16.7.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 286/13


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Le rôle de l’économie sociale dans la création d’emplois et la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux»

[Avis exploratoire]

(2021/C 286/04)

Rapporteur:

Giuseppe GUERINI

Corapporteure:

Cinzia DEL RIO

Consultation

Présidence portugaise du Conseil, 26.10.2020

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section

31.3.2021

Adoption en session plénière

27.4.2021

Session plénière no

560

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

239/2/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE sait gré à la présidence portugaise de lui avoir demandé le présent avis et estime qu’il est important de voir que les organismes de l’économie sociale constituent les partenaires stratégiques requis pour la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux et la construction d’une Union européenne (UE) qui réaffirme que l’économie a pour finalité essentielle d’être au service des personnes. Il recommande à cette fin que les pouvoirs publics des États membres prévoient d’associer largement ces organismes à leurs plans nationaux pour la reprise et la résilience au sortir de la crise de la pandémie.

1.2.

Le CESE est d’avis qu’afin d’encourager une reconnaissance adéquate des organisations et entreprises de l’économie sociale, dans les différentes formes juridiques sous lesquelles elles sont établies, il y a lieu de consolider les critères fonctionnels adoptés par les institutions de l’Union européenne, lesquels posent qu’elles accordent la priorité aux objectifs sociaux d’intérêt général, qu’elles adoptent une gouvernance démocratique et ouverte à la participation des différents acteurs intéressés et que même lorsqu’elles visent à une «lucrativité limitée», ses fruits soient affectés à la poursuite de leurs objectifs statutaires.

1.3.

S’agissant de mesurer l’action bénéfique exercée sur la société par les organisations et les entreprises de l’économie sociale, le CESE juge nécessaire que l’Union européenne se dote d’un dispositif permanent de collecte de statistiques grâce auquel il sera possible de disposer de données validées, comparables et mises à jour concernant l’ampleur de ce secteur et son influence.

1.4.

Le CESE estime que lorsque le rôle joué par l’économie sociale pour créer et préserver l’emploi s’exerce au profit de travailleurs défavorisés ou de territoires affectés par des handicaps, il est nécessaire que les organisations concernées bénéficient de politiques de soutien adéquates et propres à reconnaître la mission d’intérêt général que remplissent ces structures qui, bien que relevant par nature du droit privé, assument une fonction essentiellement publique.

1.5.

Ces actions d’assistance doivent se décliner sur quatre niveaux:

des politiques fiscales et un régime d’imposition qui reconnaissent leur fonction d’intérêt général,

des politiques visant à encourager les investissements, tant publics que privés, qui favorisent le développement d’une finance à portée sociale, y compris par le recours à l’instrument qu’offrent les marchés publics et les concessions,

des initiatives qui confortent la stabilité de l’emploi dans les entreprises de l’économie sociale et le rôle joué par leurs employés dans le paysage économique,

des actions de soutien pour promouvoir les qualifications des travailleurs et l’innovation technologique dans les organisations de l’économie sociale.

1.6.

Pour ce qui est de créer des emplois ou de préserver ceux qui existent, le CESE est d’avis que la formule du rachat de l’entreprise par ses salariés représente une bonne pratique non seulement pour relancer des entreprises en crise, mais aussi pour assurer une transmission de propriété dans le cas de petites et moyennes entreprises dont les fondateurs n’ont pas de successeurs. Il pourrait être opportun de créer, à cette fin, un fonds d’investissement spécifique.

1.7.

Le CESE demande que soit soutenu et encouragé, y compris par des politiques de création d’incitants, l’intérêt croissant que les investissements à retombées bénéfiques pour la collectivité suscitent auprès d’opérateurs financiers qui se doivent de voir dans les entreprises de l’économie sociale les interlocuteurs privilégiés pour mener une action de relance en faveur des placements qui ciblent la réalisation d’objectifs sociaux, environnementaux et solidaires.

1.8.

Le CESE est d’avis que les entreprises de l’économie sociale peuvent offrir une structure organisationnelle idéale pour les nouvelles formes d’entrepreneuriat, mises en œuvre par le truchement de plates-formes numériques et, tout particulièrement, pour les activités de l’«économie du partage», dans la mesure où elles sont enclines à associer activement à leur démarche les travailleurs et les utilisateurs desdites plates-formes.

1.9.

Le CESE souligne que des conditions de travail décentes et une gouvernance démocratique font partie des caractéristiques essentielles de l’économie sociale et que lorsqu’elles ne sont pas établies par leurs statuts mêmes, comme dans le cas de coopératives de travail et coopératives sociales, il y a lieu de prévoir des mécanismes précis pour assurer la consultation des travailleurs et leur participation.

1.10.

Le CESE considère que les organisations de l’économie sociale, dont, en particulier, les associations de bénévolat, assument une mission essentielle pour la cohésion, en alimentant le capital social et en encourageant la société civile à jouer un rôle de responsabilité.

1.11.

Dans le cas des jeunes, l’action bénévole représente une ressource fondamentale pour augmenter l’aptitude à l’emploi et le capital humain des nouvelles générations, en produisant un effet positif pour élargir leurs possibilités d’embauche. Cette mission du bénévolat apparaît également utile dans l’optique de faire pièce au phénomène des «NEET», ces jeunes qui n’ont pas de travail et ne suivent ni études ni formation, et il mériterait dès lors que soient lancées en sa faveur des politiques pour aiguiller la transition menant des expériences d’engagement volontaire à des formes stables de travail rémunéré.

1.12.

En synthèse, le CESE demande et souhaite que le plan d’action pour l’économie sociale donne l’occasion de mettre en place des instruments opérationnels et des propositions législatives concrètes.

2.   Observations générales

2.1.

Par l’élaboration du présent avis exploratoire, à la demande de la présidence portugaise du Conseil de l’Union européenne, le Comité économique et social est heureux d’apporter sa pierre à la réalisation des priorités de son programme concernant, en particulier, la promotion du modèle social européen, en esquissant des propositions concrètes sur le rôle que les entreprises de l’économie sociale jouent pour générer des emplois stables et décents et donner naissance à une structure économique plus inclusive, durable et résiliente.

2.2.

À l’échelle internationale, il est de plus en plus reconnu que cette économie joue un rôle décisif et pertinent, qui est apte à permettre l’expression des capacités organisationnelles de la société civile et de ses pouvoirs de transformation. Plusieurs États membres ont produit des législations qui reconnaissent les finalités et les fonctions de cette économie, en définissant le profil et la forme juridique des organisations qu’ils considèrent être ses émanations (1).

2.3.

Le CESE a posé, dans son avis INT/871 (2), que les organisations et entreprises qui ressortissent à l’économie sociale donnent aux objectifs sociaux la primauté sur le rôle du capital, notamment grâce à une gouvernance démocratique à laquelle prennent part les différents acteurs intéressés. Elles n’ont pas pour but de réaliser un profit pour elles-mêmes et, même lorsqu’elles parviennent à une «lucrativité limitée» grâce à une activité entrepreneuriale, elles n’affectent ces profits qu’à la réalisation de leurs objectifs statutaires et à la création d’emplois.

2.4.

La large reconnaissance acquise par l’économie sociale a été étayée par des travaux de recherche qui ont été menés à son sujet par des instances et organismes internationaux tels que l’OCDE, les Nations unies, l’Organisation internationale du travail et diverses institutions de l’Union européenne, parmi lesquelles le CESE lui-même, dont les treize avis qu’il lui a consacrés sur la période qui va de 2009 à 2020 ont opéré une classification des organisations et entreprises afférentes en quatre familles, à savoir les coopératives, les associations, les mutuelles et les fondations, auxquelles sont venues s’ajouter, à date plus récente, les entreprises sociales.

2.5.

Si l’Union européenne a entériné les critères et concepts les plus caractéristiques de l’économie sociale, tels que la primauté des personnes sur le capital, le réinvestissement des bénéfices et la gouvernance participative (3), aucun accord n’a encore pu être trouvé pour donner à cette économie une définition juridique qui soit homogène à l’échelle européenne. En 2018, le Parlement européen a proposé d’instaurer, pour les organisations qui s’y rattachent, une certification qui aurait pour base l’article 50 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Le CESE estime que pour que cette initiative soit concrétisée, il serait nécessaire d’entreprendre, aux fins de recenser les organisations et entreprises de l’économie sociale, une collecte améliorée et plus homogénéisée de données statistiques qui suive une définition opérationnelle commune, sur le modèle de celle qui s’effectue déjà dans les pays ayant créé des registres publics à cet effet.

2.6.

Pour l’heure, il s’avère de plus en plus nécessaire de disposer d’une définition opérationnelle de l’économie sociale qui soit reconnue, officiellement acceptée et tenue pour valide par les institutions de l’Union européenne, en particulier pour lui ouvrir l’accès aux multiples possibilités de croissance et de développement qui se présentent et afin de contribuer à ce qu’elle soit mieux comprise par les instances tant publiques et privées.

2.7.

Une telle acception est indispensable pour que l’économie sociale ait pleinement accès au marché des capitaux, qui témoigne d’un intérêt croissant pour les investissements à portée sociale. En plus de l’occasion fort opportune que le plan d’action pour l’économie sociale représente pour aborder cette question, il conviendrait que celui relatif à une union des marchés des capitaux au service des personnes et des entreprises (4) se penche lui aussi sur le rôle qu’elle joue pour ce qui est d’attirer en Europe des investissements en faveur d’une économie à visage humain.

2.8.

Les organisations de l’économie sociale sont vectrices d’une mission et d’une valeur économiques qui s’avèrent assez significatives, tant en volume, puisqu’elles représentent 8 % du PIB européen, que du point de vue qualitatif et au regard de la pérennité de cette présence (5), qui a enregistré une croissance même lors des années de la crise financière, que ce soit pour le montant de la production économique ou pour le nombre de travailleurs occupés.

2.9.

Les organisations de l’économie sociale jouent un rôle éminent pour ce qui est de créer ou de sauvegarder des postes de travail, puisqu’elles assurent plus de 13,6 millions d’emplois, correspondant à quelque 6,3 % de la population active de l’UE à 28 États membres (6), que le nombre de membres de coopératives, mutuelles et structures similaires dépasse les 232 millions et que celui des entreprises et organisations concernées excède 2,8 millions. Parmi ces travailleurs, 2,6 millions environ sont employés par des entreprises sociales qui répondent aux critères définis par l’initiative pour l’entrepreneuriat social de 2011.

2.10.

Pour une bonne part, les employés des organisations et entreprises de l’économie sociale œuvrent dans de petites structures, mais on relève aussi des exemples de sociétés d’économie sociale de grande envergure, dont le nombre de travailleurs dépasse parfois plusieurs centaines, voire se compte par milliers. Une grande partie des personnes ainsi employées le sont au sein d’organisations régies par une gouvernance participative de type démocratique, dans lesquelles on relève une corrélation entre l’ampleur de la participation des acteurs concernés dans la direction de ces structures et la tendance qu’elles manifestent à préserver des niveaux d’emploi élevés, ainsi qu’à se montrer plus résistantes face aux chocs (7).

2.11.

Un trait caractéristique de l’économie sociale est que les travailleuses y sont présentes en force, jusqu’à en former, dans bien des cas, 70 % de la main-d’œuvre, cependant qu’ailleurs, leur part n’en atteint pas moins, d’une manière générale, des niveaux excédant les 50 %. Si cette économie se doit de réaliser des avancées supplémentaires en faveur d’une pleine égalité, il faut remarquer que les femmes occupent des postes de direction ou d’encadrement dans beaucoup de ses structures. On observe par ailleurs que ces organisations et entreprises pratiquent une équité salariale significative, tant entre les divers échelons de leur organigramme hiérarchique que dans les rémunérations pratiquées, lesquelles ne présentent pas de déséquilibres flagrants entre les sexes (8).

2.12.

Si les organisations et entreprises de l’économie sociale pratiquent une plus grande équité salariale, il n’en reste pas moins que dans un nombre non négligeable de cas, les niveaux de rémunération des travailleurs qu’elles emploient restent cantonnés dans la partie basse de l’échelle des revenus. Pour une part, cette situation peut s’expliquer par le peu d’estime qui, d’une manière générale, est porté aux tâches de soins à la personne, lesquelles, même dans les modèles classiques d’entreprises, ne bénéficient pas de la reconnaissance financière qu’elles mériteraient. Sur ce point, il importe de renforcer les droits syndicaux des travailleurs du secteur social et de celui de l’assistance aux personnes.

2.13.

Une autre fonction importante qu’assurent ces organisations consiste à promouvoir et mettre en application nombre d’innovations sociales et, ainsi, à démontrer qu’elles sont aptes à déchiffrer et accompagner les changements à l’œuvre dans la société, en mobilisant d’importantes ressources en moyens humains, qui se manifestent par l’engagement actif et solidaire de plus de 82,8 millions de volontaires.

2.14.

Vu l’ampleur de leurs effectifs œuvrant dans des secteurs de premier plan et les défis qu’elles sont appelées à relever en matière d’innovation sociale et technologique, les organisations et entreprises de l’économie sociale doivent bénéficier du soutien d’actions appropriées de formation permanente et de qualification visant au développement des compétences professionnelles et organisationnelles.

2.15.

Le CESE estime dès lors que c’est avec beaucoup d’à-propos que la Commission a annoncé un plan d’action en faveur de l’économie sociale, ainsi que des initiatives concrètes pour mettre en œuvre le socle européen des droits sociaux, au moyen, là aussi, d’un plan d’action spécifique, sur lequel le CESE s’est exprimé dans son avis SOC/614 (9).

3.   Propositions pour une politique européenne de soutien et de promotion de l’économie sociale

3.1.

Si l’on veut imprimer un nouvel élan à la contribution que les organisations et les entreprises de l’économie sociale apportent à une «Europe plus sociale, résiliente et inclusive» et en renforcer le contenu, il est nécessaire d’adopter des mesures législatives et des programmes de politique économique à l’échelle européenne qui promeuvent et favorisent l’essor de ces structures, ne serait-ce qu’en raison de la contribution qu’elles peuvent apporter à un modèle de développement durable, écologique et solidaire.

3.2.

En ce sens, le CESE est d’avis que les interventions qu’il est possible d’envisager se situent à quatre niveaux:

un régime d’imposition qui reconnaisse la mission d’intérêt général qu’assument les entreprises de l’économie sociale, en particulier dans le cas de celles qui sont actives dans des secteurs présentant un intérêt public primordial, comme les services sociaux ou ceux concernant la santé, l’éducation et l’inclusion dans la société,

des politiques visant à encourager les investissements, tant publics que privés, qui favorisent le développement d’une finance à portée sociale, en réalisant des progrès supplémentaires pour faciliter l’accès aux marchés des appels d’offres et des concessions,

des actions qui confortent la stabilité de l’emploi dans les entreprises de l’économie sociale et le rôle joué par leurs employés dans leur fonctionnement économique, en particulier du point de vue de leur gouvernance démocratique,

des initiatives de soutien visant à mettre en œuvre de nouvelles compétences et à favoriser la diffusion de l’innovation et des nouvelles technologies dans la société civile.

3.3.

S’il reconnaît la mission fondamentale que les organisations et entreprises de l’économie sociale assument dans le domaine des services à la personne et celui de l’assistance sociale, le CESE n’en estime pas moins que l’État et les administrations publiques demeurent responsables au premier chef pour ce qui est de fournir aux citoyens les prestations qui leur sont essentielles.

3.4.

Il y a lieu de renforcer encore les mesures de soutien à l’emploi dans les entreprises sociales qui se consacrent à l’insertion professionnelle de travailleurs handicapés ou fortement marginalisés. Ces dispositions devraient viser à réduire le poids que la fiscalité et les charges sociales font peser sur le coût du travail, grâce à la prise en charge par les pouvoirs publics des cotisations nécessaires pour garantir les assurances et la protection sociales de ces actifs défavorisés. Il conviendrait que de tels mécanismes d’encouragement ne soient pas considérés comme des aides d’État octroyées aux entreprises de l’économie sociale, dans la mesure où ils ont pour finalité de contribuer à insérer pleinement sur le marché de l’emploi des personnes hautement défavorisées. En tout état de cause, ils ne devraient être octroyés qu’aux organisations qui respectent les conventions collectives et les droits fondamentaux des travailleurs.

3.5.

Dans bien des cas, les entreprises de l’économie sociale constituent le principal intervenant qui gère la fourniture de services essentiels pour la population, comme ceux relatifs à l’éducation, à l’aide sociale et sanitaire, à l’assistance individuelle, ou à la formation et l’insertion professionnelle des personnes défavorisées, en assumant des activités qui, bien que revêtant un caractère commercial ou entrepreneurial, présentent toujours une haute valeur pour la collectivité ou le territoire concerné et dont les profits qui ont pu être réalisés sont de toute façon réinvestis aux fins définies par leur statut. Il s’agit de services qu’elles dispensent avec une participation directe de leurs destinataires et qui se caractérisent par un enracinement territorial, qui fait partie inhérente de la mission qu’elles assument. De telles situations ne peuvent être astreintes sans réserve aux régimes de concurrence de marché. En conséquence, il conviendrait d’assouplir certaines dispositions qui, en matière d’«aides d’État», empêchent d’établir un régime fiscal grâce auquel seraient reconnus les bienfaits que ces organisations apportent sur le plan social et du point de vue du bien collectif.

3.6.

Par ailleurs et pour la même raison, le CESE estime indispensable, comme il l’a déjà réclamé dans son avis INT/906 (10), que le seuil fixé par le règlement de minimis concernant les services d’intérêt économique général, qui est actuellement de 500 000 EUR sur trois exercices fiscaux, soit porté, à tout le moins, à 800 000 EUR sur un seul exercice.

Il reste entendu qu’il s’impose de prévoir pour les financements publics des règles d’accès qui soient harmonisées, grâce à des critères qui soient homogènes, transparents et totalement respectueux de la réglementation régissant le travail et l’application des conventions collectives du secteur concerné.

3.7.

Il importe de définir des instruments propres à accroître les investissements bénéfiques pour la collectivité qui sont effectués dans les organisations de l’économie sociale. Plusieurs expérimentations intéressantes ont été réalisées en ce sens, grâce à des obligations ou titres de participation spécifiques, les «fonds propres» ou «quasi-fonds propres», qui se rapportent à une entreprise d’économie sociale et s’articulent avec son engagement de poursuivre des objectifs d’ordre social ou d’intérêt général.

3.8.

Dès lors qu’une fiscalité attrayante est appliquée à ces instruments financiers, il devient possible de dégager des marges de croissance intéressantes, sachant que les données historiques montrent bien qu’avec des investissements pourtant limités, les organisations de l’économie sociale ont su induire de nombreuses créations d’emplois et générer d’importants bienfaits d’ordre social en faveur des destinataires des services qu’elles fournissent.

3.9.

Il convient toutefois de veiller à disposer d’indicateurs appropriés, grâce auxquels les résultats obtenus puissent être mesurés et comparés, par exemple pour ce qui est d’accroître le volume d’emplois pérennes, d’instaurer des niveaux élevés de sécurité sur le lieu de travail, ainsi que de vérifier si les objectifs sociaux qui sont à la base de l’initiative considérée ont été effectivement atteints. À cette fin, il serait bienvenu que les États membres se dotent de lois encadrant l’économie sociale et s’emploient à mettre en œuvre des politiques qui favorisent la croissance et l’essor des entreprises qui s’y rattachent.

3.10.

Si dès 2011, la Commission européenne avait constaté qu’il était nécessaire d’améliorer le niveau de connaissance et de collecte publique de données et de statistiques concernant les entreprises de l’économie sociale, il reste encore beaucoup à faire pour établir des normes définies de manière coordonnée, qui seraient par ailleurs particulièrement utiles pour éviter des phénomènes de «blanchiment social» ou d’accès indu aux mesures de soutien.

3.11.

Pareille démarche pourrait aboutir à déterminer, dans les États membres qui n’en ont pas encore établi, quelles sont les instances nationales qui seront chargées de vérifier si les entités relevant de l’économie sociale respectent les conditions et normes en la matière et sont en adéquation avec les finalités sociales poursuivies.

3.12.

Parmi les mesures spécifiques de soutien aux activités des organisations et entreprises de l’économie sociale, l’une des plus pertinentes consiste à leur donner la possibilité de prendre part aux marchés des appels d’offres et des concessions, à propos de laquelle la directive 2014/24/UE a déjà proposé des instruments qui, pour importants qu’ils soient, n’ont pas bénéficié d’une mise en œuvre appropriée dans tous les États membres (11). S’agissant d’encourager des marchés publics socialement responsables, la Commission européenne devrait donner l’exemple et tirer tout le parti possible de ses propres procédures d’appel d’offres pour poursuivre des objectifs de politique sociale.

3.13.

Dans ce même arsenal des mesures de soutien, on relèvera également l’intérêt que présentent celles destinées à soutenir la reconversion d’activités de production et de service, ou encore leur transfert, lorsque des entreprises qui sont en proie à une crise ou dont le dirigeant est en fin de carrière sont reprises par leurs travailleurs organisés sous la forme de coopératives ou d’entreprises participatives.

3.14.

Déjà menées avec succès pour la reprise d’activités industrielles en crise, ces expériences de rachat de l’entreprise par ses salariés (12) sont de plus en plus utilisées aujourd’hui dans des cas de figure où une entreprise sociale détenue par son personnel se propose d’assurer un transfert de propriété concernant de petites sociétés. Cette approche s’applique en particulier dans le cas de certains jeunes qui, ne disposant pas des ressources suffisantes en capital pour entreprendre une activité économique, éprouvent bien souvent aussi des appréhensions à se lancer isolément et à devoir affronter individuellement les écueils du marché.

3.15.

Pour augmenter le potentiel de ces initiatives, il y aurait lieu de mettre en place une action d’investissement et d’accompagnement qui favoriserait le lancement de l’activité entrepreneuriale concernée grâce à une participation en capital destinée à financer les travailleurs d’entreprises en crise qui ont opté pour une reprise de ses activités en se constituant en coopérative. Dans certains pays, il a été possible, grâce à de telles initiatives, de réorganiser diverses entreprises et de sauvegarder des milliers de postes de travail.

3.16.

Les organisations syndicales des travailleurs jouent un rôle essentiel dans ces processus de reconversion industrielle. Les formes d’auto-entrepreneuriat telles que le rachat des entreprises par leurs salariés font partie intégrante des politiques actives en matière de travail. Parmi les bonnes pratiques de collaboration entre la sphère du coopératisme et le mouvement syndical, il convient de mentionner l’accord qui, en Italie, a été signé par les trois fédérations de coopératives et les trois syndicats les plus représentatifs, qui entendent coopérer de manière systématique sur les rachats d’entreprises par leurs travailleurs (13).

3.17.

Le CESE espère que le plan d’action pour l’économie sociale encouragera la naissance d’initiatives analogues dans tous les États membres de l’Union européenne, grâce à la création d’une structure spécifique dans le cadre du Fonds européen d’investissement ou du Fonds européen d’ajustement à la mondialisation, dans l’optique de disposer d’instruments concrets pour soutenir le redémarrage d’activités économiques qui ont été sinistrées du fait de la crise due à la pandémie de COVID-19.

4.   Les nouvelles formes d’économie sociale

4.1.

Aujourd’hui, c’est également dans le cadre de l’économie verte et de la promotion du développement durable que les entreprises de l’économie sociale s’attellent à créer de l’emploi et développer des initiatives novatrices relevant du domaine du social. On note une montée en puissance des expériences d’économie circulaire qui sont menées par des organisations relevant de cette économie et aboutissent elles aussi à la création de postes de travail dans le domaine du recyclage ou de l’agriculture sociale. Dans beaucoup d’États membres, il n’est actuellement pas possible, du fait du cadre juridique en vigueur et des politiques suivies, de lancer des actions qui favorisent le développement de coopératives d’intégration professionnelle. Aussi serait-il opportun que des interventions soient menées au niveau de l’Union européenne afin d’amorcer des progrès dans ces domaines.

4.2.

Tout particulièrement intéressant à cet égard est le rôle que les coopératives de travail (14) peuvent jouer pour donner un caractère plus inclusif aux nouvelles formes d’entrepreneuriat qui se créent par l’intermédiaire des plates-formes numériques, afin de pérenniser et de diffuser plus largement une participation des travailleurs et des utilisateurs dans le développement de nouvelles formes de mutualisme et de solidarité, grâce au recours à de nouvelles technologies numériques propres à contribuer à ce qu’ils soient largement associés à la démarche, même s’il reste établi que la protection de ces personnes qui travaillent sur les plates-formes ou selon des schémas atypiques implique nécessairement que des conventions collectives adéquates soient conclues avec les organisations syndicales de travailleurs.

4.3.

Les entreprises de l’économie sociale peuvent ouvrir des gisements d’emplois et de développement local en structurant la participation des citoyens pour assurer des services comme la fourniture d’énergies renouvelables ou l’organisation de services dans des régions excentrées ou en zone rurale, à l’instar des expériences françaises de pôles territoriaux de coopération économique (PTCE), qui fédèrent autour d’un même projet des associations, des coopératives, des collectivités locales, des entreprises traditionnelles ou des universités et se font les championnes d’expériences dans le domaine de l’agriculture sociale, du tourisme durable et de la mise en valeur du patrimoine environnemental ou culturel.

4.4.

Dans l’économie sociale, un rôle essentiel revient aux activités de volontariat, qui revêtent une haute importance non seulement pour les jeunes générations, mais également pour les plus âgés, auxquels elles offrent parfois une occasion appréciable de garder, dans la société et la vie citoyenne, un rôle actif qui contribue à améliorer leur qualité de vie. Il importe dès lors de renforcer les synergies des parcours de formation avec des plages de volontariat, s’agissant d’instruments qui les préparent à exercer un travail dans le secteur social. Une coordination accrue entre les périodes de volontariat et de stage serait de nature à faciliter la formation d’un personnel jeune et qualifié.

4.5.

Le «corps européen de solidarité» offre une expérience positive et constitue un modèle qu’il convient de renforcer et qu’il serait possible d’étendre, en créant une sorte de programme Erasmus pour les entrepreneurs sociaux, visant à favoriser la coopération transfrontière dans le domaine de l’économie sociale.

4.6.

Cette mission du bénévolat apparaît également fort utile dans l’optique de faire pièce au phénomène complexe des «NEET», ces jeunes qui n’ont pas de travail et ne suivent ni études ni formation, et mériterait dès lors que soient lancées en sa faveur des politiques incitatives pour aiguiller la transition menant des expériences d’engagement volontaire à un travail stable.

Bruxelles, le 27 avril 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  https://oeil.secure.europarl.europa.eu/oeil/popups/ficheprocedure.do?reference=2016/2237(INL)&l=fr

https://betterentrepreneurship.eu

https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/MEMO_11_735

https://cecop.coop/works/cecop-report-on-social-enterprises-laws-in-europe-a-worker-and-social-coops-perspective

(2)  https://www.eesc.europa.eu/fr/our-work/opinions-information-reports/opinions/towards-appropriate-european-legal-framework

(3)  Initiative pour l’entrepreneuriat social: https://ec.europa.eu/growth/sectors/social-economy/enterprises_fr

Conclusions du Conseil de 2015 sur la promotion de l’économie sociale: https://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-15071-2015-INIT/fr/pdf

Charte de l’économie sociale, 2002: https://www.socialeconomy.eu.org/wp-content/uploads/2020/04/2019-updated-Social-Economy-Charter.pdf

(4)  Une union des marchés des capitaux au service des personnes et des entreprises — nouveau plan d’action, COM(2020) 590 final.

(5)  Ces données sont reprises de la publication de la Commission européenne qui est disponible à l’adresse https://ec.europa.eu/social/BlobServlet?docId=22304&langId=en

(6)  Ces données sont extraites du rapport du CESE intitulé «Évolutions récentes de l’économie sociale dans l’Union européenne», qui est consultable à l’adresse https://www.eesc.europa.eu/sites/default/files/files/qe-04-17-875-fr-n.pdf.

(7)  The resilience of the cooperative model («La résilience du modèle coopératif»), Confédération européenne des coopératives de production, CECOP, 2012, https://www.cecop.coop/works/the-resilience-of-the-cooperative-model

(8)  Las mujeres en las cooperativas de trabajo («Les femmes dans les coopératives de travail»), Confédération espagnole des coopératives de travail associé, COCETA, 2019 https://www.coceta.coop/publicaciones/estudio-mujer-cooperativismo-coceta-2019.pdf

(9)  JO C 14 du 15.1.2020, p. 1.

(10)  JO C 429 du 11.12.2020, p. 131.

(11)  https://ec.europa.eu/info/policies/public-procurement/support-tools-public-buyers/social-procurement_fr

(12)  Business transfers to employees under the form of a cooperative in Europe: opportunities and challenges («Les transferts d’entreprises à leurs salariés sous la formes de coopératives en Europe: atouts et défis»), CECOP, 2013 (JO C 191 du 29.6.2012, p. 24).

(13)  Italy, historic agreement between unions and coops on worker buyouts («Italie: accord historique entre les syndicats et les coopératives sur les rachats d’entreprises par leurs travailleurs», CECOP, 2021: https://cecop.coop/works/italy-historic-agreement-between-unions-and-coops-to-promote-worker-buyouts

(14)  All for one — Worker-owned cooperatives’ response to non-standard employment («Tous pour un — Les coopératives détenues par leurs travailleurs: une réponse à l’emploi non classique»), CECOP, 2019: https://cecop.coop/works/cecop-report-all-for-one-reponse-of-worker-owned-cooperatives-to-non-standard-employment