28.6.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 227/11


Avis du Comité économique et social européen sur «Les mutations industrielles dans le secteur de la santé»

(avis d’initiative)

(2018/C 227/02)

Rapporteur:

Joost VAN IERSEL

Corapporteur:

Enrico GIBELLIERI

Décision de l’assemblée plénière

1.6.2017

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

 

 

Compétence

Commission consultative des mutations industrielles (CCMI)

Adoption par la CCMI

23.1.2018

Adoption en session plénière

14.2.2018

Session plénière no

532

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

Unanimité (163 voix pour)

1.   Conclusions

1.1.

L’industrie des technologies médicales — l’objet principal du présent avis — joue un rôle de premier plan dans la transformation en cours dans le secteur de la santé, dans l’intérêt des patients et en faveur de l’émergence en Europe de soins de santé fondés sur la valeur.

1.2.

La question relative aux soins de santé hautement personnalisés, garantissant l’égalité d’accès ainsi qu’une accessibilité et une qualité renforcées est essentielle. La technologie et les sources importantes de données anonymes faciliteront grandement les nouveaux traitements et opérations et contribueront positivement à toutes les étapes de la prévention et de la convalescence. Cette dernière se fait de plus en plus en dehors des hôpitaux, en recourant aux technologies de la santé en ligne.

1.3.

La subsidiarité est soigneusement préservée dans les systèmes de soins de santé en tant que services d’intérêt général. Le secteur médical et son organisation sont très décentralisés et morcelés. Les barrières nationales et régionales doivent être réduites afin d’optimiser les retombées des nouvelles technologies et d’améliorer le rendement et l’efficacité, conformément aux objectifs des systèmes de soins de santé définis publiquement.

1.4.

L’interaction continue au sein du large éventail de parties prenantes concernées — ministères nationaux, associations de patients, personnel médical et autres professionnels de la santé, hôpitaux, compagnies d’assurance et surveillance — crée un environnement complexe pour les acteurs industriels, notamment les PME.

1.5.

Le processus de mutation industrielle devrait aussi prendre dûment en compte les valeurs et les principes communs qui sous-tendent les systèmes de santé de l’Union européenne, tels que fixés par le Conseil en 2006 (1), comme l’attestent les engagements pris récemment dans le cadre du socle européen des droits sociaux et des Objectifs de développement durable adoptés (2).

1.6.

L’industrie doit se fonder sur l’échelle européenne pour garantir un marché intérieur fiable ainsi que pour développer une résilience internationale suffisante. L’Union européenne revêt une importance capitale pour la création de meilleures conditions de concurrence équitable ainsi que pour orienter et suivre les processus de transformation.

1.7.

Les principales parties prenantes et les États membres devraient élaborer des stratégies optimales et s’engager en ce qui concerne la qualité et l’accès aux systèmes de santé et de soins, leur caractère abordable et la prévention. Dans le même contexte, des approches particulières, y compris en matière de soins infirmiers, sont requises pour répondre aux besoins des personnes vulnérables, notamment les personnes âgées. Il est également important d’appréhender le plus efficacement possible les nouvelles technologies et l’innovation, les modèles de soins intégrés, et les alliances, ainsi que les réseaux (transfrontières) et les PPP (à grande échelle). La bonne mise en œuvre des règles et lignes directrices de l’Union européenne doit être assurée. Chacune de ces questions requiert des services de la Commission qu’ils jouent un rôle actif et stimulant.

Recommandations

1.8.

Les institutions européennes devraient favoriser les performances économiques, l’innovation, la numérisation et l’efficacité en matière de marchés publics, tout en facilitant la coopération et les échanges transfrontières de dispositifs médicaux et de produits industriels.

1.9.

La politique industrielle européenne doit être fondée sur un partage des compétences nationales et européennes dans le cadre de l’article 168 du TFUE. Dans le même ordre d’idées, les politiques d’innovation de l’Union européenne devraient la soutenir. Il convient de dûment coordonner les financements de l’Union européenne, dont Horizon 2020, et de veiller à ce qu’ils soient en phase avec les programmes nationaux.

1.10.

L’industrie bénéficiera considérablement de la stratégie pour un marché unique numérique. La libre circulation des (méga-)données dans l’ensemble de l’Union devrait être promue, dans le respect de la vie privée et de la sécurité des patients.

1.11.

Les marchés publics jouent un rôle de premier plan dans le lancement des projets s’appuyant sur des technologies de pointe. La Commission devrait veiller à l’efficacité des marchés publics au sein de l’Union, conformément à la directive 2014/12.

1.12.

Dans le contexte plus large des approches nationales, de nombreuses initiatives sont prises à l’échelle régionale. La Commission devrait promouvoir l’échange des expériences fructueuses. Les contacts bilatéraux entre autorités sanitaires publiques et privées doivent être encouragés.

1.13.

Le semestre européen et les recommandations par pays (3) devraient aussi examiner les effets de l’évolution technologique sur la transformation des systèmes de santé.

1.14.

La Commission doit s’efforcer de mettre en place une bonne coordination interne. Elle devrait encourager les dialogues et les plateformes réunissant les universités, les autorités locales, les partenaires sociaux et l’industrie des technologies médicales. Ils pourront servir d’exemple de coopération étroite entre les acteurs publics, tels que les ministères nationaux de la santé, des finances et de l’industrie, et le secteur privé.

1.15.

Le facteur humain est déterminant. La transition vers une nouvelle conception de la santé et des soins requiert un esprit ouvert et de nouvelles formes de professionnalisme dans le secteur, à tous les niveaux, ainsi qu’une refonte des activités liées à la santé et aux soins. Le dialogue social européen dans les secteurs de la santé et des services sociaux, qui est en place depuis 2006, doit être renforcé afin de garantir des programmes d’éducation et de formation adéquats et d’améliorer la qualité des conditions et des lieux de travail.

2.   Situation actuelle

2.1.

Le CESE s’est penché sur l’évolution récente de la situation dans le secteur de la santé dans différents avis (4). Le présent avis porte spécifiquement sur la profonde transformation à l’œuvre actuellement dans l’industrie des technologies médicales.

2.2.

L’industrie européenne des technologies médicales emploie à elle seule plus de 575 000 personnes, dans quelque 26 000 entreprises. Le paysage y est dominé par des PME, qui interagissent avec des grandes entreprises.

2.3.

Le secteur est estimé à quelque 100 milliards d’EUR. En 2015, la balance commerciale excédentaire s’élevait à 14,1 milliards d’EUR, à savoir le double de celle de 2006, dépassant largement l’excédent commercial américain (5 milliards d’EUR). Le secteur a d’excellentes perspectives d’avenir.

2.4.

La recherche est alimentée à la fois par une innovation continue par étapes et par une innovation de pointe et de rupture en entreprise, mais souvent aussi par des retombées technologiques provenant de structures existantes telles que des hôpitaux universitaires. Le nombre de brevets délivrés est révélateur de la valeur ajoutée qu’apporte l’innovation. En 2015, 12 474 demandes de brevets ont été introduites dans le domaine de la technologie médicale, environ 17 % de plus que pour la communication numérique et informatique, et près de 55 % de plus que dans le secteur des produits pharmaceutiques et des biotechnologies (5).

2.5.

En 2015, la santé et les soins de longue durée représentaient 8,7 % du PIB de l’Union européenne et 15 % du total des dépenses publiques. Ce chiffre pourrait passer à 12,6 % du PIB d’ici à 2060 en raison de traitements plus coûteux, du vieillissement de la population et de la forte augmentation des maladies chroniques et des comorbidités (6). Étant donné les contraintes financières, la prestation des soins de santé doit de plus en plus s’adapter aux pressions budgétaires. Cela pourrait se traduire par des réductions budgétaires à court terme, qui auront une incidence négative sur les dépenses en recherche et développement.

2.6.

La cocréation et la coopération entre les grandes entreprises et les PME sont la norme. Les grandes entreprises se focalisent sur le développement de plateformes matérielles et logicielles à forte intensité de capital, tandis que les PME se concentrent sur des plateformes spécialisées à finalité spécifique.

2.7.

Les différences entre les pays sont importantes. Les systèmes de santé et les structures financières ainsi que l’état de la technologie, notamment l’absorption des solutions innovantes et des pratiques médicales actuelles, varient aussi considérablement d’un pays à l’autre.

2.8.

En dehors des possibilités qui s’offrent à elle, l’industrie des technologies médicales est confrontée à des défis majeurs. Elle constitue un secteur industriel à part entière en raison de la prédominance des acteurs publics, du large éventail des parties prenantes, de l’incidence des valeurs européennes (7) et de la nécessité d’un financement public durable, mais aussi compte tenu d’un principe de subsidiarité soigneusement préservé et d’écosystèmes fréquemment décentralisés et reposant le plus souvent sur une base régionale.

2.9.

Les régions forment un terrain fertile pour la coopération. Toutefois, le manque de regroupement des initiatives et la fragmentation régionale constituent souvent un obstacle pour les PME innovantes, leur capacité à attirer l’investissement en fonds propres étant directement liée à leur aptitude à développer des marchés plus vastes pour des solutions en matière de santé numérique.

2.10.

Contrairement aux États-Unis, où une grande partie des soins de santé est organisée par l’intermédiaire de systèmes d’assurance privée, en Europe, ils sont principalement financés par des fonds publics.

2.11.

Les progrès réalisés dans le domaine de la technologie médicale reposent sur une interaction étroite entre tous les acteurs concernés. L’écosystème est en pleine mutation, avec de nouveaux acteurs jouant un rôle moteur dans la transformation numérique. Le secteur doit trouver un équilibre délicat entre les forces du marché et l’intérêt public, qui requiert des soins de santé abordables pour tous.

2.12.

Il doit opérer dans un environnement constitué par l’industrie, le corps médical, les hôpitaux, les patients et les organisations de patients responsabilisés, ainsi que les assureurs (y compris les systèmes nationaux de sécurité sociale réglementaires/obligatoires); en d’autres termes, un grand nombre de parties prenantes interagissent et fonctionnent au sein d’un système complexe.

2.13.

Les technologies et l’innovation s’inscrivent dans cet écosystème spécifique. L’innovation ne se fonde plus principalement sur l’offre. Les pratiques actuelles montrent une réorientation vers la demande, laquelle est généralement assez peu encline à adopter de nouvelles approches. Le résultat final est en général le fruit d’une intense coordination entre toutes les parties prenantes au niveau national et, souvent, au niveau régional.

2.14.

L’industrie se concentre sur des solutions spécifiques et le renouvellement de tout élément composant la chaîne de valeur industrielle. Chaque spécialité médicale a ses propres caractéristiques. Parallèlement, il existe des solutions de soins de plus en plus intégrées.

2.15.

Le système tel qu’il fonctionne est continuellement testé. Satisfaire à toutes les exigences est loin d’être facile pour l’industrie et, parfois, les obligations réglementaires sont redondantes.

3.   Politique industrielle de l’Union européenne

3.1.

Le CESE se félicite de l’accent mis récemment par l’Union européenne sur l’amélioration de la productivité dans le secteur de la santé grâce à une innovation renforcée, une efficacité accrue (rapport coût-efficacité), un meilleur accès et une plus grande maîtrise des compétences numériques (8). La stratégie pour un marché unique numérique ouvre de nouveaux horizons et pose de nouveaux défis.

3.2.

La politique industrielle européenne peut se fonder sur un partage des compétences nationales et européennes dans le cadre de l’article 168 du TFUE (9). L’intensification de la coopération avec l’OMS et l’OCDE va de pair. L’Union et les autorités nationales devraient lutter activement contre une fragmentation contre-productive. Il est souhaitable d’adopter des mesures objectives.

3.3.

Il y a lieu d’encourager les performances industrielles ainsi que l’interaction entre les entreprises et les acteurs nationaux et régionaux. Les mécanismes de financement de l’Union européenne et les financements nationaux devraient être complémentaires. Il conviendrait de réunir dans un même cadre les objectifs européens, nationaux et régionaux.

3.4.

Une série de directives et de lignes directrices dans le secteur de la santé concernent également l’industrie, notamment celles qui portent sur la santé et la sécurité (10), les droits des patients (11), le respect de la vie privée ou encore les droits de propriété intellectuelle. Le 7e programme-cadre/Horizon 2020 et les fonds de la politique de cohésion cofinancent des projets liés à des dispositifs médicaux. Le programme Horizon 2020 a tout particulièrement profité à l’industrie pharmaceutique pour ce qui concerne les technologies universitaires et médicales. Depuis 2015, l’Institut européen d’innovation et de technologie (EIT) a été très actif dans le financement des initiatives régionales (12).

3.5.

Développer une politique industrielle européenne apparaît essentiel au vu du soutien financier et des réalisations technologiques chez nos concurrents. En Chine, la stratégie Chine 2025 revient à favoriser les marques nationales, à inciter les hôpitaux à privilégier l’industrie chinoise et à décourager les investissements étrangers. Ces mesures sont susceptibles de toucher les entreprises européennes de plein fouet. Compte tenu du protectionnisme en vigueur et en progression aux États-Unis, on peut difficilement parler d’un cadre atlantique de conditions de concurrence équitables. Aux États-Unis, une révolution numérique est également en cours (13). Les entreprises américaines peuvent accéder facilement au marché européen. Google est un nouveau concurrent de poids. Les négociations commerciales menées par l’Union doivent assurer l’avenir d’une production européenne de pointe en mesure de fournir des soins de santé universels.

3.6.

L’optimisation de données augmente les possibilités pour les entreprises établies partout en Europe (14). Les systèmes de dossiers médicaux électroniques (DME) sont très coûteux. La fragmentation et les obstacles transfrontières à l’accès aux données de santé entravent les efforts d’interopérabilité et les PME européennes. Les futures solutions médicales personnalisées — l’amélioration de la prévention, un diagnostic plus précis, un meilleur traitement — bénéficieront largement de la mise en commun des données et des ressources dans l’ensemble de l’Union européenne. Cette mise en commun est encore relativement peu développée comparé à ce que l’on peut observer aux États-Unis et en Chine.

3.7.

Les partenariats public-privé des parties prenantes des secteurs public et privé doivent être soigneusement évalués et contrôlés pour attester de leur capacité à trouver des solutions innovantes et durables, à atteindre les objectifs industriels et créer des interactions et des échanges bénéfiques.

4.   L’innovation et la nécessité de solutions durables à long terme

4.1.

À l’heure actuelle, l’investissement technologique dans les systèmes de soins de santé est limité à 2 à 3 % du total des dépenses en matière de soins de santé. La gamme des innovations s’applique dans le détail à chaque spécialité médicale (15) et a un impact de première importance sur l’avenir des professions médicales, ainsi que sur l’organisation des hôpitaux et le secteur de la santé en général. De nouveaux modèles d’entreprise sont mis en place dans toute l’Union.

4.2.

La pression financière pourrait conduire à des solutions à court terme moins coûteuses et entraîner par conséquent une baisse de l’innovation. De plus, les mesures d’incitation dans différents États membres ne contribuent pas à l’innovation comme elles le devraient, une évolution qui est susceptible d’avoir pour conséquence des besoins médicaux non satisfaits ou une utilité réduite pour les patients et, à terme, à des traitements plus coûteux. Les échanges bilatéraux et le partage des initiatives à l’échelle européenne sont souhaitables.

4.3.

Il y a lieu d’encourager une coopération régionale productive et les «laboratoires vivants» dans le secteur. L’EIT facilite la coopération en promouvant les développements et les synergies jouant un rôle de catalyseur, notamment par l’intermédiaire de hubs (pôles), ainsi qu’en encourageant les dialogues, plateformes et interconnexions pour les projets individuels.

4.4.

L’innovation numérique, concernant notamment les applications mobiles relatives à la santé, peut contribuer à traiter les facteurs de risque associés aux maladies chroniques. La santé mobile et le suivi à distance des patients favorisent la prévention et peuvent aussi réduire ultérieurement les besoins en traitements lourds.

4.5.

La R&D et l’innovation ne sont pas des forces autopropulsées. Du côté de la demande — presque exclusivement constituée par le secteur public — l’on observe souvent une aversion pour le risque et une tendance à opter pour la solution la moins chère.

4.6.

Parfois, la méfiance des pouvoirs publics doit être surmontée. Le personnel médical peut entraver les innovations susceptibles d’entraîner un changement des méthodes de travail, par exemple en chirurgie, ou encore l’introduction de traitements totalement nouveaux, impliquant par exemple la robotique. Les dispositions financières applicables aux spécialités médicales peuvent également freiner la volonté d’innovation. Les compagnies d’assurance ne se montrent pas toujours coopératives non plus. En bref, une ouverture naturelle à l’innovation requerra souvent un changement culturel pour que l’on puisse en tirer pleinement profit.

4.7.

Il pourrait s’avérer opportun de dresser un aperçu des différentes innovations bénéfiques qui favorisent la qualité de vie, la prévention des maladies, l’augmentation et l’amélioration de l’espérance de vie, ainsi que des ratios coûts/prix.

4.8.

Cette démarche s’inscrira également dans le concept de «money for value» (investir de manière pertinente). La santé et les soins ont été — et sont potentiellement toujours — le secteur connaissant la croissance la plus rapide dans les budgets nationaux. Une prise de conscience commune de la nécessité d’innover et de trouver des solutions à long terme pour les patients doit s’opérer au niveau des ministères des finances, des ministères de la santé et des parties prenantes.

4.9.

Dans la même perspective, les fonds européens, le cas échéant, en combinaison avec des fonds nationaux, sont indispensables.

5.   Les marchés publics

5.1.

D’après les estimations, 70 % des ventes mondiales dans le domaine des technologies médicales passent par une procédure de passation de marchés publics, et 70 % des décisions prises dans ces cas sont déterminées sur la base du prix. Ces deux pourcentages montrent une tendance à la hausse. Cette pratique entraîne généralement une baisse de la compétitivité et un recul de l’innovation et de l’utilisation des nouvelles technologies, ce qui a pour conséquence une augmentation des coûts et une moindre valeur ajoutée pour les patients (16).

5.2.

L’augmentation des coûts devrait inciter les hôpitaux et les systèmes de santé à renoncer progressivement à acquérir des produits médicaux en se fondant sur les coûts d’achat initiaux (17). Les aspects suivants sont importants:

Des économies importantes si les gains à court terme réalisés à l’achat sont supplantés par des avantages à long terme bien calculés

Des solutions innovantes, qui promeuvent la qualité en combinaison avec les coûts de l’ensemble du cycle de vie

Des connaissances spécialisées suffisantes chez les acheteurs, ce qui fait souvent défaut

La tenue de négociations transparentes et non discriminatoires entre l’offre et la demande

5.3.

Des responsables des achats compétents, qui mettent l’accent sur les dernières innovations ayant fait leurs preuves, devraient être considérés comme un élément indispensable au résultat. Dans une certaine mesure, l’acheteur peut être considéré comme le lien entre les intérêts du patient et ceux du fournisseur, réduisant les coûts et favorisant les bonnes performances.

5.4.

Les offres doivent être étudiées d’un point de vue global, en tenant compte de la qualité et des coûts des produits et des services sur l’ensemble de leur cycle de vie. Cela permettra également de justifier le passage à des soins intégrés, ce que soutient l’Integrated Care Alliance (18).

5.5.

Toutes les parties concernées doivent assumer leur part de responsabilité dans le recensement des besoins des utilisateurs et des partenaires dans le cadre de la procédure d’appel d’offres. Ce processus est difficile, compte tenu des défis aux multiples facettes liés au calcul des coûts et à l’évaluation de la qualité dans le large éventail de domaines du secteur médical. Il requiert un bon état d’esprit parmi toutes les parties prenantes. Le partage des bonnes pratiques en Europe, ainsi que des discussions et échanges transnationaux ouverts au niveau de l’Union européenne, seront d’une grande aide.

6.   Numérisation

6.1.

Les évolutions technologiques et les effets perturbateurs et transversaux de la numérisation nécessitent une participation et un engagement considérables de la part de l’ensemble des parties prenantes du secteur de la santé.

6.2.

La santé en ligne permettra aux professionnels d’interagir à distance avec des patients et d’autres collègues. Elle contribue à diffuser les connaissances spécialisées et à faciliter la recherche. La santé en ligne crée une grande variété de nouvelles solutions et est sans aucun doute un facteur de croissance. Elle permettra également d’alléger la charge qui pèse sur les budgets de la santé. La santé mobile améliore les soins de santé à domicile. Elle joue un rôle essentiel dans la promotion de la mobilité des patients, tandis que les données des patients, le respect de leur vie privée et leur sécurité doivent être assurés.

6.3.

La Commission estime qu’«un écart important subsiste entre le potentiel qu’offre la transformation numérique et la réalité actuelle des systèmes de soins et de santé» (19). Les obstacles sont multiples: la législation nationale, les systèmes de financement et de paiement, les approches traditionnelles dans les secteurs médical et public, la fragmentation du marché et le manque d’entreprises en expansion (scale-up). L’industrie a également un intérêt à veiller à la bonne mise en œuvre de la transformation afin d’éviter des résultats non satisfaisants et, éventuellement, une plus grande charge de travail.

6.4.

Par ailleurs, la santé constituant un secteur de premier plan (environ 10 % du PIB de l’Union européenne), les perspectives de numérisation massive offrent de nombreuses possibilités d’expansion future (20). La prise de conscience de l’impact de la numérisation, concernant notamment l’intelligence artificielle, augmente rapidement (21). La Commission a récemment adopté une communication qui aborde trois priorités de la stratégie relative au marché unique numérique pour le secteur de la santé et des soins:

l’accès sécurisé du public aux dossiers médicaux électroniques et la possibilité de partager ces dossiers avec d’autres États membres, ainsi que l’utilisation des ordonnances électroniques,

le soutien aux infrastructures de données, dans le but de faire progresser la recherche, la prévention des maladies et la personnalisation des soins de santé dans des domaines clés,

l’aide aux retours d’information et à l’interaction entre les patients et les prestataires de soins de santé, afin de soutenir la prévention et la responsabilisation des citoyens ainsi que des soins de qualité centrés sur le patient, en mettant l’accent sur les maladies chroniques et sur de meilleurs résultats pour les systèmes de soins de santé.

6.5.

L’étude Blueprint souligne que, si l’Union européenne ne parvient pas à mettre en adéquation des politiques d’innovation et des politiques économiques et industrielles efficaces avec les politiques de santé et d’aide sociale et avec les besoins des utilisateurs et des patients, «nos modèles sociaux et économiques ainsi que la qualité de vie des citoyens européens sont menacés. Il s’agit d’un problème crucial auquel il importe de s’attaquer» (22). L’OCDE conclut que les gouvernements jouent un rôle moteur essentiel pour favoriser l’utilisation efficace des TIC dans le cadre de l’adaptation et de la refonte des systèmes de santé (23). L’OCDE observe cependant que la fragmentation et l’évolution rapide intrinsèque des solutions technologiques, combinées à l’absence de normes communes à l’ensemble du secteur et au non-respect des règles existantes sur les systèmes d’information et de communication, peuvent entraîner un risque élevé d’échec et de faible rentabilité (24).

6.6.

Un large éventail d’initiatives fructueuses en matière de santé en ligne existe déjà. Il existe toutefois des différences notables entre les pays et les régions. Une stratégie globale visant à favoriser les interactions et les synergies a été lancée récemment dans le cadre du projet «Passage au numérique des entreprises européennes», ainsi qu’«un nouveau modèle visant à relier différentes initiatives de l’Union européenne, assorti d’engagements clairs de l’industrie et du soutien de stratégies nationales et régionales» (25).

6.7.

Sur la base de l’exemple de l’Industrie 4.0, la Commission a maintenant lancé l’initiative Santé 4.0. Plusieurs programmes de l’Union européenne sont en cours de réalisation. Il importe que toutes les directions générales concernées adoptent la même approche afin de parvenir à des synergies. Les plateformes technologiques fonctionnant en parallèle avec les initiatives nationales et régionales, ainsi que la mise en réseau (transfrontière) doivent être encouragées. La task-force récemment mise en place devrait favoriser une évolution similaire (26).

6.8.

Un certain nombre d’initiatives et de projets pilotes à l’échelon de l’Union n’ont pas été pleinement menés à terme, tandis que de nouvelles initiatives ont été lancées. Une méthode plus durable consisterait à mettre en place des mécanismes permanents pour soutenir l’industrie et l’innovation, y compris dans la phase de mise en œuvre.

6.9.

Les mégadonnées recèlent un grand potentiel susceptible d’entraîner de profondes mutations des traitements médicaux. Il importe que les dossiers médicaux électroniques soient gérés de manière sécurisée et protégés dans le respect des protocoles de gestion des données de santé conformes aux réglementations nationales (27). L’élaboration de stratégies de PPC (28) efficaces est essentielle, en particulier dans les domaines de la gestion des données et des normes relatives au respect de la vie privée des patients, des environnements en nuage et des investissements dans la sécurité du stockage de mégadonnées.

6.10.

Les statistiques prouvent que le secteur des soins de santé est particulièrement vulnérable aux cyberattaques. Il en découle que la cybersécurité doit également être une priorité dans les nouvelles applications industrielles.

6.11.

Les mégadonnées favorisent la personnalisation, notamment dans les rapports entre les producteurs et les patients, et entraînent les conséquences suivantes:

le passage des soins de santé aux soins à domicile,

le passage des solutions génériques à un traitement personnalisé,

le passage du curatif au préventif et

la suppression des restrictions en cas de maladie ou de handicap.

6.12.

La numérisation et les mégadonnées non seulement favorisent la prolifération croissante des capteurs individuels et autres dispositifs, mais elles jouent également un rôle essentiel dans les nouveaux diagnostics, la recherche et la prévention, et contribuent à soutenir la responsabilisation et l’autogestion des patients, tout en offrant des solutions optimales pour des soins intégrés. L’échange des données relatives aux patients sera d’une importance cruciale pour l’interopérabilité.

6.13.

Les meilleures pratiques européennes et l’influence des pairs, de même que des évaluations objectives et des projets pilotes s’avéreront utiles, à condition que ces projets soient menés pleinement à bien.

7.   Impact social et compétences

7.1.

La transformation de l’industrie a un impact social tant dans l’industrie médicale en tant que telle que dans le secteur de la santé au sens large. Comme dans d’autres secteurs industriels, la modification des modèles commerciaux découlant de la numérisation nécessite une adaptation des conditions de travail et des mécanismes du marché du travail, ainsi que la participation des partenaires sociaux à différents niveaux.

7.2.

La technologie et l’innovation ont généralement un effet considérable sur la situation des travailleurs dans le secteur de la santé lui-même. En plus des parties prenantes plus étroitement concernées par ces questions, telles que les hôpitaux et les cliniques, et en collaboration avec elles, l’industrie peut contribuer à préparer les professionnels du secteur aux changements d’environnements et de traitements.

7.3.

Il convient d’élaborer des approches et instruments spécifiques si l’on veut satisfaire les besoins des personnes vulnérables, notamment les personnes âgées (maisons de retraite), qui devraient bénéficier de mesures spécifiques de soutien et d’aide. Les soins infirmiers professionnels requièrent une formation ciblée afin d’exploiter les nouvelles technologies pour cette catégorie de patients.

7.4.

La santé et les soins figurent parmi les plus grands pourvoyeurs d’emploi dans l’Union. L’Union européenne devrait connaître d’ici 2025 une pénurie de travailleurs — jusqu’à 2 millions de professionnels de la santé et 20 millions de travailleurs du secteur des soins — qui constituera un réel défi pour le développement futur durable du secteur dans son ensemble (29).

7.5.

Un système de santé et de soins optimisé bénéficiera significativement de l’apport et de l’engagement d’une main-d’œuvre hautement qualifiée et motivée. Souvent, les emplois dans ce secteur sont précaires, mal rémunérés et assez pénibles. L’inadéquation entre les besoins et le travail requis (sa qualité) demande une refonte du travail et de l’organisation liés à la santé et aux soins.

7.6.

Les TIC et les organisations intelligentes peuvent contribuer à créer des conditions de travail plus attrayantes et plus productives, ainsi que des postes de travail de meilleure qualité. Il y a lieu d’aborder les risques et les problèmes perçus ainsi que toutes sortes de questions soulevées par les nouvelles technologies en diffusant une information complète et en procédant à de larges consultations, conformément aux droits du personnel de santé à différents niveaux.

7.7.

Les nouvelles compétences, des méthodes de travail adaptées et la responsabilisation des patients auront un impact considérable. Ces processus ne pourront être menés à terme avec succès qu’en s’appuyant sur l’engagement de toutes les parties concernées. Ils devraient être fondés sur des accords nationaux ou sectoriels ou sur des conventions d’entreprises et/ou sur des solutions visant à préparer correctement les travailleurs et les organismes du secteur de la santé aux changements à venir. Un comité de dialogue social sectoriel pour l’hôpital/le secteur des soins de santé est en place au niveau de l’Union européenne depuis 2006.

7.8.

L’éducation et la pratique, de même que la formation continue, sont d’une importance cruciale. Il est souhaitable d’adopter des modules européens communs en matière d’éducation et de formation. Il y a lieu de promouvoir en Europe des échanges entre parties concernées portant sur la sensibilisation et les bonnes pratiques sur ces questions. L’éducation et la formation ont été abordées dans une déclaration commune des partenaires sociaux en 2016 (30).

7.9.

Les bonnes pratiques à l’échelle de l’Union européenne en matière de santé et de soins concernant les améliorations du système et l’évaluation des organisations intelligentes peuvent également être utiles pour promouvoir des méthodes prometteuses de participation des travailleurs.

7.10.

La nécessité d’avoir un esprit ouvert à de nouvelles solutions s’appuyant sur les TIC requiert que tous les professionnels de la santé et des soins disposent d’une culture numérique et qu’ils soient au fait des technologies les plus récentes. Outre les compétences de tout l’éventail des professions concernées, la responsabilisation du patient nécessite aussi le bon état d’esprit et les compétences correspondantes.

7.11.

En plus des professionnels de la santé, il est également nécessaire de développer les connaissances médicales au sein des entreprises du secteur des technologies de l’information, en vue d’optimiser l’utilisation des outils informatiques dans le domaine de la santé et des soins.

7.12.

L’emploi dans le secteur des soins informels et des services sociaux doit également être modernisé. Les soins informels connaissent une croissance disproportionnée, de même que la responsabilisation des patients. Ces deux évolutions sont susceptibles d’améliorer grandement la mobilité de la génération vieillissante, tant pour les personnes handicapées que pour les personnes âgées en bonne santé. Le terme d’«économie des seniors» est suffisamment explicite.

Bruxelles, le 14 février 2018.

Le président

du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Voir les conclusions du Conseil EPSCO (2006/C 146/01) et leur annexe, datant du 2 juin 2006, sur l’incidence des valeurs européennes.

(2)  Voir notamment les objectifs 3, 5, 9 et 10.

(3)  Country Specific Recommendations.

(4)  JO C 181 du 21.6.2012, p. 160, JO C 242 du 23.7.2015, p. 48, SOC/560 — Des systèmes durables de sécurité sociale et de protection sociale à l’ère du numérique (non encore publié au JO), JO C 133 du 9.5.2013, p. 52, JO C 434 du 15.12.2017, p. 1.

(5)  «The European Medical Technology Industry in figures» (L’industrie européenne des technologies médicales en chiffres), 2015.

(6)  Commission européenne, 2017.

(7)  Voir note 1

(8)  Voir les conclusions du Conseil EPSCO (2006/C 146/01) et leur annexe, datant du 2 juin 2006, sur l’incidence des valeurs européennes.

(9)  Article 168, titre XIV, TFUE: «Santé publique».

(10)  Récemment, le Conseil a encore adopté deux règlements ayant une incidence majeure sur le secteur, l’un portant sur les nouveaux dispositifs médicaux et l’autre sur les diagnostics in vitro.

(11)  Voir à cet égard l’article 35 de la charte des droits fondamentaux, document 2012/C 326/02, et la charte européenne des droits des patients, 2002.

(12)  La CCI Santé de l’EIT (Communauté de la connaissance et de l’innovation — Institut européen d’innovation et de technologie) a été créée le 9 décembre 2014.

(13)  Voir l’étude de Goldman Sachs, 1917: A digital healthcare revolution is coming — and it could save America $300 billion (Une révolution numérique en matière de santé est en marche et elle pourrait se traduire par 300 milliards de dollars d’économies pour les États-Unis).

(14)  Voir la communication de la Commission «Créer une économie européenne fondée sur les données» de mars 2011, et l’avis TEN/630 du CESE qui y est consacré.

(15)  Voir, notamment, le programme stratégique pour la recherche du COCIR dans le cadre d’Horizon 2020, septembre 2016.

(16)  «Procurement, The Unexpected Driver of Value-Based Health Care» (Les marchés publics, un moteur méconnu pour des soins de santé fondés sur la valeur), The Boston Consulting Group et MedTech Europe, 2015.

(17)  Le secteur de la santé est loin d’être le seul secteur à souffrir de telles pratiques. Le syndrome du prix le plus bas prévaut dans la plupart des marchés publics à travers l’Europe. C’est l’une des principales motivations de la législation européenne, voir notamment la directive sur les marchés publics de 2014.

(18)  Voir entre autres l’étude Blueprint de la DG CNECT (paragraphe 6 ci-dessous) et www.integratedcarealliance.org.

(19)  Voir l’initiative sur le «Passage au numérique des entreprises européennes»: Groupe de travail 2 — Plateformes d’entreprises numériques, chapitre 5, «Aperçu de la stratégie en matière de transformation numérique de la santé et des soins».

(20)  Voir Groupe de travail 2, p. 31.

(21)  Voir, notamment, Blueprint Digital Transformation of Health and Care for the Ageing Society — Strategic Vision Developed by Stakeholders (Scénario relatif à la transformation numérique de la santé et des soins pour une société vieillissante, une vision stratégique développée par les parties prenantes), Bruxelles, 5-8 décembre 2016 (seulement en anglais).

(22)  Blueprint, p. 6.

(23)  Améliorer l’efficacité du secteur de la santé— Le rôle des technologies de l’information et des communications, OCDE, 2010.

(24)  Ibid., p. 16.

(25)  Groupe de travail 2, p. 35.

(26)  Taskforce to take health and digital policies further (task-force pour aller plus loin dans les politiques en matière de santé et les politiques numériques), 27 février 2017.

(27)  Voir également le cadre pour la protection des données de 2012.

(28)  Stratégies de perfectionnement professionnel continu.

(29)  Blueprint, p. 19.

(30)  Voir la Déclaration commune HOSPEEM/FSESP sur l’apprentissage tout au long de la vie et la formation professionnelle continue pour tous les travailleurs de la santé dans l’Union européenne, novembre 2016. Pour de plus amples informations sur la nécessité d’investir dans les effectifs du secteur de la santé, voir le rapport conjoint ONU/OIT/OMS/OCDE intitulé Working for health and growth: investing in the health workforce (Contribuer à la santé et la croissance: investir dans le personnel de santé).