15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/254


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions “L’Europe en mouvement — Une mobilité durable pour l’Europe: sûre, connectée et propre”»

[COM(2018) 293 final]

(2019/C 62/39)

Rapporteure:

Giulia BARBUCCI

Consultation

Commission européenne, 18.6.2018

 

 

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section spécialisée

4.10.2018

Adoption en session plénière

17.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

201/3/7

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) accueille favorablement le troisième train de mesures sur la mobilité, qu’il considère comme une nouvelle étape vers une mobilité durable pour l’Europe. Il observe toutefois que la proposition de la Commission se borne à examiner presque exclusivement le transport routier. Pour développer une mobilité véritablement durable et sûre, il convient d’élaborer un projet plus ambitieux, en prenant en compte toutes les formes de transport disponibles et en portant une attention particulière à l’intermodalité dans le transport de marchandises et de passagers.

1.2.

Le CESE estime que les propositions de la Commission en faveur d’une mobilité sûre, connectée et propre impliqueront des efforts considérables sur le plan économique, en premier lieu pour les États membres, afin d’adapter les infrastructures matérielles et numériques (5G). Il est donc important de soutenir ces initiatives par des financements adéquats couvrant une longue période, en fixant des objectifs réalistes et réalisables.

1.3.

Le CESE accueille favorablement le «plan d’action stratégique sur la sécurité routière» et souscrit à l’objectif de la «vision zéro» visant à enregistrer zéro décès et zéro blessé grave dans des accidents de la route d’ici à 2050. L’approche du «système sûr» prônée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pourra certainement contribuer à cette ambition, en limitant le nombre d’accidents et en minimisant le nombre de victimes parmi les passagers et les piétons. En outre, il apparaît prioritaire d’harmoniser les règles nationales relatives au code de la route et les sanctions afférentes, et d’étendre dans le même temps l’obligation concernant les dispositifs de sécurité des automobiles à l’ensemble des véhicules circulant sur les routes, dans le cadre du transport de marchandises comme de passagers et des transports aussi bien publics que privés. Enfin, le Comité recommande que les nouveaux véhicules «sûrs» soient d’un coût abordable pour les consommateurs et les entreprises.

1.4.

La numérisation, la connectivité et l’automatisation constituent les principaux instruments au moyen desquels développer la méthode du «système sûr» et s’approcher de l’objectif de la «vision zéro». Le CESE soutient le projet de réaliser un réseau routier automatisé, connecté et sûr. Il recommande à la Commission de tenir compte de l’état disparate de l’infrastructure routière et autoroutière dans les différents États membres et, surtout, d’étendre le projet aux centres urbains, où se produisent la majorité des accidents graves non mortels.

1.5.

Dans sa proposition, la Commission insiste sur l’importance de développer les véhicules autonomes et sur leur rôle dans le renforcement de la sécurité. Toutefois, elle ne définit pas de stratégie détaillée par laquelle aboutir à une circulation automatisée, une démarche qui est peut-être de nature à favoriser les progrès dans ce domaine, mais qui pourrait poser des problèmes aux États membres s’agissant d’adapter les politiques des transports aux nouvelles technologies et à leurs usages. En outre, le CESE relève des problèmes de faisabilité technique pour garantir des conditions de sécurité maximale dans un système de «trafic mixte», où circulent des véhicules à conduite humaine, assistée et automatisée.

1.6.

L’automatisation intégrale des véhicules soulève de nombreuses interrogations éthiques, économiques, en matière d’emploi, sur le plan de leur acceptation par la société et du point de vue de la responsabilité juridique. Le CESE invoque le principe en vertu duquel seul l’être humain, en tant que tel, est à même d’opérer des choix «éthiques», les machines devant, quel que puisse être leur degré de perfectionnement, accompagner l’homme et non se substituer à lui. Il importe d’associer pleinement la société civile organisée à la gouvernance du processus et d’engager des actions de dialogue social et de négociation collective pour prévenir d’éventuelles retombées négatives sur l’emploi et sur les travailleurs.

1.7.

Le CESE soutient les propositions en faveur d’une plus grande durabilité des transports ainsi que le plan d’action stratégique sur les batteries visant à réduire le déficit énergétique européen et à créer une chaîne de valeur pour les batteries. Il souligne toutefois que plusieurs facteurs font obstacle au déploiement complet de ce plan: la dépendance aux matières premières provenant de pays tiers; le manque de carburants de substitution; les retards dans la gestion, la transformation et l’élimination des batteries usées; le déficit de main-d’œuvre qualifiée.

1.8.

Il est de ce fait indispensable d’investir substantiellement dans la recherche et l’innovation afin de mettre au point de nouveaux carburants de substitution complètement renouvelables et à empreinte neutre. Il sera tout aussi important d’investir dans l’éducation et la formation, en associant les universités et les centres de recherche, afin de disposer d’une main-d’œuvre qualifiée.

1.9.

La transition vers les voitures électriques passera par le renouvellement d’une grande partie du parc automobile européen en à peine plus d’une dizaine d’années. Les véhicules plus propres et sûrs devront être d’un coût abordable pour tous, les citoyens comme les entreprises, et les États devraient faciliter la transition à l’aide d’incitations fiscales adéquates.

1.10.

Avec le renouvellement du parc automobile se posera aussi le problème de devoir éliminer et recycler une grande partie du stock de véhicules existant. Ce thème devrait être central dans les stratégies que la Commission élabore dans le cadre de l’économie circulaire. La société civile organisée devrait être associée à tous les stades du processus de transition, et elle est invitée à informer et sensibiliser les citoyens dans la perspective d’une mobilité durable.

2.   Introduction

2.1.

Le secteur des transports a de longue date connu de nombreuses évolutions et transformations et s’est imposé comme l’un des facteurs essentiels du développement. L’innovation, la technologie, la numérisation et la connectivité sont en train de révolutionner à nouveau les transports, dans le sens d’une amélioration de la sécurité, de l’accessibilité, de la durabilité, de la compétitivité et de l’emploi.

2.2.

Dans le prolongement de la stratégie pour une mobilité à faible taux d’émissions (1), l’Union européenne a mis en place un programme ad hoc pour ce secteur, qui s’échelonne sur trois trains de mesures en matière de mobilité (2) respectivement publiés en mai 2017, novembre 2017 et mai 2018. Le présent avis porte sur la dernière initiative législative en date, intitulée «L’Europe en mouvement».

2.3.

La communication de la Commission et les propositions contenues dans le train de mesures portent essentiellement sur le secteur du transport routier et se concentrent tout particulièrement sur les automobiles, sans prendre en considération toutes les autres formes de transport.

3.   Contenu essentiel de la proposition

3.1.

La communication COM(2018) 293 de la Commission intitulée «L’Europe en mouvement — Une mobilité durable pour l’Europe: sûre, connectée et propre» constitue le document principal du troisième train de mesures sur la mobilité dès lors qu’il en fixe le cadre de référence. Celui-ci s’articule autour de trois axes: sécurité; connectivité et automatisation; durabilité. En outre, les deux annexes à la communication contiennent d’importantes initiatives relatives au plan d’action stratégique sur la sécurité routière et au plan d’action stratégique sur les batteries.

3.2.   Une mobilité sûre

3.2.1.

En dépit des progrès enregistrés ces dernières années, le nombre d’accidents graves ou mortels sur les routes reste trop élevé. En 2017, les accidents ont fait 25 300 morts et 135 000 blessés graves, occasionnant des coûts économiques et sociaux extrêmement élevés. Puisque 90 % des accidents sont provoqués par une erreur humaine, la Commission estime que l’automatisation, la connectivité et de nouvelles normes de conception peuvent contribuer sensiblement à juguler ce phénomène dramatique (3), avec pour objectif de parvenir à zéro décès et zéro accident grave sur les routes d’ici à 2050 («vision zéro»). Cette stratégie prévoit un objectif intermédiaire consistant à réduire le nombre de décès et de blessés graves de 50 % d’ici à 2030.

3.2.2.

Afin de contribuer à la réalisation de ces objectifs, l’Union européenne a l’intention de mettre en œuvre de nouveaux instruments technologiques et réglementaires en s’appuyant sur l’approche du «système sûr» de l’OMS. Celle-ci part du principe que si les accidents ne peuvent être complètement éliminés, il est néanmoins possible d’intervenir pour réduire le nombre de morts et de blessés graves.

3.2.3.

L’Union européenne entend remédier aux causes des accidents d’une manière intégrée par un empilement de couches de protection qui garantit qu’en cas de défaillance d’une couche, une autre prendra le relais. Ce processus implique l’introduction d’équipements technologiques dans les voitures et les infrastructures routières, ainsi qu’un échange croissant d’informations entre celles-ci. Chaque mesure fait l’objet d’une initiative législative ad hoc:

a)

Plan d’action stratégique sur la sécurité routière (4). Le plan d’action prévoit un objectif de «zéro décès» ainsi que des critères pour renforcer la gouvernance européenne, une augmentation des financements pour la modernisation du réseau routier au titre du mécanisme pour l’interconnexion en Europe (200 millions d’EUR), l’application de l’approche du «système sûr», de nouvelles exigences visant à accroître la sécurité des véhicules, des objectifs en matière d’automatisation et de connectivité de véhicule à véhicule et entre l’infrastructure routière et les véhicules, ainsi qu’une proposition visant à exporter les normes de sécurité européennes dans des pays tiers (et en priorité vers ceux des Balkans occidentaux).

b)

Règlement relatif à la protection des occupants des véhicules et des usagers vulnérables de la route (5). Il est notamment prévu d’introduire des dispositifs avancés de freinage d’urgence et d’avertissement en cas de déviation de la trajectoire et d’apporter des modifications à la conception de l’habitacle des véhicules lourds pour améliorer la visibilité des cyclistes et des piétons, en embarquant également des capteurs permettant de les détecter.

c)

Directive sur la gestion de la sécurité des infrastructures routières (6). Le texte fixe l’objectif de cartographier les risques sur l’ensemble du réseau européen, sans se limiter aux seules autoroutes du réseau transeuropéen de transport (RTE-T) mais en élargissant également le diagnostic à toutes les autres autoroutes et routes principales. Les axes urbains en seront en revanche exclus. La directive prévoit également de meilleures normes de qualité pour l’infrastructure routière (avec un marquage au sol et des panneaux de signalisation clairs et l’introduction de nouvelles technologies comme l’alerte de franchissement involontaire de ligne).

3.3.   Une mobilité connectée et automatisée

3.3.1.

La stratégie de la Commission en faveur d’une «mobilité connectée et automatisée» (7) prolonge une voie déjà tracée au niveau de l’Union, en particulier dans la communication sur «L’intelligence artificielle pour l’Europe» (8) et la «déclaration d’Amsterdam», dans laquelle les États membres ont demandé à la Commission d’élaborer une stratégie européenne en matière de conduite automatisée et connectée, d’adapter le cadre réglementaire, de soutenir les processus de recherche et d’innovation et de diffuser des «systèmes de transport intelligents, coopératifs et interopérables».

3.3.2.

La Commission regroupe dans un document unique des objectifs de long terme (réduction des émissions, du trafic et des accidents): offrir un soutien concret à l’industrie automobile en lien avec la recherche et l’innovation, et répondre rapidement aux interrogations éthiques et sociales, comme celles portant sur le nouveau rapport entre l’homme et la machine, la cybersécurité et les conséquences des technologies en question sur l’emploi, avant la mise sur le marché de voitures entièrement automatisées.

3.3.3.

Parmi les principaux avantages offerts par l’automatisation figure l’accès à la mobilité pour tous ceux qui en sont aujourd’hui exclus, et en premier lieu les personnes âgées et handicapées. Afin d’exploiter au mieux les possibilités offertes par l’automatisation, il est fondamental que les véhicules et les infrastructures routières échangent constamment des informations, sachant qu’un «système mixte» pourrait voir le jour dans les prochaines années, dans lequel interagiraient des véhicules équipés de technologies diverses (conduite humaine, assistée et automatisée). Pour compléter ce cadre, et dans la perspective d’un développement de l’intermodalité, des exigences ad hoc sont également fixées concernant un système de guichet unique maritime européen (9) et l’information électronique pour le transport de marchandises (10).

3.4.   Une mobilité propre

3.4.1.

La décarbonation des transports et la transition vers une énergie propre représentent l’un des aspects essentiels du troisième train de mesures sur la mobilité. Cette initiative s’inscrit dans le cadre plus large du plan d’action en faveur de l’économie circulaire. Pour atteindre des niveaux plus élevés de durabilité et de compétitivité, l’Union européenne lance une série d’initiatives:

a)

le plan d’action stratégique sur les batteries (11), motivé par l’exigence d’accroître l’autosuffisance énergétique de l’Europe, dans le prolongement de la création de l’«alliance européenne pour les batteries» qui regroupe des acteurs industriels, des États membres et la Banque européenne d’investissement. Le plan vise la production de batteries qui soient durables à tous les stades de la chaîne de valeur, à commencer par l’extraction des matières premières (primaires et secondaires), lors de la phase de conception et de production des cellules et blocs de batteries, ainsi que pendant leur utilisation, réutilisation, recyclage et élimination;

b)

le règlement sur les émissions des nouveaux véhicules lourds (12) visant à définir une série de paramètres en matière d’émissions de dioxyde de carbone (CO2) pour les camions et autobus, qui intègre et complète la réglementation en vigueur. L’initiative prévoit en outre des mesures incitant les entreprises à acquérir des véhicules plus efficaces sur le plan énergétique et moins polluants. Cette mesure s’inscrit dans le cadre d’une proposition visant l’entrée en vigueur rapide de nouvelles règles de conception relatives à l’aérodynamisme et au poids des véhicules lourds en vue de réduire les émissions de CO2 (13);

c)

le règlement facilitant la comparaison entre différents carburants qui établit une unité de mesure unique pour encourager l’acquisition de nouveaux véhicules à faible incidence sur l’environnement (14);

d)

le règlement sur l’étiquetage des pneumatiques (15) fournissant des informations concernant leurs normes de sécurité, leur efficacité énergétique et leur production de bruit;

e)

la révision du cadre de taxation des produits énergétiques pour promouvoir la mobilité électrique;

f)

le règlement concernant des mesures de rationalisation pour la réalisation du réseau transeuropéen de transport (RTE-T) (16) visant à accélérer les procédures d’autorisation des projets.

3.5.

Toutes ces initiatives s’accompagnent d’un investissement total de 450 millions d’EUR dans le cadre du mécanisme pour l’interconnexion en Europe, afin de financer des projets qui contribuent à la sécurité routière, à la numérisation et à la multimodalité. Toujours au titre de ce programme, 4 millions d’EUR supplémentaires seront consacrés à la cybersécurité et à la mobilité coopérative, connectée et automatisée.

4.   Observations générales

4.1.

Le CESE accueille favorablement le troisième train de mesures sur la mobilité, qu’il considère comme une nouvelle étape vers une mobilité plus sûre, accessible et durable. Il observe toutefois que la proposition de la Commission se borne à examiner presque exclusivement une partie seulement du secteur du transport routier. Afin de développer une mobilité durable et sûre, il convient d’étudier toutes les formes de transport disponibles, en prévoyant une connectivité toujours plus resserrée, efficace et opérante entre les transports publics et privés, pour réduire les temps de trajet et les volumes de trafic.

4.2.

Le train de mesures se compose d’une série d’initiatives législatives connexes, dont le CESE a estimé qu’elles méritaient de faire l’objet d’un examen approfondi spécifique dans des avis distincts. C’est pourquoi le présent avis se concentre sur l’analyse de la communication de référence et doit être lu et compris dans le prolongement des précédents avis du CESE concernant le premier et le second trains de mesures sur la mobilité, ainsi que de ceux qu’il a élaborés de manière coordonnée avec celui-ci afin d’analyser certains aspects spécifiques de l’initiative à l’examen (17).

4.3.

Le CESE considère que la communication de la Commission et les propositions afférentes sont conformes aux précédents avis qu’il a rendus sur ces questions et qu’elles peuvent contribuer à améliorer les normes de sécurité, tout comme la compétitivité de l’ensemble du secteur automobile européen.

4.4.

Le CESE fait observer que la communication de la Commission n’est pas étayée par une analyse d’impact adéquate des mesures qu’elle propose. Plus particulièrement, ses conséquences pour la propriété et l’utilisation des véhicules et pour l’évolution ultérieure des volumes de trafic n’apparaissent pas clairement. Dans un contexte de promotion des transports, ces volumes pourraient augmenter plutôt que diminuer, ce qui rallongerait le temps que les citoyens consacrent à leurs déplacements et, partant, augmenterait le risque d’accident. Il est essentiel que la Commission défende une vision globale et ambitieuse des transports en envisageant l’intermodalité entre les transports publics et privés comme un facteur d’efficacité, de qualité de vie et de sécurité. Le CESE souligne qu’il importe de produire des analyses d’impact adéquates pour toutes les propositions mettant en avant des mesures concrètes. Dans le cadre de la planification des nouveaux modes de transport, il importe de ne pas ralentir le large déploiement de solutions technologiques intelligentes (par exemple pour l’éclairage) qui renforcent l’efficacité des transports, en particulier des transports publics, et réduisent les risques d’accident.

4.5.

Le Comité souscrit à l’objectif de la «vision zéro», qui doit être atteint grâce à l’approche du «système sûr». Il sera nécessaire à cet effet d’associer tous les secteurs et tous les usagers de la route aux fins d’une gouvernance renforcée. Il importe que les indicateurs concernant la réalisation des objectifs fixés soient clairs et réalistes et qu’ils puissent faire l’objet d’un suivi. Le CESE espère en particulier que la société civile organisée sera activement associée à toutes les phases de l’élaboration, de la mise en œuvre, du suivi et de l’évaluation de la stratégie.

4.6.

Le CESE porte un regard positif sur le choix de consacrer 450 millions d’EUR (sur la période 2018-2020) à la numérisation et à la sécurité routière dans le cadre du mécanisme pour l’interconnexion en Europe. Il rappelle cependant la nécessité d’augmenter sensiblement, dans le prochain cadre financier pluriannuel (CFP) pour la période 2021-2027, l’enveloppe financière disponible pour garantir une continuité sur le long terme, afin de pouvoir atteindre les objectifs ambitieux que s’est fixés l’Union européenne.

4.7.

Le Comité estime que la cartographie des risques sur l’ensemble du réseau européen RTE-T et sur toutes les autoroutes et routes principales représente une étape cruciale pour planifier l’ampleur et la nature des interventions infrastructurelles sur les réseaux routiers européens. Il importe que les infrastructures physiques et numériques soient développées en parallèle. Il est important également de compléter dans les meilleurs délais la couverture 5G de l’ensemble des réseaux autoroutiers et principaux en Europe, afin de rendre possible une connectivité effective entre les routes et les véhicules et de véhicule à véhicule. Le CESE observe cependant que l’état des réseaux routiers et autoroutiers est très variable d’un pays européen à l’autre. Il est donc important d’accompagner les différents États membres dans ce processus fondamental de modernisation à l’aide de financements adéquats et en fixant des objectifs réalistes et réalisables.

4.8.

Le CESE souscrit à la proposition de la Commission de rendre obligatoires certaines caractéristiques importantes en matière de sécurité des véhicules, que ce soit au niveau des technologies (ajustement intelligent de l’allure, freinage d’urgence autonome, etc.) ou sur le plan de la conception (amélioration de la visibilité directe dans les camions). Il espère toutefois que tous les nouveaux dispositifs de sécurité seront également étendus à l’ensemble des formes de transport routier, afin de rendre le cadre réglementaire complet, clair et homogène.

4.9.

La proposition concernant un nouveau système d’étiquetage des pneumatiques, contenant des spécifications relatives aux normes de sécurité (mais aussi en matière d’environnement et de bruit), pourrait représenter un facteur important dans la réduction des accidents, en favorisant des choix conscients et éclairés chez les consommateurs. Il importe que les indications figurant sur les étiquettes apparaissent comme immédiatement claires et compréhensibles aux consommateurs.

4.10.

Sur le plan de la sécurité routière, il importe aussi que l’Union européenne amorce une trajectoire d’homogénéisation progressive des règles en vigueur au niveau national et des sanctions afférentes (marquage sur les routes, vitesse, usage des ceintures et casques, interdiction de la conduite en état d’ébriété ou sous l’influence de stupéfiants, etc.). Ces mesures devraient s’accompagner du développement de technologies personnelles adéquates pour faire face à d’éventuels risques ou dangers (éthylotests antidémarrage, alerte en cas de somnolence du conducteur, etc.). Il importe également que les divers équipements technologiques n’entraînent pas une augmentation excessive du coût des véhicules. Les véhicules plus sûrs doivent être accessibles pour tous (18).

4.11.

L’objectif de la «vision zéro» fonde de grands espoirs sur le développement d’une mobilité connectée et automatisée. Si le CESE considère que l’automatisation pourrait jouer un rôle important dans la réduction des accidents, il estime cependant qu’il est essentiel de relever certaines préoccupations et interrogations qu’elle suscite par rapport à la trajectoire de développement tracée par la Commission. C’est la raison pour laquelle il est important d’améliorer les technologies existantes, et de prévoir en parallèle des processus de contrôle des technologies anciennes comme nouvelles pour garantir des niveaux de sécurité satisfaisants. L’absence d’une stratégie détaillée par laquelle aboutir à une circulation automatisée est peut-être de nature à favoriser les progrès dans ce domaine, mais elle pourrait poser des problèmes aux États membres s’agissant d’adapter les politiques des transports aux nouvelles technologies et à leurs usages.

4.11.1.

Une telle stratégie devrait être développée en maximisant le rôle dévolu à l’automatisation et à la connectivité pour assister l’être humain. Le Comité se dit préoccupé en particulier de constater à quel point la Commission opère un rapprochement entre les niveaux de conduite assistée et de conduite complètement automatisée (l’être humain devenant un simple passager). L’automatisation complète pose en effet un problème d’acceptation sur le plan social et économique, d’une part, mais aussi des difficultés sur le plan de la faisabilité technologique et infrastructurelle, d’autre part, compte tenu de la nécessité de garantir une sécurité maximale dans un système mixte, où circulent des véhicules sans conduite assistée, d’autres bénéficiant de cette dernière, et d’autres encore complètement automatisés. Avant d’être mis sur le marché, des véhicules entièrement automatisés devraient donc faire l’objet d’une phase d’expérimentation garantissant des niveaux d’efficacité et de sécurité similaires à ceux des avions et des trains.

4.11.2.

Si le CESE porte un regard favorable sur les propositions visant à établir un échange d’informations numérisé dans les transports maritimes (guichet unique maritime et reconnaissance des documents relatifs aux marchandises), il considère cependant qu’elles pourraient être davantage développées.

4.12.

Le CESE accueille favorablement le plan d’action stratégique sur les batteries, qui place l’alliance européenne pour les batteries au centre du processus, mettant en évidence le problème de la lourde dépendance énergétique de l’Union à l’égard des pays tiers.

4.12.1.

Le choix de créer une chaîne de valeur des batteries, suivant le modèle de l’économie circulaire, est certainement louable. Le Comité souligne cependant que plusieurs facteurs font aujourd’hui obstacle au déploiement complet de ce plan: la dépendance aux matières premières provenant de pays tiers (comme le lithium); l’état embryonnaire de la recherche sur des matières premières de substitution exploitables dans l’économie circulaire; l’incapacité de gérer intégralement l’activité de transformation des batteries usées (matières premières secondaires) et leur élimination; le déficit de main-d’œuvre qualifiée.

4.12.2.

Le CESE considère en particulier qu’un financement substantiel de la recherche et de l’innovation s’impose pour surmonter ces problèmes. Les fonds dégagés pour la période 2018-2020 sont certes importants, mais ils doivent trouver un prolongement dans le prochain CFP pour la période 2021-2027. Il est essentiel notamment de soutenir la recherche sur d’autres sources d’énergie complètement renouvelables, propres et dont l’empreinte sur l’environnement est neutre, afin de surmonter certaines limites évidentes des batteries actuellement utilisées pour les moteurs électriques, sur le plan de la disponibilité des matières premières et de leur incidence sur l’environnement. Il est indispensable aussi de constituer un large vivier de main-d’œuvre qualifiée, en puisant dans les fonds du programme Erasmus+ et en associant les universités et les centres de recherche.

4.12.3.

Le Comité relève que l’initiative de la Commission aboutira au renouvellement presque complet de l’ensemble du parc automobile européen en une dizaine d’années, ce qui posera un nouveau problème lié à l’élimination et au recyclage de millions de véhicules. Ce thème devrait être central dans les stratégies que la Commission élabore dans le cadre de l’économie circulaire. La société civile organisée doit être associée à tous les stades du processus de transition, et elle est invitée à informer et sensibiliser le public dans la perspective d’une mobilité durable.

4.13.

Le CESE soutient l’initiative visant à fixer également des seuils d’émissions de CO2 pour les véhicules lourds, comme c’est déjà le cas pour d’autres catégories de véhicules. Compte tenu des difficultés que les petites et moyennes entreprises du secteur des transports sont susceptibles de rencontrer pour rénover leurs parcs de véhicules, le Comité recommande aux États membres de soutenir la transition vers une économie à faibles émissions de CO2 grâce à des incitations fiscales spécifiques.

4.14.

Le CESE estime que la proposition de simplification concernant la mise en place de réseaux RTE-T devrait prendre dûment en considération les procédures juridictionnelles pour être entièrement efficace (19).

5.   Observations particulières

5.1.

La classification des risques portant sur les autoroutes européennes et les routes nationales ne prend pas en compte le développement d’une technologie adéquate et coordonnée dans les villes, là où se produisent la majorité des accidents graves non mortels. En outre, il serait important d’engager ce processus également dans les six États des Balkans occidentaux qui ont déjà entamé leurs négociations d’adhésion à l’Union.

5.2.

Le système eCall dans les voitures, qui avertit automatiquement les autorités routières et les services de santé en cas d’accident, constitue certainement un autre facteur à même de réduire les répercussions des accidents de la route. Le CESE espère que cet équipement sera rendu obligatoire dans tous les véhicules les plus répandus et exposés au risque d’accident (véhicules lourds, autobus et motocycles), et que l’Union européenne favorisera une intégration accrue des services d’intervention d’urgence en matière de sécurité routière et de secours aux victimes.

5.3.

Les questions éthiques représentent un aspect crucial du développement de l’automatisation. Les situations dans lesquelles les machines pourraient être amenées à opérer des choix «éthiques» sont particulièrement controversées. Le CESE invoque à nouveau le principe en vertu duquel seuls les êtres humains peuvent, en tant que tels, opérer des choix éthiques, les machines devant, quel que puisse être leur degré de perfectionnement, accompagner l’homme et non se substituer à lui.

5.4.

Pour ce qui concerne le développement et la mise sur le marché de véhicules complètement automatisés, le CESE invite la Commission à en analyser plus minutieusement les conséquences du point de vue de l’emploi et sur le plan social. Le Comité craint en particulier que des pans entiers de certains secteurs professionnels puissent disparaître en un laps de temps assez bref (par exemple, les transporteurs) et que les postes de travail perdus ne soient pas compensés par de nouveaux emplois. En outre, face à un tel scénario, l’Union européenne se retrouverait confrontée à un nombre extrêmement élevé de chômeurs dont les compétences et les connaissances seraient difficilement adaptables dans le nouveau système de transports automatisés. Il est dès lors nécessaire d’anticiper, par le dialogue social et la négociation collective, la gestion des processus de transformation et la mise en place de parcours de formation pour doter l’ensemble des travailleurs du secteur des compétences requises.

5.5.

Le Comité considère que les compagnies d’assurance devraient encourager l’acquisition de véhicules plus sûrs par la réduction des primes. De manière plus générale, le CESE estime qu’il est essentiel d’engager une réflexion sérieuse sur les aspects juridiques liés à l’introduction de véhicules entièrement automatisés, en précisant pour commencer à qui incombe la responsabilité civile ou pénale en cas d’accident de la route.

5.6.

Le Comité s’interroge sur le système adopté par la Commission pour comparer différents carburants (20). Ce système, qui repose sur le coût par tranche de 100 kilomètres parcourus par une voiture, ne tient en réalité pas compte de nombreux paramètres indispensables pour quantifier le coût réel du carburant, ce qui risque de créer de la confusion parmi les consommateurs. En outre, le mécanisme de consultation des consommateurs mis en œuvre par la Commission a, de fait, marginalisé le rôle du CESE et des associations de consommateurs actives dans le secteur, et s’est concentré sur un échantillon non significatif sur le plan statistique (3 000 répondants dans trois États membres de l’Union européenne), en présentant des options trop similaires.

Bruxelles, le 17 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  COM(2016) 501 final.

(2)  COM(2017) 283 final, COM(2017) 675 final et COM(2018) 675 final.

(3)  COM(2016) 686 final.

(4)  COM(2018) 293 final, annexe 1.

(5)  COM(2018) 286 final.

(6)  COM(2018) 274 final.

(7)  COM(2018) 283 final.

(8)  COM(2018) 237 final.

(9)  COM(2018) 278 final.

(10)  COM(2018) 279 final.

(11)  COM(2018) 293 final, annexe 2.

(12)  COM(2018) 284 final.

(13)  COM(2018) 275 final.

(14)  Règlement d’exécution (UE) 2018/732 de la Commission (JO L 123 du 18.5.2018, p. 85).

(15)  COM(2018) 296 final.

(16)  COM(2018) 277 final.

(17)  TEN/668, Guichet unique maritime européen harmonisé et Systèmes d’information électronique pour le transport de marchandises (voir page 265 du présent Journal officiel); TEN/669, Mise en œuvre des projets RTE-T (voir page 269 du présent Journal officiel); TEN/675, Normes d’émissions de CO2 des camions et Poids et dimensions des véhicules routiers (voir page 286 du présent Journal officiel); TEN/672, Mécanisme pour l’interconnexion en Europe (JO C 440 du 6.12.2018, p. 191); TEN/673, Mobilité connectée et automatisée (voir page 274 du présent Journal officiel); TEN/674, Étiquetage des pneumatiques (voir page 280 du présent Journal officiel); TEN/667, Gestion de la sécurité des infrastructures routières (voir page 261 du présent Journal officiel); INT/863, Sécurité des véhicules/protection des usagers vulnérables (JO C 440 du 6.12.2018, p. 90).

(18)  JO C 157 du 28.6.2005, p. 34.

(19)  TEN/669, Mise en œuvre des projets RTE-T (voir page 269 du présent Journal officiel).

(20)  Règlement d’exécution (UE) 2018/732.