4.3.2019   

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Journal officiel de l'Union européenne

C 79/1


AVIS DE LA BANQUE CENTRALE EUROPÉENNE

du 12 juillet 2018

sur une proposition de règlement relatif à la couverture minimale des pertes sur les expositions non performantes

(CON/2018/32)

(2019/C 79/01)

Introduction et fondement juridique

Le 20 et le 24 avril 2018, la Banque centrale européenne (BCE) a reçu deux demandes de consultation, l’une de la part du Parlement européen et l’autre du Conseil de l’Union européenne, portant sur une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 575/2013 en ce qui concerne la couverture minimale des pertes sur les expositions non performantes (1) (ci-après le «règlement proposé»).

La BCE a compétence pour émettre un avis en vertu du premier tiret de l’article 127, paragraphe 4, et de l’article 282, paragraphe 5, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, étant donné que le règlement proposé contient des dispositions qui relèvent de ses domaines de compétence, notamment les missions du Système européen de banques centrales (SEBC) consistant à contribuer à la bonne conduite des politiques menées par les autorités compétentes en ce qui concerne la stabilité du système financier, visées à l'article 127, paragraphe 5, du traité et les missions confiées à la BCE conformément à l’article 127, paragraphe 6, du traité ayant trait aux politiques en matière de contrôle prudentiel des établissements de crédit. Conformément à l’article 17.5, première phrase, du règlement intérieur de la Banque centrale européenne, le présent avis a été adopté par le conseil des gouverneurs.

1.   Observations générales

La BCE est favorable à la proposition de règlement, qui fait partie du paquet de mesures de la Commission européenne visant à traiter les expositions non performantes (ENP) dans l’Union. Ces mesures ont été conçues après l'adoption d’un vaste «Plan d'action pour la lutte contre les prêts non performants en Europe» (2), adopté le 11 juillet 2017 par le Conseil. Le règlement proposé devrait résorber les risques éventuels découlant de l’accumulation d’ENP insuffisamment provisionnées. C’est également un volet important des efforts déployés par l'Union pour réduire encore les risques dans le système bancaire. La résorption des niveaux élevés d’ENP constitue l'une des priorités de la BCE en matière de surveillance prudentielle depuis la création du mécanisme de surveillance unique (3) à plusieurs titres. Premièrement, les ENP pèsent sur le bilan des banques et réduisent leurs profits. Deuxièmement, elles distraient les banques et représentent un gaspillage de ressources pour celles-ci. Troisièmement, elles sapent la confiance des investisseurs dans les banques. En outre, il ressort de l'analyse interne effectuée par la BCE que ces dernières années, les banques présentant des encours élevés d'ENP ont systématiquement moins prêté que celles qui présentaient une meilleure qualité de crédit, et ont ainsi apporté un appui moindre aux entreprises, aux ménages et à l'économie de manière générale (4). De plus, les encours élevés d’ENP sont un problème macroprudentiel et ont souvent une incidence sur l’économie tout entière.

Il convient de noter que le règlement proposé n’aura pas d’incidence sur les ENP des établissements de crédit avant le 14 mars 2018 et que, par conséquent, il ne traite pas des encours existants d’ENP, conformément aux conclusions du Conseil européen sur le «plan d’action pour la lutte contre les prêts non performants en Europe».

La BCE accueille favorablement la précision apportée dans le règlement proposé selon laquelle le dispositif de soutien de type prudentiel pour les ENP, qui est établi dans le règlement proposé, n'empêche pas les autorités compétentes d'exercer leurs pouvoirs de surveillance prudentielle conformément au droit applicable. Plus précisément, malgré l'application de ce dispositif de soutien de type prudentiel, la BCE peut décider au cas par cas que les ENP d'un établissement de crédit ne sont pas suffisamment couvertes et faire usage de son pouvoir de surveillance prudentielle au titre du deuxième pilier (5).

2.   Remarques particulières

2.1.   Définition d'une ENP

Aux fins de la couverture minimale des pertes, le règlement proposé introduit la définition d'une ENP au sein du règlement (UE) no 575/2013 du Parlement européen et du Conseil (6). Cette définition repose sur la notion d'ENP figurant dans le règlement d'exécution (UE) no 680/2014 de la Commission (7), qui s'applique aux fins des déclarations d’informations prudentielles. À cet égard, la BCE accueille favorablement le fait que cette définition d'une ENP englobe tous les types d'ENP, en particulier, les expositions sur la clientèle de détail.

2.2.   Calcul de l'exigence de couverture minimale

La BCE approuve la simplicité de l'exigence de couverture minimale, qui, en principe, se fonde sur le nombre d'années écoulées depuis qu'une exposition a été classée non performante et sur le type, garanti ou non, de l’exposition. Cette simplicité permettra de maintenir les efforts de conformité incombant aux banques et aux autorités de surveillance à un niveau gérable, tout en apportant une solution rigoureuse, mais équitable et équilibrée, au problème des ENP non couvertes.

Pour déterminer le montant de couverture insuffisante des ENP à déduire des instruments de fonds propres de base de catégorie 1, il est demandé aux établissements de multiplier leurs ENP par le facteur applicable indiqué dans le règlement proposé. La BCE est favorable au calibrage des facteurs applicables conformément au règlement proposé. Un pourcentage de couverture de 100 % doit en particulier être appliqué aux ENP non garanties dès le premier jour de la deuxième année (vraisemblablement de la troisième année). Pour les ENP garanties, un pourcentage de couverture de 100 % doit être appliqué dès le premier jour de la huitième année (vraisemblablement de la neuvième année) suivant le classement dans la catégorie non performante, lorsque l’arriéré du débiteur est supérieur à 90 jours.

En ce qui concerne les expositions garanties, les établissements de crédit doivent pouvoir réaliser leur protection du crédit «dans les délais opportuns» (8). Si une sûreté n'a pas été réalisée après un certain nombre d’années à compter de la date à laquelle l'exposition sous-jacente a été classée non performante, il est raisonnable de considérer que cette sûreté est inefficace et de traiter l’exposition comme une exposition non garantie d'un point de vue prudentiel.

2.3.   Obligations de déclaration d’informations prudentielles

La BCE comprend que les exigences de déclaration d'informations prudentielles correspondantes visées dans le règlement d'exécution (UE) no 680/2014 seront modifiées de façon que les autorités compétentes soient en mesure de surveiller le respect du règlement proposé par les établissements. De plus, la BCE invite la Commission à examiner s’il conviendrait d’introduire, dans le règlement (UE) no 575/2013, une exigence de publicité concernant le respect de l'exigence de couverture minimale par les établissements.

2.4.   Consultation de la BCE

La BCE souhaite rappeler au Parlement et au Conseil qu'une autre consultation sera nécessaire si le règlement proposé est modifié de façon substantielle durant la procédure législative par rapport à la version sur laquelle elle a été consultée (9).

Lorsque la BCE recommande de modifier le règlement proposé, des suggestions de rédaction particulières, accompagnées d’une explication, figurent dans un document de travail technique séparé. Le document de travail technique est disponible en anglais sur le site internet de la BCE.

Fait à Francfort-sur-le-Main, le 12 juillet 2018.

Le président de la BCE

Mario DRAGHI


(1)  COM(2018) 134 final.

(2)  Disponible sur le site internet du Conseil européen à l’adresse suivante: www.consilium.europa.eu

(3)  Voir les discours de Danièle Nouy, présidente du conseil de surveillance prudentielle de la BCE, et de Sharron Donnery, présidente du groupe à haut niveau sur les prêts non performants, «Introductory remarks to the public hearing on the draft addendum to the ECB guidance to banks on non-performing loans» («Remarques préliminaires dans le cadre de l'audition publique sur le projet d'addendum aux lignes directrices de la BCE pour les banques en ce qui concerne les prêts non performants»), Francfort-sur-le-Main, 30 novembre 2017, disponible sur le site internet de la BCE consacré à la surveillance bancaire: www.bankingsupervision.europa.eu

(4)  Voir «European banking supervision three years on» («Retour sur trois années de surveillance européenne du secteur bancaire»), allocution de bienvenue de Mario Draghi, président de la BCE, prononcée lors du second forum de la BCE sur la surveillance bancaire, Francfort-sur-le-Main, 7 novembre 2017, disponible sur le site internet de la BCE: www.ecb.europa.eu

(5)  Article 9, paragraphe 1, du règlement (UE) no 1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013 confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit (JO L 287 du 29.10.2013, p. 63). «Aux seules fins de l'accomplissement des missions que lui confient l'article 4, paragraphes 1 et 2, et l'article 5, paragraphe 2, la BCE est considérée, selon le cas, comme l'autorité compétente ou l'autorité désignée des États membres participants, conformément aux dispositions pertinentes du droit de l'Union.» Dans ce contexte, voir articles 97 et 104 de la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d'investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE (JO L 176 du 27.6.2013, p. 338) et article 16 du règlement (UE) no 1024/2013.

(6)  Règlement (UE) no 575/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement et modifiant le règlement (UE) no 648/2012 (JO L 176, du 27.6.2013, p. 1).

(7)  Règlement d’exécution (UE) no 680/2014 de la Commission du 16 avril 2014 définissant des normes techniques d’exécution en ce qui concerne l’information prudentielle à fournir par les établissements, conformément au règlement (UE) no 575/2013 du Parlement européen et du Conseil (JO L 191 du 28.6.2014, p. 1).

(8)  Voir, par exemple, article 194, paragraphe 4, du règlement (UE) no 575/2013.

(9)  Voir par exemple arrêt du 15 juillet 1970, Chemiefarma/Commission, 41/69, ECLI:EU:C:1970:71, point 3 ; arrêt du 4 février 1982, Buyl e.a./Commission, 817/79, ECLI:EU:C:1982:36, point 1 ; conclusions de l’avocat général Fennelly présentées le 20 mars 1997, Parlement/Conseil, C-392/95, ECLI:EU:C:1997:172, point 15 ; arrêt du 11 novembre 1997, Eurotunnel e.a./SeaFrance, C-408/95, ECLI:EU:C:1997:532, point 46 ; arrêt du 25 septembre 2003, Océ Van der Grinten, C-58/01, ECLI:EU:C:2003:495, points 100 et 102.