27.7.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 300/65


Avis du Comité européen des régions sur le thème «Plan d’action en matière d’éducation numérique 2021-2027»

(2021/C 300/12)

Rapporteure générale:

Gillian COUGHLAN (IE/Renew Europe), membre du conseil du comté de Cork

Texte de référence:

Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions «Plan d’action en matière d’éducation numérique 2021-2027 — Réinitialiser l’éducation et la formation à l’ère du numérique»

COM(2020) 624

RECOMMANDATIONS POLITIQUES

LE COMITÉ EUROPÉEN DES RÉGIONS

1.

constate que les restrictions sociales imposées en raison de la pandémie de COVID-19 stimulent et accélèrent le rythme d’entrée de notre société dans l’«ère numérique» en matière d’éducation;

2.

recommande toutefois de ne pas perdre de vue que l’éducation et la formation consistent à développer l’esprit critique de jeunes enfants, d’adolescents crédules et d’adultes mus par la curiosité, ainsi qu’à conférer une autonomie accrue, tant sur le plan physique qu’intellectuel, à des commerçants, des personnels qualifiés, des travailleurs manuels, des agents de maintenance, des employés du secteur des services, des entrepreneurs et des agriculteurs — en un mot, qu’elles concernent toujours des personnes;

3.

souligne qu’il importe d’établir ici une distinction entre, d’une part, l’éducation numérique et, d’autre part, l’apprentissage en ligne ou à distance qui a été imposé à la hâte lors du premier confinement de la population et adapté lors de ceux qui ont suivi. La réalité de la situation actuelle ne correspond pas à la vision européenne de l’éducation numérique;

4.

convient que la crise de la COVID-19 a également mis en lumière les principaux facteurs favorisant une éducation et une formation numériques efficaces, qu’elle a accéléré cette transformation et mis en exergue les points forts, les faiblesses, les possibilités et les limites de l’éducation numérique;

5.

rappelle que, si l’organisation des systèmes d’éducation est une compétence nationale, sans préjudice du système de répartition interne des compétences dans chaque État membre, les nouveaux défis qui se posent requièrent toutefois une coordination accrue au niveau européen ou des politiques de soutien accrues au sein de l’espace européen de l’éducation, ce qui suppose de recourir à des normes technologiques internationales et d’appliquer les stratégies et recommandations de l’Union;

6.

réaffirme (1) que le soutien des collectivités locales et régionales en faveur de l’éducation et de l’inclusion numériques est essentiel tant pour les élèves/étudiants que pour les citoyens;

7.

salue les efforts qu’a déployés l’Union européenne au cours des vingt dernières années pour accroître les compétences numériques des citoyens européens et qui ont débouché sur l’élaboration du plan d’action en matière d’éducation numérique 2021-2027 et l’objectif consistant à faciliter la mise en place d’une éducation de qualité, inclusive, accessible, efficace et stimulante, qui combine des méthodes didactiques à distance, en ligne et mixtes;

8.

souligne l’importance que revêt le concept de cohésion numérique tel qu’il est exposé dans l’avis sur le thème «L’Europe numérique pour tous» (2), en tant que dimension supplémentaire importante du concept traditionnel de cohésion économique, sociale et territoriale défini dans le traité sur l’Union européenne, et demande qu’il soit étendu à la sphère éducative et pris en compte dans les modifications futures du traité. Cette démarche est nécessaire pour relever les défis sociétaux eu égard aux besoins en matière de numérisation qui ne cessent de croître, tout en veillant à ne laisser aucun individu ni aucune région de côté;

Habileté numérique pour tous

9.

est conscient que l’importance des compétences numériques va au-delà du marché du travail et que celles-ci jouent un rôle de plus en plus important dans la vie privée et publique de nos concitoyens, en particulier en ce qui concerne l’apprentissage, l’accès à l’information et aux produits, ainsi que les services publics et privés, l’inclusion sociale, les loisirs et nombre d’autres applications quotidiennes;

10.

recommande que le plan d’action en matière d’éducation numérique s’appuie sur les bonnes pratiques, comme c’est le cas dans d’autres secteurs, par exemple les entreprises, tout en préservant l’expertise des professionnels de l’éducation et l’importante interaction personnelle au sein de la classe;

11.

est convaincu qu’il est impératif de faire en sorte que l’éducation numérique arrive jusqu’aux groupes et personnes les plus vulnérables au sein de la société et se transforme ainsi en vecteur de cohésion sociale. L’Union européenne doit mettre tout en œuvre pour créer une société à laquelle chacun puisse participer, indépendamment de son âge, de son sexe, de son origine sociale ou ethnique et de ses capacités physiques et intellectuelles;

12.

attire en outre l’attention sur le fait que la connectivité des structures éducatives dans les régions rurales, éloignées ou insulaires sera essentielle pour surmonter les disparités découlant de la dispersion et de l’isolement de la population, plus importants que dans les grandes villes, et souligne que le plan d’action en matière d’éducation numérique et les mesures nationales visant à le mettre en œuvre devront s’attacher à combler dûment la fracture numérique entre les grandes villes et les régions rurales, éloignées ou insulaires;

13.

demande à la Commission européenne de promouvoir activement le droit des personnes handicapées à une éducation numérique inclusive et invite instamment la Commission et les États membres à définir les spécificités d’une éducation numérique conçue pour les personnes handicapées et adaptée à leur situation et à procéder à cet égard à des investissements et des partages d’informations. Il convient également de tenir compte des besoins des groupes vulnérables en matière d’éducation et de compétences et d’y répondre en leur assurant l’égalité d’accès à un enseignement de base de haute qualité;

14.

il importe en outre de tenir compte des besoins des minorités nationales et de permettre la création et l’accès à des contenus conformes à leur droit d’étudier dans leur langue maternelle;

Intersection entre éducation numérique et transition numérique

15.

souligne que la société et les économies européenne et mondiale auront dorénavant besoin de personnes possédant les compétences et les aptitudes requises pour devenir les architectes, les bâtisseurs et les membres naturels de ce nouveau monde numérique, et met l’accent sur la nécessité qui en découle d’investir dans la définition, le développement et l’acquisition des compétences numériques de base et avancées;

16.

regrette que, bien que la situation s’améliore progressivement, 35 % de la main-d’œuvre active en Europe ne disposent toujours pas de compétences numériques de base (3), alors que 90 % des emplois actuels requièrent au moins un minimum de connaissances numériques. Avec la transition numérique envisagée, le nombre et le niveau des compétences numériques de base qui seront nécessaires augmentent sensiblement;

17.

est profondément préoccupé par l’écart manifeste qui existe entre les compétences numériques de base des personnes occupant un emploi et celles des chômeurs, des personnes plus âgées et de celles qui ont un faible niveau de formation (4), ainsi que par l’augmentation sensible des inégalités entre les femmes et les hommes en matière d’éducation numérique. Encourager les élèves filles à opter pour des études du domaine des sciences, de la technologie, de l’ingénierie, des arts et des mathématiques [STE(A)M] est l’une des mesures envisageables pour induire une évolution favorable en la matière (en l’occurrence résorber ce fossé numérique entre les sexes); invite la Commission européenne et les États membres à utiliser la mise en œuvre de la facilité pour la reprise et la résilience, du programme pour une Europe numérique, du programme Erasmus+, d’Horizon Europe et du Fonds social européen pour favoriser la participation des femmes aux STE(A)M et faire en sorte que les financements réduisent cet écart grâce au soutien apporté aux fournisseurs d’enseignement numérique;

18.

se dit également préoccupé par l’existence d’une fracture numérique manifeste dans les zones rurales qui concerne l’ensemble de la communauté éducative (enseignants, étudiants et familles); demande à la Commission européenne et aux États membres de recourir à la Facilité pour la reprise et la résilience et au Fonds social européen pour garantir que les financements réduisent cette fracture, grâce à des investissements spécifiques à destination des régions confrontées aux défis démographiques ou qui souffrent d’un manque d’investissement significatif et persistant, et par la définition de projets stables inscrits dans le temps qui aient des effets sur toute la communauté éducative;

19.

est favorable, à cette fin, à l’objectif de la nouvelle stratégie en matière de compétences qui vise à faire en sorte que 70 % des personnes âgées de 16 à 74 ans possèdent au moins des compétences numériques de base d’ici à 2025;

20.

recommande par ailleurs que, quelles que soient les compétences enseignées, tous les programmes de formation et d’apprentissage intègrent un volet numérique qui aille au-delà du programme de stages en matière d’accès au numérique (Digital Opportunity Traineeship) et que la plateforme européenne d’échange proposée élabore pour ces cours, en plus du certificat européen de compétences numériques, qui sera fondé sur une approche d’autoévaluation, des contenus équivalents à un permis de conduire informatique européen (ECDL);

21.

insiste sur la nécessité de faire en sorte que l’éducation numérique devienne partie intégrante de l’apprentissage tout au long de la vie, et appelle les secteurs privé et public à assumer les responsabilités qui leur incombent en matière d’éducation et de formation des citoyens, afin qu’ils restent compétitifs pour le marché du travail et adaptés à ses besoins, et qu’ils puissent en même temps s’épanouir pleinement dans leur vie personnelle;

Éducation numérique — opportunités et enjeux

22.

est convaincu que la numérisation de l’éducation peut être source d’avantages considérables si elle est centrée sur l’apprenant, adaptée à son âge et axée sur le développement. Une approche de ce type garantirait une éducation accessible, inclusive, la mise à disposition ou la mise en place des moyens pour parvenir à une éducation de qualité pour tous, et concrétiserait dans les faits le droit à l’éducation en tant que droit humain fondamental;

23.

plaide en faveur d’un financement public direct visant à développer de nouveaux modèles d’enseignement et à promouvoir les compétences du XXIe siècle à tous les niveaux d’enseignement, de l’école à l’université, ainsi qu’à simplifier davantage la structure des programmes de financement de l’Union, ce qui permettrait d’élargir l’éventail des parties prenantes participantes et de multiplier les partenariats entre entreprises et universités;

24.

demande que l’on renforce l’utilisation éthique de l’intelligence artificielle et le recours aux données dans le cadre de l’enseignement et de la formation des enseignants, et que les activités liées à la recherche et à l’innovation- soient soutenues par le programme Horizon Europe;

25.

invite la Commission européenne à faire connaître et à rendre accessibles les différents programmes et mesures en recourant à des canaux d’information et de communication faciles à utiliser et en soutenant le système de mise en œuvre décentralisé par le truchement des différents réseaux de l’Union, tels que les pôles d’innovation numérique;

26.

est prêt à contribuer à la diffusion de la campagne de sensibilisation «Connectivty4schools»;

27.

s’inquiète de l’augmentation de la violence et du harcèlement numériques et insiste sur la nécessité de prévenir de tels comportements par l’éducation;

28.

préconise de commencer par mettre en place un système de bons, avec la participation des régions et des villes, pour lancer la recherche et le développement pour ce qui est des possibilités en matière d’éducation numérique;

29.

est préoccupé par la frustration exprimée au cours de l’année écoulée par de nombreux élèves et enseignants des villes et régions de l’ensemble de l’Europe en raison d’une connectivité et d’équipements inadéquats; réaffirme son avis (5) selon lequel il est nécessaire de modifier les priorités en matière de développement des infrastructures éducatives au niveau local et que les collectivités locales et régionales soutiendront la transition vers des infrastructures éducatives modernes, fonctionnelles, numériques et vertes au sein de leurs communautés; invite par ailleurs les gouvernements nationaux à fournir à tous les enseignants et élèves, que ce soit par le truchement de l’Union, de programmes nationaux de financement ou de partenariat avec les entreprises locales, un dispositif éducatif numérique approprié ainsi qu’un libre accès aux applications et plateformes de communication et d’éducation numériques;

30.

souligne que la pandémie mondiale a mis en évidence les compétences irremplaçables des enseignants: interaction humaine, modération, encouragement, démonstration, explication, correction, évaluation, conseil, soutien, savoirs et connaissances sont autant de facettes de leur rôle; demande que ces compétences soient également développées de manière à s’adapter aux contextes numériques, étant donné que la mission que les enseignants assument est particulièrement cruciale en ce qui concerne l’utilisation et l’intégration des technologies numériques dans l’enseignement et les apprentissages;

31.

fait toutefois observer que les technologies éducatives doivent rester un outil et ne pas remplacer l’enseignement en personne, car l’interaction humaine — y compris la communication entre les enseignants et les étudiants et entre les étudiants eux-mêmes — est essentielle au bien-être et au développement de ces derniers;

32.

juge inquiétant que selon les résultats d’études récentes (6), seuls 40 % des enseignants se sentent prêts à utiliser les technologies numériques dans l’enseignement;

33.

propose que les modèles de formation des enseignants dans l’ensemble de l’Union européenne soient davantage harmonisés grâce à une coopération renforcée entre les universités ainsi qu’entre les centres de formation continue des enseignants et demande instamment la création de «pôles» physiques dans les villes universitaires afin que les enseignants de l’ensemble du système éducatif puissent bénéficier d’un perfectionnement professionnel continu de qualité; suggère en outre que les contenus utilisés pour la formation continue des enseignants soient en accès ouvert, en vue d’une réutilisation dans le cadre de l’activité d’enseignement quotidien;

34.

souscrit à l’idée d’un cadre relatif au contenu d’éducation numérique; voudrait toutefois être assuré que le financement requis sera fourni au niveau régional pour que tous les enseignants aient le sentiment de faire partie du pôle et que les langues régionales soient soutenues en adaptant les ressources à tous les bénéficiaires;

35.

souhaite que le cadre relatif au contenu d’éducation numérique dispose de son propre incubateur technologique pour élaborer des contenus standardisés et de qualité, respectant à la fois les normes internationales de portabilité et d’interopérabilité (SCORM) et le modèle des ressources éducatives libres (REL), et soutenir les enseignants et autres professionnels dans la création de contenus, de programmes d’études et de ressources produits suivant ces mêmes critères. Le renforcement de la coopération et des échanges de matériels et bonnes pratiques pédagogiques apparaissant comme une nécessité en la matière; recommande que cette unité appuie les services nationaux d’éducation concernant l’évaluation des applications technologiques afin que l’argent soit investi dans les meilleures technologies, qu’un contrôle rigoureux soit réalisé et que toutes les données récoltées soient utilisées de manière appropriée;

36.

invite la Commission à soutenir, par des mesures appropriées, dans le cadre des programmes Erasmus+, Horizon Europe, InvestEU, ou d’autres encore, la création de plateformes paneuropéennes visant à diffuser des contenus et des outils éducatifs à grande échelle, de manière inclusive et dans plusieurs langues, en tenant compte des langues régionales;

37.

souligne l’investissement de l’Union dans la culture numérique; à cet égard, met en exergue l’exemple de la plateforme Europeana, qui offre des contenus numériques sur l’histoire et la culture européennes et a contribué à diversifier l’enseignement dans les établissements scolaires de toute l’Union;

38.

soutient et appelle à multiplier des initiatives telles que le projet d’école numérique du Centre commun de recherche, qui permet de mettre en place des cours en ligne ouverts et gratuits (MOOC);

39.

souligne que la communauté éducative doit faire montre d’une culture numérique. À une époque où il semble possible d’avoir accès à toutes les connaissances sur l’internet, il est essentiel que la communauté éducative soit en mesure de faire la distinction et le tri entre des faits concrets et des opinions, ainsi que d’analyser des données de manière indépendante et de les compiler;

40.

il importe par ailleurs d’examiner comment soutenir les parents, qui aident leurs enfants à accéder à l’éducation numérique;

41.

constate que des familles, des étudiants et des professionnels de l’éducation ont signalé des cas graves de cyberharcèlement; souligne en outre que l’accompagnement psychologique des élèves et étudiants de tous âges continue d’être assuré et financé;

42.

demande à la Commission de se pencher sur la nature spécifique des données éducatives ainsi que sur le risque posé par l’absence de réglementation concernant leur échange et leur stockage; invite par ailleurs la Commission à associer le comité européen de la protection des données (CEPD) à la réflexion sur la création d’un statut spécifique pour les données relatives aux élèves et aux apprenants et à sensibiliser toutes les parties concernées par l’éducation numérique (professeurs, étudiants, élèves, apprenants et parents) à l’importance que revêt la cybersécurité ainsi qu’à trouver des moyens de renforcer constamment la cybersécurité dans ce domaine.

Bruxelles, le 7 mai 2021.

Le président du Comité européen des régions

Apostolos TZITZIKOSTAS


(1)  Avis du CdR sur le thème «Mise en place d’un espace européen de l’éducation d’ici 2025», mars 2021.

(2)  COR-2019-03332, avis du CdR intitulé «L’Europe numérique pour tous: apporter des solutions intelligentes et inclusives sur le terrain», adopté en octobre 2019.

(3)  Cour des comptes européenne, «Compétences numériques de base: l’action de l’UE pour relever le niveau», Document d’analyse no 2, 2021.

(4)  Ibidem.

(5)  Avis du CdR sur le thème «Mise en place d’un espace européen de l’éducation d’ici 2025», mars 2021.

(6)  Enquête internationale de l’OCDE sur l’enseignement et l’apprentissage (TALIS), 2018.