Bruxelles, le 11.9.2017

COM(2017) 468 final

RAPPORT DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL

sur la nécessité d’exclure temporairement les produits dérivés cotés du champ d’application des articles 35 et 36 du règlement (UE) nº 600/2014 concernant les marchés d’instruments financiers


RAPPORT DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET

AU CONSEIL

sur la nécessité d’exclure temporairement les produits dérivés cotés du champ d’application des articles 35 et 36 du règlement (UE) nº 600/2014 concernant les marchés d’instruments financiers

1.INTRODUCTION

Le présent rapport au Parlement européen et au Conseil (ci-après le «rapport») évalue la nécessité d’exclure temporairement les produits dérivés cotés du champ d’application des articles 35 et 36 du règlement (UE) nº 600/2014 concernant les marchés d’instruments financiers (ci-après le «règlement MiFIR»). Conformément à l’article 52, paragraphe 12, la Commission européenne est tenue de présenter au Parlement européen et au Conseil un rapport sur la nécessité d’exclure temporairement les produits dérivés cotés du champ d’application des dispositions des articles 35 et 36 du règlement MiFIR relatives à l’accès non discriminatoire aux contreparties centrales et aux plates-formes de négociation jusqu’à trente mois après le 3 janvier 2018.

L’article 52, paragraphe 12, du règlement MiFIR dispose que le rapport de la Commission européenne devrait se fonder sur une évaluation des risques réalisée par l’AEMF, en consultation avec le CERS, et tenir compte des risques que les dispositions relatives au libre accès concernant les produits dérivés cotés présentent pour la stabilité générale et le bon fonctionnement des marchés financiers dans toute l’Union. En juillet 2015, la Commission a demandé à l’AEMF de procéder à cette évaluation des risques en collaboration avec le CERS. L’AEMF a remis son évaluation des risques 1 le 31 mars 2016 sur la base d’un avis publié par le CERS le 9 février 2016 2 .

Dans son évaluation des risques, l’AEMF était invitée par la Commission: i) à déterminer les facteurs de risque potentiels et apprécier leur probabilité, ainsi que l’ampleur des effets préjudiciables sur les systèmes financiers; ii) à évaluer l’existence d’un risque systémique sur la base de facteurs de risque qui peuvent être supposés spécifiques à des accords d’accès au titre du règlement MiFIR; et iii) à présenter une analyse qualitative et quantitative détaillée à l’appui de ses arguments.

La Commission note qu’en l’absence de données relatives au fonctionnement d’accords d’accès portant sur des produits dérivés cotés au titre du règlement MiFIR, l’AEMF n’a pas été en mesure de procéder à une évaluation quantitative comme le demandait la Commission.

2.PORTÉE DU RAPPORT

Comme le règlement (UE) nº 648/2012 (ci-après le «règlement EMIR») l’a fait pour les produits dérivés de gré à gré, le règlement MiFIR établit une obligation de compensation pour les produits dérivés cotés 3 , ainsi qu’une obligation d’accès transparent et non discriminatoire aux contreparties centrales et aux plates-formes de négociation pour les valeurs mobilières, les instruments du marché monétaire et les produits dérivés cotés.

Le règlement EMIR définit le produit dérivé de gré à gré comme un contrat dérivé non conclu sur un marché réglementé ou sur un marché d’un pays tiers considéré comme étant équivalent à un marché réglementé 4 . En revanche, le règlement MiFIR définit le produit dérivé coté comme «un produit dérivé négocié sur un marché réglementé ou sur un marché d’un pays tiers considéré comme équivalent à un marché réglementé» 5 qui, à ce titre, ne relève pas de la définition d’un produit dérivé de gré à gré telle qu’elle figure dans le règlement EMIR.

Par conséquent, si les dispositions du règlement MiFIR relatives à un accès ouvert et non discriminatoire s’appliquent aux produits dérivés négociés au moins sur un marché réglementé, les dispositions du règlement EMIR relatives à un accès ouvert s’appliquent aux produits dérivés négociés uniquement de gré à gré, y compris les produits dérivés négociés sur des systèmes multilatéraux de négociation ou des systèmes organisés de négociation, pour autant qu’ils ne soient pas négociés autrement sur un marché réglementé ou sur un marché d’un pays tiers considéré comme équivalent à un marché réglementé.

Conformément à l’article 52, paragraphe 12, du règlement MiFIR, le présent rapport couvre uniquement les produits dérivés cotés et ne concerne donc pas les valeurs mobilières, les instruments du marché monétaire et les produits dérivés de gré à gré.

3.DISPOSITIONS DU RÈGLEMENT MiFIR RELATIVES À UN ACCÈS NON DISCRIMINATOIRE

Les dispositions relatives à un accès ouvert et non discriminatoire visent à renforcer la concurrence entre les plates-formes de négociation et entre les contreparties centrales, et en définitive à réduire les coûts pour les investisseurs finaux, en empêchant des pratiques discriminatoires susceptibles d’exister tant au niveau des contreparties centrales qu'au niveau des plates-formes de négociation.

L’article 35 du règlement MiFIR dispose qu’une contrepartie centrale ouvre l’accès aux plates-formes de négociation sur une base non discriminatoire et transparente afin de compenser des transactions indépendamment de la plate-forme de négociation où elles sont exécutées. Dans ce contexte, l’accès ouvert et non discriminatoire vise à assurer aux plates-formes de négociation le droit, pour les contrats négociés en leur sein, à un traitement non discriminatoire en termes i) d’obligations de garantie et de conditions de compensation des contrats économiquement équivalents, et ii) d’appels de marges croisés avec des contrats corrélés compensés par la même contrepartie centrale. De cette façon, les plates-formes de négociation devraient avoir la possibilité de décider quelle(s) contrepartie(s) centrale(s) peu(ven)t compenser une transaction exécutée en leur sein.

Parallèlement, l’article 36 du règlement MiFIR dispose qu’une plate-forme de négociation ouvre l’accès à ses flux de négociations, sur une base non discriminatoire et transparente, à la demande des contreparties centrales qui souhaitent compenser des transactions sur cette plate-forme de négociation.

Le règlement MiFIR a cependant prévu que, dans certaines circonstances, un accès ouvert aux contreparties centrales et plates-formes de négociation peut entraîner des risques et présenter des inconvénients susceptibles de l’emporter sur les objectifs stratégiques de renforcement de la concurrence. Dans ce contexte, les articles 35 et 36 du règlement MiFIR établissent les conditions auxquelles l’accès peut être refusé. Les autorités compétentes de la contrepartie centrale et de la plate-forme de négociation peuvent refuser l’accès à une contrepartie centrale ou une plate-forme de négociation en particulier lorsque l’octroi de l’accès serait susceptible i) de mettre en péril le fonctionnement harmonieux et ordonné du marché, notamment en raison de la fragmentation des liquidités, ou d’accentuer le risque systémique, ou ii) de requérir un accord d’interopérabilité (pour les produits dérivés cotés), sauf dans le cas où la plate-forme de négociation et les contreparties centrales concernées ont approuvé l’accord d’interopérabilité et où les risques qui en découlent sont couverts par une tierce partie 6 . De surcroît, l’accès peut aussi être refusé par les contreparties centrales et les plates-formes de négociation lorsqu’il entraîne un risque excessif important qui ne peut être géré en ce qui concerne le volume escompté des transactions, les risques et la complexité opérationnels, ainsi que d’autres facteurs de risques excessifs importants 7 .

Ces conditions sont détaillées dans la norme technique de réglementation concernant l’accès à la compensation des plates-formes de négociation et des contreparties centrales 8 , qui couvre aussi les conditions régissant l’octroi de l’accès, les procédures de notification et d’autres exigences 9 . En particulier, la norme technique spécifie davantage les différents types de risques, en fonction du volume de transactions attendu, du risque et de la complexité opérationnels, ainsi que d’autres facteurs créant des risques excessifs importants (par exemple, un nouveau produit, la mise en péril de la viabilité économique de la contrepartie centrale ou de la plate-forme de négociation, un risque juridique, ou une incompatibilité entre les règles de négociation et de compensation).

De plus, le règlement MiFIR introduit des dispositions spécifiques afin de prendre correctement en considération la complexité des produits dérivés cotés et les difficultés considérables qu’un accès ouvert et non discriminatoire est susceptible d’occasionner. La complexité des produits dérivés cotés est due en particulier à leurs échéances longues et à leurs effets de levier.

Dans le cas des produits dérivés cotés, la plate-forme de négociation ou la contrepartie centrale répond par écrit dans un délai de six mois, au lieu de trois mois lorsqu’il s’agit d’autres instruments financiers, et rend l’accès possible dans les trois mois qui suivent sa réponse favorable à la demande d’accès. Lorsqu’une autorité compétente, la plate-forme de négociation ou la contrepartie centrale refuse d’accorder l’accès, elle indique toutes les raisons motivant sa décision et informe les autorités compétentes concernées.

Le règlement MiFIR prévoit aussi un régime transitoire pour les plates-formes proposant la négociation de produits dérivés cotés dont le montant notionnel annuel négocié est inférieur à 1 000 000 millions d’EUR 10 , qui peuvent choisir de ne pas appliquer les dispositions relatives à un accès ouvert et non discriminatoire pendant une période de trente mois (et jusqu’à soixante mois sous certaines conditions 11 ) à compter de la date d’application du règlement MiFIR.

Enfin, conformément à l’article 52, paragraphe 12, du règlement MiFIR et sous réserve des conclusions du présent rapport, la Commission peut décider d’exclure les produits dérivés cotés du champ d’application des articles 35 et 36 du règlement MiFIR pour une durée maximale de 30 mois sur la base d’une évaluation des risques réalisée par l’AEMF en consultation avec le CERS. L’article 54, paragraphe 2, du règlement MiFIR dispose en outre que, dans le cas où la Commission décide de ne pas exclure temporairement les produits dérivés cotés du champ d’application des articles 35 et 36 du règlement MiFIR, une contrepartie centrale ou une plate-forme de négociation peut demander à l’autorité compétente dont elle relève l’autorisation de recourir à des régimes transitoires. L’autorité compétente peut évaluer les risques résultant de l’application de l’accès ouvert et non discriminatoire, en ce qui concerne les produits dérivés cotés, pour le bon fonctionnement de la contrepartie centrale ou de la plate-forme de négociation en question, et peut décider d’exempter cette dernière des obligations d’accès pour une période transitoire allant jusqu’au 3 juillet 2020.

4.STRUCTURE DU MARCHÉ DES PRODUITS DÉRIVÉS COTÉS

Il convient de noter que l’évaluation des risques de l’AEMF a été publiée en avril 2016, au tout premier stade, voire avant le début de la mise en œuvre des nouvelles exigences réglementaires qui visent à garantir que i) la négociation des produits dérivés liquides et normalisés s’effectue dans la mesure du possible sur des plates-formes de négociation, et que ii) tant les produits dérivés de gré à gré concernés que les produits dérivés cotés fassent l’objet d’une compensation centrale afin de réduire le risque systémique.

L’AEMF considère, avec le CERS, que l’introduction de l’obligation de négocier les produits dérivés de gré à gré qui remplissent certaines conditions sur une plate-forme de négociation, en application de l’article 28 du règlement MiFIR, devrait vraisemblablement augmenter le nombre de produits dérivés négociés sur les plates-formes de négociation 12 , y compris sur les marchés réglementés. Les produits dérivés proposés sur les marchés réglementés seront donc considérés comme des produits dérivés cotés et, à ce titre, soumis à l’obligation de compensation des produits dérivés cotés par une contrepartie centrale, conformément à l’article 29 du règlement MiFIR.

Selon les constatations de l’AEMF, le marché européen des produits dérivés consiste principalement en produits de gré à gré. À la fin juin 2016, le volume global du marché des produits dérivés cotés représentait un peu plus de 10 % du marché global des produits dérivés, qui est lui-même en déclin depuis 2008 13 . Du point de vue de l’encours notionnel, le marché des produits dérivés cotés se compose principalement de produits dérivés de taux d’intérêt, répartis en 60 % d’options et 40 % de contrats à terme.

L’évaluation des risques effectuée par l’AEMF met aussi en évidence une baisse significative et constante, depuis quelques années, du pourcentage de l’encours notionnel compensé chaque jour pour les produits dérivés cotés, avec un glissement progressif vers des instruments à échéance plus longue.

L’AEMF décrit en outre les marchés européens des produits dérivés cotés comme étant hautement concentrés, au niveau tant de la négociation que de la compensation, à quoi s’ajoute une infrastructure verticalement intégrée du marché, où les structures de négociation et de compensation dominantes font partie des mêmes groupes intégrés. En 2014, la principale contrepartie centrale pour ce qui est du nombre de transactions sur produits dérivés cotés compensés détenait une part de marché de 58 %, tandis que les trois plus grandes contreparties centrales détenaient ensemble 90 % du marché. Plusieurs petits acteurs se partagent les parts de marché restantes.

L’AEMF conclut de son analyse de la structure du marché que celui-ci est encore plus concentré du point de vue des catégories d’actifs, avec plus de 70 % de la valeur des produits dérivés cotés sur actions qui se négocie sur une seule bourse, tandis qu’une autre traite quelque 80 % des produits dérivés cotés sur obligations, toujours du point de vue de la valeur négociée.

Le cas des produits dérivés cotés sur matières premières est légèrement différent – à l’exception des produits dérivés cotés sur l’énergie –, puisque les marchés concernés se caractérisent par un degré de spécialisation élevé et peu de chevauchement entre les plates-formes de négociation et contreparties centrales.

Parallèlement, sur le marché de gré à gré, l’application en cours de l’obligation de compensation prévue par le règlement EMIR a déjà contribué et continuera à centraliser une part importante de la compensation des contrats dérivés négociés de gré à gré. Sur la base des normes techniques de réglementation élaborées par l’AEMF au titre du règlement EMIR, la Commission européenne a en effet déjà adopté des actes délégués sur la compensation centralisée des contrats d’échange de taux d’intérêt (libellés en UR, GBP, JPY, USD, NOK, PLN et SEK) et des contrats d’échange sur risque de défaut (CDS) indiciels libellés en EUR 14 , portant à environ 70 % le volume des compensations sur le marché des produits dérivés de gré à gré dans ces catégories 15 . Il convient aussi de noter que, même si l’offre de compensation est très concentrée, six contreparties centrales différentes proposent des services de compensation pour les contrats d’échange de taux d’intérêt.

La Commission prend note de ce que : i) les produits dérivés de taux d’intérêt représentent la plus grande part du marché des produits dérivés cotés; ii) l’obligation de négociation au titre du règlement MiFIR pourrait faire entrer une partie des produits dérivés de taux d’intérêt dans la définition des produits dérivés cotés; iii) l’obligation de compensation au titre du règlement EMIR s’applique déjà aux contrats d’échange de taux d’intérêt; et iv) malgré la concentration du marché, six contreparties centrales différentes se partagent le marché des produits dérivés de taux d’intérêt. La Commission rejoint donc les conclusions de l’AEMF selon lesquelles les produits dérivés de taux d’intérêt constituent la catégorie d’actifs la plus pertinente pour l’appréciation des conséquences de l’application des dispositions relatives à un accès ouvert et non discriminatoire pour les produits dérivés cotés.

5.ÉVALUATION DES RISQUES AFFÉRENTS AUX DISPOSITIONS RELATIVES À UN ACCÈS OUVERT ET NON DISCRIMINATOIRE POUR LES PRODUITS DÉRIVÉS COTÉS

Bien que les dispositions sur l’accès ouvert au titre du règlement MiFIR ne soient pas encore en application, l’AEMF rapporte que certaines contreparties centrales et plates-formes de négociation de l’EEE ont déjà élaboré et utilisé avec succès des accords d’accès portant sur les produits dérivés cotés ou les produits dérivés de gré à gré 16 . L’AEMF considère que les accords d’accès appliqués par les infrastructures du marché en vertu des dispositions du règlement EMIR 17 n’ont jusqu’à présent pas entraîné de risque systémique notable, et ce malgré le fait que les produits dérivés de gré à gré sont généralement moins normalisés et plus complexes que les produits dérivés cotés.

Cependant, la Commission européenne partage le point de vue exposé par l’AEMF dans son évaluation selon lequel les accords d’accès existants pour les produits dérivés cotés peuvent encore, en principe, engendrer des risques susceptibles de mettre en péril le fonctionnement harmonieux et ordonné des marchés ou d’accentuer le risque systémique.

Dans cette perspective, et compte tenu de l’évaluation des risques macroprudentiels du CERS, l’AEMF souligne une série de risques potentiels qui pourraient résulter de l’application des dispositions relatives à un accès ouvert et non discriminatoire aux produits dérivés cotés en vertu du règlement MiFIR.

5.1 Risque découlant d’un accès ouvert et non discriminatoire au niveau de la contrepartie centrale

Un accès ouvert et non discriminatoire aux contreparties centrales garantira aux plates-formes de négociation la possibilité de faire compenser leurs transactions par la contrepartie centrale de leur choix. C’est un aspect particulièrement pertinent dans le contexte de l’application prévue de l’obligation de négociation, qui fera entrer de nombreux produits dérivés de gré à gré dans le champ d’application des dispositions du règlement MiFIR relatives à un accès ouvert et non discriminatoire et qui pourrait s’accompagner de l’arrivée de nouvelles plates-formes de négociation sans aucun accès aux contreparties centrales verticalement intégrées. Comme l’a indiqué l’AEMF dans son évaluation des risques, les coûts de négociation et de compensation sont étroitement liés. Les participants au marché évaluent conjointement le coût de négociation sur une plate-forme et les coûts de compensation associés. Une plate-forme de négociation ne peut être compétitive si elle n’est pas en mesure de donner accès à des coûts de compensation attractifs. Sans ces dispositions, le marché ne serait pas accessible à de nouvelles plates-formes de négociation non intégrées verticalement, qui seraient dès lors empêchées de favoriser un marché plus concurrentiel et moins concentré.

Risque de concentration

Compte tenu de ces objectifs, la Commission partage l’avis de l’AEMF selon lequel l’un des principaux risques associés aux dispositions relatives à un accès ouvert et non discriminatoire pour les produits dérivés cotés consiste en un nouveau risque de concentration («point unique de défaillance»). Dans ce scénario, la possibilité offerte aux plates-formes de négociation de choisir leur contrepartie centrale pourrait aboutir à une situation où la contrepartie centrale la plus attrayante pour une catégorie spécifique de produits dérivés cotés ou d’actifs deviendrait la seule chambre de compensation centralisée. Cette situation pourrait également survenir lorsque, dans le but de maximiser l’efficacité de la compensation et de réduire les obligations de garantie, les participants au marché optent pour une contrepartie centrale unique (la plus grande).

Toutefois, compte tenu de la structure et de la dynamique du marché et de la concurrence, ce scénario paraît improbable. L’AEMF indique notamment qu’un basculement d’une telle ampleur en faveur d’une seule contrepartie centrale se heurterait à la crainte d’une augmentation des frais de compensation perçus par cette contrepartie centrale auprès de tous ses membres, qui lui ôterait tout attrait. De plus, un niveau élevé de concentration exposerait le système financier à un point unique de défaillance, entraînant un risque de conséquences systémiques et d’impossibilité pour les participants au marché de transférer efficacement leurs positions vers une autre contrepartie centrale en cas de besoin.

La Commission s’accorde aussi avec le CERS et l’AEMF à constater que le marché de la compensation est déjà très concentré dans l’Union, certains produits dérivés cotés ou catégories d’actifs étant exclusivement ou majoritairement compensés par une seule contrepartie centrale. Indépendamment de l’application des dispositions relatives à un accès ouvert et non discriminatoire, on peut même s’attendre à un renforcement de la concentration à l’avenir, du fait de «la croissance commerciale “naturelle” des activités d’une contrepartie centrale quand ses services correspondent aux préférences des participants au marché» 18 .

À l’inverse, il pourrait être avancé que la concentration actuelle s’explique par l’existence de barrières à l’entrée que les règles en matière d’accès ouvert et non discriminatoire sont censées aplanir. En fait, lorsque les contreparties centrales peuvent demander un accès ouvert et non discriminatoire à une plate-forme de négociation en application des dispositions du règlement MiFIR, les barrières à l’entrée de nouvelles contreparties centrales s’en trouvent diminuées.

La Commission observe que le règlement EMIR et le règlement MiFIR prévoient des mesures de sauvegarde pour éviter ce risque de concentration. Premièrement, les contreparties centrales sont soumises à régulation par les autorités compétentes au titre du règlement EMIR, qui énonce des normes organisationnelles, des règles de conduite, des exigences prudentielles et macroprudentielles. Deuxièmement, le règlement MiFIR permet aux autorités compétentes de refuser l’accès à une contrepartie centrale si cet accès est susceptible de mettre en péril le fonctionnement harmonieux et ordonné des marchés, d’accentuer le risque systémique ou de requérir un accord d’interopérabilité.

Risque opérationnel

Un autre aspect important est celui du risque excessif que la contrepartie centrale ne serait pas en mesure de gérer en ce qui concerne le volume escompté des transactions d’une plate-forme de négociation donnée, les risques et la complexité opérationnels, ainsi que d’autres facteurs de risques excessifs importants 19 . L’AEMF considère qu’il pourrait éventuellement en résulter une augmentation du risque systémique en raison des conséquences pour les membres compensateurs d’autres contreparties centrales.

À cet égard, parallèlement aux dispositions du titre IV du règlement EMIR en matière d’organisation, de code de conduite et d’exigences prudentielles, le règlement MiFIR permet aux contreparties centrales de refuser l’accès si, après avoir fait tous les efforts raisonnables pour gérer ces risques, elles estiment qu’il existe des risques excessifs qu'elles ne peuvent gérer 20 .

Compte tenu des considérations exposées ci-dessus, la Commission considère que les dispositions du règlement MiFIR relatives à un accès ouvert et non discriminatoire aux contreparties centrales pour les produits dérivés cotés sont de nature à exercer un impact général positif sur le marché. Et dans les cas où des risques potentiels résultant de ces dispositions ne peuvent être ignorés, la Commission considère que le règlement MiFIR et le règlement EMIR établissent déjà des mesures de sauvegarde efficaces destinées à atténuer les risques opérationnels excessifs pour les contreparties centrales ou à éviter d’accentuer le risque systémique.

5.2 Risque découlant d’un accès ouvert et non discriminatoire au niveau de la plate-forme de négociation

Un accès ouvert et non discriminatoire aux plates-formes de négociation permet aux contreparties centrales de compenser des transactions conclues sur les plates-formes de négociation de leur choix. Au-delà de la promotion d’un environnement plus concurrentiel, cette disposition vise à donner aux membres d’une plate-forme de négociation la possibilité de choisir la contrepartie centrale par laquelle ils souhaitent faire compenser leurs transactions, y compris lorsque la contrepartie centrale et la plate-forme de négociation sont verticalement intégrées au sein du même groupe.

Cela peut être particulièrement profitable pour les participants au marché qui veulent maximiser l’efficacité de la compensation et réduire les exigences de garantie pour leurs positions sur différentes plates-formes de négociation.

En outre, du point de vue de la stabilité financière, la Commission rejoint l’avis de l’AEMF et du CERS selon lequel un environnement caractérisé par de multiples contreparties centrales contribue à réduire le risque systémique en offrant des solutions de remplacement en cas de défaillance. Si une contrepartie centrale liée à une plate-forme de négociation est en difficulté, les autres contreparties centrales liées à cette plate-forme de négociation seraient en mesure de prendre le relais.

Risques afférents aux accords d’interopérabilité

L’article 2 du règlement EMIR définit l’accord d’interopérabilité comme un accord entre deux contreparties centrales ou plus prévoyant une exécution des transactions entre leurs systèmes. De tels accords visent à garantir que deux contreparties centrales ou plus puissent faire face aux expositions entre elles en raison du fait qu’elles compensent les transactions de leurs participants entre les contreparties centrales liées.

En l’absence d’accord d’interopérabilité, les membres détenant des positions sur différentes contreparties centrales seraient exposés à des inefficacités en matière de compensation, à des obligations de garantie plus élevées et à une fragmentation des liquidités. L’intérêt d’un environnement comportant de multiples contreparties centrales s’en trouverait réduit pour les participants au marché. Du point de vue du risque systémique, l’AEMF souligne dans son évaluation qu’un tel scénario aurait en outre pour effet d’accentuer la procyclicité.

La plupart des risques décrits ci-dessus disparaîtraient si les différentes contreparties centrales liées à une plate-forme de négociation avaient recours à des accords d’interopérabilité. Cependant, la Commission prend note de la préoccupation majeure exprimée par le CERS à propos du risque associé à la multiplication éventuelle de ces accords d’interopérabilité du fait de l’application des dispositions en matière d’accès ouvert et non discriminatoire aux produits dérivés cotés. En effet, les accords d’interopérabilité conclus au titre du règlement EMIR ne s’appliquent qu’aux valeurs mobilières et aux instruments du marché monétaire. L’AEMF et le CERS signalent en outre que leur utilisation dans le contexte des produits dérivés cotés pourrait introduire un degré de complexité et de risque considérable inhérent aux caractéristiques des produits dérivés, et pourrait avoir des conséquences préjudiciables sur l’ensemble de la gestion du risque opérationnel au niveau de la contrepartie centrale.

La Commission considère cependant que le règlement MiFIR introduit des mesures de sauvegarde destinées à atténuer ces risques de manière appropriée. Premièrement, conformément à l’article 36, paragraphe 4, point a), les autorités compétentes refusent l’accès à la contrepartie centrale si cet accès est susceptible de requérir un accord d’interopérabilité. Un tel accord ne pourrait donc être conclu qu’entre les différentes contreparties centrales de la transaction et la plate-forme de négociation qui l’ont approuvé. Deuxièmement, si l’accord d’interopérabilité était susceptible de mettre en péril le fonctionnement harmonieux et ordonné du marché, les autorités compétentes refuseraient quand même l’accès à la plate-forme de négociation.

Risque opérationnel

Les risques opérationnels résultant de la complexité ou du volume escompté des transactions, ainsi que d’autres facteurs de risques excessifs importants, sont également pris en considération dans le règlement MiFIR.

Dans un tel cas, conformément à l’article 36, paragraphe 6, du règlement MiFIR et selon les dispositions énoncées en détail dans les normes techniques de réglementation concernant l’accès à la compensation des plates-formes de négociation et des contreparties centrales 21 , la plate-forme de négociation peut refuser l’accès.

6.CONCLUSION

La Commission observe que les dispositions du règlement EMIR relatives à un accès ouvert et non discriminatoire s’appliquent déjà aux produits dérivés de gré à gré, aux valeurs mobilières et aux instruments du marché monétaire sans exemptions temporaires. Selon l’évaluation de l’AEMF, il apparaît que ces accords d’accès n’ont pas causé de risque systémique notable. Il convient de mentionner, à cet égard, que les produits dérivés de gré à gré sont généralement moins normalisés et plus complexes que les produits dérivés cotés. Par conséquent, on peut s’attendre à ce que l’application aux produits dérivés cotés des dispositions du règlement MiFIR relatives à un accès ouvert et non discriminatoire n’entraîne pas davantage de complexité que dans le cas des produits dérivés de gré à gré.

La mise en œuvre d’un accès ouvert et non discriminatoire aux produits dérivés cotés en vertu du règlement MiFIR pourrait néanmoins donner lieu à des risques éventuellement susceptibles de mettre en péril le fonctionnement harmonieux et ordonné des marchés ou d’accentuer le risque systémique. En particulier, le présent rapport fait ressortir un certain nombre de risques potentiels, et notamment des risques liés i) à la concentration de l’activité de négociation et de compensation dans des groupes verticalement intégrés, et ii) à la multiplication possible d’accords d’interopérabilité qui augmenterait considérablement le niveau de complexité dans la gestion générale des risques des contreparties centrales interopérables.

Après avoir examiné ces risques, la Commission considère que le cadre réglementaire actuel du règlement MiFIR et du règlement EMIR tient correctement compte des risques potentiels recensés. Non seulement les contreparties centrales sont soumises à régulation par des autorités compétentes, mais elles sont en outre soumises à des normes organisationnelles, des règles de conduite ainsi que des exigences prudentielles et macroprudentielles énoncées par le règlement EMIR. Parallèlement, le règlement MiFIR donne aux contreparties centrales, aux plates-formes de négociation et aux autorités compétentes la possibilité de refuser l’accès aux infrastructures concernées, comme l’exposent en détail les normes techniques de réglementation concernant l’accès à la compensation des plates-formes de négociation et des contreparties centrales, en cas de risque pour la contrepartie centrale, la plate-forme de négociation ou le marché.

Sur cette base, la Commission conclut qu’il n’est pas nécessaire d’exclure temporairement les produits dérivés cotés du champ d’application des articles 35 et 36 du règlement MiFIR.

(1)

AEMF, Risk Assessment on the temporary exclusion of exchange-traded derivatives from Articles 35 and 36 MiFIR, 4 avril 2016, https://www.esma.europa.eu/sites/default/files/library/2016-461_etd_final_report.pdf  

(2)

ESRB response to ESMA on the temporary exclusion of exchange-traded derivatives from Articles 35 and 36 of MiFIR, 9 février 2016, https://www.esrb.europa.eu/pub/pdf/other/160210_ESRB_response.pdf?b34727f97ef6c1ef3a9fd58f3d67035e  

(3)

Article 29, paragraphe 1, du règlement MiFIR.

(4)

Article 2, point 7), du règlement EMIR.

(5)

Article 2, point 32), du règlement MiFIR.

(6)

Article 35, paragraphes 1 et 4, et article 36, paragraphe 4, du règlement MiFIR.

(7)

Article 35, paragraphe 6, point a), et article 36, paragraphe 6, point a), du règlement MiFIR.

(8)

Règlement délégué de la Commission du 24 juin 2016 complétant le règlement (UE) nº 600/2014 du Parlement européen et du Conseil par des normes techniques de réglementation concernant l’accès à la compensation des plates-formes de négociation et des contreparties centrales.

(9)

Voir mandat d’élaboration de projets de normes techniques de réglementation confié à l’AEMF en vertu de l’article 35, paragraphe 6, et de l’article 36, paragraphe 6.

(10)

Article 36, paragraphe 5, du règlement MiFIR.

(11)

Conformément à l’article 36, paragraphe 5, du règlement MiFIR, une plate-forme de négociation qui demeure en-deçà du seuil de 1 000 000 millions d’EUR pour le montant notionnel annuel négocié des produits dérivés cotés au cours des trente premiers mois de la période de non-participation peut bénéficier d’une période de non-participation de trente mois supplémentaires.

(12)

L’obligation de négociation visée à l’article 28 du règlement MiFIR est considérée comme remplie si la transaction est conclue sur un marché réglementé, mais aussi sur des systèmes multilatéraux de négociation et des systèmes organisés de négociation.

(13)

Voir l’enquête triennale de la Banque des règlements internationaux auprès des banques centrales (Bank for International Settlements, Triennial Central Bank Survey, Monetary and Economic Department), «OTC derivatives positions at end-June 2016», tableau 1, 11 décembre 2016, http://www.bis.org/publ/otc_hy1612/triensurvstatannex.pdf  

(14)

Règlement délégué (UE) 2015/2205 de la Commission du 6 août 2015 complétant le règlement (UE) nº 648/2012 du Parlement européen et du Conseil par des normes techniques de réglementation en ce qui concerne l’obligation de compensation; règlement délégué (UE) 2016/592 de la Commission du 1er mars 2016 complétant le règlement (UE) nº 648/2012 du Parlement européen et du Conseil par des normes techniques de réglementation sur l’obligation de compensation; règlement délégué (UE) 2016/1178 de la Commission du 10 juin 2016 complétant le règlement (UE) nº 648/2012 du Parlement européen et du Conseil par des normes techniques de réglementation en ce qui concerne l’obligation de compensation.

(15)

La mise en œuvre progressive a débuté le 21 juin 2016; voir l’évaluation des risques de l’AEMF, Risk Assessment on the temporary exclusion of exchange-traded derivatives from Articles 35 and 36 MiFIR, 4 avril 2016, figure 11, p. 10.

(16)

Voir l’évaluation des risques de l’AEMF, Risk Assessment on the temporary exclusion of exchange-traded derivatives from Articles 35 and 36 MiFIR, 4 avril 2016, tableau 2, p. 16.

(17)

Articles 7 et 8 du règlement EMIR.

(18)

 ESRB response to ESMA on the temporary exclusion of exchange-traded derivatives from Articles 35 and 36 of MiFIR, 9 février 2016, p. 4.

(19)

Article 35, paragraphe 6, point a), du règlement MiFIR.

(20)

Section 1, articles 1er à 4, du règlement délégué de la Commission du 24 juin 2016 complétant le règlement (UE) nº 600/2014 du Parlement européen et du Conseil par des normes techniques de réglementation concernant l’accès à la compensation des plates-formes de négociation et des contreparties centrales.

(21)

Section 2, articles 5 à 8, du règlement délégué de la Commission du 24 juin 2016 complétant le règlement (UE) nº 600/2014 du Parlement européen et du Conseil par des normes techniques de réglementation concernant l’accès à la compensation des plates-formes de négociation et des contreparties centrales.