30.10.2020   

FR

Journal officiel de l’Union européenne

C 366/4


AVIS DE LA BANQUE CENTRALE EUROPÉENNE

du 18 septembre 2020

portant sur une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2016/1011 en ce qui concerne l'exemption pour certains indices de référence de taux de change de pays tiers et la désignation d'indices de référence de remplacement pour certains indices de référence en cessation

(CON/2020/20)

(2020/C 366/04)

Introduction et fondement juridique

Le 8 septembre 2020, la Banque centrale européenne (BCE) a reçu une demande de consultation de la part du Conseil de l’Union européenne portant sur une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2016/1011 en ce qui concerne l'exemption pour certains indices de référence de taux de change de pays tiers et la désignation d'indices de référence de remplacement pour certains indices de référence en cessation (1) (ci-après le «règlement proposé»).

La BCE a compétence pour émettre un avis en vertu de l’article 127, paragraphe 4, et de l’article 282, paragraphe 5, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, étant donné que le règlement proposé contient des dispositions a) pertinentes pour la transmission de la politique monétaire et ayant par conséquent une incidence sur la mission fondamentale du Système européen de banques centrales (SEBC) qui consiste à définir et mettre en œuvre la politique monétaire de l’Union en vertu de l’article 127, paragraphe 2, du traité, et b) ayant une incidence sur la mission du SECB qui consiste à contribuer à la bonne conduite des politiques menées par les autorités compétentes en ce qui concerne la stabilité du système financier, telle que visée à l’article 127, paragraphe 5, du traité. Conformément à l’article 17.5, première phrase, du règlement intérieur de la Banque centrale européenne, le présent avis a été adopté par le conseil des gouverneurs.

Observations générales

1.    Objectifs du règlement proposé

1.1.

La BCE accueille favorablement l’objectif principal du règlement proposé qui vise à modifier le règlement (UE) 2016/1011 du Parlement européen et du Conseil (2) en conférant à la Commission européenne le pouvoir d’adopter un acte d’exécution lui permettant de désigner un taux légal de remplacement qui remplacerait, de plein droit, certains indices de référence dont la cessation de publication entrainerait une perturbation significative du fonctionnement des marchés financiers de l'Union et qui font l'objet d'une procédure supervisée de cessation ordonnée (3). À la date d’entrée en vigueur de l’acte d’exécution de la Commission, l’indice de référence de remplacement désigné dans ledit acte remplacerait, de plein droit, toutes les références à l’indice de référence ayant cessé d’être publié, dans l’ensemble des contrats financiers, des instruments financiers et des mesures de la performance d’un fonds d’investissement couverts par le règlement (UE) 2016/1011, lorsque ceux-ci ne contiennent pas de dispositions de repli appropriées.

1.2.

La BCE estime qu’il s’agit d’un outil supplémentaire utile, dont l’utilisation permettrait de combler le vide juridique qui serait créé concernant les contrats conclus avec des entités surveillées, telles que celles-ci sont définies à l’article 3, paragraphe 17, du règlement (UE) 2016/1011 (4) (ci-après les «entités surveillées»), qui font référence à un indice de référence dont la cessation entraînerait une perturbation significative du fonctionnement des marchés financiers de l’Union et lorsque les contrats concernés ne prévoient pas ou ne contiennent pas de taux de référence de remplacement approprié. Cet outil permettrait d’atténuer le risque d’impossibilité d’exécution des contrats et le risque pour la stabilité financière, qui pourraient découler de la cessation d’un tel indice de référence.

1.3.

La BCE soutient également la proposition visant à exempter du règlement (UE) 2016/1011 les indices de référence de taux de change administrés par des pays tiers qui font référence à un taux de change au comptant d’une monnaie d’un pays tiers qui n’est pas librement convertible et qui remplissent les autres critères définis par le règlement proposé (5). L’utilisation de tels indices de référence de taux de change de pays tiers, à l’exception de ceux fournis par les banques centrales, ne sera pas autorisée au sein de l’Union au-delà de 2021 (6), à moins qu’ils n’aient fait l’objet d’une procédure d’équivalence, de reconnaissance ou d’aval. La BCE a conscience que la satisfaction de cette condition pourrait poser problème étant donné que ces types d’indices de référence ne sont pas réglementés en dehors de l’Union. Toutefois, en exemptant ces indices de référence du règlement (UE) 2016/1011, les entités surveillées pourraient continuer à les utiliser.

Remarques particulières

2.    Intérêt et rôle de la BCE dans le soutien à la transition du marché vers des taux presque sans risque

2.1.

Les indices de référence, en particulier les indices de référence de taux d'intérêt, ou les taux interbancaires offerts, sont importants pour le fonctionnement des marchés financiers et la transmission de la politique monétaire. La transmission de la politique monétaire à l’ensemble de l’économie dépend de la capacité de la BCE à suivre les variations des indices de référence sur les marchés monétaires faisant suite aux modifications de la politique de taux d’intérêt directeurs opérées par la BCE. L'absence d'indices de référence solides et fiables pourrait donc entraîner des perturbations du marché financier, ce qui pourrait avoir un effet néfaste important sur la transmission de politique monétaire de la BCE au moyen de ses décisions et sur la capacité de l’Eurosystème à contribuer à la bonne conduite des politiques menées par les autorités compétentes en matière de stabilité du système financier.

2.2.

Compte tenu de ces risques, la BCE contribue de plusieurs façons à soutenir la transition du marché financier entre des indices de référence d’importance critique dans la zone euro et des taux d’intérêt presque sans risque. En 2017, conjointement avec la Commission, l’Autorité européenne des marchés financiers et l'autorité belge des services et marchés financiers (FSMA), la BCE a mis en place le groupe de travail sur les taux sans risque pour l’euro, dont elle assure le secrétariat. Depuis octobre 2019, la BCE publie également le taux d'intérêt au jour le jour non garanti en euros (€STR), basé sur des données dont dispose déjà l’Eurosystème, de manière à compléter les taux d’indices de référence existants produits par le secteur privé et à servir d'indice de référence de secours. Le groupe de travail a recommandé l’€STR comme taux sans risque pour l’euro, afin de remplacer l’Eonia qui sera abandonné à compter de 2022. La BCE fait également partie du groupe de pilotage du secteur public (Official Sector Steering Group), qui assiste le conseil de stabilité financière pour évaluer les progrès de la transition vers des taux presque sans risque au niveau international.

3.    Désignation d’un taux légal de remplacement afin de remplacer un indice de référence autre que le LIBOR

La BCE observe que la proposition de conférer à la Commission le pouvoir de désigner un taux de remplacement vise principalement les contrats conclus avec des entités surveillées qui font référence au London Interbank Offered Rate (LIBOR) (7), puisque cet indice de référence ne sera peut-être pas maintenu au-delà de 2021. À cet égard, le gouvernement du Royaume-Uni a annoncé récemment son intention de modifier sa réglementation relative aux indices de références afin de s’assurer que, d’ici fin 2021, la Financial Conduct Authority, c’est-à-dire l’autorité de règlementation du secteur financier du Royaume-Uni, dispose des pouvoirs réglementaires nécessaires afin de gérer et de diriger toute période d’extinction progressive des contrats existants avant la cessation finale du LIBOR, de sorte à garantir, entre autres, l’intégrité du marché (8). La BCE souligne que, comme la proposition de conférer à la Commission le pouvoir de désigner un taux de remplacement est formulée de manière neutre dans le règlement proposé, elle peut éventuellement s’appliquer à des contrats qui font référence à d’autres indices de référence – tels que, par exemple, le taux interbancaire offert en euros (Euro Interbank Offered Rate, EURIBOR) – à condition que les conditions-cadres définies dans le règlement proposé et dans l’acte d’exécution de la Commission soient remplies s’agissant de l’indice de référence concerné.

4.    Élaboration de plans d’urgence par les entités surveillées

4.1.

La BCE relève que l’article 28, paragraphe 2, du règlement (UE) 2016/1011 exige que les entités surveillées de l’Union (autres que les administrateurs d’indices de référence) qui utilisent un indice de référence, y compris les établissements de crédit, établissent et tiennent à jour des plans écrits solides décrivant les mesures qu'elles prendraient si cet indice de référence subissait des modifications substantielles ou cessait d'être fourni. Les entités surveillées de l’Union sont tenues de désigner dans leur plan d’urgence, lorsque cela est faisable et approprié, un ou plusieurs autres indices de référence susceptibles de servir de référence en substitution des indices de référence qui ne sont plus fournis, et d’indiquer en quoi ces indices de référence constitueraient des substituts appropriés. De plus, les entités surveillées de l’Union doivent communiquer sur demande ces plans, ainsi que toute mise à jour de ces derniers, à l'autorité compétente concernée et les répercuter dans la relation contractuelle avec leurs clients (9). La BCE comprend donc que la désignation par la Commission d’un taux légal de remplacement constituera un outil supplémentaire, qui pourra être appliqué à un indice de référence en cessation, aux conditions prévues par le règlement proposé, et qu’elle n’a aucune incidence sur les exigences d’élaboration de plans d’urgence par les entités surveillées prévues par l’article 28, paragraphe 2, du règlement (UE) 2016/1011, et ne porte pas non plus atteinte à ces exigences.

4.2.

La BCE a récemment publié une évaluation horizontale de l’état de préparation aux réformes des taux de référence des établissements de crédit (10), qui fait suite à un bilan horizontal portant sur les effets des réformes introduites par le règlement (UE) 2016/1011 sur les établissements de crédit soumis à la surveillance prudentielle au sein du mécanisme de surveillance unique. La BCE a également publié, sur son site internet, un rapport distinct sur les préparatifs effectués par les établissements de crédit en vue des réformes des taux de référence (11), qui définit certaines bonnes pratiques destinées à aider les établissements de crédit dans leur préparation à la transition vers de nouveaux indices de référence. Les conclusions de ces rapports soulignent l’importance, pour les établissements de crédit, d’accélérer leur préparation de la transition vers des taux sans risque, notamment en élaborant et en mettant en œuvre des mesures d’atténuation et en intégrant des mécanismes solides et appropriés de repli dans leurs documents contractuels. Par conséquent, la BCE ne considère pas le recours envisagé à un mécanisme de taux légal de remplacement comme une solution de rechange à la transition hors de l’EURIBOR ou du LIBOR lorsqu’il est possible de modifier un contrat.

5.    Recommandations du groupe de travail sur les taux sans risque pour l’euro

5.1.

La BCE relève qu’en vertu du règlement proposé, lors de l’adoption par la Commission de l’acte d’exécution visant à désigner un indice de référence de remplacement, celle-ci devrait tenir compte, le cas échéant, de la recommandation émise par un groupe de travail sur un taux de référence alternatif opérant sous l’égide de la banque centrale responsable de la monnaie dans laquelle sont libellés les taux de l’indice de référence de remplacement (12).

5.2.

La BCE souhaiterait rappeler à ce sujet que le groupe de travail sur les taux sans risque pour l’euro a été organisé par la BCE, l’autorité européenne des marchés financiers, la FSMA et la Commission, et que la BCE en assure le secrétariat et participe comme observatrice depuis son lancement. Cependant, les recommandations émises dans ce cadre sont exclusivement celles de ce groupe de travail, constitué d’établissements du secteur privé, et la BCE décline toute responsabilité concernant leur contenu. En outre, le fait que la BCE assume actuellement le secrétariat du groupe de travail ne devrait en aucun cas laisser supposer que la BCE partage les points de vue exprimés dans les recommandations émises par ce groupe (13).

6.    Droit applicable aux contrats concernés

La BCE comprend qu’en vertu du règlement proposé, le taux de remplacement désigné remplacerait l’indice de référence en cessation, dès lors que celui-ci cesserait d’être publié, dans l’ensemble des contrats ou instruments existants faisant intervenir une entité surveillée de l’Union relevant du règlement (UE) 2016/1011, indépendamment du droit applicable au contrat ou à l’instrument ainsi que de l’endroit où l’indice de référence a été autorisé ou publié. Cette intention ressort de l’exposé des motifs (14), qui précise que le taux de remplacement légal remplacera, de plein droit, toutes les références à l’indice de référence en cessation dans tous les contrats conclus par une entité surveillée de l’Union.

7.    Périmètre des contrats concernés

Comme indiqué ci-dessus, en vertu du règlement proposé, le pouvoir de désignation par la Commission d’un taux de remplacement s’appliquerait aux contrats existants couverts par le règlement (UE) 2016/1011 auxquels est partie une entité surveillée de l’Union. La BCE invite l’autorité consultante à envisager d’étendre le périmètre des contrats susceptibles d’être couverts par le pouvoir de désignation proposé, de sorte que, lorsqu’un contrat faisant référence à l’indice de référence à remplacer est régi par le droit d’un État membre de l’Union européenne, le taux de remplacement désigné puisse lui être appliqué indépendamment du fait qu’une entité surveillée de l’Union soit partie ou non au contrat. Cela contribuerait à éviter la fragmentation qui pourrait sinon en résulter sur le marché de l’Union, pour les contrats concernés - en particulier les contrats transfrontaliers - qui font référence à des indices de référence, puisque certains contrats seraient potentiellement visés par la désignation d’un taux de remplacement tandis que d’autres ne le seraient pas.

8.    Détermination du caractère inapproprié des dispositions de repli

La BCE relève que le règlement proposé ne définit pas les critères permettant d’apprécier l’éventualité que les dispositions de repli d’un contrat faisant référence à l’indice de référence en cessation ne soient pas appropriées; ce contrat ferait alors partie des contrats auxquels s’appliquerait le taux de remplacement désigné dans les cas où la cessation de la publication de l’indice de référence serait considérée comme entraînant une perturbation significative du fonctionnement des marchés financiers de l’Union. La BCE a conscience qu’il convient de clarifier cet aspect, ainsi que de nombreux autres encore, après une consultation publique en bonne et due forme des parties prenantes, dans l’acte d’exécution à adopter par la Commission conformément à la procédure visée à l’article 50 du règlement (UE) 2016/1011.

Lorsque la BCE recommande de modifier le règlement proposé, des suggestions de rédaction particulières, accompagnées d’une explication, figurent dans un document de travail technique séparé. Le document de travail technique est disponible en anglais sur le site EUR-LEX.

Fait à Francfort-sur-le-Main, le 18 septembre 2020.

La présidente de la BCE

Christine LAGARDE


(1)  COM (2020) 337 final.

(2)  Règlement (UE) 2016/1011 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 concernant les indices utilisés comme indices de référence dans le cadre d'instruments et de contrats financiers ou pour mesurer la performance de fonds d'investissement et modifiant les directives 2008/48/CE et 2014/17/UE et le règlement (UE) no 596/2014 (JO L 171 du 29.6.2016, p. 1).

(3)  Nouvel article 23 bis du règlement (UE) 2016/1011, qui sera inséré par l’article 1, paragraphe 2, du règlement proposé.

(4)  L’article 3, paragraphe 17, du règlement (UE) 2016/1011 inclut dans sa définition des entités soumises à la surveillance prudentielle les établissements de crédit, les entreprises d’investissement ainsi que certaines autres catégories d’établissements financiers.

(5)  Nouvel article 2, paragraphes 3 et 4, du règlement (UE) 2016/1011, qui sera inséré par l’article 1er, paragraphe 1, point b), du règlement proposé.

(6)  Article 51, paragraphes 4 bis et 4 ter, du règlement (UE) 2016/1011.

(7)  Étant donné que le LIBOR est calculé pour différentes devises et durées, les références faites au LIBOR, dans le présent avis, doivent être comprises comme des références à la/aux combinaison(s) spécifique(s) devise/durée du LIBOR dont la publication cessera.

(8)  Voir Financial Services Regulation: House of Commons Written statement by the Chancellor of the Exchequer, Rishi Sunak, HCWS307 du 23 juin 2020, disponible uniquement en anglais à l’adresse suivante: www.parliament.uk

(9)  Article 28, paragraphe 2, du règlement (UE) 2016/1011.

(10)  Voir A horizontal assessment of SSM banks’ preparedness for benchmark rate reforms,23 juillet 2020, disponible en anglais uniquement sur le site internet de la BCE à l’adresse suivante: www.ecb.europa.eu

(11)  Report on preparations for benchmark rate reforms du 23 juillet 2020, disponible en anglais uniquement sur le site internet de la BCE consacré à la supervision bancaire à l’adresse suivante: www.ecb.europa.eu

(12)  Nouvel article 23 bis, paragraphe 3, du règlement (UE) 2016/1011, qui sera inséré par l’article 1er, paragraphe 2, du règlement proposé.

(13)  Voir le considérant 10 du règlement proposé.

(14)  Voir la page 12 de l’exposé des motifs du règlement proposé.