COMMISSION EUROPÉENNE
Bruxelles, le 25.6.2020
COM(2020) 259 final
RAPPORT DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL
sur la mise en œuvre de la directive-cadre «stratégie pour le milieu marin»
{SWD(2020) 60 final} - {SWD(2020) 61 final} - {SWD(2020) 62 final}
Rapport sur la mise en œuvre de la directive-cadre «stratégie pour le milieu marin»
1.Introduction
Dans le monde, les océans représentent 71 % de la surface de la Terre et 99 % de l’espace habitable de celle-ci en volume. Ils abritent des habitats permettant une riche biodiversité marine (pourtant souvent inconnue), ainsi que les plus grandes créatures connues. Les océans contribuent aussi à offrir des services essentiels aux populations, comme la fourniture de nourriture, la régulation du climat et les loisirs. Plus de la moitié de l’oxygène que nous respirons provient d’organismes marins et un quart des émissions anthropiques annuelles de CO2 dans l’atmosphère est absorbé par les eaux marines. L'océan est le plus grand réservoir de carbone de la planète (50 fois plus grand que l’atmosphère) et participe activement au cycle du carbone. C'est pourquoi protéger le milieu marin est vital non seulement pour la conservation de la biodiversité, mais aussi pour le bien-être des êtres humains et de la planète. C’est aussi décisif pour l’économie. Par exemple, l’économie bleue de l’Union européenne, qui est fondée sur des secteurs dépendant directement ou indirectement de l’état sanitaire de nos mers, océans et côtes, a généré un chiffre d’affaires de 658 milliards d’euros en 2017.
Cependant, le milieu marin et ses écosystèmes sont toujours victimes de nombreuses pressions et incidences découlant d’activités humaines, comme la pêche, les perturbations des fonds marins, la pollution ou le réchauffement climatique. En réaction à cela, l’Union européenne a élaboré la directive-cadre «stratégie pour le milieu marin» (ci-après la «DCSMM») en tant que politique globale visant à protéger le milieu marin des mers d’Europe tout en permettant l’utilisation durable des biens et des services marins.
L’Union européenne a lancé un pacte vert pour l’Europe, une stratégie ambitieuse visant à protéger et rétablir la biodiversité et à faire de l’Europe le premier continent neutre pour le climat. Le changement climatique, la biodiversité, la santé et la sécurité alimentaire vont de pair. C’est pourquoi la conservation de l’environnement naturel de l’Europe, y compris de nos océans et de nos mers, est une composante essentielle du pacte vert. Par conséquent, il est indispensable que la directive-cadre «stratégie pour le milieu marin» soit couronnée de succès pour que l’Union européenne atteigne ses objectifs généraux, tels que l’enraiement de la perte de la biodiversité marine et la progression vers une société «zéro pollution».
Par le présent document, la Commission satisfait à l’exigence juridique qui lui incombe de publier un rapport sur la mise en œuvre de la directive, en s’appuyant sur les rapports précédents qu’elle a publiés tout au long du premier cycle de mise en œuvre.
La DCSMM est en vigueur depuis 2008. Elle fait obligation aux États membres de mettre en place des stratégies marines nationales pour parvenir à un «bon état écologique», ou maintenir un tel état lorsqu’il existe, d’ici à 2020. La directive est mise en œuvre dans le cadre d’un cycle de six ans comportant trois grandes étapes:
(1)en 2012 et 2018, les États membres devaient présenter un rapport sur l’état de leurs eaux marines et fixer des objectifs pour atteindre un bon état écologique sur la base des onze «descripteurs» (objectifs) prévus par la DCSMM, qui couvrent l’état sanitaire des écosystèmes ainsi que les pressions et incidences humaines qui les affectent;
(2)en 2014, les État membres devaient mettre en place des programmes de surveillance pour collecter des données afin d’évaluer les progrès accomplis dans l’obtention d’un bon état écologique et la réalisation des objectifs;
(3)en 2016, les États membres devaient mettre en place des programmes de mesures qui les aideraient à atteindre leurs objectifs et, en 2018, ils devaient présenter un rapport sur les progrès accomplis dans la mise en œuvre de ces programmes.
«“[B]on état écologique”: état écologique des eaux marines tel que celles-ci conservent la diversité écologique et le dynamisme d’océans et de mers qui soient propres, en bon état sanitaire et productifs dans le cadre de leurs conditions intrinsèques, et que l’utilisation du milieu marin soit durable, sauvegardant ainsi le potentiel de celui-ci aux fins des utilisations et activités des générations actuelles et à venir [...]. Le bon état écologique est défini à l’échelle de la région ou de la sous-région marine [...] sur la base des [onze] descripteurs qualitatifs prévus à l’annexe I» (extrait de l’article 3, point 5, de la DCSMM)
La Commission a évalué chaque étape des stratégies nationales dans des rapports réguliers et les annexes les accompagnant (voir note de bas de page 6), a recensé les lacunes dans la mise en œuvre et a adressé des orientations à chaque État membre. Le deuxième cycle de mise en œuvre a officiellement commencé en octobre 2018 mais est entaché d’importants retards dans la présentation des rapports.
Le présent rapport porte sur la mise en œuvre de la DCSMM au cours de son premier cycle de mise en œuvre et s’accompagne de trois documents de travail des services de la Commission. Un réexamen plus approfondi de cette directive, conformément aux exigences d’une meilleure réglementation, sera réalisé dès que possible, et au plus tard en 2023. Le présent rapport repose sur les informations fournies au titre de la DCSMM par les États membres, la Commission, les observateurs externes et les experts. Il porte principalement sur les messages et enseignements stratégiques clés tirés du premier cycle de mise en œuvre.
2.Principaux accomplissements concernant la mise en œuvre de la DCSMM
2.1.L’approche globale
L’approche fondée sur les écosystèmes vise à garantir que les pressions cumulées des activités humaines n’excèdent pas des niveaux compromettant la capacité des écosystèmes à rester en bon état sanitaire, propres et productifs. En vertu de la DCSMM, l’approche fondée sur les écosystèmes est devenue un principe juridiquement contraignant et opérationnel pour gérer l’ensemble du milieu marin de l’Union européenne.
L’«approche fondée sur les écosystèmes» est une stratégie de gestion intégrée des terres, des eaux et des ressources vivantes, qui favorise la conservation et l’utilisation durable d’une manière équitable. Le but de la gestion fondée sur les écosystèmes est de maintenir le bon état sanitaire, la productivité et la résilience de l’écosystème, de sorte qu’il puisse fournir les biens et services que les êtres humains veulent et ceux dont ils ont besoin. La gestion fondée sur les écosystèmes diffère des approches actuelles, qui se concentrent habituellement sur une seule espèce, activité ou préoccupation ou sur un seul secteur; elle tient compte des incidences cumulées de différents secteurs.
La DCSMM est l’un des cadres juridiques internationaux de protection du milieu marin les plus ambitieux, alignant les efforts de 23 États côtiers et cinq États enclavés – en coordination avec des pays tiers – pour appliquer une gestion fondée sur les écosystèmes et pour parvenir à bon état écologique sur 5 720 000 km2 de superficie maritime couvrant quatre régions marines, soit une superficie un quart plus grande que le territoire terrestre de l’Union européenne. La portée de la directive s’étend du littoral à la haute mer. Elle protège donc l’ensemble de la biodiversité marine – des algues unicellulaires aux gigantesques cétacés –, analyse tous les aspects environnementaux – des fonctions écosystémiques aux propriétés chimiques –, et évalue les effets de toutes les activités humaines – du tourisme à la pêche commerciale au chalut de fond.
La mise en œuvre d’une approche aussi globale et l’évaluation de la durabilité nécessitent que les propriétés des écosystèmes et les pressions humaines (y compris les pressions émanant de sources terrestres ou atmosphériques) soient connues et prises en considération dans les décisions de gestion. C’est pourquoi la DCSMM exige qu’une planification intégrée (les stratégies marines) soit élaborée sur la base de onze descripteurs et d’un certain nombre de critères et paramètres devant être évalués par chacun des États membres.
2.2.Exploration de l’inconnu
Lorsque la DCSMM a été adoptée, il était évident que l’Union européenne avait besoin a) d’appliquer une gestion globale du milieu marin, fondée sur les écosystèmes, et b) de passer de la protection d’un nombre limité seulement d’habitats et d’espèces prioritaires à la protection de l’ensemble de l’écosystème marin. Toutefois, les données et les connaissances relatives au milieu marin étaient (et sont toujours) rares pour certains sujets et certaines régions. Dès lors, la DCSMM a créé un cadre juridique harmonisé pour garantir des améliorations constantes de la collecte de données. La DCSMM a notamment encouragé la conception de programmes complets de surveillance du milieu marin au sein des stratégies marines nationales. Ces programmes de surveillance devraient mesurer l’état du milieu marin, la réalisation des objectifs environnementaux et l’efficacité des mesures [SWD(2020) 60].
La DCSMM a donné lieu à des initiatives de recherche appliquée qui ont informé les experts, les gestionnaires et les décideurs politiques. À titre d’exemple, on peut citer l’évaluation des déchets marins et des sources sonores sous-marines, deux sujets qui étaient très peu compris avant la DCSMM. Sur la base de la surveillance et des connaissances générées sur les déchets marins dans le cadre de la DCSMM, l’Union européenne a adopté une nouvelle législation pour réduire les plastiques à usage unique et les engins de pêche perdus, qui représentent quelque 70 % de l’ensemble des déchets sur les plages. La DCSMM a incité à élaborer des enquêtes sur la surveillance des sources sonores sous-marines et à créer un certain nombre de registres pour le bruit sous-marin impulsif. En outre, l’analyse de l’intégrité des fonds marins et l’analyse de l’ensemble des réseaux trophiques sont de nouvelles approches qui puisent largement leurs origines dans les exigences de la DCSMM.
Les évaluations, les réseaux de surveillance et les programmes de mesures de la DCSMM canalisent les efforts non seulement vers de nouveaux domaines de recherche, mais aussi vers l’amélioration de la gestion et de la cohérence des politiques. Toute une série d’actes législatifs existants sont déjà valables et pertinents pour la directive. Au sein de l’Union européenne, il s’agit en particulier de la directive-cadre sur l’eau
, des directives «Oiseaux» et «Habitats» et de la politique commune de la pêche. Un accomplissement clé dans la mise en œuvre de chaque étape de la DCSMM a été le recensement de lacunes dans les connaissances. Cela a aidé les États membres, les institutions de l’Union et les parties prenantes à déterminer des besoins essentiels en matière de gestion et de recherche. La directive a notamment permis d’améliorer les connaissances relatives à l’état des eaux marines de l’Union [SWD(2020) 61], bien qu’il reste compliqué d’intégrer et d’harmoniser ces connaissances au niveau de l’Union.
2.3.Efforts conjoints
La DCSMM exige une contribution sans précédent et coordonnée des États membres. Pour faciliter ce travail, les États membres et la Commission (conjointement avec les conventions sur la mer régionale et d’autres parties prenantes) ont mis en place un programme informel de coordination, la stratégie de mise en œuvre commune. Au moins 280 experts des États membres, jusqu’à 70 participants d’institutions de l’Union européenne et plus de 100 observateurs enregistrés ou parties prenantes sont associés à cette stratégie. La stratégie de mise en œuvre commune est dirigée par les directeurs des questions marines de l’Union et organisée par le groupe de coordination de la stratégie pour le milieu marin. Trois groupes de travail se penchent sur les questions principales: le bon état écologique; les programmes de mesures et l’analyse socio-économique; et les données et l’échange d’informations et de connaissances. Quatre sous-groupes techniques se penchent sur les domaines émergents suscitant des préoccupations particulières: les sources sonores sous-marines, les déchets marins, l’intégrité des fonds marins et les données marines. Tous les groupes mettent au point des approches communes pour mettre la directive en œuvre, puis les approuvent (généralement par consensus). À ce jour, 15 documents d’orientation ont été adoptés. Le nombre de réunions (en moyenne 18 réunions sur la stratégie de mise en œuvre commune par an), la spécialisation progressive et la nécessité d’une coordination pour éviter les cloisonnements thématiques constituent de grands défis pour le processus de mise en œuvre.
La stratégie de mise en œuvre commune est très bénéfique pour la mise en œuvre de la directive, en ce qu’elle rend le processus plus efficace. En outre, les structures de la stratégie sont considérées comme étant de précieuses plateformes pour échanger des informations et instaurer la confiance dans le processus décisionnel. Une majorité des membres participant à la stratégie de mise en œuvre commune conviennent que la structure et le programme de travail de la stratégie sont adaptés aux objectifs, tandis que les procédures existantes pourraient être rationalisées/simplifiées, de sorte que plus de temps puisse être consacré à discuter des évaluations de la Commission et que la directive puisse être mieux reliée à d’autres directives, en particulier en ce qui concerne l’élaboration des rapports.
2.4.Participation du public et connaissance des océans
L’accès à l’information en matière d’environnement, la participation du public à la prise de décisions en matière d’environnement et l’accès à la justice sont des principes généraux promus au niveau international dans les engagements environnementaux. La DCSMM comprend des exigences expresses en vue de contribuer à la mise en œuvre de ces engagements. La DCSMM a établi un mécanisme transparent pour concevoir et appliquer les stratégies marines nationales et pour suivre le processus au niveau européen (par exemple, la mise en œuvre peut être suivie au moyen de plateformes ouvertes de partage d’informations). Il est expressément exigé que les États membres promeuvent la participation active de toutes les parties intéressées. De plus, à chaque étape de la mise en œuvre, un processus de consultation publique est organisé par chacun des 23 États membres côtiers [SWD(2020) 60]. Nombre des programmes de mesures au titre de la DCSMM comprennent aussi des campagnes de sensibilisation.
La DCSMM a permis d’attirer l’attention sur l’état sanitaire des écosystèmes marins, par exemple de percevoir l’effet brut de la pollution d’origine terrestre, dont les plastiques, sur la mer. Le processus de consultation publique a permis d’associer la société civile et les parties prenantes de toute l’Europe à l’élaboration des stratégies marines nationales. Ces activités de consultation et d’engagement, ainsi que le flux de données généré, continueront de jouer un rôle significatif pour contribuer à la connaissance des océans par le public européen et pour sensibiliser à l’influence de l’océan sur les vies humaines et aux conséquences des activités humaines et du comportement des personnes sur les écosystèmes marins.
2.5.Coopération régionale
Le caractère transfrontière de certaines pressions et certains écosystèmes fait qu’il est très difficile d’assurer la gestion au seul niveau des États membres. La DCSMM dresse la liste des régions et sous-régions autour desquelles la directive est appliquée, exige une coordination régionale entre États membres et encourage la coopération avec les pays tiers. Elle indique que les conventions sur la mer régionale peuvent être les vecteurs de cette coopération. De manière générale, au cours des dix dernières années, les conventions sur la mer régionale i) sont devenues, dans la plupart les cas, de bonnes plateformes pour la mise en œuvre de la DCSMM au sein desquelles les parties contractantes ont collaboré et partagé leurs approches, en étroite collaboration avec la stratégie de mise en œuvre commune de la DCSMM; ii) ont soutenu la coopération et l’entente concernant les actions et les objectifs avec les pays tiers; et iii) ont bénéficié d’une contribution technique et financière considérable de l’Union européenne pour développer leurs programmes de travail.
Les quatre conventions sur la mer régionale existant en Europe ont le même objectif général (la protection du milieu marin) et adoptent l’approche fondée sur les écosystèmes, mais elles diffèrent sur le plan de la structure, de la capacité scientifique et opérationnelle, de la gouvernance (y compris le contrôle de la conformité) et du degré de facilitation qu’elles offrent aux États membres de l’Union participants dans la mise en œuvre de la DCSMM. La notion de «bon état écologique» et la fixation d’objectifs environnementaux incluses dans la DCSMM ont été intégrées dans certaines conventions sur la mer régionale, mais pas toutes. Dans certains cas, il existe une préférence pour la description des tendances (à l’amélioration ou à la détérioration) plutôt que pour la définition de critères pour déterminer si l’état est bon ou pas. D’une manière ou d’une autre, les conventions sur la mer régionale élaborent régulièrement des rapports sur l’état du milieu marin, en tentant d’aligner leur calendrier sur le cycle de six ans de la DCSMM, adoptent des plans d’action et coordonnent les activités de contrôle.
Parallèlement, les conventions sur la mer régionale bénéficient des ressources humaines considérables que la DCSMM a mobilisées et des connaissances qu’elle a générées depuis son adoption. Le financement de l’Union européenne a contribué à un nombre considérable de projets visant la mise en œuvre coordonnée de la DCSMM et l’élaboration de plans d’action des conventions sur la mer régionale dans toutes les régions marines. La lutte contre les déchets marins constitue un bon exemple de la manière dont un financement ciblé et substantiel de l’Union provenant de plusieurs sources est utilisé pour mettre en œuvre des plans d’action régionaux de lutte contre les déchets marins, permettant d’atteindre simultanément des objectifs régionaux et européens, voire mondiaux.
2.6.Les engagements globaux
La DCSMM est un pilier essentiel pour permettre à l’Union européenne de tenir ses engagements globaux à protéger le milieu marin et à élaborer une approche durable de la gestion des océans, ainsi que le reconnaît l’initiative de l’Union relative à la gouvernance internationale des océans. Elle joue également un rôle important pour faire en sorte que les mesures prises dans les différents États membres soient plus cohérentes.
Ainsi que confirmé le plus récemment par le Programme 2030, mais aussi compte tenu de dizaines d’années de reconnaissance par la communauté mondiale, l’approche fondée sur les écosystèmes est vitale pour «conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines aux fins du développement durable» (objectif de développement durable 14). Le contrôle et l’évaluation exigés par la DCSMM aident l’Union européenne à atteindre la plupart des cibles de l’ODD 14, qui couvrent la gestion durable, les zones protégées, la pollution causée par les déchets marins et l’eutrophisation, l’acidification, les incidences de pratiques de pêche non durables, les connaissances scientifiques et la mise en œuvre du droit international. Au niveau des bassins maritimes, une étroite collaboration régionale des États membres au sein des conventions sur la mer régionale pertinentes facilite la coordination de la mise en œuvre et de l’évaluation régionales des ODD relatifs aux océans, conjointement avec la directive.
La DCSMM prévoit l’objectif réglementaire suivant: «[l]a diversité biologique est conservée» en tant que pierre angulaire pour parvenir à un bon état écologique des océans et des mers. Elle évalue l’état des groupes d’espèces marines (y compris les oiseaux, les mammifères et les poissons) et les types d’habitats pélagiques et des fonds marins. Elle fournit donc un cadre juridique visant à contribuer aux engagements de la convention sur la diversité biologique (CDB) et à la future stratégie de l’Union en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030. La DCSMM comprend également l’instauration de zones marines protégées et d’autres mesures de protection spatiale formant des réseaux cohérents et représentatifs, conformément aux engagements internationaux.
La directive intègre l’exigence de la convention des Nations unies sur le droit de la mer consistant à observer et à mesurer les risques de pollution et les effets de la pollution sur les eaux marines de l’Union européenne. Elle prévoit également diverses obligations exigeant des États membres qu’ils prennent des mesures pour prévenir, réduire et contrôler la pollution du milieu marin d’origine tellurique, pour prévenir la pollution des fonds marins et de leurs sous-sols, et pour prévenir l’introduction d’espèces non indigènes. La DCSMM incorpore aussi les dispositions de la convention des Nations unies sur le droit de la mer relatives à la pêche et à l’aquaculture durables, ainsi qu’à l’innovation et à l’investissement dans la recherche. Enfin, mais non moins important, par son insistance sur la coopération régionale, la DCSMM facilite l’obligation des États membres, au titre de ladite convention, de coopérer pour protéger le milieu marin.
La première fois que les océans ont été mentionnés dans un accord sur le climat, c’était dans l’accord de Paris, qui reconnaissait leur rôle essentiel dans le système climatique mondial. À l’heure actuelle, la plupart des engagements nationaux au titre de l’accord de Paris concernent les écosystèmes marins; les principales préoccupations soulevées par les gouvernements sont les incidences sur les côtes, sur le réchauffement des océans et sur la pêche. La DCSMM et ses stratégies marines globales fournissent un bon cadre (qui n’est toujours pas pleinement utilisé) pour suivre les incidences sur le changement climatique, étudier l’atténuation du changement climatique et appliquer l’approche fondée sur les écosystèmes à l’adaptation au changement climatique dans le milieu marin. Dans le cadre des efforts visant à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050, telle que prévue par le pacte vert, l’Europe connaîtra probablement une augmentation sans précédent de la production d’énergie renouvelable en mer, ce qui aura inévitablement des conséquences sur les espèces et habitats marins.
3.Principaux liens entre les politiques de l’Union européenne et la DCSMM
Le cadre de la DCSMM visant à protéger la biodiversité et à garantir une utilisation durable des ressources marines de l’Union est, dans une large mesure, soutenu par d’autres instruments juridiques de l’Union européenne. La présente section examine les neuf politiques de l’Union les plus souvent citées par les États membres comme contribuant aux programmes de mesures au titre de la DCSMM, ainsi que les politiques récemment élaborées pour lutter contre la pollution causée par le plastique. En général, la DCSMM i) intègre toutes les informations (officielles) disponibles concernant les eaux marines de l’Union dans les stratégies marines nationales, et ii) évalue la situation afin de gérer efficacement le milieu marin. De nouveaux concepts stratégiques tels que des valeurs seuils pour définir le bon état écologique sont élaborés en vue de mettre les stratégies en œuvre et de compléter les valeurs seuils existant dans d’autres politiques.
3.1.La directive-cadre sur l’eau et la directive relative au traitement des eaux urbaines résiduaires
De nombreux problèmes touchant les milieux fluvial et marin sont d’origine terrestre. C’est pourquoi la DCSMM et la directive-cadre sur l’eau ciblent une série de pressions et des vecteurs (utilisations et activités humaines) similaires et ont un grand nombre de mesures en commun. Les mesures prévues par la DCSMM concernant l’eutrophisation marine, les contaminants, la modification des conditions hydrographiques et la biodiversité s’appuient sur celles présentées au titre de la directive-cadre sur l’eau. Seuls un tiers des plans de gestion de district hydrographique examinés dans le cinquième rapport sur la mise en œuvre de la directive-cadre sur l’eau mentionnaient la nécessité de mesures supplémentaires afin de contribuer à la DCSMM. Certains États membres ont volontairement inclus des mesures de lutte contre, par exemple, les déchets fluviaux afin de contribuer à la mise en œuvre de la DCSMM.
Sur le plan de la couverture spatiale, les deux directives s’appliquent aux eaux côtières et territoriales, la DCSMM couvrant expressément les seuls aspects non abordés par la directive-cadre sur l’eau dans les eaux côtières (par exemple, les sources sonores sous-marines et les déchets marins) et la directive-cadre sur l’eau ne s’appliquant aux eaux territoriales que pour l’état chimique. En 2017, la Commission a actualisé la décision DCSMM afin de déterminer le bon état écologique. La décision de 2017 exige que les États membres réutilisent les évaluations menées au titre de la directive-cadre sur l’eau pour l’eutrophisation marine, les contaminants et l’altération des conditions hydrographiques. Toutefois, comme déjà indiqué dans le bilan de qualité de la directive-cadre sur l’eau, cette exigence n’est toujours pas systématiquement respectée, étant donné que les évaluations nationales au titre des deux directives peuvent être légèrement différentes (par exemple, avec des éléments de qualité ou des échelles d’évaluation différents), et la définition du bon état écologique/chimique donnée dans la directive-cadre sur l’eau n’est pas toujours fondée sur les mêmes éléments que le bon état écologique de la DCSMM. Néanmoins, d’après le bilan de qualité, la directive-cadre sur l’eau et la DCSMM sont cohérentes et ont des objectifs complémentaires. Pour ce qui est des résultats, quelque 40 % des eaux de surface (cours d’eau, lacs, eaux de transition et côtières) présentent un bon état ou potentiel écologique, et 38 % un bon état chimique. Cela a des conséquences directes pour les progrès accomplis au titre de la DCSMM.
La directive relative au traitement des eaux urbaines résiduaires prévoit des objectifs et des instruments pour réduire principalement les apports en matières organiques et nutriments par des sources ponctuelles. Le lien entre la directive relative au traitement des eaux urbaines résiduaires et l’eutrophisation est mentionné dans la plupart des programmes de mesures des États membres, tandis que d’autres sujets directement pertinents pour la DCSMM (tels que les contaminants et les déchets marins) ne sont pas d'ordinaire mentionnés expressément. L’évaluation de la directive relative au traitement des eaux urbaines résiduaires a confirmé que la directive a permis de réduire très efficacement la pollution des eaux résiduaires traitées et que sa mise en œuvre reste cruciale pour atteindre les objectifs de la DCSMM. L’évaluation a fait état de quelques limitations des stations de traitement des eaux urbaines résiduaires qui peuvent être pertinentes pour le milieu marin, comme le fait de ne pas s’attaquer à des contaminants émergents (par exemple, produits pharmaceutiques et microplastiques), ou l’absence de traitement de l’ensemble des pluies d’orage, des écoulements urbains ou des petites agglomérations. Néanmoins, la directive relative au traitement des eaux urbaines résiduaires a été l’un des instruments les plus efficaces pour limiter la pollution urbaine, y compris les nitrates et le phosphore dans les cours d’eau et en mer.
Figure 1: Charges d’azote (N) et de phosphore (P) dans les sous-régions marines par source (en tonnes par an) Cette analyse faisait partie de la récente évaluation de la directive relative au traitement des eaux urbaines résiduaires.
3.2.Directives «Oiseaux» et «Habitats»
Ainsi que le démontrent les programmes de mesures au titre de la DCSMM, les directives «Oiseaux» et «Habitats» sont particulièrement pertinentes pour parvenir à un bon état écologique lié à la biodiversité marine, aux espèces non indigènes et aux poissons et crustacés exploités à des fins commerciales. Seuls quelques programmes de mesures lient les directives «Oiseaux» et «Habitats» aux descripteurs de la DCSMM traitant des déchets marins et des sources sonores sous-marines, même s’ils peuvent représenter une menace pour, par exemple, les oiseaux, les mammifères et les reptiles marins.
Les objectifs des trois directives sont similaires, bien que la portée de la DCSMM soit plus vaste. Le principal objectif de la directive «Habitats» – parvenir à «un état de conservation favorable» pour les espèces et les habitats couverts, avec un objectif similaire de la directive «Oiseaux» pour tous les oiseaux sauvages – ne correspond pas exactement au «bon état écologique» pour ce qui est de sa définition, des mesures ou du calendrier. Toutefois, ces deux notions se renforcent mutuellement. Les États membres évaluent l’état et les tendances des espèces et des habitats protégés par les directives «Oiseaux» et «Habitats» et présentent un rapport tous les six ans. Pour la période 2007-2012, le pourcentage d’espèces dont, d’après les rapports élaborés au titre de la directive «Habitats», l’état de conservation était favorable dans les régions marines européennes va de zéro dans la mer Noire à 20 % dans la mer Baltique. La décision de 2017 envisage de réutiliser les évaluations des espèces et habitats marins effectuées au titre des directives «Oiseaux» et «Habitats» lorsque cela est possible, mais chaque État membre pourrait le faire différemment
. En outre, la DCSMM et la directive «Habitats» désignent toutes deux des régions géographiques au sein desquelles les États membres sont censés coopérer et adopter des approches communes. Les frontières régionales prévues dans les deux directives ont à présent été largement harmonisées.
Les mesures de protection spatiale notifiées au titre de la DCSMM font fréquemment référence à des zones marines protégées qui ont été instaurées en vertu des directives «Oiseaux» et «Habitats» dans le cadre du réseau Natura 2000, qui n’est toujours pas complet dans le milieu marin. Cependant, la DCSMM a apporté une nouvelle vision de la protection spatiale, selon laquelle, à part les objectifs de conservation spécifiques des différentes zones marines protégées, les réseaux de zones marines protégées devraient être écologiquement cohérents et représentatifs au niveau (sous-)régional. Dès lors, les réseaux de zones protégées devraient être des outils généraux pour s’attaquer à toutes les pressions majeures, être efficaces et couvrir une représentation équitable de toutes les caractéristiques des habitats et de l’écosystème marins. Néanmoins, la cohérence et l’efficacité n’ont pas été abordées au niveau régional par les programmes de mesures élaborés par les États membres au titre de la DCSMM.
Figure 2: Évolution récente (2012-2016) du pourcentage de surface couverte par des zones marines protégées dans les eaux de l’Union européenne dans les différentes sous-régions marines
3.3.Politique commune de la pêche
L’un des objectifs de la politique commune de la pêche est d’être cohérente avec la DCSMM et avec son objectif consistant à parvenir à un bon état écologique. En fixant des taux d’exploitation et en instaurant des mesures techniques définissant les pratiques de pêche durables, la politique commune de la pêche s’attaque aux pressions de la pêche qui ont une incidence sur les stocks de poissons et de crustacés exploités à des fins commerciales (un des descripteurs de la DCSMM). Cette politique vise également à veiller à ce que les incidences négatives des activités de pêche sur l’écosystème marin soient réduites au minimum. Cet objectif est lié aux incidences sur l’abondance et la diversité de la vie marine, des réseaux trophiques marins et des écosystèmes marins, ainsi que des habitats des fonds marins (pertinentes en particulier pour trois autres descripteurs de la DCSMM). En outre, les déchets générés par la pêche, tels que les filets de pêche et autres engins rejetés ou perdus, peuvent altérer les habitats. En ce qui concerne les mesures prévues par la DCSMM, la plupart des États membres relient les mesures en faveur de la biodiversité marine et des poissons et crustacés exploités à des fins commerciales à la politique commune de la pêche, bien que peu l’aient fait pour les déchets marins. Les mesures de gestion proposées par la Commission dans le cadre de la politique ont entraîné une réduction des taux de mortalité par pêche pour plusieurs stocks de poissons et crustacés exploités à des fins commerciales dans l’océan Atlantique du Nord-Est et dans la mer Baltique, même si cette avancée ne suffit pas encore pour atteindre les objectifs pertinents de la politique commune de la pêche. La situation est pire dans la mer Méditerranée et la mer Noire, où la surpêche reste une pratique courante.
L’annexe I de la DCSMM dispose que tous les poissons et crustacés exploités à des fins commerciales devraient se situer dans les limites de sécurité biologique. Pour mesurer cet état, la DCSMM utilise la notion de rendement maximal durable employée dans la politique commune de la pêche. Dès lors, elle encourage l’utilisation des évaluations de stock et des plans pluriannuels pertinents, ainsi que la consultation des organismes scientifiques compétents. Alors que les informations sur les stocks de poissons sont plus ou moins disponibles dans le cadre de la politique commune de la pêche et communiquées par les différents États membres, d’autres critères, tels que la mortalité/les blessures des espèces liées aux prises accessoires accidentelles ou aux perturbations physiques des fonds marins par les activités de pêche, ne sont pas systématiquement communiqués par les États membres. Parfois, des informations régionales peuvent contribuer à couvrir ces lacunes. Par exemple, 86 % des fonds marins évalués dans la mer du Nord au sens large et les mers Celtiques montrent des traces de perturbations physiques causées par des engins de chalutage de fond. La mise en pratique des objectifs tant de la DCSMM que de la politique commune de la pêche améliorerait la protection des stocks de poissons exploités à des fins commerciales, la biodiversité et les habitats. En outre, fixer des valeurs seuils au titre de la DCSMM faciliterait la mise en œuvre de mesures ciblées, y compris des mesures relevant de la politique commune de la pêche.
La politique commune de la pêche promeut également une aquaculture durable afin de contribuer à la sécurité et à l’approvisionnement alimentaires, à la croissance et à l’emploi. Elle recommande l’utilisation de lignes directrices stratégiques de l’Union non contraignantes, qui ont été adoptées pour la première fois en 2013, pour le développement des activités d’aquaculture durables. Ces lignes directrices ont servi de base aux plans nationaux pluriannuels des États membres et à leurs activités dans le cadre du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche 2014-2020. Les lignes directrices de 2013 sont en cours de révision et donneront des informations sur les actualisations des plans nationaux en vue de mettre en œuvre le financement de l’aquaculture post-2020.
3.4.Directive sur la planification de l’espace maritime
La directive sur la planification de l’espace maritime exige des États membres qu’ils élaborent des plans issus de la planification de l’espace maritime dans le but de promouvoir la coexistence et la durabilité des activités et utilisations pertinentes. Elle fait expressément référence à la DCSMM dans son texte juridique, en précisant que la planification de l’espace maritime devrait appliquer une approche fondée sur les écosystèmes, contribuer à atteindre les objectifs de bon état écologique et coordonner les délais avec la DCSMM dans la mesure du possible. Plusieurs études ont défini ou mis en pratique l’approche fondée sur les écosystèmes ou les interactions terre-mer aux fins de la planification de l’espace maritime, mais aucune méthodologie n’a encore été convenue en Europe.
Dans leurs programmes de mesures au titre de la DCSMM, les États membres lient principalement la biodiversité marine (par les zones protégées) et la modification des conditions hydrographiques (par les activités couvertes par les plans issus de la planification de l’espace maritime) à la directive sur la planification de l’espace maritime, tandis que trois pays établissent un lien potentiel avec les sources sonores sous-marines. Alors que la première série de rapports sur la planification de l’espace maritime n’est pas attendue avant 2021, il reste à voir dans quelle mesure les objectifs de la DCSMM seront pris en considération dans la mise en œuvre nationale de la directive comme outil pour soutenir l’approche fondée sur les écosystèmes. Étant donné que le processus prévu par la directive sur la planification de l’espace maritime intègre l’ensemble des secteurs et activités de l’économie bleue, il devrait appliquer des mesures de gestion qui contribuent à parvenir à un bon état écologique.
3.5.Les directives relatives à l’évaluation environnementale stratégique et à l’évaluation des incidences sur l’environnement
Ces deux directives visent à atteindre un niveau élevé de protection de l’environnement en garantissant que les incidences sur l’environnement de certains plans/programmes (évaluation environnementale stratégique) et projets (évaluation des incidences sur l’environnement) sont analysées de manière précoce dans le processus de prise de décision. Dans les programmes de mesures au titre de la DCSMM, l’évaluation environnementale stratégique et l’évaluation des incidences sur l’environnement étaient principalement liées à la modification des conditions hydrographiques, aux sources sonores sous-marines, à la biodiversité marine, à l’eutrophisation et à des mesures horizontales. Même si les aspects relatifs à la biodiversité ne sont pas toujours évalués dans le processus d’évaluation des incidences sur l’environnement, environ la moitié des États membres renvoient à la directive relative à l’évaluation des incidences sur l’environnement pour les mesures ayant trait à la biodiversité. En revanche, rares sont les États membres qui semblent reconnaître le potentiel de l’évaluation des incidences sur l’environnement pour évaluer les activités pertinentes pour les contaminants.
Avec leur vaste portée et leur nature stratégique, les évaluations prescrites par les directives relatives à l’évaluation environnementale stratégique et à l’évaluation des incidences sur l’environnement pourraient être pertinentes pour tous les descripteurs de la DCSMM, bien que l’échelle et le niveau de détail puissent différer. Par exemple, les projets qui sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement font l’objet d’une évaluation des incidences sur l’environnement avant d’être autorisés. Ces évaluations pourraient contribuer à l’évaluation de l’état en vertu de la DCSMM. Cela peut également être pertinent dans le cas de la directive relative à l’évaluation environnementale stratégique, qui porte sur les plans et programmes à plus grande échelle. Ces trois directives peuvent encore permettre d’obtenir un meilleur retour d’information sur les pressions pour parvenir à un bon état écologique, y compris les activités terrestres et maritimes.
3.6.Directive-cadre relative aux déchets, stratégie européenne sur les matières plastiques et directive sur les plastiques à usage unique
La directive-cadre relative aux déchets prévoit d’importants mécanismes pour l’enlèvement des déchets et l’amélioration de la qualité de l’eau conformément aux exigences de la DCSMM. Lors de la récente révision de cette directive, des références directes aux incidences sur le milieu marin ont été ajoutées. Cette directive révisée, à l’instar de la DCSMM, fixe l’objectif de mettre un terme à la production de déchets marins et exige des États membres qu’ils prennent des mesures pratiques pour faire cesser le dépôt sauvage de déchets, y compris de déchets marins. Les objectifs et mesures fixés par la directive-cadre relative aux déchets sont donc directement pertinents pour s’attaquer aux contaminants marins. Étant donné que certaines de ses exigences n’ont pas encore été transposées par les États membres, il n’est pas encore possible de tirer des conclusions sur leur efficacité dans la pratique. À l’heure actuelle, le principal défi consiste à garantir une pleine mise en œuvre de la directive et à empêcher la mise en décharge de déchets (souvent non traités), qui peut poser problème, en particulier dans les zones côtières.
Les connaissances sur les déchets marins, les microdéchets et leurs incidences sur la vie sauvage générées par la DCSMM, bien qu’elles soient limitées, ont sous-tendu l’élaboration de la stratégie européenne sur les matières plastiques et, ainsi, ont contribué au plan d’action sur l’économie circulaire. Un exemple concret de contribution de la DCSMM au suivi de la stratégie sur les matières plastiques est le soutien qu’elle a apporté à la nouvelle directive sur les plastiques à usage unique et les engins de pêche. Grâce aux activités de contrôle des déchets sur les plages relevant de la DCSMM, la Commission a collecté suffisamment de données pour présenter une analyse d’impact et une proposition législative. La DCSMM contribuera aussi significativement à évaluer l’efficacité de cette nouvelle directive sur les plastiques et à assurer le suivi d’autres mesures de la stratégie, par exemple en quantifiant et cartographiant les déchets et les microplastiques. Ce soutien devrait se poursuivre dans le cadre du nouveau plan d’action sur l’économie circulaire.
4.Résumé de l’état du milieu marin de l’Union européenne
L’évaluation initiale des eaux marines de l’Union européenne communiquée par les États membres en 2012-2015 au titre de la DCSMM n’a pas fourni de base de connaissances uniforme pour toute l’Europe, et ce principalement en raison de l’incohérence des indicateurs communiqués par critère, de la grande hétérogénéité des approches méthodologiques et de lacunes dans les informations communiquées. Pour améliorer la cohérence entre les rapports des États membres, la Commission a adopté une décision révisée en 2017 afin de déterminer le bon état écologique (voir note de bas de page 15). Une actualisation de l’évaluation initiale devait être communiquée en octobre 2018 au plus tard. Or, en octobre 2019, seuls 14 États membres avaient présenté leur rapport, dont dix l’avaient soumis au format électronique convenu [SWD(2020) 60]. Le présent résumé repose donc sur des informations compilées par l’Agence européenne pour l’environnement et le Centre commun de recherche de la Commission européenne [présentées dans le document SWD(2020) 61], en plus des informations communiquées par les États membres.
4.1.Écosystèmes marins menacés
La perte de biodiversité n’a pas été arrêtée dans les mers d’Europe au cours du premier cycle de la DCSMM. La biodiversité des écosystèmes marins est toujours vulnérable dans les mers européennes, et le bon état des habitats et des espèces n’est pas assuré. Certains groupes et populations d’espèces marines sont toujours menacés, dont certains oiseaux marins (par exemple, l’abondance de plus de 25 % d’espèces d’oiseaux marins estimée dans l’Atlantique du Nord-Est a diminué considérablement), les élasmobranches (par exemple, quelque 40 % des espèces méditerranéennes sont en déclin et il existe un déficit de données pour nombre d’entre elles), ou encore certains cétacés (par exemple, le marsouin commun dans la mer Baltique proprement dite, avec une population de quelques centaines d’individus). Dans la mer Méditerranée et la mer Noire, au moins 87 % des espèces de poissons et de crustacés exploitées à des fins commerciales sont victimes de surpêche. Pour ce qui est des populations de cétacés, en général, soit elles ne sont pas connues, soit elles ne sont pas en bon état. Les céphalopodes et les reptiles ne sont pas assez bien surveillés (par exemple, 33 % des rapports sur les tortues de mer au titre de la directive «Habitats» faisaient état d’un état de conservation défavorable et 67 % d’un état inconnu).
En revanche, les mesures de gestion et les programmes régionaux communs qui ont existé au cours des 20 dernières années ont permis de réduire certaines pressions et ont contribué à augmenter la taille de la population de certaines espèces (par exemple, certaines populations de phoques gris dans toute l’Europe; des poissons exploités commercialement dans l’océan Atlantique du Nord-Est). À l’heure actuelle, 41 % des stocks de poissons et crustacés de l’océan Atlantique du Nord-Est et de la mer Baltique qui ont été évalués se situent dans les limites de sécurité biologique, et ce pourcentage est nettement plus élevé si l’on ne tient compte que d’un des deux critères (mortalité par pêche ou capacité de reproduction). Parmi les autres exemples de stabilisation ou de reconstitution, on peut citer les pygargues à queue blanche dans la mer Baltique et les phoques moines dans certaines parties de la mer Méditerranée. Les habitats des fonds marins sont soumis à une pression significative dans les mers d’Europe, du fait des incidences cumulées de la pêche démersale, des aménagements du littoral et d’autres activités. Les résultats préliminaires d’une étude présentés dans le document SWD(2020) 61 indiquent que quelque 43 % des zones de plateau/en pente d’Europe et 79 % des fonds marins côtiers sont considérés comme étant physiquement perturbés, principalement par le chalutage de fond. Un quart des zones côtières de l’Union européenne ont probablement perdu leurs habitats de fonds marins. Les principales activités qui, d’après les rapports élaborés au titre de la DCSMM, ont causé une perte physique d’habitats benthiques étaient la récupération de terres sur la mer et la protection contre les inondations, la construction de ports, l’élimination de déchets solides, la production d’énergie renouvelable et les incidences de pratiques d’aquaculture non durables. Il est probable que la détérioration des habitats benthiques influencera les espèces qui en dépendent directement ou indirectement, y compris l’abondance d’espèces exploitées à des fins commerciales.
Tandis que l’état général des réseaux trophiques marins dans les mers européennes ne saurait pas encore être pleinement être évalué, il existe de nombreux exemples de guildes trophiques affichant une tendance à la détérioration au fil du temps. Cela concerne en particulier la réduction de l’abondance de plusieurs grands prédateurs, tels que les oiseaux, les requins et les mammifères marins. Il existe des exemples de communautés marines qui ne sont pas présentes en abondance adéquate pour maintenir totalement leurs capacités reproductives, comme cela a été observé pour de nombreux stocks de poissons et crustacés exploités à des fins commerciales dans la mer Méditerranée et la mer Noire. Il y a également des signes de modifications de la structure de taille et de la répartition des communautés (indiquant un niveau trophique), comme, par exemple, pour les espèces de phytoplancton dans la mer Baltique et de zooplancton (copépodes) dans certaines parties de l’océan Atlantique du Nord-Est.
En ce qui concerne la disponibilité de données, les données nécessaires pour évaluer l’état sont insuffisantes pour la plupart des espèces évaluées. Plusieurs sources d’information, qui ne donnent pas toujours un aperçu harmonisé au niveau de l’Union, doivent être utilisées. De nombreux groupes d’espèces font l’objet d’un sous-échantillonnage, et il n’est toujours pas possible de quantifier pleinement l’incidence de différentes activités humaines sur les populations marines ou le réseau trophique dans son intégralité. Il est urgent d’améliorer la collecte de données et, si possible, de la compléter par des approches de modélisation. Des évaluations plus vastes et régulières des stocks de poissons devraient être réalisées, en particulier, dans la mer Méditerranée, dans la mer Noire et en Macaronésie.
4.2.Principales pressions affectant les écosystèmes marins
4.2.1.Espèces non indigènes
Il existe plus de 1 200 espèces marines non indigènes dans les mers d’Europe et leur nombre cumulé est toujours croissant, bien que le taux d’introduction semble avoir ralenti ces dix dernières années. La majeure partie de ces espèces marines se trouvent dans la mer Méditerranée. Environ 7 % des espèces marines non indigènes sont potentiellement invasives; leur incidence sur les communautés et les écosystèmes indigènes et leurs services doit être étudiée plus avant. Les principales voies d’introduction de ces espèces dans les mers d’Europe semblent être le trafic maritime (49 %), ainsi que les corridors maritimes et terrestres tels que le canal de Suez (33 %). Des mesures sont nécessaires pour mieux lutter contre ces principales voies d’introduction et réduire au minimum les nouvelles introductions en tenant compte des spécificités régionales. Il est difficile d’évaluer la proportion d’espèces et habitats marins indigènes auxquels des espèces non indigènes ont porté atteinte. Toutefois, augmenter la résilience des écosystèmes marins pourrait permettre d’éviter les principales incidences en réduisant au minimum les conditions susceptibles de favoriser le fait que des espèces non indigènes deviennent invasives (par exemple, la réduction des espèces indigènes et la création de «niches vides» dans le réseau trophique, ou les incidences en matière de changement climatique).
4.2.2.Pêche
Depuis le début des années 2000, une meilleure gestion des stocks de poissons et crustacés a contribué à réduire la pression de la pêche dans l’océan Atlantique du Nord-Est et la mer Baltique, et il y a des signes de rétablissement de la capacité de reproduction de plusieurs stocks de poissons et crustacés. À l’heure actuelle, 41 % des stocks de poissons et crustacés évalués dans ces deux régions se situent dans les limites de sécurité biologique, ce qui signifie que le nombre de stocks se situant dans les limites de sécurité biologique a presque doublé, passant de 15 en 2003 à 29 en 2017. La mortalité par pêche dans ces régions est en moyenne proche des niveaux produisant un rendement maximal durable, mais des améliorations sont encore nécessaires pour que tous les stocks atteignent des niveaux de mortalité par pêche produisant un rendement maximal durable, conformément aux objectifs de la politique commune de la pêche.
En revanche, dans la mer Méditerranée et la mer Noire, la situation reste critique, avec 87 % des stocks évalués victimes de surpêche et un manque considérable de connaissances à propos de la pression de la pêche et de la capacité de reproduction. Certains progrès ont été accomplis, notamment grâce à l’adoption du tout premier plan pluriannuel pour la mer Méditerranée occidentale, qui pourrait entraîner une réduction de l’effort de jusqu’à 40 %.
D’autres mesures urgentes sont nécessaires, et leur succès dépendra de la disponibilité d’informations sur le milieu marin et de leur qualité, de l’engagement envers l’application des conseils scientifiques et d’une adoption adéquate des mesures de gestion. De nombreux stocks demeurent victimes de surpêche et/ou en dehors des limites de sécurité biologique. Il est évident que les efforts déployés par tous les acteurs devront être intensifiés pour garantir une gestion durable des stocks.
Figure 3: Tendance de la pression médiane de la pêche sur les 47 stocks de la mer Méditerranée et de la mer Noire évalués. La ligne en pointillés représente le seuil de durabilité ou rendement maximal durable. La mortalité par pêche dans les régions de la mer Méditerranée et de la mer Noire est restée extrêmement élevée et presque inchangée depuis 2003, indiquant que la plupart des stocks font l’objet d’une grave surpêche.
D’autres actions pourraient également être envisagées pour atteindre l’objectif d’une meilleure protection et préservation des habitats des fonds marins et de réduction des prises accessoires des activités de pêche. Par exemple, les prises accessoires sont supposées être la principale pression pour toutes les espèces menacées de requins et de raies dans les mers européennes, où 32 à 53 % de toutes les espèces sont menacées.
4.2.3.Eutrophisation d’origine humaine
46 % des eaux côtières européennes ne sont pas en bon état écologique. Toutefois, l’étendue des zones concernées diminue dans certains pays. La mer Baltique est la région marine qui compte la plus grande proportion d’eaux côtières dans lesquelles les conditions relatives aux nutriments posent problème (58 %), tandis que la mer Noire est la région qui affiche la plus grande proportion d’eaux côtières dans lesquelles les conditions relatives aux phytoplanctons posent problème (85 %). L’eutrophisation est également présente dans la partie méridionale de la mer du Nord, le long de la côte Nord-Ouest de la France et à proximité de déversements fluviaux dans la mer Méditerranée.
De vastes zones appauvries en oxygène sont observées dans la mer Baltique et la mer Noire du fait de l’eutrophisation, des conditions naturelles et des incidences du changement climatique. Cela a des conséquences significatives sur les habitats benthiques et les réseaux trophiques. Les apports en nutriments par des sources ponctuelles au sein de l’Union européenne ont considérablement diminué, bien que les apports provenant de sources diffuses, à savoir les pertes émanant d’activités agricoles, soient toujours trop élevés. En outre, il y a un long décalage dans le temps entre la réduction réelle des apports en nutriments et la réduction des effets sur l’eutrophisation.
Bien que l’eutrophisation soit un processus relativement bien étudié, l’harmonisation des méthodes de surveillance (entre les pays, entre les zones côtières et de haute mer, et entre les approches de la DCSMM et de la directive-cadre sur l’eau) reste un problème dans de nombreuses régions.
4.2.4.Altération permanente des conditions hydrographiques
Environ 28 % du littoral européen sont touchés par une modification permanente des conditions hydrographiques, notamment due à des changements concernant le mouvement de l’eau de mer, la salinité et la température de la mer, du fait d’activités humaines telles que le dragage, le développement d’infrastructures, l’extraction de sable ou le dessalement. Les informations récoltées au titre de la DCSMM au sujet des tendances et du bon état écologique au regard des conditions hydrographiques sont toutefois trop rares et dispersées pour permettre une évaluation appropriée à grande échelle. Les critères et méthodes employés ne sont pas harmonisés. Les modifications directes et indirectes des variables hydrographiques causées par des actions humaines, ainsi que leurs incidences sur les habitats des fonds marins et de la colonne d’eau, ne sont pas toujours bien comprises ou communiquées au titre de la DCSMM. Étant donné qu’une grande partie des activités humaines directement responsables de pressions hydrographiques ont lieu dans les eaux côtières, ce problème est étroitement lié à la directive-cadre sur l’eau.
4.2.5.Contaminants
L’ambition zéro pollution, notamment en prévenant la libération de substances nocives à la source, est une priorité pour l’Union européenne. La mise en œuvre de mesures au titre des différents instruments juridiques de l’Union et mondiaux pour lutter contre la pollution chimique a entraîné une réduction des concentrations et des incidences dans le milieu marin de certaines substances dangereuses, telles que les polychlorobiphényles (PCB), certains pesticides organochlorés et les produits antifouling à base d’étain, ainsi qu’une réduction de l’occurrence des déversements d’hydrocarbures. Néanmoins, ces substances sont très persistantes et sont donc toujours présentes dans le milieu marin.
En général, la mer Baltique contient une concentration relativement élevée en mercure, en retardateurs de flamme bromés et en isotope radioactif Cs-137. Dans l’océan Atlantique du Nord-Est, les niveaux de certains métaux lourds (comme le mercure, le cadmium et le plomb), de congénères des PCB et d’hydrocarbures polycycliques aromatiques sont toujours préoccupants dans certaines zones. Dans la mer Méditerranée, il y a quelques points chauds côtiers qui présentent une contamination par le plomb dans le biote et du mercure dans les sédiments. La mer Noire semble rencontrer des problèmes de pollution par des polluants organiques, tels que des pesticides, des PCB et des hydrocarbures polycycliques aromatiques, et certains métaux lourds. Il importe de souligner que les évaluations actuelles portent sur un nombre limité de contaminants, et de nombreuses substances dangereuses pour l’environnement ne sont pas régulièrement surveillées et évaluées.
En ce qui concerne les contaminants dans les fruits de mer, les concentrations en métaux lourds, en hydrocarbures polycycliques aromatiques, en PCB et en dioxines devraient être inférieures aux teneurs maximales fixées par la législation alimentaire de l’Union européenne. Cependant, certains poissons et produits de la pêche de la région de la mer Baltique dépassent régulièrement les limites maximales de dioxines et de PCB de type dioxine, ce qui a conduit à l’interdiction de la vente de saumon dans la région. Dans toutes les eaux de l’Union européenne, peu d’informations sont disponibles concernant les contaminants ou substances non réglementés, qui pourraient s’accumuler dans les poissons et fruits de mer destinés à la consommation humaine. Néanmoins, les données récentes font état d’une accumulation de résidus chimiques en plastique chez la plupart des espèces marines, notamment dans les produits à base de poissons et de crustacés.
Il est possible d’améliorer la surveillance de la pollution marine au moyen i) d’une exploration de données plus efficace et de réseaux de surveillance conjoints (en particulier dans la mer Méditerranée et la mer Noire) et ii) d’approches méthodologiques harmonisées à l’échelle d’une région.
4.2.6.Déchets marins
Les déchets marins, qui sont directement liés à l’existence de déchets dans le milieu terrestre et fluvial, ont fait l’objet d’une attention considérable et, sur le fondement d’évaluations réalisées sur la base de la DCSMM et des conventions sur la mer régionale, ils ont suscité la préparation rapide d’actions législatives au niveau de l’Union européenne contre les plastiques à usage unique et les déchets liés à la pêche, ainsi qu’une révision de la directive relative aux installations de réception portuaires pour le dépôt des déchets des navires. La présence de déchets a été confirmée dans tous les compartiments du milieu marin (bande côtière, colonne d’eau et fonds marins). Les objets en plastique sont les composants les plus abondants des déchets marins. Par exemple, les plastiques à usage unique représentent 50 % de tous les déchets sur les plages européennes en nombre, et les engins de pêche contenant du plastique en représentent 27 % supplémentaires. L’ingestion de plastique par les espèces marines est également courante dans les mers européennes. À titre d’exemple, 93 % des fulmars évalués dans l’océan Atlantique du Nord-Est avaient ingéré du plastique, et 85 % des tortues évaluées dans la mer Méditerranée avaient ingéré des déchets.
Bien qu’il n’existe pas de surveillance régionale régulière, toutes les études scientifiques indiquent l’existence de quantités considérables de microdéchets dans l’eau de mer. En vertu du nouveau plan d’action sur l’économie circulaire, des mesures spécifiques au niveau de l’Union européenne sont prévues pour réduire les microplastiques ajoutés intentionnellement dans les produits, les microdéchets résultant de la dégradation de macrodéchets et les fuites de microplastiques de produits (tels que les pneus et les textiles) durant leur utilisation et de granulés plastiques industriels.
Des plans d’action régionaux de lutte contre les déchets marins et un grand nombre de mesures nationales sont appliqués par les États membres. Néanmoins, des évaluations de la quantité de déchets sont en cours, on tente de comprendre leurs voies d’introduction, et il n’y a pas suffisamment de mesures ciblées pour lutter contre les principales sources. En Europe, il existe des lacunes de taille dans les données sur les déchets présents dans les fonds marins, en surface et dans la colonne d’eau, sur les microdéchets et sur les effets sur les espèces marines (en particulier l’enchevêtrement). La DCSMM répond à la nécessité urgente de coordonner les méthodes de coordination aux niveaux national, régional et de l’Union européenne.
4.2.7.Sources sonores sous-marines
Les efforts au niveau de l’Union européenne se sont concentrés, dans un premier temps, sur la détermination de la répartition spatiale et des sources sonores sous-marines afin d’en déduire l’exposition potentielle des écosystèmes marins à cette pression. Bien que certaines cartes des sources sonores sous-marines soient disponibles, les évaluations de l’état sont très rares. Les activités de recherche démontrent que l’exposition aux sources sonores sous-marines peut causer plusieurs types d’effets néfastes sur les animaux marins, allant de changements de comportement à leur mort.
Le trafic maritime est considéré comme étant la principale source sonore sous-marine continue. Il est le plus intense le long des principaux couloirs maritimes et près des ports. La mer Méditerranée est celle qui accueille un trafic très élevé sur la plus grande surface (27 % de la surface de la mer), suivie de la mer Baltique (19 % de la surface de la mer). Les sources sonores sous-marines impulsives, émanant habituellement d’activités telles que la recherche marine, les plates-formes d’énergie en mer ou les opérations de construction, sont limitées dans l’espace (elles sont susceptibles d’être présentes dans 8 % de la zone marine de l’Union), mais sont néanmoins susceptibles d’être présentes dans de grandes zones de la mer Baltique, de la mer Méditerranée centrale et de la mer Levantine, de la mer du Nord, des mers Celtiques, de la mer des Baléares et de la mer Adriatique. Deux registres des sources sonores impulsives ont été créés pour les pays respectivement du nord et du sud de l’Union européenne. Néanmoins, d’importantes lacunes persistent au niveau de la surveillance et des connaissances.
Étant donné que la plupart des activités humaines causant du bruit sous-marin continu et impulsif devraient s’intensifier à l’avenir, il est probable que la pression des sources sonores sous-marines augmentera également. Pour réduire au minimum les incidences, il faudrait envisager de limiter ou de compenser les émissions de bruit sous-marin à un stade précoce de la planification du déploiement de la technologie ou de l’activité industrielle pertinente (par exemple, les couloirs maritimes et les parcs éoliens). L’élaboration de calendriers spatiotemporels est recommandée par certains experts.
D’autres formes d’énergie, telles que la lumière ou la chaleur, devraient également être envisagées. Certains États ont effectivement abordé ces aspects dans leurs stratégies, mais il faut poursuivre les travaux en vue d’une approche plus stratégique de ces pressions.
5.Principaux défis et suggestions pour améliorer la mise en œuvre de la DCSMM
5.1.Détermination plus cohérente et ambitieuse du «bon état écologique»
Le bon état écologique est l’objectif global de la DCSMM. La directive exige que les États membres le définissent au niveau régional ou sous-régional, et la décision de 2017 prévoit des spécifications à cet égard par critère. Seuls 8 % des premières définitions du bon état écologique communiquées par les États membres ont été jugés adéquats [SWD(2020) 61]. Les définitions ont tendance à être qualitatives et à omettre de fixer des objectifs clairs, de sorte que la plupart étaient dépourvues de détails quantitatifs qui permettraient de mesurer clairement les progrès. Dans l’ensemble, il y avait aussi un manque de cohérence au sein d’une même région ou sous-région. La détermination du bon état écologique doit être plus mesurable, cohérente au niveau régional et ambitieuse.
La décision révisée sur le bon état écologique, si elle est pleinement mise en œuvre, représente une étape audacieuse et importante pour déterminer le bon état écologique à l’aide d’une approche commune (par exemple, en dressant des listes d’espèces, en établissant des échelles d’évaluation et en fixant des valeurs seuils). Certains États membres ont redoublé d’efforts et ont fait preuve d’un niveau d’ambition accru. Néanmoins, les projets financés pour soutenir la mise en œuvre de la DCSMM et certaines discussions au sein des conventions sur la mer régionale montrent qu’à très peu d’exceptions près, il n’existe toujours pas de compréhension régionale partagée de ce qu’est un bon état écologique. Bien que la Commission n’ait pas encore terminé son évaluation officielle des nouvelles informations communiquées, leur analyse initiale indique que des variations considérables persistent dans les déterminations du bon état écologique communiquées en 2018. Toutefois, certaines conventions sur la mer régionale ont bien progressé concernant la définition d’indicateurs communs avec quelques valeurs seuils convenues au niveau régional. Tandis que la stratégie de mise en œuvre commune vise une mise en œuvre cohérente de la directive, les États membres sont libres de définir des objectifs à court et long termes qui sont adaptés à leur contexte et à leur région. La décision de 2017 exige que les États membres définissent certaines valeurs seuils au niveau de l’Union plutôt que par l’intermédiaire de structures régionales. Les travaux à cet égard avaient débuté au cours du premier cycle de mise en œuvre. Mais même ici, jusqu’à présent, les tentatives de définitions de valeurs seuils ont démontré l’existence d’une ambiguïté dans ce concept: si le bon état écologique doit être ambitieux, puisqu’il devrait refléter une définition commune de ce que nous voulons obtenir pour nos mers, fixer un délai (2020 dans la directive en vigueur) empêche les États membres d’accepter une définition ambitieuse du bon état écologique.
5.2.Garantie de l’efficacité des mesures
Les États membres ont déployé des efforts considérables pour élaborer leurs premiers programmes de mesures au titre de la DCSMM en intégrant différentes politiques nationales, européennes et internationales et en comblant les lacunes existantes par de nouvelles mesures rentables. Ils ont notifié 4 653 mesures en tout. Dans l’ensemble, 79 % des mesures notifiées étaient des mesures techniques ou réglementaires directes (susceptibles d’avoir des effets plus immédiats sur les pressions), tandis que les autres étaient des mesures de soutien plus indirectes. Néanmoins, toutes les pressions sur le milieu marin ne sont pas couvertes adéquatement par les mesures adoptées, puisque seuls 53 % des programmes évalués (par descripteur et par État membre) semblent appropriés pour lutter contre les pressions existantes [tableau 12 et figure 8 du document SWD(2020) 61].
Les États membres ont aussi éprouvé des difficultés à évaluer quel serait l’effet des différentes mesures mises en place sur le milieu marin, notamment parce qu’il est difficile de prévoir le moment où une mesure produira ses effets et toutes les implications pratiques de celle-ci, sans parler des avantages cumulés de toute une série de mesures. Néanmoins, lorsqu’il existe un lien de cause à effet évident entre les pressions et les mesures, il est possible de recenser des effets spécifiques des politiques pertinentes de l’Union (par exemple, la directive relative au traitement des eaux urbaines résiduaires, les directives «Habitats» et «Oiseaux» et la relative aux émissions industrielles), qui ont également été citées comme mesures dans le contexte de la DCSMM.
D’après les rapports sur les progrès de la mise en œuvre des mesures liées à la DCSMM présentés jusqu’à présent par 17 États membres, 16 % des nouvelles mesures ont été achevés, tandis que 56 % seraient sur les rails. Les retards semblent être principalement dus à des problèmes de financement, techniques ou administratifs au niveau national.
Certaines questions restent ouvertes pour le deuxième cycle de mise en œuvre, notamment: i) se concentrer sur la fourniture de réponses adéquates aux pressions clés sur chaque (sous-)région qui empêchent les États membres de parvenir à un bon état écologique; ii) se mettre d’accord sur le niveau de détail/d’agrégation des mesures à notifier et se concentrer sur leurs effets escomptés sur la réduction des pressions et de leurs incidences; iii) mieux évaluer l’efficience et l’efficacité des mesures pour atteindre les objectifs environnementaux et parvenir à un bon état écologique, notamment au moyen d’une modélisation intégrée ou d’une connexion avec des programmes de surveillance; et iv) améliorer la cohérence entre les mesures de l’Union, régionales et nationales, si possible en collaborant entre États membres pour obtenir plus de résultats avec moins de moyens.
Pressions clés indiquées par les États membres dans la stratégie de mise en œuvre commune du point de vue (sous-)régional:
·mer Baltique: eutrophisation, dégradation des fonds marins, prises accessoires accidentelles;
·mer du Nord: déchets, pêche (y compris dégradation des fonds marins), eutrophisation, incidences cumulées sur les espèces très mobiles;
9golfe de Gascogne et côtes ibériques, Macaronésie et mers Celtiques: déchets, espèces non indigènes, pêche (localement);
·mer Méditerranée: surpêche, espèces non indigènes, déchets, incidences cumulées sur les espèces très mobiles;
9autres pressions pertinentes au niveau local, comme l’eutrophisation dans la mer Adriatique et le bruit impulsif dans la Méditerranée occidentale;
·mer Noire: contaminants, sources sonores sous-marines, dégradation des fonds marins, surpêche;
·le changement climatique est préoccupant pour toutes les régions.
5.2.1.Pertinence des mesures de protection spatiale
Sur les quelque 4 700 mesures notifiées par les États membres au titre de la DCSMM, 246 étaient des mesures de protection spatiale. Celles-ci ont doublé l’espace désigné comme étant des zones marines protégées en Europe depuis 2012, de manière à atteindre une couverture de plus de 10 % de ses eaux et à remplir les engagements globaux. Malgré cela, ces mesures sont réparties inégalement entre les régions et les zones de profondeur [SWD(2020) 61]. La DCSMM appelle à un réseau de zones protégées cohérent et représentatif pour enrayer la perte de biodiversité et augmenter la résilience du milieu marin, en particulier au regard du changement climatique. Des zones marines protégées efficaces (c’est-à-dire les sites efficacement protégés et gérés) peuvent réellement éviter la perte et la dégradation d’espèces et d’habitats, générer un effet d’entraînement qui augmente la biomasse des espèces exploitées à des fins commerciales, piéger du carbone organique et inorganique et contribuer ainsi à l’atténuation du changement climatique, améliorer la protection des côtes en tant qu’important outil d’adaptation, renforcer la résilience des écosystèmes face aux espèces invasives ou au réchauffement climatique, piéger ou diluer des polluants tels que les nutriments excédentaires, stimuler les activités touristiques et récréatives durables, et être de précieux refuges pour la recherche et l’innovation technique.
Toutefois, nombre des zones marines protégées européennes ne sont toujours pas gérées correctement et ne peuvent être évaluées au regard de la cohérence et de l’efficacité en raison du manque de flux de données et d’instruments appropriés. Dans le contexte de l’Union européenne, les principaux défis pour faire des réseaux de zones marines protégées des outils de conservation efficaces sont les suivants: i) créer des réseaux de sites protégés significatifs sur le plan écologique à l’échelle (sous-)régionale, ce qui, dans certaines régions, suppose d’élargir la couverture et d’augmenter la taille minimale des sites protégés; ii) augmenter la proportion de zones strictement protégées ou d’interdiction de pêche, et renforcer les activités de mise en œuvre et de contrôle afin de prévenir l’existence de «parcs de papier»; iii) appliquer des plans de gestion efficaces prévoyant des mesures adaptées et des ressources suffisantes pour chaque zone protégée. La nouvelle stratégie en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030, avec ses propositions visant à protéger et restaurer les écosystèmes marins, représente une avancée majeure dans cette direction.
5.3.Rationalisation de la mise en œuvre
5.3.1.Complexité
Compte tenu de la grande ambition et de la vision globale de la DCSMM, il est manifeste que des connaissances, une évaluation et des rapports de grande ampleur sont nécessaires, et tant les États membres que les services de la Commission se sont engagés à répondre à ces besoins. Le premier cycle de mise en œuvre était particulièrement complexe pour tous les acteurs participant à la stratégie de mise en œuvre commune, puisque chaque étape était discutée, définie, notifiée et évaluée pour la première fois. La plupart des participants à la stratégie de mise en œuvre commune indiquent que les principaux défis sont la bonne mise en œuvre de la directive, le manque de ressources (principalement de ressources humaines et de temps), le lent rétablissement des écosystèmes marins et le manque de volonté politique. Les retards répétés dans la présentation des rapports des États membres et les procédures d’infraction y afférentes engagées au titre de la directive montrent combien il a été difficile pour les États membres de remplir les exigences. Même si ce processus devrait s’améliorer au cours des prochains cycles, puisque l’obligation de rapport devrait être beaucoup plus légère et claire à présent, il demeure des problèmes spécifiques qui pourraient être abordés pour rationaliser le processus de mise en œuvre.
Le premier cycle a montré que les ressources consacrées à la mise en œuvre de la DCSMM ne semblent pas correspondre aux besoins pour bien mettre la directive en œuvre, même si une grande partie de la mise en œuvre est soutenue par d’autres politiques. Certaines idées pour augmenter ces ressources consistent à associer certains secteurs de l’industrie au contrôle de leurs incidences, à relier le processus de planification de l’espace maritime pour garantir le bon équilibre entre l’économie bleue et la durabilité, à mieux maîtriser les systèmes d’observation coordonnés par les programmes de recherche (par exemple, Horizon 2020) et les produits élaborés au niveau de l’Union européenne (par exemple, Copernicus), et à inviter instamment les États membres à exploiter pleinement le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche pour financer l’élaboration et la mise en œuvre de stratégies marines nationales.
La DCSMM est indéniablement un cadre complexe qui sera bientôt révisé (dès cette année) dans le contexte d’une évaluation législative. Le premier cycle de mise en œuvre exigeait de tous les acteurs concernés qu’ils comprennent les liens entre les différents éléments des stratégies. Ce n’était pas toujours bien clair. Par exemple, les États membres n’ont souvent pas opéré de distinction entre les objectifs et la détermination du bon état écologique. Ils ne reliaient pas leurs objectifs à leurs mesures, de manière à avoir une trace mesurable de leurs progrès vers la réalisation du bon état écologique. De même, les programmes de surveillance n’étaient pas toujours liés aux objectifs et, du fait qu’ils étaient élaborés avant les mesures, le lien entre les deux n’était pas non plus optimal. Les progrès dans la fixation de valeurs seuils pour déterminer le bon état écologique ont jusqu’à présent été lents, et il semble y avoir une réticence à fixer des niveaux ambitieux, car cela empêcherait les États membres de parvenir à un bon état écologique dans le délai prévu par la directive. La Commission examine ces questions transversales dans le document SWD(2020) 62.
5.3.2.Délais
La directive est source d’incertitude concernant les délais de présentation des rapports, en ce qu’elle impartit des délais fixes pour la présentation des différentes parties des stratégies marines nationales, mais prévoit des délais variables pour la consultation, la publication ou l’évaluation des progrès de la mise en œuvre. Ce problème a été réglé en convenant avec les États membres dans la stratégie de mise en œuvre commune d’utiliser des délais fixes. En outre, la date limite de 2020 pour parvenir à un bon état écologique prévue à l’article 1er n’est pas spécifiquement alignée sur les cycles de mise en œuvre, puisque l’évaluation des progrès vers cet objectif, fondée sur les données de surveillance d’avant et après 2020, ne sera communiquée qu’en 2024. De même, la date de publication du présent rapport sur la mise en œuvre fixée par la directive n’offrait pas de possibilité réaliste de tenir pleinement compte des informations communiquées en 2018 au sujet de l’évaluation du milieu marin, des définitions du bon état écologique et des objectifs environnementaux, ou au sujet des progrès accomplis dans la mise en œuvre des programmes de mesures. Il y a également lieu de tenir compte d’éventuels décalages dans le temps, étant donné que la mise en œuvre de certaines mesures ne peut pas toujours conduire immédiatement au rétablissement du milieu marin.
Bien que l’Union européenne ait déjà synchronisé le cycle de six ans pour la gestion et la présentation de rapports avec la politique de l’eau et la politique maritime, une autre synchronisation avec le cycle pour la présentation des rapports sur la nature – essentiellement un retard d’un an – pourrait bénéficier aux évaluations et les rendre plus efficaces.
5.3.3.Présentation des rapports
Les exercices de présentation de rapports sont très complexes du fait de la vaste portée de la directive et de la fréquence de présentation de rapports (trois rapports principaux durant le cycle de six ans). Les autorités compétentes et la Commission sont pressées par des engagements successifs de présentation respectivement de rapports et d’évaluations, sans disposer de suffisamment de temps ou de ressources pour bien réfléchir à chaque étape et aux discussions stratégiques avant de devoir passer à l’étape suivante. Un nombre considérable d’États membres qui présentent des rapports tardifs ralentit aussi le processus [voir note de bas de page 8 et document SWD(2020) 60], ce qui a des répercussions sur l’achèvement des évaluations par la Commission. Cela signifie que le retour d’informations aux États membres est retardé, et arrive souvent trop tard pour être pris en considération pour les rapports suivants.
Les États membres investissent beaucoup dans les rapports papier pour leurs consultations publiques et processus nationaux. Or, à l’heure actuelle, la présentation de rapports par voie électronique est cruciale pour rassembler des informations comparables et récentes dans l’ensemble de l’Union européenne. Le cadre s’appuie sur les informations communiquées dans le contexte des évaluations nationales, tandis que les nouvelles technologies de surveillance peuvent permettre de se faire une idée plus précise de l’état réel des mers et des progrès accomplis vers le bon état écologique. De plus, durant le premier cycle de la DCSMM, les rapports papier et électroniques n’étaient pas toujours équivalents. Certains États membres sont en mesure d’utiliser les rapports des conventions sur la mer régionale, mais leur format ne correspond pas pleinement aux besoins de la présentation de rapports par voie électronique.
La Commission et l’Agence européenne pour l’environnement œuvrent à l’amélioration et à la numérisation des outils de rapport, de sorte que le transfert d’informations des conventions sur la mer régionale, d’autres politiques de l’Union ou de données communiquées précédemment vers les rapports élaborés au titre de la DCSMM soit aisé. Les incohérences entre ce qui est communiqué par voie électronique et les rapports papier statiques, pour lesquels certains États membres semblent avoir une préférence, devraient être éliminées, car elles entravent le processus dans son ensemble. La DCSMM se dirige vers une publication efficace et transparente des informations sur le portail internet WISE Marine, avec la publication de tableaux de bord centralisés et des données communiquées au niveau national.
5.4.Intégration accrue des politiques
Comme déjà mentionné dans la section relative à l’efficacité, la DCSMM intègre, mais ne régit pas spécifiquement, toutes les activités qui touchent aux écosystèmes marins (par exemple, la pêche, le trafic maritime, l’extraction de pétrole et de gaz en mer, les énergies renouvelables). Il n’est pas surprenant qu’environ 75 % des mesures de la DCSMM proviennent d’autres cadres législatifs. Dès lors, la rationalisation et la coordination avec d’autres politiques sectorielles sont essentielles pour atteindre les objectifs de la DCSMM, au niveau tant national que de l’Union européenne. La stratégie pour une croissance bleue, bien qu’elle partage le principe clé de durabilité avec la DCSMM, pourrait, si elle n’est pas mise en œuvre de manière durable, être quelque peu en contradiction avec les mesures de la DCSMM visant à parvenir à un bon état écologique, surtout au regard de l’expansion potentielle d’activités maritimes telles que l’énergie en mer et l’aquaculture. Pour que l’expansion d’activités économiques traditionnelles ou le déploiement de nouvelles activités ne fasse pas peser plus de pression sur le milieu marin, l’Union européenne et ses États membres doivent jeter des ponts plus solides, éclairés par la science, entre la DCSMM et les politiques qui régissent les activités maritimes, telles que la directive sur la planification de l’espace maritime, la politique commune de la pêche, les initiatives liées à l’énergie
, la politique de transport maritime ou toute autre activité (par exemple, l’aquaculture, le dessalement, la gestion des déchets). Ces activités ont un rôle important à jouer dans la transformation de notre société et de notre économie en un système durable et un continent sans carbone, qui est un des objectifs du pacte vert pour l’Europe. Des parcs éoliens en mer sont nécessaires pour mettre un terme à la dépendance vis-à-vis des combustibles fossiles. Une aquaculture durable garantit la sécurité alimentaire et un régime alimentaire durable, tout en évitant d’accroître la pression due à l’utilisation des terres. La future stratégie pour l’énergie éolienne en mer et les orientations stratégiques pour le développement durable de l’aquaculture dans l’Union européenne révisées, qui doivent toutes deux être adoptées en 2020, contribueront à cette finalité et devraient inclure toutes les considérations environnementales pertinentes. Ces expansions ne peuvent se faire au détriment de la résilience des écosystèmes marins, ce qui aurait des répercussions sur la résilience planétaire globale aux incidences du changement climatique.
Les participants à la stratégie de mise en œuvre commune de la DCSMM ont recensé la nécessité de travailler davantage entre groupes et secteurs sur des questions transversales telles que les liens activité-pression-état et le changement climatique afin de parvenir à un bon état écologique.
La décision de 2017 précise comment les évaluations du milieu marin devraient être liées aux normes et processus prévus par d’autres actes législatifs de l’Union. Tous les États membres ont lié la plupart de leurs programmes de surveillance et de mesures à d’autres actes législatifs, principalement en matière environnementale (à savoir, la directive-cadre sur l’eau, la directive «Habitats» et la directive «Oiseaux»). Toutefois, les analyses scientifiques et les évaluations de la Commission montrent que l’intégration des politiques n’est pas encore réalisée au niveau opérationnel (par exemple, intégration de données, planification de la surveillance, détermination des évaluations), et qu’il faut redoubler d’efforts pour exploiter les synergies, aligner les processus et, en fin de compte, économiser des ressources. La section 3 du présent rapport indique des sujets potentiels qui pourraient être mieux liés ou coordonnés entre politiques de l’Union.
Un cas particulièrement important est le lien entre la DCSMM et la politique en matière de changement climatique. Les océans sont un élément majeur du système climatique qui stockent du CO2 anthropique et bien plus de chaleur que l’atmosphère; ce sont d’importants puits de carbone et ils déterminent le mouvement de la chaleur autour de la Terre. C’est pourquoi les océans peuvent avoir des effets spectaculaires sur le climat mondial, et inversement. D’après le rapport sur l’océan et la cryosphère dans le contexte du changement climatique récemment publié par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC): i) depuis 1993, le taux de réchauffement des océans a plus que doublé et affecte déjà toute la colonne d’eau; ii) les océans ont absorbé entre 20 et 30 % de l’ensemble des émissions anthropiques de CO2 depuis les années 80, ce qui a favorisé leur acidification; iii) les océans perdent de l’oxygène et les zones appauvries en oxygène se sont agrandies; et iv) depuis 1982, les vagues de chaleur océaniques ont doublé de fréquence et sont devenues plus longues et plus intenses. Les changements océanographiques peuvent avoir des conséquences spectaculaires sur la biodiversité marine et la résilience des écosystèmes. Tous les écosystèmes marins évalués dans le rapport du GIEC présentent un risque élevé d’être touchés par des tendances climatiques.
En dépit de sa pertinence, le lien entre la DCSMM et le changement climatique, au niveau tant de la surveillance que de l’élaboration des politiques, n’est pas évident. Les États membres ont souligné que les incidences du changement climatique et de l’acidification des océans constituaient d’importants problèmes transfrontières qui sont directement ou indirectement abordés par des programmes de surveillance de la DCSMM. Néanmoins, les sujets clés tels que la surveillance de l’acidification des océans dans les mers européennes et les incidences des vagues de chaleur océaniques sur la biodiversité marine ne sont pas bien établis.
5.5.Stimuler la coopération régionale
La coopération régionale s’est améliorée depuis l’adoption de la DCSMM, mais davantage de coopération est nécessaire pour obtenir une totale cohérence régionale des stratégies marines [voir document SWD(2020) 60]. En ce qui concerne les trois principales étapes de la mise en œuvre de la directive: a) la Commission a recommandé que les États membres utilisent plus de normes provenant de la législation de l’Union européenne ou des indicateurs régionaux communs pour évaluer l’état de leurs eaux marines; b) la cohérence régionale des programmes de surveillance de l’Union a été jugée moyenne à élevée, sauf pour la mer Méditerranée, où elle était inférieure; et c) la cohérence globale des programmes de mesures était moyenne dans toutes les régions et élevée dans la mer Noire. En conséquence, les efforts visant à réduire les principales pressions touchant chaque (sous-)région devraient être mieux coordonnés.
Une analyse préliminaire des informations communiquées en 2018 montre que, toujours au cours du deuxième cycle, il existe de grandes divergences entre États membres adjacents en ce qui concerne les éléments utilisés pour évaluer l’état des écosystèmes marins. Les États membres pourraient tirer parti des résultats attendus des conventions sur la mer régionale plus largement lorsqu’ils sont compatibles avec les exigences de la DCSMM. Il importe de noter que ces conventions intègrent les mesures des pays (tiers) voisins et aident à renforcer les capacités. Toutefois, lorsque les conventions sur la mer régionale ne sont pas en mesure de couvrir les besoins de la DCSMM, les États membres devraient élaborer leurs propres stratégies pour la coordination transfrontière et régionale conformément à la directive. L’objectif ultime est que l’Union européenne progresse vers une protection plus efficace, harmonisée et rentable du milieu marin. Les valeurs seuils régionales devraient être déterminées conformément à la décision de la Commission de 2017.
5.6.Garantir la disponibilité et la comparabilité des données
Dans l’évaluation initiale de 2012 au titre de la DCSMM, l’état de 80 % des espèces et des habitats ainsi que de 40 % des stocks de poissons exploités à des fins commerciales a été considéré comme étant «inconnu». Le manque de données est dans certains cas dû à de réelles lacunes dans les connaissances (par exemple, seul un État membre a pu communiquer des données et définir un niveau de référence pour les sources sonores sous-marines en 2012) mais, dans d’autres cas, les données pourraient être améliorées grâce à la réutilisation d’informations existantes (par exemple, pour mesurer l’eutrophisation, moins de 40 % des États membres ont utilisé les seuils de concentration de chlorophylle a définis dans l’exercice d’interétalonnage de la directive-cadre sur l’eau). Plus récemment, les contributions de projets de recherche pour répondre expressément aux besoins de la DCSMM et des politiques ont été un soutien majeur (par exemple, INDICIT pour l’élaboration de bases de données communes et de protocoles de surveillance pour l’ingestion de déchets par les tortues et MISTIC SEAS II pour l’alignement de l’évaluation de la biodiversité marine en Macaronésie). Certains experts appellent à utiliser des systèmes de surveillance innovants et rentables qui permettraient une vaste couverture spatiotemporelle des mers régionales.
Un deuxième défi consiste à obtenir des informations qui sont comparables entre États membres. Pour faciliter cela, les groupes et réseaux d’experts travaillant dans le cadre de la stratégie de mise en œuvre commune tentent d’établir des méthodes solides, comme une liste unifiée d’éléments (par exemple, contaminants, nutriments, espèces) ou des valeurs seuils pour déterminer et évaluer le bon état écologique. Ces aspects méthodologiques sont essentiels pour garantir la comparabilité des résultats des évaluations entre États membres. L’élaboration d’outils de présentation de rapports par voie électronique a amélioré la comparabilité au-delà des frontières, mais leur conception et la variabilité des informations communiquées pourraient encore être améliorées (par exemple, tous les États membres n’interprètent pas une mesure donnée de la DCSMM de la même manière; le nombre de mesures communiquées va de 17 en Lettonie à 417 en Espagne). À ce jour, les informations communiquées en vertu de la DCSMM au niveau de l’Union restent fragmentaires, dans la mesure où l’examen de l’état du milieu marin présenté dans le document SWD(2020) 61 n’a pas pu être fondé uniquement sur les rapports présentés au titre de la DCSMM. Si la décision de 2017 est pleinement mise en œuvre, elle devrait permettre de remédier à ce problème. Sa mise en œuvre dans le contexte de la stratégie de mise en œuvre commune restera donc un objectif prioritaire pour que la Commission dispose de données et d’approches communes et comparables au regard de tous les États membres.
6.Principales conclusions
Le présent rapport dresse le bilan des principaux accomplissements et des grands défis du premier cycle de mise en œuvre de la DCSMM. Toutes les conclusions présentées ici feront l’objet d’un vaste processus de consultation dans le cadre de la prochaine évaluation de la DCSMM.
Avec la DCSMM, l’Union européenne dispose d’une politique maritime globale et complète, qui met en pratique l’approche fondée sur les écosystèmes pour gérer les activités humaines dans les mers d’Europe. Il importe de signaler qu’elle aide aussi à remplir des engagements internationaux clés. La DCSMM a prévu la structure pour mettre en place les stratégies marines nécessaires afin de tenter de parvenir à un bon état écologique dans les eaux marines de l’Union. L’état de différents éléments des écosystèmes et la présence (et, si possible, les effets) des principales pressions sont surveillés, et des mesures pertinentes sont mises en place pour atteindre l’objectif principal et les objectifs environnementaux. Une collaboration interservices et un partage de données intersectoriel ont démarré au sein des États membres, et la coordination régionale s’est élargie ces dernières années avec le soutien des conventions sur la mer régionale.
Néanmoins, bien que l’impulsion donnée par la directive ne doive pas être sous-estimé, les stratégies marines des États membres doivent être affinées au regard des résultats des mesures de gestion afin d’en tirer profit au mieux, tout en reconnaissant que, dans certains cas, le délai légal imparti pour parvenir à un bon état écologique n’est pas suffisant.
De plus, il est peu probable que tant les mesures adoptées que les connaissances disponibles soient suffisantes. Il est également vrai que la DCSMM ne vise pas à régir des activités et besoins spécifiques, qui doivent dans certains cas être complétés par des actes législatifs plus spécifiques lorsque le cadre national, régional ou de l’Union présente des lacunes. Dès lors, les progrès pour parvenir à un bon état écologique n’ont pas été assez rapides pour couvrir tous les descripteurs de la DCSMM dans toutes les eaux de l’Union d’ici à 2020. Cette lenteur peut être liée à une série de facteurs, tels que la complexité de l’analyse et de la gestion du milieu marin ainsi que de l’élaboration de rapports à cet égard, le manque de volonté politique de financer suffisamment et de faire appliquer les mesures nécessaires, ou encore le manque d’association d’autres secteurs économiques et privés (à part les autorités publiques en matière d’environnement). Sur cette base, et sans préjuger d’une possible révision de la directive conformément aux processus d’amélioration de la réglementation pour renforcer la mise en œuvre et les résultats de la DCSMM, l’expérience acquise jusqu’à présent dans le cadre de la stratégie de mise en œuvre commune a permis le recensement préliminaire de domaines d’amélioration critiques dans lesquels il faut:
(1)accroître les niveaux d’ambition et de volonté. Les États membres et la Commission devraient faire tout ce qui est nécessaire pour stimuler les différentes étapes du processus de mise en œuvre de la DCSMM afin de parvenir à un bon état écologique et à des utilisations durables de leurs mers. La cohérence des politiques devrait également être assurée au niveau de l’Union européenne, par exemple lors de la définition des objectifs opérationnels de politiques communes clés de l’Union (telles que la politique commune de la pêche et la politique agricole commune) ainsi que de la révision/l’actualisation de certains instruments clés de l’Union. En outre, la lente mise en œuvre de la décision de 2017 remet en question la cohérence de la détermination du bon état écologique. Les conditions naturelles qui règnent, le changement climatique et le décalage dans le temps entre la mise en œuvre de certaines mesures et le rétablissement du milieu marin représentent d’autres défis;
(2)garantir des ressources humaines et matérielles suffisantes pour protéger le milieu marin et appliquer l’approche globale de la DCSMM fondée sur les écosystèmes. Mettre en place des mesures efficaces ciblant au moins les pressions les plus importantes par (sous-)région marine de manière coordonnée pourrait être la manière la plus efficace d’améliorer l’état écologique. Cela ne suppose pas que certaines incidences sur les écosystèmes marins sont négligées, mais devrait garantir que les mesures en place sont suffisamment efficaces pour prévenir les principales causes de détérioration et, si possible, restaurer les écosystèmes marins altérés. Pour être efficaces, les mesures doivent être intégrées avec des secteurs tels que la pêche, l’énergie, les transports, l’agriculture et le climat. En raison d’un certain manque de quantification des mesures communiquées et d’une incertitude quant à savoir dans quelle mesure elles permettront de parvenir à un bon état écologique, il est difficile de savoir si les mesures adoptées dans le cadre des politiques existantes de l’Union dans leur ensemble sont suffisantes pour réaliser les réductions requises des pressions et incidences sur le milieu marin;
(3)rationaliser et simplifier la mise en œuvre de la DCSMM. La simplification des calendriers et des processus de présentation de rapports peut être poursuivie, mais elle nécessite une disponibilité et une harmonisation accrues des données. La rationalisation exigerait un renforcement de la coordination régionale, l’alignement de concepts et d’approches (par exemple, facilité par la stratégie de mise en œuvre commune), ainsi que la coordination entre les politiques aux niveau national, régional et de l’Union. Grâce à l’expérience du premier cycle de mise en œuvre, et dans le respect des paramètres fixés par la directive, une réduction des efforts relatifs à l’élaboration des rapports pourrait libérer des ressources pour permettre aux États membres et à la Commission de se concentrer sur le fond des évaluations et la mise en œuvre des mesures.
Alors que le deuxième cycle de mise en œuvre de la DCSMM a maintenant atteint sa vitesse de croisière, la Commission va tenir compte de ces conclusions dans le cadre de ses préparatifs, conformément aux lignes directrices relatives à l’amélioration de la réglementation, en vue de la révision de la directive. Cela contribuera directement à la mise en œuvre du pacte vert pour l’Europe, et plus spécifiquement à sa stratégie en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030 et à son ambition zéro pollution.