2.3.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 81/22


Avis du Comité économique et social européen sur la «Justice climatique»

(avis d’initiative)

(2018/C 081/04)

Rapporteur:

Cillian LOHAN

Décision de l’assemblée plénière

23 février 2017

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

 

 

Compétence

Section spécialisée «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section spécialisée

3 octobre 2017

Adoption en session plénière

19 octobre 2017

Session plénière no

529

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

194/12/8

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le concept de justice climatique définit le changement climatique mondial comme une question d’ordre politique et éthique, et pas strictement environnemental. Il est généralement envisagé dans un contexte mondial d’interdépendance spatiale et temporelle, et s’appuie sur le constat que les catégories les plus vulnérables et les plus pauvres de la société sont souvent les plus affectées par les effets du changement climatique, et ce, alors même que ces catégories sont les moins responsables des émissions ayant conduit à la crise climatique. Plus généralement, dans le présent avis, la justice climatique reconnaît la nécessité de s’intéresser, sous l’angle de l’équité, à l’impact souvent disproportionné du changement climatique sur les citoyens et les communautés locales des économies développées et des économies en développement.

1.2.

Le CESE considère que tous les citoyens ont le droit de vivre dans un environnement propre et sain, et d’attendre des pouvoirs publics qu’ils prennent leurs responsabilités et assument leurs engagements nationaux et leurs contributions déterminées au niveau national (CDN) dans le cadre de l’accord de Paris concernant les moteurs du changement climatique et les menaces que celui-ci représente, en tenant compte non seulement des aspects environnementaux et économiques les plus évidents, mais également de l’impact social.

1.3.

Le CESE propose d’entamer un débat sur une charte européenne des droits climatiques qui récapitulerait les droits des citoyens de l’Union et de la nature dans le contexte des défis liés à la crise mondiale du changement climatique. Tout en reconnaissant le rôle moteur joué par l’Union européenne dans la promotion d’un régime international de lutte contre le changement climatique qui soit solide et équitable, il encourage les institutions de l’Union européenne et les pouvoirs publics nationaux à se pencher sur l’application des principes de justice climatique à tous les niveaux: mondial, européen, national et local. Le processus du semestre européen pourrait servir d’instrument pour la réalisation de cette ambition. La justice climatique est au service aussi bien des populations que de l’environnement dont nous dépendons tous — ces deux dimensions sont interdépendantes. Dans ce contexte, le CESE rappelle deux initiatives récentes: le pacte mondial pour l’environnement et le projet de déclaration universelle des droits de l’humanité.

1.4.

Les systèmes de production et de consommation doivent évoluer de manière à s’adapter au changement climatique et à l’atténuer. Cette transition devra avoir lieu à l’échelle mondiale et sur le plan sectoriel, et l’Union européenne peut jouer un rôle moteur à cet égard. Les secteurs d’activité et les travailleurs les plus vulnérables doivent être recensés et se voir offrir une aide appropriée. Il convient en particulier de faire en sorte que les systèmes alimentaires et leurs parties prenantes soient soutenus lors de la transition. La consommation alimentaire durable doit commencer en amont, au stade de la préparation des sols et de la gestion des systèmes naturels pour fournir les éléments de base de l’alimentation. L’Union européenne devrait être porteuse d’une dynamique claire pour promouvoir une gestion et une protection durables des sols.

1.5.

Le pouvoir des consommateurs dans la réalisation de la transition ne peut s’exercer que si ces derniers disposent de solutions de remplacement durables et éthiques qui ne se traduisent pas par une baisse significative de confort ou de qualité en matière de service, d’utilisation ou d’accessibilité. Les nouveaux modèles économiques tels que l’économie numérique, collaborative ou circulaire, ainsi que la coopération internationale concernant la transition tant mondiale que sectorielle vers ces modèles, permettent de développer des solutions de remplacement viables pour les consommateurs.

1.6.

Les mécanismes d’aide, y compris les fonds publics et les instruments et mesures incitatives d’ordre économique, devraient être utilisés de manière à garantir que des infrastructures et des aides appropriées sont à la disposition des consommateurs qui veulent faire le choix d’un mode de vie à faibles émissions de carbone, y compris une aide pour couvrir les coûts plus élevés de biens et de services éthiques, durables ou à longue durée de vie, tout en garantissant dans le même temps qu’il ne soit pas porté atteinte à la compétitivité.

1.7.

Les transferts d’emplois qu’induirait une économie à faibles émissions de carbone doivent être répertoriés, et les possibilités offertes par une telle transition être recensées dans les meilleurs délais. Cette approche permettra de concevoir et de mettre en œuvre les politiques les plus efficaces possible, afin de garantir que les travailleurs seront protégés, et que leur qualité de vie sera préservée dans le cadre d’une transition juste.

1.8.

Le CESE réitère son appel en faveur d’un Observatoire européen de la pauvreté énergétique (1) qui réunirait toutes les parties prenantes pour contribuer à définir des indicateurs européens en la matière. Une justice applicable à tous les citoyens suppose de fournir à chacun une énergie propre, abordable et accessible.

1.9.

Le CESE demande que les subventions accordées aux combustibles fossiles soient supprimées et remplacées par un soutien à la transition vers les énergies renouvelables.

1.10.

L’efficacité des politiques de durabilité dépend de la capacité à garantir que les aides apportées à la transition sont clairement recensées et hiérarchisées en fonction de critères de priorité, et financées de manière adéquate. Dans le même temps, l’Union européenne doit entamer des négociations internationales tout à fait exhaustives en vue de parvenir à un accord mondial capable de limiter dans leurs effets les moteurs du changement climatique et de soutenir un modèle économique mondial plus durable.

2.   Contexte/objet du présent avis

2.1.

Le présent avis d’initiative s’inscrit dans le cadre du plan de travail de l’observatoire du développement durable pour l’année 2017. La justice climatique est un sujet qui nous concerne tous et pourtant, un déficit d’action en la matière s’observe au niveau de l’Union. Une opportunité existe donc pour le CESE de s’affirmer dans un rôle de chef de file et de formuler des propositions initiales, en particulier pour ce qui concerne l’Europe. De nombreux aspects de la justice climatique doivent encore faire l’objet de discussions plus approfondies, par exemple la question de la répartition globale et individuelle des quotas d’émission.

2.2.

Le CESE souhaite adopter une position institutionnelle afin d’exprimer le point de vue de la société civile européenne organisée dans le débat sur l’impact du changement climatique et sur la meilleure façon d’y faire face d’une manière juste et équitable.

2.3.

Dans le contexte des objectifs de développement durable (ODD) adoptés à l’échelle internationale au niveau des Nations unies, de l’accord de Paris, ainsi que des incidences déjà manifestes du changement climatique, il convient d’accorder une priorité plus grande encore à la mise en œuvre de la justice climatique au moyen d’actions concrètes.

3.   Observations générales

3.1.

Le concept de justice climatique définit le changement climatique mondial comme une question d’ordre politique et éthique, et pas strictement environnemental. Il s’appuie sur le constat que les catégories les plus vulnérables et les plus pauvres de la société sont souvent les plus affectées par les effets du changement climatique. Le concept est généralement envisagé dans un contexte mondial d’interdépendance spatiale et temporelle, en mettant notamment l’accent sur les responsabilités des pays qui se sont développés en s’appuyant sur l’exploitation des ressources naturelles.

3.2.

Les ODD vont plus loin que les OMD qui les ont précédés en ce qu’ils reconnaissent la responsabilité mutuelle, l’appropriation et l’action collective, ainsi que la nécessité de processus participatifs inclusifs. Tout en reconnaissant le rôle moteur joué par l’Union européenne dans la promotion d’un régime international de lutte contre le changement climatique qui soit solide et équitable, le CESE encourage les institutions de l’Union européenne et les pouvoirs publics nationaux à adopter des mesures de justice climatique à tous les niveaux: mondial, européen, national et local. Le processus du semestre européen pourrait servir d’instrument pour la réalisation de cette ambition. Par conséquent, dans le présent avis, la justice climatique reconnaît la nécessité de s’intéresser, sous l’angle de l’équité, à l’impact souvent disproportionné du changement climatique sur les citoyens et les communautés locales des économies aussi bien développées qu’en développement.

3.3.

Il existe un problème de résistance aux politiques en matière de changement climatique, celles-ci étant perçues comme pénalisant les citoyens ordinaires, certains secteurs (tels que l’agroalimentaire ou les transports) ou les groupes et les personnes qui dépendent des combustibles fossiles, et ce, malgré les bénéfices dont lesdites politiques sont porteuses.

3.4.

Différentes initiatives stratégiques mettent l’accent sur des secteurs et des domaines qui sont fortement influencés par les problèmes liés au climat, tels que la santé, les transports, l’agriculture ou l’énergie. La justice climatique peut fournir une approche intégrée globale permettant de s’assurer que la transition vers une économie à faibles émissions de carbone est réalisée de manière juste et équitable.

3.5.

Il importe de noter que la justice climatique ne concerne pas uniquement les personnes directement affectées par les effets du changement climatique, mais aussi celles qui sont touchées par les moteurs du changement climatique du fait de leur dépendance à des biens, des services et des modes de vie qui sont associés à de grandes quantités d’émissions ainsi qu’à une faible efficacité en matière d’utilisation des ressources.

4.   Observations spécifiques

4.1.   Justice sociale

4.1.1.

Le CESE considère que tous les citoyens ont le droit de vivre dans un environnement propre et sain, et d’attendre des pouvoirs publics qu’ils prennent leurs responsabilités et assument leurs engagements nationaux et leurs contributions déterminées au niveau national (CDN) dans le cadre de l’accord de Paris concernant les moteurs du changement climatique et les menaces que celui-ci représente, en tenant compte non seulement des aspects environnementaux et économiques les plus évidents, mais également de l’impact sociétal.

4.1.2.

Le socle européen des droits sociaux doit servir de boussole pour un processus de convergence renouvelé visant une amélioration des conditions de vie et de travail dans les États membres. Il repose sur 20 principes, dont un grand nombre seront touchés soit directement par le changement climatique, soit indirectement par la nécessité d’engager une transition vers de nouveaux modèles économiques.

4.1.3.

Le CESE propose d’entamer un débat, à la lumière des droits de l’homme et des droits sociaux, sur l’élaboration d’une charte des droits climatiques qui récapitulerait les droits des citoyens et de la nature dans le contexte des défis liés à la crise du changement climatique. Dans ce contexte, il rappelle le projet de déclaration universelle des droits de l’humanité élaboré en 2015 par Mme Corinne Lepage dans la perspective de la COP 21.

4.1.4.

Les droits de la nature sont aujourd’hui reconnus dans différents pays à travers le monde dans le cadre du processus législatif. Ainsi, aux Pays-Bas, la fondation Urgenda, une organisation non gouvernementale, a remporté en 2015 une action en justice contre le gouvernement dans le domaine du climat. La cour suprême des Pays-Bas a invariablement confirmé le principe selon lequel les pouvoirs publics peuvent être tenus juridiquement responsables pour ne pas avoir pris de mesures suffisantes en vue de prévenir les dommages prévisibles induits par le changement climatique. Des procédures similaires sont en préparation en Belgique et en Norvège. En outre, des initiatives telles que le pacte mondial pour l’environnement, qui a été lancé le 24 juin 2017, répondent à la nécessité d’une gouvernance environnementale mondiale équitable par l’introduction de la «troisième génération de droits» au moyen d’un instrument de référence général, transversal et universel.

4.1.5.

Il est nécessaire de veiller à ce que les personnes les plus vulnérables de la société ne se voient pas imposer une charge disproportionnée et à ce que le coût d’une transition vers un modèle économique adapté au climat soit réparti équitablement entre les différentes composantes de la société. Ainsi, le principe du pollueur-payeur devrait être appliqué à l’échelon de ceux qui produisent la pollution et en tirent bénéfice, par opposition à l’échelon de l’utilisateur final dans les cas où il n’existe aucune solution de substitution viable. La question d’une application attentive et pertinente de ce principe essentiel a déjà été abordée par le CESE (2).

4.1.6.

Tous les types de migration (y compris les réfugiés climatiques) devraient augmenter en raison des déplacements de population (3). Nous avons d’ores et déjà pu constater à quel point nous étions mal préparés, au sein de l’Union, à faire face à une telle situation, et la question des charges disproportionnées entre les différents États membres reste entière. Le CESE a déjà souligné comment des processus économiques déséquilibrés pouvaient accroître la déstabilisation dans ce contexte (4).

4.1.7.

Comme l’a révélé une récente étude du Parlement européen sur les réfugiés climatiques, il n’existe au niveau de l’Union européenne aucun instrument spécifique applicable aux «déplacés environnementaux». La directive relative à la protection temporaire est un instrument qu’il est politiquement difficile d’utiliser lorsqu’il s’agit de gérer tout déplacement de masse, et le CESE soutient la position selon laquelle le traité de Lisbonne offre un mandat suffisamment large pour réviser la politique migratoire afin de réglementer le statut des «déplacés environnementaux».

4.2.   Le secteur agroalimentaire

4.2.1.

Les systèmes de production alimentaire et les régimes alimentaires évolueront de manière à s’adapter au changement climatique et à l’atténuer. Tous les citoyens (et notamment les agriculteurs, les ménages, les acteurs de la chaîne d’approvisionnement et les consommateurs) dépendent du secteur agroalimentaire; il convient donc de faire en sorte, dans le cadre de la transition vers une société sobre en carbone, que les personnes concernées soient accompagnées et soutenues dans ce processus d’évolution. En outre, cette transition devra se produire au niveau mondial et dans un contexte sectoriel; l’Union européenne peut jouer un rôle moteur à cet égard.

4.2.2.

Le changement climatique pose d’immenses défis à l’agriculture européenne, qui est à la fois un moteur de ce changement et un des secteurs économiques qui en subissent le plus les conséquences.

4.2.3.

Ce secteur doit être redéfini au vu de sa contribution aux systèmes d’absorption naturelle, notamment les services écosystémiques qui ont la capacité d’atténuer certaines incidences du changement climatique. Ceux-ci devraient être reconnus, et des financements publics au titre de la PAC devraient être réaffectés pour soutenir ces services que fournit le secteur agricole dans le cadre de son objectif de production de denrées alimentaires. Ce concept général est soutenu dans un avis qui a récemment été adopté (5).

4.2.4.

La consommation alimentaire durable doit commencer en amont, au stade de la préparation des sols et de la gestion des systèmes naturels pour fournir les éléments de base de l’alimentation. Le CESE insiste sur le fait qu’il faut engager un débat sur la nécessité d’une directive-cadre sur les sols et de porter une dynamique claire en ce qui concerne l’importance de promouvoir une gestion et une protection durables des sols (6). La protection des sols et son rôle dans les services écosystémiques constituent une priorité de l’actuelle présidence estonienne du Conseil de l’Union européenne (7).

4.2.5.

Le CESE encourage le concept d’une consommation et d’une production durables. Pour parvenir à un consensus sur la nécessité d’un changement d’attitude à l’égard de la consommation de viande, il conviendra de recenser les possibilités à saisir ainsi que les aides nécessaires afin d’assurer une transition juste pour ceux qui dépendent de ce secteur de l’industrie agroalimentaire.

4.2.6.

Ce secteur est également concerné par les moteurs du changement climatique, notamment en ce qui concerne sa dépendance à l’égard des combustibles fossiles, depuis la production alimentaire jusqu’au conditionnement, en passant par la transformation et le transport. Il est nécessaire de formuler des politiques qui reconnaissent que le modèle agroalimentaire actuel est dans l’impasse et qui tracent une trajectoire réaliste permettant d’évoluer vers un avenir durable et respectueux de l’environnement pour les agriculteurs.

4.2.7.

Les politiques de protection de l’environnement n’entrent pas nécessairement en conflit avec les besoins immédiats du secteur agricole pour peu qu’elles soient considérées comme des applications des mécanismes d’aide visant à faciliter la transition vers une société sobre en carbone.

4.3.   Consommateurs

4.3.1.

Le pouvoir des consommateurs dans la réalisation de la transition ne peut s’exercer que si ces derniers disposent d’une solution de remplacement durable et éthique qui ne se traduise pas par une baisse significative de confort ou de qualité en matière de service, d’utilisation ou d’accessibilité. Les nouveaux modèles économiques tels que l’économie numérique, collaborative ou circulaire, ainsi que la coopération internationale concernant la transition tant mondiale que sectorielle vers ces modèles, permettent de développer des solutions de remplacement viables pour les consommateurs.

4.3.2.

Trop souvent, le principe du pollueur-payeur est détourné, et des taxes sont imposées aux consommateurs alors même qu’aucune solution de remplacement viable ne leur est offerte. Les consommateurs doivent bénéficier au préalable d’une option de remplacement pour que la fixation des prix puisse fonctionner comme un instrument efficace pour stimuler un changement de comportement dans la direction voulue.

4.3.3.

La taxe sur les sacs plastiques constitue un bon exemple de cas où les consommateurs sont exposés à une taxe minime, mais où d’autres solutions sont mises à leur disposition — à savoir celles d’apporter leur propre sac ou d’utiliser une boîte fournie par le détaillant. En recourant à une telle approche, des changements comportementaux de grande ampleur peuvent être obtenus.

4.3.4.

À l’inverse, la taxation des combustibles fossiles (tels que l’essence) au niveau du consommateur peut être une source de mécontentement et détourner les revenus disponibles vers l’achat de carburant. Elle peut en outre alimenter un marché illicite parallèle, tout en préservant au bout du compte les bénéfices réalisés par le producteur du produit polluant. Ces phénomènes sont encore aggravés par un défaut de délimitation de ces taxes dans la plupart des cas. Les citoyens ont le sentiment que les politiques en matière de changement climatique sont associées à une pénalisation injuste de ceux qui n’ont pas d’autre choix que de fonctionner dans le cadre de l’économie des combustibles fossiles.

4.3.5.

Les mécanismes d’aide, y compris les fonds publics et les instruments économiques, devraient être investis de manière à garantir que des infrastructures et des aides appropriées sont à la disposition des consommateurs qui veulent faire le choix d’un mode de vie à faibles émissions de carbone, y compris une aide pour couvrir les coûts plus élevés de biens et de services éthiques, durables ou à longue durée de vie. Cette aide peut prendre la forme de partenariats public-privé. Le secteur automobile est un exemple concluant de plans de financement soutenus par les producteurs afin d’améliorer l’accès des consommateurs à de nouveaux véhicules. Des types de soutien similaires pourraient être proposés dans d’autres secteurs, tels que l’électroménager ou la modernisation des logements et des entreprises.

4.3.6.

On observe une contradiction du point de vue climatique dans l’utilisation de fonds publics pour accorder des aides et pour investir dans des infrastructures et des systèmes qui accroissent la dépendance de l’utilisateur final vis-à-vis des moteurs du changement climatique, tout en agissant, dans le même temps, pour limiter et gérer les conséquences de ce même changement climatique. Les consommateurs sont en première ligne chaque fois qu’il faut subir l’incidence de cette situation. Le choix consistant à payer davantage pour les options polluantes ou à se passer de toute solution n’est pas un choix «juste» à offrir aux citoyens.

4.3.7.

Le sentiment existe qu’un style de vie durable et des choix de consommation durables ne sont compatibles qu’avec un niveau de revenu disponible élevé. Les choix éthiques, respectueux du climat et durables ne sont pas équitablement accessibles à tous. Une tarification intégrant les coûts climatiques (notamment l’intensité d’utilisation des ressources) des biens et des services devrait être soutenue par un cadre stratégique qui remettrait en question cette perception et renforcerait l’accessibilité de ces biens et services pour l’ensemble des consommateurs.

4.3.8.

La législation de l’Union européenne en matière de protection des consommateurs est antérieure à la reconnaissance par l’ONU, en 1999, de la consommation durable comme un droit fondamental des consommateurs et n’y fait donc aucunement référence (8). Le CESE réitère son appel en faveur d’une politique de la consommation durable. Une telle politique est particulièrement judicieuse dans le contexte des objectifs de développement durable et de l’initiative en faveur de l’économie circulaire.

4.3.9.

À défaut de solution de remplacement, le consommateur n’a d’autre choix que d’être contraint à l’appauvrissement, à de mauvaises décisions, à des choix néfastes pour la santé ou à des solutions non durables, et il développe un rejet des politiques «environnementales», qui sont perçues comme pénalisantes pour l’utilisateur final. Dans le même temps, ceux qui tirent profit de ce système ne payent rien et même s’enrichissent, de sorte que les inégalités se creusent, sous le couvert d’une politique favorable à l’environnement contredisant les principes de durabilité.

4.4.   Transitions sur le plan de l’emploi

4.4.1.

Il est essentiel de protéger tous les travailleurs dans la phase de transition, à la fois ceux dont les compétences sont faibles ou non transférables et ceux qui occupent des postes hautement qualifiés. Les secteurs et les travailleurs les plus vulnérables doivent être recensés et se voir offrir une aide appropriée. L’automatisation des emplois dans le cadre d’une économie à faibles émissions de carbone pourrait entraîner la disparition complète de certains emplois (9).

4.4.2.

Pour assurer une telle protection, différents moyens existent, notamment ceux consistant à offrir des possibilités de reconversion ou de formation. Les travailleurs dont les emplois disparaissent en raison du changement climatique ou en conséquence de la nécessité de mettre fin à la dépendance vis-à-vis des moteurs du changement climatique ne devraient pas avoir à payer le prix de cette évolution.

4.4.3.

Le recensement à un stade précoce des compétences nécessaires pour permettre une participation pleine et entière à ces nouveaux modèles économiques constitue une partie de la solution, mais en même temps, celles-ci devraient être répertoriées dans le contexte de l’emploi existant et des dépendances à l’égard du modèle non durable actuel.

4.4.4.

Il est important de protéger et de préserver autant que possible les groupes sociaux concernés, ainsi que de faciliter la transition en limitant au maximum l’impact sur le bien-être social et économique des personnes touchées.

4.4.5.

De nouvelles possibilités sont clairement identifiables dans les nouveaux modèles économiques proposés, y compris l’économie de la fonctionnalité, l’économie collaborative et l’économie circulaire. À cet égard, l’Union européenne devrait entamer les négociations internationales nécessaires pour parvenir à la mise en place d’un modèle économique mondial.

4.5.   Santé

4.5.1.

Le changement climatique et les moteurs du changement climatique ont un coût sanitaire. Celui-ci peut être mesuré, par exemple, à l’aune des décès et des maladies imputables à la pollution de l’air; il représente un coût pour la société et pour les systèmes publics de soins de santé. Ces derniers doivent prendre en considération le rôle que le changement climatique et les moteurs du changement climatique jouent dans leur secteur.

4.5.2.

Une corrélation s’observe entre la santé et le bien-être et l’accès à la nature (IPEE). De nombreux États membres sont confrontés à des défis sanitaires et sociétaux tels que l’obésité, les problèmes de santé mentale, l’exclusion sociale ou encore le bruit et la pollution de l’air, qui affectent de manière disproportionnée les groupes vulnérables et défavorisés sur le plan socio-économique.

4.5.3.

L’investissement dans la nature permet de lutter contre le changement climatique, non seulement en favorisant l’abandon de l’usage de produits polluants, mais encore en permettant l’investissement dans le stockage de carbone par la voie des écosystèmes naturels. Les bienfaits qui en découlent en matière de santé sont de deux types: une prévention accrue de la mauvaise santé et la promotion d’un mode de vie actif propre à améliorer la santé des citoyens et des groupes sociaux concernés. La reconnaissance de cet aspect contribue à garantir que les décisions stratégiques sont prises de manière équilibrée, informée et sur la base de données probantes.

4.6.   Énergie

4.6.1.

La production d’énergies renouvelables en pourcentage de la consommation d’électricité a plus que doublé entre 2004 et 2015 au sein de l’Union européenne (passant de 14 % à 29 %). Toutefois, dans les secteurs du chauffage, de la construction et de l’industrie, ainsi que dans celui des transports, les besoins énergétiques demeurent considérables. Si des progrès sont observés, la situation de départ est extrêmement modeste: par exemple, dans le domaine des transports, la part des énergies renouvelables dans la consommation de carburants est passée de 1 % à 6 % sur la même période.

4.6.2.

La pauvreté énergétique constitue un problème dans l’Europe entière, et même si le sens à lui donner, et le contexte dans lequel elle se manifeste, peuvent varier d’un pays à l’autre, elle offre un autre exemple de la nécessité de veiller à ce que les politiques en matière de changement climatique ciblent bien la protection des plus vulnérables.

4.6.3.

Le CESE réitère son appel en faveur d’un Observatoire européen de la pauvreté énergétique (10) qui réunirait toutes les parties prenantes pour contribuer à définir des indicateurs européens en la matière. Une justice applicable à tous les citoyens suppose de fournir à chacun une énergie propre, abordable et accessible.

4.6.4.

Des politiques qui contribuent à résoudre le problème de la pauvreté énergétique au sein de l’Union peuvent également constituer des solutions pour la mise en place d’une infrastructure et d’un approvisionnement axés sur les énergies propres, par la réorientation des subventions et la coordination des volontés politiques.

4.6.5.

Les politiques qui soutiennent les subventions en faveur des combustibles fossiles conduisent, de façon directe ou indirecte, à un renversement du principe du pollueur-payeur — dans ces cas précis, c’est le pollueur qui reçoit de l’argent. Un grand nombre de ces subventions sont invisibles pour l’utilisateur final mais, en fin de compte, il s’agit bel et bien d’argent public. Un récent avis (11) a déjà préconisé la suppression des subventions néfastes à l’environnement au sein de l’Union européenne, et un autre avis consacré au recensement des politiques européennes en matière de développement durable (12) insiste sur la nécessité de concrétiser les engagements à les éliminer qui ont déjà été pris et de promouvoir avec force une réforme de la fiscalité environnementale.

4.6.6.

L’aide devrait être accessible à tous, les subventions devraient cibler les sources d’énergie renouvelables, tandis que les subventions versées aux moteurs du changement climatique devraient être supprimées de toute urgence; les exemptions devraient être accordées de façon plus juste et, explicitement, ne pas bénéficier à ceux qui sont les plus à même de payer, pas plus qu’à ceux qui tirent profit des produits polluants. Selon le FMI, les subventions accordées aux combustibles fossiles représentent actuellement 10 millions de dollars par minute au niveau mondial. La suppression de ces subventions entraînerait une hausse des recettes publiques correspondant à 3,6 % du PIB mondial, une diminution des émissions de plus de 20 %, une réduction de plus de moitié des décès prématurés liés à la pollution de l’air et une augmentation de la prospérité économique mondiale de 1,8 trillions de dollars (soit 2,2 % du PIB mondial). Ces chiffres mettent en évidence le caractère injuste du système actuel.

4.6.7.

L’efficacité des politiques de durabilité dépend de la capacité à garantir que les aides apportées à la transition sont clairement recensées et hiérarchisées en fonction de critères de priorité, et financées de manière adéquate.

Bruxelles, le 19 octobre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Avis sur le thème Pour une action européenne coordonnée pour prévenir et combattre la pauvreté énergétique, JO C 341 du 21.11.2013, p. 21.

(2)  Avis sur Les effets des conclusions de la COP 21 en matière de politique européenne des transports, JO C 303 du19.8.2016, p. 10.

(3)  Avis sur le thème L’intégration des réfugiés dans l’Union européenne, JO C 264 du 20.7.2016, p. 19.

(4)  Avis sur le Consensus européen pour le développement JO C 246 du 28.7.2017, p. 71.

(5)  Avis sur Une redéfinition possible de la PAC, JO C 288, du 31.8.2017, p. 10.

(6)  Avis sur le thème Économie circulaire — engrais, JO C 389 du 21.10.2016, p. 80.

(7)  Avis sur L’utilisation des sols pour la production alimentaire durable et les services écosystémiques (voir page 72 du présent Journal officiel).

(8)  Avis sur le thème La consommation collaborative ou participative: un modèle de développement durable pour le XXIe siècle JO C 177 du 11.6.2014, p. 1.

(9)  Avis sur La transition vers un avenir plus durable pour l’Europe — Une stratégie pour 2050 (voir page 44 du présent Journal officiel).

(10)  Voir la note de bas de page no 1.

(11)  Avis sur le thème Instruments financiers destinés à favoriser le passage vers une économie à faibles émissions de carbone et efficace dans l’utilisation des ressources dans l’Union européenne, JO C 226 du 16.7.2014, p. 1.

(12)  Avis sur Le développement durable — Recensement des politiques intérieures et extérieures de l’Union européenne, JO C 487 du 28.12.2016, p. 41.