COMMISSION EUROPÉENNE
Bruxelles, le 28.6.2021
COM(2021) 323 final
COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU CONSEIL, AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN ET AU COMITÉ DES RÉGIONS EMPTY
Cadre stratégique de l’Union européenne en matière de santé et de sécurité au travail pour la période 2021-2027
Santé et sécurité au travail dans un monde du travail en mutation
{SWD(2021) 148 final} - {SWD(2021) 149 final}
COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU CONSEIL, AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN ET AU COMITÉ DES RÉGIONS
Cadre stratégique de l’Union européenne en matière de santé et de sécurité au travail pour la période 2021-2027
Santé et sécurité au travail dans un monde du travail en mutation
1.La santé et la sécurité au travail dans l’Union européenne
1.1.De l’intérêt de la santé et de la sécurité au travail
La législation de l’Union européenne (UE) en matière de santé et de sécurité au travail (SST) est essentielle pour protéger la santé et la sécurité de près de 170 millions de travailleurs dans l’UE. La protection des personnes contre les dangers pour la santé et la sécurité sur leur lieu de travail est un élément essentiel pour garantir dans la durée des conditions de travail décentes à tous les travailleurs. La législation a permis de réduire les risques pour la santé au travail et d’améliorer les normes en matière de SST dans l’ensemble de l’Union, tous secteurs confondus. Pourtant, des défis subsistent et la pandémie de COVID-19 a exacerbé les risques, qu’il convient de maîtriser.
La protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, consacrée par les traités et par la charte des droits fondamentaux, est l’un des éléments clés d’une économie européenne au service des citoyens. Le droit à un environnement de travail sain et sûr est inscrit dans le principe 10 du socle européen des droits sociaux et est fondamental pour atteindre les objectifs de développement durable des Nations unies. Il s’agit également d’une composante de base de l’Union européenne de la santé, qui est en cours de construction.
Le nouveau cadre SST, qui portera sur la période 2021-2027 et a été annoncé dans le plan d’action sur le socle européen des droits sociaux, définit les principales priorités et actions nécessaires pour améliorer la santé et la sécurité des travailleurs au cours des prochaines années, dans le contexte de l’après-pandémie, marqué par les transitions écologique et numérique, des défis économiques et démographiques et l’évolution de la notion d’environnement de travail traditionnel.
Des conditions de travail saines et sûres constituent une condition préalable à la bonne santé et à la productivité de la main-d’œuvre. Personne ne devrait souffrir de maladies ou d’accidents liés au travail. Il s’agit également d’un aspect important pour la viabilité et la compétitivité de l’économie de l’Union.
Ces trente dernières années, des progrès significatifs ont été accomplis dans le domaine de la SST: les accidents du travail mortels dans l’UE ont diminué d’environ 70 % entre 1994 et 2018 (graphique 1). Si des facteurs tels que la désindustrialisation et l’amélioration des soins médicaux ont indubitablement contribué à cette diminution, le système de SST de l’UE a lui aussi joué un rôle important. Malgré ces progrès, plus de 3 300 accidents mortels et 3,1 millions d’accidents non mortels ont encore eu lieu dans l’EU-27 en 2018, et plus de 200 000 travailleurs meurent chaque année de maladies professionnelles. Cette situation cause d’immenses souffrances humaines. Le maintien et l’amélioration des normes de protection des travailleurs constituent donc un défi permanent et une nécessité constante.
Graphique 2: Coût pour la société des blessures et maladies professionnels, 2019 (en milliards d’euros)
Source: «Comparaison internationale du coût des accidents et des maladies professionnels» (EU-OSHA, 2017), estimation basée sur les données d’Eurostat et de la Banque mondiale.
Outre la santé et le bien-être, il existe de solides arguments économiques en faveur d’un niveau élevé de protection des travailleurs. Chaque année, les accidents et maladies liés au travail coûtent à l’économie de l’Union plus de 3,3 % du PIB (environ 460 000 000 000 EUR en 2019) (graphique 2). Si le coût pour le bien-être derrière ces chiffres n’est pas quantifiable, les bonnes pratiques en matière de SST contribuent à rendre les entreprises plus productives, plus compétitives et plus viables. On estime que pour chaque euro investi dans la SST, le gain pour l’employeur est environ deux fois plus élevé. Une solide structure créant des conditions favorables à la SST et répondant aux besoins spécifiques des PME — qui constituent l’épine dorsale de l’économie de l’UE — contribuera de manière décisive à l’avènement d’une économie durable et au succès de la SST dans l’ensemble de l’UE. La qualité de la SST restreint également les coûts des soins de santé et d’autres charges pour la société, alors qu’un faible niveau de SST aura un coût élevé pour les particuliers, les entreprises et la société.
La pandémie de COVID-19 a montré à quel point la SST est essentielle pour protéger la santé des travailleurs, pour le fonctionnement de notre société et pour la continuité des activités économiques et sociales essentielles. Par conséquent, la voie vers la reprise et la réactivation de la productivité doit également inclure l’engagement renouvelé de maintenir la santé et la sécurité au travail au premier plan des préoccupations et d’améliorer les synergies entre la SST et les politiques de santé publique.
1.2.Le système de l’UE à l’œuvre
Deux facteurs permettent d’expliquer les bons résultats de l’approche de l’Union européenne en matière de SST. Premièrement, l’UE et les États membres ont mis au point un système réglementaire avancé pour définir les mesures de prévention et de protection contre les risques professionnels. Deuxièmement, l’UE s’appuie sur une approche tripartite, selon laquelle les travailleurs, les employeurs et les gouvernements sont étroitement associés à l’élaboration et à la mise en œuvre de ces mesures de SST, tant au niveau de l’UE qu’au niveau national. Enfin, le soutien permanent apporté en particulier aux microentreprises et aux PME contribue à la bonne application des règles en matière de SST.
Le cadre législatif de l’UE en matière de SST consiste en une directive-cadre et en 24 directives spécifiques élaborées au fil du temps. La directive-cadre européenne de 1989 sur la santé et la sécurité au travail est à la base des principes communs et des normes minimales dans l’ensemble de l’UE. Elle met l’accent sur une culture de prévention des risques et définit les obligations des employeurs en ce qui concerne: i) l’évaluation des risques, ii) les mesures préventives, iii) l’information des travailleurs sur la SST, iv) la formation, v) la consultation, et vi) une participation équilibrée. Ces obligations s’appliquent à tous les secteurs et professions, ainsi qu’aux employeurs tant publics que privés. Les directives spécifiques traitent de risques, groupes et lieux de travail particuliers.
La législation de l’UE en matière de SST est élaborée en étroite coopération avec le Comité consultatif pour la sécurité et la santé sur le lieu du travail (CCSS), un organe tripartite composé de représentants des gouvernements nationaux, de syndicats et d’organisations patronales. L’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (EU-OSHA) met à disposition des lignes directrices et des outils qui, associés à des outils nationaux similaires s’appuyant sur l’internet, i) fournissent des informations sectorielles ciblant principalement les petites et moyennes entreprises (PME), étant donné que celles-ci emploient la majorité des travailleurs dans l’UE et sont souvent confrontées à des obstacles plus importants pour garantir la santé et la sécurité au travail, et ii) guident les employeurs à travers toutes les étapes du processus d’évaluation des risques. Le Comité des hauts responsables de l’inspection du travail (CHRIT) émet des avis sur l’application de la législation de l’UE en matière de SST et facilite le partage des connaissances sur les pratiques d’inspection du travail.
1.3.Exploiter les cadres stratégiques précédents et s’appuyer sur une large consultation
Depuis près de 20 ans, les cadres stratégiques de l’UE en matière de SST orientent la manière dont les autorités nationales et les partenaires sociaux décident des objectifs de SST. Ces objectifs consistent notamment à i) améliorer l’alignement sur les priorités communes, ii) faciliter la coopération, iii) stimuler les investissements dans la SST et iv) promouvoir des mesures concrètes sur le lieu de travail.
Les principales priorités du cadre stratégique pour la période 2014-2020, telles que la prévention des maladies professionnelles, la prise en compte de l’évolution démographique et la mise en œuvre de la législation, ont été reprises dans les cadres nationaux. Parmi les principales réalisations d’échelon européen au titre du cadre stratégique précédent, on notera: i) trois actualisations de la directive sur les agents cancérigènes et mutagènes et une proposition de quatrième mise à jour; ii) la modernisation de quatre directives, y compris dans les domaines des valeurs limites d’exposition et des agents biologiques; iii) un grand nombre de lignes directrices et d’outils en ligne de l’EU-OSHA à l’intention des employeurs, qui en ont fait largement usage, y compris en ce qui concerne la COVID-19; et iv) des guides et outils d’inspection élaborés par le CHRIT.
Le présent cadre stratégique fait le point et s’appuie sur les résultats obtenus au titre du cadre stratégique de l’UE en matière de santé et de sécurité au travail pour la période 2014-2020. Le bilan tiré du précédent cadre stratégique a permis d’épingler certaines difficultés liées à la mise en œuvre à relativement court terme du cadre stratégique en raison des éléments suivants: i) les contraintes des États membres en matière de ressources; ii) la nécessité de mettre davantage l’accent sur les maladies professionnelles, l’évolution démographique, les risques psychosociaux et les troubles musculo-squelettiques; et iii) la nécessité d’aider tant les inspections du travail que les entreprises à améliorer leurs normes en matière de SST.
Le présent cadre stratégique s’appuie également sur la contribution d’un large éventail de parties concernées, reflétant l’engagement de tous les acteurs dans sa mise en œuvre. Le travail préparatoire a été réalisé par l’EU-OSHA sous la forme d’un rapport sur les stratégies nationales en matière de SST, d’un rapport d’évaluation spécifique et d’outils d’enquête avancés. Autres contributions essentielles au cadre: i) plusieurs conclusions du Conseil; ii) les rapports, recommandations, auditions et autres échanges avec le Parlement européen; iii) les échanges avec les partenaires sociaux et des experts indépendants; iv) les réponses tirées d’une consultation publique ouverte; et v) l’avis du CCSS.
Le cadre actuel s’appuie également sur les informations tirées de l’évaluation de la mise en œuvre pratique de la directive-cadre 89/391/CEE sur la sécurité et la santé des travailleurs au travail et de 23 directives européennes connexes, pour la période 2013‑2017.
Le document de travail des services de la Commission et le rapport de synthèse accompagnant la présente communication résument ces informations et résultats.
2.Une vision actualisée de la SST – Trois objectifs clés
Les priorités du précédent cadre restent d’actualité. Toutefois, de nouvelles mesures en matière de SST sont nécessaires dans l’UE pour adapter les lieux de travail aux changements de plus en plus rapides que connaissent l’économie, la démographie, les modes de travail et la société dans son ensemble. Pour une partie des travailleurs de l’UE, la notion de lieu de travail devient plus floue, mais aussi plus complexe, à mesure que de nouvelles formes organisationnelles, de nouveaux modèles d’entreprise et de nouvelles industries apparaissent. La pandémie de COVID-19 a accentué ces complexités et a lié plus que jamais les politiques de SST et de santé publique.
Le cadre stratégique se concentre par conséquent sur trois grands objectifs transversaux pour les années à venir:
·anticiper et gérer les changements dans le nouveau monde du travail, résultant des transitions écologique, numérique et démographique;
·améliorer la prévention des accidents et des maladies professionnels;
·améliorer la préparation à d’éventuelles crises sanitaires futures.
Pour atteindre ces objectifs, des mesures doivent être prises au niveau de l’UE et des États membres, comme au niveau sectoriel et à celui des entreprises.
La réalisation de ces trois objectifs passera par: i) le dialogue social; ii) le développement de la base de données probantes; iii) le renforcement de la mise en application de la législation; iv) la sensibilisation; et v) le financement.
2.1. Anticiper et gérer le changement
La nature même de nombreuses tâches ainsi que de maints modèles et lieux de travail est en train de changer. Des emplois qui n’existaient pas il y a dix ans ont vu le jour, nés des transitions écologique et numérique. Ensemble, le pacte vert pour l’Europe
, la stratégie numérique de l’UE et la nouvelle stratégie industrielle pour l’Europe
i) généreront des investissements importants, ii) contribueront à la croissance, à l’innovation et à la création d’emplois, et iii) offriront de la flexibilité et des possibilités aux travailleurs, aux entreprises et aux indépendants. Le budget de l’Union fixé à 1 800 000 000 000 EUR pour la période 2021-2027, en ce compris NextGenerationEU, soutiendra ces initiatives et contribuera à une reprise durable. Dans le même temps, l’évolution démographique, qui prend la forme d’une main-d’œuvre vieillissante en Europe, nécessite une réflexion et des adaptations continues. La santé et la sécurité au travail jouent un rôle essentiel à cet égard, car, à mesure que les travailleurs vieillissent, il faut adapter leur environnement de travail et leurs tâches à leurs besoins spécifiques et réduire les risques au minimum. Le livre vert sur le vieillissement a donc lancé un débat portant notamment sur les conditions de participation des travailleurs âgés au marché du travail.
Les progrès technologiques peuvent offrir de nouvelles possibilités aux travailleurs à tous les stades de leur vie et de leur carrière. Les technologies numériques ont la capacité de fournir aux travailleurs, y compris aux travailleurs handicapés ou âgés, et à leurs employeurs des solutions numériques pour favoriser leur santé et leur bien-être. Ces avancées technologiques peuvent offrir de nouvelles possibilités d’améliorer l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, tant pour les femmes que pour les hommes, et soutenir la mise en œuvre de la SST par des outils accessibles, des mesures de sensibilisation et des inspections plus efficaces. La robotisation, l’utilisation de l’intelligence artificielle et la prévalence accrue du travail à distance réduisent les risques associés aux tâches dangereuses, comme celles se déroulant dans des zones fortement contaminées, tels les systèmes d’eaux usées, les décharges ou les zones de fumigation agricole. Toutefois, les nouvelles technologies posent également certaines difficultés en raison des deux facteurs suivants: i) l’irrégularité accrue du moment et du lieu d’exécution du travail et ii) les risques liés aux nouveaux outils et machines. Le changement climatique peut également avoir une incidence sur la santé et la sécurité des travailleurs, notamment en augmentant la température ambiante, la pollution atmosphérique et les phénomènes météorologiques extrêmes.
·Moderniser et simplifier les règles de l’UE en matière de SST dans le contexte des transitions écologique et numérique
La législation de l’UE en matière de SST couvre déjà un grand nombre des risques découlant de l’évolution des industries, des équipements et des lieux de travail. Quatre directives SST ont été modernisées ces dernières années, couvrant les équipements de protection individuelle, l’assistance médicale à bord des navires, les agents biologiques au travail et l’exposition aux agents chimiques. La Commission a également proposé de réviser la directive «Machines», qui traite des risques découlant de la numérisation et de l’utilisation de machines — risques également pertinents pour la santé et la sécurité des travailleurs. Elle propose par ailleurs le premier cadre juridique en matière d’intelligence artificielle (IA), qui aborde les risques associés à certains systèmes d’IA utilisés pour l’emploi, la gestion des travailleurs et l’accès au travail indépendant. Néanmoins, les importantes évolutions technologiques, notamment en ce qui concerne les équipements à écran de visualisation et les lieux de travail, ainsi que les besoins et les capacités en évolution d’une main-d’œuvre vieillissante appellent de nouvelles mises à jour pertinentes de la législation. L’approche «Industrie 5.0»
propose une vision de la manière dont l’industrie européenne pourrait mener les transitions écologique et numérique en conciliant les droits et les besoins des travailleurs avec le progrès technologique et les limites de la planète.
L’évolution des formes de travail, découlant notamment de la numérisation, avec une forte augmentation de la population travaillant à distance, appellera également des solutions nouvelles et actualisées en matière de SST. Le déploiement rapide des technologies sans fil, mobiles et autres technologies avancées — de même que l’utilisation accrue de ces dispositifs à des fins professionnelles — nécessite une analyse plus approfondie de l’exposition des travailleurs aux rayonnements optiques et aux champs électromagnétiques ainsi que des éventuels effets néfastes sur la santé dans le cas d’appareils plus puissants.
La Commission suit l’évolution générale des nouvelles formes de travail et des nouveaux modèles d’entreprise, en particulier ceux liés à l’économie à la demande fondée sur l’internet. Elle a lancé une deuxième phase de consultation des partenaires sociaux et, à moins que ces derniers ne souhaitent négocier entre eux, elle présentera fin 2021 une initiative visant à améliorer les conditions de travail des personnes œuvrant via des plateformes numériques. L’un des principaux objectifs de cette initiative est de garantir des conditions de travail adéquates, y compris du point de vue de la santé et de la sécurité, à toutes les personnes travaillant par l’intermédiaire de plateformes. Cela permettra notamment de clarifier la situation en ce qui concerne l’acquis en matière de SST qui s’applique aux personnes reconnues comme travailleurs salariés mais pas à celles qualifiées de travailleurs indépendants.
Étant donné que la mise en œuvre de plusieurs initiatives débute au titre du pacte vert pour l’Europe et de la stratégie de l’UE pour la durabilité dans le domaine des produits chimiques, il convient de revoir les valeurs limites actuelles de certaines substances dangereuses utilisées dans les secteurs existants et émergents. Cette démarche s’inscrit tant dans l’optique de la transition écologique que dans celle de la prévention des maladies professionnelles, en particulier le cancer (voir également la section 2.2). Pour le plomb et le cobalt, deux substances dangereuses fréquemment utilisées dans les technologies liées aux énergies renouvelables et dans la production de batteries, de nouvelles données scientifiques indiquent que les valeurs limites devraient être revues ou, dans le cas du cobalt, établies.
L’amiante constitue une autre substance de ce type. L’exposition à l’amiante représentera un facteur de risque pour la santé dans le contexte de la vague de rénovations
dont la finalité consiste à adapter les bâtiments en vue de leur neutralité climatique au titre du pacte vert pour l’Europe. Bien que cette matière ne puisse plus être produite ou utilisée dans l’UE, il existe un problème hérité pour les travailleurs de la rénovation des bâtiments, laquelle nécessite souvent l’enlèvement de l’amiante posé il y a de nombreuses années. L’exposition à l’amiante, qui cause 55 à 85 % des cancers du poumon développés au travail, est à l’origine d’environ 88 000 décès en Europe chaque année, et les taux de mortalité liés à cette exposition devraient continuer à augmenter jusqu’à la fin des années 2020 et dans les années 2030. Les employeurs sont déjà soumis à des obligations strictes en matière de protection, de planification et de formation. Toutefois, à la lumière des données scientifiques les plus récentes, la valeur limite d’exposition à l’amiante doit être revue à la baisse. À cette fin, la Commission lance la deuxième consultation des partenaires sociaux, parallèlement au présent cadre stratégique.
·Accent sur les risques psychosociaux
Déjà avant la pandémie, environ 84 millions de personnes dans l’UE connaissaient des problèmes de santé mentale. La moitié des travailleurs de l’UE considèrent que le stress est courant sur leur lieu de travail, et le stress intervient dans à peu près la moitié de l’ensemble des journées de travail perdues. Près de 80 % du personnel d’encadrement est préoccupé par le stress lié au travail.
En conséquence de la pandémie, près de 40 % des travailleurs se sont mis à travailler systématiquement à distance. Cette situation brouille les frontières traditionnelles entre le travail et la vie privée et, conjuguée à d’autres corollaires du travail à distance, tels que la connectivité permanente, le manque d’interactions sociales et l’utilisation accrue des TIC, elle donne lieu à des risques psychosociaux et ergonomiques supplémentaires.
Les données disponibles suggèrent que la lutte contre les dangers pour le bien-être psychosocial requiert un processus en plusieurs étapes impliquant des changements dans l’environnement de travail. La Commission européenne finance des projets qui traitent ces aspects. Les projets en question visent à concevoir et à déployer des interventions dont le but est de promouvoir la bonne santé mentale et de prévenir les maladies mentales au travail. En particulier, les projets «Magnet4Europe»
et «EMPOWER»
d’Horizon 2020 devraient engendrer des résultats innovants. Pour les travailleurs essentiels des secteurs de la santé ou des soins, le projet «RESPOND» vise à combattre les effets néfastes de la pandémie de COVID-19 sur la santé mentale.
La Commission va:
·moderniser le cadre législatif en matière de SST en rapport avec la numérisation par une révision de la directive sur les lieux de travail
et de la directive relative aux équipements à écran de visualisation
d’ici 2023;
·proposer des valeurs limites protectrices en ce qui concerne:
ol’amiante, dans la directive sur l’amiante au travail, en 2022,
ole plomb et les diisocyanates, dans la directive sur les agents chimiques, en 2022,
ole cobalt, dans la directive sur les agents cancérigènes et mutagènes, au premier trimestre 2024;
·lancer une campagne de l’EU-OSHA pour des lieux de travail sains, en 2023-2025, qui portera sur la création d’un avenir numérique sûr et sain, l’accent étant mis en particulier sur les risques psychosociaux et ergonomiques;
·préparer au niveau de l’UE, en coopération avec les États membres et les partenaires sociaux, une initiative non législative relative à la santé mentale au travail qui évaluera les problèmes émergents liés à la santé mentale des travailleurs et proposera des pistes d’action avant la fin de l’année 2022;
·développer la base d’analyse, les outils électroniques et les orientations pour les évaluations des risques liés aux emplois et processus verts et numériques, en particulier les risques psychosociaux et ergonomiques;
·demander au groupe d’experts sur les moyens efficaces d’investir dans la santé
de rendre un avis sur le soutien à la santé mentale du personnel de santé et des autres travailleurs essentiels d’ici la fin de l’année 2021;
·assurer un suivi approprié de la résolution du Parlement européen sur le droit à la déconnexion.
La Commission appelle les États membres:
·à mettre à jour leurs cadres juridiques nationaux en consultation avec les partenaires sociaux, afin de traiter les risques et les possibilités en matière de SST découlant des transitions écologique et numérique; à se concentrer sur l’utilisation des outils numériques pour rendre l’inspection du travail plus efficace à la fois par la prévention et la détection des infractions à la législation;
·à organiser des «évaluations par les pairs» portant sur les aspects psychosociaux et ergonomiques du travail;
·à renforcer le suivi et la collecte de données sur la situation relative aux risques mentaux et psychosociaux dans tous les secteurs.
La Commission invite les partenaires sociaux:
·à prendre des mesures et à actualiser les accords existants au niveau interprofessionnel et sectoriel afin de traiter les nouvelles questions de SST liées au marché du travail numérique, en particulier les risques psychosociaux et ergonomiques, d’ici 2023;
·à trouver ensemble des solutions pour relever les défis posés par le télétravail, la numérisation et le droit à la déconnexion, en s’appuyant sur l’accord-cadre des partenaires sociaux européens sur la numérisation.
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2.2.Améliorer la prévention des maladies et accidents professionnels
Tous les efforts doivent être déployés pour réduire autant que possible les décès liés au travail, conformément à l’approche «Vision zéro» à l’égard des décès liés au travail dans l’UE. À cette fin, le présent cadre stratégique renforce la culture de la prévention, tant au sein des organisations que parmi les travailleurs individuels. La seule manière de prévenir les décès liés au travail est: i) d’enquêter de manière approfondie sur les accidents et les décès sur le lieu de travail, ii) de repérer et de combattre les causes de ces accidents et décès, iii) de sensibiliser davantage aux risques liés aux accidents, blessures et maladies professionnels et iv) de renforcer le contrôle de l’application des règles et lignes directrices existantes. Les enseignements tirés des accidents évités de justesse et des incidents critiques, ainsi que l’échange d’informations sur ces événements, permettront d’améliorer l’analyse qui en est faite et la prévention dans l’ensemble de l’UE. Par exemple, dans les secteurs agricole et forestier de l’UE, le nombre d’accidents et de décès reste inacceptable. À cet égard, il est essentiel de disposer de données fiables sur le nombre d’accidents et de décès dans les exploitations, ainsi que de mener une vaste campagne de sensibilisation, y compris sur les risques potentiels pour les autres membres de la famille et les enfants vivant dans l’exploitation.
Les causes des décès liés au travail
Le cancer est la première cause de mortalité liée au travail dans l’Union européenne (graphique 3). On estime que les agents cancérigènes interviennent chaque année dans quelque 100 000 décès par cancer d’origine professionnelle. Les actions de lutte contre le cancer sur le lieu de travail constituent des éléments clés du plan européen pour vaincre le cancer, qui définit une nouvelle approche de l’Union en matière de prévention, de traitement et de soins durables contre le cancer. L’engagement de l’UE en faveur de la lutte contre le cancer d’origine professionnelle rejoint également la stratégie de la feuille de route relative aux substances cancérigènes pour la période 2020-2024, qui sollicite les États membres et les partenaires sociaux pour faire appliquer rapidement les valeurs limites et les autres dispositions adoptées au niveau de l’Union, limitant l’exposition de quelque 40 millions de travailleurs à 26 substances dangereuses et améliorant ainsi leurs conditions de travail.
Graphique 3: Causes des décès liés au travail (en %) dans l’UE
Source: «Comparaison internationale du coût des accidents et des maladies professionnels» (EU-OSHA, 2017).
Un autre aspect essentiel pour améliorer la protection des travailleurs est la lutte contre les maladies de l’appareil circulatoire d’origine professionnelle, telles que les maladies cardiaques ou les accidents vasculaires cérébraux. Bien que les maladies de l’appareil circulatoire soient la deuxième cause de mortalité liée au travail dans l’UE (graphique 3), on en sait peu sur leurs causes sous-jacentes et leurs liens avec les risques professionnels. Ce manque d’informations entrave le déploiement de mesures de prévention appropriées sur les lieux de travail. La poursuite de la recherche et de la collecte de données ainsi que la promotion de la santé au travail, tant à l’échelon de l’UE qu’au niveau national, devraient constituer des priorités. Ces actions devraient également porter sur les troubles musculo-squelettiques (TMS), qui touchent des millions de travailleurs dans l’UE. Les TMS d’origine professionnelle peuvent, dans le pire des cas, entraîner une incapacité. Ils ne sont généralement pas liés à une cause unique mais à une combinaison de facteurs physiques, psychosociaux, organisationnels et individuels.
·Les substances dangereuses
Les substances dangereuses sont présentes sur presque tous les lieux de travail, et des millions de travailleurs sont exposés quotidiennement à ces substances dans l’Union européenne.
Dans l’ensemble, le processus qui consiste à traiter le problème des substances dangereuses sur la base d’une évaluation scientifique, puis d’une consultation du CCSS tripartite et de l’association effective de toutes les parties concernées, s’est avéré fructueux, même s’il nécessite beaucoup de temps et de ressources. Au titre du présent cadre stratégique, la méthode pour traiter le problème des substances dangereuses continuera d’être actualisée afin de déterminer les gains d’efficacité possibles dans le processus décisionnel portant sur l’établissement des valeurs limites en matière de SST. En outre, la Commission poursuivra sa rationalisation de l’interface entre la SST et le règlement REACH afin de garantir la protection des travailleurs conformément à l’approche «une substance, une évaluation» et à la politique actualisée d’amélioration de la réglementation.
La procédure législative en cours sur les limites applicables à l’acrylonitrile, aux composés du nickel et au benzène au titre de la directive sur les agents cancérigènes et mutagènes (DCM) contribuera à accroître la protection contre les substances cancérigènes et mutagènes au bénéfice de plus d’un million de travailleurs. En outre, le CCSS recense les substances à traiter en priorité dans le cadre de la DCM et de la directive sur les agents chimiques, de manière à garantir l’imposition de valeurs limites à jour pour les substances chimiques dangereuses.
La priorité sera donnée à la mise à jour et à l’extension de la protection des travailleurs exposés aux substances reprotoxiques, conformément aux demandes du Parlement européen. Les reprotoxiques peuvent avoir deux types d’effets: i) des effets sur la fonction sexuelle et la fertilité et ii) des effets sur le développement du fœtus ou de la progéniture. Il s’agit là de risques graves qui peuvent entraîner un avortement spontané, une mortinaissance ou une altération du développement cognitif de l’enfant conçu. On estime, selon le scénario le plus défavorable, que les substances reprotoxiques peuvent causer jusqu’à 1 274 nouveaux cas de maladie génésique chaque année, entraînant un coût économique de 381 000 000 EUR par an. Le plomb est le principal coupable des maladies générées par les substances reprotoxiques. La future proposition consistant à fixer des valeurs limites contraignantes plus strictes pour le plomb constituera donc une avancée majeure dans la lutte contre les substances reprotoxiques. Néanmoins, il restera indispensable de dresser une liste spécifique des principaux reprotoxiques à traiter de toute urgence. Parallèlement, le groupe de travail du CCSS sur les substances chimiques continuera d’examiner la nécessité d’ajouter des substances reprotoxiques et des médicaments dangereux à la DCM, ainsi que la méthode appliquée pour établir les valeurs limites.
Le Parlement européen et les acteurs concernés ont également souligné la nécessité de protéger le personnel de santé exposé à des médicaments dangereux et à d’autres risques. La Commission européenne et l’EU-OSHA ont lancé des études approfondies et des dialogues avec des experts et des acteurs concernés sur la manière de faire face à ces risques dans le cadre d’une fourniture efficace des soins de santé. Ces démarches ont révélé un grand besoin de formations, d’instructions et d’orientations supplémentaires et ont mis en évidence les difficultés liées à l’adoption d’une législation contraignante pour traiter ce problème.
Promouvoir la santé au travail
Une main-d’œuvre en bonne santé est la base fondamentale d’une économie et d’une société fortes et résilientes. Encourager des choix sains sur le lieu de travail peut réduire considérablement l’incidence de l’absentéisme, des affections et des maladies non transmissibles (telles que le cancer, l’obésité, les maladies cardiovasculaires et le diabète). Par exemple, dans le cadre du plan européen pour vaincre le cancer, des actions seront lancées pour améliorer les connaissances sur les risques et les facteurs déterminants du cancer, dans le but de fournir aux citoyens, en ce compris les travailleurs, les informations et les outils dont ils ont besoin pour opérer des choix plus sains.
Des lieux de travail pour tous
Jusque dans l’évaluation des risques au travail, il est essentiel de reconnaître la diversité, notamment les différences et les inégalités entre les hommes et les femmes, et de lutter contre la discrimination au sein de la main-d’œuvre pour garantir la sécurité et la santé tant des femmes que des hommes. À titre d’illustration, la pandémie a mis en évidence les risques liés à des outils et équipements inadaptés (par exemple, des femmes du secteur des soins de santé obligées de porter des équipements de protection individuelle conçus pour les hommes) et la nécessité de fournir en temps utile des informations précises et facilement compréhensibles afin que tous les travailleurs, y compris les plus défavorisés, puissent pleinement comprendre les règles du lieu de travail et exercer leurs droits. Les mesures destinées à éviter les préjugés sexistes lors de l’évaluation et de la hiérarchisation des risques à traiter seront encouragées, moyennant: i) la représentation des hommes et des femmes dans les consultations réalisées auprès des travailleurs; ii) une formation adaptée à la situation personnelle des salariés; et iii) la reconnaissance des risques inhérents à certaines professions qui ont longtemps été négligées ou considérées comme du «travail léger» (comme les aidants ou le personnel de nettoyage).
Conformément à sa stratégie en faveur des droits des personnes handicapées 2021-2030, la Commission présentera un train de mesures visant à améliorer les perspectives des personnes handicapées sur le marché du travail. Ce train de mesures comprendra des orientations et un soutien à l’apprentissage mutuel en ce qui concerne la garantie de la santé et de la sécurité au travail et les programmes de réadaptation professionnelle pour les personnes souffrant de maladies chroniques ou ayant été victimes d’accidents.
Sur le lieu de travail, la violence, le harcèlement ou la discrimination, qu’elle soit fondée sur le sexe, l’âge, le handicap, la religion ou les convictions, l’origine raciale ou ethnique ou encore l’orientation sexuelle, peuvent affecter la sécurité et la santé des travailleurs et avoir dès lors des conséquences négatives pour les personnes touchées, leur famille, leurs collègues, leur organisation et la société dans son ensemble. Ces fléaux peuvent également mener à des situations d’exploitation au travail. La Commission évaluera les moyens de renforcer l’efficacité de la directive relative aux sanctions à l’encontre des employeurs (2009/52/CE), y compris en ce qui concerne les inspections du travail ciblant les groupes de travailleurs particulièrement vulnérables. La Commission a proposé une décision du Conseil autorisant les États membres à ratifier, dans l’intérêt de l’UE, la convention (no 190) sur la violence et le harcèlement, 2019, de l’Organisation internationale du travail
. Ladite convention inclut également des règles spécifiques sur la violence à caractère sexiste et le harcèlement au travail, qui seront renforcées par la future proposition législative sur la prévention et la lutte contre la violence sexiste à l’égard des femmes et la violence domestique, comme annoncé dans la stratégie en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes 2020-2025.
La Commission va:
·promouvoir l’approche «Vision zéro» à l’égard des décès liés au travail:
oen améliorant la collecte de données sur les accidents au travail et sur les maladies professionnelles et en analysant les causes profondes de chaque décès ou blessure en rapport avec le travail;
oen créant un groupe de travail tripartite «Vision zéro» au sein du CCSS et en concevant des actions et outils d’information ciblés pour accroître la sensibilisation;
oen renforçant la mise en application de la législation par un soutien au CHRIT afin qu’il sensibilise davantage les entreprises à la réduction des décès liés au travail, par l’échange de bonnes pratiques et par la promotion d’une formation approfondie pour les inspecteurs du travail;
·mettre à jour les règles de l’UE relatives aux substances dangereuses pour lutter contre le cancer, les troubles génésiques et les maladies respiratoires:
oen lançant une consultation des partenaires sociaux sur la réduction des valeurs limites pour les vapeurs de soudage, les hydrocarbures aromatiques polycycliques, l’isoprène et le 1,4-dioxane au titre de la DCM en 2023,
oen établissant une liste prioritaire des produits reprotoxiques à traiter dans le cadre des directives pertinentes d’ici la fin de 2021;
·fournir, d’ici à 2022, des orientations actualisées, y compris en matière de formation, de protocoles, de surveillance et de suivi, afin de protéger les travailleurs contre l’exposition à des médicaments dangereux;
·produire une vue d’ensemble en matière de SST en ce qui concerne le secteur de la santé et des soins, en coopération avec l’EU-OSHA, d’ici au premier trimestre 2024;
·soutenir la sensibilisation concernant les troubles musculo-squelettiques, le cancer et la santé mentale, ainsi que le harcèlement sur le lieu de travail et les préjugés sexistes;
·fournir des informations sectorielles aux PME en coopération avec l’EU-OSHA;
·proposer une initiative législative visant à prévenir et à combattre la violence sexiste à l’égard des femmes et la violence domestique avant fin 2021.
La Commission appelle les États membres:
·à œuvrer à la réalisation de l’approche «Vision zéro» en matière de décès liés au travail dans l’UE;
·à lutter contre les risques professionnels liés aux maladies de l’appareil circulatoire;
·à promouvoir le code européen contre le cancer auprès des travailleurs afin d’améliorer leurs connaissances en matière de santé et de réduire les risques de cancer;
·à évaluer et à combattre les risques en accordant une attention particulière aux groupes les plus touchés par la pandémie, tels que les personnes handicapées;
·à soutenir activement la réintégration, la non-discrimination et l’adaptation des conditions de travail pour les travailleurs atteints d’un cancer ou ayant survécu à un cancer;
·à promouvoir la prise en considération des questions de genre dans les phases de conception, de mise en œuvre et d’établissement de rapports;
·à combattre activement les dangers dans le secteur des soins de santé en mettant en place et en appliquant des procédures de sécurité au travail et en dispensant une formation appropriée;
·à fournir des orientations et des formations améliorées pour les mesures d’évaluation et de prévention des risques, en particulier aux microentreprises et aux PME;
·à dispenser une formation aux agriculteurs par l’intermédiaire des services de conseil agricole afin de renforcer leurs compétences et leur sensibilisation aux règles de santé et de sécurité dans les exploitations agricoles, y compris en matière d’utilisation sûre des substances chimiques, et notamment des produits phytopharmaceutiques.
La Commission invite les partenaires sociaux:
·à élaborer, à l’intention du secteur des soins de santé, des orientations visant entre autres à protéger les travailleurs contre l’exposition à des médicaments dangereux, ce qui permettra de développer l’outil interactif d’évaluation des risques en ligne (OiRA) spécifiquement destiné au secteur des soins de santé, en collaboration avec l’EU-OSHA.
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2.3.Améliorer la préparation — réagir rapidement aux menaces
Quand frappent des crises comme celle de la COVID-19, la sécurité et la santé au travail sont primordiales pour aider les travailleurs, les entreprises et les gouvernements à protéger des vies et à gérer les risques pesant sur le bien-être, la continuité des activités et la viabilité des entreprises. Il est donc essentiel de tirer les enseignements de la pandémie de COVID-19 et d’améliorer la préparation aux éventuelles crises sanitaires futures, mais aussi la reprise du travail après la pandémie. Il faut accorder une plus grande place aux mesures visant à renforcer l’hygiène, aux interventions non pharmaceutiques et au soutien à la santé mentale en réagissant plus vite et plus efficacement à ces crises, et approfondir les synergies entre la SST et la santé publique. Parallèlement à la communication sur les premiers enseignements tirés de la pandémie de COVID-19, le cadre actuel contribue donc aux politiques de santé et à l’amélioration de l’état de préparation pour l’avenir.
La pandémie de COVID-19 a révélé l’importance d’un cadre global imposant aux employeurs d’évaluer les risques et de prendre des mesures préventives pour faire face aux risques qui guettent la santé des travailleurs en cas de crise sanitaire. Elle a montré, plus que jamais, que les travailleurs ont besoin d’un environnement de travail qui réduit le risque de transmission de maladies infectieuses. Depuis l’apparition de la pandémie, l’EU-OSHA a élaboré, en concertation avec les autorités nationales et les partenaires sociaux, une série de documents d’orientation et d’outils expliquant aux employeurs, et en particulier aux PME, comment se conformer aux exigences en matière de SST à chaque étape de la pandémie. Ces orientations seront adaptées au fur et à mesure que la science en saura plus sur les risques et que les mesures de santé publique correspondantes seront mises en place. En outre, la Commission élaborera des procédures et des orientations d’urgence de l’UE en matière de SST afin que des mesures puissent être déployées rapidement en cas de crise sanitaire. Elle y inclura, entre autres, des dispositions relatives à la mise à jour des évaluations des risques, ainsi que des mécanismes permettant aux États membres de lui signaler rapidement toute menace pour la santé qui survient dans un secteur ou lieu de travail donné et de lui communiquer les plans nationaux en matière de SST qu’ils mettent en place pour contrer cette menace.
Parallèlement, en vertu de la directive sur les agents biologiques, le virus SARS-CoV-2 a été classé comme agent faisant l’objet d’une procédure d’urgence. Cette décision contribue à assurer la protection des travailleurs dans les installations où le virus est manipulé directement, comme les centres de production et de distribution de vaccins. La Commission va maintenant suivre l’exécution de cette décision et élaborer des orientations à l’intention des inspecteurs du travail afin de contribuer à assurer la bonne application des mesures.
La pandémie a également fait apparaître que, dans certains cas, les travailleurs mobiles et frontaliers — y compris les travailleurs saisonniers de l’UE et de pays tiers — peuvent être davantage exposés à des conditions de vie et de travail malsaines ou dangereuses, par exemple parce qu’ils occupent des logements insalubres ou surpeuplés ou parce qu’ils ignorent leurs droits. La Commission a élaboré des orientations sur les travailleurs saisonniers et les travailleurs du secteur des transports de l’UE dans le contexte de la pandémie de COVID-19. Elle y invite les États membres et les entreprises à veiller au respect de leurs obligations en matière de protection des travailleurs indispensables et vulnérables, y compris en remplissant leurs obligations en matière de SST. L’Autorité européenne du travail (AET), avec le soutien de la Commission européenne, a également lancé en juin 2021 la campagne de sensibilisation «Rights for all seasons» (des droits en toute saison), qui attire l’attention sur la nécessité de promouvoir des conditions de travail équitables et sûres pour les travailleurs saisonniers employés dans tous les pays de l’UE. En outre, l’EU-OSHA mène actuellement, en coopération avec le CHRIT, une enquête visant à recueillir l’avis des inspecteurs du travail en matière de SST sur les professions à haut risque, y compris celles exercées par des travailleurs saisonniers, dans tous les États membres.
La reconnaissance de la COVID-19 comme maladie professionnelle ou accident du travail est déjà une réalité dans 25 États membres. La France, par exemple, a adopté en septembre 2020 un décret gouvernemental permettant la reconnaissance automatique pour le personnel de soins et assimilé dans les cas entraînant une infection respiratoire grave. En outre, la France permet le versement d’une indemnité dans ces cas. Au Danemark, les cas de COVID-19 peuvent, après évaluation par les autorités compétentes, être reconnus à la fois en tant que maladie professionnelle et accident du travail dans toutes les professions et faire l’objet d’indemnités à ces deux titres.
L’approche de l’UE en matière de SST est certes axée sur la prévention, mais il importe aussi de soutenir les travailleurs infectés par la COVID-19 et les familles endeuillées à la suite d’une exposition au SARS-CoV-2 sur le lieu de travail. À cette fin, la plupart des États membres ont indiqué qu’ils reconnaissaient la COVID-19 comme une maladie professionnelle. Bien que la question des maladies professionnelles soit étroitement liée à la sécurité sociale, qui relève de la compétence nationale, la recommandation de la Commission sur les maladies professionnelles encourage les États membres à reconnaître les maladies professionnelles qui y sont énumérées, en vue d’encourager la convergence.
La Commission va:
·lancer immédiatement une évaluation approfondie des effets de la pandémie et de l’efficacité des cadres nationaux et de l’UE en matière de SST afin d’élaborer des procédures et des orientations d’urgence pour le déploiement rapide, l’exécution et le suivi des mesures dans les éventuelles crises sanitaires futures, en étroite coopération avec les acteurs de la santé publique;
·mettre à jour la recommandation de la Commission sur les maladies professionnelles afin d’y inclure la COVID-19 d’ici à 2022;
·élaborer, d’ici à 2022, des orientations à l’intention des inspecteurs du travail pour la détermination de la qualité des évaluations des risques et des mesures de gestion des risques au titre de la directive sur les agents biologiques.
La Commission appelle les États membres:
·à élaborer, dans le cadre des stratégies nationales en matière de SST, des plans de préparation aux crises futures prévoyant la mise en œuvre des orientations et des outils de l’UE;
·à élaborer des mécanismes de coordination entre les autorités chargées de la santé publique et de la SST d’ici à 2023;
·à renforcer le suivi et les contrôles effectifs du respect des obligations en matière de SST à l’égard des travailleurs saisonniers exerçant des professions à haut risque;
·à renforcer la coopération et l’échange d’informations entre les inspections du travail et les autres autorités nationales compétentes afin d’améliorer les normes de santé et de sécurité dans tous les secteurs de l’emploi.
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3.Mise en œuvre du cadre stratégique actualisé
Ce cadre stratégique s’appuiera sur i) une base de données probantes plus solide, ii) un dialogue social fort, iii) un financement mobilisé, iv) un meilleur contrôle du respect des règles et v) la sensibilisation.
Les États membres devront traiter les questions écologiques et numériques dans leurs stratégies nationales en matière de SST et améliorer la prévention et la préparation pour faire en sorte que les mesures et approches actualisées soient appliquées sur les lieux de travail.
Au niveau des entreprises, cela se traduira par l’adoption de mesures de planification et d’anticipation par les employeurs. Pour mener à bien cette transition visant à assurer un niveau élevé de protection des travailleurs et des solutions durables tout en préservant leur compétitivité, les PME ont besoin d’orientations ciblées et actualisées ainsi que d’outils de sensibilisation et d’outils numériques qui leur sont spécifiquement destinés.
·Dialogue social
Les partenaires sociaux sont particulièrement bien placés pour trouver des solutions adaptées aux circonstances propres à une activité ou à un secteur spécifique. Le dialogue social sectoriel de l’UE contribue amplement à la mise en œuvre effective de la législation de l’UE en matière de SST. La Commission collaborera avec les partenaires sociaux afin de recenser les domaines et actions pertinents au niveau sectoriel pour mettre en œuvre ce cadre stratégique.
·Base de données probantes
La recherche et la collecte de données, tant au niveau de l’UE qu’au niveau national, sont des conditions préalables à la prévention des maladies et accidents professionnels. Les avis scientifiques et les toutes dernières évolutions technologiques alimentent la législation et les politiques en matière de SST. Ainsi, la Commission peut continuer à élaborer des politiques fondées sur des données probantes, comme indiqué dans la communication «Une meilleure réglementation» de 2021.
Les enquêtes, la collecte de données et les évaluations par les pairs axées sur des sujets spécifiques dans le cadre actuel, tant au niveau national qu’au niveau de l’UE, seront autant d’étapes vers la réalisation des objectifs consistant à gérer les changements, la prévention et la préparation en matière de SST. Les mesures doivent tenir compte de la dimension de genre et être adaptées à la situation de tous les travailleurs; elles doivent par exemple prendre en considération i) les besoins des jeunes travailleurs qui entrent dans la vie active, ii) les besoins des personnes handicapées et iii) les besoins d’une main-d’œuvre vieillissante qui doit s’adapter à l’évolution rapide des technologies modernes et qui est de plus en plus sujette aux maladies chroniques et aux maladies invalidantes.
·Application et suivi du cadre stratégique
Le succès de ce cadre stratégique dépend en grande partie de sa mise en œuvre au niveau national et local. Pour garantir sa réussite, les États membres sont invités à i) mettre à jour leurs stratégies actuelles en matière de SST, ii) refléter au niveau local l’approche actualisée en matière de protection des travailleurs et iii) enrayer la tendance à la baisse du nombre d’inspections du travail dans certains États membres en renforçant les inspections sur le terrain.
En 2023, un sommet de bilan en matière de SST, rassemblant les institutions de l’UE, les États membres, les partenaires sociaux, l’EU-OSHA et d’autres acteurs concernés, fera le point sur les premiers enseignements et recommandera une réorientation de cette stratégie si nécessaire. Les participants au sommet examineront les progrès accomplis dans la réalisation de l’approche «Vision zéro» en matière de décès liés au travail, ainsi que l’état de préparation aux éventuelles menaces futures pour la santé et la sécurité des travailleurs.
Dans le plan d’action sur le socle européen des droits sociaux, la Commission a proposé d’introduire un nouvel indicateur sur les accidents du travail mortels dans le tableau de bord social révisé. Ce nouvel indicateur sera un élément clé du suivi de la «Vision zéro» de l’UE.
Ce cadre stratégique contribuera également à améliorer l’application et le contrôle du respect du droit de l’UE en vigueur, par exemple dans le cadre des activités des inspecteurs du travail, avec l’appui des acteurs concernés (tels le CCSS, l’EU-OSHA et le CHRIT). En fournissant aux inspecteurs du travail des orientations et des formations au niveau de l’UE et au niveau national afin de promouvoir la coopération et des méthodes d’inspection innovantes, on rend plus cohérent le contrôle du respect des règles dans tous les États membres. De plus, la Commission collaborera avec l’EU-OSHA afin d’élaborer des outils et des orientations pour aider les employeurs, en particulier les microentreprises et les petites entreprises, à se conformer à la législation en matière de SST.
·Sensibilisation et renforcement des capacités
Pour réaliser l’approche «Vision zéro» à l’égard des décès liés au travail, il faut remplir deux conditions préalables: i) sensibiliser davantage aux risques liés aux accidents, blessures et maladies professionnels et ii) renforcer les capacités des employeurs, afin de garantir la sécurité au travail grâce à la formation et à l’éducation; en outre, iii) tous les acteurs doivent assumer la responsabilité de se conformer aux règles et lignes directrices. L’EU-OSHA mettra en permanence l’accent sur la sensibilisation, notamment par l’intermédiaire de sa vue d’ensemble de la SST en matière de numérisation et de sa campagne «Lieux de travail sains» 2023-2025: SST et numérisation. Cette sensibilisation permettra d’approfondir les connaissances et de mieux appréhender les risques liés à ces évolutions.
·Financement
Les fonds de l’UE, et notamment la facilité pour la reprise et la résilience et les fonds de la politique de cohésion, peuvent être utilisés pour mobiliser des investissements en faveur de l’action en matière de SST. Plus de 50 % du nouveau budget à long terme de l’UE et de NextGenerationEU soutiendront la modernisation de l’UE, notamment par des investissements dans la recherche et l’innovation, les transitions écologique et numérique, la préparation, la reprise et la résilience. Le Fonds social européen plus (FSE+) est prêt à soutenir des mesures visant à promouvoir des emplois durables et de qualité, ainsi que l’inclusion sociale, à laquelle sont réservés 25 % de l’enveloppe. Les États membres peuvent recourir au FSE+ pour investir dans i) des formules de travail innovantes et plus productives, ii) la formation, iii) des campagnes d’information et de sensibilisation en faveur de modes de vie sains, iv) le bien-être au travail et v) le soutien aux inspecteurs du travail. Le Fonds européen de développement régional (FEDER) peut apporter sa contribution grâce à des environnements de travail, des solutions numériques et des équipements mieux adaptés. Le FEDER et le Fonds de cohésion peuvent soutenir la connectivité des zones rurales et isolées. Le nouveau programme de l’UE dans le domaine de la santé — EU4Health 2021-2027 — apportera également un soutien important à la lutte contre le cancer. En outre, EU4Health 2021-2027 contribuera à i) la prévention des maladies et la promotion de la santé au sein d’une population vieillissante, et à ii) une meilleure surveillance des menaces pour la santé. L’UE soutiendra également les États membres dans le domaine de la recherche médicale par l’intermédiaire de la mission Horizon Europe sur le cancer, qui comprend des approches innovantes en matière de recherche et de santé publique et met l’accent sur la prévention du cancer, et dans le domaine des infrastructures nécessaires aux outils numériques de santé par l’intermédiaire du mécanisme pour l’interconnexion en Europe. Plusieurs thèmes liés à la SST ont été proposés dans les premiers programmes de travail d’Horizon Europe dans le cadre du pôle «Santé». En outre, les résultats des recherches menées actuellement sur la sécurité et la santé au travail et financées au titre d’Horizon 2020 seront une source d’informations précieuses, par exemple sur la santé mentale au travail
. Les États membres peuvent aussi faire appel au nouvel instrument d’appui technique pour concevoir et mettre en œuvre des réformes en matière de SST.
4.Promouvoir des normes efficaces en matière de SST dans le monde entier
À l’ère de la mondialisation, les menaces pour la santé et la sécurité ne s’arrêtent pas aux frontières. Tous les pays du monde gagnent à partager leurs bonnes pratiques et à apprendre de l’expérience des autres. Il est essentiel de renforcer le dialogue avec les pays partenaires de l’UE, les organisations régionales et internationales et d’autres enceintes internationales afin de relever les normes en matière de SST à l’échelle mondiale.
La Commission coopérera avec l’Organisation internationale du travail (OIT) pour mettre en œuvre et suivre l’application de la déclaration du centenaire pour l’avenir du travail (2019). Il s’agira de soutenir l’intégration du droit à des conditions de travail sûres et saines dans le cadre de l’OIT sur les principes et droits fondamentaux au travail. La coopération avec l’OIT et l’OMS en matière de données et de connaissances sera particulièrement de mise. Cette coopération comprendra le soutien, en collaboration avec les États membres, à la création d’un nouvel indicateur sur la mortalité due aux maladies attribuées aux facteurs de risque professionnels dans le cadre des objectifs de développement durable des Nations unies.
La Commission encouragera la SST dans les chaînes d’approvisionnement mondiales et les entreprises opérant dans les pays à revenu faible et intermédiaire. À cette fin, elle continuera notamment à s’engager dans des initiatives-cadres telles que le Fonds Vision zéro du G7, l’accord du G20 en faveur de lieux de travail plus sûrs et le réseau d’experts en SST.
Il est essentiel i) de veiller à ce que les normes en matière de SST soient dûment intégrées aux engagements contraignants sur les normes sociales et du travail et ii) de promouvoir la question du travail décent en général dans les futurs accords commerciaux de l’UE. La mise en œuvre effective des accords commerciaux de l’UE devrait soutenir ces engagements, comme dans l’exemple récent de l’accord de partenariat économique UE-Japon.
La Commission continuera à développer la coopération bilatérale avec les pays partenaires afin de promouvoir de meilleures conditions de travail, de manière à lutter contre les inégalités et à faire progresser le développement humain dans le monde entier. En outre, la coopération bilatérale avec les États-Unis reprendra dans le cadre d’un programme commun révisé et actualisé en matière de SST, et une nouvelle coopération verra le jour, en particulier avec le Canada.
Les pays candidats et candidats potentiels seront soutenus dans les efforts qu’ils accompliront pour aligner leurs cadres juridiques et leurs politiques en matière de SST sur l’acquis de l’UE. En ce qui concerne les Balkans occidentaux, cela passera notamment par i) les programmes de réforme économique, ii) des réunions des sous-comités, iii) des négociations au titre du chapitre 19, le cas échéant, et iv) l’aide financière apportée aux activités de l’EU-OSHA et des agences compétentes en matière de SST.
Une coopération bilatérale en matière de SST sera également mise en place avec le voisinage oriental et méridional de l’UE, ainsi que via la promotion de la coopération régionale, y compris dans le cadre du Partenariat oriental et de l’Union pour la Méditerranée.
5.Conclusion
Le présent cadre stratégique vise à mobiliser les institutions de l’UE, les États membres, les partenaires sociaux et d’autres acteurs concernés autour de priorités communes en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. Il s’applique à toutes les parties concernées par la santé et la sécurité au travail (administrations nationales, y compris les inspections du travail, les employeurs, les travailleurs et d’autres acteurs ayant un lien avec la SST) et crée un cadre d’action, de coopération et d’échange.
La Commission travaillera avec les États membres et les partenaires sociaux pour i) gérer les changements qui s’opèrent dans le nouveau monde du travail, ii) améliorer la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles conformément à l’approche «Vision zéro», et iii) améliorer la préparation à d’éventuelles crises sanitaires futures.
La Commission invite les États membres à mettre à jour et à élaborer leurs stratégies nationales en matière de SST conformément au présent cadre stratégique — en coopération avec les partenaires sociaux — afin de veiller à ce que les nouvelles mesures soient appliquées sur le terrain. Le sommet sur la SST de 2023 permettra de faire le point sur les progrès accomplis à l’égard de ce cadre ambitieux et d’évaluer l’adaptation à un contexte qui évolue rapidement.