’il estime que les mesures sont insuffisantes pour permettre au soumissionnaire de continuer à participer à la procédure.

Troisièmement, le principe de proportionnalité, qui couvre toutes les étapes de la procédure de passation de marché, s’applique également à la phase d’appréciation d’un cas potentiel de collusion. Le considérant 101 de la directive le confirme, en ce qu’il indique ce qui suit:

 

«Lorsqu’ils appliquent des motifs facultatifs d’exclusion, les pouvoirs adjudicateurs devraient accorder une attention particulière au principe de proportionnalité.»

Le pouvoir adjudicateur doit également faire preuve de proportionnalité lorsqu’il évalue les mesures d’«auto-réhabilitation» proposées par le soumissionnaire concerné. L’article 57, paragraphe 6, de la directive dispose que:

 

«les mesures prises par les opérateurs économiques sont évaluées en tenant compte de la gravité de l’infraction pénale ou de la faute ainsi que de ses circonstances particulières».

Aux fins de l’application de ce motif d’exclusion, le principe de proportionnalité impose, en règle générale, que le pouvoir adjudicateur effectue une appréciation concrète et individualisée de l’opérateur économique concerné (37), indépendamment des décisions antérieures prises par d’autres autorités (voir section 5.4) et dans le respect du droit de l’opérateur de proposer des mesures d’«auto-réhabilitation» (voir section 5.7).

Quatrièmement, le pouvoir d’appréciation du pouvoir adjudicateur concernant l’exclusion d’un opérateur de la procédure de passation de marché est également limité par la nécessité que la décision soit dûment documentée et motivée. Si des mesures d’«auto-réhabilitation» sont proposées, l’article 57, paragraphe 6, de la directive dispose que:

 

«lorsque les mesures sont jugées insuffisantes, la motivation de la décision concernée est transmise à l’opérateur économique».

Une décision dûment motivée réduirait considérablement la possibilité que l’opérateur économique concerné puisse la contester judiciairement avec succès.

D’une manière générale, les pouvoirs adjudicateurs doivent garder à l’esprit à toutes les étapes de la procédure de passation de marché que l’exclusion d’un opérateur économique de la procédure a pour effet de limiter la concurrence et les choix offerts à l’acheteur public. Il s’agit d’une mesure qui doit être utilisée avec prudence (en particulier dans les secteurs ne comptant qu’un nombre d’opérateurs économiques actifs limité) et uniquement si l’intégrité et la fiabilité du futur contractant ne peuvent être garanties par d’autres mesures moins drastiques.

5.4.   La notion d’«éléments suffisamment plausibles»: faits pouvant être considérés comme des éléments, différence entre les «éléments» et les «preuves» et traitement à réserver aux demandeurs de mesures de clémence

Comme indiqué à la section 5.3, les directives ne précisent pas ce qui peut être considéré comme des «éléments suffisamment plausibles», permettant à un pouvoir adjudicateur d’exclure un opérateur économique de la procédure de passation de marché sur la base du motif d’exclusion lié à la collusion.

Dès lors, on peut généralement considérer que, lorsqu’il envisage d’exclure un soumissionnaire d’une procédure de passation de marché en cours en raison de suspicions de collusion, un pouvoir adjudicateur a le droit, en vertu de la directive, d’apprécier tous les faits dont il a connaissance et qui pourraient mettre en cause la fiabilité de ce soumissionnaire en tant que futur contractant potentiel. Le pouvoir adjudicateur peut tenir compte, en tant qu’élément plausible potentiel, du fait que, par exemple, un soumissionnaire a déjà conclu un contrat de sous-traitance avec un autre soumissionnaire dans le cadre de la même procédure ou a précommandé le matériel nécessaire à l’exécution du contrat spécifique en question bien avant la conclusion de l’évaluation des offres. Parmi les autres aspects que les pouvoirs adjudicateurs doivent évaluer (au moyen des méthodes d’analyse disponibles ou sur la base des listes des «signaux d’alerte»), il convient de citer:

le comportement global sur le marché des soumissionnaires participant à la procédure (par exemple, les soumissionnaires qui ne soumissionnent jamais dans le cadre de la même procédure, ou qui ne soumettent des offres que dans certaines régions ou qui semblent participer à tour de rôle aux procédures de passation de marché),

le texte des offres (par exemple, la même police de caractère ou les mêmes phrases dans différentes offres ou des commentaires laissés par erreur dans le texte de l’offre, laissant présager une collusion entre des soumissionnaires),

les prix proposés dans le cadre de la procédure de passation de marché (par exemple, les soumissionnaires qui soumettent un prix plus élevé que lors de procédures antérieures similaires ou qui proposent des prix excessivement élevés ou bas),

les détails administratifs (par exemple, les offres soumises par le même représentant commercial) (38).

Les pouvoirs adjudicateurs doivent apprécier de manière prudente et proportionnée si les indices de collusion détectés dans le cadre d’une procédure d’adjudication en cours sont suffisamment plausibles pour exclure un soumissionnaire, en se concentrant sur les faits et en évitant les présomptions. Par exemple, l’exclusion de deux soumissionnaires d’une procédure de passation de marché au seul motif qu’ils ont soumis leur offre par la voie électronique à quelques minutes d’intervalle est difficilement justifiable.

En ce qui concerne ce qui pourrait plus spécifiquement être interprété comme des éléments suffisamment plausibles aux fins de la directive, il convient de tenir compte de ce qui suit.

Premièrement, à la lumière de l’analyse présentée à la section 5.3, les directives peuvent être interprétées comme autorisant les États membres à définir des règles ou directives nationales déterminant ce qu’un pouvoir adjudicateur pourrait considérer comme des «éléments suffisamment plausibles» aux fins de l’application du motif d’exclusion. Toutefois, comme indiqué précédemment, les règles nationales doivent respecter à la fois la lettre et l’esprit de la directive, qui n’exige que des «éléments» permettant de conclure à la participation à des accords illégaux qui faussent la concurrence dans le cadre d’une procédure de passation de marché, et non des preuves formelles, telles qu’une décision de justice confirmant cette participation. Si le législateur européen exigeait des preuves pour déclencher ce motif d’exclusion, il l’aurait spécifié dans le texte de la directive, comme il l’a fait à l’article 26, paragraphe 4, point b), et à l’article 35, paragraphe 5, de la directive. La Cour a également confirmé qu’une violation des règles de passation des marchés publics de l’Union, telle qu’un comportement anticoncurrentiel, peut «[…] être rapportée non seulement par des preuves directes, mais également moyennant des indices, pourvu que ceux-ci soient objectifs et concordants et que les soumissionnaires liés soient en mesure d’apporter la preuve contraire» (39).

Dans la pratique, cela signifie que les pouvoirs adjudicateurs ne sont pas tenus de disposer de preuves de collusion dans le cadre d’une procédure de passation de marché en cours, étant donné que cela serait contraire à la lettre de la directive. Par conséquent, une législation nationale qui exige une décision d’une autorité de concurrence ou une décision judiciaire confirmant que l’opérateur en question s’est livré à des pratiques collusoires dans le cadre de la procédure de passation de marché en cours pour que le pouvoir adjudicateur puisse rejeter l’offre sur la base de l’article 57, paragraphe 4, point d), soulève des doutes quant à sa compatibilité avec la directive, étant donné qu’une telle décision constitue, en réalité, la preuve d’une collusion (40). Une telle obligation limiterait de manière injustifiée le pouvoir accordé aux pouvoirs adjudicateurs, en vertu de la directive, d’exclure un soumissionnaire sur la base d’éléments suffisamment plausibles de collusion plutôt que de preuves. Des informations portées à la connaissance du pouvoir adjudicateur concernant une enquête ouverte par l’autorité de concurrence ou concernant des poursuites pénales engagées contre la direction de l’opérateur pour collusion présumée dans le cadre soit de la procédure de passation de marché en cours, soit d’autres procédures de passation de marchés peuvent, par exemple, être considérées comme des indications de collusion.

Deuxièmement, lorsqu’il évalue l’intégrité ou la fiabilité d’un soumissionnaire au sens de l’article 57, paragraphe 4, point d), de la directive, le pouvoir adjudicateur a le droit de tenir compte de tout fait révélant un comportement anticoncurrentiel de la part de ce soumissionnaire, que ce soit dans le cadre de la procédure de passation de marché en cours ou d’une autre procédure, passée ou présente. L’article 57, paragraphe 4, point d), de la directive ne précise pas si les faits donnant lieu à des éléments suffisamment plausibles de collusion doivent concerner la procédure de passation de marché en cours ou s’ils peuvent faire référence à d’autres procédures (passées ou en cours), à des procédures menées dans un secteur économique différent ou à des procédures de passation de marché ouvertes dans le secteur privé. En revanche, l’article 57, paragraphe 5, deuxième alinéa, de la directive confirme explicitement que le pouvoir adjudicateur peut tenir compte des «actes qu’il [le soumissionnaire] a commis ou omis d’accomplir soit avant, soit durant la procédure». Dès lors, le pouvoir adjudicateur peut prendre en compte une décision antérieure d’un autre pouvoir adjudicateur d’exclure l’opérateur d’une procédure de passation de marché, une décision d’une autorité de la concurrence ou un jugement d’une juridiction nationale, en vertu duquel ou de laquelle l’opérateur ou un membre de sa direction ou de son personnel a été reconnu coupable de collusion dans le cadre de procédures de passation de marché antérieures, lorsqu’il évalue la fiabilité d’un soumissionnaire dans le cadre de la procédure en cours (41). Toutefois, l’implication de l’opérateur dans une affaire antérieure de collusion ne constitue pas en soi un motif pour exclure cet opérateur d’une procédure de passation de marché en cours, étant donné que, sur la base de la jurisprudence de la Cour (42), les décisions passées d’autres autorités ne peuvent porter atteinte à l’appréciation effectuée par le pouvoir adjudicateur chargé de la procédure de passation de marché. Il en va de même si, dans une affaire antérieure, un soumissionnaire a été soupçonné de collusion, mais, en fin de compte, a été blanchi ou le soumissionnaire a quand même pu prendre part à la procédure de passation de marché. Le pouvoir adjudicateur n’est pas lié par une telle décision antérieure lorsqu’il gère sa procédure de passation de marché (43) et il conserve le droit d’envisager d’exclure un soumissionnaire de la procédure de passation de marché si le comportement passé de ce dernier fait naître des doutes crédibles et justifiables quant à son intégrité et à sa fiabilité dans le cadre de la procédure de passation de marché en cours.

Comme indiqué à la section 5.3, le pouvoir adjudicateur doit motiver la manière dont il est arrivé à la décision finale d’exclure l’opérateur en cause de la procédure de passation de marché et, en particulier, en quoi certains faits spécifiques ont été considérés comme des éléments suffisamment plausibles de collusion, mettant en question la fiabilité du soumissionnaire aux fins de la procédure de passation de marché en cours. Afin de permettre au pouvoir adjudicateur d’évaluer la situation en connaissance de cause, un opérateur économique doit l’informer, sur demande, de toute décision antérieure prise par une autorité de la concurrence ou de toute décision judiciaire constatant que l’opérateur s’est livré à des pratiques collusoires. Ces informations sont demandées dans le questionnaire inclus dans le document unique de marché européen (DUME) ou dans les formulaires nationaux similaires, que l’opérateur est généralement tenu de soumettre avec son offre (44). Lorsqu’un opérateur économique cache au pouvoir adjudicateur les renseignements exigés pour la vérification de l’absence de motifs d’exclusion, l’autorité a le droit, en vertu de l’article 57, paragraphe 4, point h), de la directive, de l’exclure de la procédure de passation de marché.

Troisièmement, des opérateurs économiques peuvent avoir admis dans le passé avoir participé à des pratiques collusoires et avoir coopéré avec une autorité de la concurrence, en tant qu’auteurs d’une demande de clémence ou d’immunité et/ou dans le cadre d’une procédure transactionnelle. La question se pose de savoir si le droit national peut prévoir qu’une telle coopération passée prive automatiquement les pouvoirs adjudicateurs de la possibilité de considérer ces antécédents de participation à un système collusoire comme un élément suffisamment plausible de collusion aux fins de l’application du motif d’exclusion dans les procédures de passation de marché menées après que l’autorité de concurrence a rendu publique sa décision.

Avant de répondre à cette question, il convient de garder à l’esprit que, dans la plupart des juridictions:

une décision de clémence ou de transaction implique que l’opérateur en question admet avoir participé à un accord collusoire illégal,

il est possible qu’un opérateur, qui a fait l’objet d’une enquête en matière de collusion et a finalement opté pour la solution de la transaction, ait initialement refusé de coopérer avec l’autorité de la concurrence et ait sapé ou entravé l’enquête. Or, c’est précisément le contraire de ce qui serait attendu de l’opérateur, en vertu de l’article 57, paragraphe 6, de la directive, en vue de rétablir sa fiabilité en tant que futur contractant,

enfin, un règlement transactionnel n’exige pas que l’opérateur s’engage à éviter des pratiques similaires à l’avenir ou à prendre des mesures spécifiques. L’opérateur ne s’engage pas à prendre des mesures spécifiques (des mesures d’«auto-réhabilitation»), ni ne garantit qu’il le fera pour rétablir sa fiabilité et son intégrité au sens de la directive. Le droit de la concurrence ne prévoit pas l’exclusion de principe d’un opérateur des futures procédures de passation de marchés publics en tant que sanction de son comportement anticoncurrentiel.

À la lumière de ce qui précède, il convient de distinguer deux cas: d’une part, la ou les procédures de passation de marché qui ont fait l’objet d’une enquête et d’une décision de l’autorité nationale de concurrence et qui se sont réglées par une demande de clémence ou de transaction et, d’autre part, les autres procédures de passation de marché menées après que la décision susmentionnée a été rendue publique.

Dans le premier cas, les États membres devraient généralement être libres de décider d’exempter totalement ou partiellement les demandeurs de la clémence, de l’immunité ou d’une transaction de toute sanction liée à la ou aux procédures de passation de marché couvertes par cette demande, lorsque la collusion entre les opérateurs concernés a été constatée et sanctionnée par une décision de l’autorité nationale de la concurrence (45). Cette exemption pourrait garantir l’efficacité des mécanismes de clémence ou de transaction mis en place par les États membres, étant donné que dégager un opérateur économique qui admet avoir participé à un système collusoire des lourdes conséquences prévues par la législation nationale pourrait inciter très fortement les opérateurs à se manifester et à révéler des cas de collusion.

Ce qui précède devrait également être possible lorsque la procédure de passation de marché entachée par l’accord collusoire que l’autorité nationale de concurrence a décidé de sanctionner est toujours en cours quand l’autorité de concurrence communique sa décision. Sans préjudice des prérogatives des pouvoirs adjudicateurs au titre de l’article 57, paragraphe 4, point d), de la directive, un opérateur économique qui a admis sa participation au système collusoire, qui a coopéré avec l’autorité de concurrence, qui a payé les amendes infligées et qui a pris des mesures appropriées pour rétablir sa fiabilité pourrait être considéré comme satisfaisant aux conditions d’«auto-réhabilitation», conformément à l’article 57, paragraphe 6, de la directive. Par conséquent, il pourrait être disproportionné qu’un pouvoir adjudicateur exclue cet opérateur d’une procédure de passation de marché en cours, dès lors que les mesures d’«auto-réhabilitation» adoptées par l’opérateur sont déjà en partie reflétées dans la décision de l’autorité nationale de concurrence.

Dans le deuxième cas, toutefois, aucun élément de la directive ne peut être interprété comme permettant aux États membres d’introduire une présomption de fiabilité obligatoire, générale et inconditionnelle pour ces opérateurs et/ou obligeant les pouvoirs adjudicateurs à accepter automatiquement leur participation à des procédures de passation de marché menées ou achevées après la communication d’une décision de l’autorité nationale de concurrence. Un tel cas de figure irait effectivement à l’encontre du pouvoir discrétionnaire spécifique des pouvoirs adjudicateurs (prévu par la directive et confirmé de manière constante par la Cour, comme analysé ci-dessus) leur permettant d’essayer d’obtenir la garantie ou l’assurance que le soumissionnaire est fiable, y compris en demandant des preuves des mesures d’«auto-réhabilitation» prévues à l’article 57, paragraphe 6, et en évaluant si les mesures proposées par l’opérateur sont suffisantes pour que le soumissionnaire soit autorisé à continuer à participer à la procédure de passation de marché (46). Ainsi que la Cour l’a également souligné (47), une telle garantie de participation à de futures procédures de passation de marché pourrait même être perçue comme étant en contradiction directe avec la disposition d’«auto-réhabilitation» prévue à l’article 57, paragraphe 6, (voire la rendre inopérante), étant donné qu’un opérateur économique bénéficiant d’un accès garanti à de futures procédures de passation de marché ne serait nullement incité à adopter des mesures visant à rétablir sa fiabilité.

Le droit d’un pouvoir adjudicateur d’évaluer le risque de collusion dans le cadre de la participation à une procédure de passation de marché en cours d’un soumissionnaire qui, dans le passé, a demandé la clémence ou une transaction dans une affaire antérieure de collusion est correctement contrebalancé par l’obligation d’apprécier, de manière proportionnée, la preuve que l’opérateur peut présenter en vertu de l’article 57, paragraphe 6, concernant les mesures qu’il a prises pour rétablir sa fiabilité. S’il décide d’exclure le soumissionnaire malgré les mesures d’«auto-réhabilitation» portées à sa connaissance, le pouvoir adjudicateur doit motiver les raisons pour lesquelles ces mesures ont été jugées insuffisantes pour que le soumissionnaire soit autorisé à continuer à participer à la procédure de passation de marché.

5.5.   Entreprises liées participant à la même procédure de passation de marché: le droit des opérateurs susceptibles d’être soupçonnés de collusion de démontrer leur indépendance lors de la soumission de l’offre

Les pouvoirs adjudicateurs s’interrogent souvent sur la manière de traiter les offres distinctes soumises dans le cadre d’une même procédure de passation de marché par des opérateurs économiques qui sont liés d’une manière ou d’une autre (par exemple, parce qu’ils appartiennent au même groupe d’entreprises, parce que l’un est une filiale de l’autre, parce qu’ils ont en commun certains membres de leur conseil d’administration ou représentants légaux, ou parce qu’ils détiennent des participations dans la même société tierce). Il peut arriver qu’un pouvoir adjudicateur soupçonne que les offres soumises par les soumissionnaires affiliés sont coordonnées (à savoir, non autonomes ni indépendantes), mettant ainsi en péril le respect des principes de transparence et d’égalité de traitement entre les soumissionnaires (48).

Selon la jurisprudence de la Cour (49), le pouvoir adjudicateur doit éviter de se fonder sur des présomptions générales susceptibles d’entraîner l’exclusion automatique de telles offres (50). En revanche, il devrait permettre aux opérateurs en question de démontrer, par tout moyen de preuve qu’ils jugent appropriés, que leurs offres sont réellement indépendantes et ne menacent pas la transparence ni ne faussent la concurrence dans le cadre de la procédure de passation de marché (51). Ils peuvent ainsi soumettre des faits prouvant que leurs offres respectives ont été rédigées de manière indépendante, que des personnes différentes ont participé à leur élaboration, etc.

Le pouvoir adjudicateur est habilité à apprécier si ces explications suffisent à démontrer que le fait que les opérateurs sont liés n’a pas influencé leur comportement dans la procédure de passation de marché ni le contenu de leurs offres respectives au sens de l’article 57, paragraphe 4, point d), de la directive, et à décider s’il y a lieu d’autoriser les opérateurs concernés à participer à la procédure.

5.6.   Offre conjointe et sous-traitance: nécessité d’une appréciation attentive mais équilibrée par le pouvoir adjudicateur

Dans certains cas, une offre conjointe peut faire naître des doutes auprès du pouvoir adjudicateur, en particulier si les membres du groupe d’entreprises qui déposent une offre conjointe auraient très bien pu soumettre une offre en leur nom propre (voire, s’il était escompté qu’ils le fassent). Un certain nombre d’États membres ont pris des mesures spécifiques à cet égard et ont formulé des conseils à l’intention des opérateurs économiques sur la manière de soumettre une offre conjointe sans être accusés de comportement anticoncurrentiel potentiel (52).

En vertu de la directive, le pouvoir adjudicateur dispose d’une marge d’appréciation suffisante pour déterminer si un cas d’offre conjointe menace le bon déroulement de la procédure de passation de marché, en particulier s’il existe des indications de collusion susceptibles de déclencher le motif d’exclusion prévu à l’article 57, paragraphe 4, point d), de la directive. Toutefois, lorsqu’il est confronté à ces questions, le pouvoir adjudicateur doit trouver un équilibre entre la nécessité de prévenir les risques affectant la concurrence dérivant de la soumission d’une offre conjointe (53) et le respect du droit des opérateurs de soumettre conjointement une offre (conformément à l’article 2, paragraphes 1 et 10, à l’article 19, paragraphe 2, et à l’article 63, paragraphe 1, de la directive). Il convient de garder à l’esprit que les entreprises considèrent souvent les partenariats stratégiques ou la coopération comme un élément fondamental de leur stratégie de croissance. Les opérateurs économiques ont le droit de faire des choix commerciaux légitimes concernant les activités qu’ils comptent entreprendre et les pouvoirs adjudicateurs ne devraient pas limiter ce droit en soi, mais devraient plutôt évaluer les risques de collusion au cas par cas.

Une approche similaire s’impose dans le cas de la sous-traitance: le pouvoir adjudicateur devrait évaluer attentivement les cas dans lesquels un sous-traitant proposé aurait facilement pu participer en son propre nom à la procédure de passation de marché et exécuter le marché de manière indépendante. Le fait que deux soumissionnaires se sous-traitent mutuellement une partie du marché peut également être considéré par le pouvoir adjudicateur comme un indice potentiel de collusion devant être examiné au regard de l’article 57 de la directive, étant donné que de tels accords de sous-traitance permettent généralement aux parties de prendre connaissance de l’offre financière de l’autre, ce qui met en cause l’indépendance des parties dans la formulation de leurs propres offres. Bien que les accords de sous-traitance tels que ceux mentionnés ci-dessus puissent être considérés comme un «signal d’alerte» de collusion potentielle, les pouvoirs adjudicateurs devraient éviter les présomptions générales selon lesquelles la sous-traitance par l’adjudicataire à un autre soumissionnaire ayant participé à la même procédure constitue un acte de collusion entre les opérateurs économiques concernés, sans donner à ces opérateurs la possibilité de présenter des arguments démontrant le contraire (54).

5.7.   Mesures d’«auto-réhabilitation» prises par les opérateurs économiques au sens de l’article 57, paragraphe 6, de la directive: droit des opérateurs de prouver leur fiabilité et nécessité, pour les pouvoirs adjudicateurs, de procéder à une évaluation proportionnée des arguments avancés

Comme indiqué à la section 5.3, l’article 57, paragraphe 6, de la directive donne aux opérateurs économiques qui se trouvent dans une situation justifiant leur exclusion le droit de prouver leur fiabilité malgré l’existence de motifs d’exclusion (55).

L’article 57, paragraphe 6, détaille ces mesures «d’auto-réhabilitation» que les opérateurs économiques peuvent soumettre à cet effet au pouvoir adjudicateur. Le considérant 102 de la directive donne des exemples de telles mesures, notamment des mesures concernant leur organisation et leur personnel, comme la rupture de toute relation avec des personnes ou des organisations impliquées dans ces agissements, des mesures appropriées de réorganisation du personnel, la mise en œuvre de systèmes de déclaration et de contrôle, la création d’une structure d’audit interne pour assurer le suivi de la conformité et l’adoption de règles internes de responsabilité et de réparation.

Ce même considérant fait référence à la possibilité pour les États membres, en vertu de l’article 57, paragraphe 7, de la directive, «… de déterminer les conditions procédurales et matérielles exactes qui seraient applicables dans ces cas», ce qui inclut la possibilité d’établir, au niveau national, des critères ou des lignes directrices détaillés sur la manière dont les pouvoirs adjudicateurs appliqueront les dispositions d’«auto-réhabilitation» dans la pratique. Toutefois, comme indiqué à la section 5.3, ces dispositions nationales adoptées en vertu de l’article 57, paragraphe 7, de la directive devraient être conformes à la portée et à la motivation des dispositions de la directive, sans remettre en cause le droit de l’opérateur de présenter des mesures d’«auto-réhabilitation» ou le pouvoir discrétionnaire du pouvoir adjudicateur de les évaluer (56). Les États membres peuvent également choisir de confier l’évaluation des mesures d’«auto-réhabilitation» à des autorités autres que le pouvoir adjudicateur, à un niveau central ou décentralisé. Toutefois, dans ce cadre, ils doivent veiller à ce que les conditions et les objectifs du système d’«auto-réhabilitation» soient satisfaits, en particulier lorsqu’il s’agit de procéder à une évaluation correcte et rapide des mesures correctrices proposées par l’opérateur (57).

Les informations précises ou les preuves que l’opérateur économique peut soumettre à l’appréciation du pouvoir adjudicateur varient en fonction du cas d’espèce. À la lumière du principe de proportionnalité, il devrait être possible de considérer que l’opérateur doit démontrer qu’il a pris les mesures visées à l’article 57, paragraphe 6, deuxième alinéa, applicables au cas d’espèce. Par exemple, l’opérateur ne doit prouver qu’il a versé ou s’est engagé à verser des dommages et intérêts pour son comportement illégal qu’en cas de plainte à l’encontre de ce dernier. En outre, dans certains cas, l’adoption de mesures portant uniquement sur le personnel peut suffire à convaincre le pouvoir adjudicateur de la fiabilité de l’opérateur, sans qu’il soit nécessaire de prendre d’autres mesures techniques ou organisationnelles.

La directive impose aux pouvoirs adjudicateurs d’évaluer les arguments avancés par l’opérateur économique concerné avant de décider de l’exclure ou non de la procédure, même s’ils estiment disposer d’éléments prouvant que l’opérateur s’est livré à des pratiques collusoires. Ainsi que la Cour l’a confirmé (58), la directive ne précise pas si les explications ou les mesures d’«auto-réhabilitation» doivent être soumises par le soumissionnaire de sa propre initiative ou à la demande expresse du pouvoir adjudicateur. En l’absence de disposition explicite et à la lumière de l’article 57, paragraphe 7, comme indiqué ci-dessus, il appartient aux États membres de déterminer si les pouvoirs adjudicateurs doivent demander aux opérateurs de fournir ces explications avant qu’ils rendent leur décision ou si cette possibilité doit être laissée à l’initiative de l’opérateur. Si le droit national impose au soumissionnaire l’obligation de soumettre spontanément, au plus tard lors de la présentation de son offre, des mesures d’«auto-réhabilitation», le pouvoir adjudicateur doit informer les soumissionnaires de cette exigence de manière claire et précise au lancement de la procédure (59). En tout état de cause, à la lumière de la jurisprudence de la Cour (60), il serait souhaitable que les pouvoirs adjudicateurs précisent clairement dans les documents de l’appel d’offres les informations que les opérateurs économiques doivent inclure dans leur offre, y compris les renseignements sur les liens qui les unissent ou sur les accords qu’ils ont conclus avec d’autres soumissionnaires, ainsi que toute mesure d’«auto-réhabilitation» prise à la suite d’une violation précédente des règles de concurrence. L’obligation de déclarer de tels accords et de fournir des informations sur les éventuelles mesures d’«auto-réhabilitation» figure déjà dans le document unique de marché européen (DUME), ainsi que dans des formulaires nationaux similaires, que l’opérateur est généralement tenu de remettre avec son offre.

L’article 57, paragraphe 6, de la directive accorde non seulement à un opérateur économique le droit de fournir des preuves lui permettant de ne pas être exclu de la procédure de passation de marché, mais il permet également au pouvoir adjudicateur de ne pas exclure un opérateur qui a répondu à suffisance aux préoccupations relatives à son comportement dans des procédures de passation de marchés passées. La seule limitation au droit de l’opérateur de faire valoir les mesures d’«auto-réhabilitation» qu’il a prises dérive du fait que cette possibilité ne s’applique pas tant que l’opérateur demeure exclu de la participation aux procédures de passation de marchés pour une période fixée par jugement définitif et dans les États membres où ce dernier produit ses effets (voir section 5.9) (61). Par conséquent, cette disposition n’empêche pas un pouvoir adjudicateur d’autoriser le maintien dans la procédure d’un opérateur économique qui s’est manifesté au cours de la procédure et qui a reconnu avoir conclu des accords illégaux avec d’autres soumissionnaires, a coopéré activement avec le pouvoir adjudicateur pour clarifier la situation et a pris toutes les mesures nécessaires pour prévenir toute nouvelle faute.

Au cours d’une procédure de passation de marché, le pouvoir adjudicateur évalue toutes les mesures d’«auto-réhabilitation» proposées par un opérateur dont il a été prouvé qu’il avait participé à des pratiques collusoires avec d’autres opérateurs dans le passé et doit tenir compte dans ce cadre de toutes les preuves soumises par l’opérateur (62). Comme indiqué à la section 5.3, le pouvoir adjudicateur doit évaluer les éléments de preuve fournis par l’opérateur de manière proportionnée, c’est-à-dire en fonction de la gravité de la situation et des circonstances particulières de l’espèce (63), ainsi que des mesures spécifiques prises par l’opérateur pour rétablir sa fiabilité (64).

Cela vaut également pour les opérateurs impliqués dans le passé dans des pratiques collusoires, qui ont participé à un programme de clémence ou d’immunité et/ou ont demandé une transaction (voir la section 5.4.). Compte tenu de l’importance des programmes de clémence dans la lutte contre les ententes et de la nécessité d’assurer aux demandeurs de clémence une sécurité juridique et une transparence quant aux conditions de la clémence, les États membres devraient encourager les pouvoirs adjudicateurs à offrir à ces opérateurs un traitement proportionné lorsqu’ils évaluent les mesures d’«auto-réhabilitation» qu’ils ont prises pour garantir leur fiabilité et leur intégrité. La Cour a déjà confirmé qu’«en principe, la transmission au pouvoir adjudicateur de la décision constatant l’infraction aux règles de la concurrence commise par le soumissionnaire, mais appliquant à ce dernier une règle de clémence, au motif qu’il a coopéré avec l’autorité de concurrence, devrait suffire à prouver au pouvoir adjudicateur que cet opérateur économique a clarifié totalement les faits et les circonstances en collaborant avec cette autorité…», conformément à l’article 57, paragraphe 6, de la directive (65).

Si le pouvoir adjudicateur conclut que les mesures soumises par l’opérateur économique ne suffisent pas à prouver son intégrité, il doit motiver sa décision.

Une coopération étroite entre le pouvoir adjudicateur et d’autres autorités, telles que l’autorité de la concurrence, les autorités responsables des registres nationaux du commerce, etc. facilite l’évaluation des mesures d’«auto-réhabilitation». Ces autorités peuvent fournir, au cas par cas, des conseils précieux sur l’incidence de ces mesures et sur les informations (dans le respect du droit de l’UE (66) et du droit national en matière de protection des données) dont le pouvoir adjudicateur a besoin pour évaluer, par exemple, si l’opérateur a coopéré suffisamment et activement avec l’autorité de la concurrence dans une affaire antérieure, si les personnes impliquées dans les faits de collusion dans le passé ont été remplacées ou si les amendes ou les dommages et intérêts infligés ont été correctement payés. Afin de conclure les procédures de passation de marchés dans un délai raisonnable, les autorités devraient s’efforcer de concrétiser cette coopération rapidement, en utilisant au mieux les ressources disponibles.

5.8.   L’importance que les pouvoirs adjudicateurs informent l’autorité de concurrence ou les autres autorités centrales concernées et/ou sollicitent leur aide

Les directives n’imposent pas au pouvoir adjudicateur de demander conseil à l’autorité centrale nationale chargée des marchés publics ou de la concurrence avant de décider d’exclure ou non un opérateur économique d’une procédure de passation de marché. Toutefois, il est généralement conseillé aux pouvoirs adjudicateurs de faire appel à toute assistance disponible dès qu’ils identifient une offre suspecte. L’avis d’experts de ces autorités faciliterait l’appréciation globale du dossier, aiderait le pouvoir adjudicateur à motiver correctement ses choix et réduirait ainsi considérablement le risque qu’un recours juridictionnel contre sa décision finale soit accueilli. En particulier, dans le cas des pouvoirs adjudicateurs de plus petite taille, disposant de ressources limitées, une assistance des autorités centrales chargées des marchés publics ou de la concurrence peut s’avérer essentielle pour traiter certains cas de collusion, surtout lorsque cette assistance prend la forme de conseils concernant les indices identifiés par le pouvoir adjudicateur ou d’une aide dans l’évaluation des mesures d’«auto-réhabilitation» présentées par un soumissionnaire. En ce qui concerne ce dernier point, le considérant 102 de la directive reconnaît explicitement la possibilité offerte aux États membres de confier à une autre autorité l’évaluation des mesures d’«auto-réhabilitation» soumises par un soumissionnaire soupçonné de collusion et destinées à prouver sa fiabilité. Comme indiqué aux sections 5.3 et 5.4, la participation des autorités centrales nationales chargées des marchés publics ou des autorités de la concurrence dans l’évaluation d’un cas potentiel de collusion ne devrait pas porter atteinte à la compétence du pouvoir adjudicateur de décider en dernier ressort d’exclure ou non un soumissionnaire d’une procédure de passation de marché.

Une coopération harmonieuse et efficace entre un pouvoir adjudicateur menant une procédure de passation de marché et les autorités centrales nationales chargées de la passation de marchés ou les autorités de concurrence dans le traitement d’un cas suspect de collusion exige que les deux parties reconnaissent l’importance de s’attaquer au problème, d’utiliser toutes les ressources disponibles et d’échanger des informations en temps utile. Avant même le lancement de la procédure de passation de marché, les pouvoirs adjudicateurs devraient disposer de points de contact au sein de l’autorité centrale nationale chargée des marchés publics et/ou de l’autorité de la concurrence, qu’ils pourraient contacter dès que des soupçons naissent au cours de la procédure. Les autorités centrales chargées des marchés publics ou les autorités de la concurrence devraient s’efforcer de répondre dans les meilleurs délais aux demandes d’assistance et de conseil émanant d’un pouvoir adjudicateur. Les deux parties devraient être prêtes à partager, le cas échéant, toute information susceptible d’être déterminante lorsqu’il s’agit de détecter et d’évaluer les cas de collusion (67). Même si les pouvoirs adjudicateurs ne consultent pas les autorités centrales chargées des marchés publics ou les autorités de la concurrence, il leur est vivement recommandé de leur signaler tout cas de collusion présumée examiné et de les informer de toute décision définitive d’exclusion d’un opérateur économique d’une procédure de passation de marché.

Enfin, tout contact entre le pouvoir adjudicateur et d’autres autorités au cours de la période allant de l’identification d’un cas suspect de collusion et la demande d’éclaircissements adressée à l’opérateur économique (si possible en vertu du droit national), devrait être couvert par une confidentialité stricte et ne devrait pas être divulgué au soumissionnaire soupçonné ou à d’autres participants à la procédure de passation de marché. À défaut, les soumissionnaires impliqués dans les pratiques collusoires pourraient être tentés de se débarrasser illégalement de toute preuve des accords qui les lient, dès qu’ils ont connaissance de l’action entamée à leur égard, ce qui priverait les autorités chargées de faire appliquer la législation d’éléments de preuve précieux dans une enquête future.

5.9.   Fixation des conditions d’exclusion d’un opérateur économique en vertu de l’article 57, paragraphe 7, de la directive

Comme indiqué précédemment (68), l’article 57, paragraphe 7, de la directive permet aux États membres d’arrêter les conditions d’application de cet article. Ces conditions peuvent concerner la fixation de la période maximale pendant laquelle un opérateur économique ne sera pas autorisé à participer à une procédure de passation de marché public, des critères ou des exemples de ce qui pourrait être considéré comme une circonstance justifiant une exclusion et l’organisme national qui sera compétent pour décider de l’exclusion (comme le confirme le considérant 102 de la directive). L’article 57, paragraphe 7, dispose que lorsque la durée de la période d’exclusion n’a pas été fixée par un jugement définitif, elle ne peut dépasser trois ans à compter de la date de l’événement concerné dans les cas visés à l’article 57, paragraphe 4. Dans sa jurisprudence récente (69), la Cour a clarifié que «la date de l’événement concerné», aux fins de la détermination du point de départ du calcul de la période d’exclusion, est la date à laquelle le comportement illégal de l’opérateur économique a fait l’objet d’une décision d’une autorité compétente, sans qu’il soit tenu compte de la date à laquelle les faits ayant donné lieu à ladite condamnation se sont produits.

La directive ne s’oppose pas à ce que les États membres décident qu’une exclusion pendant une période donnée, aux termes de l’article 57, paragraphe 7, peut être imposée par un pouvoir adjudicateur pour ses propres procédures de passation de marché futures, ou par un autre organisme (tel que l’autorité nationale de la concurrence, l’autorité centrale chargée des marchés publics ou un organisme spécial créé à cet effet) ayant un champ d’application plus général.

En vertu de l’article 57, paragraphe 7, la période d’exclusion maximale de trois ans ne s’applique que si elle n’a pas déjà été fixée par un jugement définitif. Ces dispositions n’empêchent pas qu’en vertu du droit national, les autorités judiciaires puissent envisager d’imposer une période d’exclusion encore plus longue lorsqu’elles rendent un jugement définitif sur un cas de collusion, en fonction de sa gravité.

Si un opérateur économique, qui a été exclu des procédures de passation de marché pendant une certaine période en vertu de l’article 57, paragraphe 7, de la directive, soumet une offre pendant la période d’exclusion, le pouvoir adjudicateur doit automatiquement la rejeter, sans qu’aucune appréciation ne soit nécessaire. À l’expiration de la période d’exclusion, un pouvoir adjudicateur peut encore décider d’exclure l’opérateur économique concerné d’une procédure de passation de marché, mais uniquement si les conditions d’application de l’article 57, paragraphe 4, point d), sont remplies.

Enfin, les décisions d’exclusion motivées par la collusion ne visent que l’opérateur économique reconnu coupable de collusion et non les autres opérateurs économiques avec lesquels il est lié d’une manière ou d’une autre (tels que les sociétés mères, d’autres sociétés appartenant au même groupe ou les filiales des sociétés exclues) et qui n’ont pas participé aux procédures de passation de marché en question. Ceci est évidemment sans préjudice du droit d’un pouvoir adjudicateur d’exclure d’une procédure de passation de marché tout opérateur économique qui se trouve dans l’une des situations justifiant l’exclusion au sens des directives.


(1)  Estimée à plus de 14 % du PIB total des États membres de l’UE.

(2)  Par exemple, http://documents.banquemondiale.org/curated/fr/975181468151765134/Curbing-fraud-corruption-and-collusion-in-the-roads-sector. Dans une affaire en cours de collusion présumée faisant l’objet d’une enquête aux États-Unis, des grandes entreprises pharmaceutiques auraient, dans le cadre d’un système collusoire, fixé artificiellement le prix d’un certain nombre de médicaments génériques à un prix 1000 % supérieur à leur prix normal de marché.

(3)  Sur la base des informations reçues des États membres (voir la section 2.2 de la présente communication).

(4)  Analysé à la section 5.1 de la présente communication.

(5)  Voir l’article 57, paragraphe 4, point d), de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE (JO L 94 du 28.3.2014, p. 65) et l’article 38, paragraphe 7, point e), de la directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l’attribution de contrats de concession (JO L 94 du 28.3.2014, p. 1). Le motif d’exclusion prévu par la directive 2014/24/UE peut également s’appliquer à la directive 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux et abrogeant la directive 2004/17/CE (JO L 94 du 28.3.2014, p. 243), en vertu l’article 80, paragraphe 1, de la directive 2014/25/UE.

(6)  Aux fins de la présente communication, les termes «responsables des marchés publics» ou «personnel chargé des marchés publics» désignent le personnel des pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices qui participe, dans une plus ou moins large mesure, à la conception, au lancement et à la mise en œuvre d’une procédure de passation d’un marché public. Cette définition n’affecte en rien la compétence des États membres en ce qui concerne l’organisation de leur administration nationale, les niveaux de décision, la participation de différents services aux procédures générales d’attribution, etc. En ce sens, la capacité de détecter et de traiter un cas présumé de collusion et l’obligation d’assurer la fiabilité de la procédure de passation de marché s’appliquent à tous les acteurs prenant part à la procédure, depuis l’agent qui reçoit et ouvre les offres jusqu’au responsable qui signe la décision d’attribution du marché.

(7)  Pour les affaires examinées par la Commission, voir, par exemple, l’affaire SPO (concernant des entreprises de construction aux Pays-Bas) de 1992 (affaires IV/31.572 et 32.571), l’affaire des conduites précalorifugées de 1999 (affaire IV/35.691/E-4), l’affaire des ascenseurs et escaliers mécaniques de 2007 (affaire COMP/E-1/38.823), l’affaire des câbles électriques de 2014 (affaire AT.39610), ainsi que les affaires mentionnées dans le rapport de la direction générale de la concurrence de la Commission sur l’application du droit de la concurrence dans le secteur pharmaceutique, adopté le 28 janvier 2019 (disponible à l’adresse suivante: https://ec.europa.eu/competition/sectors/pharmaceuticals/report2019/report_fr.pdf).

(8)  En particulier, le chapitre du manuel de lutte contre les ententes rédigé par le réseau international de la concurrence (RIC) traitant des «relations entre les agences de la concurrence et les organismes de passation des marchés publics».

(9)  La collusion a également été abordée dans une étude commandée par l’OLAF sur l’identification et la réduction de la corruption dans les marchés publics dans l’UE, publiée en juin 2013 (disponible à l’adresse suivante: https://ec.europa.eu/anti-fraud/sites/antifraud/files/docs/body/identifying_reducing_corruption_in_public_procurement_en.pdf).

(10)  Le 17 juillet 2012, le Conseil de l’OCDE a adopté une recommandation sur la lutte contre les soumissions concertées dans les marchés publics (https://www.oecd.org/competition/oecdrecommendationonfightingbidrigginginpublicprocurement.htm). La recommandation appelle les gouvernements à s’efforcer de mettre en place des procédures de passation de marchés publics destinées à promouvoir la concurrence et à réduire le risque de soumissions concertées. En 2009, la division de la concurrence de l’OCDE avait déjà élaboré des lignes directrices et des listes de contrôle très détaillées pour lutter contre les soumissions concertées dans les marchés publics. La recommandation de l’OCDE a servi de base aux orientations publiées par diverses autorités nationales en matière de lutte contre la collusion.

(11)  En 2013, la Banque mondiale a publié son manuel de sensibilisation à la fraude et à la corruption à l’intention des fonctionnaires participant aux marchés publics, qui comprend une section consacrée à la collusion. En 2011, la Banque a également publié des orientations spécifiques relatives à la lutte contre la collusion dans le secteur de la construction, qu’elle a identifié comme étant le secteur le plus vulnérable à la collusion, au même titre que le secteur des fournitures médicales.

(12)  Analysé à la section 5.1 de la présente communication.

(13)  https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=COM%3A2017%3A572%3AFIN

(14)  https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/communication-enforcement-implementation-single-market-rules_en_0.pdf

(15)  Aux fins de la présente communication, il convient d’entendre par «autorités centrales chargées des marchés publics» l’autorité, le service ou l’institution chargé(e), au niveau national, d’élaborer, de mettre en œuvre, de contrôler et/ou d’appuyer le fonctionnement du cadre juridique des marchés publics au niveau national. Cette disposition n’affecte en rien la compétence des États membres en ce qui concerne l’organisation de leur administration nationale.

(16)  https://ec.europa.eu/info/policies/public-procurement/support-tools-public-buyers/professionalisation-public-buyers/procurcompeu-european-competency-framework-public-procurement-professionals_fr

(17)  Exemple d’outil de ce type mis en place par la Commission européenne: https://ec.europa.eu/competition/cartels/whistleblower/index.html

(18)  En particulier, le règlement général sur la protection des données [règlement (UE) 2016/679].

(19)  Voir note de bas de page 18.

(20)  Les opérateurs économiques sont déjà tenus de déclarer s’ils ont conclu un accord collusoire lors de la soumission du document unique de marché européen (DUME). La Commission pourrait envisager à l’avenir de compléter cette disposition en exigeant du soumissionnaire une déclaration attestant qu’il a élaboré son offre de manière indépendante.

L’OCDE a établi un exemple de déclaration de ce type: https://www.oecd.org/governance/procurement/toolbox/search/certificate-independent-bid-determination.pdf

(21)  Directive 2014/104/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 novembre 2014 relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit national pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des États membres et de l’Union européenne.

(22)  Voir note de bas de page 18.

(23)  Voir le considérant 128 de la directive 2014/24/UE.

(24)  https://ec.europa.eu/growth/tools-databases/pp-large-projects/

(25)  Le 8 avril 2020, la Commission a adopté une communication sur un «Cadre temporaire pour l’appréciation des pratiques anticoncurrentielles dans les coopérations mises en place entre des entreprises pour réagir aux situations d’urgence découlant de la pandémie actuelle de COVID-19», [C(2020) 3200 final]. Elle porte sur le traitement, du point de vue du droit de la concurrence, des formes de coopération possibles entre opérateurs économiques mises en place pour garantir la fourniture et la distribution en suffisance de produits et de services essentiels dont la disponibilité est limitée pendant la pandémie de COVID-19.

(26)  Ces motifs d’exclusion étaient également applicables en vertu de l’article 54, paragraphe 4, de la directive 2004/17/CE.

(27)  Voir l’ordonnance de la Cour de justice du 4 juin 2019 dans l’affaire C-425/18, CNS, points 18 et 33.

(28)  Les références faites dans la section 5 de la présente communication uniquement à la directive 2014/24/UE ou à ses dispositions doivent être entendues comme couvrant également les dispositions correspondantes des directives 2014/23/UE et 2014/25/UE.

(29)  Voir le considérant 101 de la directive.

(30)  Comme le confirme le considérant 101 de la directive.

(31)  Voir l’ordonnance CNS de la Cour de justice susmentionnée, points 18 et 33.

(32)  Voir les arrêts de la Cour de justice du 24 octobre 2018, Vossloh Laeis GmbH (C-124/17, EU:C:2018:855, point 23); du 19 juin 2019, Meca srl (C-41/18, EU:C:2019:507, points 28 et 31); et du 3 octobre 2019, Delta Antrepriza (C-267/18, EU:C:2019:826, points 25 à 29).

(33)  Voir l’arrêt Vossloh Laeis, point 23, l’arrêt Meca, points 28, 31 et, en particulier, 34, l’arrêt Delta Antrepriza, points 25 et 27, l’ordonnance CNS, points 34 et 35, ainsi que l’ordonnance de la Cour de justice du 20 novembre 2019 dans l’affaire C-552/18, Indaco, point 24.

(34)  Voir l’arrêt Delta Antrepriza, point 26.

(35)  Les réponses que la Commission a reçues à son questionnaire de février 2019 indiquent que la plupart des États membres ont choisi de conserver le caractère facultatif du motif d’exclusion lors de la transposition des directives de 2014.

(36)  Voir l’arrêt Meca, point 33, et l’arrêt Delta Antrepriza, points 25 et 27. La Cour exige que ces conditions «respecte[nt] les caractéristiques essentielles», ainsi que «les objectifs ou les principes» qui inspirent les motifs d’exclusion. Voir également l’ordonnance Indaco, points 23 et 25, ainsi que l’arrêt de la Cour de justice du 30 janvier 2020 dans l’affaire C-395/18, Tim, point 36.

(37)  Voir l’ordonnance CNS, point 34.

(38)  Un aperçu des «signaux d’alerte» couramment utilisés figure à l’annexe des présentes orientations.

(39)  Voir l’arrêt de la Cour de justice du 17 mai 2018 dans l’affaire C-531/16, Ecoservice projektai, point 37.

(40)  Dans son récent arrêt du 11 juin 2020 dans l’affaire C-472/19, Vert Marine, la Cour de justice a également souligné la nécessité que les conditions d’application définies par les États membres soient compatibles avec les délais imposés par la procédure de passation de marché, afin de ne pas priver les dispositions de la directive de leur substance (voir points 36 et 38 de l’arrêt).

(41)  Bien qu’ils ne soient pas liés par les décisions prises à l’étranger, les pouvoirs adjudicateurs peuvent également prendre en considération les cas dans lesquels l’opérateur économique a participé à des pratiques collusoires dans un autre pays.

(42)  Voir l’arrêt Delta Antrepriza, point 27, et l’ordonnance CNS, point 34.

(43)  À moins qu’une décision n’exclue l’opérateur de toute procédure de passation de marché pendant une certaine période (voir section 5.9).

(44)  Voir l’arrêt Delta Antrepriza, point 36.

(45)  L’article 23, paragraphe 1, de la directive 2019/1 «visant à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens de mettre en œuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur» prévoit l’obligation pour les États membres de veiller à ce que les actuels et anciens directeurs, gérants et autres membres du personnel des entreprises sollicitant une immunité d’amendes auprès des autorités de concurrence soient intégralement protégés contre les sanctions infligées dans le cadre de procédures administratives et judiciaires non pénales relatives à leur participation à l’entente secrète faisant l’objet de la demande d’immunité d’amendes, concernant des violations de dispositions législatives nationales qui poursuivent principalement les mêmes objectifs que l’article 101 TFUE. Le considérant 64 confirme que cette disposition couvre également les dispositions nationales relatives à la manipulation des procédures d’appel d’offres. La communication de la Commission de 2006 sur l’immunité d’amendes exempte également «une entreprise qui révèle sa participation à une entente présumée […] de l’amende qui, à défaut, lui aurait été infligée».

(46)  Voir l’arrêt Vossloh-Laeis, point 32.

(47)  Voir l’ordonnance Indaco, point 27.

(48)  Voir l’arrêt Ecoservice projektai, point 29. Cela peut être le cas, en particulier lorsque des éléments laissent penser qu’une société dispose d’un accès privilégié à la méthode de rédaction de l’offre de l’autre ou qu’il existe une forme de coordination dans l’élaboration de leurs offres ou dans la détermination de leur stratégie de fixation des prix.

(49)  Arrêt de la Cour de justice du 16 décembre 2008 dans l’affaire C-213/07, Michaniki, points 42, 43 et 62, arrêt du 19 mai 2009 dans l’affaire C-538/07, Assitur, points 30 et 32, arrêt du 8 février 2018 dans l’affaire C-144/17, Lloyd’s of London, points 35, 36 et 38, et arrêt Ecoservice projektai, point 38.

(50)  Il convient de rappeler tout particulièrement que la Cour a admis que les structures d’entreprise d’opérateurs liés peuvent être régies par des dispositions susceptibles de garantir tant l’indépendance que la confidentialité lors de l’élaboration d’offres déposées dans le cadre d’un même appel d’offres (voir l’arrêt Lloyd’s of London, point 37, et l’arrêt Assitur, point 31).

(51)  Voir l’arrêt Lloyd’s of London, point 36, et l’arrêt Assitur, point 30.

(52)  Conformément aux «Lignes directrices sur l’applicabilité de l’article 101 TFUE aux accords de coopération horizontale» adoptées par la Commission en janvier 2011 (disponibles à l’adresse https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52011XC0114(04)&from=FR).

(53)  Un marché généralement ouvert et un nombre élevé d’offres reçues dans le cadre d’une procédure de passation de marché donnée peuvent, en principe, être considérés comme limitant le risque présenté par une offre conjointe en termes de restriction de la concurrence.

(54)  Voir l’arrêt de la Cour de justice du 22 octobre 2015 dans l’affaire C-425/14, Impresa Edilux, point 39.

(55)  Dans son arrêt Vert Marine (point 17) et dans son arrêt du 14 janvier 2021 dans l’affaire C-387/19, RTS, points 26 et 48, la Cour de justice a confirmé que les États membres doivent garantir ce droit lors de la transposition des directives.

(56)  Voir l’arrêt Vert Marine, point 24.

(57)  Voir l’arrêt Vert Marine, points 28, 33, 35 et 36.

(58)  Voir l’arrêt RTS, point 33.

(59)  Voir l’arrêt RTS, points 36 et 42.

(60)  Voir l’arrêt Ecoservice projektai, points 23 et 25.

(61)  Comme la Cour l’a récemment clarifié, tant que l’exclusion pendant une période donnée n’a pas été confirmée par un jugement définitif, l’opérateur économique a le droit de soumettre des mesures d’«auto-réhabilitation» pour démontrer sa fiabilité (voir l’arrêt Vert Marine, point 18).

(62)  Voir l’arrêt Vossloh-Laeis, point 23.

(63)  Voir, entre autres, l’arrêt Tim, point 50.

(64)  Telle que la mesure spécifique prise pour remplacer les personnes impliquées dans les comportements collusoires ou, si cela n’a pas encore été fait au moment de la procédure de passation de marché, les mesures prises pour garantir que ces personnes ne peuvent pas engager l’opérateur dans un nouveau comportement anticoncurrentiel illégal. Voir l’arrêt Delta Antrepriza, point 37.

(65)  Arrêt Vossloh-Laeis, point 31

(66)  Voir note de bas de page 18.

(67)  Sous réserve des conditions prévues par le droit de l’Union et le droit national (notamment l’article 31 de la directive 2019/1).

(68)  Voir sections 5.1 et 5.3.

(69)  Arrêt Vossloh-Laeis, points 37, 38 et 41.


ANNEXE

Moyens et conseils pour lutter efficacement contre la collusion dans les marchés publics

1.   Introduction

Tout effort visant à garantir une concurrence réelle et une utilisation optimale des deniers publics dans le cadre des achats publics implique que la communauté des acheteurs, en particulier les responsables des marchés publics, doit avoir pleinement conscience d’une évidence très simple: même si une procédure de passation de marché est organisée et exécutée dans les règles de l’art, elle échouera à assurer le meilleur résultat possible à partir du moment où les soumissionnaires qui y participent se sont entendus pour déterminer à l’avance qui, parmi eux, remporterait le marché. La collusion entre soumissionnaires signifie que le citoyen ne bénéficiera pas du meilleur produit ou service possible au meilleur prix possible, au détriment de l’intérêt public.

Le responsable du marché public, à savoir la personne chargée en première instance de la procédure de passation de marché, joue un rôle central lorsqu’il s’agit de minimiser le risque de collusion dans les marchés publics et de lutter contre cette pratique lorsqu’elle se produit. Il est le mieux placé pour limiter le risque lors de la préparation de la procédure, pour détecter la collusion lors de l’évaluation des offres et pour utiliser les outils prévus par le droit de l’Union et le droit national pour y remédier activement et veiller à ce que la procédure de passation de marché soit concurrentielle et équitable. Bien qu’il travaille souvent dans des conditions difficiles et soit tenu par des délais serrés, le responsable des marchés publics est invité à assumer cette tâche supplémentaire et à consentir cet effort complémentaire pour veiller à ce que l’argent public soit dépensé à bon escient.

Pour aider les responsables des marchés publics dans cette mission, la Commission a élaboré un ensemble concis de conseils sur la manière de:

concevoir les procédures de passation de marchés de manière à prévenir la collusion entre les soumissionnaires (section 2 de l’annexe),

détecter les situations potentielles de collusion lors de l’évaluation des offres (section 3 de l’annexe), et

réagir à un cas de collusion présumée (section 4 de l’annexe).

Pour des conseils plus complets, voir les orientations plus détaillées publiées par l’OCDE (1) et l’OLAF (2), ainsi que par les autorités nationales de concurrence des États membres de l’UE.

2.   Conseils sur la manière de concevoir les procédures de passation de marchés de manière à prévenir la collusion entre les soumissionnaires

Lorsque vous élaborez votre stratégie globale en matière de marchés publics et concevez les procédures de passation de marchés, visez une participation la plus large possible de soumissionnaires de votre pays et de l’étranger.

Faciliter la participation des opérateurs économiques accroît la concurrence et réduit au minimum le risque de collusion. En outre, la participation d’opérateurs économiques étrangers limite le risque de collusion dans des secteurs concentrés, dans lesquels un petit nombre d’opérateurs économiques nationaux sont actifs.

Lorsque vous connaissez l’objet de votre marché et avant de planifier et de lancer la procédure de passation de marché, effectuez une étude minutieuse du marché qui fournira le service ou le produit concerné.

Essayez de rassembler un maximum d’informations sur ce qui est disponible sur le marché, sur les spécifications qui peuvent être offertes, sur les opérateurs actifs dans le secteur, sur les prix pratiqués dans des cas similaires (tant pour les marchés publics que pour les marchés privés de même nature), sur les coûts attendus du contractant, etc.

Si vous n’avez pas une idée précise du coût réel de marché attendu pour le service, la fourniture ou les travaux sur lesquels porte votre appel d’offres, vous ne pourrez pas évaluer dans quelle mesure les offres sont appropriées ou raisonnables ou s’il y a eu manipulation du prix proposé.

Utilisez l’internet pour analyser le marché, explorez votre base de données électronique nationale des marchés publics pour trouver des précédents d’achats de même nature ou de nature similaire, et consultez les registres professionnels officiels des contractants certifiés.

Discutez avec des collègues de votre service ou d’autres pouvoirs adjudicateurs qui ont récemment acheté le même produit ou service et tirez parti de leur expérience.

N’oubliez pas qu’aucune règle n’interdit au responsable des marchés publics d’effectuer des études de marché approfondies, comme le ferait toute personne avant d’effectuer des achats privés.

Lorsque vous planifiez vos achats, évitez, dans la mesure du possible, la prévisibilité ou la répétition stable des procédures de passation de marchés que vous lancez régulièrement.

Le fait de savoir ou d’avoir la certitude qu’au cours des prochaines années, vous lancerez des procédures de passation de marchés tous les six mois pour la même quantité de travaux, de produits, de services ou de fournitures, sur la base du même budget prévisionnel et selon les mêmes conditions contractuelles, facilite grandement les comportements collusoires, étant donné que les opérateurs économiques qui se livrent à de telles pratiques savent qu’il y aura suffisamment de contrats pour tous. Bien qu’il soit utile d’informer le marché à l’avance de vos besoins à moyen et long terme, essayez d’organiser vos achats avec un degré suffisant de variété en ce qui concerne le calendrier, les quantités et le budget. Les soumissionnaires impliqués dans des pratiques collusoires ne pourront ainsi que difficilement se partager le marché de manière «équitable».

Planifiez et lancez vos procédures de passation de marchés suffisamment tôt, afin de disposer de suffisamment de temps pour évaluer correctement les offres et examiner les cas suspects de collusion sans dépasser les délais fixés pour la conclusion de la procédure.

Si cela est possible et adapté à votre achat, envisagez de recourir à l’achat groupé, qui peut apporter des garanties supplémentaires quant à la disponibilité des ressources et du savoir-faire nécessaires pour détecter les cas de collusion.

L’achat groupé prend généralement la forme d’accords-cadres. Bien que cette technique présente des avantages considérables tant pour le pouvoir adjudicateur que pour les opérateurs (elle peut être particulièrement utile pour répondre aux besoins publics et garantir un approvisionnement rapide), elle peut, dans certains cas, avoir des effets néfastes susceptibles de favoriser la collusion. Un accord-cadre limite, en principe, la concurrence dans un secteur, étant donné que pendant une période pouvant aller jusqu’à quatre ans, aucun opérateur autre que les contractants-cadres ne pourra soumissionner pour un contrat spécifique (ou «marché à commande») au titre de l’accord-cadre. L’absence de nouveaux acteurs sur le marché au cours de cette période peut accroître le risque de collusion entre les contractants-cadres, en particulier dans les accords-cadres qui sont rouverts à la concurrence au stade des contrats spécifiques.

Concevez et exécutez chaque procédure de passation de marché de manière à encourager une participation maximale des opérateurs économiques.

Définissez des spécifications techniques et des critères de sélection clairs, raisonnables, complets et aisément compréhensibles, qui soient proportionnés aux travaux, services ou fournitures que vous devez acheter et qui répondent aux exigences européennes et nationales.

Évitez les conditions inutiles, trop compliquées, dénuées de pertinence ou discriminatoires (c’est-à-dire favorisant ou défavorisant certains opérateurs), qui limitent la concurrence et qui, en fin de compte, remettent en question l’objectivité de la procédure de passation de marché et la fiabilité du pouvoir adjudicateur en tant que futur client potentiel.

Optez pour des critères d’adjudication fondés sur la qualité: le recours exclusif au prix en tant que critère d’adjudication facilite les accords collusoires, étant donné que le résultat de l’évaluation est plus prévisible et peut être manipulé plus facilement. Une évaluation reposant sur des critères de qualité rend plus difficile la manipulation des offres, car les soumissionnaires ne seraient pas en mesure de préjuger aisément de la manière dont le comité d’évaluation va les apprécier.

Dans la mesure du possible, recherchez des solutions innovantes pour répondre à vos besoins. Les participants à un système collusoire, qui sont généralement tributaires d’achats publics stables et prévisibles, ne peuvent souvent pas garantir la fourniture de services ou de produits innovants, contrairement aux nouveaux acteurs du marché qui entrent sur le marché pour combler cette lacune. Cela limite considérablement la certitude qu’ont les participants à un système collusoire, que l’un d’entre eux remportera un marché.

Donnez aux opérateurs suffisamment de temps pour préparer et soumettre leur offre: quelle que soit la durée minimale imposée par les directives de l’UE ou le droit national, n’hésitez pas à fixer un délai plus long pour le dépôt des offres, en fonction de la complexité du service ou du bien concerné.

Évitez de facturer aux opérateurs des frais d’accès aux informations relatives à la procédure de passation de marché.

Utilisez autant que possible les systèmes électroniques de passation de marché, qui facilitent grandement l’accès des soumissionnaires aux informations et la soumission des offres.

Procédez à une publication la plus vaste possible des informations et de l’avis de marché, et évitez la publication pendant les périodes de vacances pour ne pas réduire le temps dont les opérateurs disposent pour préparer leur offre.

Essayez de conclure la procédure aussi rapidement que possible, en limitant dans la mesure du possible le délai entre la date limite de réception des offres et la décision d’attribution du marché. Une telle limitation a pour effet d’inciter les opérateurs économiques à participer et, dans le même temps, réduit le temps dont les soumissionnaires disposent pour conclure des arrangements collusoires (par exemple, négocier le retrait d’un soumissionnaire en échange d’une participation au marché en tant que sous-traitant).

Utilisez des techniques pour sensibiliser les opérateurs économiques aux conséquences potentielles de la collusion et les dissuader de s’y livrer.

Incluez dans l’avis de marché des dispositions et des clauses telles que:

l’obligation pour les soumissionnaires de remettre une déclaration attestant qu’ils ont préparé leur offre indépendamment des autres soumissionnaires,

la spécification des pénalités encourues par le futur adjudicataire reconnu coupable de pratiques collusoires dans le cadre de la procédure de passation de marché ou la possibilité explicite pour le pouvoir adjudicateur de résilier le marché ou de demander des dommages et intérêts pour ce motif,

des informations sur les sanctions éventuelles prévues en vertu du droit national en cas de collusion (telles que l’exclusion des marchés publics pendant une certaine période ou les amendes prévues par le droit de la concurrence).

Exigez des soumissionnaires, conformément aux dispositions prévues par le droit national, qu’ils indiquent dès que possible au cours de la procédure s’ils ont l’intention de sous-traiter une partie du marché.

Définissez attentivement les informations qui doivent être divulguées au cours de la procédure de passation de marché. Vous ne devez pas aller au-delà de ce qui est exigé par le droit européen et le droit national. Dans la mesure du possible, évitez de divulguer des informations (par exemple, qui a soumis une offre et à quel prix, les détails de la procédure, etc.) qui pourraient faciliter les contacts entre les opérateurs ou permettre aux soumissionnaires qui se sont concertés de vérifier facilement s’ils ont tous respecté les termes de leur accord illicite lors de leur participation aux procédures de passation de marchés.

3.   Conseils sur la manière de détecter une collusion potentielle lors de l’évaluation des offres

Prenez le temps nécessaire pour examiner en détail les offres soumises au cours de la procédure. Ce sont souvent de petits détails qui vous mettront la puce à l’oreille. Ces détails passent généralement inaperçus, mais peuvent pourtant constituer des indications plausibles suggérant que certaines offres ont été préparées par la même personne ou coordonnées entre les soumissionnaires. Les éléments suivants doivent attirer votre attention:

erreurs ou fautes d’orthographe identiques dans des offres différentes;

offres différentes rédigées dans une écriture manuscrite ou une police de caractère similaire;

offres rédigées sur le papier à en-tête d’un autre soumissionnaire ou reprenant les coordonnées d’un autre soumissionnaire;

offres présentant les mêmes erreurs de calcul ou ayant recours à des méthodologies identiques d’estimation du coût de certains éléments;

offres soumises par la même personne ou par différentes personnes dont les données de contact sont identiques.

Accordez une attention particulière aux offres qui sont largement en dessous des normes minimales requises par les avis de marché, qui sont largement incomplètes ou qui émanent d’un opérateur qui n’est manifestement pas apte à exécuter le marché.

Ces offres constituent une indication de l’existence potentielle d’un arrangement collusoire, passant notamment par la soumission d’offres «de couverture» (à savoir, des offres qui n’ont aucune chance de remporter le marché ou qui ne sont pas destinées à le remporter) afin de manipuler l’évaluation et de parvenir au résultat souhaité.

Étudiez soigneusement les prix proposés par les soumissionnaires, en particulier les prix qui n’ont pas de sens parce qu’ils sont excessivement bas ou excessivement élevés par rapport au coût estimé du marché, sans aucune explication évidente. Les circonstances suivantes doivent attirer votre attention:

les indications suggérant que des entreprises coordonnent leurs prix, telles que les mêmes augmentations de prix qui ne peuvent s’expliquer par des hausses de coûts sur le marché ou par des remises non accordées, en particulier sur un marché où des remises sont traditionnellement accordées;

un écart important entre le prix de l’offre retenue et celui des autres offres;

une offre d’un fournisseur nettement plus élevée pour un marché donné que celle de ce même fournisseur pour un autre marché similaire;

les réductions significatives par rapport aux prix passés après qu’un nouvel opérateur économique ou un opérateur non régulier a soumis une offre, laissant présager que ce nouvel opérateur pourrait avoir perturbé une entente existante;

les fournisseurs locaux proposant des prix plus élevés pour une livraison locale que pour la livraison vers des destinations plus éloignées;

les entreprises locales et non locales dont les coûts de livraison sont similaires;

la plupart des soumissionnaires proposent le même prix;

certains soumissionnaires proposent des prix sensiblement différents pour des procédures similaires.

Si possible, vérifiez (à l’aide de bases de données électroniques sur les marchés publics, telles que les registres nationaux des marchés publics ou tout autre outil informatique disponible) si les offres que vous avez reçues font apparaître un schéma de réponse aux appels d’offres fondé sur des procédures de passation de marché similaires antérieures. De tels schémas peuvent constituer un indice de l’existence d’un accord collusoire. Pour identifier ces schémas, les circonstances suivantes doivent attirer votre attention:

la fréquence à laquelle les opérateurs économiques remportent ou perdent les marchés,

les opérateurs qui proposent systématiquement des prix élevés dans le cadre de certaines procédures et des prix bas dans d’autres pour le même type de fourniture, de travaux ou de service,

le même opérateur propose toujours le prix le plus bas,

les soumissionnaires qui ne remportent les marchés que dans certaines zones géographiques,

les opérateurs qui soumettent régulièrement des offres mais qui ne déposent pas d’offre dans le cadre de votre procédure, alors que leur participation était escomptée,

les opérateurs qui retirent inopinément leurs offres au cours de la procédure,

les opérateurs qui soumettent toujours des offres mais ne remportent jamais aucun marché,

les opérateurs qui remportent les marchés à tour de rôle.

Exploitez les possibilités prévues par le droit de l’UE et le droit national pour obtenir des informations à tous les stades de la procédure concernant l’intention d’un soumissionnaire de sous-traiter une partie du marché et, dans l’affirmative, à quelle société.

Le fait que le soumissionnaire retenu sous-traite des travaux à des soumissionnaires évincés pour le même marché ou le fait que le soumissionnaire retenu refuse de signer le contrat et intervient par la suite en tant que sous-traitant du soumissionnaire auquel le marché a finalement été attribué peut être considéré comme un élément suffisamment plausible de collusion.

Accordez une attention particulière aux offres soumises par un consortium d’opérateurs économiques qui auraient pu déposer des offres en leur nom propre ou dont la participation en nom propre était attendue.

Une offre conjointe peut constituer un choix commercial légitime, en fonction des conditions de marché spécifiques de la procédure de passation de marché, ou une question de nécessité lorsque les opérateurs ne peuvent remplir les critères de sélection ou ne peuvent avoir de meilleures chances d’emporter le marché qu’en soumissionnant en tant que consortium. Si aucun de ces cas ne semble s’appliquer, examinez attentivement si une offre conjointe peut être considérée comme un indice de collusion.

Examinez également avec attention les offres soumises dans le cadre de la procédure de passation de marché par des opérateurs économiques qui sont liés d’une manière ou d’une autre (par exemple, les offres déposées par une société mère et sa filiale ou par deux sociétés appartenant au même groupe).

Bien qu’il n’aille pas nécessairement de soi que de telles entreprises liées aient eu accès à l’élaboration de leurs offres respectives ou qu’elles se soient entendues, les offres soumises par des entreprises liées pourraient couvrir un accord collusoire et vous pourriez devoir vous assurer que tous les appels d’offres ont été élaborés en toute indépendance.

Accordez une attention particulière aux offres soumises par des opérateurs économiques qui ont été exclus dans le passé par votre pouvoir adjudicateur ou par un autre pouvoir adjudicateur pour cause de collusion ou qui ont été déclarés coupables, dans le passé, de pratiques collusoires par une autorité nationale de la concurrence.

Bien qu’une telle constatation n’entraîne pas automatiquement l’exclusion du soumissionnaire d’une procédure de passation de marché en cours, vous pourriez considérer, dans certaines circonstances, qu’il s’agit d’une indication suffisamment plausible de collusion. Rien ne vous interdit de prendre également en considération les cas de collusion identifiés à l’étranger impliquant le même opérateur économique. Il va sans dire que si l’opérateur économique a été exclu de toutes les procédures de passation de marché dans votre pays pendant une certaine période et qu’il soumet une offre pendant cette période, vous devez l’exclure de votre procédure de passation de marché sans même évaluer son offre.

4.   Conseils sur la manière de réagir aux cas de collusion présumée

Si vous constatez que des éléments suffisamment plausibles laissent présager qu’un certain nombre d’opérateurs économiques se sont entendus pour limiter la concurrence ou désigner au préalable l’attributaire d’une procédure de passation de marché, le droit de l’UE vous autorise à envisager d’exclure les soumissionnaires concernés de la procédure de passation de marché.

Avant de prendre une telle décision, évaluez soigneusement les indications dont vous disposez et motivez vos conclusions (y compris tous les contacts connexes).

Tenez compte d’aspects tels que la nature et la gravité des faits qui vous ont amené à soupçonner un accord collusoire, les explications éventuelles fournies par le soumissionnaire (voir ci-dessous) et l’état du marché dans le secteur.

Envisagez d’exclure uniquement les soumissionnaires qui représentent une menace réelle pour la concurrence, par exemple ceux qui ont mis en place ou dirigé le système collusoire.

Gardez à l’esprit que tout «signal d’alerte» pointant sur une possibilité de collusion peut avoir une explication raisonnable, que vous devez prendre en compte avant d’exclure un soumissionnaire de la procédure.

Faites usage des possibilités prévues par le droit de l’Union et le droit national pour permettre aux soumissionnaires de fournir des éclaircissements concernant leur offre, en particulier sur les aspects qui ont suscité des soupçons de collusion.

Les soumissionnaires soupçonnés de s’être entendus dans le cadre d’une procédure de passation de marché ont le droit, en vertu du droit de l’UE, de vous soumettre des arguments de nature à favoriser leur maintien dans la procédure. Il peut notamment s’agir de preuves démontrant qu’ils ont pris des mesures pour rétablir leur fiabilité (s’ils ont été exclus d’une procédure antérieure ou ont été reconnus coupables de collusion par une autorité nationale de la concurrence) ou que leur participation à la procédure ne met pas en péril la concurrence effective. Si vous estimez que les arguments avancés par le soumissionnaire ou les mesures d’«auto-réhabilitation» prises en vertu des directives de l’UE ou du droit national suffisent à démontrer sa fiabilité, vous devez autoriser le soumissionnaire à participer à la procédure. Vous intensifiez de la sorte la concurrence, en particulier sur les marchés concentrés sur lesquels peu d’opérateurs économiques sont actifs.

Lorsque vous recevez et évaluez ces arguments, n’accusez pas directement les soumissionnaires de collusion et ne les amenez même pas à penser que vous pourriez le faire, étant donné que vous risquez de la sorte d’inciter les soumissionnaires à détruire illégalement les éléments de preuve qui pourraient vous être utiles dans le cadre de la procédure.

Respectez le principe de l’égalité de traitement des soumissionnaires (à savoir, accordez à tous les soumissionnaires concernés la même possibilité de répondre à toute préoccupation que vous pourriez avoir concernant leur offre), mais ne discutez jamais de ces inquiétudes avec les soumissionnaires collectivement.

Lorsque vous procédez à l’évaluation des explications reçues, accordez une attention particulière à toute déclaration susceptible de confirmer vos soupçons, telle que celles des soumissionnaires qui justifient leurs prix par référence aux «prix suggérés dans le secteur», aux «prix standard de marché» ou aux «bordereaux de prix applicables dans le secteur», celles qui laissent penser qu’ils ne vendent pas dans une région donnée ou à des clients donnés sans aucune explication raisonnable, ou celles qui reprennent des arguments ou même la terminologie d’autres soumissionnaires pour expliquer le prix qu’ils ont proposé.

Examinez les arguments avancés par les soumissionnaires de manière proportionnée et en faisant preuve d’ouverture d’esprit.

Contactez votre autorité nationale de la concurrence et/ou l’autorité centrale chargée des marchés publics (ou toute autre autorité compétente, en fonction de l’organisation en vigueur au niveau national), en particulier en cas de doute, afin d’obtenir des conseils et l’assistance d’experts pour résoudre le problème.

Le cas échéant et/ou si possible, vous pouvez aussi envisager de faire appel à votre service juridique ou d’audit pour obtenir des conseils.

Ces contacts doivent demeurer confidentiels. N’en informez pas le soumissionnaire à propos duquel vous avez des soupçons ni les autres soumissionnaires afin d’éviter que les soumissionnaires potentiellement impliqués dans des pratiques collusoires aient le temps de détruire illégalement des éléments de preuve avant que l’autorité de concurrence ne décide d’intervenir.

Si vous décidez d’exclure un soumissionnaire pour ce motif, informez votre autorité nationale de la concurrence et/ou votre autorité centrale responsable des marchés publics, et fournissez-leur autant de détails que possible. Elles pourront ainsi assurer le suivi du dossier et, de manière plus générale, contrôler l’utilisation de ce motif d’exclusion par les pouvoirs adjudicateurs au niveau national.


(1)  https://www.oecd.org/daf/competition/guidelinesforfightingbidrigginginpublicprocurement.htm

(2)  https://ec.europa.eu/sfc/sites/sfc2014/files/sfc-files/Fraud%20in%20Public%20Procurement_final%2020.12.2017%20ARES%282017%296254403.pdf