Bruxelles, le 9.4.2019

COM(2019) 177 final

COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU CONSEIL EUROPÉEN ET AU CONSEIL

Un processus décisionnel plus efficace et démocratique pour la politique de l'UE en matière d'énergie et de climat


1.    Introduction

L’union de l’énergie constitue l’une des priorités majeures de l’Union européenne. Elle a pour objectif fondamental d’offrir aux Européens (ménages et entreprises) une énergie sûre, durable, compétitive et abordable. Elle repose sur un système énergétique intégré à l’échelle de l’Union, qui contribue à une vision européenne stratégique à long terme pour une économie prospère, moderne, compétitive et neutre pour le climat 1 .

Ces dernières années, des progrès considérables ont été accomplis dans la réalisation des objectifs de l’union de l’énergie, notamment grâce à l’adoption du train de mesures sur la sécurité énergétique 2 , du train de mesures intitulé «Une énergie propre pour tous les Européens» 3 , qui représente le plus important paquet législatif de l’UE sur l’énergie jamais adopté, de la législation de l’UE sur le climat 4 et des trois paquets de mesures de 2017-2018 en faveur de la mobilité 5 . En outre, dans le contexte du train de mesures intitulé «Une énergie propre pour tous les Européens», le règlement sur la gouvernance de l’union de l’énergie 6 facilitera la réalisation de tous les volets de cette union, grâce à une coopération étroite entre l’UE et ses États membres. Le quatrième rapport sur l’état de l’union de l’énergie expose brièvement les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs fixés 7 .

Parce qu’il s’agit d’un programme inscrit dans une perspective d’avenir en matière de politique énergétique et climatique, certains domaines devront encore être améliorés pour atteindre tous les objectifs. L'examen du processus décisionnel de l’Union dans le domaine des politiques de l'énergie constitue un aspect important de ce programme axé sur l'avenir. Dans son discours sur l’état de l’Union de 2017, le président Juncker avait clairement indiqué que, sur les questions importantes concernant le marché unique, les décisions au Conseil devraient être prises plus souvent à la majorité qualifiée, avec une participation égale du Parlement européen. Cette question est particulièrement pertinente dans le domaine du nucléaire, où le Parlement européen ne participe pas aux décisions relevant du traité Euratom dans les mêmes conditions que celles prévues dans la procédure législative ordinaire du traité de Lisbonne.

Au fil du temps, l’Union est passée du vote à l’unanimité au vote à la majorité qualifiée, que l’acte unique européen 8 a étendu à la plupart des domaines d’action. Dans d’autres domaines, tels que la fiscalité, le processus décisionnel n’a pas évolué. L’unanimité a été remplacée par la majorité qualifiée pour une raison à la fois simple et impérieuse: les États membres ont reconnu que, lorsqu’un domaine d’action précis requiert un certain degré d’ambition, il arrive un moment où la règle de l’unanimité ralentit les progrès et empêche l’UE de s’adapter aux réalités changeantes et d’offrir aux Européens les moyens les plus appropriés de défendre leurs intérêts. En ce sens, chaque évolution vers la majorité qualifiée a représenté une avancée majeure pour l’UE. Le vote à la majorité qualifiée repose sur une culture du compromis. Il élargit le champ de la discussion et produit des résultats pragmatiques qui prennent en compte les intérêts de tous. Cette approche souple, efficace et rapide du processus décisionnel a permis à l’Union de devenir un modèle et une référence mondiale dans des domaines tels que la protection de l’environnement et des consommateurs, l’emploi et les normes sociales, la protection des données et le commerce libre et équitable 9 .


Passer de l’unanimité à la majorité qualifiée n’implique pas forcément une modification du traité - cela peut se faire au moyen des «clauses passerelles» prévues dans les traités actuels, avec l’approbation du Conseil ou du Conseil européen.


La présente communication expose les raisons qui justifient d’adopter un processus décisionnel plus efficace et plus démocratique dans certains domaines d’action liés à l’énergie, dont celui du nucléaire. Elle examine les possibilités:

-d’élargir le recours au vote à la majorité qualifiée et à la procédure législative ordinaire dans le cadre du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, ainsi que le mentionnait déjà la communication intitulée «Vers un processus décisionnel plus efficace et plus démocratique en matière de politique fiscale dans l’UE»;

-d’instituer une plus grande responsabilité démocratique dans le cadre du traité Euratom.

2.    Options envisageables pour élargir le vote à la majorité qualifiée dans le cadre du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

L’une des principales questions qui se pose lorsque l’on examine le cadre institutionnel actuel de l’union de l’énergie est de savoir si les procédures décisionnelles existantes de l’UE sont totalement adaptées pour réaliser les objectifs que l’Union s’est fixés en matière d’énergie et de climat.

2.1    Le processus décisionnel actuel pour la politique énergétique et climatique

Le traité de Lisbonne établit que la procédure normale de prise de décision dans l’Union est la procédure législative ordinaire, dans le cadre de laquelle les actes législatifs sont adoptés, sur proposition de la Commission, par le Parlement européen et par le Conseil, ce dernier statuant à la majorité qualifiée. Ce principe s’applique au titre consacré à l’énergie dans le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).

Le traité 10 prévoit expressément le vote à la majorité qualifiée pour les mesures visant à:

-assurer le fonctionnement du marché de l’énergie;

-assurer la sécurité de l’approvisionnement énergétique dans l’Union;

-promouvoir l’efficacité énergétique et les économies d’énergie ainsi que le développement des énergies nouvelles et renouvelables;

-promouvoir l'interconnexion des réseaux énergétiques.

Dans ce contexte, le traité reconnaît également de manière explicite le droit des États membres de déterminer les conditions d’exploitation de leurs ressources énergétiques, leur choix entre différentes sources d’énergie et la structure générale de leur approvisionnement énergétique 11 .

En outre, le traité exige que, dans le domaine de l’énergie, le Conseil statue à l’unanimité, et après consultation du Parlement européen, lorsqu’il adopte des dispositions qui sont essentiellement de nature fiscale 12 .

De même, le traité exige que, dans le domaine de la protection de l’environnement, le Conseil statue à l’unanimité lorsqu’il adopte i) des dispositions essentiellement de nature fiscale; ii) des mesures affectant l’aménagement du territoire, la gestion des ressources hydrauliques ou l'affectation des sols, et iii) les mesures affectant sensiblement le choix d'un État membre entre différentes sources d'énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique 13 .

2.2    La nécessité de procédures décisionnelles plus efficaces pour les mesures fiscales

L’Union est déterminée à atteindre les objectifs qu’elle s’est fixés en matière d’énergie et de climat pour 2030 et à poursuivre les transformations et les modernisations nécessaires pour parvenir à une économie neutre pour le climat à l’avenir. L’une des exigences fondamentales est que les politiques réglementaires, financières et fiscales dans les domaines de l’énergie et du climat soient totalement cohérentes et se renforcent mutuellement.

La politique fiscale constitue un instrument déterminant pour atteindre les objectifs de l’union de l’énergie, et en particulier pour faciliter la transition vers les énergies propres, tout en respectant les principes de subsidiarité et de proportionnalité.

Le marché unique de l’énergie est en cours de réalisation et la fiscalité de l’énergie a un rôle central à y jouer. Les taxes et prélèvements représentent une part non négligeable du prix des énergies et, dans certains pays, cette part a augmenté régulièrement pour des produits essentiels tels que l’électricité 14 ; d’où l'importance accrue du cadre fiscal pour le fonctionnement du marché intérieur et les bénéfices qui en découlent sur le plan de la croissance.

Le cadre actuel régissant la taxation de l'énergie 15 est fondé sur l’article 113 TFUE, qui prévoit une procédure législative spéciale avec vote à l’unanimité au Conseil. Or ce cadre n’est pas adapté aux ambitions de l’Union en matière d’énergie et de climat. En effet, il ne permet pas d’assurer une cohérence entre le cadre fiscal et les politiques et objectifs définis pour l’énergie et le climat. Bien qu'inspirées des modèles fiscaux appliqués dans les États membres, largement fondés sur les besoins de recettes, les politiques fiscales actuelles n’intègrent pas de manière systémique l’incidence de la consommation de combustibles et d’électricité sur la réalisation des objectifs de l’UE en matière d’énergie et de climat, et de ses objectifs en matière de santé et d’environnement. À ce sujet, la Commission a proposé à diverses reprises d’appliquer une taxe sur les combustibles fossiles en fonction des émissions de carbone associées à leur utilisation. Les États membres n’ont pas pu trouver d’unanimité sur les termes de ces propositions. L’appel récemment lancé par quelques États membres pour ajuster, aux frontières, la taxe carbone requerrait lui aussi l’unanimité.

2.3    Le statu quo et l’avenir de la fiscalité de l’énergie

L’actuel cadre européen de taxation de l’énergie, inchangé depuis 2003, est obsolète. Il ne permet pas de réaliser des objectifs essentiels tels que la diversification des sources d’énergie et des vecteurs énergétiques ou l’amélioration de l’efficacité énergétique de la production et la consommation, car les taxes ne sont pas basées sur le contenu énergétique mais sur le volume ou le poids des produits énergétiques consommés.

L’absence d’augmentation, pendant plus de dix ans, des taux minimum au niveau de l’UE a érodé le signal de prix lié à la fiscalité qui était censé encourager les investissements dans les technologies et les comportements économes en énergie. En outre, depuis lors, certains États membres ont augmenté leur taux national d'imposition alors que d’autres ne l’ont pas fait. Il existe donc un risque croissant de distorsion de concurrence dans le marché unique et d’érosion de la base d’imposition dans les pays à fort taux d'imposition, notamment pour les carburants qui peuvent être facilement transportés au-delà des frontières en toute légalité. Malgré les appels répétés en faveur d’une réorientation de la fiscalité, le pourcentage global de recettes fiscales provenant des taxes environnementales dans l’UE est demeuré relativement inchangé au cours de la dernière décennie 16 .

En outre, l’existence d’exonérations ou de réductions sectorielles des taxes sur l’énergie, notamment dans les secteurs de l’aviation, du transport maritime et routier, de l’agriculture et de la pêche, ainsi que dans les industries grandes consommatrices d'énergie, diminue en général fortement l’incitation à investir dans des équipements et procédés de production plus économes en énergie. Ces exonérations ou réductions de taxes accroissent la pression sur les autres secteurs et/ou les ménages, qui doivent combler les déficits de recettes qu’elles entraînent. De plus, elles peuvent fausser la concurrence entre les secteurs industriels et encourager les modes de transport énergivores et polluants 17 .

La taxation des carburants en fonction de leur volume et non de leur contenu énergétique crée une discrimination à l’égard des carburants renouvelables, en faveur des carburants conventionnels, en particulier le diesel, et va donc à l’encontre d’une politique énergétique qui vise à passer à d'autres combustibles et à promouvoir les sources d’énergie renouvelables et d’autres sources d’énergie propre. Elle n’aide pas non plus à rééquilibrer l’offre et la demande de diesel sur le marché européen des carburants.

En 2011, une proposition de la Commission visant à modifier la directive 2003/96/CE restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité 18 suggérait d’introduire un élément lié au CO2 dans le cadre européen de taxation de l’énergie. Une taxe liée au CO2 devait être appliquée aux secteurs ne relevant pas du système d’échange de quotas d’émission, ce qui donnerait un signal de prix lié au carbone qui serait cohérent dans toute l’économie de l’UE. Il était en outre proposé de fonder la fiscalité des produits énergétiques sur leur contenu énergétique et de simplifier le système des réductions et exonérations de taxes. Il a cependant été impossible d’obtenir l’unanimité requise entre les États membres sur les principaux éléments de la proposition, et notamment sur l’introduction d’un élément fiscal lié au CO2. En conséquence, en 2015, la Commission a décidé de retirer sa proposition. Le cadre obsolète de 2003 est donc resté en place jusqu’à ce jour.

La Commission procède actuellement à une évaluation de la directive sur la taxation de l’énergie, en vue d’une éventuelle révision. Cette évaluation permettra d’examiner l’application des différentes dispositions de la directive ainsi que l’efficacité et la clarté de cette dernière, de déterminer dans quelle mesure elle a atteint ses objectifs et de détecter d’éventuelles lacunes. La cohérence de la directive avec d’autres politiques (énergie, environnement, concurrence, transport, etc.), initiatives ou mesures de l’UE sera également vérifiée.

Le futur régime fiscal de l’énergie devrait compléter et renforcer la législation de l’UE en la matière, ainsi que le cadre (financier/technologique/social) d’application, tant au niveau des États membres qu’à celui de l’UE. Dans cette perspective, la Commission considère les trois aspects suivants comme déterminants.

La fiscalité de l’énergie devrait encourager la transition vers les énergies propres

Les taxes sur les produits énergétiques devraient être conçues de manière à comporter des incitations appropriées à réduire les émissions au fil du temps et à optimiser l'utilisation des ressources, notamment grâce à des taux d’imposition assurant une cohérence, sur le plan écologique, entre divers vecteurs énergétiques et combustibles. Elles pourraient aussi orienter certains comportements de façon à répondre à des besoins et objectifs sociétaux plus larges liés à la transition vers les énergies propres et au changement climatique.

En plus d’inciter à utiliser des sources d’énergie propre, le régime fiscal devrait également prendre davantage en considération le coût externe total des biens et des services, notamment en appliquant systématiquement le principe du «pollueur payeur». Or, cet objectif n’est pas encore atteint. Ainsi, le rapport de 2018 sur les prix et les coûts de l’énergie 19 indiquait que les subventions aux combustibles fossiles, notamment sous la forme de réductions ou d’exonérations fiscales, demeurent en place malgré l’objectif de supprimer progressivement les subventions préjudiciables à l’environnement, fixé dans la stratégie pour l’union de l’énergie. Un moyen d’atteindre cet objectif consisterait à appliquer une «taxe carbone», qui pourrait modifier les structures de consommation et de production en les rendant moins gourmandes en carbone et en énergie, réduisant ainsi les émissions de gaz à effet de serre et permettant des économies d’énergie globales. Cela encouragerait en outre les investissements dans l’amélioration de l'efficacité énergétique et les technologies à faible intensité de carbone.

La fiscalité de l’énergie refléterait dès lors la contribution à une croissance durable et les évolutions potentielles des technologies propres, ainsi que les dommages externes causés par chaque combustible et par ses utilisations. À cet égard, les taxes sur l’énergie serviraient à créer une situation de marché où les solutions les moins taxées sont celles qui réduisent également notre empreinte écologique et la pollution. Il est capital d’assurer la cohérence du cadre actuel pour le transport et pour les combustibles de chauffage.

La fiscalité de l’énergie devrait contribuer à une croissance durable et juste sur le plan social

La fiscalité peut être associée à d’autres instruments fondés sur le marché (tels que les redevances, les droits ou les quotas d’émission), pour régler des problèmes environnementaux spécifiques, tout en favorisant l’investissement, l’emploi et la croissance. Des études économiques montrent que certains types de prélèvements fiscaux, tels que ceux qui frappent le travail et les revenus, sont plus susceptibles d’entraîner des distorsions, tandis que d’autres, comme les taxes sur la consommation et les taxes environnementales, sont plus propices à la croissance.

Les taxes sur l’énergie et les autres instruments fondés sur le marché devraient être adaptés aux besoins d’investissement à satisfaire pour préparer l’avenir, par exemple en facilitant le déploiement de technologies clés qui contribuent à une croissance sobre en carbone, lesquelles seront à l’avant-garde de la transition vers des énergies propres.

La fiscalité de l’énergie a également une incidence sur le bon fonctionnement du marché unique de l’énergie. Aujourd’hui, les marchés de l’énergie, tels que ceux de l’électricité, du gaz et du pétrole, sont, dans une large mesure, intégrés au niveau de l’UE et les flux d’énergie circulent librement d’un État membre à l’autre. Cela se traduit, notamment, par une convergence progressive des prix nationaux. Ainsi, au cours de la dernière décennie, l'éventail des prix de l’électricité s’est réduit de 21 % 20 . Pour achever le marché intérieur de l’énergie de l’UE, il a fallu adopter une législation solide permettant de supprimer de nombreux obstacles et entraves commerciales. Le cadre réglementaire de l’UE a progressivement permis la réalisation du marché unique. La politique en matière de fiscalité de l’énergie n’a toutefois pas évolué au même rythme, ce qui aurait permis de promouvoir une intégration plus poussée du marché intérieur de l’énergie. En d’autres termes, les prix de l’électricité, du gaz et des carburants pour les transports demeurent considérablement influencés par des coûts liés au soutien des politiques et des instruments fiscaux fixés au niveau national et variables d’un État membre à l’autre.

La fiscalité de l’énergie devrait également réduire au minimum les distorsions résultant des différences de taux d’imposition entre les combustibles concurrents. Il convient d’appliquer le même traitement à toutes les sources d’énergie, compte tenu de la contribution de chacune d’elles aux objectifs généraux de l’union de l’énergie. Par exemple, il faudrait veiller à assurer la cohérence entre les sources d’énergie pour tous les utilisateurs afin que le système fiscal ne pousse pas abusivement les consommateurs à privilégier les solutions faisant appel aux combustibles fossiles (par exemple, en encourageant les systèmes de chauffage au charbon, qui est souvent le combustible de chauffage le moins taxé, mais aussi le plus polluant).

La réforme de la fiscalité de l’énergie devrait tenir compte des considérations de justice sociale

La politique en matière de fiscalité de l’énergie pourrait nuire au pouvoir d’achat des consommateurs économiquement vulnérables si l’on ne tient pas compte de l’incidence sociale du système fiscal. L’augmentation des taxes sur les combustibles fossiles dans le secteur des transports ou du chauffage est certes un outil puissant pour induire un changement des comportements mais, à court terme, les consommateurs n’ont peut-être pas la possibilité de modifier facilement leurs habitudes de consommation lorsqu’une part importante de leurs revenus est en jeu.

Il faut donc prévoir des mesures d’accompagnement mûrement réfléchies pour rendre socialement acceptables pour tous les citoyens les déplacements de la charge fiscale qui favorisent les objectifs de la politique en matière d’énergie et de climat. Ces enjeux sociaux devront être résolus grâce à une politique sociale et aux systèmes de protection sociale, dont le financement doit être réellement amélioré par un déplacement de la charge fiscale et par le recyclage des recettes. À cette fin, on peut non seulement adopter des politiques sociales pour soutenir les consommateurs vulnérables, mais aussi utiliser les recettes de la fiscalité de l’énergie et de l’environnement pour favoriser la transition de secteurs économiques et/ou de régions vers la performance environnementale et permettre une réduction de la fiscalité du travail consécutive à l’augmentation des recettes provenant des taxes environnementales.

2.4    Les «clauses passerelles», outil d’adaptation de la procédure décisionnelle

Les traités prévoient, en application de la disposition générale de l’article 48, paragraphe 7, du TUE et des dispositions spécifiques du TFUE, la possibilité, pour certains domaines d’action, de déroger à la règle de l’unanimité et de passer au vote à la majorité qualifiée. Cette possibilité, dite «clause passerelle», permet le passage d’un vote à l’unanimité à un vote à la majorité qualifiée.

Dans le titre du TFUE consacré à l’environnement a été introduite une clause passerelle spécifique 21 , qui donne compétence au Conseil pour décider que des mesures environnementales de nature fiscale peuvent être adoptées dans le cadre d’une procédure législative ordinaire avec vote à la majorité qualifiée. Pour exercer cette compétence, le Conseil doit statuer à l’unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, du Comité économique et social et du Comité des régions.

Il serait possible d’avoir recours à la clause passerelle prévue dans le titre du TFUE consacré à l’environnement pour les mesures de fiscalité de l’énergie qui sont essentiellement de nature environnementale. Ce choix pourrait être justifié pour des mesures de fiscalité environnementale destinées à la réduction des émissions de CO2 et d’autres émissions polluantes ou à l’amélioration de l’efficacité énergétique, priorités essentielles de la stratégie de l’union de l’énergie et de l’accord de Paris. La production et la consommation d’énergie étant responsables de plus des trois quarts des émissions de CO2, les taxes environnementales sur les émissions de CO2 ne pourront atteindre leur objectif que si ces deux activités sont soumises à ces mesures fiscales. En conséquence, la clause passerelle prévue dans le titre consacré à l’environnement du TFUE devrait pouvoir s’appliquer à la fiscalité du CO2 dans le secteur de l’énergie.

Le recours à cette clause passerelle n’aurait pas d’incidence directe sur les compétences actuelles des États membres en matière de fiscalité, il modifierait uniquement la manière dont ils exercent ces compétences. Cette approche contribuerait plutôt aux efforts visant à améliorer le cadre institutionnel de la fiscalité en général. En outre, le recours à la clause passerelle entraînerait l’application de la procédure législative ordinaire, dans le cadre de laquelle le Parlement européen et le Conseil, en tant que colégislateurs, représentent un large éventail d’intérêts et agissent sur un pied d'égalité. Le vote à la majorité qualifiée exprime en effet le principe fondamental d’une unité d’action, fondée sur un compromis. Cette logique vaut pour la majorité des décisions dans le domaine de l’énergie et du climat, et il est donc opportun d’étudier plus en détail les avantages que présente la majorité qualifiée dans le domaine de la fiscalité environnementale également.

Une telle démarche s’inscrirait dans l’approche plus générale de l’utilisation des clauses passerelles, telle qu’elle est décrite dans la feuille de route de la communication sectorielle «Vers un processus décisionnel plus efficace et plus démocratique en matière de politique fiscale dans l'Union» 22 . La deuxième étape de cette feuille de route prévoit que le passage à la procédure législative ordinaire, fondée sur le vote à la majorité qualifiée au Conseil et le droit de codécision du Parlement européen, devrait porter sur des mesures essentiellement de nature fiscale conçues pour soutenir d’autres objectifs politiques, y compris la lutte contre le changement climatique. Pour cette deuxième étape, la Commission a invité les dirigeants de l’UE à prendre une décision rapide.

La Commission soulignait également dans cette communication qu’une plus grande efficacité des décisions de nature fiscale dans ces domaines permettrait de mettre en œuvre une politique énergétique plus respectueuse de l’environnement en vue, par exemple, de soutenir les objectifs ambitieux de l’UE en ce qui concerne le changement climatique. La clause passerelle spécifique prévue à l’article 192, paragraphe 2, du TFUE dans le domaine de l’environnement, qui couvre en particulier les dispositions de nature essentiellement fiscale, permet de passer de la procédure législative spéciale à la procédure législative ordinaire pour une politique énergétique plus respectueuse de l’environnement. À titre d’alternative, le recours à la clause passerelle générale prévue à l’article 48, paragraphe 7, du TUE permettrait de passer au vote à la majorité qualifiée pour les mesures fiscales conçues principalement pour atteindre des objectifs énergétiques.

3.    Processus décisionnel dans le cadre du traité Euratom

L’énergie nucléaire est incontournable dans le bouquet énergétique européen actuel. La moitié des États membres recourent à l’énergie nucléaire pour leur production d’électricité, ce qui signifie que 27 % de l’électricité produite dans l’UE est d’origine nucléaire.

Lors de la signature du traité Euratom en 1957, l’énergie nucléaire était considérée comme une source d’énergie pour le développement économique de l’Europe. Ce traité confère des compétences supranationales étendues au niveau communautaire. Dans la pratique, toutefois, l’application de ces pouvoirs a été sélective et a évolué au fil du temps. À l’origine, la Communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom) était avant tout destinée à stimuler l’énergie nucléaire; aujourd’hui, ses activités sont liées à la sûreté, à la sécurité de l’approvisionnement, aux garanties nucléaires, à la gestion des déchets, à la radioprotection, à la recherche et aux applications médicales. Euratom a joué un rôle important dans le renforcement de la sûreté nucléaire dans les nouveaux États membres et dans le voisinage de l’UE. Les conséquences transfrontières potentielles des problèmes de sûreté nucléaire sont telles qu’il est nécessaire — encore davantage aujourd’hui et dans les années à venir —de prévoir un cadre juridique qui dépasse les frontières des États membres. Ce cadre a été renforcé par le droit dérivé adopté depuis l’accident de Fukushima. De même, le vieillissement des centrales électriques dans l’ensemble de l’UE soulève des questions relatives à la prolongation de la durée de vie de ces centrales, à leur fermeture progressive selon un calendrier adapté, au déclassement, à la gestion des déchets et aux investissements connexes. Ces aspects prendront de plus en plus d’importance dans les années à venir.

Il est entendu que l’utilisation de l’énergie nucléaire est un choix national qui appartient à chaque État membre, et il continuera d'en être ainsi. Le traité Euratom constitue le cadre juridique le plus avancé au monde dans les domaines de la sûreté nucléaire, de la gestion des déchets ou de la radioprotection. Il est toutefois admis que son évolution doit être parallèle à celle d’une Union européenne qui devient plus unie, plus forte et plus démocratique. Cette préoccupation se retrouve dans la déclaration faite par cinq États membres et annexée au traité de Lisbonne 23 , qui constate que les dispositions essentielles du traité instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique n'ont pas fait l'objet de modifications de fond depuis l'entrée en vigueur dudit traité, et qu'une mise à jour est nécessaire.

La responsabilité démocratique d’Euratom et, en particulier, la participation du Parlement européen et des parlements nationaux sont ici un aspect central. Le traité de Lisbonne a étendu la procédure législative ordinaire à la quasi-totalité des domaines d’action dans lesquels le Parlement européen n’avait auparavant qu’un rôle consultatif. Si la procédure législative ordinaire s’applique aussi, en général, au traité Euratom 24 , dans la pratique, cette possibilité n’est pas prévue par les dispositions du traité relatives à l’adoption d’actes juridiques. Le Parlement européen est uniquement consulté sur ces dispositions. De la même manière, le traité de Lisbonne a renforcé le rôle du Parlement dans le processus de conclusion des accords internationaux, en rendant son approbation souvent nécessaire 25 . Ce n’est pas le cas dans le cadre du traité Euratom, qui ne prévoit pas de consultation du Parlement européen sur la conclusion d’accords internationaux. Par conséquent, il peut être utile d’examiner les moyens de renforcer le rôle du Parlement européen pour accroître la légitimité démocratique du processus décisionnel dans le cadre du traité Euratom.

En ce qui concerne le rôle des parlements nationaux, les améliorations en matière de transparence et de démocratisation apportées par les réformes successives des traités de l’UE ne se retrouvent pas non plus dans le traité Euratom. Si le protocole nº 1 sur le rôle des parlements nationaux dans l’Union européenne fait partie du cadre du traité Euratom, il n’existe pas, dans ce traité, d’équivalent à l’article 12 du TUE qui définit le rôle des parlements nationaux. Dès lors, il peut être judicieux d’étudier la possibilité d’un éventuel nouveau renforcement du rôle des parlements nationaux dans le cadre d’Euratom.

La Commission devrait également prendre des initiatives pour associer davantage la société civile à l’élaboration de la politique nucléaire et pour soulever des questions présentant un intérêt pour l’ensemble de l’Union dans les enceintes appropriées. Pour certaines questions ayant trait au nucléaire, la disponibilité des informations peut être, à juste titre, limitée, en particulier dans le domaine de la sécurité nucléaire. Il s’agit là d’une précaution légitime. En revanche, des sujets tels que la sûreté nucléaire, la gestion des déchets radioactifs et la planification d’urgence méritent de continuer à faire l’objet d’un débat aussi ouvert que le permettent les règles en vigueur.

Ces questions sont au cœur des préoccupations des citoyens. La première étape consiste à appliquer de manière rigoureuse la législation adoptée récemment. Dans le domaine de la gestion responsable et sûre du combustible usé et des déchets radioactifs, il est primordial que les États membres continuent à élaborer des plans globaux pour la gestion des déchets nucléaires et à les mettre en œuvre. Lorsqu’il y a un risque d’incidence transfrontière, il convient de promouvoir des consultations transfrontières entre les États membres et d’associer plus étroitement le groupe des régulateurs européens dans le domaine de la sûreté nucléaire (ENSREG). La capacité collective de réaction aux accidents nucléaires de l’UE et des États membres devrait être renforcée, notamment pour clarifier la responsabilité financière et garantir un financement suffisant à cet égard.

Le traité Euratom ne prévoit pas de procédure simplifiée pour sa révision au sens de l’article 48, paragraphe 7, du TUE. Les clauses passerelles prévues par les traités de l’UE ne sont pas non plus applicables au traité Euratom. Une révision de ce traité visant à étendre le recours à la procédure législative ordinaire au cadre d’Euratom nécessiterait donc de faire appel à la procédure ordinaire de révision des traités prévue à l’article 48 du TUE.

Par conséquent, toute modification du traité Euratom destinée à étendre le recours à la procédure législative ordinaire devrait s’inscrire dans un processus plus large de réforme du traité conformément à la procédure ordinaire de révision prévue à l’article 48 du TUE, et devrait être envisagée à plus long terme, après 2025. Dans les mois à venir, la Commission européenne mettra en place un groupe d’experts de haut niveau chargé de faire un bilan du traité Euratom et d'en faire rapport à la Commission, en vue d’examiner les possibilités d’améliorer la responsabilité démocratique de ce traité sur la base de sa version actuelle.

4.    Conclusion

Comme la Commission l’a récemment souligné dans sa communication «Une planète propre pour tous», la transition énergétique nécessite une transformation économique et sociétale complète, associant tous les secteurs de l’économie et de la société pour assurer, d’ici à 2050, la transition vers la neutralité climatique et la viabilité.

Pour réaliser cet objectif, il faut adopter des mesures énergiques dans tous les domaines d’action et il est essentiel que l’UE se dote des outils nécessaires pour prendre, de manière à la fois efficace et démocratique, les décisions requises.

Des progrès non négligeables ont d’ailleurs été accomplis dans ce sens au cours des dernières années, notamment avec l’achèvement du cadre d’action de l’union de l’énergie. Sur le plan réglementaire, ces progrès sont étroitement liés au recours à la procédure législative ordinaire. La pleine association du Parlement européen et du Conseil au processus s’est révélée positive, tant pour garantir le caractère démocratique de ce processus que pour parvenir à un résultat ambitieux sur de nombreux dossiers importants.

La présente communication a mis en évidence deux domaines dans lesquels la prise de décision pourrait être encore améliorée au profit de la réalisation des objectifs de l’union de l’énergie.

La Commission appelle les dirigeants de l’UE:

à se prononcer rapidement sur le recours à la clause passerelle générale (article 48, paragraphe 7, du TUE) afin de passer à la procédure législative ordinaire et au vote à la majorité qualifiée, comme elle l’a déjà demandé précédemment 26 . Le Conseil européen est invité à transmettre son initiative aux parlements nationaux et à demander l’approbation du Parlement européen. En outre, la clause passerelle spécifique prévue à l’article 192, paragraphe 2, du TFUE fournit une solution évidente pour passer à la procédure législative ordinaire pour les questions fiscales dans le domaine de l’environnement;

conjointement avec le Parlement européen, le Conseil et d’autres parties prenantes, à participer activement aux réflexions du groupe d’experts de haut niveau que la Commission invitera à évaluer la meilleure manière d’accroître la responsabilité démocratique et la transparence dans le cadre du traité Euratom.

transparency in the framework of the Euratom Treaty.

(1)

COM(2018) 773 final du 28 novembre 2018 – Une planète propre pour tous.

(2)

Règlement (UE) 2017/1938 concernant des mesures visant à garantir la sécurité de l’approvisionnement en gaz naturel; décision (UE) 2017/684 établissant un mécanisme d'échange d'informations en ce qui concerne les accords intergouvernementaux et les instruments non contraignants conclus entre des États membres et des pays tiers dans le domaine de l'énergie; COM(2016) 49 final du 16 février 2016 – Une stratégie de l’Union pour le gaz naturel liquéfié et le stockage du gaz; COM(2016) 51 final du 16 février 2016 – Stratégie de l’UE en matière de chauffage et de refroidissement.

(3)

COM(2016) 860 final du 30 novembre 2016 – Une énergie propre pour tous les Européens.

(4)

Directive (UE) 2018/410 modifiant la directive 2003/87/CE afin de renforcer le rapport coût-efficacité des réductions d'émissions et de favoriser les investissements à faible intensité de carbone, et la décision (UE) 2015/1814; Règlement (UE) 2018/842 relatif aux réductions annuelles contraignantes des émissions de gaz à effet de serre par les États membres de 2021 à 2030 contribuant à l’action pour le climat afin de respecter les engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris; Règlement (UE) 2018/841 relatif à la prise en compte des émissions et des absorptions de gaz à effet de serre résultant de l’utilisation des terres, du changement d’affectation des terres et de la foresterie dans le cadre d’action en matière de climat et d’énergie à l’horizon 2030.

(5)

COM (2017)283 final du 31 mai 2017 – Programme pour une transition socialement équitable vers une mobilité propre, compétitive et connectée pour tous; COM(2017) 675 final du 8 novembre 2017 –Réaliser les objectifs en matière de mobilité à faibles taux d'émissions; COM (2018)293 final du 17 mai 2018 – Une mobilité durable pour l’Europe: sûre, connectée et propre.

(6)

Règlement (UE) 2018/1999 sur la gouvernance de l’union de l’énergie et de l’action pour le climat.

(7)

COM(2019) 175 du 3 avril 2019 – Quatrième rapport sur l’état de l’union de l’énergie.

(8)

Acte unique européen, JO L 169 du 29.6.1987, p. 1–28.

(9)

Il s’agit ici de la troisième communication traitant du vote à la majorité qualifiée. Les communications précédentes étaient les suivantes: COM(2019) 8 final du 15 janvier 2019 – Vers un processus décisionnel plus efficace et plus démocratique en matière de politique fiscale dans l’UE; et COM(2018) 647 final du 12 septembre 2018 – Une Europe plus forte sur la scène internationale: un processus de décision plus efficace pour la politique étrangère et de sécurité commune de l'UE

(10)

Article 194, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

(11)

Article 194, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

(12)

Article 194, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

(13)

Article 192, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

(14)

Selon le rapport sur les prix et les coûts de l’énergie [COM(2019) 1 du 9 janvier 2019], les prélèvements représentent au total 40 % du prix final de l’électricité pour les ménages.

(15)

Directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation

des produits énergétiques et de l'électricité.

(16)

Source: Eurostat - Environmental taxes in the EU: countries compared (en anglais)

https://ec.europa.eu/eurostat/web/products-eurostat-news/-/DDN-20190212-1 .

(17)

Certains de ces secteurs sont toutefois soumis au SEQE et donc à un signal de prix lié au carbone, notamment l’industrie à forte intensité énergétique et les vols intra-UE.

(18)

COM(2011)169 final du 13 avril 2011 - Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2003/96/CE

restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité.

(19)

  https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?qid=1553787815160&uri=CELEX:52019DC0001

(20)

  https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?qid=1553787815160&uri=CELEX:52019DC0001

(21)

Article 192, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

(22)

COM(2019) 8 final du 15.1.2019.

(23)

Déclaration 54 de la République fédérale d’Allemagne, de l’Irlande, de la République de Hongrie,

de la République d’Autriche et du Royaume de Suède, annexée au TFUE.

(24)

L’article 106 bis du traité Euratom énumère les dispositions du TUE et du TFUE qui s’appliquent également au traité Euratom. Il s’agit notamment des articles 288 à 299 du TFUE, qui couvrent les actes juridiques de l’Union et les procédures d’adoption des actes et autres dispositions.

(25)

Articles 207 et 218 du TFUE.

(26)

COM(2019) 8 final du 15 janvier 2019 - «Vers un processus décisionnel plus efficace et plus démocratique en matière de politique fiscale dans l’Union».