10.8.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 283/9


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Vers un accord d’association UE-Mercosur»

(avis d’initiative)

(2018/C 283/02)

Rapporteur:

Josep PUXEU ROCAMORA

Corapporteur:

Mário SOARES

Décision de l’Assemblée plénière:

15.2.2018

Base juridique

article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

 

 

Compétence

section spécialisée «Relations extérieures»

Adoption en section spécialisée

26.4.2018

Adoption en session plénière

23.5.2018

Session plénière no

535

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

185/3/7

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE estime que la conclusion des négociations sur un bon accord d’association (AA) entre le Mercosur et l’Union européenne, qui n’ont déjà que trop duré, serait très bénéfique pour l’une et l’autre partie, à commencer par l’Union elle-même car elle tirerait de grands avantages de la signature du traité d’association, notamment à moyen et long terme, ne serait-ce qu’en offrant la possibilité à l’Europe d’accéder à un marché de près de 300 millions d’habitants. Le Mercosur pourrait quant à lui diversifier ses économies et ajouter de la valeur à ses exportations de même qu’accéder à un marché de 500 millions d’habitants. L’accord d’association qui viendrait à être conclu doit essentiellement être le fruit d’un dialogue participatif et mené dans la transparence.

1.2.

Le paysage international d’aujourd’hui, l’affaiblissement, parmi les citoyens, de la conviction que la mondialisation est bénéfique pour tous, la montée en puissance du protectionnisme commercial, avec l’adoption de nouvelles barrières tarifaires, ainsi que la préférence donnée aux négociations bilatérales, plutôt que multilatérales, devraient être autant d’aiguillons incitant à conclure un accord réclamé par des acteurs éminents sur les deux continents. La sortie de l’Union européenne que va effectuer le Royaume-Uni est un facteur important, dont il conviendra de tenir compte dans les tractations.

1.3.

Le CESE accueille favorablement le rapport du Parlement européen consacré au «nouveau cadre pour les relations entre l’Union européenne et l’Amérique latine», ainsi que l’élaboration, par le service européen pour l’action extérieure (SEAE), d’une communication qui, s’inscrivant dans sa stratégie globale de politique étrangère, réexamine les relations stratégiques avec l’Amérique latine. Ces initiatives, qui mettent en évidence l’intérêt stratégique de l’Union européenne pour l’Amérique latine et qui prouvent que les relations entre les deux régions doivent aller au-delà des échanges commerciaux, sont concomitantes à d’autres actions venues de la société civile (1), de centres universitaires ou de cercles de réflexion (2).

1.4.

Le CESE estime qu’un accord de cette nature ne sera possible que s’il est équilibré et profite aux deux parties à moyen et long terme sans qu’un secteur donné, l’agriculture ou l’industrie, par exemple, ou qu’une région ou un pays en particulier soient sacrifiés. Il ne peut en aucun cas être conclu sur la base d’une mauvaise négociation. Compte tenu de tous les éléments concernant la coopération et le dialogue politique, qui constituent deux des trois piliers de l’accord d’association, le CESE demande aux parties négociante de faire preuve de la volonté politique la plus forte qui s’impose pour conclure ce texte et de mettre tout en œuvre afin de surmonter les désaccords qui en affectent actuellement le volet commercial, en prenant acte que certains secteurs inclus dans la négociation présentent des aspects délicats et en s’appuyant, pour parvenir au but, sur la reconnaissance des asymétries, le suivi des points qui ont fait l’objet d’un accord, des mesures d’accompagnement et de compensation, la définition d’exceptions, l’élaboration de plans de développement pour aider les secteurs les plus touchés, la promotion des investissements, les politiques d’innovation, ou encore des clauses compensatoires, transitoires et évolutives. Il serait en outre nécessaire que toutes les politiques de l’Union européenne soient associées aux mesures, d’accompagnement ou d’autre nature.

1.5.

De l’avis du CESE, les profondes transformations numériques qui se déroulent de part et d’autre de l’Atlantique pourraient fournir un puissant levier pour tirer un meilleur parti d’un accord d’association conclu entre l’Union européenne et le Mercosur. Parmi les secteurs sur lesquels ces évolutions pourraient avoir des effets heureux, il convient de songer au renforcement des chaînes mondiales de valeur entre les deux parties, qui sont très faibles à l’heure actuelle. L’accord pourrait également avoir son intérêt pour tout ce qui concerne la construction d’infrastructures, en particulier d’interconnexion, le développement des énergies renouvelables et, plus spécifiquement, le secteur des télécommunications, grâce au lancement du réseau 5G dans l’Union européenne comme en Amérique latine.

1.6.

Le CESE invite les parties négociantes, et notamment l’Union européenne, à évaluer les pertes considérables qu’une absence d’accord ou un accord non équilibré induirait de part et d’autre, tant sur le plan politique et économique que du fait de devoir renoncer aux occasions qui se présenteraient. Il est évident que pour calculer le coût d’un non-accord, ce ne sont pas seulement les pays du Mercosur qu’il faut faire entrer en ligne de compte: il convient également d’inclure dans ce calcul l’ensemble de l’Amérique latine et, tout spécialement, les États membres de l’Alliance du Pacifique (3), laquelle est devenue l’une des principales composantes du processus d’intégration régionale latino-américaine sur lesquelles l’Union européenne concentre son attention.

1.7.

De l’avis du CESE, il est essentiel que l’accord d’association soit ambitieux et couvre tous les aspects des relations entre l’Union européenne et le Mercosur. Il conviendra de tenir compte des accords de libre-échange qui ont été récemment conclus avec le Canada et le Japon. À cet égard, il est important de s’attaquer aux obstacles réels auxquels sont confrontées les entreprises, en harmonisant la réglementation et ses répercussions concernant les barrières non commerciales.

1.8.

L’accord d’association devrait présenter une dimension touchant au social, à l’emploi et à l’environnement, qui devra en imprégner toutes les composantes. Elle devrait garantir que les relations économiques sont conformes aux objectifs sociaux et environnementaux des dispositions convenues et qu’elles n’entament pas les règles et les garanties qui régissent le développement durable (4). Il conviendrait également d’insister sur l’importance de la sécurité alimentaire.

1.9.

Le CESE estime que dans tout accord d’association, il conviendra de mettre en exergue et de sauvegarder les mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS), afin de garantir la protection des consommateurs et des producteurs pour ce qui est du commerce équitable.

1.10.

Le CESE considère que l’accord d’association devrait constituer un moyen dynamique de stimuler le dialogue social et d’assurer le respect des conventions fondamentales de l’OIT, dont, en particulier, celles qui concernent le travail décent et sont reprises dans sa déclaration de 1998 relative aux principes et droits fondamentaux au travail. À cet égard, le CESE demande que l’accord d’association comporte un chapitre renforcé sur les questions socio-professionnelles, afin d’aborder les problématiques du monde du travail et d’encourager, entre les employeurs et les travailleurs, un dialogue qui pourrait donner une impulsion en faveur d’une plus grande cohésion sociale. Ledit chapitre devrait reconnaître les documents déjà adoptés par les deux parties en matière de travail, en l’occurrence la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et la déclaration du Mercosur concernant les matières sociales et le travail. L’accord d’association garantira ainsi qu’il ne sera pas possible, pour obtenir légalement un avantage comparatif dans les échanges commerciaux entre les parties et au plan international, de se servir d’actions violant les principes et droits en matière de travail. Il conviendra dès lors de prévoir des mécanismes pour assurer le respect de cet impératif.

1.11.

Le CESE demande que lui-même et le Forum consultatif économique et social du Mercosur (FCES), en tant qu’enceintes représentatives de la société civile des deux régions, participent au déroulement des négociations de l’accord d’association, aux évaluations de ses répercussions et aux propositions qui en découleront — il estime en effet indispensable que les répercussions d’un éventuel accord de ce type fassent l’objet d’une étude d’impact préalable et que soient établis des mécanismes pour vérifier a posteriori la mise en œuvre des points convenus et leur évolution -, de même qu’ils doivent être parties prenantes de l’introduction dans son texte d’un chapitre spécifique consacré à la dimension touchant aux matières sociales, au travail et à l’environnement.

1.12.

Le CESE demande également que soit créé un comité mixte de suivi de la société civile (CMS) dont il ferait lui-même partie aux côtés du FCES. Celui-ci devra:

présenter un caractère consultatif,

avoir une composition paritaire et équilibrée entre les trois pôles d’intérêt qui sont représentés dans l’une et l’autre institution,

être habilité à s’exprimer sur tous les sujets que le texte couvrira, y compris, donc, son chapitre sur le commerce et le développement durable,

être reconnu comme pouvant être un interlocuteur direct des autres organes conjoints institués au titre dudit accord,

lesquels devront pouvoir lui adresser des saisines, de même qu’il conviendra qu’il soit autorisé à s’exprimer de sa propre initiative, à établir son règlement intérieur spécifique et à recevoir des autorités politiques respectives les ressources financières voulues pour assumer ses missions.

1.13.

Le CESE estime qu’il est inutile et inefficace de prévoir une double représentation de la société civile, l’une dans le cadre général de l’accord d’association et l’autre pour le chapitre «Commerce et développement durable». Sur ce point, il est d’avis que l’accord d’association est un tout qui s’applique à l’ensemble des pays des deux parties. Le CESE invite instamment les négociateurs à tirer les leçons des expériences acquises dans le cadre des autres accords d’association (5) au titre desquels ont été créés des groupes consultatifs interne (GCI) de la société civile, à raison d’un pour chaque partie, sans que la possibilité leur ait été donnée d’être reconnus comme des interlocuteurs au sein desdits accords. Les limites déjà évidentes de ce modèle montrent qu’il ne sert à rien que chaque pays du Mercosur ait un GCI pour la participation indirecte de la société civile dans l’accord d’association, et ce, d’autant plus que les deux parties disposent d’institutions consultatives indépendantes, équilibrées, représentatives et aptes à remplir leur mandat dans le cadre de l’accord d’association.

2.   Introduction

2.1.

Le Mercosur a une superficie de 12 800 000 km2 et une population de 293 millions de personnes, soit une densité de 22,9 habitants par km2. Il constitue la sixième économie mondiale, avec un PIB qui atteint quelque 2 000 milliards de dollars. En outre, il compte deux membres de plein droit au sein du G20, l’Argentine et le Brésil. La présidence du G20, qui sera assurée par l’Argentine en 2018, témoigne de l’importance croissante de la région.

2.2.

C’est après avoir signé, en décembre 1995, un accord-cadre interrégional (ACI), que l’Union européenne et le Mercosur ont entrepris de négocier un accord d’association (AA). Concernant la controverse sur les modèles de production agricole et leur influence sur le marché ou la perception du protectionnisme dans l’industrie et le secteur des services dans l’Union européenne et le Mercosur, les difficultés qui ont surgi entre les parties ont abouti, en 2004, à une suspension de ces négociations, au premier chef en raison des attentes de l’une et l’autre vis-à-vis du cycle de Doha. En 2010, lors du sommet entre l’Union européenne et l’Amérique latine et les Caraïbes, la décision a été prise de les relancer. Les perspectives d’arriver à conclure l’accord dès la fin de cette année étaient encourageantes mais en raison de l’inflexion résolument politique que les gouvernements du Mercosur ont imprimée à l’intégration régionale et à leur relation avec l’Union européenne, les tractations se sont enlisées une nouvelle fois, même si en 2013, elles avaient pu reprendre, après un changement dans les positions du gouvernement brésilien.

2.3.

Compte tenu de différentes menaces qui planent sur les démocraties représentatives et de la pleine application des libertés qui a cours des deux côtés de l’Atlantique, le CESE affirme que l’accord d’association UE-Mercosur devrait donner une forte impulsion aux valeurs, principes et cadres politiques démocratiques nationaux et internationaux.

2.4.

Face aux répercussions à caractère évolutif que la négociation du Royaume-Uni avec l’Union européenne pourrait avoir sur l’accord d’association, le CESE estime qu’il conviendrait de traiter les questions y relatives d’une manière dynamique, en tenant compte des conséquences futures les plus probables (6).

3.   Les composantes stratégiques de l’accord d’association UE-Mercosur

3.1.

La signature d’un accord d’association avec le Mercosur devrait s’inscrire dans le contexte d’une politique extérieure européenne pour l’Amérique latine, dont le point de départ serait le caractère particulier de la relation entre les deux régions, qui se démarque résolument de toutes celles que l’Europe entretient avec d’autres parties du globe. Quelque importantes que soient les difficultés existantes, telles que la compartimentation de la région, l’Union européenne sera gagnante si elle renforce ses rapports avec l’Amérique latine, laquelle trouvera également son avantage dans une consolidation de ses liens avec le Vieux Continent.

3.2.

Une ferme volonté politique est nécessaire pour concevoir et encourager la conclusion d’un accord d’association qui ne se limite pas au libre-échange mais soit aussi et surtout un accord stratégique global, ayant pour vocation d’offrir à tous les acteurs économiques et sociaux des deux parties des avantages à long terme en ce qui concerne le développement, la sécurité, les processus migratoires et les défis environnementaux. Cette volonté politique est également nécessaire si l’on veut actionner tous les mécanismes qui sont disponibles afin de tirer parti des asymétries présentes entre les deux régions, de réduire les effets négatifs de la libéralisation des échanges sur certains secteurs, de combler le retard pris actuellement par le processus d’intégration du Mercosur et de faire de la participation sociale et de la transparence des paramètres clés dans la relation birégionale.

3.3.

L’accord d’association offre une formidable occasion de progresser vers la réalisation d’objectifs stratégiques globaux qui présentent un intérêt commun. Il constituerait un moyen d’avoir une présence internationale au plan de la politique comme de l’économie, dans un environnement où, pour ces deux domaines, le centre de gravité glisse de l’Atlantique vers le Pacifique. S’il a passé des accords dans le cadre de l’Association latino-américaine d’intégration (ALADI), le Mercosur n’a conclu de traité de libre-échange (TLE) ni avec les États-Unis ni avec les grandes puissances asiatiques, et c’est là un des traits qui le distinguent de l’Alliance du Pacifique. En dehors de l’Amérique latine, il a également signé des accords, de divers types, avec l’Afrique du Sud, l’Inde, le Pakistan, la Turquie et le Maroc et a conclu des traités de libre-échange avec l’Égypte, l’Autorité palestinienne et Israël. L’Union européenne, pour sa part, a souscrit plus de cinquante accords commerciaux avec d’autres pays dans le monde: en Amérique latine et dans les Caraïbes, elle s’est ainsi liée avec le Mexique, le Chili, l’Amérique centrale, le Pérou, la Colombie, l’Équateur et le Cariforum. En résumé, l’accord d’association entre l’Union européenne et le Mercosur propulserait sur la nouvelle scène internationale un bloc birégional qui y pèserait d’un poids important et tout à fait spécifique.

3.3.1.

La dérive protectionniste, qui a pris une ampleur mondiale, a de fortes répercussions sur l’économie internationale. En concluant un accord d’association, le Mercosur et l’Union européenne pourrait renforcer la position de la région atlantique et envoyer le message qu’il existe une autre manière de conduire les relations commerciales et de favoriser le progrès des nations et des régions. Cette nouvelle génération d’accords de libre-échange, qui tient compte des préoccupations des citoyens sensibles aux pertes d’emploi, de revenus et de sécurité, constitue la meilleure réponse au protectionnisme grandissant comme au risque d’une politique commerciale qui laisserait les citoyens dépourvus de toute protection.

3.3.2.

Bien que le Mercosur n’ait pas signé de traité avec la Chine, la présence de ce pays dans la région s’est accrue dans des proportions exponentielles durant ces dernières années, l’Argentine et le Brésil constituant deux pions essentiels pour sa pénétration, comme en témoignent non seulement les échanges commerciaux qu’elle réalise avec ces pays mais également la montée en puissance des investissements directs étrangers (IDE) qu’elle y effectue et l’assistance financière qu’elle leur apporte pour développer leurs infrastructures.

3.3.3.

Une fois signé l’accord d’association, l’Union européenne pourrait trouver dans le Mercosur un allié stratégique pour concrétiser l’objectif européen de promouvoir, à l’échelle mondiale, la protection de l’environnement, lequel constitue aujourd’hui l’un des domaines qui préoccupent le plus les États, les citoyens et le système multilatéral. L’Union européenne est à l’avant-garde des politiques et des technologies vertes. Les ressources naturelles sont l’un des principaux atouts du Mercosur, mais cette région est aussi l’une des plus exposées aux effets du changement climatique. Dans ce cadre, il conviendrait de s’attacher avec une attention particulière à réexaminer les pratiques non durables de l’agriculture et de l’élevage intensifs et à les éliminer à moyen terme.

3.3.4.

Pour que l’objectif précité puisse être suffisamment soutenu, il serait nécessaire que l’accord d’association intègre un puissant volet touchant à l’énergie, à l’environnement, au changement climatique, aux sciences, ainsi qu’à la technologie et à l’innovation. Ces thématiques devraient avoir rang de priorité dans le domaine de la coopération au développement.

3.4.

De même, il importe de tenir compte des enseignements tirés des alliances qui ont déjà été conclues avec d’autres pays de la région. Pareille démarche ouvrira la possibilité de construire des bases solides et l’environnement adéquat pour que l’engagement, tant européen que local, déploie durablement tout son potentiel de moteur créateur de richesse, d’emplois et de bien-être.

4.   Aspects délicats de la négociation

4.1.

Les avantages qui pourraient découler d’un accord d’association entre l’Union européenne et le Mercosur n’effacent pas les difficultés que pose sa négociation, lesquelles peuvent se ramener à cinq points: i) la complexité de l’ordre du jour des négociations concernant ses contenus commerciaux, industriels et liés aux services, ii) les déséquilibres potentiels concernant les deux parties dans le domaine agricole, iii) les faiblesses structurelles qui entravent l’intégration au sein du Mercosur et y limitent le libre-échange, iv) sa composante sociale et environnementale et v) la volonté politique inégale des parties prenantes pour sa conclusion et leur état d’esprit, s’agissant d’envisager, pour y parvenir, toutes les possibilités de recours à des mécanismes compensatoires à l’intérieur comme à l’extérieur de son champ d’application. Tous ces éléments sont analysés dans le présent document, de manière non exhaustive et sur la base de la documentation disponible à ce jour.

4.1.1.

Après des négociations aussi prolongées, les difficultés concernant les échanges ont maintenant été bien cernées. Du point de vue européen, elles se concentrent dans le secteur agroalimentaire du Mercosur. L’Europe redoute en particulier un fort impact négatif pour le sucre, la viande bovine, la volaille et le porc, ainsi que pour les fruits et légumes. Elle appréhende également le protectionnisme du Mercosur en matière industrielle, en l’occurrence dans l’automobile et les produits chimiques, comme l’éthanol, ainsi que pour certains produits agricoles transformés, dont le vin, elle se méfie du risque que les règles de protection des appellations d’origine ne soient pas respectées, nourrit des craintes face au niveau relativement bas des exigences réglementaires dans le domaine de la sécurité alimentaire et de la protection de l’environnement, ou encore soupçonne un manque de transparence dans les marchés publics.

4.1.2.

Pour l’Union européenne, il est capital de préserver les normes de production qu’elle a su mettre en place en faveur des consommateurs et des producteurs. Les questions touchant à la sécurité alimentaire, à la protection de l’environnement et au bien-être animal, y compris les méthodes d’alimentation, doivent être abordées dans une démarche de réciprocité marquée. L’accord d’association doit faire droit sans équivoque aux conditions mises à l’utilisation et au respect des normes concernant les produits phytosanitaires et zoosanitaires. Pour ce qui est des échanges commerciaux entre les parties, il s’impose également de mettre en place des dispositifs de contrôle efficaces et comparables pour les processus de production et, dans le cas des produits de l’élevage, pour le transport et l’abattage des animaux. À cet égard, le chapitre sur le respect des indications géographiques protégées revêt une importance capitale pour défendre le patrimoine commun de l’Europe, fruit d’années de lutte contre l’imitation et la fraude.

4.1.3.

Les productions qui font l’objet de contingents, à savoir le sucre, l’éthanol et la viande de bœuf, devront être soumises à un système de contrôle permanent et homologué, de façon qu’il soit possible d’adopter des mesures compensatoires en cas de fortes perturbations et d’éviter que des productions locales ne soient abandonnées. En ce qui concerne les fruits et légumes, il faudra, si l’on renonce à préserver le mécanisme des prix d’entrée, se doter d’un observatoire du fonctionnement du marché, qui sauvegarde les intérêts de la production de chacune des deux parties; il serait alors indiqué d’avoir recours à des groupes de travail, pour échanger les prévisions et les informations sur les facteurs qui faussent le marché.

4.2.

Dans sa perspective, le Mercosur met quant à lui l’accent sur l’agriculture. Les craintes européennes pourraient s’atténuer dès lors que les parties parviendraient à ce que les mêmes normes, en matière d’environnement, de sécurité alimentaire, de bien-être animal, ou dans d’autres domaines encore, soient respectées tant dans la production européenne que dans les importations en provenance du Mercosur. Il conviendrait que l’accord d’association n’accroisse la dépendance alimentaire d’aucune des deux parties et prévoie les instruments nécessaires pour faire barrage aux modèles agricoles peu durables, en tenant compte en permanence des intérêts des consommateurs.

4.3.

En ce qui concerne les produits industriels, pour lesquels les barrières sont moins élevées, il semble possible que les parties arrivent à s’entendre, comme l’Union européenne et la Corée du Sud y sont par exemple parvenues, dans le cadre de leur accord, en ce qui concerne l’industrie automobile. Enfin, d’autres thèmes qui, telle la propriété intellectuelle, sont particulièrement sensibles pour certains pays du Mercosur, le Brésil, par exemple, pourraient faire l’objet de clauses évolutives ou transitoires, sur la base des règles en vigueur dans le cadre de l’OMC. Dans cette optique, le CESE estime que l’on pourrait élaborer, entre autres initiatives, un programme sur la propriété industrielle qui donnerait un élan au transfert de technologies et servirait à mettre en place un système de brevets, valable pour l’Union européenne et le Mercosur et susceptible d’être étendu à toute l’Amérique latine.

4.4.

L’accord d’association peut également pâtir des faiblesses structurelles du Mercosur, au premier rang desquelles figurent les contraintes qu’imposent l’insuffisance des infrastructures de liaison et le niveau modeste d’intégration des chaînes régionales de valeur, dans un territoire qui est trois fois plus étendu que l’Union européenne. Parmi ces facteurs limitatifs, il faut également citer la faible ampleur du commerce intrarégional, ainsi que la prévalence des échanges extrarégionaux, une union douanière qui n’est pas encore achevée, la piètre coordination des politiques macroéconomiques et la fragilité des institutions régionales, laquelle se manifeste, par exemple, dans l’inexistence d’une cour de justice supranationale du Mercosur, dont les pouvoirs publics nationaux seraient tenus de respecter les arrêts, ou encore dans le peu d’efficacité du système de résolution pacifique des différends.

4.4.1.

Bien que le Mercosur ait été adopté un nouveau code douanier commun en 2010, il n’est toujours pas entré en vigueur, si bien qu’il continue à appliquer le tarif douanier extérieur commun. Il présente les traits d’une zone de libre-échange plutôt que d’une union douanière.

4.5.

Néanmoins, la négociation actuellement menée avec un Mercosur à quatre partenaires (Argentine, Brésil, Paraguay et Uruguay) représente un atout que la partie européenne doit aborder sous un angle très positif. Le possible élargissement du groupement, du fait des nouvelles adhésions en attente, ne ferait que compliquer encore les termes de la négociation.

4.6.

Le CESE soutient la création d’un tribunal multilatéral pour le règlement des différends (7) en matière d’investissements, ainsi que l’adhésion à ce dispositif des États du Mercosur et des pays qui y sont associés, afin de garantir une plus grande sécurité juridique aux investisseurs tant latino-américains qu’européens. De même, le Comité est d’avis qu’une éventuelle future adhésion à l’OCDE doit être subordonnée à une mise en œuvre effective et au respect des accords avec l’Union européenne, ainsi qu’à l’instauration d’un climat de sécurité juridique et de pleine application de la légalité en ce qui concerne tous les opérateurs économiques et sociaux de part et d’autre de l’Atlantique.

5.   Avantages et possibilités offerts par l’accord d’association

5.1.

L’accord d’association en cours de négociation entre l’Union européenne et le Mercosur va bien au-delà du libre-échange, puisqu’il englobe deux autres aspects qui font toute la différence, le dialogue politique et la coopération. Face aux menaces qui pèsent sur le multilatéralisme, aux poussées de protectionnisme et aux amorces de guerres commerciales, le moment est on ne peut plus indiqué pour que l’Union européenne démontre son engagement stratégique envers l’Amérique latine en général et le Mercosur en particulier, et qu’elle se saisisse comme il se doit des occasions qui se présentent aujourd’hui.

5.2.

Eu égard au territoire qu’ils couvrent, à leur population et à leurs échanges commerciaux actuels, qui se montent annuellement à plus de 84 milliards d’euros, la conclusion d’un accord d’association entre l’Union européenne et le Mercosur ouvrirait la possibilité de renforcer la place de ces deux blocs sur la scène internationale et de bâtir un vaste espace d’intégration économique, produisant des effets bénéfiques pour l’une et l’autre partie, et elle générerait des retombées extérieures positives, y compris pour le reste de l’Amérique latine. En conséquence, cet accord d’association avec le Mercosur serait de type gagnant-gagnant, avantageux pour les deux parties.

5.3.

Parmi les économies dans le monde, l’Union européenne occupe la première place, et le Mercosur la sixième. Les pays qui le constituent ont commencé à diversifier leur tissu d’activités, qui présente une forte composante agroalimentaire mais comporte également une base industrielle dont l’importance va croissant et qui est pourvue de ressources énergétiques et technologiques appréciables. Les efforts de diversification économique, en particulier lorsqu’ils visent à donner davantage de valeur ajoutée aux exportations du Mercosur, ouvrent aux entreprises européennes d’excellentes perspectives, en particulier dans le domaine de la technologie et des services.

5.4.

Entre 2012 et 2016, le Paraguay a été le seul des pays composant le Mercosur à avoir maintenu le rythme de sa croissance, affichant un taux de 8,4 %, tandis que ceux de l’Argentine (1,4 %) et de l’Uruguay (2,9 %) accusaient un ralentissement et que l’économie du Brésil connaissait une contraction, de -1,4 %. Néanmoins, la reprise est déjà perceptible en Argentine et au Brésil et les prévisions à moyen terme sont redevenues prometteuses.

5.5.

La sécurité juridique qui existe dans les quatre pays du Mercosur constitue un paramètre important à faire entrer en ligne de compte, même s’il reste une marge d’amélioration en la matière. La corruption est devenue un motif de préoccupation croissante pour la société des deux parties.

5.6.

D’un point de vue tant qualitatif que quantitatif, l’importance du marché régional du Mercosur varie considérablement suivant la taille des pays qui le constituent. On relève que les plus petits sont, proportionnellement, davantage présents dans le commerce avec l’Europe. En 2015, l’Union européenne représentait plus de 40 % dans les échanges commerciaux du Paraguay, environ 30 % pour ceux de l’Uruguay et presque un quart en ce qui concerne l’Argentine, alors que ce pourcentage n’atteignait pas 10 % pour le Brésil. Les ordres de grandeur sont comparables pour les exportations comme pour les importations.

5.7.

L’investissement direct étranger (IDE) est l’un des points forts de la présence de l’Union européenne dans le Mercosur: dans cette zone, elle en réalise davantage que la Chine, l’Inde et la Russie réunies (8). Les échanges de l’Europe avec les pays du Mercosur présentent un fort potentiel de croissance, malgré l’augmentation des exportations et importations chinoises. Leur dépendance excessive par rapport aux exportations de matières premières vers la Chine constitue toutefois un facteur dont il faut tenir compte.

5.8.

Ces dernières années, les petites et moyennes entreprises (PME) européennes ont développé leur présence dans les pays du Mercosur et certaines de leurs homologues du Mercosur commencent à accéder au marché européen. Aux PME, l’accord d’association entre l’Union européenne et le Mercosur offrira une excellente occasion d’accroître leur présence et leur activité dans la région.

5.8.1.

L’Union européenne exporte principalement des produits manufacturés, des biens d’équipement, du matériel de transport et des produits chimiques vers le Mercosur, et elle en importe des denrées alimentaires et des matières énergétiques. La conclusion d’un accord d’association équilibré recèlerait un énorme potentiel pour générer de la prospérité, pour autant qu’il permette aux entrepreneurs, aux travailleurs et à l’ensemble de la société de bénéficier de ses avantages et surtout s’il est à même d’ouvrir des espaces pour les investissements, en particulier dans de nouvelles activités fondées sur une utilisation intensive du savoir et dans des emplois de qualité, ainsi que d’encourager la naissance de petites et moyennes entreprises, grâce à la création d’emplois en réseau, et de stimuler l’innovation et la démocratisation des nouvelles technologies, en contribuant à leur généralisation, notamment dans le cas de celles de l’information et de la communication (TIC). L’investissement dans les technologies et l’augmentation du commerce birégional pourraient l’un et l’autre donner une impulsion à la création d’emplois, à condition que soient créées les conditions nécessaires.

5.8.2.

Par ailleurs, il existe des facteurs spécifiques grâce auxquels l’accord aurait pour effet non seulement d’ouvrir des perspectives économiques mais aussi d’apporter une contribution notable à un développement durable: la construction d’infrastructures inclusives et respectueuses de l’environnement, facilitant l’accès aux services de base dans un nouveau cadre de développement urbain et favorisant la cohésion territoriale, la promotion d’investissements dans l’ingénierie et les technologies permettant d’atténuer le réchauffement climatique, ou encore une utilisation accrue des énergies durables, en procédant à une diversification en faveur de celles provenant des sources renouvelables non conventionnelles et en tirant parti de l’expérience des entreprises européennes dans ce domaine afin de progresser vers une économie verte.

5.8.3.

En outre, un bon accord d’association pourrait favoriser le bien-être économique et social des deux régions, à condition de réunir les conditions favorables, apportant ainsi une contribution indubitable à la création d’emplois, du fait, par exemple:

qu’il dégagera de nouveaux débouchés commerciaux pour les entreprises dans des secteurs non traditionnels, comme les nouvelles technologies, l’économie verte et les réseaux sociaux,

qu’il élargira les marchés traditionnels notamment dans les secteurs des télécommunications, de l’automobile, de l’industrie pharmaceutique, de l’électricité et des banques,

qu’il ouvrira de nouveaux marchés pour les PME,

qu’il garantira l’approvisionnement en ressources naturelles et denrées alimentaires, tout en soutenant la préservation de la biodiversité et la viabilité environnementale,

qu’il encouragera l’économie sociale, démocratique et solidaire en tant que mécanisme d’amélioration du tissu socioéconomique, ainsi que la légalisation de l’économie souterraine.

5.9.

Un accord d’association avec le Mercosur permettrait à l’Union européenne de resserrer ses liens économiques et géopolitiques avec un partenaire stratégique. S’il est conclu rapidement, cet accord birégional serait le premier de grande ampleur que le Mercosur souscrirait, de sorte que l’Union européenne pourrait devancer d’autres acteurs en lice dans la concurrence mondiale, comme les États-Unis, la Chine, ou encore l’Inde, la Russie et la Corée du Sud. De plus, cet accord d’association renforcerait le partenariat stratégique, excluant les échanges commerciaux, que l’Union a conclu avec le Brésil, pays qui constitue une pièce maîtresse sur l’échiquier géopolitique international. Cet accord d’association aboutirait à renforcer la présence de l’Europe en Amérique latine, région qui dispose d’importantes réserves dans ces trois ressources clés que sont, au vingt et unième siècle, l’énergie, les aliments et l’eau. Il pourrait contribuer à affermir les liens économiques et géopolitiques entre l’Atlantique et le Pacifique.

5.10.

D’un point de vue stratégique, un accord d’association avec l’Union européenne serait tout aussi bénéfique pour le Mercosur. D’une part, il lui donnerait les moyens de conforter sa position régionale et de faciliter ses efforts de rapprochement avec l’Alliance du Pacifique, tout en améliorant, d’autre part, sa capacité de négociation internationale et en lui ouvrant la possibilité de corriger certaines asymétries qui affectent ses pays constitutifs — et plus généralement ceux d’Amérique latine — dans leurs relations commerciales et financières avec d’autres concurrents de la scène internationale. Le Mercosur bénéficierait de transferts dans le domaine des technologies, des sciences et de l’enseignement et gagnerait un allié précieux dans les enceintes multilatérales, pour des questions qui le concernent à part entière, comme le changement climatique, le développement durable ou la lutte contre les menaces d’envergure planétaire.

5.11.

Le CESE se félicite de la volonté politique dont les parties témoignent dans le domaine de la coopération et il les encourage à faire un usage effectif des instruments financiers existants pour l’approfondir dans les domaines suivants:

l’éducation, la formation et les échanges universitaires (Erasmus UE-Mercosur),

la collaboration en matière de recherche, développement et innovation entre les universités et les centres publics de recherche et les entreprises, la priorité étant donnée aux transferts de technologie,

les projets durables de développement et d’entrepreneuriat,

la cohésion sociale, par la lutte contre la pauvreté et l’inégalité.

6.   La société civile et l’accord d’association (9)

6.1.

De l’avis du CESE, le caractère birégional que présente le contenu de l’accord d’association constitue un élément fondamental et distinctif de ces tractations et représente un point d’ancrage pour les relations politiques et économiques dans un monde de plus en plus mondialisé. Convaincu de la valeur du dialogue qui est mené avec la société civile des partenaires de la politique extérieure de l’Union européenne, le CESE travaille depuis plus de vingt ans de concert avec les organisations du Mercosur, tant pour assurer un suivi des négociations que pour entretenir un dialogue permanent et structuré, qui favorise la compréhension mutuelle et permet d’apporter une contribution critique, mais constructive, aux relations entre les deux régions.

6.2.

Le CESE dresse un bilan incontestablement positif des relations entre l’Union européenne et le Mercosur. Ces relations, déjà fortes d’une longue tradition, s’appuient sur des liens historiques, culturels et linguistiques solides, et ont pour finalité d’approfondir l’intégration régionale, d’aborder de concert la gestion des défis communs nés de la mondialisation et de préserver un lien indissoluble entre la cohésion sociale et le développement économique. Les sociétés civiles des deux partenaires ont tissé un solide filet de relations, qui ont contribué à leur tour à une meilleure coordination dans chacune de leurs composantes, qu’il s’agisse du monde de l’entreprise, des syndicats ou du troisième secteur.

6.3.

Ces dernières années, le travail ainsi entrepris a bénéficié d’une reconnaissance, dès lors que les négociateurs sont tous convenus qu’il y a lieu d’introduire dans tout accord des dispositions sur la participation de la société civile, laquelle se trouve ainsi associée à la promotion du développement durable (10). Le CESE se félicite de cette évolution, mais regrette que les accords conclus à ce jour n’accordent qu’un rôle limité à la société civile. En effet, des groupes consultatifs internes (GCI) ont été créés pour chaque partie (et pour chaque pays signataire de la partie non européenne quand il s’agit d’une région) sans que lesdits accords ne prévoient officiellement la possibilité que ces GCI travaillent ensemble. Plus grave encore, la création des GCI des pays partenaires dépendant exclusivement de la volonté de leurs autorités gouvernementales, il en est résulté qu’ils souffrent d’une situation de déséquilibre entre les secteurs, un déficit de représentativité, d’un manque d’indépendance par rapport à leurs gouvernements et d’un désintérêt, voire d’un rejet manifeste, de leur part lorsqu’ils doivent les instituer.

6.3.1.

Le CESE s’oppose à l’hypothèse que les négociations sur l’accord d’association avec le Mercosur aboutissent, ici aussi, à un schéma de participation basé sur le modèle des groupes consultatifs internes (GCI).

6.4.

Le CESE rappelle une fois de plus que le Mercosur, à l’instar de l’Union européenne elle-même, compte une institution de participation et de consultation de la société civile, qui est le Forum consultatif économique et social du Mercosur (FCES). Cette instance représente à parts égales les secteurs de l’entreprise, de l’économie, des travailleurs et des autres organisations de la société civile. Ses membres se réunissent régulièrement et émettent des positions communes à l’adresse des autorités politiques de la région. Par le soutien qu’il a apporté au FCES depuis sa création le CESE a voulu souligner qu’il importait de renforcer cette instance, en tant que facteur essentiel pour une intégration socio-économique de la région.

6.5.

Le CESE réaffirme que les principes de transparence et de participation devront être de mise tant dans la phase de négociation de l’accord d’association que lors de sa mise en œuvre, afin d’enclencher un cercle vertueux qui améliore la confiance dans les institutions et incite la société civile à reconnaître leur légitimité et à se saisir de négociations qui l’intéressent directement. Il déplore dès lors le manque de transparence dont pâtissent ces négociations, pour n’avoir pas reproduit le modèle louable qui avait été créé antérieurement dans le cadre de celles concernant un traité de libre-échange avec les États-Unis, et il demande que les informations intéressantes et importantes soient transmises de manière systématique à la société civile de toutes les parties prenantes à la négociation, en particulier celles liées aux Mercosur.

6.6.

Dans le droit fil des positions conjointes qu’il a prises avec le FCES, ainsi que des accords préalables conclus durant les négociations antérieures à 2004 et confirmés ultérieurement, qui avaient établi que les deux institutions recevraient un mandat conjoint au titre de l’accord d’association, le CESE appelle à constituer, dans le cadre dudit accord, un comité mixte de suivi (CMS) de la société civile qui serait composé, à parts égales, de membres issus de ses rangs et de ceux du Forum consultatif et qui devrait obligatoirement être consulté sur toutes les matières qu’il couvre, y compris le chapitre commercial et le suivi des questions liées au développement durable. Ce comité consultatif mixte devra:

avoir une composition paritaire, étant constitué à parts égales de membres issus du CESE et du FCES,

assurer une représentation équilibrée des trois secteurs, à savoir l’économie, le monde du travail et les autres organisations,

jouir du droit d’être obligatoirement consulté sur toutes les matières que l’accord d’association couvre, y compris le chapitre commercial et le suivi des questions relatives au développement durable,

recevoir en temps opportun des deux parties des informations à jour concernant les effets de l’accord d’association,

être autorisé à se poser en interlocuteur direct des autres organes conjoints de l’accord d’association, en l’occurrence le conseil d’association, le comité d’association, l’organe parlementaire conjoint et le conseil sur le commerce et le développement durable,

être habilité à recevoir des saisines de ces organes, mais également à s’exprimer de sa propre initiative,

adopter son règlement intérieur spécifique,

recevoir des autorités politiques respectives les ressources financières voulues pour assumer ses missions (11).

6.7.

Grâce à un comité mixte de suivi présentant ces caractéristiques, il deviendrait plus aisé de résoudre les conflits susceptibles d’apparaître après la signature de l’accord d’association, ainsi que de dénouer les éventuelles situations de blocage. Concrètement, le comité mixte de suivi devrait, en s’inspirant de l’approche d’organes qui existent déjà dans des accords similaires, suivre l’incidence de l’accord pour ce qui est d’enregistrer des progrès dans le domaine des droits de l’homme et de ceux concernant le travail, des questions sociales et de l’environnement, par exemple en vérifiant que l’on n’a pas affaire à des phénomènes de moins-disant social ou environnemental visant à procurer un avantage commercial, ainsi que de s’assurer que les parties respectent scrupuleusement ces accords ou des conventions internationales qu’elles ont souscrites (12). De par leur nature même, les organisations de la société civile dont il se composera sont les plus aptes à garantir que l’accord sera bénéfique pour toutes les parties et à servir d’intermédiaire ou de facilitateur dans la communication avec les secteurs concernés. Pour ce faire, il sera nécessaire que le comité mixte de suivi puisse transmettre aux organes conjoints de l’accord d’association les éléments dont il dispose concernant des situations concrètes, ainsi que ses recommandations,, en vue d’obtenir des réponses.

6.8.

Le CESE juge qu’il est nécessaire d’inclure une dimension sociale dans l’accord d’association, lequel devrait, en plus de couvrir le commerce, aller au-delà et poursuivre l’objectif général d’accroître la cohésion de la société. Cette recommandation concerne, en particulier, son impact sur l’emploi, la protection des intérêts des populations locales et des plus défavorisés, la promotion et le respect des droits de l’homme, la préservation de l’environnement, les droits des immigrés et des travailleurs en général, la protection du consommateur et l’appui apporté à l’économie sociale. À cette fin, il conviendrait que son texte inclue un engagement des parties à mettre en œuvre les grandes conventions de l’Organisation internationale du travail, de manière qu’il soit impossible de couvrir des actions violant les principes et droits fondamentaux au travail ou de s’en servir comme avantage comparatif légal dans les échanges commerciaux internationaux. De même, doter l’accord d’un chapitre socioprofessionnel, qui aborde les problèmes du monde du travail et encourage le dialogue entre entrepreneurs et travailleurs, pourrait être le moyen d’arriver à ce qu’il génère des emplois de qualité, améliore la condition sociale des travailleurs et contribue de manière appréciable à mieux répartir la richesse.

Bruxelles, le 23 mai 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Avis d’initiative intitulé «Le nouveau contexte des relations stratégiques Union européenne — Communauté des États latino-américains et des Caraïbes (CELAC) et le rôle de la société civile» (JO C 434 du 15.12.2017, p. 23).

(2)  Rapport «¿Por qué importa América Latina?» («Pourquoi l’Amérique latine compte-t-elle?»), élaboré par l’Institut royal Elcano.

(3)  L’Alliance du Pacifique est une initiative d’intégration régionale composée de quatre pays:, le Chili, la Colombie, le Mexique et le Pérou, tandis que deux autres, le Costa Rica et Panama sont officiellement candidats à y adhérer.

(4)  Comme recommandé par le CESE dans son avis sur «Les chapitres relatifs au commerce et au développement durable dans les accords commerciaux de l’Union européenne» (JO C 227 du 28.6.2018, p. 27).

(5)  Amérique centrale, Ukraine, Géorgie et Moldavie.

(6)  Evaluation on the economic impact of Brexit on the EU27 («Évaluation des effets économiques du brexit sur l’Europe à 27»), P/A/IMCO/2016 — 13 mars 2017, PE 595.374 EN.

(7)  REX/501, Tribunal multilatéral des investissements (en cours d’élaboration).

(8)  L’investissement direct étranger de l’Union européenne dans le Mercosur s’élevait à 447,7 milliards d’euros en 2016, soit un montant supérieur à la somme de ceux qu’elle a effectués en Russie (162 milliards), en Chine (177,7 milliards) et en Inde (72,9 milliards). Source: Eurostat.

(9)  On se reportera également aux propositions antérieures du CESE, telles qu’exposées dans ses avis JO C 347 du 18.12.2010, p. 48, JO C 248 du 25.8.2011, p. 55 et JO C 434 du 15.12.2017, p. 23, ainsi qu’aux déclarations finales des rencontres biennales de la société civile organisée de l’Union européenne-CELAC.

(10)  Des dispositions de ce type figurent déjà, sous une forme plus ou moins élaborée dans les accords conclus avec l’Amérique centrale, la Colombie, le Pérou et l’Équateur, ainsi qu’avec le Chili et le Cariforum, et la version revue de l’accord avec le Mexique en contiendra elle aussi.

(11)  Sur ce point, voir le communiqué commun que le FCES et le CESE ont présenté le 23 février 2018 aux négociateurs de l’Union européenne, à l’occasion du cycle de négociations mené à Asunción, au Paraguay.

(12)  Comme exemples en la matière, on peut citer les objectifs de développement durable, le programme à l’horizon 2030, l’accord de Paris sur le changement climatique, les conventions principales de l’OIT, les déclarations applicables en matière de droits de l’homme, les conventions internationales sur la préservation de la biodiversité, etc.