11.12.2020   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 429/44


Avis du Comité économique et social européen sur «Vers une participation structurée des jeunes au processus décisionnel de l’Union européenne concernant le climat et la durabilité»

(avis d’initiative)

(2020/C 429/07)

Rapporteur:

Cillian LOHAN (IE-III)

Décision de l’assemblée plénière

20.2.2020

Base juridique

Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur

Avis d’initiative

Compétence

Section «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section

8.7.2020

Adoption en session plénière

18.9.2020

Session plénière no

554

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

216/0/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

L’aspect intergénérationnel des politiques en matière de climat et de développement durable ainsi que des mécanismes de mise en œuvre doit se traduire par une participation active et significative de la jeunesse à tous les stades des processus décisionnels de l’Union européenne, depuis l’élaboration des propositions et initiatives législatives jusqu’à leur mise en œuvre, leur contrôle et leur suivi.

1.2.

La réalisation des objectifs de développement durable au moyen du pacte vert pour l’Europe exige une nouvelle approche quant à un modèle de gouvernance plus inclusif, qui associe les diverses parties intéressées et place les jeunes au cœur du processus de participation, allant bien au-delà des réunions ad hoc et des simples demandes de consultation.

1.3.

Le CESE propose la mise en place de tables rondes de la jeunesse pour le climat et la durabilité, qu’il organiserait en collaboration avec la Commission et le Parlement européen.

1.4.

Le CESE suggère également d’inclure un(e) délégué(e) de la jeunesse dans la délégation officielle de l’Union européenne aux réunions de la conférence des parties (COP) à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Il propose en outre d’ajouter un(e) délégué(e) de la jeunesse comme membre supplémentaire de la délégation du CESE, qui dispose du statut d’observateur lors de ces manifestations.

1.5.

Le CESE s’efforcera de faire connaître les points de vue des jeunes et des organisations de jeunesse en les intégrant dans les avis portant sur le climat et la durabilité, en sollicitant de manière volontariste la contribution des représentants de la jeunesse et en continuant à les inviter en qualité d’orateurs lors des manifestations du CESE; il demandera également que ces représentants des jeunes bénéficient des mêmes possibilités de faire entendre leur voix auprès des autres institutions de l’Union, par exemple au Parlement européen.

2.   Introduction

2.1.

Le programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations unies et ses 17 objectifs de développement durable (ODD) (1) marquent un tournant dans la manière dont la communauté internationale a décidé de faire face aux problématiques mondiales en y associant, de façon intégrée, les dimensions économique, environnementale et sociale. Le programme de développement durable à l’horizon 2030 est un projet axé sur les personnes, conçu de manière à ne laisser aucun groupe de côté, et le concept d’équité entre les générations est intrinsèquement lié à la durabilité. Il convient de ne pas laisser la jeune génération faire face aux conséquences de politiques non durables qui ne sont pas de son fait.

2.2.

Aujourd’hui, le monde est confronté à une situation d’urgence climatique. Jusqu’à présent, les gouvernements n’ont pas suffisamment réagi à la crise climatique, et le monde ne s’est pas encore engagé sur une voie qui permettrait de réaliser l’objectif de l’accord de Paris et les ODD. La société civile réclame avec force que soient prises de toute urgence des mesures plus ambitieuses en faveur du climat. La manifestation la plus éclatante de ces revendications a été la série de grèves des jeunes en faveur du climat.

2.3.

Le premier semestre de l’année 2020 a été marqué par la pandémie mondiale de COVID-19. D’une ampleur sans précédent, la réaction à ce virus aura un effet durable sur les prévisions économiques à court et à moyen termes. La conception de trains de mesures visant à apporter une réponse financière ne saurait être ignorée. Lorsque la jeunesse d’aujourd’hui entrera dans la vie active, elle subira encore l’impact financier de la COVID-19. En outre, les jeunes en ressentiront durablement les effets, que ce soit sur le plan de leur santé mentale, de leur éducation ou de leur participation à la société de manière générale. Dans ce contexte, la recherche d’un équilibre entre les besoins financiers, sociétaux et environnementaux sous l’angle du développement durable est d’autant plus pertinente.

2.4.

Le soutien financier annoncé à la relance économique représentera un fardeau pour les générations futures. La manière de tirer parti des ressources et des possibilités devrait être équitable entre les générations. L’aide apportée aux différents secteurs dans le cadre des plans lancés à la suite de l’épidémie de COVID-19 devrait tenir compte des demandes des jeunes concernant le climat, ainsi que de leur droit à un avenir plus sain et plus durable.

2.5.

Le plan de relance pour l’Europe (2) annoncé par la présidente de la Commission, Mme von der Leyen, traduit la nécessité de faire en sorte que la reprise économique se fonde sur les principes du pacte vert pour l’Europe et qu’elle permette d’atteindre les objectifs fixés tant en matière de climat que de durabilité. Les mesures inscrites dans le programme de relance pourraient être à même de susciter le changement.

2.6.

David Boyd, rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l’homme et l’environnement, a lancé un appel à la mi-avril, déclarant que les pays ne doivent pas utiliser la pandémie de COVID-19 comme un prétexte pour affaiblir la protection de l’environnement et l’application de la législation en la matière, après que plusieurs gouvernements ont annoncé qu’ils projetaient d’abaisser les normes environnementales ou d’alléger d’autres mesures connexes, telles que le suivi et l’application des exigences liées à l’environnement (3).

2.7.

À la lumière de la crise environnementale mondiale qui est antérieure à la pandémie de COVID-19, ces actions sont irrationnelles et irresponsables, et elles mettent en péril les droits des personnes vulnérables et marginalisées. De telles décisions politiques sont susceptibles d’accélérer la détérioration de l’environnement et d’avoir une incidence négative sur toute une série de droits de l’homme, notamment le droit à la vie, à la santé, à l’eau, à la culture et à l’alimentation, ainsi que le droit de vivre dans un environnement sain. La COVID-19 a mis en évidence l’importance de bénéficier d’un environnement naturel sûr, propre et durable.

2.8.

Étant donné que les ODD doivent à présent être mis en œuvre dans le cadre du pacte vert pour l’Europe, le débat devrait en principe pouvoir s’ouvrir sur un changement de paradigme allant dans le sens d’un modèle plus participatif de gouvernance à acteurs multiples en faveur du développement durable. Les jeunes devraient être parties prenantes à ce nouveau modèle de gouvernance et être autorisés à participer au processus décisionnel au niveau de l’Union européenne d’une manière structurée et formelle qui aille au-delà de simples consultations et réunions ad hoc.

2.9.

Les organisations de jeunesse jouent un rôle important dans ce contexte, dans la mesure où elles représentent, via leurs vastes réseaux, les intérêts de millions de jeunes en Europe et dans le monde. Ce sont des acteurs clés pour que les jeunes soient non seulement présents dans les institutions, mais également en mesure de contribuer utilement au processus décisionnel.

2.10.

Les organisations de jeunesse peuvent jouer une multiplicité d’autres rôles. L’animation socio-éducative et l’apprentissage non formel ont un impact positif sur le développement durable, dans la mesure où ils ont pour objectif de favoriser le développement de jeunes citoyens autonomes qui contribuent activement à notre société. Les organisations de jeunesse peuvent également contribuer à donner à la voix des jeunes plus de résonance pour qu’ils exercent une pression collective en faveur du développement durable aux niveaux local, national, régional et mondial et demandent aux gouvernements et aux institutions de rendre des comptes sur leurs engagements.

2.11.

Les mécanismes de participation et de représentation des jeunes, quand ils sont de qualité, créent l’occasion d’un partenariat entre les décideurs politiques, les jeunes et les organisations de jeunesse afin d’orienter les décisions qui ont une incidence sur la vie des jeunes. Il est important de saisir cette occasion pour garantir également la stabilité et la résilience de nos démocraties, sachant que la participation de tous les groupes de la société aux processus décisionnels est une condition nécessaire à leur existence.

2.12.

Il est nécessaire que tous les aspects d’une politique prennent en considération les répercussions sur les jeunes et les perspectives qui leur sont offertes, y compris pour les générations à venir. De l’investissement dans la lutte contre le changement climatique à la stratégie «de la ferme à la table», le rôle de la jeunesse revêt une importance toute particulière lorsqu’il est question des aspects sociaux et des politiques d’avenir.

2.13.

Le présent avis examinera les possibilités de nouer le dialogue avec les jeunes de manière formelle au niveau institutionnel. Il fournira les éléments nécessaires à une nouvelle approche structurée de la participation des jeunes au niveau de l’Union européenne. Enfin, il proposera au CESE des recommandations sur la manière de mieux intégrer les jeunes à ses processus de travail afin de mieux faire entendre leur message et, partant, de rendre celui du CESE plus équitable dans un contexte intergénérationnel.

3.   Le lien entre le changement climatique et la nécessité d’une participation des jeunes

3.1.

Les jeunes ont le droit de faire valoir leurs opinions sur des sujets qui les concernent. Le droit de participer est inscrit dans le programme de développement durable des Nations unies à l’horizon 2030, qui reconnaît que les jeunes sont des «acteurs essentiels du changement», tel qu’énoncé dans les objectifs de développement durable.

3.2.

Ces dernières années, nulle autre cause n’a mobilisé davantage de jeunes à travers le monde que le changement climatique. Les jeunes de 15 à 24 ans représentent 16 % de la population mondiale et atteindront le nombre d’1,3 milliard d’ici à 2030. Les décisions qui sont prises aujourd’hui par les dirigeants politiques en matière de changement climatique ou sur d’autres questions environnementales auront une incidence sur les générations à venir. Il s’agit là du principe d’«équité intergénérationnelle».

3.3.

Les jeunes possèdent l’énergie, la créativité et la motivation pour contester les modèles non durables qui prévalent actuellement. Les changements sociaux suscités par les jeunes dépassent les limites générationnelles, culturelles et géographiques. Moins entravés que leurs aînés par des structures idéologiques ou institutionnelles, les jeunes ont démontré leur capacité à sortir du prêt-à-penser et à développer des solutions novatrices pour la société dans son ensemble.

3.4.

Dès lors que le changement climatique compromet la satisfaction des besoins fondamentaux de l’existence — boire, manger, se loger —, il est considéré comme la principale menace pour la santé humaine à l’échelle planétaire au XXIe siècle. Les enfants et les jeunes comptent parmi les plus vulnérables aux effets du changement climatique. En effet, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que ce sont eux qui souffriront de plus de 80 % des maladies, préjudices et décès qui lui seront imputables. Les enfants sont également plus sensibles aux conséquences indirectes du changement climatique, telles que les pénuries alimentaires, les conflits intergroupes, les désordres économiques et la migration. La vulnérabilité des enfants a été mise en évidence par la pandémie de COVID-19, lorsque leur exposition en tant que groupe dépendant a été clairement constatée.

3.5.

En outre, le changement climatique a des impacts psychosociaux, qui découlent non seulement de la confrontation directe à ses effets, mais aussi du spectacle de ces derniers sur autrui et de la prise de conscience de la menace qu’il représente pour l’avenir. Il est manifeste que le changement climatique suscite des réactions émotionnelles à grande échelle, y compris dans les pays à revenu élevé qui ne souffrent pas encore de ses effets directs. Des enquêtes ont montré que de nombreux jeunes étaient confrontés à des expériences de peur, de tristesse, de colère ou encore à un sentiment d’impuissance.

3.6.

En outre, la crise climatique est à l’origine d’une désagrégation de nos structures de soutien économique et social. Les jeunes doivent faire face à de graves problèmes économiques, sociaux, culturels, politiques et environnementaux hérités des générations précédentes. Ils sont touchés de manière disproportionnée par les crises économiques et les mesures d’austérité qui en découlent. Les plus défavorisés d’entre eux souffrent de précarité et de pauvreté prolongée. Ils sont confrontés à des obstacles supplémentaires, tels que des conditions de vie difficiles et des freins à l’accès à l’emploi, en raison de leur situation socio-économique, de leur orientation sexuelle, de leur identité ou expression de genre, de leur appartenance ethnique ou raciale, de leur statut migratoire, de leur handicap ou d’une autre situation.

4.   Tirer les leçons des structures et processus existants

4.1.

Au cours des dix-huit derniers mois, nous avons vu des enfants et des jeunes de toute la planète faire la grève et s’exprimer publiquement pour réclamer un changement. Certains s’inspirent de militants célèbres à l’échelle mondiale ou nationale; d’autres ne peuvent plus tolérer qu’une société de la «croissance à tout prix» reçoive des aides ou encore que des fonds publics soient utilisés pour soutenir des pratiques non durables, par exemple les subventions accordées aux combustibles fossiles et autres subventions dommageables à l’environnement. Depuis l’éclosion du mouvement #FridaysForFuture en août 2018, ce sont quelque 13 millions de jeunes qui ont participé aux grèves en faveur du climat, dans 228 pays (4).

Participation des jeunes au niveau national

4.2.

Certains pays de l’Union européenne ont depuis lors créé des mécanismes pour permettre aux représentants de la jeunesse de s’exprimer lors de l’élaboration des politiques en matière de climat. Au Danemark, le conseil des jeunes pour le climat est un organe consultatif indépendant dirigé par des jeunes, placé auprès du ministre du climat. Il recueille des contributions des jeunes de tout le pays et formule des propositions politiques concrètes à l’intention du ministre. Les propositions sont ensuite incluses dans les processus politiques, ce qui donne aux jeunes un moyen d’influer directement sur l’élaboration des politiques climatiques. Par ailleurs, il existe aussi des conseils des jeunes pour le climat au niveau local dans certaines villes du Danemark (5).

4.3.

De nombreux jeunes entrepreneurs réfléchissent aux aspects écologiques et sociaux dès le début de leurs activités. Il conviendrait de soutenir, au niveau national, les pratiques commerciales qui visent à réduire les incidences sur l’environnement, par exemple au moyen d’exonérations fiscales, et d’encourager ces évolutions positives des jeunes entrepreneurs qui mobilisent leur énergie pour créer des modèles économiques durables.

4.4.

Des initiatives telles que les parlements d’étudiants écologiques en Hongrie, qui formulent des propositions sur les questions environnementales à l’intention des administrations municipales, sont essentielles. En effet, elles ne sont pas seulement éducatives, mais donnent aussi l’occasion aux établissements scolaires de resserrer leurs liens avec les habitants de la ville et de renforcer la relation entre les écoles et les parents.

Participation des jeunes au niveau européen

4.5.

Le dialogue de l’Union européenne en faveur de la jeunesse est un processus participatif européen qui permet aux jeunes d’instaurer un dialogue avec des décideurs sur un sujet donné en apportant leurs idées et leurs propositions sur des thématiques liées à la politique de la jeunesse dans l’Union. Il soutient la mise en œuvre de la stratégie de l’Union européenne en faveur de la jeunesse pour la période 2019-2027 et il s’organise selon un cycle de travail de 18 mois.

4.6.

Le Conseil consultatif pour la jeunesse du Conseil de l’Europe représente, au sein de la structure de cogestion qui établit les normes et les priorités de travail du secteur de la jeunesse du Conseil de l’Europe, la partie non gouvernementale. Il formule des recommandations relativement aux priorités, programmes et budgets futurs. Il est composé de 30 représentants d’ONG et de réseaux actifs dans le domaine de la jeunesse en Europe, et sa mission principale est de conseiller le Comité des ministres sur toutes les questions relatives aux jeunes. Il promeut un système de cogestion dans les processus décisionnels à tous les niveaux, en tant qu’il s’agit d’une bonne pratique en matière de participation des jeunes, de démocratie et d’inclusion.

Participation des jeunes au niveau des Nations unies

4.7.

Au niveau des Nations unies, le grand groupe des Nations unies pour les enfants et les jeunes est le mécanisme officiel, formel et autonome qui, sous l’égide de l’Assemblée générale des Nations unies, permet aux jeunes de s’engager utilement au sein de cette organisation. Le grand groupe pour les enfants et les jeunes des Nations unies dispose de structures de travail et de coordination chargées des différents aspects de ses travaux, ainsi que de plusieurs mandats officiels.

4.8.

En ce qui concerne le climat, le groupe YOUNGO est l’assemblée officielle de la jeunesse pour la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Il est composé d’organisations et de personnes participant à titre individuel qui se reconnaissent en tant que jeunes. Il ne s’agit pas d’un organisme à proprement parler, mais plutôt d’un mécanisme unifié et ouvert de participation formelle, permettant à des groupes ou à des individus de contribuer aux processus de la CCNUCC de manière fréquente, formalisée, démocratique et inclusive.

4.9.

La nécessité d’une plus grande participation des jeunes a été reconnue lors du Sommet de la jeunesse pour le climat, qui s’est tenu à New York le 21 septembre dernier. L’initiative Kwon-Gesh, qui invite les jeunes à rappeler leurs responsabilités à leurs gouvernements et à leurs dirigeants respectifs, a été, depuis la tenue du sommet, approuvée par plus de 50 pays.

4.10.

La stratégie de l’ONU pour la jeunesse 2030 vise à répondre aux besoins des jeunes, à renforcer leur capacité d’action et à promouvoir leurs droits, ainsi qu’à garantir leur mobilisation et leur participation à la réalisation, à l’examen et au suivi du programme de développement durable à l’horizon 2030, ou encore aux autres programmes et instruments mondiaux pertinents.

S’inspirer d’autres plateformes

4.11.

La plateforme pluripartite sur les objectifs de développement durable créée par la Commission en 2017, à laquelle le CESE a participé activement, a joué un rôle important, mais elle a également laissé une vraie marge de manœuvre en vue d’améliorations pour ce qui est des contributions à ses travaux, de la fréquence de ses réunions, de l’autonomie dans la fixation du programme, des possibilités d’un débat élargi avec une participation active de ses membres, et de la facilitation de consultations publiques plus régulières, transparentes et accessibles.

4.12.

La plateforme des acteurs européens de l’économie circulaire, que gèrent conjointement le CESE et la Commission, offre un espace permettant à un large groupe de parties prenantes d’échanger des bonnes pratiques et des idées ainsi que de créer des réseaux fructueux. C’est dans la possibilité donnée aux parties prenantes de s’approprier cette plateforme que réside sa principale différence avec la plateforme pluripartite sur les ODD; il s’agit là d’une bonne pratique dont il convient de s’inspirer pour mettre en place d’autres mécanismes de participation structurée.

5.   Vision pour une participation de la jeunesse qui soit constructive

Principes

5.1.

Il est évident que les organisations de jeunesse ne veulent pas créer de nouveaux mécanismes de participation pour des procédures qu’elles jugent de toute façon inefficaces. La crise climatique a des racines plus profondes, et proposer des solutions pour y répondre revient à poser des questions fondamentales sur la société dans laquelle nous voulons vivre à l’avenir, et sur la vision de l’économie que nous voulons créer pour avancer dans le sens d’une société neutre pour le climat. Si l’objectif est de modifier structurellement le système, et non le climat, il pourrait être nécessaire de ne pas s’en tenir à informer les jeunes sur le changement climatique et d’encourager leur activisme. Ce serait peut-être plutôt le moment de reconnaître les multiples facettes, formes, espaces et expressions que revêt le désaccord des jeunes (6). Ainsi, les questions horizontales qui ont un lien étroit avec une politique climatique efficace, telles que les problématiques monétaires, devraient également faciliter la participation des jeunes.

5.2.

Pour que la participation soit fructueuse, il convient que les jeunes soient associés à l’ensemble du déroulement du processus institutionnel: phases préparatoires, mise en œuvre, suivi et évaluation des initiatives et des processus politiques. De nombreux canaux de consultation ont déjà mis en place un cadre et donnent lieu à des déséquilibres de pouvoir. Il est important que les jeunes s’approprient leur propre participation et soient en mesure de cocréer le programme à suivre avec les parties prenantes institutionnelles.

5.3.

En guise de point de départ, il serait utile de recenser les obstacles à la participation des jeunes. Il peut s’agir de barrières de nature juridique ou administrative, ou encore liées à un manque de sensibilisation ou à un accès insuffisant aux informations quant à la participation des jeunes et aux mécanismes de représentation. Il convient également de s’attaquer aux obstacles sociaux, économiques et culturels qui entravent leur participation. Le rôle des conversations informelles dans le domaine social et culturel ou des échanges d’informations, par exemple entre pairs ou au sein des familles, ne devrait pas être sous-estimé. Il devrait être clair que chacun est en droit de participer.

5.4.

Il va sans dire que des ressources sont indispensables pour aider à développer les connaissances et les compétences nécessaires et garantir l’égalité des chances en matière de participation constructive, y compris pour les jeunes qui participent à des mécanismes de participation et de représentation des jeunes. Les gouvernements et les institutions concernées devraient fournir des ressources suffisantes, structurelles, fiables et durables, et apporter le soutien politique dont les organisations de jeunesse ont besoin pour trouver leur place dans des mécanismes de participation et de représentation des jeunes.

5.5.

Le mouvement des jeunes pour le climat et ses militants ont le droit de s’exprimer dans les processus décisionnels qui auront une incidence sur leur vie. Il s’agit également d’une composante évidente de l’aspect intergénérationnel de la justice climatique.

5.6.

L’Union européenne doit continuer à montrer la voie dans un dialogue novateur avec les parties prenantes. En tant que «foyer» de la société civile au cœur des institutions, le CESE constitue un intermédiaire et un partenaire naturel pour assurer la mise en œuvre de cette participation structurée.

Proposition concrète

5.7.

À l’échelon européen, le CESE n’a eu de cesse de déclarer (7) qu’il y avait lieu de donner à la société civile un mandat clair et de garantir sa participation structurée à l’élaboration, à la mise en œuvre et au suivi des politiques et des stratégies visant à parvenir à la neutralité climatique. L’Union européenne a aujourd’hui une opportunité de créer des mécanismes d’engagement au moyen d’un pacte européen pour le climat. Le mécanisme de participation des jeunes sur le climat et la durabilité devrait faire partie intégrante de ce pacte, facilité par des organisations de jeunesse.

5.8.

Il convient que les décideurs de l’Union européenne créent un espace de dialogue régulier et constructif avec les jeunes sur les propositions et stratégies politiques dans le domaine du climat et de la durabilité. Des tables rondes de la jeunesse pour le climat et la durabilité, facilitées par le premier vice-président exécutif de la Commission, devraient avoir lieu deux fois par an à Bruxelles.

5.9.

Ces tables rondes de la jeunesse pour le climat et la durabilité devraient être organisées par le CESE en coopération avec la Commission et le Parlement européen.

5.10.

Les contributions des jeunes aux tables rondes devraient être recueillies et officiellement transmises au Parlement européen et à la Commission, les deux institutions étant tenues d’y apporter une réponse écrite indiquant les propositions qui peuvent être mises en œuvre et justifiant les motifs d’acceptation ou de refus. Ces tables rondes ne devront pas être de simples «lieux d’échange», mais témoigner plutôt d’une participation constructive, avec des réponses précises de la part des décideurs politiques.

5.11.

On pourrait également prévoir, en plus de la réunion avec la Commission et le Parlement européen, d’inviter la présidence en exercice. Cela permettra de garantir que les jeunes puissent entamer un dialogue avec le Conseil de l’Union. Les tables rondes pourraient être programmées pour se tenir au moment de la rotation des présidences, afin que les jeunes puissent avoir un véritable impact sur le programme de celles-ci.

5.12.

Afin de créer un canal de communication avec les jeunes, il conviendrait d’établir une liste de diffusion du dialogue des jeunes pour le climat et la durabilité, qui serait gérée par les facilitateurs des tables rondes de la jeunesse pour le climat et la durabilité, en s’inspirant de l’exemple de l’assemblée de la jeunesse des Nations unies. Cette liste de diffusion serait ouverte à tous les jeunes acteurs du climat, elle faciliterait une communication et un échange d’informations efficaces au sein du groupe et avec les institutions.

5.13.

Les responsables politiques de l’Union européenne devraient veiller à ce que les organisations de jeunesse soient associées de manière qualitative à l’élaboration, à la mise en œuvre et au suivi des différents mécanismes de participation structurée des jeunes sur le climat et la durabilité dans les processus décisionnels de l’Union européenne. Un tel dispositif contribuera à susciter une participation qui encourage la créativité et les idées des jeunes tout en veillant à ce que ces idées se traduisent en actions politiques.

6.   Mise en œuvre pratique de la vision par toutes les institutions de l’Union européenne

Institutions de l’Union européenne

6.1.

Des dizaines de délégués très investis de la jeunesse du monde entier participent aux conférences annuelles sur le climat afin de formuler des recommandations, d’exhorter les délégués, de faire le bilan des progrès accomplis, d’organiser et de participer à des manifestations parallèles ou encore de se constituer leurs réseaux. L’ajout d’un(e) délégué(e) de la jeunesse au sein de la délégation de l’Union sur la protection du climat pour les COP de la CCNUCC permettrait de démontrer que les institutions de l’Union sont déterminées à dialoguer avec les jeunes de manière fructueuse.

6.2.

La convention d’Aarhus, à laquelle l’Union européenne est partie, devrait être pleinement appliquée, accorder des possibilités aux jeunes et aux organisations de jeunesse et soutenir leur accès à la justice devant la Cour de justice de l’Union européenne en vue de sauvegarder leur droit de recevoir des informations environnementales des pouvoirs publics ou celui de participer à la prise de décisions en matière d’environnement (8).

6.3.

Les jeunes et les organisations de jeunesse devraient être associés à la réponse continue de l’Union à la crise de la COVID-19 et œuvrer en faveur d’un changement radical de nos systèmes sociaux, économiques et politiques, mettant les principes du développement durable au cœur de ceux-ci. Doté de plus de 500 milliards d’euros, le train de mesures de réaction annoncé en avril 2020 doit garantir que ces principes soient la pierre angulaire de son déploiement. Il s’agit d’une occasion unique de corriger les inégalités systémiques et d’assurer une transition qui tourne le dos aux pratiques non durables.

6.4.

Il importe que les organisations de jeunesse bénéficient de mesures de renforcement des capacités qui les aident à s’orienter dans les environnements réglementaires et administratifs. Le renforcement des capacités, l’apport d’un soutien politique et financier, ainsi que la facilitation de la mise en réseau et des connexions, permettront de donner aux jeunes les moyens d’agir et de favoriser leur participation aux processus de prise de décision.

Le CESE

6.5.

Le CESE devrait montrer l’exemple en incluant le/la délégué(e) de la jeunesse de l’Union dans sa délégation aux COP de la CCNUCC, qui a le statut d’observateur au sein de la délégation de l’Union européenne. Ce/cette délégué(e) de la jeunesse participerait aux réunions bilatérales et aux manifestations parallèles du CESE. Il/elle pourrait communiquer sur le processus en cours et les résultats avec les organisations et réseaux de jeunes, notamment le réseau des tables rondes de la jeunesse pour le climat et la durabilité. Pour ces missions, il/elle bénéficierait du soutien apporté par le secrétariat du CESE.

6.6.

Le CESE pourrait s’engager à dialoguer avec un(e) représentant(e) de la jeunesse pour chacun de ses avis portant sur le climat ou le développement durable. Ce/cette représentant(e) fournirait au rapporteur une contribution sur le point de vue des jeunes et serait invité(e) à en faire une présentation lors d’une audition, d’une réunion du groupe d’étude ou d’une réunion de section, selon le cas. Le/la représentant(e) de la jeunesse pourrait être choisi(e) par le rapporteur du CESE sur la base des recommandations des facilitateurs du dialogue des jeunes pour le climat et la durabilité. Son rôle pourrait être défini selon un arrangement informel, similaire à celui d’un rapporteur fictif.

6.7.

Le CESE a déjà commencé à offrir à des représentants des jeunes la possibilité de s’exprimer régulièrement lors d’événements publics en matière de climat et de durabilité. Au cours du prochain mandat, cette pratique devrait être étendue à toutes les manifestations publiques qui concernent des questions d’avenir et qui gagneraient à profiter d’une contribution des jeunes.

6.8.

Le sommet européen de la jeunesse pour le climat, organisé conjointement par le CESE et le Parlement européen, pourrait devenir un événement annuel pour les jeunes. Cet événement peut contribuer à améliorer la défense des droits des jeunes, à renforcer leurs capacités et leur autonomisation, et à établir des liens entre les institutions européennes, ce qui serait essentiel pour une participation significative, structurée et durable des jeunes au processus décisionnel de l’Union.

6.9.

Le CESE demande que le Parlement européen mette également en place un processus formel de consultation des représentants des jeunes lors de l’élaboration de ses positions sur les propositions politiques en matière de climat et de durabilité.

6.10.

Le CESE pourrait miser sur son avenir en garantissant une représentation suffisante des organisations de jeunesse en son sein et assurer également un échange d’expériences et de connaissances avec les sections de jeunesse des organisations membres. De nombreuses organisations membres du CESE ont des sections de jeunesse: il conviendrait d’encourager activement davantage de membres à nouer des contacts avec de futurs membres potentiels issus de ces sections de leurs organisations. Le CESE continue de promouvoir l’engagement des jeunes par l’intermédiaire de l’excellente manifestation «Votre Europe, votre avis!», qui, malgré son report cette année en raison de la COVID-19, se tiendra de nouveau l’année prochaine et sera axée sur le climat et la durabilité.

7.   Adopter une vision positive pour l’avenir

7.1.

Les conséquences les plus désastreuses de la crise climatique sont encore très éloignées des préoccupations de la plupart des Européens. La pandémie de COVID-19 nous donne un exemple concret de ce qui peut se passer lorsque l’avis des scientifiques et des experts est ignoré. Elle a également montré que la mise en place d’une politique fondée sur des données scientifiques exactes peut être efficace pour faire face à une crise. Cette leçon doit être appliquée à la crise climatique: nous avons encore le temps de prévenir certaines des conséquences les plus graves et de nous préparer pour le reste.

7.2.

La conception et la mise en œuvre de l’action de relance pour réagir aux effets économiques négatifs de la pandémie doivent maintenir les engagements pris en matière d’action pour le climat et de durabilité au premier plan de l’action politique. Le programme de développement durable des Nations unies à l’horizon 2030 et l’accord de Paris constituent l’épine dorsale du multilatéralisme international dans le traitement de ces questions, et il convient de renforcer le pacte vert pour l’Europe afin de mettre en place la future société durable, neutre sur le plan des émissions de carbone, qui respectera les engagements intergénérationnels.

7.3.

Le mouvement de la jeunesse a fait preuve d’une grande capacité d’adaptation lors du confinement lié à la pandémie. Son message a fait écho, grâce à la mobilisation en ligne et à des manières innovantes de faire passer des messages, par un recours à toutes les formes de communication, depuis les revendications politiques jusqu’à l’humour. Cette approche novatrice et ambitieuse pour concevoir notre avenir doit être reconnue et prise en compte.

7.4.

Abstraction faite de ses effets par ailleurs dévastateurs, on a pu avoir, lors de la crise de la COVID-19, un aperçu positif de ce que pourrait être l’avenir. Les travailleurs les moins rémunérés de notre économie ont été reconnus comme essentiels. Notre main-d’œuvre est apparue plus souple qu’on ne l’avait jamais imaginé. Le lien avec la famille et notre environnement immédiat a été perçu comme étant extrêmement gratifiant et précieux. L’importance que revêt l’accès à la nature pour la santé et le bien-être est apparue au grand jour. Il nous appartient à présent de veiller à tirer les enseignements positifs de l’expérience acquise et de les appliquer en tant que composantes essentielles d’une nouvelle normalité.

Bruxelles, le 18 septembre 2020.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Objectifs de développement durable des Nations unies.

(2)  Commission européenne: «L’heure de l’Europe: réparer les dommages et préparer l’avenir pour la prochaine génération» [COM(2020) 456 final] et document d’accompagnement: «Le budget de l’Union: moteur du plan de relance pour l’Europe».

(3)  https://news.un.org/en/story/2020/04/1061772

(4)  Source: Fridays for future: statistiques relatives aux grèves.

(5)  Source: Conseil de la jeunesse pour le climat auprès des Nations unies.

(6)  Source: Ecology and Society: Exploring youth activism on climate change: dutiful, disruptive, and dangerous dissent [Étudier l’activisme des jeunes contre le changement climatique: une dissidence dévouée, perturbatrice et dangereuse].

(7)  Voir les avis du CESE sur le thème «Promouvoir des actions en faveur du climat par des acteurs non étatiques: un cadre de l’Union européenne pour encourager des actions plus nombreuses et de meilleure qualité» (JO C 227 du 28.6.2018, p. 35) et sur le «Pacte européen pour le climat» (JO C 364 du 28.10.2020, p. 67).

(8)  Avis du CESE sur l’accès à la justice au niveau national en rapport avec les mesures d’application du droit environnemental de l’Union européenne (JO C 129 du 11.4.2018, p. 65).