COMMISSION EUROPÉENNE
Bruxelles, le 20.7.2021
SWD(2021) 712 final
DOCUMENT DE TRAVAIL DES SERVICES DE LA COMMISSION
Rapport 2021 sur l’état de droit
Chapitre consacré à la situation de l’état de droit en France
accompagnant la
COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU CONSEIL, AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN ET AU COMITÉ DES RÉGIONS
Rapport 2021 sur l'état de droit
La situation de l'état de droit dans l'Union européenne
{COM(2021) 700 final} - {SWD(2021) 701 final} - {SWD(2021) 702 final} - {SWD(2021) 703 final} - {SWD(2021) 704 final} - {SWD(2021) 705 final} - {SWD(2021) 706 final} - {SWD(2021) 707 final} - {SWD(2021) 708 final} - {SWD(2021) 709 final} - {SWD(2021) 710 final} - {SWD(2021) 711 final} - {SWD(2021) 713 final} - {SWD(2021) 714 final} - {SWD(2021) 715 final} - {SWD(2021) 716 final} - {SWD(2021) 717 final} - {SWD(2021) 718 final} - {SWD(2021) 719 final} - {SWD(2021) 720 final} - {SWD(2021) 721 final} - {SWD(2021) 722 final} - {SWD(2021) 723 final} - {SWD(2021) 724 final} - {SWD(2021) 725 final} - {SWD(2021) 726 final} - {SWD(2021) 727 final}
Résumé
Le système de justice français continue de faire l’objet d’un certain nombre de réformes visant à améliorer sa qualité et son efficience. Les initiatives de longue date visant à renforcer l’indépendance de la justice, notamment en renforçant les compétences du Conseil supérieur de la magistrature, n’ont pas progressé sur la voie de l’adoption, qui nécessiterait un vote à la majorité qualifiée dans les deux chambres du Parlement. Les ressources allouées au système de justice ont nettement augmenté. Les projets concernant la numérisation de l’ensemble de la procédure pénale et de certains aspects de la procédure civile continuent de progresser. Deux nouveaux projets de loi visant à renforcer la confiance dans le système de justice sont consacrés à des questions telles que le secret professionnel des avocats, la création de juridictions disciplinaires pour les professionnels du droit et la diffusion des audiences. Le président de la République a demandé au Conseil supérieur de la magistrature d’émettre un avis sur les moyens d’améliorer le régime de responsabilité et de protection des magistrats.
La France a continué à renforcer son cadre institutionnel destiné à prévenir et à combattre la corruption dans les secteurs public et privé. Les institutions spécialisées dans la lutte contre la corruption, telles que la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique et l’Agence française anticorruption, continuent d’exercer leurs fonctions. Des règlements relatifs aux conflits d’intérêts et à la protection des lanceurs d’alerte sont en place. Bien que la législation en vigueur en matière de défense d’intérêts (lobbying) ne couvre pas les personnes qui entrent en contact avec des hauts fonctionnaires, le gouvernement n’a pas encore présenté de proposition à ce sujet. Les déclarations de patrimoine sont publiées et régulièrement vérifiées. Le Parquet national financier a été réorganisé et continue à enregistrer de très bons résultats en ce qui concerne l’obtention de condamnations, notamment au moyen de conventions judiciaires d’intérêt public, y compris à l’égard de hauts fonctionnaires et dans des affaires portant sur des biens de grande valeur. Les ressources humaines de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques semblent insuffisantes au regard de sa charge de travail. Des mesures spécifiques dans le domaine des marchés publics ont été prises en réaction à la pandémie de COVID-19.
La France dispose d’un cadre juridique généralement solide pour garantir le pluralisme et la liberté des médias. Une modification législative à venir pourrait entraîner une réorganisation institutionnelle de l’autorité nationale de régulation des médias et la création d’un organe unique chargé de la communication audiovisuelle et numérique. Les journalistes continuent d’être exposés à différents types de menaces. Compte tenu de l’augmentation du nombre d’attaques perpétrées lors de protestations ou de manifestations, le gouvernement entend prendre des mesures pour améliorer la communication entre les journalistes et les forces de police durant de tels événements. Les autorités françaises ont envisagé un plan de relance global pour les médias afin d’atténuer les effets de la pandémie de COVID-19 et de soutenir la transformation du secteur des médias.
Les études d’impact et les consultations des parties prenantes sont courantes dans le cadre du processus législatif. Toutefois, le gouvernement a considérablement augmenté les procédures d’adoption accélérée, limitant ainsi le débat parlementaire sur certains projets de loi sensibles. Le régime d’urgence lié à la pandémie de COVID-19 a été levé le 1er juin 2021. D’autres mesures entravant les droits fondamentaux ont été examinées par le Conseil constitutionnel et par le Conseil d’État, qui a rejeté une demande du gouvernement visant à déterminer si un arrêt de la Cour de justice pouvait être contraire au principe d’attribution et à la répartition des compétences entre l’Union et ses États membres. Les autorités indépendantes ont continué à jouer un rôle très actif dans la protection des droits fondamentaux pendant la pandémie de COVID-19. Le Défenseur des droits a reconnu la nécessité d’améliorer le suivi de ses recommandations par les autorités nationales. De récentes lois suscitent des préoccupations en ce qui concerne leurs effets potentiels sur le paysage de la société civile. En particulier, la nouvelle loi sur la sécurité globale a été vivement critiquée par des parties prenantes et par des autorités indépendantes, et le Conseil constitutionnel a déclaré que certaines de ses dispositions, notamment celle qui visait à protéger l’anonymat des policiers en service, n’étaient pas constitutionnelles.
I.Système de justice
Le système de justice est composé de deux branches autonomes de juridictions: les juridictions de droit commun compétentes en matière civile et pénale, d’une part, et les juridictions administratives, d’autre part. Ces deux branches se composent de trois niveaux de juridictions, à savoir les tribunaux de première instance, les cours d’appel et une juridiction suprême (la Cour de cassation et le Conseil d’État, respectivement). Le Conseil d’État possède également une branche consultative chargée de rendre des avis sur les projets de loi et il est chargé de la gestion des tribunaux administratifs et des cours d’appel. Le Conseil constitutionnel est compétent pour contrôler la constitutionnalité des lois. Le Conseil supérieur de la magistrature, qui est composé pour moitié de magistrats élus par leurs pairs, joue un rôle important dans la protection de l’indépendance de la justice. Il désigne les candidats aux hautes fonctions judiciaires et, en ce qui concerne la nomination des juges par le ministre de la justice, émet des avis contraignants
. Le parquet fait partie de l’appareil judiciaire et est placé sous l’autorité du ministre de la justice. Ce dernier peut adresser des instructions générales en matière de politique pénale, mais ne peut adresser aucune instruction dans des affaires individuelles. La France participe au Parquet européen (Bureau du procureur général européen – BPGE). Les avocats sont représentés par différents barreaux dans toute la France.
Indépendance
Tant les entreprises que les citoyens perçoivent le degré d’indépendance de la justice comme moyen. Dans la population en général, 57 % des personnes interrogées estiment que l’indépendance des tribunaux est «plutôt satisfaisante ou très satisfaisante», ainsi que 58 % des entreprises. Alors que la perception de l’indépendance de la justice est demeurée largement stable depuis 2016 dans la population en général, elle s’est dégradée au cours de l’année dernière parmi les entreprises. Dans les deux cas, la raison la plus souvent invoquée pour justifier la perception d’un manque d’indépendance du système judiciaire a trait à l’ingérence du gouvernement et des responsables politiques ou aux pressions qu’ils exercent.
La réforme constitutionnelle de longue date visant à renforcer les compétences du Conseil supérieur de la magistrature n’a pas progressé. La réforme constitutionnelle vise notamment à ce que l’avis du Conseil supérieur de la magistrature concernant la nomination des candidats procureurs soit contraignant pour l’exécutif, à ce que le Conseil supérieur devienne l’organe compétent pour décider des mesures disciplinaires à l’encontre des magistrats, à ce qu’il soit mis fin au droit des anciens présidents de la République de devenir membres du Conseil constitutionnel après leur mandat et à ce que la Cour de justice de la République soit supprimée. Un rapport sur les obstacles à l’indépendance du pouvoir judiciaire fait au nom d’une commission d’enquête parlementaire le 2 septembre 2020 a souligné l’importance de cette réforme constitutionnelle. Ce rapport propose de renforcer davantage encore le rôle du Conseil supérieur, en particulier en alignant pleinement les règles disciplinaires et de nomination du parquet sur celles du siège et en donnant au Conseil supérieur le pouvoir d’agir de sa propre initiative sur toute question liée à l’indépendance de la justice. Pour que le projet de loi constitutionnelle progresse sur la voie de l’adoption, le président devrait convoquer les deux chambres du Parlement en Congrès
pour voter sur celui-ci, et son adoption nécessiterait la majorité qualifiée des trois cinquièmes des suffrages exprimés. La nécessité de renforcer les pouvoirs disciplinaires du Conseil supérieur a aussi été soulignée à l’occasion d’enquêtes administratives ordonnées à l’encontre de trois magistrats du Parquet national financier (PNF) par le ministre de la justice, qui sont actuellement en cours et pourraient donner lieu à des procédures disciplinaires. Trois syndicats de magistrats ont déposé une plainte contre le ministre de la justice pour de possibles conflits d’intérêts liés à son activité antérieure d’avocat. La Cour de justice de la République a déclaré cette plainte recevable et a ouvert une enquête judiciaire le 13 janvier 2021. Le 23 février 2021, le président de la République a soumis au Conseil supérieur de la magistrature une demande d’avis sur la responsabilité et la protection des magistrats. L’un des objectifs est de rendre le système de traitement des plaintes des justiciables plus efficace afin de mieux traiter les cas de manquements professionnels des magistrats.
Deux nouveaux projets de loi visent à renforcer la confiance dans le système de justice. Le 14 avril 2021, le ministre de la justice a soumis au Conseil des ministres deux projets de loi visant à renforcer la confiance dans le système de justice, qui permettraient notamment d’améliorer la protection du secret professionnel des avocats de la défense, de créer des juridictions disciplinaires nationales pour les professionnels du droit, qui seraient également chargées d’élaborer un code de déontologie, et d’élargir la possibilité de filmer et de diffuser les audiences afin de mieux faire comprendre le fonctionnement de la justice aux citoyens.
Qualité
Plusieurs projets sont actuellement menés pour poursuivre la numérisation de la justice. Malgré les efforts déployés pour améliorer le niveau de numérisation du système de justice, des améliorations demeurent possibles en ce qui concerne les règles de procédure permettant l’utilisation des technologies numériques dans les tribunaux, l’utilisation des technologies numériques et des outils de communication électronique par les tribunaux et les parquets, ainsi que les solutions numériques pour l’ouverture, la conduite et le suivi des procédures. Dans le domaine pénal, un projet dénommé «procédure pénale numérique» suit son cours. Son objectif consiste à numériser toutes les étapes de la procédure, depuis l’enregistrement d’une plainte ou la constatation d’une infraction jusqu’au prononcé du jugement et au dépôt de la décision de justice, ainsi qu’à faciliter l’accès au dossier pour les parties et les professionnels du droit. L’utilisation des différents outils permettant de numériser les communications entre tous les acteurs de la procédure pénale ainsi que tous les documents versés au dossier a commencé à titre expérimental en 2019 dans deux juridictions, et elle sera progressivement étendue à toutes les juridictions. Dans le domaine civil, le programme PORTALIS vise à remplacer les huit applications actuellement utilisées par les tribunaux par un outil numérique unique et, à terme, à numériser l’ensemble de la procédure civile tant pour les justiciables que pour les professionnels de la justice, du dépôt de la requête à la signification de la décision de justice sur un portail sécurisé. La première étape a été menée à bien avec le lancement d’un site internet destiné aux justiciables, qui leur permet d’introduire des requêtes pour certaines matières civiles depuis le 4 janvier 2021. De même, la possibilité de soumettre des demandes d’aide juridictionnelle en ligne, qui a été lancée dans des juridictions pilotes en mars 2021 et sera progressivement déployée au niveau national, associée à de nouvelles règles harmonisées pour le calcul des ressources des demandeurs, devrait réduire considérablement le temps nécessaire au traitement de ces demandes. L’outil PORTALIS sera opérationnel en 2021 pour la justice du travail, avant d’être étendu à d’autres juridictions d’ici à 2022.
Les ressources allouées au système de justice ont encore nettement augmenté en 2021
. En vertu de la loi de finances pour 2021, le ministère de la justice dispose d’un budget de 12,1 milliards d’EUR, soit quelque 2 % du total des dépenses publiques, ce qui représente une augmentation de 8 % par rapport à l’année précédente (la plus forte augmentation annuelle depuis plus de 20 ans), et notamment une hausse de 127 millions d’EUR pour les frais de justice et d’instance. La loi de finances crée également 2 450 postes pour le système de justice, soit une augmentation de quelque 3 % pour un total de 90 000 postes environ. Le budget alloué à l’aide juridictionnelle a atteint 585 millions d’EUR en 2021, soit une augmentation de 10 % permettant d’améliorer la rémunération des avocats dans le cadre de ce régime, en particulier pour certaines missions en matière pénale et de médiation. Une nouvelle garantie de rétribution pour les avocats, indépendamment des manquements du demandeur d’aide juridictionnelle, a également été créée. Les barreaux estiment que l’indemnisation des avocats au titre de l’aide juridictionnelle demeure largement insuffisante et ne couvre pas les frais engagés par l’avocat.
Plusieurs mesures relatives au fonctionnement du système de justice pénale qui avaient été introduites pendant la pandémie de COVID-19 ont été annulées. Le Conseil constitutionnel a déclaré inconstitutionnelle la prolongation de plein droit de la durée des détentions provisoires instituée par une ordonnance du 25 mars 2020 et mise en œuvre pendant le confinement jusqu’au 11 mai 2020, en raison de son caractère automatique et de l’absence d’un contrôle juridictionnel systématique à bref délai de la nécessité de la prolongation, eu égard au droit à la liberté individuelle. Dans une décision du 5 mars 2021, le Conseil d’État a également jugé que cette prolongation de plein droit était contraire au droit à la liberté consacré à l’article 5 de la convention européenne des droits de l’homme (CEDH) et que la possibilité pour le juge des juridictions pénales inférieures d’imposer le recours à la visioconférence ou à la communication téléphonique portait atteinte au droit à un procès équitable garanti par l’article 6 de la CEDH. Par ordonnance du 27 novembre 2020, le Conseil d’État avait déjà suspendu l’utilisation de la visioconférence sans le consentement de l’accusé pour les audiences devant les juridictions pénales supérieures, au motif qu’elle constitue une atteinte grave et manifestement illégale au principe du respect des droits de la défense et au droit à un procès équitable.
Efficience
Des mesures sont prises pour atténuer les incidences de la pandémie de COVID-19 sur l’efficience des juridictions civiles et pénales, mais la longueur des procédures reste globalement préoccupante. Les mesures d’urgence prises pour faire face à la crise sanitaire, notamment entre mars et mai 2020, ont entraîné un ralentissement de l’activité des tribunaux et une augmentation du nombre d’affaires pendantes. Ainsi, en octobre 2020 par rapport à la fin de l’année 2019, une augmentation de près de 43 000 affaires pendantes était à signaler dans les juridictions civiles, et de 19 000 affaires pendantes dans les juridictions pénales inférieures. Le temps nécessaire estimé pour trancher les affaires civiles et commerciales contentieuses a continué à augmenter, le délai moyen étant de 432 jours en 2019. En revanche, le taux de variation du stock d’affaires pendantes pour les contentieux civils et commerciaux s’est légèrement amélioré pour atteindre 99,7 % en 2019, mais ce chiffre précède les effets de la pandémie. Pour relever les défis auxquels sont confrontées les juridictions pénales, une nouvelle loi du 8 avril 2021 améliorant l’efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale étend les mesures alternatives aux poursuites, élargit le champ d’application des mesures applicables dans le cadre de la composition pénale et autorise l’exécution extrajudiciaire de travaux d’intérêt général.
II.Cadre de la lutte contre la corruption
Parmi les instances chargées de lutter contre la corruption figurent l’Agence française anticorruption (qui élabore le plan pluriannuel de lutte contre la corruption et aide les personnes morales de droit public et de droit privé à prévenir et à détecter les faits de corruption), la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (chargée de veiller à la probité des institutions publiques et des fonctionnaires) et l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (une police spéciale chargée d’enquêter sur les infractions économiques, y compris la corruption et le blanchiment de capitaux). Le Parquet national financier est compétent pour enquêter dans les affaires de grande délinquance économique et financière.
Les experts et les dirigeants d’entreprise estiment que le niveau de corruption dans le secteur public demeure relativement faible. Dans l’indice de perception de la corruption de Transparency International, publié en 2020, la France obtient un résultat de 69/100 et se classe au 8e rang dans l’Union européenne et au 23e rang dans le monde. Cette perception est restée relativement stable
au cours des cinq dernières années.
Le plan national de lutte contre la corruption 2020-2022 est actuellement mis en œuvre. Ce plan est axé sur les actions suivantes: i) mieux connaître et détecter la corruption en optimisant l’exploitation des données; ii) former et sensibiliser les agents publics; iii-a) accompagner le déploiement des programmes anticorruption dans l’ensemble des ministères; iii b) accompagner le déploiement des programmes anticorruption dans les grandes collectivités territoriales et leurs établissements; iii-c) promouvoir la prise en compte de l’intégrité dans les organisations et événements sportifs; iii-d) soutenir les entreprises dans leur effort d’appropriation du standard anticorruption français et les encourager à faire de la conformité anticorruption un levier de compétitivité; iii-e) mieux sanctionner les atteintes à la probité; et iv) renforcer l’action française internationale.
Les poursuites et les décisions rendues dans les affaires de corruption ont donné des résultats positifs, y compris pour les affaires impliquant des hauts fonctionnaires. La législation nationale criminalise toutes les formes de délits de corruption (corruption active et passive, dans le pays et à l’étranger) dans les secteurs public et privé, y compris la corruption dans le domaine du sport et le trafic d’influence dans le secteur public. L’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF) est une police spéciale chargée d’enquêter sur les infractions économiques, y compris la corruption et le blanchiment de capitaux. Il compte 86 agents, répartis en unités chargées de l’analyse des données financières, de la recherche et du recueil de preuves. En 2020, l’OCLCIFF a saisi 166 millions d’EUR d’avoirs illégaux
. Toutefois, le recrutement, la formation (parfois pendant trois ans) et la rétention de ressources humaines hautement qualifiées, en particulier des analystes de données financières et des enquêteurs expérimentés, représentent des défis pour l’OCLCIFF
.
Le Parquet national financier a fait l’objet d’une réorganisation visant à en améliorer l’efficacité, notamment en lui attribuant des ressources supplémentaires et en renforçant son indépendance. En 2020, le Parquet national financier (PNF) a créé une brigade spéciale pour la recherche de preuves dans des banques de données ouvertes. En 2020, le PNF a ouvert 123 nouvelles procédures visant 65 personnes, qui ont donné lieu à 21 mises en accusation, pour une valeur totale estimée à 2 milliards d’EUR. Au total, 12 conventions judiciaires d’intérêt public (CJIP) ont été conclues à ce jour. En réponse aux recommandations du Groupe d’États contre la corruption du Conseil de l’Europe (GRECO), le PNF envisage, pour 2021, d’engager des procureurs supplémentaires. Toutefois, en ce qui concerne les autres recommandations du GRECO, aucune action pertinente n’a été signalée.
L’Agence française anticorruption (AFA) élabore le plan pluriannuel de lutte contre la corruption et contrôle la mise en œuvre des mesures de prévention dans les entités publiques (nationales ou locales) et privées. En septembre 2020, l’AFA a publié une étude analysant les programmes anticorruption des entreprises privées et un guide pratique sur la politique cadeaux et invitations dans les entreprises. En 2021, à l’issue d’une consultation publique, l’AFA a émis une deuxième série de recommandations (la première datant de 2017) sur l’élaboration et la mise en œuvre de dispositifs de conformité pour les personnes morales. Les ressources techniques et financières dont dispose l’AFA sont jugées appropriées par sa direction. Si les agents travaillant à l’AFA possèdent une expérience à la fois dans le secteur public (essentiellement des enquêteurs détachés et des procureurs, mais également des analystes de données financières) et dans le secteur privé, la taille et la rotation élevée des effectifs semblent représenter des défis.
La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) continue à contrôler la mise en œuvre des règles de probité qui s’appliquent aux agents publics, y compris celles qui concernent la divulgation du patrimoine
. La HATVP est chargée de veiller à la probité des institutions publiques et des fonctionnaires. Ses tâches comprennent la vérification des déclarations de patrimoine et d’intérêts. En 2020, la HATVP a reçu 17 713 déclarations d’intérêts et de patrimoine émanant de fonctionnaires, et 825 émanant de ministres et de députés. Si les déclarations des fonctionnaires et des ministres sont publiques, celles des députés ne sont disponibles que sur demande. Il ressort des contrôles effectués en 2020 par la HATVP que quelque 53 % des déclarations étaient conformes, 22 % ont donné lieu à des demandes d’éclaircissements mineures et 25 % présentaient des lacunes importantes. En 2020, dix dossiers ont été transmis au Parquet national financier, en vue d’un éventuel suivi pénal. La HATVP conseille les responsables déontologues des institutions et leur apporte un soutien en matière de formation et d’éducation à la déontologie. De plus, elle publie des lignes directrices plus générales en matière de déontologie et peut délivrer des agréments à des ONG afin de promouvoir la transparence.
La HATVP a proposé de modifier la législation concernant la défense d’intérêts (lobbying)de gérer le registre des représentants d’intérêts. En novembre 2020, des déclarations avaient été reçues pour 90 % des représentants d’intérêts enregistrés. En 2020, la HATVP a proposé de modifier la législation concernant la défense d’intérêts, comme recommandé par le GRECO, afin de couvrir également, outre les organisations, les personnes exerçant des activités de défense d’intérêts qui entrent en contact avec des hauts fonctionnaires. À ce jour, aucune proposition n’a été présentée par le gouvernement. En 2020, le mandat de la HATVP a été élargi et il englobe désormais le contrôle de la mise en œuvre des règles relatives aux incompatibilités et au (rétro)pantouflage. En moyenne, 10 % des cas contrôlés révèlent une incompatibilité. En 2020, la HATVP a rendu une décision d’incompatibilité visant un ancien conseiller d’un cabinet ministériel.
Les ressources humaines de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) semblent insuffisantes au regard de sa charge de travail. La CNCCFP est l’organe qui contrôle les comptes des partis politiques et des campagnes électorales. Le pôle Élections se compose de neuf magistrats (détachés par la Cour des comptes et d’autres institutions judiciaires) et de 58 assistants. En 2020, 2 200 cas ont fait l’objet d’un audit, avec le soutien de 143 conseillers externes. En moyenne, jusqu’à 4 % des comptes des campagnes électorales sont concernés par des problèmes de comptabilité. Le pôle Partis politiques compte six fonctionnaires et, compte tenu de la charge de travail, la fourniture de comptes précis et détaillés dans le délai de procédure de six mois à compter du jour des élections continue de poser des problèmes.
Le Déontologue de l’Assemblée nationale contrôle la mise en œuvre des règles de déontologie qui s’appliquent aux députés. Les règles de déontologie qui s’appliquent aux députés sont inscrites dans le règlement de l’Assemblée nationale, ainsi que dans un code de déontologie. Les députés qui se trouvent en situation de conflit d’intérêts doivent en informer le Bureau de l’Assemblée nationale et s’abstenir de tout vote concernant leurs intérêts. Tous les dons, parrainages et indemnités de voyage perçus par un député doivent être déclarés puis publiés sur la page «Transparence» de l’Assemblée nationale. En cas de suspicion d’atteinte aux règles de déontologie, le Déontologue de l’Assemblée nationale peut porter une affaire à l’attention du président de l’Assemblée, qui peut ensuite transmettre le dossier au Bureau de l’Assemblée nationale pour examen approfondi et suite éventuelle.
L’Agence française anticorruption (AFA) a publié des recommandations sur la mise en place de dispositifs d’alerte. À la lumière des réglementations existantes en matière de protection des lanceurs d’alerte, ces recommandations, publiées en janvier 2021, visent à aider les personnes morales de droit public et de droit privé à prévenir et à détecter les faits de corruption, de trafic d’influence, de concussion, de prise illégale d’intérêts, de détournement de fonds publics et de favoritisme. Les lanceurs d’alerte peuvent soumettre leurs plaintes d’abord au travers du canal existant au sein de leur entreprise ou de leur administration publique et, dans des circonstances spécifiques, la plainte peut ensuite être soumise à l’AFA. Le Défenseur des droits assiste et conseille les lanceurs d’alerte, y compris au moyen d'un guide. Il dispose d’un agent à temps plein pour prodiguer des conseils. Depuis 2017, le Défenseur des droits a traité en moyenne 80 signalements de lanceurs d’alerte par an et une diminution de près de 20 % a été enregistrée en 2020. L’absence d’un soutien financier et juridique approprié est un défi pour la protection des lanceurs d’alerte dans la pratique.
Un guide spécifique en matière de lutte contre la corruption dans le domaine des marchés publics a été publié dans l’objectif d’atténuer les risques pendant la pandémie de COVID-19. En juin 2020, l’Agence française anticorruption et la direction des achats de l’État (DAE) ont publié un guide intitulé «Maîtriser le risque de corruption dans le cycle de l’achat public». Pour chaque phase des marchés publics, ce guide présente les risques de corruption correspondants, propose des mesures d’atténuation et formule des recommandations sur la manière de cartographier les risques organisationnels et d’élaborer des codes de conduite anticorruption.
III.Pluralisme et liberté des médias
La Constitution française garantit la liberté d’expression et d’information ainsi que le pluralisme et l’indépendance des médias. Ces principes sont également consacrés dans la législation sectorielle, mise en œuvre par l’autorité indépendante de régulation des médias. Le cadre français pour le pluralisme des médias garantit à la fois le «pluralisme externe», défini en termes de pluralité des acteurs des médias, et le «pluralisme interne», défini en termes de distribution des parts de capital et de diversité des opinions. Le système juridique français prévoit également des règles spécifiques pour la transparence en matière de propriété des médias. La France a adopté plusieurs actes visant à transposer la directive révisée sur les services de médias audiovisuels et trois décrets supplémentaires sont encore envisagés pour achever le processus de transposition.
L’autorité nationale de régulation des médias, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), fera l’objet de changements institutionnels. Le gouvernement a récemment présenté une proposition autorisant la fusion du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI), l’autorité de protection de la propriété intellectuelle, afin de créer un organe unique, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM). L’ARCOM recevrait ainsi une série de compétences liées à la protection des mineurs en ligne, à la désinformation, aux discours haineux et au piratage en ligne. Le CSA a accueilli favorablement la proposition du gouvernement, mais a fait part de certaines préoccupations en rapport avec le budget et la composition du nouvel organe. La proposition prévoit pour l’ARCOM les mêmes garanties d’indépendance que celles dont jouissent le CSA et la HADOPI. En 2021, comme en 2020, l’instrument de surveillance du pluralisme des médias (Media Pluralism Monitor – MPM) a évalué comme faibles les risques pesant sur l’indépendance et l’efficacité de l’autorité française de régulation des médias, en soulignant que celle-ci dispose d’un budget autonome et que son fonctionnement, y compris la nomination de ses membres, est transparent.
Le Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM) normes déontologiques. L, qui est composé de représentants des journalistes, des éditeurs et du public, examine les violations présumées des normes journalistiques dans les articles de presse (textes et images, publiés hors ligne et en ligne) et dans les programmes audiovisuels d’information. Depuis sa création en 2019, le CDJM a enregistré près de 411 cas d’infraction et publié 34 avis.
Le CSA a recommandé d’engager une réflexion sur le cadre de propriété des médias. Le 22 mars 2021, le CSA a émis un avis dans lequel il indiquait que le dispositif anticoncentration actuel est obsolète dans plusieurs de ses composantes, face notamment aux évolutions démographiques, économiques et technologiques du secteur. Le CSA a proposé au gouvernement de confier à des experts une mission de réflexion sur cette question. L’ordre juridique français prévoit l’obligation de publier tous les propriétaires directs et ultimes des médias. L’attribution des fréquences pour les services audiovisuels dépend également des informations relatives au propriétaire du service qui demande des fréquences. La concentration de la propriété des médias est contrôlée par l’Autorité de la concurrence, qui doit consulter le CSA lorsque des médias audiovisuels ou la radio sont concernés. Le MPM 2021 fait état d’un risque faible pour la transparence en matière de propriété des médias, en indiquant toutefois que la structure de propriété à plusieurs niveaux de nombreux conglomérats des médias pourrait créer un certain degré d’opacité. En revanche, le MPM 2021 signale la persistance de niveaux élevés de concentration horizontale et de concentration entre médias.
Les autorités françaises ont versé un soutien financier considérable aux médias. En 2020, afin d’atténuer les répercussions économiques de la pandémie de COVID-19, le gouvernement français a alloué 106 millions d’EUR pour garantir la continuité de la distribution de la presse et soutenir les acteurs des médias les plus touchés, à savoir les diffuseurs, les titres étrangers et les éditeurs. Tous les professionnels des médias, y compris les travailleurs indépendants, pouvaient également bénéficier d’une allocation de chômage temporaire. En ce qui concerne le soutien à long terme, le plan de relance global prévoit pour les deux prochaines années 377 millions d’EUR afin de faciliter les transitions numérique et écologique du secteur des médias. Il prévoit aussi un fonds de 18 millions d’EUR destiné à soutenir les journalistes se trouvant dans les situations les plus précaires, tels que les journalistes indépendants, les photojournalistes et les dessinateurs. Le gouvernement français a également envisagé de modifier le cadre du soutien financier aux diffuseurs, notamment en ce qui concerne les conditions à remplir pour accéder à l’aide et les modalités de calcul de l’aide financière.
En France, les journalistes continuent d’être exposés à différents types de menaces. Des attaques ciblant des journalistes et des professionnels des médias, commises tant par des manifestants que par les forces de police, ont été signalées lors de protestations et de manifestations. Dans ce contexte, le gouvernement a commandé un rapport indépendant, qui a proposé une série de mesures visant à améliorer la sécurité des journalistes ainsi que leur communication avec les forces de police lors des protestations et manifestations. En outre, le Conseil d’État a jugé illégales quatre dispositions du schéma du maintien de l’ordre, qui limitaient les activités des journalistes lors des protestations et manifestations. Des évolutions préoccupantes ont été observées en ce qui concerne la confidentialité des sources des journalistes, les menaces de violences physiques ou le harcèlement en ligne, en particulier à l’encontre des femmes journalistes. La Plateforme du Conseil de l’Europe pour renforcer la protection du journalisme et la sécurité des journalistes a enregistré quinze alertes pour la France depuis octobre 2020, dont la plupart concernaient des agressions physiques, du harcèlement et des actes d’intimidation ciblant des journalistes. Le MPM 2021 souligne que le recours fréquent à l’état d’urgence et à une définition très large de la désinformation pourrait également avoir une incidence négative sur la situation des journalistes.
Le Conseil constitutionnel a invalidé des dispositions controversées qui auraient pu entraver les activités des journalistes. À la suite de l’accueil critique réservé par la communauté journalistique au projet de loi sur la sécurité globale, le gouvernement a proposé d’apporter des modifications importantes au projet de disposition érigeant en infraction la diffusion d’images montrant le visage ou tout autre élément d’identification d’un agent de la police nationale ou de la gendarmerie nationale agissant dans le cadre d’une opération de police. Le texte législatif, adopté en avril 2021, prévoyait une nouvelle infraction, consistant en la diffusion malveillante d’images des membres des forces de l’ordre en intervention dans l’intention manifeste de porter atteinte à leur intégrité physique ou psychique (article 52, paragraphe 1). Le Conseil constitutionnel a déclaré cet article incompatible avec la Constitution française, en raison du manque de sécurité juridique résultant de la formulation imprécise de cette disposition. La décision du Conseil constitutionnel a été accueillie favorablement par les médias. Les représentants du gouvernement se sont déclarés disposés à proposer une version révisée de l’article.
IV.Autres questions institutionnelles liées au système d’équilibre des pouvoirs
La France dispose d’un système de gouvernance semi-présidentiel, le président étant directement élu par le peuple et le premier ministre étant tenu de rendre compte devant le Parlement. Le parlement bicaméral se compose de l’Assemblée nationale et du Sénat. Les propositions législatives peuvent émaner du gouvernement ou de membres des deux chambres parlementaires. Le Conseil constitutionnel contrôle la constitutionnalité des actes législatifs, avant ou après leur adoption. Des autorités indépendantes jouent un rôle important dans le système d’équilibre des pouvoirs.
Les études d’impact et les consultations des parties prenantes sont courantes dans le cadre du processus législatif, mais elles ne sont pas obligatoires dans tous les cas. Le nombre d’études d’impact publiées accompagnant des projets de loi émanant du gouvernement est passé d’une moyenne annuelle de 9 à 25 sur 61 projets de loi en 2020. La participation des parties prenantes et du public n’est pas obligatoire pour l’élaboration des nouvelles lois; selon le Conseil d’État, les consultations informelles, y compris les réunions avec des parties prenantes, et les consultations par l’intermédiaire de comités consultatifs sont fréquentes. Après neuf mois de délibérations, la convention citoyenne pour le climat a soumis ses propositions au gouvernement, qui a publié son projet de loi sur le climat le 10 février 2021. En outre, à la suite d’une proposition de cette convention, le président s’est engagé à organiser un référendum pour inscrire la défense du climat dans la Constitution.
Le recours aux procédures accélérées, conçues pour des cas exceptionnels, a nettement augmenté. Lors de la dernière session parlementaire (2019-2020), 37 lois sur 58 ont été adoptées selon la procédure accélérée. Depuis le début de la législature à l’Assemblée nationale, 57 % des lois ont été examinées selon cette procédure. Ainsi, la procédure accélérée, conçue à l’origine comme une exception, devient la norme, même pour des lois ayant une incidence significative sur les libertés individuelles, qui nécessiteraient à ce titre un débat parlementaire approfondi.
Le régime d’urgence instauré dans le contexte de la pandémie de COVID-19 a été prolongé à plusieurs reprises et a été levé le 1er juin 2021. Instauré pour une période de deux mois par la loi du 23 mars 2020, l’état d’urgence sanitaire a été prolongé jusqu’au 10 juillet 2020. Ensuite, la loi du 9 juillet 2020 a instauré à partir du 11 juillet un régime transitoire autorisant le gouvernement à prendre des mesures exceptionnelles pour faire face à l’épidémie jusqu’au 31 octobre 2020. L’état d’urgence sanitaire national a de nouveau été déclaré par décret du 17 octobre 2020 et sa prorogation a été autorisée à deux reprises par des lois, d’abord jusqu’au 16 février 2021, puis jusqu’au 1er juin 2021. Cela a permis au gouvernement d’adopter une série de mesures par voie de décret afin de lutter contre la pandémie. Le 27 mai 2021, le Parlement a adopté la loi relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire, qui instaure un régime transitoire applicable après la levée de l’état d’urgence sanitaire, du 2 juin au 30 septembre 2021. Le Conseil constitutionnel a déclaré constitutionnelles plusieurs dispositions de cette loi qui étaient contestées par un groupe de députés.
Les plus hautes juridictions ont été appelées à examiner des mesures entravant les droits fondamentaux. Le Conseil constitutionnel a examiné la validité de la loi autorisant la prolongation de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 16 février 2021 et établissant des mesures pour faire face à la crise sanitaire et a annulé la prolongation de plein droit de la durée des détentions provisoires. De mars 2020 à mars 2021, le Conseil d’État a statué en urgence sur 647 requêtes contestant la gestion de la pandémie par le gouvernement et a ordonné des mesures ou suspendu des actes des autorités publiques dans 51 cas. En particulier, le Conseil d’État a suspendu l’utilisation obligatoire de la visioconférence lors des audiences dans les procédures pénales, a réglementé l’usage de drones par la police pour surveiller les manifestations et a jugé que les clients devaient pouvoir consulter leur avocat même après le couvre-feu. Dans 51 cas dans lesquels la requête avait été formellement rejetée, les échanges au cours des audiences ont néanmoins amené le gouvernement à prendre des mesures correctives et le Conseil d’État a rappelé à l’État ses devoirs ou précisé ses obligations dans environ 130 cas. Le Conseil d’État a rendu d’autres décisions importantes en matière de droits fondamentaux, dont un arrêt sur la conservation des données qui suscite des inquiétudes pour ce qui est de son interaction avec l’ordre juridique de l’Union européenne. Dans ce dernier arrêt, en se référant au caractère contraignant des arrêts de la Cour de justice, le Conseil d’État a néanmoins rejeté la demande du gouvernement d’examiner si un arrêt de la Cour de justice pouvait être contraire au principe d’attribution et à la répartition des compétences entre l’Union et ses États membres.
Des autorités indépendantes ont joué un rôle actif dans la défense des droits fondamentaux tout au long de la pandémie de COVID-19. En 2020, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) a publié 18 avis dans le cadre de son mandat de contrôle du respect des normes en matière de droits fondamentaux par les autorités, en agissant parfois de sa propre initiative pour des projets de loi pour lesquels elle n’avait pas été consultée par le gouvernement et en formulant des recommandations spécifiques afin de garantir le respect des principes constitutionnels et des libertés individuelles. Cette approche consistant à plaider en faveur de modifications de la législation est conforme à la recommandation du Sous-comité d’accréditation (SCA) de la GANHRI, qui a encouragé la CNCDH à continuer à élargir ses activités dans le cadre de son mandat de protection. Le Défenseur des droits a lui aussi maintenu la continuité de ses activités. En 2020, il a traité au total 96 894 plaintes et 69 705 appels, soit une augmentation de 10 % par rapport à l’année précédente, et a formulé 234 recommandations. Toutefois, afin de renforcer les droits des personnes qui le saisissent, le Défenseur des droits a reconnu qu’il était nécessaire d’améliorer le suivi de ses recommandations par les autorités nationales, en signalant que seulement 56 % d’entre elles avaient reçu une réponse en 2019 et que 31 % de ses réponses étaient des refus. Le Défenseur des droits a également rendu deux avis sur le régime juridique de l’état d’urgence sanitaire afin de garantir que les mesures législatives et réglementaires prises pour lutter contre la pandémie respectent les droits et libertés des personnes et garantissent l’égalité de traitement.
De récentes lois suscitent des préoccupations en ce qui concerne leurs effets potentiels sur le paysage de la société civile. La France est toujours considérée comme un pays dans lequel l’espace dévolu à la société civile est rétréci, et les restrictions imposées aux rassemblements publics pendant la pandémie, en particulier leur mise en œuvre par les autorités locales, ont suscité des inquiétudes supplémentaires à cet égard. La nouvelle loi sur la sécurité globale, adoptée par le Parlement le 15 avril 2021, a fait l’objet de nombreuses critiques de la part de diverses parties prenantes
et autorités indépendantes en raison de son incidence potentielle sur les libertés d’expression et d’information et sur le droit de manifester. Cette loi prévoit la possibilité, pour les patrouilles de police, de porter des caméras et d’utiliser des drones pour transmettre en direct des images de manifestants et d’autres personnes présentes vers les centres de commandement et a créé une nouvelle infraction, consistant en la diffusion malveillante d’images des membres des forces de l’ordre en intervention dans l’intention manifeste de porter atteinte à leur intégrité physique ou psychique. Cette nouvelle infraction a été vivement critiquée pour ses conséquences pour le droit à l’information, compte tenu de l’importance des témoignages de personnes autres que les journalistes professionnels. Pour répondre à ces préoccupations, le premier ministre a décidé de soumettre la loi dans son intégralité au Conseil constitutionnel. Ce dernier a déclaré inconstitutionnelles plusieurs dispositions, dont l’article créant la nouvelle infraction susmentionnée, et a formulé des réserves à l’égard d’autres dispositions. Un projet de loi «confortant le respect des principes de la République», soumis au Parlement le 9 décembre 2020, a également été critiqué pour les restrictions qu’il pourrait imposer à la liberté d’association et d’expression. En particulier, les dispositions instaurant un contrôle sur le financement étranger des associations religieuses au-delà d’un certain seuil, l’extension des motifs de dissolution des associations, y compris pour des actes commis par leurs membres, ainsi que l’obligation, pour les associations sollicitant des subventions, de signer un «contrat d’engagement républicain» vaguement défini suscitent des préoccupations tant au niveau national qu’au niveau européen.
Annexe I: liste des sources par ordre alphabétique*
* La liste des contributions reçues dans le cadre de la consultation préalable à l’élaboration du rapport 2021 sur l’état de droit peut être consultée à l’adresse
https://ec.europa.eu/info/policies/justice-and-fundamental-rights/upholding-rule-law/rule-law/rule-law-mechanism/2021-rule-law-report-targeted-stakeholder-consultation
.
Agence française anticorruption (2020), Rapport annuel d’activité 2020 (
https://www.agence-francaise-anticorruption.gouv.fr/files/files/RA_AFA_2020_V2_WEB.pdf
).
Agence française anticorruption (2020), Plan pluriannuel de lutte contre la corruption 2020-2022 (
https://www.agence-francaise-anticorruption.gouv.fr/files/files/Plan%20national%20pluriannuel%202020-2022.pdf
).
Agence française anticorruption (2020), Guide – Maîtriser le risque de corruption dans le cycle de l’achat public (
https://www.agence-francaise-anticorruption.gouv.fr/files/files/Guide_maitrise_risque_corruption-Hyperlien.pdf
).
Agence française anticorruption (2020), Recommandations sur la mise en place de dispositifs d’alerte (
https://www.agence-francaise-anticorruption.gouv.fr/files/files/Recommandations%20AFA.pdf
).
Agence française anticorruption (2020), Diagnostic national sur les dispositifs anticorruption dans les entreprises (
https://www.agence-francaise-anticorruption.gouv.fr/files/files/Diagnostic%20national%20sur%20les%20dispositifs%20anticorruption%20dans%20les%20entreprises.pdf
).
Agence française anticorruption (2020), Guide pratique – La politique cadeaux et invitations dans les entreprises (
https://www.agence-francaise-anticorruption.gouv.fr/files/files/Guide%20pratique%20politique%20cadeaux%20et%20invitations.pdf
).
Agence française anticorruption (2021), Recommandations, Journal officiel du 12 janvier 2021 (
https://www.agence-francaise-anticorruption.gouv.fr/files/files/Recommandations%20AFA.pdf
).
Agence française anticorruption, directeur (2020), Audition devant des représentants de l’Assemblée nationale tenue en avril 2021 (
vidéo disponible à l’adresse http://videos.assemblee-nationale.fr/video.10597957_60656dae755b9.lutte-contre-la-corruption--m-charles-duchaine-directeur-de-l-agence-francaise-anticorruption-1-avril-2021
).
Assemblée citoyenne des originaires de Turquie et autres (2021), Lettre ouverte commune à l’intention des sénatrices et sénateurs du 7 avril 2021 (
https://www.ldh-france.org/wp-content/uploads/2021/04/Lettre-aux-senatrices-et-senateurs-avec-les-derniers-signataires.pdf
).
Centre pour le pluralisme et la liberté des médias (2021), Media pluralism monitor 2021.
Conseil supérieur de l’audiovisuel (2021), Avis du 22 mars 2021 sur le projet de loi organique relatif à la protection de l’accès du public aux œuvres culturelles à l’ère numérique et le projet de loi relatif à la protection de l’accès de l’accès du public aux œuvres culturelles (
https://www.csa.fr/Reguler/Espace-juridique/Les-textes-reglementaires-du-CSA/Avis-du-CSA-au-gouvernement/Avis-du-22-mars-2021-sur-le-projet-de-loi-organique-relatif-a-la-protection-de-l-acces-du-public-aux-oeuvres-culturelles-a-l-ere-numerique-et-le-projet-de-loi-relatif-a-la-protection-de-l-acces-de-l-acces-du-public-aux-oeuvres-culturelles
).
Conseil de l’Europe: Comité des Ministres (2010), Recommandation CM/Rec(2010)12 du Comité des Ministres aux États membres sur les juges: indépendance, efficacité et responsabilités.
Conseil de l’Europe, Conseil d’experts sur le droit en matière d’ONG de la Conférence des OING (2021), Avis du 31 mars 2021 sur la compatibilité avec les standards européens du projet de loi confortant le respect, par tous, des principes de la République (
https://rm.coe.int/avis-sur-le-projet-de-loi-confortant-le-respect-des-principes-de-la-re/1680a1f44b
).
Conseil de l’Europe, site internet (
https://www.coe.int/fr/web/media-freedom/france
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Conseil de l’Europe, Plateforme pour renforcer la protection du journalisme et la sécurité des journalistes (2020), alerte du 16 décembre 2020, Deux travailleurs des médias blessés dans une attaque au couteau (https://www.coe.int/fr/web/media-freedom/detail-alert?p_p_id=sojdashboard_WAR_coesojportlet&p_p_lifecycle=0&p_p_col_id=column-3&p_p_col_count=7&_sojdashboard_WAR_coesojportlet_alertPK=78942550).
Défenseur des droits (2021), Rapport annuel d’activité 2020 (
https://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/atoms/files/ddd_rapport-annuel-2020_25-03-2021.pdf
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Défenseur des droits (2020), Avis nº 20-03 du 27 avril 2020 sur la mise en œuvre de l’état d’urgence sanitaire pour faire face à la pandémie du Covid-19, ainsi que des ordonnances et décrets pris pour son application (
https://juridique.defenseurdesdroits.fr/doc_num.php?explnum_id=19735
).
Défenseur des droits (2020), Avis nº 20-06 du 17 novembre 2020 relatif au texte adopté par la commission des lois, sur la proposition de loi relative à la sécurité globale (
https://juridique.defenseurdesdroits.fr/index.php?lvl=notice_display&id=35092&opac_view=-1
).
Défenseur des droits (2020), Avis nº 20-10 du 3 décembre 2020 sur le régime juridique de l’état d’urgence sanitaire (
https://juridique.defenseurdesdroits.fr/doc_num.php?explnum_id=20282
).
Défenseur des droits (2020), Avis nº 20-12 du 16 décembre 2020 sur la transposition de la directive (UE) 2019/1937 du Parlement et du Conseil du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union (https://juridique.defenseurdesdroits.fr/doc_num.php?explnum_id=20315).
Défenseur des droits (2021), Avis nº 21-01 du 12 janvier 2021 sur le projet de loi confortant le respect des principes de la République (
https://juridique.defenseurdesdroits.fr/doc_num.php?explnum_id=20384
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Délégation des barreaux (2021), Contribution de la Délégation des barreaux de France au rapport 2021 sur l’état de droit.
Direction générale de la communication (2019), Eurobaromètre Flash 482: Sur les entreprises et la corruption dans l’UE.
Direction générale de la communication (2020), Eurobaromètre spécial 502: Corruption.
Forum civique européen (2021), Contribution du Forum civique européen au rapport 2021 sur l’état de droit.
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Commission européenne (2018), Étude sur la mise en œuvre des nouvelles dispositions de la directive révisée sur les services de médias audiovisuels (
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Conseil constitutionnel, décision nº 2020-878/879 QPC du 29 janvier 2021.
Conseil constitutionnel, décision nº 2021-817 DC du 20 mai 2021.
Conseil constitutionnel, décision nº 2021-819 DC du 31 mai 2021.
Conseil d’État (2021), Contribution du Conseil d’État au rapport 2021 sur l’état de droit.
Conseil d’État, ordonnance du 27 novembre 2020.
Conseil d’État, décision du 22 décembre 2020.
Conseil d’État, décision du 3 mars 2021.
Conseil d’État, décision du 5 mars 2021.
Conseil d’État, décision du 21 avril 2021.
Conseil d’État, ordonnance du 18 mai 2020.
Conseil d’État, décision du 10 juin 2021.
Conseil d’État, décision du 13 juin 2020
Conseil d’État, décision du 6 juillet 2020.
Gouvernement français (2021), Contribution de la France au rapport 2021 sur l’état de droit.
Gouvernement français (2021), Rapport du 2 avril 2021 de la Commission indépendante sur les relations entre la presse et les forces de l’ordre (
https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/document/document/2021/05/rapport_commission_independante_sur_les_relations_entre_le_presse_et_les_forces_de_lordre.pdf
).
Conseil de déontologie journalistique et de médiation, site internet (
https://cdjm.org/decisions/).
Ministère français de la culture (2020), Communiqué de presse du 27 août 2020 (
https://www.culture.gouv.fr/Presse/Communiques-de-presse/Annonce-du-plan-de-soutien-a-la-filiere-presse
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Ministère français de la culture (2021), Communiqué de presse du 8 avril 2021 (
https://www.culture.gouv.fr/Presse/Communiques-de-presse/Presentation-en-conseil-des-ministres-du-projet-de-loi-relatif-a-la-regulation-et-a-la-protection-de-l-acces-aux-aeuvres-culturelles-a-l-ere-numerique
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Ministère français de la culture, site internet (
https://www.culture.gouv.fr/Sites-thematiques/Presse/Aides-a-la-Presse/L-aide-a-la-modernisation-des-diffuseurs
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Assemblée nationale française, Bureau de l’Assemblée, Comptes rendus des réunions (
https://www2.assemblee-nationale.fr/15/le-bureau-de-l-assemblee-nationale
).
Parlement français, commission d’enquête (2020), Rapport sur les obstacles à l’indépendance du pouvoir judiciaire (
https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cejustice/l15b3296_rapport-enquete
).
Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’homme des Nations unies (GANHRI), Sous-comité d’accréditation (SCA) (2019), Rapport de mars 2019.
GRECO (2020), Cinquième cycle d’évaluation – Rapport d’évaluation concernant la France.
Haute autorité pour la transparence de la vie publique, Avis rendus à la demande de responsables déontologues (
https://www.hatvp.fr/consulter-les-deliberations-et-avis
/).
Le Monde (2021), Loi «sécurité globale»: le Conseil constitutionnel censure l’ex-article 24) (
https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/05/20/le-conseil-constitutionnel-censure-l-ex-article-24-de-la-proposition-de-loi-securite-globale_6080897_3224.html
).
Observatoire des libertés et du numérique (2020), Communication du 12 novembre 2020.
Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) (2020), Avis du 26 novembre 2020 sur la proposition de loi relative à la sécurité globale.
Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) (2021), Premier avis, du 28 janvier 2021, sur le projet de loi confortant le respect des principes de la République pour la procédure accélérée (
https://www.cncdh.fr/sites/default/files/a_-_2021_-_1_-_pjl_principes_de_la_republique_janv_2021.pdf
).
Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) (2021), Second avis, du 25 mars 2021, sur le projet de loi confortant le respect des principes de la République (
https://www.cncdh.fr/sites/default/files/a_-_2021_-_4_-_2nd_avis_sur_le_pjl_principes_de_la_republique_mars_2021.pdf
).
Reporters sans frontières, site internet (
https://rsf.org/en/france
).
The Local (2021), France’s constitutional court rejects proposed law limiting filming of police officers (
https://www.thelocal.fr/20210520/frances-constitutional-court-rejects-proposed-law-limiting-filming-of-police-officers/
).
Transparency International (2021), Indice 2020 de perception de la corruption.
Union syndicale des magistrats (2020), Syndicat de la magistrature, Lettre ouverte du 21 décembre 2020.
Annexe II: visite en France
Les services de la Commission ont tenu des réunions virtuelles en avril 2021 avec:
·l’Agence française anticorruption
·l’Agence France-Presse
·la Commission nationale consultative des droits de l’homme
·le Conseil d’État
·le Conseil de déontologie journalistique et de médiation
·le Conseil national des barreaux
·le Conseil supérieur de l’audiovisuel
·le Conseil supérieur de la magistrature
·le Défenseur des droits
·la Délégation des barreaux de France
·le Déontologue de l’Assemblée nationale
·la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique
·le ministère de la justice
·l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales
·le Parquet national financier
·Reporters sans frontières
·le Syndicat de la magistrature
·le Syndicat national des journalistes
·l’Union syndicale des magistrats
* La Commission a également rencontré les organisations suivantes dans le cadre d’un certain nombre de réunions horizontales:
·Amnesty International
·Center for Reproductive Rights
·Centre européen pour la liberté de la presse et des médias
·CIVICUS
·Civil Liberties Union for Europe
·Civil Society Europe
·Commission internationale de juristes
·Conférence des Églises européennes
·EuroCommerce
·European Center for Not-for-Profit Law
·European Partnership for Democracy
·Fédération européenne des journalistes
·Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme
·Forum civique européen
·Forum européen de la jeunesse
·Front Line Defenders
·Human Rights House Foundation
·Human Rights Watch
·ILGA-Europe
·International Planned Parenthood Federation European Network (IPPF EN)
·International Press Institute
·Netherlands Helsinki Committee
·Open Society European Policy Institute
·Philanthropy Advocacy
·Protection International
·Reporters sans frontières
·Transparency International EU